Rapport d'information n° 249 (2001-2002) de MM. Hubert HAENEL , Maurice BLIN , Serge LAGAUCHE et Serge VINÇON , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 19 février 2002

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N° 249

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 février 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur la répartition des compétences entre l'Union européenne et les États membres ,

Par MM. Hubert HAENEL, Maurice BLIN, Serge LAGAUCHE

et Serge VINÇON,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; M. Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean François-Poncet, Lucien Lanier, vice-présidents ; M. Hubert Durand-Chastel, secrétaire ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin, Gilbert Chabroux, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Émin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe François, Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour, Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Union européenne.

SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

(Réunion du 6 février 2002)

« Comment établir, et maintenir ensuite, une délimitation plus précise des compétences entre l'Union européenne et les États membres, qui soit conforme au principe de subsidiarité ? »

C'est là un des quatre thèmes de réflexion - à côté de la simplification des traités, du statut de la Charte des droits fondamentaux et du rôle des parlements nationaux - retenus par la déclaration relative à l'avenir de l'Union qui a été annexée au traité de Nice. Ces quatre thèmes devaient constituer les axes du débat préparatoire à la Conférence intergouvernementale qui doit être convoquée en 2004.

Ayant traité de la simplification des traités et du statut de la Charte des droits fondamentaux à l'occasion de mon rapport sur « l'idée d'une Constitution pour l'Union européenne » et du rôle des parlements nationaux avec le rapport de Daniel Hoeffel sur « une deuxième chambre européenne » , la délégation du Sénat a estimé nécessaire de se pencher sur ce problème de la répartition des compétences. Ce sujet peut paraître fort abstrait, mais il recouvre des réalités très concrètes qui provoquent parfois des réactions vives de la part de nos concitoyens.

Comme le souligne très justement la déclaration sur l'avenir de l'Europe adoptée par le Conseil européen de Laeken :

« Le citoyen nourrit souvent à l'égard de l'Union européenne des attentes auxquelles elle ne répond pas toujours ; à l'inverse, il a parfois l'impression que l'Union en fait trop dans des domaines où son intervention n'est pas toujours indispensable. Il faut donc rendre plus claire la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, la simplifier et l'ajuster à la lumière des nouveaux défis auxquels l'Union est confrontée. Pour ce faire, on peut aussi bien restituer certaines tâches aux États membres que confier de nouvelles missions à l'Union ou élargir les compétences actuelles. »

Les diverses tentatives d'aborder cette question de manière globale en tentant de dresser un catalogue exhaustif des compétences exclusives et des compétences partagées n'a guère permis jusqu'ici de progresser véritablement vers une solution opérationnelle. C'est pourquoi, optant pour une démarche plus pragmatique et plus modeste, nous avons choisi d'examiner quelques domaines d'action précis de la Communauté afin d'établir un bilan de l'activité de cette dernière et de dégager des orientations, pour chacun de ces domaines, en vue d'une meilleure délimitation des compétences.

Bien entendu, il n'était pas question pour la délégation d'examiner, un à un, tous les domaines d'action de la Communauté, pour examiner dans quelle mesure une meilleure répartition des compétences était possible. L'exercice aurait été démesuré. Il était plus intéressant et plus réaliste de s'en tenir à quelques domaines particulièrement controversés, pouvant servir d'exemple. Dans cet esprit, nous avons retenu trois domaines :

- la culture , qui a fait l'objet d'une étude de Maurice Blin ;

- l' environnement , qui suscite des difficultés nombreuses et qui a fait l'objet d'une étude de Serge Vinçon ;

- enfin, l' éducation , qui a fait l'objet d'une étude de Serge Lagauche.

Quels enseignements de portée plus générale peut-on tirer de ces trois exemples ?

1 . D'abord, qu' il paraît très difficile de définir des blocs de compétences permettant d'attribuer clairement certaines compétences à l'Union et certaines autres aux États membres.

L'idée de définir des blocs de compétences a été défendue par le passé par d'excellents européens. Par exemple, devant la délégation même, Jacques Delors a souhaité que l'on réduise la « zone grise » des compétences partagées et que l'on parvienne, au contraire, à mieux préciser les compétences exclusives de l'Union et les compétences exclusives des États membres. Il en tirait la conclusion que, par exemple, la culture et l'éducation devraient être des compétences exclusives des États membres. Cela n'empêcherait pas une coopération européenne dans ces domaines, nous avait-il précisé, mais la Communauté en tant que telle, avec ses institutions et ses procédures, n'avait pas, selon lui, à intervenir dans ces domaines.

C'est une vision séduisante par sa clarté, mais les communications que nous ont présentées Maurice Blin et Serge Lagauche suggèrent une autre conclusion. Nous voyons bien que, dans le domaine de la culture comme dans celui de l'éducation, la Communauté a une vraie responsabilité à exercer :

- en matière de culture, elle doit intervenir activement pour encourager les échanges entre pays membres, les traductions, la circulation des artistes et des oeuvres, cette action étant le pendant, à l'intérieur de l'Europe, de la défense de l'« exception culturelle » vis-à-vis de l'extérieur ;

- en matière d'éducation, elle doit agir pour développer fortement la mobilité des étudiants et des enseignants, ainsi que le plurilinguisme.

Ainsi, même dans les domaines que l'on pourrait songer à exclure en bloc du champ d'action communautaire, il s'avère qu'une intervention de la Communauté est en réalité très souhaitable, voire indispensable, si l'on veut poursuivre certains objectifs.

Donc le premier enseignement de nos travaux me paraît être qu' une approche par bloc de compétences n'est pas adaptée à la construction européenne. On ne peut espérer tracer une frontière entre les compétences de l'Union et celles des États membres, ce qu'en termes juridiques, on appelle le « fédéralisme dualiste » ; la construction européenne relève plutôt du « fédéralisme coopératif » où les compétences sont très largement partagées.

Cela doit conduire à ne pas nourrir trop d'illusions quant à la simplification des traités. C'est un des objectifs retenus par la déclaration de Nice, et, naturellement, nous souhaitons tous que les traités soient aussi simples que possible. Mais à partir du moment où l'on ne peut espérer définir des blocs de compétences, il faut reconnaître que les traités ne peuvent non plus être grandement simplifiés. On peut sûrement parvenir à une présentation plus claire, mais sûrement pas aux formules lapidaires du Code Napoléon.

2. Faut-il pour autant renoncer à la meilleure répartition des compétences ? Ce n'est pas, me semble-t-il, ce qui ressort de nos travaux. Au contraire, ceux-ci suggèrent un deuxième enseignement, à savoir que la rédaction des traités n'est pas satisfaisante .

Les analyses de nos rapporteurs montrent que les interventions communautaires ne sont réellement utiles que pour certains objectifs. J'ai déjà évoqué ce problème dans les cas de l'éducation et de la culture. Si l'on prend maintenant le domaine de l'environnement, on voit qu'une intervention communautaire est nécessaire afin de définir des règles générales communes pour la lutte contre la pollution de l'air, la pollution de l'eau, ou encore la gestion des déchets ; en revanche, pour d'autres domaines, comme les eaux de baignade, la préservation des dunes ou les règles concernant les zoos, la nécessité d'une intervention communautaire paraît beaucoup plus douteuse.

Or, les traités sont rédigés de manière si vague qu'ils ne dégagent pas de véritables priorités et qu'ils peuvent servir de base à pratiquement n'importe quelle action. Le résultat, c'est que l'action communautaire a tendance à se disperser et, souvent, à se traduire par un saupoudrage de moyens sans réelle efficacité . Dans les trois grands domaines que nous avons examinés, il existe des programmes communautaires d'une utilité indiscutable dont les moyens sont limités, parce qu'ils doivent partager les financements communautaires avec d'autres programmes dont l'utilité est plus incertaine.

Cela nous a conduit à constater qu' il faudrait davantage marquer certaines priorités dans le texte même du traité . Les traités sont le seul guide dont nous disposons pour préciser le rôle de chacun. Je ne crois pas, je viens de le dire, à des traités beaucoup plus simples. Mais je crois qu'ils pourraient en revanche être moins vagues, qu'ils pourraient hiérarchiser davantage les objectifs au lieu de les juxtaposer.

3. Le troisième constat que l'on peut faire est l' insuffisante application du principe de subsidiarité .

Ce principe, bien compris, n'est pas destiné à brider l'action communautaire. Il prescrit certes à la Communauté de ne pas chercher à faire elle-même ce que les États membres peuvent tout aussi bien réaliser. Mais, en même temps, il aide la Communauté à être plus efficace en se concentrant sur ses vraies missions, celles pour lesquelles elle est la mieux placée.

Or, ce que nous avons constaté, c'est non seulement que la Communauté ne se concentre pas assez sur les missions qui lui incombent en propre, mais aussi qu'elle met en oeuvre, dans certains cas, des actions qui pourraient parfaitement relever des États membres ou de leurs collectivités locales. La Communauté subventionne des orchestres, finance la rénovation de bâtiments, réglemente la pose des compteurs d'eau, met en place des programmes d'amélioration des zones urbaines... Bien sûr, ces actions peuvent être tout à fait bonnes en elles-mêmes, mais il n'y a aucun bénéfice à les mener depuis Bruxelles.

Mieux vaut concentrer l'action européenne là où elle peut permettre d'atteindre des objectifs que les États membres - ou leurs collectivités - ne peuvent pas réaliser.

Une rédaction plus soignée des traités pourrait certes y aider. Mais elle ne suffirait pas endiguer la tendance à la dispersion des interventions communautaires, car cette tendance vient du fait qu' il n'existe, dans les institutions européennes, aucun garde-fou dans ce domaine.

D'où l'intérêt que présenterait un organe composé de parlementaires nationaux , quel que soit son nom - « seconde Chambre » comme l'a suggéré Daniel Hoeffel ou « Congrès des Parlements », comme l'a proposé le Premier Ministre - dont une des missions serait de tirer la sonnette d'alarme en matière de subsidiarité. Cette assemblée, qui serait une sorte de « COSAC renforcée » devrait pouvoir saisir la Cour de justice des Communautés européennes, conduisant ainsi la Commission, le Conseil et le Parlement à se montrer plus vigilants qu'aujourd'hui sur le respect de la subsidiarité .

En conclusion, je dirai qu'au travers des quelques domaines que nous avons examinés - domaines peu nombreux, mais très significatifs pour le problème posé - nous pouvons proposer des éléments de réponse à la question que le Conseil européen de Nice a adressé à la Convention et à la future CIG : « Comment établir, et maintenir ensuite, une délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les États membres, qui soit conforme au principe de subsidiarité ».

En réalité, il ne peut y avoir de frontière nette entre les compétences de l'Union et celles des Etats membres. Posé de cette manière, le problème est sans doute insoluble. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c'est aider l'Union à se concentrer sur les questions pour lesquelles elle est le meilleur échelon de décision. Cela suppose une rédaction des traités qui donne plus clairement qu'aujourd'hui des priorités à l'action communautaire. Et cela appelle la mise en place d'une instance parlementaire de vigilance, incitant la Communauté à ne pas multiplier inutilement les interventions.

Hubert Haenel

I. LE DOMAINE DE LA CULTURE (Réunion du 4 décembre 2001)

A. COMMUNICATION DE M. MAURICE BLIN

La culture constitue une question centrale du point de vue de la répartition des compétences. Certes, elle n'occupe qu'une place marginale au sein de l'Union européenne (1 ( * )) , mais l'importance des enjeux qu'elle soulève dépasse son poids relatif. La culture fait ainsi partie des domaines les plus souvent cités lorsqu'on aborde la question de la subsidiarité, en particulier en Allemagne.

Une réflexion sur « comment établir, et maintenir ensuite, une délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les Etats membres, qui soit conforme au principe de subsidiarité » , comme nous y invite la déclaration sur l'avenir de l'Union européenne, annexée au traité de Nice, ne pouvait donc faire l'impasse sur le sujet de la culture.

Pour ce faire, il est nécessaire de partir des dispositions du traité consacrées à la culture, avant d'évaluer l'action actuelle de l'Union européenne en matière culturelle au regard de sa compétence et du principe de subsidiarité, et de proposer éventuellement des améliorations afin d'aboutir à une répartition plus claire des compétences entre la Communauté et les Etats membres.

1. Le traité : les compétences de l'Union européenne en matière culturelle

La reconnaissance explicite de la culture comme compétence communautaire ne date que de 1992, soit plus de quarante ans après le début de la construction communautaire. C'est le traité de Maastricht qui a, pour la première fois, inséré dans le traité instituant la Communauté européenne un article relatif à la culture. Cet article, qui n'a été que légèrement modifié par le traité d'Amsterdam, a constitué récemment l'une des pierres d'achoppement des négociations de la dernière conférence intergouvernementale qui l'a, finalement, laissé inchangé.

a) Pendant longtemps le traité n'a reconnu aucune compétence culturelle à la Communauté.

Comment expliquer la longue absence de la culture dans les textes communautaires ?

La culture figurait pourtant au centre même du projet européen à ses débuts, notamment lors du Congrès de La Haye en 1948. Toutefois, si le Conseil de l'Europe s'est vu confier, dès 1949, un certain nombre de missions dans ce domaine, la culture restera pendant longtemps la parente pauvre de la construction communautaire qui privilégiera l'unification économique.

En réalité, l'exclusion de la culture du champ d'intervention communautaire découle de la sensibilité particulière de ce domaine. La culture est, en effet, étroitement liée à l'essence même de l'Etat nation et, dès lors, elle a été dès l'origine associée à l'unification politique . Les échecs successifs de cette voie, comme, par exemple, l'échec de la CED, ont donc contribué à exclure la culture du champ de la construction européenne, avec d'autres domaines régaliens, tels que la défense ou la justice, au profit du domaine économique selon la méthode des « petits pas ».

La culture, qui constitue pourtant le fondement même de la construction européenne, puisque l'Europe se définit moins par la géographie, que par la communauté de culture qui unit ses peuples, a donc été délibérément écartée par les pionniers de l'Union de l'Europe. Le succès de la formule attribuée à Jean Monnet « si c'était à refaire, je commencerais par la culture » , qui est apocryphe, provient directement de ce paradoxe.

A cette raison principale, s'ajoutaient également d'autres facteurs. D'une part, les « petits pays » sont restés très longtemps réticents à l'égard d'une action culturelle européenne, parce qu'ils craignaient un « impérialisme culturel » de leurs voisins.

D'autre part, certains Etats étaient méfiants à l'égard d'une « politique » culturelle , soit parce qu'ils déléguaient cette compétence à des organismes privés, tels le Royaume-Uni, soit parce que les compétences culturelles étaient le propre des régions, comme en République fédérale d'Allemagne. Ainsi, la création d'un ministère de la culture en France en 1959 et la politique volontariste conduite par ses titulaires successifs a fait figure d'exception en Europe. Ce n'est qu'en 1997-1998 qu'un ministère de la culture a été créé au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie.

La réticence de certains Etats à l'égard d'une compétence communautaire en matière culturelle s'est notamment illustrée par l'attitude des Länder allemands soucieux de préserver leurs compétences exclusives dans ce domaine. Ainsi, les initiatives de la Communauté dans le domaine audiovisuel, ont fait l'objet d'un recours de plusieurs Länder devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a rendu un arrêt le 22 mars 1995, sans se prononcer directement sur la répartition des compétences entre les trois niveaux de collectivités.

b) L'inclusion d'une compétence culturelle dans le traité
(1) Elle succède à un interventionnisme culturel exercé de fait par la Communauté.

La reconnaissance explicite d'une compétence en matière culturelle marque, en réalité, l'aboutissement d'une longue période où la Communauté est intervenue de manière diffuse dans le domaine de la culture .

Bien que ne disposant pas de base juridique pour mener cette action, et malgré les fortes réticences manifestées par certains Etats membres, la Communauté, sous l'impulsion de la Commission européenne et du Parlement européen, a consacré, dès la fin des années 1970, des efforts croissants dans ce domaine. Ainsi, en matière audiovisuelle, les deux instruments principaux, le programme MEDIA et la directive « Télévision sans frontières », ont été adoptés respectivement en 1986 et en 1989.

Comme le note un observateur avisé « ce n'étaient alors que les prémices d'une pratique depuis lors bien connue et qui consiste pour la Commission à contourner l'absence de dispositions expresses dans les traités et, par conséquent, à s'arranger de la volonté des Etats membres de ne pas transférer certaines compétences à la Communauté européenne en organisant des actions ayant pour but de faire participer directement les acteurs concernés à des activités a priori exclues des compétences communautaires » (2 ( * )).

L'inclusion dans le traité d'un article relatif à la culture , qui fit l'objet d'âpres discussions entre les Etats membres, doit donc moins être interprétée comme le signe d'une volonté affichée de mener une véritable action culturelle, voire une politique culturelle communautaire, mais plutôt comme la nécessité ressentie par les Etats membres d'encadrer une compétence culturelle exercée de facto par la Communauté.

(2) Elle manifeste les fortes réserves des Etats membres à l'égard d'une action culturelle européenne.

Ces réserves se manifestent d'abord par la définition d'objectifs ambigus.

Il ressort, en effet, du traité que « l'épanouissement des cultures des Etats membres » constitue la priorité de l'action communautaire qui doit pour cela respecter « leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun ». De même, lorsque le traité affirme le principe de la prise en compte de la culture dans l'ensemble des politiques communautaires, il répète que la finalité principale est bien de « respecter et promouvoir la diversité ».

Or, on ne peut que s'étonner que « l'épanouissement des cultures des Etats membres » soit le but essentiel assigné à l'Union, et non la mise en valeur de l'identité culturelle européenne, qui apparaît en quelque sorte dans le traité de manière accessoire.

Ce paradoxe s'explique, en réalité, par la crainte des Etats membres d'une éventuelle « politique culturelle uniformisante », menée par la Communauté, qui menacerait la spécificité des cultures nationales .

Les réserves des Etats membres expliquent également le refus de l'harmonisation des législations.

Le traité prend garde de mentionner explicitement que toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est exclue .

Il apparaît donc que, non seulement, la culture n'est pas une compétence exclusive, mais que, pour la Communauté, elle se situe même au plus bas de l'échelle des compétences partagées avec les Etats membres, puisque l'action communautaire se borne à encourager la coopération entre les Etats membres et, seulement le cas échéant, à appuyer et à compléter leur action dans certains domaines. De même, l'article 3 du traité instituant la Communauté, ne prévoit qu'une simple « contribution ».

Enfin, les Etats ont retenu, pour l'adoption d'actions culturelles, une procédure de décision lourde.

La procédure de décision en matière culturelle est, en effet, la plus lourde possible, puisqu'elle nécessite à la fois un accord complet entre le Conseil et le Parlement européen et l'unanimité au sein du Conseil.

Bref, tout se passe comme si la culture avait été introduite à contrecoeur dans les traités et qu'à partir du moment où elle y figurait, la principale préoccupation était de se prémunir contre des possibles excès de la part de Bruxelles.

Cela ne peut véritablement surprendre dès lors que l'on garde à l'esprit que, aux yeux de beaucoup d'observateurs, la diversité culturelle est un des éléments de l'identité et de la spécificité européennes.

(3) Son objectif paraît peu compatible avec le principe de subsidiarité.

C'est l'article 5 du traité instituant la Communauté qui définit de la manière la plus lapidaire les composantes du principe de subsidiarité. Il dispose en effet que :

« La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité.

Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire.

L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité. »

Or, du fait même que l'objectif principal défini par le traité pour l'action culturelle communautaire est de contribuer « à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun » , on voit mal quelles actions communautaires peuvent pleinement respecter, ou contredire, ce principe. A partir de quel moment peut-on considérer que « l'épanouissement des cultures des Etats membres » n'est pas réalisé de manière satisfaisante par les Etats ? Quelles actions communautaires, en raison de leurs dimensions ou de leurs effets, sont mieux susceptibles que des mesures nationales de contribuer à l'épanouissement des cultures des Etats membres ?

2. Les actions culturelles de la Communauté

Lorsqu'on examine les divers documents relatifs à l'action culturelle communautaire, on est frappé par la diversité et la multiplicité des actions dans ce domaine.

Cette multiplicité est d'abord présente dans les thèmes abordés : le patrimoine, le livre, les arts du spectacle, les arts visuels et les arts appliqués, le cinéma et la télévision, les nouvelles technologies, mais aussi la protection des mineurs, la qualité architecturale, etc. Aucun domaine de la culture n'échappe à l'Union.

Cette diversité se retrouve également dans les multiples sources de financement de la culture au niveau européen. Ainsi, le recueil élaboré par le Relais culture Europe, dans sa dernière édition, ne compte pas moins de 400 pages. Il s'agit là d'un indicateur, certes imparfait, mais qui montre l'étendue de la capacité d'intervention de l'Union dans le domaine culturel.

Enfin, une dernière difficulté vient du fait que l'immense majorité des actions entreprises par l'Union dans le domaine de la culture ne sont pas fondées sur l'article 151 qui traite de la culture, mais sont prises sur un autre fondement juridique. En particulier, la politique de la concurrence exerce un impact beaucoup plus important sur le secteur de la culture en Europe que les maigres programmes culturels. Comment peut-on alors évaluer l'action culturelle européenne au regard du seul article 151 ?

La Communauté intervient, en réalité, de deux manières très différentes dans le secteur de la culture. D'une part, elle met en oeuvre des programmes , qui visent à exercer une incitation financière en direction des opérateurs et des collectivités. Et, d'autre part, l'action de la Communauté comporte un aspect réglementaire , qui s'exerce par le biais de normes juridiques ou de décisions à caractère contraignant. Or, les conséquences de ces deux types d'actions sur la délimitation des compétences sont très différentes. En effet, s'il est relativement aisé de revenir sur un programme de financement, en revanche, il est beaucoup plus difficile d'abroger une norme juridique. D'autant plus, que, très souvent, la Communauté se réfère à des normes adoptées précédemment pour conférer une base juridique à de nouvelles normes par une sorte d' « effet d'entraînement ». Il s'exerce donc une sorte d' « effet de cliquet », en vertu duquel une compétence conférée par une norme à la Communauté ne peut plus être remise en cause.

a) Les programmes

Le programme « Culture 2000 » se veut l'instrument financier unique de la Communauté dans le domaine de la culture. Pourtant, la très grande majorité des fonds financiers européens consacrés à la culture sont le fait des fonds structurels, c'est-à-dire de la politique régionale et de cohésion. Alors, que le premier ne répond pas au souci d'efficacité contenu dans le principe de subsidiarité, les fonds structurels consacrés à la culture sont, quant à eux, plus problématiques du point de vue de leur légitimité.

(1) Culture 2000

Le programme « Culture 2000 », fondé sur l'article 151, permet à la Communauté d'accorder des subventions à des projets de coopération culturelle émanant de différents acteurs européens. Adopté pour une période de cinq ans (2000-2005), il a remplacé les anciens programmes « Raphaël », « Ariane » et « Kaléidoscope ». Néanmoins, « Culture 2000 » ne concerne pas les domaines de l'audiovisuel et des nouvelles technologies, qui sont couverts par les programmes « Media Plus » et « e -contenu ».

La naissance de ce programme a été très difficile, puisque les négociations ont duré plus de dix-huit mois. La difficulté principale portait sur le montant de l'enveloppe financière. En définitive, le budget alloué à « Culture 2000 » est inférieur à 34 millions d'euros par an, alors qu'il s'applique à l'ensemble des pays européens. Il représente donc une très faible part du budget communautaire, environ 0,03 %. Compte tenu de la relative modicité de sa dotation, on aurait pu penser qu'il serait très concentré autour de quelques grandes priorités.

Or, d'une part, on constate que ses objectifs, très nombreux, témoignent moins d'une approche cohérente que du souci de ne mécontenter aucun des lobbies culturels européens . Et, d'autre part, que le taux élevé de cofinancement (jusqu'à 60 %) aboutit à n'aider qu'un nombre limité de projets (un sur huit au titre des mesures préparatoires).

Par ailleurs, l'opposition entre le Conseil et le Parlement européen sur la conception même du programme a abouti à découper celui-ci en trois types d'actions de philosophie très différente. En effet, le premier type d'action vise à soutenir des petits projets ponctuels. Le second a pour objectif la constitution à long terme de réseaux culturels européens. Et le troisième volet regroupe des actions déjà existantes, telles que « les capitales européennes de la culture » ou les « prix européens ». En définitive, les financements accordés au titre de « Culture 2000 », lorsqu'ils ne font pas naître des déceptions, tendent à s'assimiler à un « saupoudrage » d'un intérêt réduit.

Ainsi, au titre de l'année 2000, parmi les très nombreux projets ayant reçu un soutien financier communautaire, on trouve pêle-mêle un programme visant à améliorer la connaissance de la littérature féminine du XXe siècle, un projet sur le rôle de l'artisanat à l'époque romaine, un programme sur l'Europe celtique, un autre sur les minorités ethniques et un centré autour de l'usine. Les « prix européens », comme le prix de l'Union européenne pour l'architecture contemporaine restent, quant à eux, confinés dans une confidentialité presque complète.

(2) Les fonds structurels

Bien que les fonds structurels ne retiennent pas la culture comme objectif prioritaire, les projets à dominante culturelle peuvent néanmoins s'inscrire dans ces dispositifs, dans la mesure où la culture est un élément du développement économique et social.

Ces projets peuvent être, par exemple, la rénovation de salles de théâtre ou de cinéma ou la restauration de monuments historiques. Ces réalisations les plus souvent mises en avant sont la restauration du quartier du Temple Bar à Dublin, la rénovation du quartier de la forge à Volklingen (Sarre) ou encore le parc archéologique d'Athènes. S'il est difficile d'isoler les actions spécifiquement culturelles, étant donné que les programmes sont globaux, pluriannuels et, pour la plupart régionalisés, il ne fait pas de doute, cependant, qu'eu égard à l'importance des montants des fonds structurels, ceux-ci représentent de loin la principale source de financement communautaire dans le domaine culturel. Ainsi, la part des fonds structurels consacrés à la culture est estimée à environ 400 millions d'euros par an, soit environ 0,4 % du budget communautaire. Or, si les fonds structurels représentent la première source de financement de l'action culturelle européenne, celle-ci n'a d'européenne que le nom. La plupart des progrès cofinancés par l'Union sont, en effet, à finalité régionale ou locale.

En veut-on quelques exemples criants ?

La Communauté a financé, dans le cadre du programme LEADER, plus de 300 projets, pour un montant d'environ un demi-million de livres anglaises, d'une région rurale du Sud du Pays de Galles. Parmi ces projets, on trouve le réaménagement des sentiers de randonnée pédestre, la réhabilitation du paysage rural, la rénovation de plusieurs monuments comme un hospice médiéval ou une brasserie. Par ailleurs, l'un des axes principaux était la protection de la langue galloise.

D'autres programmes concernent « la valorisation de la culture et du patrimoine rural », « l'aménagement des paysages », « la rénovation de villages », « la réhabilitation des cités ouvrières », etc.

Au titre du Fonds social européen (FSE), on trouve également de nombreux projets culturels destinés aux chômeurs, comme, par exemple, la construction d'un navire du XVIe siècle pour insérer des jeunes chômeurs sans qualification professionnelle.

Sous l'angle de la répartition des compétences, qui est ici le nôtre, il ne convient pas de s'interroger en soi sur l'intérêt de ces projets, mais sur le bien-fondé d'un financement par l'Union européenne plutôt que par un Etat membre ou une collectivité décentralisée. Or, à l'évidence, dans la mesure où ces projets ne présentent qu'une dimension nationale, régionale ou locale, nul ne peut dire qu'ils « ne peuvent être réalisés, de manière suffisante, par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action, être mieux réalisés au niveau communautaire » .

b) L'aspect réglementaire

A côté des mesures d'encouragement, l'action communautaire en matière culturelle prend aussi la forme de réglementations . Certes l'article 151 proscrit explicitement toute harmonisation en matière culturelle, mais cela n'a pas empêché la Communauté d'intervenir par ce biais, en se fondant sur d'autres dispositions du traité, comme les dispositions relatives au marché intérieur.

Là encore, dans le cadre qui est le nôtre aujourd'hui - c'est-à-dire la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres - il ne nous revient pas de nous prononcer sur le caractère souhaitable ou non souhaitable des normes adoptées, mais seulement sur le bien-fondé du recours à une norme communautaire plutôt qu'à une norme nationale.

Certaines normes, à l'évidence, doivent être prises au niveau communautaire parce que des réglementations purement nationales seraient de nature à fausser la concurrence ou seraient inopérantes parce que trop facilement détournées. Il en va ainsi de nombreuses directives relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins.

On peut estimer de même qu'il est logique que l'Union harmonise les législations nationales régissant le droit de suite au projet de l'auteur d'une oeuvre originale. On peut discuter de la solution retenue par l'Union européenne en faisant valoir que la concurrence en matière de commerce des oeuvres d'art est mondiale et que la mise en place d'un droit de suite dans l'ensemble des Etats membres, alors que les Etats-Unis ignorent ce droit, a pour effet de fausser la concurrence au profit des seuls Etats-Unis et au détriment de l'Europe. Mais on ne peut nier qu'une harmonisation au niveau européen est légitime et souhaitable.

Il en va de même de certaines dispositions relatives à l'audiovisuel dans la mesure où elles permettent la libre circulation des émissions de télévision dans l'Union européenne.

En revanche, on voit mal pourquoi l'Union européenne devrait décider que le prêt dans les bibliothèques doit être gratuit ou payant.

On ne voit pas davantage pourquoi, au nom de la libre concurrence, la Communauté devrait imposer aux Etats membres de renoncer au prix unique du livre. On peut être favorable ou non au prix unique du livre, mais on ne peut nier que sa motivation première est culturelle et qu'elle répond bien au souci d' épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité .

Si l'exclusion des biens et services à caractère culturel de l'application des règles de concurrence serait contre-productive, il semble néanmoins que l'application stricte des règles de concurrence en matière culturelle soit en contradiction avec les objectifs de l' action culturelle européenne, comme avec la défense de l'« exception culturelle » dans les relations extérieures de la Communauté.

En réalité, le paragraphe 4 de l'article 151 du traité instituant la Communauté européenne, qui énonce que « la Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions du traité, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures », est resté lettre morte.

3. Une délimitation plus précise des compétences en matière culturelle

a) Les positions en présence

Lorsqu'on examine les différentes prises de position des responsables politiques européens sur le sujet, on constate qu'une nette majorité d'entre eux, y compris ceux qui sont réputés être les plus favorables à la construction européenne, estiment que l'Union européenne n'a pas à s'occuper de la culture.

Ainsi, le Président Valéry Giscard d'Estaing considérait, dans le document de travail sur le « principe de subsidiarité » du Parlement européen, que la politique conduite vis-à-vis de la production littéraire, musicale, cinématographique, entre autres, ne devrait pas être affectée par la construction européenne. En conséquence, il classait la culture parmi les compétences qui ne devraient pas être enlevées aux Etats membres.

De la même manière, l'ancien président de la Commission européenne, M. Jacques Delors , a plusieurs fois pris position en faveur de l'exclusion de la culture des compétences communautaires.

Par exemple, lors de son audition par la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 20 juin 2001, il déclarait :

« Si on veut maintenir la cohésion nationale, l'éducation, la culture, la santé et la sécurité sociale doivent continuer à demeurer au niveau de la nation. Cela ne veut pas dire que l'on ne fera rien dans ces domaines, mais qu'il convient de recourir à la méthode intergouvernementale. Le choix d'harmoniser en Europe les études universitaires, avec trois cycles de 3, 5 et 8 ans, résulte ainsi d'une décision strictement intergouvernementale. Il n'est pas nécessaire de « communautariser » ces matières ».

Le Premier ministre belge, M. Guy Verhofstadt , ne dit pas autre chose lorsqu'il estime que, dans des domaines tels que la culture, l'enseignement et le sport, la responsabilité première doit rester aux Etats membres.

On pourrait penser que le Premier ministre français, M. Lionel Jospin , adopte une position contraire lorsque, dans son discours du 28 mai 2001, il appelle à la mise en place d'une politique culturelle européenne en déclarant :

« parce que la culture est vivante, il appartient à l'Europe de favoriser la création. La culture doit bénéficier d'une politique commune , conçue spécifiquement et non dominée par les règles de la concurrence et du marché intérieur. Dans cet esprit, je propose la mise en place, au niveau européen, de mécanismes de soutien à la création cinématographique audiovisuelle et informatique et celle de studios européens. Au moment où se multiplient dans tous nos pays les bouquets numériques, l'Europe devrait disposer d'une chaîne de télévision qui lui soit propre, sur le modèle réussi d'Arte ».

Mais cette position n'est nullement contraire aux précédentes. Elle consiste d'abord à réaffirmer que la culture ne doit pas être assujettie aux seules règles de la concurrence. Elle évoque ensuite quelques domaines où un financement communautaire peut réellement, du fait de sa dimension et de ses effets, apporter une plus-value par rapport à des actions nationales : soutiens à la création cinématographique, audiovisuelle et informatique, et à celle de studios européens. Enfin, il évoque une action spécifique - la mise en place d'une chaîne de télévision européenne sur le modèle d'Arte - qui, à l'évidence appelle une action intergouvernementale et non communautaire. C'est bien là l'ébauche d'un programme culturel européen qui respecte le principe de subsidiarité.

Il n'est pas possible, en effet de déterminer arbitrairement si la culture, en tant que telle, doit relever de l'échelon national ou de l'échelon européen, il paraît préférable et plus réaliste de partir du concret pour examiner si telle ou telle sorte d'action est plus efficace et légitime à mener au niveau strictement national, si elle peut faire l'objet d'une simple coopération intergouvernementale ou plutôt si elle doit être mise en oeuvre par la Communauté.

b) Une redéfinition de la compétence de l'Union en matière culturelle

Il ne convient pas ici d'avoir un « esprit de système », mais de voir concrètement ce que l'Europe pourrait apporter comme valeur ajoutée aux actions menées au niveau national en faveur de la culture ou aux actions conduites dans un cadre intergouvernemental.

A cet égard, lorsqu'on examine la situation actuelle, il est frappant de constater la très grande méconnaissance par les Européens des différentes cultures des autres Etats membres. Un ressortissant d'un pays membre serait généralement bien en peine de citer ne serait-ce qu'un seul grand auteur contemporain d'un pays voisin, surtout s'il s'agit d'un petit pays. Quant à la connaissance des cultures des pays candidats à l'adhésion, elle est à proprement parler infime. Un domaine résume à lui seul le paradoxe dans lequel se trouve l'Europe, celui de l'audiovisuel. De plus en plus, la véritable culture commune des Européens repose sur la culture nord-américaine, ou plutôt sur une pâle copie de celle-ci. D'ores et déjà, la part de marché du cinéma américain dans les pays européens varie entre les deux tiers et les trois quarts. Le reste est laissé au cinéma national, tandis que la production des autres pays européens n'occupe qu'une place résiduelle, de l'ordre de 7 %.

On pourrait constater le même phénomène dans d'autres domaines, comme les nouvelles technologies, à l'image d'Internet où les sites les plus consultés sont soit des sites nationaux, soit des sites américains. Même en matière musicale, où la langue n'est souvent pas un obstacle, les artistes reconnaissent qu'il est très difficile de se lancer dans une véritable carrière internationale.

Alors, que faire ?

Il ne convient pas de consacrer des fonds communautaires à encourager une création culturelle nationale, dont on sait à l'avance qu'elle n'aura qu'un impact limité hors de ses frontières. Ceci est du ressort des autorités nationales, non des autorités européennes.

Il ne convient pas davantage de continuer à réserver la plus grande partie des moyens financiers actuellement disponibles au niveau européen à soutenir des actions à vocation strictement locale ou régionale. Il apparaît, au contraire, que l'Union européenne apporterait une réelle « plus value » en matière culturelle, en favorisant, avant toute chose, les échanges, les rencontres et les croisements des différentes cultures .

Promouvoir les échanges entre les différentes cultures c'est appliquer le principe de la libre circulation aux artistes, d'une part, et aux biens et services culturels, d'autre part, mais c'est aussi encourager, par des programmes ciblés, tout ce qui peut favoriser ces échanges et qui ne peut être soutenu que par la Communauté.

Dans le premier cas, il s'agit plutôt de l'action réglementaire de l'Union européenne, comme par exemple l'harmonisation des droits d'auteur.

Alors que dans le second, ces actions pourraient prendre la forme de programmes de cofinancement destinés à encourager la création de rencontres ponctuelles ou l'émergence de véritables réseaux culturels européens.

Cependant, pour éviter les difficultés et les incohérences actuelles, l'aide qu'apporte la communauté devrait être complémentaire et non se substituer aux autres sources de financement, ce qui implique un taux de cofinancement réduit, et beaucoup plus concentrée autour de deux grandes priorités : la traduction et la promotion .

La traduction s'impose à l'évidence comme un domaine d'action prioritaire pour l'Union européenne étant donné l'absence d'une langue commune et compte tenu du coût élevé des frais d'interprétariat, de doublage et de sous-titrage ou de traduction. Et, même si on peut déplorer avec Milan Kundera, l'appauvrissement qu'elle représente, la traduction s'avère une nécessité impérieuse pour préserver la diversité culturelle européenne et éviter la domination de ce nouveau « volapûk » que constitue le « basic english ».

Le deuxième volet prioritaire devrait être l'aide à la promotion . En effet, la notoriété des oeuvres qui honorent la création européenne est dérisoire. Il convient donc d'encourager la promotion de ces oeuvres par des mécanismes de soutien au niveau communautaire. Ainsi, en matière audiovisuelle, « MEDIA Plus » devrait concentrer ses nombreuses priorités et ses moyens dispersés sur l'aide à la promotion des films européens non nationaux. De la même manière, « culture 2000 » pourrait encourager davantage l'organisation d'expositions itinérantes ou des tournées d'artistes européens. Mais cette action pourrait également prendre d'autres formes, comme des prix européens effectivement prestigieux, ou encore des manifestations de sensibilisation. On pourrait ainsi songer à une « semaine du cinéma européen », sur le modèle de la fête de la musique. Cette manifestation serait consacrée aux meilleurs films européens qui seraient programmés dans les salles de cinéma nationales. Les jeunes pourraient avoir accès à ces films pour un montant symbolique.

Tant en matière de traduction, que de promotion, les nouvelles technologies pourraient constituer un secteur d'intervention privilégié. Ainsi, l'accès au patrimoine culturel européen, c'est-à-dire aux bibliothèques, aux musées et aux archives des différents pays, suppose un effort de numérisation et d'harmonisation des normes techniques.L'Union européenne pourrait favoriser la mise en place d'un Groupement européen d'intérêt économique (GEIE) afin d'établir un annuaire européen des fonds numérisés à partir duquel pourrait être créé un portail culturel européen.

En revanche, tout le reste ne devrait pas relever d'une compétence communautaire. En particulier le soutien financier à des projets culturels à dimension uniquement locale ou régionale ou encore l'aide à la production cinématographique nationale ne paraissent pas justifiées au regard du principe de subsidiarité. Cela ne signifie pas que l'on ne fera rien à plusieurs, dans ces domaines ; d'autres actions pourront être menées, dans un cadre intergouvernemental, par les Etats qui le souhaiteront.

Dans cette perspective, et sans nécessairement entrer dans la polémique sur la réforme du mode de décision avec le passage à la majorité qualifiée, l'article 151 pourrait être modifié.

Cette réforme présenterait l'avantage de clarifier les objectifs de l'action culturelle communautaire, tout en établissant une délimitation plus précise des compétences qui soit conforme au principe de subsidiarité. Toutefois, « établir » une délimitation plus précise des compétences ne suffit pas, encore faut-il la « maintenir ensuite » , ainsi que nous y invite la déclaration annexée au traité de Nice.

Une nouvelle rédaction de l'article 151 du traité n'aurait pas une grande utilité si elle n'était pas suivie par une forte volonté politique de la part des institutions européennes d'assurer une meilleure prise en considération du principe de subsidiarité au niveau de chacune des interventions communautaires dans le domaine de la culture .

Or, on peut douter de cette volonté.

On peut se demander s'il n'est pas illusoire d'attendre une prise de conscience de la part des institutions communautaires actuelles et si seul un organe politique extérieur au système communautaire et doté de la légitimité suffisante ne se trouverait en mesure d'assurer un respect effectif du principe de subsidiarité dans le processus décisionnel lui-même .

En définitive, l'action de la Communauté en matière culturelle ne peut que gagner en légitimité et en efficacité à une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité. Or, l'union politique de l'Europe ne pourra se développer sans la prise de conscience de la communauté de destin, et d'abord de l'identité culturelle des nations qui la composent.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Maurice Blin :

La culture a été choisie pour ouvrir la réflexion de la délégation sur le thème de la délimitation des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, qui est l'un des quatre sujets mentionnés dans la déclaration sur l'avenir de l'Union annexée au traité de Nice. Ce choix résulte de bonnes et de moins bonnes raisons.

Certes, il y a peu de domaines à l'image de la culture où la compétence des Etats paraît aussi incontestable. Mais, la culture a été également reconnue, tardivement et avec de fortes réserves des Etats membres, comme une compétence communautaire. C'est le traité de Maastricht qui a - pour la première fois - inséré un article relatif à la culture dans le traité instituant la Communauté européenne.

Cependant, cette reconnaissance a été placée sous le signe de la contradiction. Il ressort, en effet, du traité, que « l'épanouissement des cultures des Etats membres » constitue la priorité de l'action communautaire, qui doit, pour cela, respecter « leur diversité nationale et régionale ». Le deuxième but assigné à l'Union, la mise en évidence de « l'héritage culturel commun » , est, quant à lui, un objectif second.

En réalité, l'action culturelle de la Communauté oscille en permanence depuis Maastricht entre les deux objectifs contradictoires que sont, d'une part, « l'épanouissement de la culture des Etats membres », et, d'autre part, l'affirmation d'une singularité européenne face au reste du monde, c'est-à-dire la mise en valeur par l'Europe d'une culture qui lui est propre face à la diffusion de la culture de masse d'origine nord-américaine.

Ainsi, si on prend l'exemple des programmes de financement consacrés à la culture par l'Union, ceux-ci ne représentent qu'environ 0,5 % du budget total de l'Union européenne. Et, sur ce faible pourcentage, les trois quarts sont issus des fonds structurels, dont la dimension européenne est parfois contestable, puisqu'ils ont une finalité régionale ou nationale. Le reste est consacré à des programmes, tels que Culture 2000 ou Media Plus, dont j'ai décrit les imperfections dans mon rapport sur l'Europe et la culture.

L'ambiguïté des objectifs assignés par le traité à l'action culturelle de la Communauté résulte des fortes réticences des Etats membres à l'égard d'une « politique culturelle européenne » qui s'expliquent par les grandes différences entre les Etats membres dans l'approche de la culture. Ainsi, pour simplifier, on peut distinguer les Etats où la culture est une affaire strictement privée, comme le Royaume-Uni, les Etats où elle est le propre des régions, à l'image de l'Allemagne, et les Etats où la culture a toujours entretenu des liens étroits avec le politique et l'Etat, comme la France.

Les réticences des Etats membres se manifestent dans la procédure de décision retenue pour l'adoption d'actions culturelles. Cette procédure est la plus lourde possible puisqu'elle nécessite, à la fois, un accord complet entre le Conseil et le Parlement et l'unanimité au sein du Conseil.

Dès lors, déterminer « comment établir une délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les Etats membres qui soit conforme au principe de subsidiarité », comme nous y invite la déclaration sur l'avenir de l'Union annexée au traité de Nice, conduit à partir de la « plus-value » que pourrait apporter l'Union européenne en matière culturelle.

Pour ce faire, je m'appuierai sur la distinction établie par le sociologue canadien McLuhan entre le message et le médium, c'est-à-dire entre le contenu et le contenant. Etant donné que l'Europe dispose déjà d'un important contenu culturel, et que la création est une affaire strictement privée, je pense que l'Europe devait principalement agir sur le contenant.

Ainsi, l'Union européenne devrait, avant toute chose, favoriser les échanges, les rencontres et les croisements des différentes cultures , car elles s'ignorent encore souvent. Cela passe par un soutien accru en matière de traduction, mais aussi par l'adoption de certaines normes communes, par exemple des normes techniques communes pour la numérisation des archives et des bibliothèques dont les réalisations sont très différentes selon les Etats. En revanche, on ne voit pas pourquoi, au nom de la libre concurrence, la Communauté devrait imposer aux Etats membres de renoncer au prix unique du livre ou menacer les aides nationales aux télévisions publiques.

L'Europe a aussi le devoir de contribuer à la prise de conscience par les citoyens européens de leur identité culturelle commune. Le patrimoine culturel européen est aujourd'hui insuffisamment mis en valeur car l'Europe est submergée par une culture de masse où les aspects techniques comptent plus que le contenu, à l'image des effets spéciaux dans le cinéma. Certes, il existe déjà des prix européens, à l'image du prix européen du cinéma, mais qui en connaît l'existence ? Il conviendrait donc d'encourager la promotion des oeuvres qui honorent la création européenne par des actions effectivement prestigieuses ou par des manifestations de sensibilisation. On pourrait imaginer, ainsi, de mettre en valeur certains héros de la littérature européenne, tels qu'Achille, Faust, Don Juan ou Don Quichotte. Une culture ne se décrit, en effet, qu'à travers de forts symboles. Ainsi, si l'Europe veut devenir le continent de la tolérance, elle doit valoriser le dialogue entre Erasme et Luther. La relation entre l'homme et la technique est parfaitement illustrée par le mythe de Faust. De même, le sport est, depuis la Grèce antique, et, reconnaissons-le, grâce aux Britanniques, une composante de la culture européenne. Il ne faut pas non plus négliger l'apport de la culture russe, avec en particulier Tolstoï et Dostoïevski. Qui pourrait réfléchir sur la guerre sans avoir lu « Guerre et paix » de Tolstoï ? Les grands auteurs de la culture européenne sont tous issus, en réalité, d'un « métissage culturel ». Je n'aime pas beaucoup ce mot utilisé par Michel Serres, car il a parfois une connotation péjorative, mais il rend bien compte des croisements entre les différentes cultures. Montaigne ne se comprend pas sans Epicure et le stoïcisme. Racine, sans les tragédies grecques. La culture allemande est typiquement issue de croisements culturels, à l'image de Leibnitz, Goethe, Nietzsche, Marx ou Freud. Il faudrait donc une sorte de « galerie de portraits » de grandes figures de la culture européenne.

Enfin, l'Europe pourrait mieux préparer les jeunes générations aux métiers culturels . Il existe aux Etats-Unis de nombreuses écoles qui forment aux métiers culturels, alors que, dans ce domaine, l'amateurisme prévaut encore en Europe.

En revanche, les autres actions pourraient être menées , dans un cadre intergouvernemental, par les Etats volontaires pour y participer, à l'image de la chaîne de télévision franco-allemande Arte. Il s'agit là, en réalité, d'une sorte de coopération renforcée, qui pourrait notamment se développer entre les pays latins. La fusion entre le groupe français Vivendi et le canadien Seagram, propriétaire d'Universal - c'est-à-dire entre le contenu culturel européen et le contenant nord-américain - montre que l'avenir de la culture en Europe ne relève pas seulement de la politique conduite par les Etats ou inspirée par la Commission. Elle dépend aussi de deux facteurs : le dynamisme et l'inventivité des créateurs, l'attitude qu'adopteront les grands groupes européens de communication.

Compte tenu de ces éléments, je vous propose de modifier l'article 151 du traité relatif à la culture de la façon suivante :

Traité instituant la Communauté européenne

Article 151

TEXTE ACTUEL

NOUVELLE REDACTION

1. La Communauté contribue à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun.

1.  La Communauté contribue, dans le respect du principe de subsidiarité, à l'amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l'histoire des peuples européens, qui sont les composantes du patrimoine et de l'héritage culturels européens. A cette fin, elle encourage la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, elle appuie et complète leur action .

2. L'action de la Communauté vise à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants :

- l'amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l'histoire des peules européens,

- la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne,

- les échanges culturels non commerciaux,

- la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel.

Supprimé

3. La Communauté et les Etats membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture, et en particulier avec le Conseil de l'Europe.

Alinéa sans modification

4. La Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions du présent traité, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures.

3. La Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions du présent traité. A cet effet, il peut être dérogé aux dispositions des articles 81 à 89 du traité.

5. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :

- statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 et après consultation du Comité des régions, des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres. Le Conseil statue à l'unanimité tout au long de la procédure visée à l'article 251 ;

Alinéa sans modification

- statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, des recommandations.

M. Jean-Paul Émin :

Pensez-vous que l'existence de plusieurs langues au sein de l'Union constitue un obstacle à une véritable politique culturelle européenne ?

Par ailleurs, la lourdeur des mécanismes de prise de décision en matière culturelle ne joue-t-elle pas un rôle dans le non-respect de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres ?

M. Maurice Blin :

Votre question sur le problème des langues relève plus, me semble-t-il, du thème de l'éducation, qui fera l'objet de nos prochains travaux sur la délimitation des compétences, que de celui de la culture. A cet égard, il est vrai que, s'il n'y a pas un sursaut en Europe, l'anglais sera de plus en plus l'unique langue véhiculaire. J'ai discuté aujourd'hui de ce sujet avec le nouvel ambassadeur d'Allemagne qui regrettait que seulement 10 % des jeunes Allemands et des jeunes Français apprennent la langue de leur voisin.

Sur la question des procédures, je partage tout à fait votre point de vue. Mais il y a aussi l'attitude de certains Etats membres, comme le Royaume-Uni, hostiles à toute intervention communautaire en matière culturelle.

M. Pierre Fauchon:

Compte tenu du caractère très réduit, presque symbolique, de la part du budget communautaire consacré à la culture qui aboutit souvent à un « saupoudrage », je pense qu'il faudrait exprimer le souhait que les financements disponibles soient réservés à des actions ayant effectivement une dimension européenne. Ne faudrait-il pas, par ailleurs, que l'Union européenne intervienne davantage dans le domaine du cinéma et de l'architecture ? Le système français d'avances sur recettes ne pourrait-il pas être transposé au niveau européen ? L'audiovisuel se prête bien en effet à la dimension internationale, notamment grâce au doublage et au sous-titrage.

M. Maurice Blin:

Je suis d'accord avec vous. Il faudrait peut-être inscrire dans le traité que l'Europe consacre au moins 1 % de son budget à la culture. En outre, en tant qu'élus locaux, beaucoup d'entre nous ont bénéficié de financements accordés par le biais des fonds structurels à des projets culturels. Certains de ces financements ont véritablement une dimension européenne, à l'image des financements accordés dans le cadre d'Interreg, qui ont un caractère transfrontalier. Je suis d'ailleurs en train de monter un projet entre mon département et la région wallonne qui porte sur l'accès des jeunes élèves des deux régions aux disciplines scientifiques et qui répond précisément à ce critère. Mais la plupart d'entre eux ont une dimension strictement nationale, voire locale. Recentrer ces fonds sur des projets véritablement européens ne sera pas, cependant, une chose aisée, car tout le monde y trouve son compte.

M. Pierre Fauchon:

Je ne partage pas tout à fait votre point de vue. J'ai pu constater moi-même le caractère évolutif et contraignant des fonds structurels européens à propos de la création d'un musée sur les croisades dans mon département. Les critères d'attribution des fonds structurels, qui ont beaucoup évolué depuis leur création, pourraient aisément être davantage centrés sur la dimension européenne des projets.

Mme Maryse Bergé-Lavigne :

Je voudrais faire une remarque à propos de la nouvelle rédaction que vous proposez de l'article du traité relatif à la culture. Je trouve en effet que le terme d'« identité » que vous proposez est plus réducteur que la notion d' « héritage », qui figure actuellement à l'article 151.

Je crois qu'il n'existe pas d'« identité culturelle européenne », mais une pluralité d'identités en Europe qui sont différentes. Je me considère moi-même comme l'héritière d'une culture méditerranéenne, mais de l'autre rive.

M. Maurice Blin :

Je pense, comme vous, que la notion d'« identité » est plus étroite que celle d'« héritage » car l'identité est finalement le résultat de plusieurs héritages, comme les individus sont le croisement de deux hérédités. Mais il ne convient pas d'opposer l'une à l'autre, car la première est en quelque sorte fille de la seconde. Je ne vois donc pas d'inconvénient à remplacer l'une par l'autre.

M. Hubert Haenel :

Je vous propose donc de remplacer le terme d'« identité culturelle européenne » par la notion de « patrimoine et d'héritage culturels communs ».

M. Jacques Bellanger:

Je voudrais rappeler que la technique ne peut être qu'un instrument au service de la culture. Par ailleurs, j'ai une réserve non pas à l'égard de la nouvelle rédaction de l'article 151 que vous proposez, mais à l'égard d'un point de votre communication. Je suis en effet personnellement opposé à la création d'une deuxième chambre européenne chargée de contrôler le respect du principe de subsidiarité.

M. Maurice Blin :

Je pense que la technique est toujours tentée d'absorber la culture, mais, chez les Grecs et les Italiens de la Renaissance, la technique et la culture n'étaient pas des disciplines séparées. Léonard de Vinci était à la fois un ingénieur et un peintre de génie. Aujourd'hui, il y a un divorce entre les deux, avec une priorité donnée à la technique, notamment aux Etats-Unis, mais l'Europe essaie de résister.

M. Lucien Lanier:

Pour revenir sur le problème de la langue, il est vrai que la France a très mal défendu l'usage du français, mais ce que je crains, ce n'est pas le fait que l'anglais soit l'unique langue véhiculaire en Europe, ce qu'elle est déjà, mais que l'on utilise un mauvais anglais, composé de moins de trois cents mots et à la grammaire imparfaite, car cet anglais ne sera plus une langue de culture, la langue de Shakespeare.

Il faudrait imposer l'enseignement d'au moins deux langues étrangères à tous les jeunes élèves de l'Union, plutôt que d'encourager l'apprentissage des langues régionales.

M. Maurice Blin:

Je partage votre sentiment, mais cela ne peut résulter que d'une décision des Etats et non de l'Union. De plus, le Royaume-Uni est très réticent à cette idée en raison de la situation de l'anglais.

M. André Ferrand:

Je considère également qu'il faudrait un enseignement obligatoire d'au moins deux langues étrangères, en particulier dans les régions transfrontalières, où la langue du pays voisin devrait être enseignée en première langue dès le primaire et apprise par tous les élèves. Ce n'est que de cette façon que l'on pourra réellement préserver le multilinguisme.

M. Maurice Blin :

Il faudrait pour cela une décision politique des Etats ou des Länder, mais cela ne relève pas des institutions communautaires.

Pour conclure, je voudrais vous faire part d'une idée, qui m'est chère, celle d'une Académie européenne, à l'image de l'Académie française, qui pourrait être créée sur une base intergouvernementale.

A l'issue de ce débat, la délégation a approuvé la proposition de modification de l'article 151 du traité instituant la Communauté européenne, tout en remplaçant la notion d'« identité culturelle européenne » par celle de « patrimoine et héritage culturels européens ».

II. LE DOMAINE DE L'ENVIRONNEMENT (Réunion du 4 décembre 2001)

A. COMMUNICATION DE M. SERGE VINÇON

La déclaration n° 23 annexée au traité de Nice a prévu que la prochaine réforme des traités aborde notamment l'établissement d'une délimitation plus précise des compétences respectives de l'Union européenne et des Etats membres, dans le respect du principe de subsidiarité consacré par le traité de Maastricht en 1992.

Le secteur de l'environnement constitue un bon sujet d'étude pour ce type d'exercice, la Communauté ayant été amenée à s'en préoccuper depuis près de trente années. En effet, l'augmentation continue des atteintes à l'environnement constitue un défi majeur pour une Europe longtemps accusée de privilégier le développement économique et l'accroissement des échanges commerciaux au détriment de la préservation des ressources et de la protection des milieux naturels.

En vertu de l'article 2 du traité CE, la Communauté a notamment pour mission de promouvoir un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement . A cette fin, elle est tenue de se doter d'une politique dans le domaine de l'environnement (article 3-1-1) dont on dénonce souvent le caractère inflationniste et la propension à envahir, jusque dans le détail, tous les champs de l'activité humaine.

1. Les actions communautaires en faveur de l'environnement : de l'approche sectorielle à la politique horizontale

a) Une approche initiale verticale et sectorielle des problèmes écologiques

Les premières actions communautaires en faveur de l'environnement ont débuté en 1972 , dans le cadre de quatre programmes d'action successifs. Durant cette période, la Communauté a adopté près de deux cents actes législatifs, fixant essentiellement des normes minimales à respecter par les Etats membres, qu'il s'agisse de gestion des déchets, d'émission de polluants dans l'air ou de qualité des eaux. La matière se prête en effet aisément à une démarche quantitative comme moyen d'apprécier son caractère qualitatif.

L'introduction de ce cadre réglementaire exigeant n'a toutefois pas suffi à freiner le mouvement ascensionnel de dégradation de l'environnement. Chaque année, les Etats membres produisent environ deux milliards de tonnes de déchets, et ce chiffre augmente de 10 % par an. La hausse des rejets de dioxyde de carbone par les ménages et les transports est continue. La qualité de vie de la population européenne, notamment en zone urbaine, est en forte dégradation, ne serait-ce qu'en termes de pollution ou de nuisances sonores.

La prise de conscience, par les citoyens, des risques liés au problème général de l'environnement, a conduit à modifier l'approche thématique et à aborder la question de manière plus globale et concertée, à l'échelle européenne.

b) Maastricht : l'environnement devient une politique

En 1992, le traité sur l'Union européenne confère, à l'environnement, le rang de politique . Le traité d'Amsterdam poursuit cette évolution en intégrant, parmi les missions de la Communauté, le principe du développement durable et en érigeant la protection à haut niveau de l'environnement au rang de priorité absolue.

c) Le cinquième programme d'action pour l'environnement : de la norme à la stratégie

Intitulé « Vers un développement soutenable » , ce programme a posé les principes d'une stratégie européenne volontariste pour la période 1992-2000 et a marqué le début d'une action communautaire horizontale , tenant compte de tous les facteurs de pollution dans tous les secteurs d'activités (industrie, énergie, tourisme, transports, agriculture...). L'article 6 du Traité prévoit en effet que « les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions de la Communauté ».

Cette lecture transversale a été confirmée par la Commission à la suite de sa communication de 1998 relative à « l'intégration de l'environnement dans les politiques de l'Union » , puis par le Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre 1998.

Il est désormais obligatoire, pour les institutions communautaires, d'intégrer la préoccupation environnementale dans toutes les autres politiques qu'elles conduisent. Depuis lors, de multiples actes communautaires ont traduit cette exigence, notamment dans les domaines de l'emploi, de l'énergie, de l'agriculture, de la coopération au développement, du marché unique, de l'industrie, de la pêche, de la politique économique et des transports. Les considérations environnementales croisent en effet la majeure partie des préoccupations de l'Union.

En mai 2001, une communication sur la « stratégie européenne en faveur du développement durable » a été approuvée, établissant des objectifs de développement durable à long terme et visant le changement climatique, les transports, la santé et les ressources naturelles.

Dans le même temps, l'adoption, en février 2000, d'un livre blanc sur la responsabilité environnementale a posé les bases d'une action communautaire en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages causés à l'environnement. Cette action a pour but d'améliorer l'application des principes énoncés dans le Traité (prévention, précaution, pollueur-payeur), de rendre plus performante la mise en oeuvre du droit communautaire de l'environnement et d'assurer la restauration appropriée des milieux naturels.

d) Le sixième programme d'action pour l'environnement : de la stratégie environnementale à la stratégie de développement durable

En cours d'adoption, et non sans difficultés si l'on en juge par le retard pris dans son élaboration, ce texte définit ce que seront les priorités de la Communauté européenne jusqu'en 2010.

Quatre domaines sont privilégiés :

- le changement climatique,

- la nature et la biodiversité,

- l'environnement et la santé,

- la gestion des ressources naturelles et des déchets,

secteurs auxquels s'est ajouté, au fil des débats, le thème de l'environnement urbain.

Les lignes d'actions envisagées tendent à améliorer l'application de la législation environnementale, favoriser le travail commun avec le marché et les citoyens et renforcer l'intégration de l'environnement dans les autres politiques communautaires, trois voies d'intervention somme toute fort classiques. Un élément novateur est apporté toutefois, celui de la « politique intégrée des produits » qui vise à développer un marché des produits plus écologique, les rendant plus respectueux de l'environnement tout au long de leur cycle de vie.

2. Une diversification des instruments environnementaux disponibles

En même temps que s'élevait le degré d'ambition de la politique communautaire, l'éventail des instruments environnementaux s'est élargi au fur et à mesure du développement de celle-ci.

• Le premier stade était celui de la législation-cadre , cherchant à concilier haut niveau de protection de l'environnement et bon fonctionnement du marché intérieur.

• Par la suite, la Communauté a institué un instrument financier (le programme LIFE) et des instruments techniques (le label écologique, le système communautaire de management environnemental et d'audit, le système d'évaluation des projets publics et privés sur l'environnement, les critères applicables aux inspections environnementales dans les Etats membres).

• Le rôle de l' agence européenne pour l'environnement s'est accru au fil des années. L'objectif qui avait présidé à sa création était la collecte et la diffusion d'informations dans le secteur de l'environnement. Bien que dotée d'une mission uniquement consultative, l'agence produit désormais des travaux de plus en plus déterminants pour l'adoption de nouvelles mesures ou l'évaluation de l'impact des décisions déjà mises en oeuvre.

• Actuellement, le nouvel axe de réflexion retenu tend vers une plus grande diversification des instruments environnementaux, et plus particulièrement le recours aux taxes environnementales en application du principe pollueur-payeur, à la comptabilité environnementale et aux accords volontaires. La Commission considère en effet que l'efficacité de la législation environnementale passe par l'introduction de mesures incitatives en direction des différents opérateurs économiques, entreprises et consommateurs.

3. Quelle place pour les Etats membres dans la politique de défense de l'environnement ?

L'ampleur du champ d'action potentiel de la politique communautaire de l'environnement est tel que son appréhension conduit, de manière sans doute artificielle, à étudier secteur par secteur les réglementations applicables.

a) Les secteurs où l'action de la Communauté est d'un intérêt incontestable

Il est des domaines où la préservation des milieux naturels, patrimoine commun des peuples européens, justifie par son objet même une action concertée au niveau communautaire.

(1) L'amélioration de la qualité de l'air

Au premier rang des priorités, on placera l'amélioration de la qualité de l'air , mais pour constater aussitôt que cette exigence dépasse même le cadre européen pour concerner le monde entier. Une réduction notable de la pollution atmosphérique et de ses conséquences désormais avérées sur le réchauffement planétaire suppose la définition et le respect de mesures internationales de limitation des émissions de gaz polluants.

• L'action de la Communauté en ce sens est à replacer dans la perspective de réduction décidée lors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 et du protocole de Kyoto de 1997. L'objectif décidé en commun est de réduire, sur la période 2008-2012 les émissions de gaz d'effet de serre d'au moins 5 % par rapport au niveau atteint en 1990. Malgré la remise en cause de ces engagements par les Etats-Unis, qui a profondément perturbé les négociations internationales, celles-ci ont toutefois abouti, lors de la Conférence de Bonn des 19-23 juillet 2001, à un accord sur les modalités de mise en oeuvre du protocole de Kyoto permettant d'envisager sa ratification. L'Union européenne devrait y procéder dans les tout prochains jours, à la suite de l'accord obtenu lors de la Conférence de l'ONU sur le climat tenue à Marrakech, du 7 au 9 novembre derniers.

L'intérêt d'une action européenne commune au sein de la négociation internationale est ici manifeste : d'abord, le poids de quinze Etats membres parlant d'une seule voix infléchit notablement toute négociation internationale ; ensuite, pour ce qui concerne précisément celle-ci, l'objectif de réduction étant mesuré au niveau moyen de l'ensemble des États membres, il permettra de faire porter l'effort sur les pays les plus fortement producteurs de gaz polluants et non d'imposer un seuil unique de réduction pour chacun d'entre eux. L'engagement de l'Union s'est fondé sur une réduction de 8 %, selon une clé de répartition des efforts convenue entre la Communauté et ses Etats membres en juin 1998. Ce faisant, l'exigence fixée par le traité de prendre en compte les conditions de l'environnement dans les diverses régions de la Communauté se trouve respectée.

• Pour accompagner la réalisation de cet objectif, la Communauté a approuvé un programme sur le changement climatique, identifiant notamment les secteurs de l'énergie, du transport, de l'industrie et de la recherche comme domaines d'actions prioritaires.

En matière de transports , par exemple, la stratégie mise en oeuvre par la législation communautaire repose sur les éléments suivants :

- une réduction des rejets polluants des véhicules (usage du pot catalytique, organisation du contrôle technique...) ;

- une diminution de la consommation des voitures particulières ;

- la promotion de véhicules propres, notamment par l'adoption de mesures fiscales.

Dans le secteur de l'industrie , il est également prévu de fixer des plafonds d'émissions de polluants atmosphériques et de limiter les rejets produits par les grandes installations de combustion.

• Pour améliorer la qualité de l'air, une stratégie globale a été adoptée en mai 2001 et plusieurs directives sont en cours, notamment celle relative à la réduction de l'ozone. Pour les années à venir, CAFE (Clean Air For Europe) est un nouveau programme d'analyse technique et d'élaboration de la politique annoncée dans le cadre du sixième plan d'action communautaire pour l'environnement en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. Il devrait déboucher d'ici 2004 à l'élaboration d'une stratégie intégrée à long terme en matière de qualité de l'air « étayée par les propositions législatives utiles » .

L'intervention de la Communauté en matière de lutte contre la pollution de l'air n'est donc pas contestable dès lors que l'objectif visé dépasse le cadre national et que la fixation de normes permet tout à la fois de limiter les atteintes à l'environnement et d'établir des règles de production semblables sur l'ensemble du marché unique. Elle se comprend moins lorsque ces deux éléments sont absents.

Ce qu'il ne faut pas faire

Un exemple récent du risque de dérive se trouve dans une proposition de directive relative à la performance énergétique des bâtiments, actuellement en cours d'examen et que notre délégation a étudiée le 13 novembre dernier. Ce texte s'appuie sur la nécessité de limiter la dépendance énergétique européenne, mais aussi sur les engagements de Kyoto, pour :

- imposer l'application de normes minimales de performance énergétique dans la majeure partie des bâtiments de l'Union ;

- mettre en place un système complexe et coûteux de certification, à la charge des propriétaires desdits bâtiments ;

- obliger à un contrôle régulier des chaudières et installations de climatisation.

Ce faisant, la Communauté excède largement son rôle, ne serait-ce que parce que les États membres sont à l'évidence les mieux placés, compte tenu des conditions climatiques locales, pour apprécier la pertinence des mesures à prendre en la matière. L'application du principe de subsidiarité conduit donc à écarter ce type d'initiative.

(2) La préservation de l'eau

Pour des motifs identiques liés à l'internationalisation des préoccupations environnementales, on peut admettre que la politique de l'eau relève dans son ensemble d'une compétence naturellement communautaire.

De nombreuses directives ont été adoptées par les Etats membres afin d'imposer des normes de qualité pour les eaux suivant leur destination finale : eau potable, eaux de baignade, eau piscicole, eau conchylicole...

Les standards communautaires, adoptés durant les années 1980 jusqu'en 1995, reposaient sur le principe des valeurs limites d'émission, c'est-à-dire des quantités maximales de substances polluantes admises dans le milieu aquatique concerné. La lutte contre la pollution due aux nitrates constitue une bonne illustration de cette première période : la directive de 1991 vise ainsi à réduire la présence excessive de nitrates provenant des engrais et déchets d'origine agricole dans les eaux superficielles et souterraines. Elle oblige les Etats membres à surveiller les eaux et à établir des codes de bonne pratique agricole à mettre en oeuvre volontairement par les agriculteurs, par exemple en limitant l'épandage d'engrais azotés et de déjections animales.

A partir de 1995, la Communauté a entrepris une lecture plus globale de la gestion des eaux. Cette conception a débouché, en octobre 2001, sur la directive-cadre pour une politique dans le domaine de l'eau, qui vise la promotion d'une utilisation durable des ressources et la cohérence de la politique générale. Elle recourt désormais à une approche fondée sur le bassin fluvial , c'est-à-dire l'unité géographique et hydrologique naturelle, dépassant forcément les frontières politiques ou administratives.

Ici, à nouveau, et de manière très justifiée, la Communauté s'est engagée dans des programmes de protection de l'environnement marin au champ d'application plus vaste que le seul territoire de l'Union. On peut mentionner notamment la Convention d'OSPAR précitée, la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée ou la Convention de Paris sur la protection de l'Atlantique Nord-Est. Dans la même inspiration, on trouve la protection de certains cours d'eau, conventions pour la protection du Danube ou du Rhin, Convention d'Helsinki sur les cours d'eau transfrontaliers et les lacs internationaux...

Le principe d'une politique communautaire globale de l'eau se conçoit donc aisément dans une optique de gestion durable de la ressource naturelle, qu'il s'agisse de limiter la pollution des nappes phréatiques et des cours d'eau transfrontaliers ou de tenir compte des critères de santé publique pour réglementer la production de denrées alimentaires. Elle doit toutefois continuer à garder à l'esprit les limites posées par le Traité, notamment en tenant « compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté ».

Il est incontestable que la ligne de partage entre l'action communautaire et l'intervention nationale n'est pas toujours facile à déterminer. On peut ainsi s'interroger sur le bien-fondé d'une intervention exclusivement communautaire dans deux domaines au moins où les Etats membres sont parfaitement à même d'agir, en liaison avec les collectivités territoriales :

• La réglementation des eaux de baignade

Est-il vraiment indispensable que les normes applicables aux eaux de baignade soient définies au niveau communautaire ? Il n'est question ici ni de préserver un milieu naturel, patrimoine commun européen, ni de limiter l'émission de substances polluantes dans l'eau, ni d'organiser les conditions de fonctionnement du marché unique. La question relève exclusivement de considérations de santé publique que les Etats ont la parfaite capacité de prendre en compte. Des normes internationales-repères existent et sont aisément applicables, par les collectivités locales le cas échéant. Considérer que ce rôle appartient à la Communauté conduit à maintenir les Etats membres dans une situation quasi-infantilisante d'autant plus inutile que l'opinion publique est suffisamment vigilante sur ces questions pour obtenir des autorités nationales qu'il y soit prêté l'intérêt nécessaire. Il est d'ailleurs très singulier d'observer que le Royaume-Uni, qui ne présente pas a priori d'attrait balnéaire spécifique, a été condamné pour non-respect de cette directive le 13 novembre dernier au motif que seuls 88,3 % de ses eaux de baignade respectaient les valeurs limites impératives.

• La réglementation de l'eau potable

Dans le même ordre d'idées, on peut s'interroger sur l'opportunité d'une réglementation communautaire en matière d'eau potable. Ici encore, les Etats membres sont en mesure d'appliquer les standards connus de santé publique et l'intervention de la Communauté n'apporte aucune plus-value en terme environnemental.

Le problème s'est posé en particulier au sujet de la teneur en plomb de l'eau potable, qui a été limitée par l'Union dans des conditions deux à trois fois plus drastiques que les normes définies par l'Organisation mondiale de la santé. L'application de cette directive est particulièrement difficile dans notre pays, de même qu'en Italie, du fait de l'utilisation de ce matériau pour la fabrication des canalisations, particulièrement au niveau du réseau en parties privatives des habitations. Elle imposera des dépenses considérables pour la mise en conformité des installations - l'Union ayant imposé un échéancier de mise aux normes - alors même que la pertinence du dispositif n'a pas été scientifiquement démontrée.

Ce qu'il ne faut pas faire

Selon le rapport adopté le 9 octobre 2001 par la commission de l'Environnement du Parlement européen, l'Union européenne devrait se doter d'une politique de tarification de l'eau conduisant à prévoir l'installation de compteurs d'eau dans les exploitations agricoles, les usines et chez les particuliers à travers l'Union européenne tout entière.

Le système propose qu'une quantité d'eau nécessaire à la qualité de vie soit garantie, assortie de sanctions en cas de gaspillage.

L'objectif, très louable, de promouvoir une utilisation durable des ressources en eau, d'éviter la menace de pénuries graves dans les années à venir et de couvrir les coûts des services liés à l'eau, débouche ici sur une proposition techniquement inapplicable, c'est à l'évidence aux Etats membres qu'il appartient de définir la mise en oeuvre pratique du dispositif de tarification envisagé en fonction des caractéristiques hydrographiques locales. Fort heureusement, le Parlement européen est revenu par la suite sur cette proposition excessive.

b) Les secteurs où l'action de la Communauté doit coexister avec l'intervention nationale

Dès lors que l'objet de l'intervention communautaire ne se rapporte pas à un « bien commun européen », limiter les marges de manoeuvre des Etats membres se conçoit plus difficilement. Deux politiques peuvent être ici évoquées.

(1) La gestion des déchets

• La politique générale

La politique communautaire relative à la gestion des déchets repose sur trois stratégies complémentaires, mais à privilégier dans l'ordre suivant :

- d'abord, favoriser la prévention de la production de déchets en améliorant la conception des produits ;

- ensuite, développer les actions de recyclage et de réutilisation des produits ;

- enfin, et au stade ultime, réduire la pollution causée par l'incinération des déchets.

• Les produits spécifiques

Divers produits ont fait l'objet de réglementations spécifiques pour le traitement de leurs déchets en raison de leur caractère particulièrement polluant.

- Ayant fait le choix de responsabiliser les producteurs, la Communauté a institué un système de collecte des véhicules en fin de vie , établi à leur charge (directive de septembre 2000). Un régime semblable est en cours d'adoption pour ce qui concerne les déchets d'équipements électriques et électroniques , ainsi que la limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans ces produits. La Commission a fait valoir la même approche lors de la première Conférence des parties de la Convention OSPAR pour la protection du milieu marin dans l'Atlantique du Nord-Est , consacrée notamment au démontage et à l'élimination des installations pétrolières et gazières offshore .

- Les piles et accumulateurs requièrent également un traitement particulier pour lequel un nouveau texte est en cours d'élaboration visant d'une part, à interdire la commercialisation des produits les plus dangereux, d'autre part à organiser un système de collecte sélective et de traitement spécifique des déchets. Les déchets d'emballage, les huiles et les pneumatiques ont aussi fait l'objet de réglementations spécifiques.

Par ailleurs, la Communauté est partie à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination. Elle a déjà ratifié l'amendement par lequel l'exportation de ces déchets vers les pays non-OCDE est interdite, que ce soit en vue de leur élimination, de leur recyclage ou de leur valorisation.

*

Pour ces matières, qui requièrent la collaboration de l'ensemble des agents économiques, l'efficacité suppose qu'on laisse aux Etats membres le soin d'élaborer le système le mieux adapté à leurs caractéristiques propres, dans le cadre général organisé au niveau communautaire. Il semble légitime que la Communauté fixe les normes applicables aux produits, tant dans un souci d'environnement que pour permettre la libre circulation des marchandises. Il n'est pas anormal qu'elle détermine un ordre de priorité dans le traitement des déchets pour orienter l'action des Etats membres. En revanche, pour ce qui concerne la mise en oeuvre, sur les territoires nationaux, des conditions d'élimination des matériaux, il n'est pas certain qu'elle soit capable de définir, dans le détail, les mesures à prendre. Ainsi, était-il vraiment utile que la directive organisant l'installation des sites de décharge prévoit elle-même les distances à respecter avec le voisinage ? Le bon sens conduit à penser que les collectivités territoriales sont mieux à même d'apprécier le bien-fondé des implantations compte tenu des caractéristiques, notamment topographiques, des lieux et de la sensibilité de leurs citoyens.

Si l'on veut apprécier le degré de difficulté d'application de la réglementation, un bon indice consiste à se reporter au nombre de plaintes enregistrées au niveau communautaire : dans un cas sur six, les problèmes tiennent à la gestion des déchets. La Commission l'explique par le fait que l'application du droit communautaire dans ce secteur oblige à la modification du comportement des agents économiques et entraîne des dépenses considérables : conformément au Traité, « Les Etats membres assurent le financement et l'exécution de la politique en matière d'environnement », à l'exception de certaines mesures ayant un caractère communautaire (3 ( * )).

Dans le même ordre d'idée, il n'est pas inutile d'indiquer que, pour la première fois depuis son instauration en 1993, la procédure de l'article 228 permettant d'infliger une amende à un Etat membre pour non respect d'un arrêt de la Cour de Justice a été appliquée en 2000, précisément au sujet d'un site de décharge. La Grèce verse de ce fait une astreinte journalière de 20 000 euros par jour de retard, depuis juillet 2000, pour le fonctionnement d'une décharge illégale située en Crète.

Ce qui nous incite à penser qu'une plus grande collaboration entre les niveaux européens nationaux et locaux est indispensable. Mieux répartir les rôles éviterait que des décisions, inapplicables en fait sur le terrain soient adoptées au niveau communautaire sous la pression des différents partenaires. La plus grande partie des décisions prises en matière environnementale relève en effet de la majorité qualifiée et de la procédure de co-décision.

(2) La politique de préservation de la nature

Près de mille espèces de végétaux et plus de cent cinquante espèces d'oiseaux seraient gravement menacées ou sur le point de disparaître du territoire européen. La Communauté s'est préoccupée de cette situation en adoptant les deux principaux instruments juridiques pour la protection de la nature que sont la directive de 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, et la directive de 1992 concernant la préservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages.

Depuis l'origine, ces textes posent de réelles difficultés d'application aux Etats membres : si l'on en juge par les statistiques de la Commission pour l'an 2000, les plaintes enregistrées en matière d'environnement portent, dans un cas sur trois, sur des questions liées à la protection de la nature, sur un total en augmentation continue (432 en 1998, 453 en 1999, et 543 en 2000).

- La directive oiseaux et le problème de la chasse

La directive de 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages établit un système général de préservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres. Ce dispositif vise la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et réglemente la chasse et la capture des oiseaux sauvages.

Quatre grands thèmes sont explorés :

la conservation des espèces,

la préservation des habitats et la construction d'un réseau de zones de protection spéciale dans les Etats membres,

les prélèvements, notamment par le régime applicable à la chasse,

la recherche et les mesures d'accompagnement.

Il n'est pas utile de revenir sur les difficultés occasionnées par ce texte dans notre pays pour son application au régime de la chasse, et qui a occasionné l'ouverture d'un grand nombre de contentieux. On observera simplement qu'une bonne application de ce dispositif aurait supposé une collaboration efficace aux deux niveaux d'intervention, le niveau européen pour déterminer les objectifs poursuivis, le niveau national pour adapter sa mise en oeuvre aux spécificités locales . En l'espèce, les demandes de dérogations possibles au régime général n'ont pas été produites au niveau national en temps utile, occasionnant malentendus et incompréhensions de la part des chasseurs français face à l'intervention jugée excessive de la Communauté dans cette matière sensible. Les problèmes ne se limitent pas d'ailleurs au cas français puisque l'Italie, la Grèce, la Suède, la Finlande, l'Espagne et la Belgique se sont trouvées également « épinglées » sur ce même thème par la Commission pour la seule année 2000.

- La directive habitats naturels et le réseau Natura 2000

La directive « habitats naturels » est connue comme étant l'une de celles ayant rencontré les plus grandes difficultés d'application. Schématiquement, elle imposait aux Etats membres de dresser la liste d'un certain nombre de sites individuels, hébergeant lesdits habitats naturels. Une fois sélectionnés par la Commission, ces sites constitueraient le réseau « Natura 2000 » regroupant des zones spéciales de conservation (ZSC) et sur lesquelles s'appliqueraient des dispositifs de protection non encore définis au moment de l'entrée en vigueur de la directive. Bref, on demandait aux Etats membres de désigner par avance des zones sur lesquelles s'appliquerait un droit inconnu.

Vu la résistance opposée par ceux-ci depuis 1992, on peut légitimement s'interroger sur les raisons qui ont conduit le Conseil à adopter ce texte. En juin dernier, près de dix ans après son entrée en vigueur, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a dressé un bilan très négatif de son application : aucun Etat membre de l'Union européenne n'aurait traduit correctement et complètement ce dispositif en droit interne, selon un rapport analysant la transposition stricto sensu du texte, les actions de mise en oeuvre entreprises et les mesures financières arrêtées pour son application.

Tous les délais prévus par ce texte ont été dépassés, sachant que la transposition devait être terminée en 1994 et que la liste complète des sites à protéger devait être soumise en 1995 et finalisée en 1998. La Commission indique que si, fin 2000, les derniers Etats membres lui avaient finalement notifié les mesures de transposition adoptées, dans de nombreux cas celles-ci étaient insuffisantes. La France, mais aussi le Luxembourg, la Belgique ou la Suède ont été mis en cause à ce titre.

Par ailleurs, la délimitation des zones continue de poser des difficultés, la Commission considérant que les sites existants dans un certain nombre d'Etats membres sont toujours trop peu nombreux ou d'une superficie trop faible. D'une manière ou d'une autre, tous les pays ont encouru les foudres de la Commission sur ce thème. La difficulté s'est encore accrue avec l'arrêt rendu le 7 novembre 2000 par la Cour de justice. Celle-ci a considéré que les Etats membres ne pouvaient pas prendre en compte des exigences économiques, sociales et culturelles ou des particularités régionales ou locales pour écarter des sites présentant un intérêt écologique au niveau national. Elle a rappelé que la sélection des sites devait s'opérer « exclusivement au regard de l'objectif de la conservation des habitats naturels, de la flore ou de la faune sauvage ».

*

On peut réellement douter de la pertinence d'une action communautaire en matière de protection de la nature dès lors que la réglementation adoptée suscite plus de contentieux qu'elle n'améliore la situation écologique européenne. A priori, les Etats membres disposent des capacités à apprécier leur situation spécifique et à prendre eux-mêmes les décisions adéquates, avec l'aide des nombreuses associations de protection de la nature dont on connaît la détermination d'agir. La définition d'un cadre unique pour gérer des situations diverses pose notamment des difficultés aux pays candidats dans l'intégration de l'acquis communautaire : les loups de la forêt lettonne entrent difficilement dans la réglementation « chasse » des pays de l'Europe de l'Ouest.

Ce qu'il ne faut pas faire

En 1991, la Commission avait présenté une proposition de directive prévoyant les normes minimales à respecter pour la détention des animaux dans les parcs zoologiques. L'application du principe de subsidiarité opposée par les Etats membres l'avait ensuite conduite à retirer ce texte en 1994, considérant que la matière ne nécessitait pas une intervention communautaire. Il lui avait alors été substitué une recommandation à caractère non contraignant.

Quelques années plus tard, un rapport du Parlement européen de juillet 1998 s'est prononcé en faveur d'une proposition de directive, laquelle fut définitivement adoptée le 29 mars 1999 sous l'intitulé « détention d'animaux sauvages dans un environnement zoologique ».

Il en ressort que les Etats membres sont désormais tenus « d'empêcher que certains animaux ne s'échappent », de « tenir à jour des registres des pensionnaires du jardin » ou de « détenir des animaux de façon à satisfaire leurs besoins biologiques », toutes choses qu'on ne peut croire qu'ils aient ignorées.

c) Les secteurs où l'intervention communautaire ne se justifie pas

A priori, la logique conduit à penser que ce qui concerne l'« environnement de proximité ne requiert pas d'action concertée. C'est pourtant dans cette direction que la Communauté dirige ses réflexions les plus récentes.

(1) La politique de lutte contre le bruit

La stratégie communautaire s'est bornée, pendant plusieurs années, à fixer des plafonds d'émissions sonores pour certains engins : tondeuses, véhicules motorisés à deux roues, avions, matériels utilisés à l'extérieur des bâtiments...

En 1996, la Commission a publié un Livre vert proposant d'étendre cette stratégie en réduisant les émissions sonores à la source, en développant les échanges d'information et en renforçant la cohérence des programmes de lutte contre le bruit. Dans cette ligne, une proposition de directive a été lancée durant l'année 2000, définissant une approche communautaire en matière de gestion et d'évaluation du bruit ambiant en vue de protéger la santé des citoyens.

Si l'on peut comprendre l'approche classique de fixation des normes sonores des produits par le biais du principe de libre circulation des marchandises, il n'est pas certain que les Etats membres, voire même les collectivités locales, ne soient pas les mieux placés pour mener une politique de lutte contre la pollution sonore, notamment dans les milieux urbains. Par définition, le bruit ambiant se mesure sur le terrain.

(2) La politique d'environnement urbain

Réunis en session informelle les 15 et 16 avril 2000 à Porto, les ministres de l'environnement des Quinze ont affirmé leur volonté d'accorder une plus grande priorité à l'amélioration des zones urbaines, notamment en inscrivant des objectifs dans le sixième programme d'action pour l'environnement. Trois domaines ont été ciblés : les indicateurs d'environnement proprement dits, les conditions sociales dans certaines zones dégradées des villes et l'urbanisme en général. D'après leur analyse, résoudre les problèmes d'environnement « pourrait contribuer grandement à une compétitivité accrue des villes européennes », notion dont on perçoit mal le sens...

On peut réellement s'interroger sur l'utilité de ce programme et la valeur ajoutée qu'il peut apporter par rapport à l'intervention des différentes collectivités locales des Etats membres. On a peine à croire que les grandes villes européennes n'aient pas déjà entrepris des actions en faveur du développement de modes de transports plus écologiques, de la réduction de la production de déchets, de la préservation des sites naturels ou de la créations d'espaces verts.

En outre, la réforme des fonds structurels « Agenda 2000 », valable pour la période 2000-2006, a déjà accordé à la politique en faveur des milieux urbains le rang de priorité tant par les subventions disponibles au titre de l'objectif 2 que via le programme spécifique URBAN.

4. Quels doivent être les objectifs environnementaux de l'Union de demain ?

En dépit des critiques qu'on peut lui opposer, il faut reconnaître que le bilan de trente années de politique commune est globalement positif. Elle a permis de constituer un socle réglementaire solide, proposant un modèle exigeant de préservation de l'environnement et de développement durable.

• L'Union doit désormais s'attacher, en premier lieu, à faire partager ce modèle aux pays candidats à l'adhésion, qui connaissaient une situation écologique très dégradée et pour lesquels l'adoption des normes européennes constitue un défi d'une grande ampleur. Les négociations d'adhésion montrent que c'est en matière d'environnement qu'on enregistre le plus grand nombre de demandes de dérogations, l'intégration de l'acquis communautaire requérant non seulement la transposition de textes complexes mais, plus encore, la réalisation longue et coûteuse d'infrastructures.

La Communauté a un rôle fondamental à jouer, notamment au travers des programmes bilatéraux, tels les programmes PHARE et LIFE, et via les fonds d'aide à la pré-adhésion (ISPA) qui permettent précisément le financement d'opérations en matière d'environnement.

• Au-delà de l'espace géographique européen, l'ambition de la Communauté doit être aussi de sensibiliser ses partenaires du monde entier à l'intérêt qui s'attache à la protection de l'environnement et des ressources naturelles. La tâche est difficile, comme l'ont montré les débats menés lors de la réunion de la 4 ème Conférence de l'OMC à Doha, du 9 au 13 novembre dernier. La reconnaissance - très timide, il est vrai - du souci environnemental dans le développement du commerce mondial est une première étape. Elle permettra d'aller vers un véritable système de gouvernance mondial dans le domaine de l'environnement, objectif que l'Union doit avoir à coeur de faire partager, demain, au reste du monde.

• Ces perspectives internationales doivent aussi la conduire à mieux structurer la politique environnementale à l'intérieur de ses frontières. Le corpus législatif est désormais dense et complexe. L'efficacité du dispositif commande qu'il soit respecté par les Etats membres et qu'une meilleure répartition des tâches soit désormais opérée entre les acteurs. L'Union doit continuer à élaborer des stratégies globales permettant d'orienter les politiques nationales dans la bonne direction. Mais, sous peine de se décrédibiliser, elle doit éviter d'intervenir ensuite jusqu'au niveau de la mise en oeuvre détaillée des mesures à prendre, sauf à laisser entendre que les Etats membres et les opinions publiques n'ont pas la maturité suffisante pour arrêter les dispositifs utiles.

La difficulté réside dans la délimitation de la ligne de partage : certains domaines sont à l'évidence communautaires, d'autres moins clairement. On se trouve donc dans l'impossibilité matérielle de dresser, a priori, une liste précise des compétences de chacun. La bonne manière de procéder consisterait à disposer d'un organe spécifique capable d'apprécier, secteur par secteur, voire texte par texte, quel serait le niveau d'intervention le plus pertinent pour atteindre l'objectif visé. C'est à ce stade de la réflexion que l'intérêt de disposer d'une seconde chambre ayant pour vocation de veiller au respect du principe de subsidiarité prend toute son ampleur.

• La prochaine révision des textes devrait être l'occasion de revoir la rédaction de l'article 174 du traité afin qu'il reflète, avec plus de netteté, la répartition des rôles et les limites à poser à l'action communautaire pour qu'elle soit incontestable. Certes, les dispositions actuelles obligent déjà, par deux fois, la Communauté à prendre en compte la diversité des situations environnementales à travers le territoire de l'Union. On voit bien, dans ce texte, la trace de la recherche d'un compromis entre deux groupes de pays dont les conceptions environnementales différaient : une Europe du Nord, très impliquée dans l'écologie, une Europe du Sud, moins prospère, pour laquelle un fort niveau d'exigence aurait entraîné des investissements considérables.

L'article 174 gagnerait toutefois en clarté s'il était ainsi modifié :

- § 1 : objectifs assignés à la politique communautaire de l'environnement.

Les objectifs visés sont d'une part « la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement », de même que « l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ». Ceux-ci sont incontestables.

Ils incluent d'autre part « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement » . Nous avons vu combien cette mission était importante.

Mais on trouve aussi « la protection de la santé des personnes » et ce point paraît moins convaincant. La santé des personnes n'est pas un objectif de la politique de l'environnement, il sera la conséquence de celle-ci si elle est bien menée. L'action de l'Union en matière de santé publique figure déjà au Titre XIII du Traité : pourquoi devrait-on en faire mention dans le Titre XIX, sauf à renforcer la complexité des choses ? Nous proposerions donc de supprimer cette disposition.

- § 2 : grands principes de l'action communautaire en matière d'environnement.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que, en plus des principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur, la politique de l'Union doit également respecter le principe de subsidiarité .

- § 3 : conditions d'élaboration des dispositions communautaires.

On assigne déjà à la Communauté l'obligation de tenir compte « des données scientifiques et techniques disponibles », « des conditions de l'environnement » dans ses diverses régions et « du développement équilibré » de celles-ci. En outre, elle est censée mesurer les « avantages et charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action » : l'idée en est excellente, mais la formulation plus sujette à caution. Imagine-t-on vraiment que la Communauté puisse apprécier les conséquences de son abstention ? C'est pourquoi, nous trouverions plus constructif, et plus réaliste, de prévoir qu'elle établisse un rapport « coûts-avantages » entre son intervention et l'action directe des Etats membres avant de prendre des initiatives.

Le tableau comparatif retrace, ci-après, les propositions de modifications du Traité :

Traité instituant la Communauté européenne

Article 174

TEXTE ACTUEL

1. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :

- la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement,

- la protection de la santé des personnes,

- l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,

- la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.

2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

Dans ce contexte, les mesures d'harmonisation répondant aux exigences en matière de protection de l'environnement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les Etats membres à prendre, pour des motifs environnementaux non économiques, des mesures provisoires soumises à une procédure communautaire de contrôle.

3. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la Communauté tient compte :

- des données scientifiques et techniques disponibles,

- des conditions de l'environnement dans les diverses régions de la Communauté,

- des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action,

- du développement économique et social de la Communauté dans son ensemble et du développement équilibré de ses régions.

4. Dans le cadre de leurs compétences respectives, la Communauté et les Etats membres coopèrent avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes. Les modalités de la coopération de la Communauté peuvent faire l'objet d'accords entre celle-ci et les tierces parties concernées, qui sont négociés et conclus conformément à l'article 300.

L'alinéa précédent ne préjuge pas la compétence des Etats membres pour négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux.

NOUVELLE REDACTION

Alinéa sans modification

Supprimé

... élevé, dans le respect du principe de subsidiarité et en tenant compte...

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

- du rapport coûts-avantages entre l'action communautaire et l'action des Etats membres

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

• Enfin, sur le strict plan de l'organisation interne des institutions, il serait sans doute utile de rationaliser le processus de décision. Le dernier Conseil Environnement du 29 octobre dernier a traité pas moins de vingt-deux points différents à son ordre du jour, d'inégale importance certes, mais concernant d'une manière ou d'une autre, l'ensemble des secteurs de la matière.

L'efficacité commanderait sans doute de réviser le mode opérationnel, suivant en cela les recommandations de M. Pierre Moscovici devant le Forum thématique de l'environnement, tenu le 6 novembre dernier à Paris : « ma conviction est que les questions environnementales sont éminemment transversales et mettent en jeu simultanément les compétences de plusieurs formations du Conseil. Par conséquent, si nous voulons dépasser les appels constants, mais parfois un peu rituels, du Conseil à promouvoir les politiques de développement durable, pour passer à une action plus concrète, il nous faudra revoir les méthodes de travail, notamment en décloisonnant ses différentes formations ».

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Hubert Haenel :

C'est à un exercice particulièrement difficile que vous vous êtes livré devant nous, et je vous remercie d'avoir pu présenter ce sujet avec autant de clarté. J'indique, d'ailleurs, que nous étudierons ultérieurement, suivant le même principe de répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, d'autres secteurs, notamment celui de l'éducation.

M. Jacques Oudin :

En matière d'environnement, j'observe que les bons sentiments l'emportent toujours sur la rigueur des règles juridiques. Lorsqu'un facteur de troubles quelconque, provenant d'un pays, peut porter nuisance à son voisin, il est légitime que la Communauté s'en préoccupe. Comme vous l'avez indiqué, ceci est valable pour l'air, pour l'eau, pour les oiseaux migrateurs. En revanche, lorsque le facteur n'est actif que localement, il n'y a pas lieu, logiquement, d'envisager d'action communautaire, sinon n'importe quel sujet peut être abordé sous l'angle de la politique de l'environnement.

Deuxième point qui me paraît essentiel : celui des normes. Il est un moment où l'objectif normé devient irréaliste, absurde, lorsque l'exigence est excessive : trouvons la juste limite entre l'absolu et la raison. Vous avez évoqué à ce sujet et à juste titre le problème du plomb dans l'eau potable : pour atteindre l'objectif zéro, la dépense sera de l'ordre de 120 milliards.

M. Lucien Lanier :

Notre débat d'aujourd'hui illustre parfaitement les défauts que nous constatons dans l'action de la Commission européenne : incapable d'être visionnaire, elle se contente d'être gestionnaire et d'émettre des réglementations. En matière d'environnement, où la situation diffère considérablement d'un Etat membre à l'autre, nous avons besoin d'orientations générales de la Communauté et non de réglementations ; les autorités nationales sont à même d'édicter ensuite ces dernières.

M. Jean-Paul Émin :

Vous avez évoqué le protocole de Kyoto et son objectif de réduction de 5 % des émissions de gaz à effets de serre. Or, il me semble que fixer un objectif identique pour tous les partenaires a pour inconvénient de ne pas tenir compte des efforts et des résultats déjà réalisés par certains pays.

C'est pourquoi, afin de tenir compte de cet élément, je proposerais volontiers que l'on ajoute au texte du traité l'adjectif « commun » dans la formule « la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau commun de protection élevé » . On reflèterait mieux, ainsi, notre souci d'égalité des conditions écologiques à travers le territoire de l'Union.

M. Hubert Durand-Chastel :

Parmi les différents secteurs évoqués, vous n'avez pas abordé celui des risques technologiques liés à l'énergie nucléaire. Ne faut-il pas s'en préoccuper également au niveau communautaire, et même au niveau planétaire en prévoyant des normes mondiales, afin d'y sensibiliser les différents partenaires ?

M. Serge Lagauche :

J'ai bien entendu les objections de Lucien Lanier, mais, si je prends l'exemple de l'automobile qui, par définition, se déplace d'un pays à l'autre, il me semble légitime que la Communauté se préoccupe de sa filière de recyclage, de ses matériaux, du bruit qu'elle émet. Je vous rappelle d'ailleurs que la critique opposée au Concorde portait sur le bruit produit par ses réacteurs. Le problème est donc identique dans les zones aéroportuaires : il me semble qu'il faut imposer des normes communes aux avions qui, par définition, circulent d'un Etat membre à l'autre.

M. Lucien Lanier :

Je ne parlais pas de zones spécifiques, comme les aéroports. Je maintiens simplement qu'il me paraît logique que ce soit aux collectivités territoriales de régler les questions liées aux pollutions sonores de voisinage.

M. Hubert Haenel :

Je ne vois pas de contradiction entre vos propos, ni avec ceux du rapporteur. Il a bien été indiqué qu'il était légitime que la Communauté fixe des normes applicables à la fabrication de certaines machines - dont les avions  ou les automobiles -, mais qu'il paraissait inutile qu'elle se préoccupe du bruit urbain, que les grandes villes européennes savent aborder elles-mêmes.

M. Serge Vinçon :

Je crois pouvoir tirer de nos échanges un sentiment unanime pour considérer que les problèmes de pollution de l'air ou de l'eau relèvent effectivement d'une approche communautaire, avec les limites d'appréciation locale que le simple bon sens impose. Globalement, la bonne façon d'agir serait de fixer au niveau européen le cadre général et de déterminer les voies et moyens au niveau d'intervention le plus pertinent, donc le plus proche de la source de pollution.

Pour répondre à l'interrogation de M. Emin, je crains que l'ajout du mot « commun » qu'il a suggéré contredise la fin du paragraphe visé, selon lequel la Communauté doit aussi tenir compte des spécificités locales. Et c'est exactement le souci premier que nous avons tous défendu au cours de cet échange. Par ailleurs, je lui indique qu'il a bien été prévu, entre la Communauté et les Etats membres, une clé de répartition des réductions d'émissions de substances polluantes, suivant la situation écologique de chaque partenaire.

Pour ce qui est du risque nucléaire, c'est effectivement un aspect important de la défense de l'environnement, mais il m'a semblé qu'il était plus opportun de le traiter dans le cadre d'un rapport général consacré à l'énergie.

La délégation a ensuite approuvé les conclusions de son rapporteur et les modifications qu'il suggérait d'apporter à l'article 174 du traité.

III. LE DOMAINE DE L'ÉDUCATION (Réunion du 30 janvier 2002)

A. COMMUNICATION DE M. SERGE LAGAUCHE

L'éducation fait partie des domaines les plus souvent cités, sinon les plus menacés, avec la culture, la politique agricole commune et la politique régionale, lorsqu'on évoque la question de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, notamment en Allemagne, où plusieurs voix se sont exprimées pour contester la compétence de la Communauté et demander une « re-nationalisation » de ces matières.

L'éducation est, en effet, une compétence essentielle des Etats membres et, le plus souvent, une compétence exclusive des Etats fédérés ou des collectivités décentralisées en Europe, comme les Länder allemands ou les communautés du Royaume de Belgique, à laquelle ils sont fortement attachés. Et, dans le même temps, on voit bien tout l'intérêt d'une action ambitieuse de l'Europe dans le domaine éducatif, qui serait au service de l'affirmation d'une citoyenneté européenne et qui s'inscrirait dans le cadre du modèle économique et social propre à l'Europe. Qui contesterait, par exemple, la nécessité d'encourager en Europe la mobilité des étudiants ou l'apprentissage des langues ?

Dès lors, la question de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres dans le domaine de l'éducation se pose avec acuité et nécessite de partir du texte même du traité, pour évaluer ensuite les différentes actions entreprises par l'Union en matière d'éducation, avant de proposer éventuellement des améliorations pour aboutir à une répartition plus précise des compétences entre la Communauté et les Etats membres qui soit compatible avec l'émergence progressive d'un véritable « espace éducatif européen ».

1. Le traité : les compétences de l'Union européenne en matière d'éducation

a) L'Union européenne ne s'est vue reconnaître une compétence en matière d'éducation que tardivement

L'éducation n'a été reconnue formellement comme compétence communautaire que tardivement, par le traité de Maastricht, en 1992. Les Etats membres n'ont accepté qu'avec réticence une action communautaire dans un domaine considéré comme fondateur de l'identité nationale et réservé, soit à l'action de l'Etat central, dans les pays centralisés, soit à celle des collectivités infra-étatiques, dans les Etats fédéraux.

Seul un domaine spécifique, celui de la formation professionnelle, avait été expressément visé par un article du traité de Rome. Cet article prévoyait « l'établissement de principes généraux pour la mise en oeuvre d'une politique commune de formation professionnelle, pour contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun » .

Ainsi, l'action de la Communauté a été, à l'origine, exclusivement consacrée à l'aspect économique de l'éducation, en l'occurrence à la formation professionnelle des adultes, et s'inscrivait dans le droit fil du marché unique. D'ailleurs, les premières actions de la Communauté dans ce domaine ont pris la forme de directives relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, basées sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, ou de financements accordés par le biais des fonds structurels (Fonds social européen notamment).

Néanmoins, l'interprétation extensive de cet article par la Cour de justice des Communautés européennes et l'action volontariste de la Commission européenne ont conduit à élargir considérablement le champ d'intervention de la Communauté en matière éducative. Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré, dans son arrêt « Gravier » du 13 février 1985, que « toute forme d'enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, un métier ou un emploi spécifique, ou qui confère l'aptitude particulière à exercer de tels profession, métier ou emploi, relève de l'enseignement professionnel, quels que soient l'âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d'enseignement inclut une partie d'éducation générale » . Par ailleurs, entre 1987 et 1990, ont été mis en place de très nombreux programmes de financement couvrant tout l'éventail de l'éducation, comme, par exemple, Erasmus (sur les échanges universitaires), Comett (sur les rapports université/entreprise), Force (formation continue), Petra (formation initiale) ou Eurotecnet (ressources humaines).

Cette extension du champ d'intervention de la Communauté n'est pas allée sans rencontrer une certaine résistance de la part des Etats membres. C'est pourquoi la reconnaissance dans le traité de Maastricht d'une compétence communautaire en matière d'éducation doit se comprendre comme la volonté des Etats membres d'encadrer cette action grâce au principe de subsidiarité .

b) Une compétence encadrée par le principe de subsidiarité

Il ressort, en effet, du traité que le « développement d'une éducation de qualité » constitue la priorité de l'action communautaire, qui doit respecter pour cela « la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique ».

Et, de la même manière, l'article relatif à la formation professionnelle dispose que « la Communauté met en oeuvre une politique de formation professionnelle, qui appuie et complète les actions des Etats membres, tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu et l'organisation de la formation professionnelle ».

Par ailleurs, les objectifs assignés à l'action de la Communauté sont rédigés de manière très précise dans le traité.

Ainsi, en ce qui concerne l'éducation, il s'agit de favoriser :

- l'apprentissage des langues étrangères ;

- la mobilité des étudiants et des enseignants, notamment par la reconnaissance académique des diplômes ;

- la coopération entre les établissements d'enseignement ;

- l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des États membres ;

- les échanges de jeunes ;

- le développement de l'éducation à distance ;

- la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation, en particulier le Conseil de l'Europe.

Pour réaliser ces objectifs, la Communauté ne peut recourir qu'à des recommandations ou à des mesures d'encouragement. En effet, le traité précise explicitement que toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est exclue .

2. Les actions de la Communauté

L'action de la Communauté en matière éducative emprunte trois canaux distincts :

- des normes juridiques (règlements ou directives) ;

- un ensemble de textes non contraignants ;

- des programmes de financement gérés par la Commission européenne mais d'une manière décentralisée.

Cette action communautaire ne fait pas obstacle au recours à la méthode intergouvernementale , qui est largement utilisée en matière d'enseignement supérieur.

a) Les normes juridiques

La première catégorie d'actions correspond à un ensemble de normes juridiques contraignantes relatives à la reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles . La base juridique de celles-ci est sans équivoque : il s'agit de la libre circulation des travailleurs, qui est l'une des quatre libertés consacrées par le Marché intérieur, avec la liberté de circulation des marchandises, des services et des capitaux. Ces normes ont commencé à être adoptées à la fin des années 1970, profession par profession, puis, dans la perspective du marché unique, elles ont été refondues dans un dispositif général qui comporte deux directives, l'une qui concerne les diplômes qui sanctionnent des formations d'une durée supérieure à trois ans ( 4 ( * ) ), et l'autre les formations courtes (5 ( * )

).

Ce dispositif est complété par plusieurs directives qui concernent des professions spécifiques (6 ( * )

).

Cette première action doit relever à l'évidence des compétences de la Communauté et n'est nullement contraire au principe de subsidiarité. Elle s'inscrit pleinement dans l'objectif recherché d'une plus grande mobilité des travailleurs qui permettrait une allocation optimale du marché du travail en Europe en améliorant à la fois la compétitivité des entreprises et la situation de l'emploi.

De plus, la nature de la norme (la directive), l'instrument utilisé (le principe de la reconnaissance mutuelle plutôt que l'harmonisation) et le remplacement de la trentaine de directives profession par profession par deux directives générales, répondent pleinement au souci d'efficacité et de proportionnalité contenu dans le principe de subsidiarité.

Cette reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles doit être distinguée de la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études, dont le but est de permettre la mobilité des étudiants. La reconnaissance académique n'appelle pas d'harmonisation contraignante. Elle s'effectue à travers des accords de partenariats entre établissements d'enseignement, avec un système de code de bonne pratique par le biais du système européen de transfert de crédits académiques (ECTS). Les Etats membres peuvent également instituer, en tenant compte de leurs traditions nationales, des systèmes nationaux. Il n'existe donc pas de système communautaire de reconnaissance académique des diplômes à l'image des instruments internationaux développés par le Conseil de l'Europe et de l'Unesco . On ne peut donc juger excessive l'intervention communautaire sur ce point.

b) Les textes non contraignants

L'article 149 du traité ne prévoit, dans son alinéa 4, que des « recommandations » adoptées à la majorité qualifiée, en plus des décisions portant mesures d'encouragement. Pourtant, on retrouve à propos de l'éducation une assez grande variété d'instruments communautaires, puisque, d'une part, les ministres des États membres sont intervenus à travers des résolutions et des conclusions, et, d'autre part, que la Commission est intervenue également par le biais de communications, de rapports, de livres blancs, et plus récemment de plans d'action ou de mémorandums.

Or, certaines de ces initiatives, qui ne sont pas prévues par le traité, ont soulevé des difficultés au regard du respect du principe de subsidiarité.

Ainsi, s'agissant du plan d'action « elearning » , M. Jérôme Vignon, conseiller au Secrétariat général de la Commission européenne, estimait, lors de son audition par la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le mardi 23 janvier 2001 :

« On peut se demander si l'Union européenne est véritablement fondée à promouvoir l'accès aux nouvelles technologies dès l'enseignement primaire, comme l'y invite le plan d'action « eEurope ». La question du principe de subsidiarité ne semble pas avoir été posée lors du Conseil européen de Lisbonne qui a adopté ce plan d'action, ce qui a entraîné, par la suite, de fortes critiques de la part des Länder allemands, critiques justifiées à mon avis. »

Toutefois, il semble que la difficulté majeure liée à l'utilisation croissante de ce type d'instrument réside moins dans l'atteinte portée au principe de subsidiarité, que dans l'absence d'un réel contrôle sur leur mise en oeuvre. Ainsi, l'adoption d'une résolution sur la promotion de la diversité linguistique et de l'apprentissage des langues par le Conseil des ministres de l'éducation des Quinze du 29 novembre dernier a été présentée comme une avancée majeure. En effet, cette résolution mentionne l'objectif d'encourager l'apprentissage par les élèves de la Communauté d'au moins deux langues autres que leur(s) langue(s) maternelle(s). Or, d'une part, cet objectif a été assorti, à la suite des fortes réserves du Royaume-Uni, de la mention suivante « autant que faire se peut » et il est bien précisé qu'il s'agit d'une invitation faite aux Etats membres « dans le cadre et les limites de leurs systèmes politiques, juridiques, budgétaires, d'éducation et de formation respectifs et compte tenu des priorités de ceux-ci » . Et, d'autre part, cette résolution semble même en retrait par rapport à une précédente résolution adoptée par ce même Conseil le 31 mars 1995, qui énonce que « les élèves devraient avoir, en règle générale, la possibilité d'apprendre deux langues de l'Union européenne autres que la ou les langues maternelles » . C'est dire le faible impact de ce type de déclaration.

c) Les mesures d'encouragement

L'Union européenne consacre moins de 0,8 % de son budget à l'éducation, à la formation et à la jeunesse. Toutefois, même si on ne peut que regretter la modicité des financements disponibles, il faut cependant garder à l'esprit que les dépenses communautaires sont essentiellement des dépenses d'intervention et qu'il est moins coûteux d'octroyer des bourses ou de soutenir financièrement des projets de coopération que de s'acquitter du salaire des enseignants ou de la dotation des établissements. La modestie des moyens financiers est donc la conséquence du caractère subsidiaire de ce type d'action.

Les trois domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse font l'objet de financements distincts.

(1) Le programme Jeunesse et l'action en faveur des jeunes

L'idée d'une action communautaire spécifique en faveur de la jeunesse est relativement récente. Réclamée par le Parlement européen dans plusieurs résolutions, elle s'est traduite par la mise en place d'un programme d'action visant à promouvoir les échanges et la mobilité des jeunes, le programme Jeunesse pour l'Europe, adopté le 16 juin 1988. Ce programme a, d'abord, été fondé sur l'article 235 du traité (devenu l'article 308 depuis le traité d'Amsterdam), puis, à la suite de l'introduction d'une référence aux échanges de jeunes dans le nouvel article relatif à l'éducation du traité de Maastricht (l'article 149), il a été plusieurs fois renouvelé sur cette nouvelle base juridique. En 1996, la Commission européenne a lancé un autre programme relatif à un « service volontaire européen ». Celui-ci permettait à des jeunes, issus principalement de milieux défavorisés, de participer, en tant que volontaires, à des activités d'ordre social, culturel ou environnemental. Dans son rapport d'évaluation sur ces deux programmes, la Commission estime que ceux-ci ont concerné près de 400 000 jeunes au sein d'environ 15 000 projets (soit un jeune sur mille) et que environ 7000 jeunes ont participé au « service volontaire européen » entre 1996 et 1999. En avril 2000, ces deux programmes ont été fusionnés dans un nouvel instrument, le programme Jeunesse, qui a été adopté pour une durée de six ans. Ce dernier regroupe donc des aides financières à la mobilité, de court ou de long terme, ainsi que des contributions à la réalisation de projets. Il est ouvert à une trentaine de pays et il est doté d'un budget de près de 80 millions d'euros par an. Par ailleurs, les ministres chargés de la jeunesse des Etats membres ont adopté plusieurs résolutions dans le domaine de la jeunesse, notamment sur la participation des jeunes à la vie publique, sur le rôle du sport ou sur l'intégration sociale des jeunes. En outre, la Communauté contribue financièrement aux frais de fonctionnement du Forum européen de la jeunesse, qui regroupe différentes organisations de jeunesse.

Toutefois, comme le reconnaît elle-même la Commission européenne, l'action européenne en faveur des jeunes a rencontré des limites, et la Commission a proposé récemment un Livre blanc en vue de donner un nouvel élan à cette politique, à la suite d'une vaste consultation qu'elle a menée avec les jeunes et les organisations représentatives de la jeunesse. Or, la plupart des attentes exprimées par ceux-ci ne relevaient pas des compétences communautaires, mais des compétences des Etats membres, voire des compétences des différentes collectivités locales.

La Commission européenne reconnaît, dans son Livre blanc, que le principe de subsidiarité doit s'appliquer, tant pour des raisons de principe, que d'efficacité, en matière de jeunesse. Dès lors, afin de concilier le respect de ce principe et une coopération accrue en matière de jeunesse au niveau européen qui renforcerait l'impact et la cohérence des politiques nationales , elle propose de définir une nouvelle forme d'action reposant sur la méthode ouverte de coordination, sur le modèle des lignes directrices pour l'emploi .

(2) La formation professionnelle : le programme Leonardo da Vinci et le Fonds social européen

Le domaine de la formation professionnelle, à la différence du domaine scolaire et universitaire, a été expressément visé par le traité de Rome et bénéficie du rang d'une « politique commune ». Toutefois, mise à part la création, en 1975, du Centre Européen de Développement de la Formation Professionnelle (CEDEFOP), qui apporte une assistance à la Commission européenne pour le développement de la formation professionnelle dans l'Union et qui favorise l'échange d'informations et d'expériences, c'est surtout à la fin des années 1980 que s'est développée cette politique. Avec le doublement des crédits affectés aux fonds structurels (« paquet Delors I » de 1988 à 1992), des moyens importants ont été alloués au Fonds social européen (FSE), avec notamment pour objectif de favoriser, par des actions de formation professionnelle, la reconversion des salariés touchés par les mutations industrielles. Par ailleurs, plusieurs programmes ont été lancés, tels que Eurotecnet, Force et Petra.

Le traité de Maastricht a précisé le rôle de la Communauté en matière de formation professionnelle : La Communauté est compétente pour adopter des « mesures » dans ce domaine, mais elle doit respecter la « responsabilité des Etats membres pour le contenu et l'organisation de la formation professionnelle » . En outre, l'harmonisation des législations est expressément exclue.

Après le traité de Maastricht, le soutien communautaire à la formation professionnelle par le biais du FSE s'est accru en raison du deuxième doublement des crédits des fonds structurels (« paquet Delors II » de 1993 à 1999). Par ailleurs, la Communauté a décidé la création de la Fondation européenne pour la formation, installée à Turin, dont le rôle est d'aider les pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que les Etats issus de l'ex-URSS, à développer leurs systèmes de formation professionnelle.

En outre, les différents programmes communautaires ont été regroupés à partir de 1994 au sein du programme Leonardo da Vinci. Ce programme, adopté pour une durée de cinq ans (1995-1999), a été renouvelé en 1999 pour une durée de sept ans (2000-2007), avec une augmentation sensible de son budget (qui est passé de 720 millions d'euros à 1,15 milliard d'euros soit une augmentation de l'ordre de 60%), mais avec également une ouverture aux pays d'Europe centrale et orientale. Dans sa deuxième phase, le programme poursuit trois objectifs principaux : renforcer les aptitudes et les compétences, en particulier des jeunes suivant une première formation professionnelle ; améliorer la qualité de la formation professionnelle continue (formation tout au long de la vie) ; promouvoir et renforcer la contribution de la formation professionnelle au processus d'innovation afin d'améliorer la compétitivité et l'esprit d'entreprise. Cinq mesures permettent la mise en oeuvre de ces objectifs, dont les deux principales, tant en termes de financement que de nombre de bénéficiaires, sont l'aide à la mobilité et des projets pilotes destinés à développer l'innovation et la qualité dans les outils de formation professionnelle.

Malgré l'emploi du terme de « politique» en matière de formation professionnelle dans le traité, on est bien, en réalité, en présence d'une simple contribution communautaire à la coopération entre les Etats qui s'inscrit dans le respect du principe de subsidiarité .

A cet égard, l'enjeu principal est d'assurer, à l'avenir, une réelle cohérence entre le programme Leonardo da Vinci et le FSE, d'une part, et, d'autre part, entre ces programmes et la stratégie européenne pour l'emploi.

(3) L'éducation : le programme Socrates

Le programme Socrates a succédé, depuis le traité de Maastricht, aux précédentes initiatives communautaires dans le domaine de l'éducation proprement dite, comme les programmes Erasmus, Comett et Lingua, qui ont néanmoins subsistés, sous forme d'actions, dans ce programme-cadre unique. Destiné à une trentaine de pays, ce programme a été renouvelé en 1999 pour une période de sept ans (2000-2007) avec un budget de 1,85 milliard d'euros. Il contient huit actions différentes et il se traduit concrètement par un soutien financier accordé par l'Union pour réaliser trois sortes d'activités : des bourses de mobilité ; des projets de coopération ; la mise en place de réseaux destinés à favoriser les échanges d'expériences et de pratiques.

Ainsi, l'action Erasmus vise à encourager la coopération entre les universités et à favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs. Il s'agit, en quelque sorte, de revenir aux sources de l'université médiévale, où « le séjour dans une ou plusieurs universités étrangères constitue une nécessité pour les maîtres et les étudiants » , comme le rappelait Jacques Le Goff, dans sa conférence prononcée en Sorbonne, le 24 mai 1998.

D'autres actions prévues au titre du programme Socrates sont tout aussi pertinentes. Ainsi, l'action Lingua, qui est destinée à améliorer les connaissances linguistiques des enseignants et des étudiants, répond pleinement au souci d'encourager le multilinguisme à l'intérieur de l'Union. Le programme Comenius, qui concerne l'enseignement scolaire, permet, quant à lui, de développer une « conscience européenne » chez les Européens, dès le plus jeune âge, en favorisant les partenariats entre les écoles de différents pays de l'Union.

Ces différentes actions répondent pleinement au respect du principe de subsidiarité, car l'Union européenne est la mieux placée pour favoriser les échanges, que ce soit par des partenariats, l'apprentissage des langues étrangères ou la mobilité. Ces actions s'inscrivent pleinement dans l'émergence d'une « conscience européenne », qui complèterait la citoyenneté européenne, et répondent, dans le même temps, à des impératifs économiques.

On ne peut donc que déplorer la modicité de la dotation financière du programme Socrates, car cette dotation ne paraît pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, les échanges d'étudiants dans le cadre d'Erasmus, dont le budget est de l'ordre de 150 millions d'euros par an, ne concernent qu'environ 100 000 étudiants des Quinze par année sur plus de 11 millions d'étudiants (dont, pour la France, seulement 18 000 étudiants français qui vont étudier dans un autre pays européen et 17 000 étudiants étrangers qui viennent étudier en France). Même si l'on se base sur plusieurs années, ces échanges n'auront concerné, en définitive, que moins de 2 % des étudiants. On est donc loin de l'objectif fixé par ce programme d'une mobilité qui concernerait 10 % des étudiants. La mobilité des enseignants est, quant à elle, dérisoire (pour la France, elle concernerait moins d'un millier d'enseignants et cela pour des courts séjours).

Il paraît donc souhaitable d'augmenter la part des financements de Socrates destinée aux bourses de mobilité (Erasmus ne représente que moins de la moitié du budget de Socrates), en particulier en diminuant les financements destinés aux échanges d'informations et aux colloques, qui représenteraient près de 30 % de l'enveloppe totale. Il faut, en effet, savoir que tous les étudiants Erasmus ne bénéficient pas d'une bourse et que le montant de celle-ci ne représente que 22 % du revenu mensuel moyen des étudiants qui vont étudier à l'étranger, dont une large part reste constituée par les contributions de leur famille (44 %) et par des bourses supplémentaires ou des prêts (21 %), selon une étude de la Commission européenne.

Mais le renforcement de la mobilité doit faire l'objet d'une approche globale, car elle dépend de nombreux facteurs, comme l'accès à l'information, les obstacles financiers, la reconnaissance et la valorisation des études effectuées à l'étranger, les contraintes liées au logement et à la protection sociale, ou encore l'apprentissage des langues étrangères, qui relèvent essentiellement des compétences des Etats membres. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement français a pris l'initiative, lors de sa dernière présidence de l'Union, de faire adopter par la Communauté un « Plan d'action pour la mobilité », qui se présente comme une véritable « boîte à outils » dans laquelle les Etats membres peuvent puiser les mesures qu'ils souhaitent transposer chez eux pour renforcer la mobilité. Là encore, il est précisé que ce plan d'action s'inscrit dans le plein respect du principe de subsidiarité . Il appartient, en effet, à chaque Etat membre de décliner, au plan national, les mesures, d'ordre réglementaire, fiscal, juridique et statutaire, qu'il juge les plus appropriées pour renforcer la mobilité.

(4) Des actions touchant au contenu même de l'enseignement

Alors que l'alinéa 1 de l'article 149 dispose clairement que l'action de la Communauté respecte pleinement « la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle de linguistique » , l'action de la Communauté s'est peu à peu intéressée au contenu même de l'enseignement.

Par le biais de ses programmes, notamment l'action Jean Monnet ou l'action Comenius, la Communauté incite, en effet, les Etats membres à développer dans les programmes scolaires ou universitaires des actions destinées à renforcer l'adhésion à la construction européenne, ou relatives à la connaissance de l'histoire, du patrimoine et des valeurs communes des Etats membres, mais aussi des actions relatives à certaines politiques communes, comme l'éducation à la santé ou à l'environnement, qui paraissent plus problématiques au regard du respect du principe de subsidiarité.

En France, plusieurs mesures directement inspirées du souci de développer une « dimension européenne » dans l'éducation ont été mises en place.

Ainsi, dès l'école primaire, la discipline histoire-géographie prévoit dans son programme une première approche de l'Europe à travers un chapitre intitulé « La France en Europe ». Trois aspects sont mis en avant : une présentation de l'Europe (les grandes régions, l'Union européenne, les Etats européens) ; la population en France et en Europe (les grands foyers de peuplement et les grandes villes) ; les grandes voies de communication.

Dans l'enseignement secondaire (collège et lycée), les programmes d'histoire, de géographie et d'éducation civique sont le support privilégié de cette dimension européenne de l'enseignement. Ainsi, l'histoire est étudiée d'un point de vue national, mais aussi européen. Le programme de géographie propose une étude du continent européen. Le programme d'éducation civique réserve une partie à l'étude de l'Europe dans sa dimension institutionnelle, sociale et culturelle, ainsi qu'aux valeurs communes des européens.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur, il convient de citer notamment la place de plus en plus importante consacrée au droit européen dans les disciplines juridiques, les enseignements d'ouverture à la culture européenne dans les filières économiques, littéraires ou scientifiques, ainsi que l'ouverture de nombreux troisièmes cycles spécifiques d'études européennes dans toutes les disciplines.

Toutefois, le rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale sur « L'Europe dans l'enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'éducation civique » , de septembre 2000, relève que l'Europe reste un « objet d'étude mal défini » et que la dimension européenne apparaît plus dans les discours et les projets d'établissements, « pour donner les apparences du dynamisme et du modernisme, garants des demandes de subvention auprès des collectivités qui abondent les généreux fonds communautaires » , que dans les pratiques. Il est vrai que, comme le note ce rapport, l'enseignement de l'Europe est un objet en débat parce que c'est un objet politique inachevé.

d) L'émergence d'un « espace européen de l'enseignement supérieur » s'inscrit principalement dans un cadre intergouvernemental

Le recours à la méthode intergouvernementale en matière d'éducation n'est pas une nouveauté, y compris entre les Etats membres de la Communauté. Il a même précédé l'utilisation de la méthode communautaire, puisque l'une des toutes premières initiatives des Etats membres dans le domaine de l'éducation a été la création de l'Institut universitaire européen de Florence, en 1972, par une convention à laquelle sont aujourd'hui parties les quinze Etats membres de l'Union. Il convient également de citer la création par ce biais des « écoles européennes », réservées, en règle générale, aux enfants des fonctionnaires communautaires.

Le recours à la méthode intergouvernementale a pris, cependant, une nouvelle ampleur ces dernières années, en particulier dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ainsi , l'harmonisation européenne des cursus universitaires , autour de trois niveaux, souvent résumés par la formule « 3-5-8 », ne s'inscrit pas dans un cadre communautaire mais résulte d'une initiative strictement intergouvernementale. En effet, cette harmonisation résulte d'une première décision de quatre ministres de l'éducation (France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni) prise, à l'initiative de la France, le 25 mai 1998 à la Sorbonne. Ces quatre Etats ont ensuite été rejoints par vingt-cinq Etats, dont tous les autres Etats membres de l'Union, lors de la Conférence intergouvernementale de Bologne, qui s'est tenue le 19 juin 1999. Il n'a pas été utile, pour aboutir à cette harmonisation, de recourir à des directives ou des règlements communautaires.

Par ailleurs, l'idée se développe aujourd'hui de favoriser au plan européen, à partir d'un petit nombre d'universités, dont la taille, le rayonnement et la notoriété sont importants, l'émergence de véritables « pôles d'excellence européens ». Ainsi, il existe aujourd'hui huit pôles universitaires européens en France (Bordeaux, Grenoble, Lille, Montpellier, Nancy-Metz, Paris-Sud, Strasbourg et Toulouse). Ces pôles universitaires européens ont été créés en 1991, sous la forme juridique d'un groupement d'intérêt public (G.I.P.) dans lequel des établissements d'enseignement supérieur s'associent pour une durée de cinq ans renouvelable en partenariat avec les organismes de recherche et les collectivités locales. Ils sont tenus de respecter une charte et ils passent un contrat quadriennal avec l'Etat. Chaque pôle universitaire européen a une identité qui lui est propre et des objectifs spécifiques, mais ils visent tous trois objectifs prioritaires : la mise en commun de moyens et d'objectifs de recherche ; le développement des relations internationales des établissements qui les composent ; le renforcement de la mobilité des étudiants et des chercheurs. Ainsi, le Pôle universitaire européen de Strasbourg a, par exemple, mis en oeuvre l'aménagement des campus et l'accueil des étudiants étrangers. D'autres actions visent un meilleur accès aux bibliothèques et la mise en réseau informatique de la documentation. Enfin, au sein de ce pôle s'ébauche un futur bilinguisme.

En définitive, les actions mises en oeuvre par la Communauté sont, pour l'essentiel, respectueuses de la répartition des compétences et du principe de subsidiarité. Dès lors, la question porte moins sur la manière d'établir une délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les Etats membres en matière éducative, mais sur le degré d'ambition que l'on se donne et sur la question de savoir si cette répartition des compétences n'est pas un obstacle à une action plus ambitieuse en matière d'éducation.

Les compétences et les actions de la Communauté en matière d'éducation

En matière d'éducation, la Communauté ne dispose que d'une compétence encadrée et subsidiaire : son action complète, avec des moyens limités, celle des Etats membres.

1. L'action de la Communauté porte principalement sur l'enseignement supérieur.

2. Le contenu de l'enseignement relève de la compétence des Etats membres, mais la Communauté peut prendre des mesures incitatives visant à développer la dimension européenne dans l'éducation, notamment par le plurilinguisme ou la coopération entre établissements d'enseignement. La Communauté finance aussi directement des chaires universitaires spécialisées dans la construction européenne (chaires Jean Monnet).

3. L'organisation du système éducatif reste une prérogative nationale. L'action de la Communauté se borne à des initiatives favorisant l'échange d'informations et d'expériences sur les systèmes éducatifs, les performances scolaires, etc.

4. La Communauté intervient par le biais de réglementations uniquement en matière de reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles, alors que la reconnaissance des diplômes à des fins académiques se fait sur une base volontaire.

5. Le soutien à la mobilité fait l'objet de programmes de financement, mais il ne concerne qu'un nombre réduit d'étudiants. En 2000, environ 18 000 étudiants français ont bénéficié d'une bourse Erasmus pour aller étudier dans un autre pays européen et près de 17 000 étudiants européens ont bénéficié de cette bourse pour venir étudier en France.

6. Certaines mesures décidées au niveau national s'inspirent directement des priorités définies au niveau européen. Ainsi, le Gouvernement a lancé, en juin 2000, un ensemble de mesures en faveur de l'étude des langues étrangères, comprenant notamment l'introduction de l'enseignement des langues vivantes dès l'école primaire. De même, le Gouvernement a renforcé le soutien à la mobilité en créant un système complémentaire de bourses de mobilité qui devrait bénéficier à près de 12 000 étudiants. Enfin, avec le « processus de Bologne », c'est-à-dire l'harmonisation européenne des cursus universitaires, l'annonce de la généralisation du système européen de transfert de crédits ou encore la création de pôles universitaires européens, les autorités françaises mènent une politique active pour favoriser l'émergence de l'« espace européen de l'enseignement supérieur » à l'échelle de l'ensemble du continent.

3. Une action plus ambitieuse de l'Europe en matière d'éducation restant conforme au principe de subsidiarité

a) Les positions en présence

La compétence reconnue à la Communauté en matière d'éducation demeure discutée.

(1) L'exclusion de l'éducation des compétences communautaires

De nombreuses voix se sont fait entendre en ce sens. D'abord de la part de certaines collectivités qui détiennent des compétences exclusives en matière d'éducation au sein des Etats fédéraux, en particulier les Länder allemands. Ainsi, M. Edmund Stoiber, ministre-président de la Bavière, estimait, lors d'une réunion du Comité des régions, le 22 octobre 1998, que « la culture, l'éducation, les services publics, le tourisme, l'énergie et la politique de l'emploi peuvent relever de la responsabilité exclusive des États membres, des régions et des villes. L'Union européenne devrait quant à elle se consacrer aux tâches qui ne peuvent véritablement être menées à bien qu'au niveau européen, telles que la représentation des intérêts européens dans le nouvel ordre économique mondial, la politique extérieure et de sécurité commune, la lutte contre la criminalité internationale ou la protection transfrontalière de l'environnement » . Plus récemment, les représentants de plusieurs grandes régions (la Bavière, la Catalogne, la Rhénanie du Nord-Westphalie, Salzburg, l'Ecosse, la Flandre et la Wallonie) ont adopté, le 28 mai 2001, une déclaration politique qui s'inscrit dans le cadre du débat sur l'avenir de l'Union européenne et qui porte sur la question de la délimitation des compétences. Les auteurs de ce document demandent, notamment, de réexaminer la délimitation des compétences dans le domaine de l'éducation.

Un certain nombre de responsables politiques nationaux se sont également prononcés en faveur d'une compétence nationale. Ainsi, Valéry Giscard d'Estaing, dans les travaux qu'il effectua au sein du Parlement européen sur le principe de subsidiarité en 1990, ou Jacques Delors, qui considère que « si on veut maintenir la cohésion nationale, l'éducation, la culture, la santé et la sécurité sociale doivent continuer à demeurer au niveau de la nation » (audition devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 20 juin 2001).

Les arguments qui militent en faveur de l'exclusion de l'éducation des politiques communautaires peuvent être résumés schématiquement de la manière suivante :

- l'école constitue un des éléments essentiels de l' apprentissage de la citoyenneté ;

- l'éducation est par nature un domaine où la prise de décision doit s'effectuer au plus près des usagers ;

- une action communautaire, même marginale, en matière éducative contribue à brouiller le partage des responsabilités, si bien que le citoyen ne sait plus « qui fait quoi » et la responsabilité démocratique en sort affaiblie.

Par ailleurs, il convient de remarquer que l'exclusion de l'éducation des compétences communautaires, n'implique pas forcément une politique éducative nationale ou régionale refermée sur elle-même. En effet, comme le soulignait Jacques Delors, une coopération européenne en matière d'éducation serait toujours possible, mais dans un cadre intergouvernemental (à l'image du Conseil de l'Europe, ou de l'UNESCO par exemple) et non plus communautaire. Cela offrirait, d'ailleurs, davantage de souplesse et permettrait de développer des liens plus étroits avec des pays tiers, en particulier les Etats-Unis ou le Japon.

Néanmoins, l'exclusion de l'éducation des compétences communautaires comporte plusieurs inconvénients majeurs, qui conduisent à rejeter cette option :

- l'éducation devient de plus en plus un véritable « marché », ce qui justifie une action communautaire ;

- malgré un budget réduit et des imperfections structurelles,  les programmes communautaires, tels qu'Erasmus, jouissent d'une très grande popularité et constituent un élément essentiel de la visibilité de l'Union européenne auprès de la jeunesse ;

- l'éducation contribue de manière déterminante à la citoyenneté européenne.

A cet égard, il serait pour le moins paradoxal qu'au moment où l'on cherche à rapprocher davantage l'Europe des citoyens et à lui donner un contenu plus concret, on méconnaisse à ce point leurs attentes . L'éducation figure, en effet, parmi les thèmes prioritaires cités par les citoyens, comme le montre, d'ailleurs, le rapport du groupe chargé du débat sur l'avenir de l'Europe. Il ne faut pas, non plus, sous-estimer les enjeux du futur élargissement de l'Union européenne dans le domaine de l'éducation.

(2) Une politique commune en matière éducative ?

Certaines personnalités souhaitent aller plus loin et se prononcent en faveur d'une véritable « politique commune » en matière éducative. Ils remettent donc en cause l'actuelle répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres en estimant que celle-ci constitue un frein à une action plus ambitieuse de l'Europe en matière éducative.

Mais cette approche semble résulter d'une utilisation approximative de la notion de « politique commune ».

Comme le relève un observateur avisé (7 ( * )) , « la coopération communautaire en éducation et formation n'est pas une politique commune comme les autres. Il ne s'agit pas de réguler ou d'organiser un secteur de la vie sociale par des instruments normatifs (règlements ou directives) ou incitatifs (fonds structurels), même si certains d'entre eux interviennent dans le secteur de l'éducation et de la formation. Il ne s'agit pas de définir autour de principes communs un modèle européen d'éducation et de formation. Le pari lancé est davantage d'obtenir par la coopération, notamment par l'échange d'informations et d'expériences, par la mobilité des étudiants et des enseignants, par la coopération entre établissements d'éducation et de formation, la reconnaissance par chacun c'est-à-dire par tous, y compris des agents économiques et sociaux, de la validité de l'enseignement et de la formation dispensés par les autres. Cela passe bien entendu par une adaptation, parfois vigoureuse, de l'organisation des systèmes et du contenu des enseignements, mais cette adaptation ne peut être conduite qu'au niveau national. »

Comme le déclarait le ministre français de l'Education nationale, lors du Conseil des ministres du 7 juillet 1999 :

« En réalité, il ne s'agit nullement d'uniformiser les contenus et les durées des dispositifs de formation, mais, dans le respect des identités de chacun, d'améliorer la lisibilité des diplômes, de faciliter la mobilité et de favoriser l'insertion dans l'emploi. C'est l'espace européen tout entier qui doit être en harmonie, comme dans un orchestre où chacun joue sa partition, avec son génie propre, mais où l'ensemble forme un tout cohérent et structuré. »

Il existe, en réalité, un consensus général entre les grands responsables politiques européens pour estimer que l'éducation doit demeurer une compétence exercée en premier lieu par les Etats membres ou leurs collectivités décentralisées, l'Union européenne ne jouant qu'un rôle de soutien.

Ce consensus est bien illustré par les propos de Guy Verhofstadt, Premier ministre belge, dans son discours à l'occasion du septième forum européen de la Wachau à Göttweig, le 24 juin 2001 sur « Quel avenir pour l'Europe » :

« J'estime que dans une série de cas, les compétences doivent être exercées en premier lieu par les États membres, l'Union jouant uniquement un rôle de soutien. Je pense ici, tout naturellement, à la culture, au sport, à l'enseignement . Ne devrait-on pas, à tout le moins, établir qu'il s'agit là de domaines qui entrent dans les missions de base des États membres ? L'Union n'interviendrait ici qu'en complément, si les États membres le souhaitent et s'il y a un intérêt clairement établi justifiant une intervention communautaire. »

(3) Une action communautaire plus affirmée mais restant conforme au principe de subsidiarité

Le président de la Commission européenne, M. Romano Prodi, a posé, dans son discours prononcé à l'Institut d'Etudes politiques de Paris, le 29 mai 2001, les termes du débat et a pris position sur ce point :

« Je suis bien conscient qu'un exercice de répartition des compétences entre le niveau national et le niveau européen, comporte un risque : celui de n'être qu'une répétition, par d'autres moyens, des débats - et des désaccords - sur la substance même du projet européen.

Pour certains, il s'agira surtout de « re-nationaliser » des compétences transférées ou, à l'inverse, d'en « communautariser » de nouvelles, selon des critères tirés de la sensibilité de l'opinion sur tel ou tel sujet, ou des finances publiques.

Pour ma part, j'entrerai dans ce débat sans arrière-pensée, en pensant au fond, et en cherchant au cas par cas, de quelle manière nous pouvons le mieux atteindre nos objectifs : par des compétences séparées ou partagées. Même si cela peut paraître compliqué, nous devons raisonner par fonction et laisser au système de la souplesse.

Je prendrai un exemple pour illustrer ce propos : celui de l'éducation .

Il est clair que la responsabilité première doit rester aux Etats ou aux régions. Mais le niveau européen a certainement une valeur ajoutée à apporter, notamment :

• en facilitant les échanges, la reconnaissance mutuelle des diplômes et l'adoption des grilles harmonisées d'évaluation des compétences acquises ;

• en permettant de confronter les expériences sur des sujets tels que la lutte contre l'échec scolaire, la formation continue, la violence à l'école, etc...

• en offrant des bourses et en encourageant la constitution de centres de recherche performants. »

Le Président de la Commission européenne se prononce ainsi en faveur d'une action européenne respectueuse du principe de subsidiarité. Les domaines qu'il évoque (la reconnaissance mutuelle des diplômes, les échanges d'informations et l'évaluation, l'aide à la mobilité) sont clairement ceux où une action communautaire peut, du fait de sa dimension et de ses effets, apporter une plus-value par rapport à des actions nationales.

Il reste, cependant, extrêmement prudent en la matière, car il ne semble pas aller au-delà de ce que fait actuellement l'Union européenne.

En France, le Premier ministre et le Président de la République semblent développer une conception plus ambitieuse.

Ainsi, le Premier ministre estime, dans son discours sur l'avenir de l'Europe du 28 mai 2001 : « Favorisons mieux encore la mobilité des étudiants, des artistes et des chercheurs. D'ici dix ans, tous les jeunes Européens devraient pouvoir accomplir une partie de leur scolarité dans un autre pays que le leur. Faisons de l'enseignement d'au moins deux langues européennes, dès le plus jeune âge, une règle. »

En outre, dans ce même discours, le Premier ministre ajoute : « Tout doit être fait, notamment à l'école, pour que nos enfants prennent conscience que leur héritage national s'inscrit dans une richesse plus vaste encore, celle de l'Europe. »

Quant au Président de la République, il considère, dans son message diffusé sur le site Internet de la présidence de la République, le 31 octobre 2001 :

« Nos efforts doivent porter en priorité, c'est une évidence, sur les échanges scolaires et universitaires. Beaucoup a été fait, notamment pendant la présidence française de l'Union, en 2001, pour promouvoir la mobilité des étudiants. Mais il faut changer d'échelle et se fixer des objectifs concrets et ambitieux pour tous les jeunes européens, au stade du primaire et pendant le secondaire comme pour les étudiants » .

Il ajoute :

« Je souhaite également que l'Europe s'affirme dans le domaine stratégique de la formation de haut niveau, où les Etats-Unis ont une nette avance. Nous devrions soutenir les établissements de différents pays européens désireux de s'allier pour former de grandes institutions susceptibles de bénéficier d'un rayonnement mondial, grâce à leur masse critique d'étudiants ».

Il évoque ensuite la question des langues et la nécessité de préserver le multilinguisme :

« il faut réaliser au plus vite et partout l'objectif de parler trois langues (dont la langue maternelle) à l'issue des années de scolarité obligatoire (...). Il faut que tous les Etats membres agissent dans ce sens » .

Le Premier ministre britannique Tony Blair s'est également prononcé, dans son discours de Birmingham, le 23 novembre 2001, pour une action européenne renforcée en matière de formation et d'éducation.

Ainsi, si tout le monde s'accorde sur les objectifs qu'il convient de fixer à l'action communautaire en matière éducative et sur la nécessité de respecter le principe de la délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres, toute la question porte sur la manière de les atteindre et le niveau d'ambition que l'on se donne.

b) Comment concilier une action européenne plus ambitieuse en matière d'éducation et le respect de la délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres ?

Le réexamen des dispositions du traité relatives à l'éducation doit concerner autant les objectifs que les moyens d'action.

(1) Des objectifs clarifiés

A la lecture de l'article 149 du traité instituant la Communauté européenne, il apparaît qu'il existe une certaine ambiguïté sur l'objectif essentiel assigné à l'Union en matière éducative. En effet, il ressort de l'alinéa premier de cet article, que la priorité de l'action communautaire est le « développement d'une éducation de qualité » . Certes, l'objectif de favoriser « la dimension européenne dans l'éducation » figure également dans ce même article, mais à l'alinéa suivant, qui décrit les domaines d'action concrets de la Communauté. Je serais donc favorable à une inversion des deux objectifs de sorte que le développement de la dimension européenne dans l'éducation soit le but essentiel assigné à l'Union et que le développement d'une éducation de qualité soit ramené au niveau des objectifs plus concrets. Cela ne changerait rien sur le fond, mais cette modification permettrait une clarification.

Les autres modifications concerneraient précisément la description des objectifs concrets au second alinéa.

Au regard de la situation actuelle, il est évident qu'un effort particulier doit être mené au niveau européen pour favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants. Or, c'est clairement un domaine où l'action de l'Union européenne apporte une « plus value » par rapport à l'action des Etats membres, notamment en encourageant la reconnaissance des diplômes et par des programmes de financement.

C'est la raison pour laquelle je propose de hiérarchiser en quelque sorte les objectifs fixés par le traité pour faire de la mobilité une véritable priorité et d'inscrire l'objectif de la rendre systématique.

En revanche, il me semble plus difficile, pour des raisons pratiques évidentes, de fixer le même degré d'ambition en ce qui concerne la mobilité des élèves du primaire et du secondaire. Il faut, en effet, savoir que l'Union européenne compte plus de 75 millions d'élèves.

La seconde priorité me paraît être l'encouragement du plurilinguisme qui s'inscrit dans le cadre de la diversité culturelle. Là encore, l'Union européenne a un rôle essentiel à jouer, en particulier dans la perspective du prochain élargissement.

Je considère donc qu'il faudrait inscrire dans le traité l'objectif que tous les élèves puissent apprendre au moins deux langues étrangères autres que leur(s) langue(s) maternelle(s). Il ne s'agirait là que de reprendre le texte des résolutions adoptées par les ministres de l'éducation des Quinze en 1995 et 2001, ce qui en principe ne devrait pas soulever de difficultés, mais cela permettrait de donner un signal politique fort.

Les autres objectifs resteraient, quant à eux, inchangés.

(2) Une action revisitée : l'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de l'éducation

Comme il a été mentionné précédemment, l'Union européenne dispose de trois sortes d'instruments en matière éducative : des normes juridiques, des textes non contraignants et des programmes de financement.

Ces derniers présentent un réel intérêt pour encourager la mobilité ou la coopération entre les établissements, mais la modestie de leur dotation financière, la lourdeur de leur gestion et les risques de saupoudrage ne militent pas en faveur de leur extension à des champs d'application plus vastes. Au contraire, ils devraient être davantage concentrés qu'ils ne le sont jusqu'à présent sur les objectifs sus-mentionnés. Cela permettrait, notamment, d'augmenter les bourses de type Erasmus ou de concentrer les financements du programme Jeunesse sur le public des jeunes en situation d'échec scolaire.

L'utilisation de normes juridiques, qui ne s'appliquent effectivement qu'en matière de reconnaissance des qualifications à des fins professionnelles est également à exclure, car il ne s'agit pas ici de procéder à une harmonisation uniformisante.

Il reste donc les textes non contraignants, tels que les résolutions ou les recommandations, qui sont d'ailleurs très largement utilisées dans le domaine éducatif. Cependant, les éléments contenus dans ces instruments restent souvent inappliqués, faute d'un mécanisme d'évaluation et de suivi.

Il semble, en réalité, que la seule manière de concilier une action communautaire ambitieuse en matière d'éducation et le respect de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, passe par le recours à la « méthode ouverte de coordination » .

Cette méthode consiste :

- à définir des lignes directrices pour l'Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les Etats membres ;

- établir, le cas échéant, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d'évaluation, par rapport aux meilleures performances mondiales, qui soient adaptés aux besoins des différents Etats membres et des divers secteurs, de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques ;

- traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales ;

- procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs (conclusions du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000).

Elle offre, comme le souligne le Livre blanc de la Commission sur la gouvernance, le « moyen d'encourager la coopération, d'échanger de bonnes pratiques, de convenir d'objectifs communs et d'orientations communes aux Etats membres (...). Elle se fonde sur la mesure régulière des progrès réalisés sur la voie de ces objectifs afin que les Etats membres puissent comparer leurs efforts et s'enrichir de leurs expériences mutuelles. »

Cette méthode a été appliquée, pour la première fois, au domaine de l'emploi avec le procédé des « lignes directrices pour l'emploi », lancé au Conseil européen d'Essen et inscrit dans l'article 128 du traité instituant la Communauté lors de la révision opérée à Amsterdam.

La méthode ouverte de coordination permet, en réalité, de renforcer la coopération entre les Etats membres pour atteindre les objectifs du traité, de manière souple et pragmatique, sans remettre en cause les compétences des Etats ou des collectivités décentralisées. C'est pourquoi, elle est particulièrement adaptée à des domaines, tels que l'emploi, le social, l'immigration, l'environnement ou l'éducation, qui relèvent avant tout des compétences nationales.

C'est la raison pour laquelle le Livre blanc sur la gouvernance de la Commission prône un renforcement de cette méthode tout en estimant que celle-ci doit demeurer complémentaire à l'action communautaire.

L'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de l'éducation paraît d'autant plus pertinente que ce serait le moyen de prendre en compte l'éducation dans le cadre de la politique de l'emploi menée au niveau européen.

Cette raison a, d'ailleurs, incité les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du Conseil européen de Lisbonne, des 23 et 24 mars 2000, qui a fixé l'objectif de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » , à donner mandat au Conseil Education d'entreprendre une réflexion générale sur les objectifs concrets futurs des systèmes d'enseignement en vue de contribuer au processus des lignes directrices pour l'emploi.

Cela a donné lieu à un rapport, élaboré par la Commission et adopté par les ministres de l'éducation le 12 février 2001.

Le rapport définit, pour les dix prochaines années, trois objectifs stratégiques concrets :

- accroître la qualité et l'efficacité de l'éducation et de la formation dans l'Union européenne ;

- faciliter l'accès de tous à l'éducation et à la formation ;

- ouvrir les systèmes éducatifs vers l'extérieur : vers la société au niveau local et national, vers l'Europe et sur le monde.

Par ailleurs, le rapport définit un certain nombre de domaines où il est particulièrement important que ces trois objectifs soient réalisés. Il s'agit, notamment, d'améliorer la formation des enseignants, d'assurer l'accès de tous aux technologies de l'information et de la communication, d'intensifier le recrutement aux études de sciences et de technologie, d'améliorer l'assurance de la qualité, d'améliorer l'apprentissage des langues, d'accroître la mobilité et les échanges par-delà les frontières, de renforcer l'articulation entre l'enseignement et la vie professionnelle, et enfin de promouvoir une citoyenneté active, l'égalité des chances et la cohésion sociale.

Comme le reconnaît la Commission, « il est évident que de nombreux éléments décrits dans ces objectifs peuvent être pris en charge par les autorités nationales ou régionales et discutés le cas échéant avec des associations et les partenaires sociaux, mais tous ces objectifs auraient à bénéficier d'un processus d'examen par les pairs, d'un échange de bonnes pratiques et d'une comparaison des progrès accomplis par les Etats membres » .

Les prochains développements sont attendus pour le Conseil européen de Barcelone en mars 2002.

Parallèlement, la Commission européenne vient d'adopter le Livre blanc sur la jeunesse, qui entend promouvoir la méthode ouverte de coordination pour donner un nouvel élan à l'action communautaire en direction des jeunes. Il s'agirait, en particulier, grâce à ce procédé, de renforcer la participation des jeunes à la vie publique, d'encourager le volontariat, d'améliorer l'information des jeunes et d'améliorer la connaissance du domaine de la jeunesse par les pouvoirs publics.

Néanmoins, l'application de la méthode ouverte de coordination au domaine de l'éducation soulève les réticences de certains pays, et des Länder allemands, qui estiment qu'elle est trop bureaucratique et qu'elle va à l'encontre du principe de subsidiarité. Certes, il ne convient pas de transposer tel quel le procédé des lignes directrices pour l'emploi au secteur de l'éducation, mais de l'adapter. Il faut, en effet, définir des modalités spécifiques tant en termes d'indicateurs et d'outils d'évaluation, que du point de vue institutionnel. Ainsi, contrairement aux lignes directrices pour l'emploi, qui sont élaborées chaque année, ces lignes directrices pour l'éducation devraient avoir une périodicité plus longue, compte tenu de la grande « rigidité » des systèmes d'éducation et du délai de mise en oeuvre. On pourrait ainsi imaginer une périodicité de trois ou cinq ans.

Par ailleurs, le Conseil européen ne serait pas concerné par ces lignes directrices mais uniquement le Conseil des ministres de l'Education de l'Union, ce qui simplifierait la procédure. A l'inverse, comme pour l'emploi, le Parlement européen, le Comité économique et social et le Comité des régions seraient consultés et le rôle de la Commission serait ainsi renforcé. A l'instar de l'emploi également, je pense qu'il est important d'inscrire cette méthode dans le traité, à côté des mesures d'encouragement et des recommandations pour bien marquer la spécificité de l'éducation par rapport à l'emploi. Il y eu, en effet, une certaine ambiguïté à propos du « rapport sur les objectifs concrets futurs », sur le fait de savoir si cet exercice devait se limiter uniquement au volet éducatif de la stratégie européenne pour l'emploi ou inclure également la dimension civique de l'éducation.

(3) Le recours à la géométrie variable

La possibilité offerte aux Etats membres qui le souhaitent d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, que ce soit par la méthode intergouvernementale ou même par le mécanisme des « coopérations renforcées », tel qu'il est prévu par le traité, offre de grandes perspectives en matière d'éducation.

Comme l'a déclaré le ministre de l'Education nationale, M. Jack Lang, dans son intervention au Sommet interministériel de Prague, des 18 et 19 mai 2001 :

« Il ne faudrait pas qu'un cadre institutionnel freine les initiatives que certains voudraient prendre (...) Par ailleurs, n'attendons pas de trouver sur tout sujet un accord unanime : pourquoi faudrait-il absolument que tous marchent du même pas ? Certains, volontaires, peuvent ouvrir la voie, les autres les rejoindront. Prenons des initiatives à deux, à trois, à six ; nous pouvons les uns et les autres, en pleine liberté, nous associer, nous fédérer. Nous pouvons avancer selon une « géométrie variable » (...). Pour notre part, nous sommes résolus à aller de l'avant et à constituer, avec les pays qui le souhaiteront, une avant-garde ».

Ainsi, le ministre délégué chargé de l'Enseignement professionnel, M. Jean-Luc Mélenchon, a pris récemment l'initiative de lancer un projet pilote visant à construire en commun, dans le respect des spécificités nationales, des référentiels communs de formation, puis des diplômes européens dans le domaine de l'enseignement professionnel. Ce projet concerne actuellement deux secteurs (l'automobile et l'hôtellerie) et implique cinq Etats membres et deux pays candidats. Il est ouvert aux autres pays de l'Union et pourra ensuite être étendu à d'autres secteurs. Comme l'a déclaré ce ministre, lors du dernier Conseil Education de novembre dernier : « l'approfondissement de la construction européenne nécessite une certaine convergence des systèmes éducatifs des Etats membres, seule à même de garantir la mobilité des étudiants en Europe » .

On pourrait également, par ce biais, favoriser l'émergence dans toute l'Europe de véritables universités européennes, qui soient à la fois des lieux de formation pour des étudiants et des enseignants de tous les pays européens et d'importants centres culturels, sur le modèle des universités européennes d'été, qui fonctionnent depuis l'année dernière en France. Dans le même ordre d'idée, une université franco-allemande vient d'être créée en 2000, ainsi qu'une université franco-italienne en 2001.

L'examen de la répartition actuelle des compétences en matière d'éducation entre l'Union et les Etats membres doit donc conduire à renforcer l'action de l'Europe dans certains domaines.

Le principe de subsidiarité dit, en effet, que la Communauté ne doit agir que si l'objectif ne peut être réalisé de manière suffisante par les Etats membres, mais lorsque tel est le cas, il comporte également une obligation d'agir pour la Communauté en vue de réaliser cet objectif.

Je crois que cela permettrait de faire de l'Europe une réalité concrète et tangible pour les citoyens, et donc de renforcer leur adhésion au projet européen.

En conséquence, et compte tenu de ces éléments, l'article 149 pourrait être modifié de la manière suivante :

Traité instituant la Communauté européenne

Article 149

TEXTE ACTUEL

NOUVELLE REDACTION

1. La Communauté contribue au développement d'une éducation de qualité en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

1. La Communauté contribue au développement d'une dimension européenne dans l'éducation en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

2. L'action de la Communauté vise :

- à développer la dimension européenne dans l'éducation, notamment par l'apprentissage et la diffusion des langues des Etats membres ;

- à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études ;

- à promouvoir la coopération entre les établissements d'enseignement ;

- à développer l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des Etats membres ;

- à favoriser le développement des échanges de jeunes et d'animateurs socio-éducatifs ;

- à encourager le développement de l'éducation à distance.

2. L'action de la Communauté vise :

- en priorité , à favoriser, avec l'objectif de la rendre systématique , la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études ;

- à encourager l'apprentissage par tous les élèves d'au moins deux langues étrangères autres que leur(s) langue(s) maternelle(s) ;

- à développer la qualité dans l'éducation ;

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

3. La Communauté et les Etats membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation, et en particulier avec la Conseil de l'Europe.

Alinéa sans modification

4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :

- statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ;

- statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, des recommandations.

4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

- statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission et, après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, des lignes directrices pluriannuelles, dont les États membres tiennent compte dans leurs politiques en matière d'éducation.

Chaque État membre transmet au Conseil et à la Commission un rapport sur les principales mesures qu'il a prises pour mettre en oeuvre sa politique, à la lumière des lignes directrices pour l'éducation.

Sur la base de ces rapports, le Conseil procède à un examen de la mise en oeuvre de ces lignes directrices par les États membres, qui donne lieu à un rapport.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission peut, s'il le juge approprié à la suite de cet examen, adresser des recommandations aux États membres.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Hubert Haenel :

J'ai écouté votre communication avec un grand intérêt et je partage tout à fait vos remarques. Cela montre tout l'intérêt de l'exercice sur la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres qui doit pouvoir déboucher sur des propositions originales.

M. Claude Estier :

Je suis particulièrement préoccupé par la question de la mobilité des étudiants et des enseignants. Je crois que, dans ce domaine, il reste beaucoup à faire car c'est un élément très important pour l'avenir de l'Europe.

Je suis également très attaché au multilinguisme. Je partage donc l'idée de se fixer l'objectif que tous les élèves puissent apprendre au moins deux langues étrangères. Un sondage récent montre, en effet, que près de 70 % des Français ne parlent aucune langue étrangère.

M. Serge Lagauche :

La position de la France est très en avance sur ces sujets. Il s'agit, sans méconnaître le principe de subsidiarité, de renforcer l'action de l'Europe dans ces domaines.

M. Jean Bizet :

Je partage les observations précédentes. Cela me semble important pour l'émergence d'une véritable « conscience européenne » qui s'inscrirait dans le respect de la subsidiarité.

Par ailleurs, j'aimerais savoir s'il existe des statistiques sur le devenir professionnel des étudiants qui ont effectué une partie de leurs études à l'étranger. Je voudrais savoir, en effet, si ces étudiants sont restés majoritairement en Europe ou s'ils se sont ensuite expatriés aux Etats-Unis.

M. Serge Lagauche :

A ma connaissance, il n'existe pas de telles statistiques. Néanmoins, l'objectif principal fixé par le Conseil européen de Lisbonne est précisément de faire ²de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » , en particulier en renforçant les connaissances de base dans les matières scientifiques.

De même, l'harmonisation des cursus européens par la méthode intergouvernementale répond aussi à la volonté de faire de l'Europe un pôle moteur en matière de recherche et d'éducation.

A l'issue de ce débat, la délégation a approuvé, à l'unanimité, la proposition présentée par le rapporteur de modification de l'article 149 du traité instituant la Communauté européenne.

UNE MEILLEURE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

DANS L'UNION EUROPÉENNE

Le thème de la répartition des compétences paraît abstrait et éloigné des préoccupations des citoyens. En fait, il ne vise qu'à déterminer « qui fait quoi » au sein de l'Union européenne.

En se penchant sur trois domaines précis : la culture, l'environnement et l'éducation, ce rapport montre qu'il est difficile de définir des blocs de compétences simples. Il montre cependant l'intérêt de rédactions plus précises du traité et souligne que le principe de subsidiarité ne sera jamais durablement appliqué tant qu'il n'existera pas, au niveau européen, un organe chargé spécifiquement de cette mission.

* (1) La part du budget communautaire consacrée à la culture représente moins de 0,5 %, même si l'intervention de l'Union ne se limite pas seulement aux mesures d'encouragement, mais prend aussi la forme de directives concernant le marché intérieur ou de décisions relevant de la politique de la concurrence et de la politique commerciale commune.

* (2) M. Thierry Granturco « La genèse de l'intégration de la culture au sein des compétences communautaires » in Revue d'histoire de l'intégration européenne , volume 5, 1 er janvier 1999, page 109.

* (3) On rappellera aussi que le Fonds de Cohésion permet, dans les Etats membres qui y sont éligibles, le financement d'infrastructures environnementales.

* (4) directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988.

* (5) directive 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992.

* (6) par exemple : directive 93/16/CEE du 5 avril 1993 pour les médecins, ou directive 85/5/CE du 16 février 1998 pour les avocats.

* (7) M. Antoine Bousquet, in Education et formation dans l'Union européenne, Réflexe Europe, La Documentation française, janvier 1999, p. 7.

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