TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 19 décembre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu une communication de M. Alain Gournac, vice-président , sur la mission effectuée, du 3 au 12 juillet 2001, sur la politique sanitaire du Viêt-nam .

M. Nicolas About, président , a rappelé que la délégation qui avait conduit cette mission du 4 au 12 juillet 2001 était composée de M. Jean Delaneau, alors président de la commission, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Francis Giraud, Alain Gournac et Philippe Nogrix.

Il a observé qu'à l'issue du renouvellement du Sénat en octobre dernier, il appartenait à M. Alain Gournac, vice-président de la commission, de présenter les conclusions de cette mission.

M. Alain Gournac, vice-président, a, tout d'abord, situé la politique sanitaire du Viêt-Nam dans son contexte général. A cette occasion, il a indiqué que la population de ce pays, soit soixante-dix-sept millions d'habitants, se concentre dans les plaines, qui représentent 20 % du territoire et, principalement, dans les grands deltas (delta du fleuve rouge, au nord et delta du Mékong, au sud). Il a également précisé que, après le dynamisme démographique constaté au cours de la dernière décennie (dix millions d'habitants supplémentaires entre 1990 et 2000), le Viêt-nam paraît désormais entrer dans une phase de transition démographique, les politiques publiques en matière de planning familial s'étant traduites, notamment, par une diminution significative du taux de fécondité, qui est ainsi revenu de 4 naissances par femme, en 1987, à 2,5 naissances par femme en 2000. Il a, en outre, souligné que le climat du Viêt-nam, tropical et humide, favorise l'apparition de maladies vectorielles infectieuses, qu'elles soient virales, comme la dengue ou l'encéphalite japonaise, ou parasitaires, comme le paludisme.

Par ailleurs, M. Alain Gournac a rappelé que le Viêt-nam s'était engagé depuis 1986 dans une politique de libéralisation économique, le « doi moi », dont les conséquences sociales, notamment l'exode rural, sollicitent davantage, dans les zones urbaines, des infrastructures publiques et, notamment, sanitaires, qui peinent déjà à répondre aux besoins des populations locales.

M. Alain Gournac, vice-président, a ensuite indiqué que la politique sanitaire du Viêt-nam pouvait se prévaloir de succès incontestables, qu'il s'agisse de la lutte contre les grandes maladies épidémiques (choléra, peste, variole, tétanos, diphtérie, coqueluche et poliomyélite), organisée dans le cadre d'un vaste programme national de vaccination, de la diminution rapide et significative de la mortalité infantile, dont le taux est revenu, selon les sources officielles, de 160 pour 1.000 en 1960 à 42 pour 1.000 en 2000 et de la régression du paludisme, dont l'incidence est revenue de 16 cas pour 1.000 habitants en 1991 à 6 cas pour 1.000 habitants en 2000.

En revanche, M. Alain Gournac a souligné la persistance de certains maux récurrents à savoir, principalement, la malnutrition infantile, qui touche encore 37 % des enfants vietnamiens, et les maladies infectieuses, telles les diarrhées infectieuses, la fièvre typhoïde, les pneumopathies infectieuses, les bronchites aiguës et la tuberculose.

M. Alain Gournac a ajouté que la politique sanitaire du Viêt-nam est, en outre, confrontée à la propagation de certaines maladies virales (dengue, encéphalite japonaise, sida), ainsi qu'à l'émergence de nouveaux problèmes sanitaires, qui traduisent la modification des conditions de vie résultant de l'essor économique (augmentation du nombre des accidents de la circulation et des maladies cardiovasculaires).

Puis M. Alain Gournac a présenté l'organisation du système de santé vietnamien, qui est essentiellement public et largement décentralisé. Il a ainsi décrit l'organisation et les compétences respectives des quatre « étages » de ce système de santé, à savoir, les dispensaires communaux, les services de santé du district (échelon territorial intermédiaire entre la commune et la province), les services de santé provinciaux et le ministère de la santé qui supervise et coordonne l'action des différents acteurs du système sanitaire.

A cette occasion, M. Alain Gournac, vice-président, a notamment souligné, d'une part, le manque de moyens matériels et humains des dispensaires communaux, qui semble expliquer la désaffection croissante de la population à leur égard, et, d'autre part, la part prépondérante des provinces dans le financement des dépenses publiques de santé, soit 55 %, qui leur confère une autonomie certaine par rapport aux directives de l'Etat, qui n'en finance que 28 %. Il a ajouté que le reste du financement des dépenses publiques de santé est assuré par les malades eux-mêmes, à hauteur de 7 %, et par l'assurance maladie, soit 10 %. S'agissant de cette dernière, il a notamment précisé qu'elle ne couvrait encore qu'une partie très limitée de la population (10 millions de personnes pour l'assurance obligatoire du secteur public et parapublic ; 4 millions de personnes pour l'assurance volontaire), et n'était accessible qu'aux catégories sociales les plus aisées.

M. Alain Gournac a ensuite présenté les principales difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontés les hôpitaux publics vietnamiens, qui demeurent l'élément central du système de soins. Il a notamment évoqué l'inadaptation de leurs capacités d'accueil à l'accroissement rapide de la population, ainsi que la vétusté et le manque d'entretien de leurs équipements, faute de personnel biomédical qualifié. A ce sujet, il a esquissé les éléments de solution que pourrait apporter, à ce problème particulier, la coopération sanitaire franco-vietnamienne, notamment par la formation, en France, de techniciens qui iraient ensuite, former sur place les personnels biomédicaux vietnamiens qui font aujourd'hui défaut.

M. Alain Gournac a souligné la place prépondérante des médecins au sein du système de santé vietnamien, qui assurent, outre leurs fonctions de médecin, des fonctions d'infirmier, de pharmacien et de cadre administratif. Il a toutefois précisé que les médecins vietnamiens commençaient à prendre conscience des inconvénients de ce cumul de fonctions et de la nécessité de s'entourer d'un personnel paramédical qualifié. S'agissant du développement de la médecine libérale, il a notamment ajouté que les médecins vietnamiens donnent leurs consultations privées le soir, à domicile, après avoir accompli leur service obligatoire dans le secteur public.

M. Alain Gournac, vice-président, a ensuite présenté les conséquences de la libéralisation du marché des médicaments engagée au cours des années 1990 qui, outre la constitution d'un réseau de distribution de 8.000 détaillants, publics ou privés, et la forte progression de la consommation de médicaments (plus 20 % par an), a favorisé l'apparition d'un marché parallèle, alimenté par la contrebande. A ce sujet, il a notamment précisé que les médicaments occidentaux autorisés, qui sont aux trois quarts importés et figurent sur une liste officielle de 255 spécialités, cohabitent, sans exclusive, avec la pharmacopée traditionnelle, la médecine vietnamienne traditionnelle, reconnue par les pouvoirs publics, ayant conservé les faveurs de la population.

Enfin, M. Alain Gournac a conclu sa présentation de la politique sanitaire du Viêt-nam en soulignant le rôle désormais important de l'aide internationale en ce domaine, et en se félicitant, plus particulièrement, de la vigueur et de l'étendue de la coopération sanitaire franco-vietnamienne.

M. Nicolas About , président , a insisté sur le jugement nécessairement nuancé qui devait être porté par la mission de la commission sur l'état et la politique sanitaires d'un pays étranger dès lors que la commission n'entendait pas, en l'espèce, tirer de cette mission des enseignements quant à la politique qui devait être conduite dans notre pays.

M. Louis Souvet a souhaité savoir si, d'une part, la politique démographique du Viêt-nam était aussi stricte, dans ses interdits officiels, que celle de la Chine et si, d'autre part, la population vietnamienne manifestait les mêmes préjugés que la population chinoise quant au sexe des nouveaux-nés. Il s'est également interrogé sur la part respective des différents secteurs d'activité de l'économie vietnamienne, le taux de croissance économique nécessaire pour faire face à l'augmentation rapide de la population et sur les moyens techniques utilisés pour lutter contre le paludisme.

M. André Vantomme a souhaité savoir dans quelle proportion la population vietnamienne recourait à la médecine occidentale et à la médecine traditionnelle.

M. Guy Fischer a indiqué que sa participation à cette mission lui avait permis de constater, parallèlement aux efforts incontestables des autorités vietnamiennes en matière sanitaire, le sous-équipement de la plupart des structures visitées, notamment dans les campagnes, l'accroissement des inégalités dans l'accès aux soins, due à la libéralisation du système de santé, et un déséquilibre économique grandissant entre le nord et le sud, qui ne pourra qu'être source de difficultés futures. Il a également souligné les conséquences sanitaires de trente ans de guerre et, plus particulièrement, les séquelles laissées par les défoliants (« agent orange ») utilisés de manière intensive par l'armée américaine. Enfin, il a regretté le recul de la langue et de la présence françaises au Viêt-nam, au profit de l'influence anglo-saxonne.

M. Dominique Leclerc a souligné l'importance de la coopération sanitaire franco-vietnamienne décentralisée, en illustrant son propos des multiples actions engagées, à ce titre, par les acteurs sanitaires, publics et privés, de son département.

Répondant aux différents intervenants, M. Alain Gournac a notamment fourni les précision suivantes :

- toute appréciation objective de la politique sanitaire du Viêt-nam doit prendre en compte ses insuffisances, mais également ses réussites dont certaines (espérance de vie à la naissance ; taux de mortalité infantile) s'avèrent même, selon les rapports officiels des Nations-Unies et de la Banque mondiale, supérieures à ce que l'on pourrait espérer, compte tenu du niveau de développement du pays ;

- la politique démographique du Viêt-nam n'est pas aussi contraignante, dans ses consignes, que son homologue chinoise, l'effort se portant principalement sur la diffusion, par le biais des dispensaires communaux, de l'information et des méthodes de contraception ;

- l'agriculture représente 25,4 % du produit intérieur brut vietnamien, l'industrie 34,5 %, les services et l'administration 40,1 % ;

- le taux de croissance actuelle de l'économie vietnamienne, soit environ 7 % en moyenne annuelle, permet d'absorber les nouvelles générations se présentant sur le marché du travail, mais tout retournement éventuel de la conjoncture aurait, bien entendu, de graves conséquences sociales ;

- les Vietnamiens étant un peuple pragmatique, ils recourent sans exclusive, et en fonction de leurs moyens, tant à la médecine occidentale qu'à la médecine traditionnelle ;

- l'un des principaux défis auxquels est aujourd'hui confronté le système de santé vietnamien est, incontestablement, l'accroissement des inégalités dans l'accès à des soins de qualité ;

- la vigueur de la coopération sanitaire franco-vietnamienne, que la mission a pu constater sur le terrain, ne saurait faire oublier le recul préoccupant de notre langue et de notre culture au Viêt-nam.

La commission a alors décidé d'autoriser la publication de la communication de M. Alain Gournac sous la forme d'un rapport d'information .

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