SOMMAIRE
AUDITIONS
(classées par ordre alphabétique du nom de l'organisme ou de la personne) (1( * ) )
Pages
• Académie des Sciences 11
- Professeur Maurice TUBIANA
- M. Bernard TISSOT
• Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
(ADEME) 17
- M. Pierre RADANNE
- M. Jacques LABEYRIE
• Airlines European Association (AEA) 23
- Mme Thi Mai LE
• AIRPARIF 27
- M. Michel ELBEL
- M. Philippe LAMELOISE
• Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture (APCA) 33
- M. Guy VASSEUR
- M. Jean-Noël TERRIBLE
- M. Jacques PIOR
• BNP PARIBAS 37
- M. Denis AUTIER
- M. Emmanuel DEBOAISNE
• Bureau de Recherches Géologiques et Minières (B.R.G.M.)
41
- M. Yves CARISTAN
• Caisse Centrale de Réassurance (C.C.R.) 45
- M. Thierry MASQUELIER
• CEA - CNRS 49
Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement
- M. Laurent TURPIN
• CEMAGREF - Institut de recherche pour l'ingénierie
de
l'agriculture et de l'environnement 55
- M. Pierrick GIVONE
- M. Jean-Louis VERREL
• Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports,
l'Urbanisme et les constructions publiques (CERTU) 59
- M. Jean-Pierre ROTHEVAL
• Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) 63
- M. Jacques ARNOULD
• Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) 67
- Mme Anny CAZENAVE
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 69
Laboratoire Climat et Santé - Faculté de Médecine de Dijon
- Professeur Jean-Pierre BESANCENOT
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 75
Laboratoire de Météorologie Dynamique à l'Ecole
Polytechnique
- M. Robert KANDEL
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 79
- M. Jean-François MINSTER
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 85
- Mme Sylvie JOUSSAUME
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 91
- M. Gérard MEGIE
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 97
Laboratoire de Géographie physique
- M. Paolo Antonio PIRAZZOLI
• Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) 101
Laboratoire de Géographie physique
- Docteur Christine ROMANA
• Commission européenne 105
Direction générale des relations extérieures
- M. René LERAY
• Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) 109
- Professeur Jean LUCAS
• DATAR 115
- M. Jean-Louis GUIGOU
• M. Robert DELMAS 119
• Electricité de France (EDF) 123
- M. Bernard MECLOT
- M. Jean-Yves CANEIL
• Energies renouvelables (Syndicat) 127
- M. Erik GUIGNARD
• Fédération des entreprises de Transports
et
Logistique de France (TLF) et SNCF 299
- M. Alexis BORDET
- M. Francis ROL-TANGUY
• Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants
Agricoles (FNSEA) 131
- M. Jean SALMON
• Groupe Intergouvernemental d'experts
sur l'Evolution des Climats
(GIEC) 133
- M. Michel PETIT
• Institut Français de l'Environnement (IFEN) 135
Conservatoire du Littoral
- M. Jean-François LETOURNEUX
• Institut Français de l'Environnement (IFEN) 139
- M. Bernard MOREL
• Institut Français du Pétrole (IFP) 141
- M. André DOUAUD
• Institut Français de Recherche
pour l'Exploitation de la
Mer (IFREMER) 147
- M. Jean-François MINSTER
• INESTENE - Institut d'Evaluation
des Stratégies sur
l'Energie et l'Environnement en Europe 151
- M. Antoine BONDUELLE
• Institut National d'Agronomie de Paris-Grignon (INA P-G) 155
- M. Alain PERRIER
• Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) 161
- M. Ghislain GOSSE
• Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) 163
- M. Bertrand HERVIEU
- M. Jean BOIFFIN
- M. Pierre STENGEL
- M. Ghislain GOSSE
- M. Bernard SEGUIN
• Institut Pasteur 167
- Professeur François RODHAIN
• Institut Pierre Simon Laplace (I.P.S.L.) 173
- M. Hervé LE TREUT
• Institut de Recherche pour le Développement (IRD) 179
- M. Jacques MERLE
- M. Rémy LOUAT
• M. Jean-Marc JANCOVICI
, Ingénieur consultant (MANICORE)
185
• Mme Corinne LEPAGE
, Ancien ministre de l'environnement
193
• Météo France 199
- M. Daniel CARIOLLE
• Mission Interministérielle de l'Effet de Serre (M.I.E.S.)
203
- M. Michel MOUSEL
- M. Marc GILLET
• Ministère de l'Agriculture
, Direction de l'espace rural et
de la forêt
207
- M. Christian BARTHOD
• Ministère de l'Agriculture
, Direction de l'espace rural et
de la forêt
213
- M. Guy LANDMANN
• Ministère de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement
,
217
- M.Yves COCHET
• Ministère de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement
,
Direction de l'Eau
221
- M. Noël GODARD
• Ministère de l'Aménagement du Territoire
et de
l'Environnement
,
GICC 227
- M. Jean-Claude ANDRÉ
• Ministère de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement 235
- M. Benoît LESAFFRE
- M. Jean-Marc SALMON
- M. Maurice MULLER
• Ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement
,
Direction des Affaires Economiques et Internationales
241
- M. Thierry VEXIAU
• M. Patrice MIRAN 247
• Muséum national d'histoire naturelle 251
- M. Denis COUVET
• Office National des Forêts (O.N.F.) 255
- M. Bernard GOURY
- M. Cyril LOISEL
• Palais de la Découverte 261
- M. Jean AUDOUZE
• Ponts et Chaussées - Conseil général 265
- M. Jean-Pierre GIBLIN
• PSA-Peugeot Citroën 269
- M. Bruno COSTES
- M. Hervé PICHON
• Le Quotidien du Médecin
- Prix Epidaure
275
- Mme Florence MEHL
• Réseau Action-Climat France (RAC France)
277
- M. Philippe QUIRION
- Melle Raphaëlle GAUTHIER
• M. Philippe ROQUEPLO 283
• Sécurité routière 289
- M. Yves ROBICHON
- M. Bernard GAUVIN
• SNCF et Fédération des entreprises de Transports
et
Logistique de France (TLF) 293
- M. Francis ROL-TANGUY
- M. Alexis BORDET
• Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) 299
- M. le Professeur Pierre ROGNON
• M. Paul VERGÈS
,
Sénateur
309
• Vivendi Environnement 313
- M. Jean-Pierre TARDIEU
- M. Michel DUTANG
- Mme Marie-Thérèse SUART-FIORAVANTE
• Voies Navigables de France (VNF)
317
- M. François BORDRY
• WWF - Fonds Mondial pour la Nature 321
- M. Jean-Stéphane DEVISSE
ACADÉMIE DES SCIENCES
PROFESSEUR MAURICE TUBIANA
(2(
*
))
M. BERNARD TISSOT
(29 mars 2000)
M.
Bernard TISSOT a tout d'abord évoqué la situation du
transport
automobile
en remettant quelques graphiques. Il a, par exemple,
rappelé que certains modèles d'automobiles ne consommaient
déjà que trois à quatre litres aux 100 km il y a une
dizaine d'années, mais que, depuis, les nouvelles exigences des
consommateurs ont contribué à alourdir les voitures ; c'est
ainsi que les tableaux de bord pèsent maintenant jusqu'à 150 ou
200 kg.
Il a ensuite rappelé qu'
une étude de l'Académie des
Sciences sur les villes françaises et européennes
avait
été menée ; des études sur d'autres villes
comme, par exemple, Los Angeles n'étant évidemment pas
transposables à la France.
De même, il a souligné que
les comparaisons de pays à
pays
devaient être effectuées avec précaution. Comment
comparer l'Italie et l'Autriche, qui n'ont pas de centrale nucléaire,
à la France qui, avec 80 % de son électricité d'origine
nucléaire, se trouve dans une situation extrême en Europe ?
Le Professeur Maurice TUBIANA a insisté, quant à lui, sur
la
sous-utilisation de la voie d'eau en France
alors qu'elle devrait
être le fondement de la circulation industrielle.
Puis, il a relevé
l'importance des responsabilités
individuelles dans les émissions de gaz à effet de serre.
C'est ainsi
qu'
une conduite dite sportive
multiplie par vingt
les émissions de polluants. De plus, la pollution étant
proportionnelle à
l'âge de la voiture
, il existe un
décalage entre les techniques actuelles et l'état moyen du parc
automobile, sans compter que
les deux roues
sont particulièrement
polluants.
Il a également rappelé que le pot catalytique avait
été rendu obligatoire le 1
er
janvier 1993, et le
filtre à particules le 1
er
janvier 1997, les effets
bénéfiques de ces réglementations n'intervenant que
progressivement.
Mais,
au-delà des problèmes techniques
,
existe un
problème social
. Par exemple, les très grosses motos polluent
moins que les petites, tandis qu'
aucun contrôle technique n'existe sur
les cyclomoteurs
dont le niveau de pollution n'est pas sans rappeler celui
de l'automobile Trabant en Europe centrale.
Enfin, même si le carburant est souvent évoqué dans des
comparaisons sur la pollution, les moteurs fabriqués aujourd'hui, qu'ils
soient à
essence ou diesel
, ne polluent pas davantage les uns que
les autres.
M. Bernard TISSOT a ensuite souligné que l'émission d'oxyde
d'azote était difficile à réduire pour les diesels, mais
qu'en revanche les nouveaux moteurs à essence émettaient aussi
des particules. Les deux types de moteurs soulèvent donc des
problèmes, mais pas plus l'un que l'autre.
Il a indiqué également qu'il serait souhaitable de
mesurer les
polluants dans les rues
afin d'obtenir une sorte d'indicateur du niveau de
pollution atteint par l'espèce de « soupe »
ambiante.
Le Professeur Maurice TUBIANA a rappelé que de grands progrès
avaient été effectués dans les moteurs automobiles sous
l'influence de la réglementation prise pour lutter contre la pollution
en Californie, des mesures drastiques ayant été employées
là-bas. De plus, au-delà des caractéristiques des moteurs,
il faut aussi prendre en compte
la fluidité du trafic
, qui est un
facteur essentiel, à condition que cette fluidité ne permette pas
non plus une trop grande vitesse.
En outre, il a rappelé que
les camions et camionnettes constituent
des sources majeures de pollution
.
Si un bilan coût-bénéfice des voitures était
dressé, il apparaîtrait que celles-ci constituent des outils
fondamentaux, qui ne pourraient être remplacés que si l'on
repensait l'urbanisme dans les banlieues
(où l'usage des voitures
particulières est souvent indispensable)
et les transports en commun
(leur réseau, leur sécurité, leur confort). Par
exemple, l'absence d'escaliers roulants à toutes les bouches de
métro empêche les personnes âgées de recourir
systématiquement à ce mode de transport, ce qui, compte tenu du
vieillissement de la population française, devrait pourtant être
pris en compte.
Le Professeur Maurice TUBIANA a noté aussi que
les économies
d'énergie pouvaient elles-mêmes conduire à des
excès
. C'est ainsi qu'en Suède et en Hongrie, ces
économies ont été vivement encouragées, ce qui a
conduit les habitants à calfeutrer leurs maisons, faisant surgir un
autre danger car l'absence d'aération favorise les miasmes et le radon.
De même,
un discours excessif sur la pollution peut
générer des angoisses aboutissant à des conduites
irrationnelles
. C'est ainsi que, dans les écoles de Paris, lors
d'une alerte à la pollution, il avait été interdit aux
élèves de sortir dans la cour de récréation, et
dans certains établissements des maux de têtes importants
étaient apparus du fait des émanations dégagées par
des locaux récemment repeints.
Ces considérations conduisent à penser que l'urbanisme
lui-même devrait être reconsidéré en fonction de la
pollution. En ville et surtout dans les banlieues, l'habitat pourrait
être recentré autour des gares.
Dans le contexte actuel, le Professeur Maurice TUBIANA a insisté sur le
fait que
le nucléaire
, même en prenant en compte l'ensemble
de son cycle, offre plus de sécurité et dégage moins de
pollution que chacune des autres sources d'énergie.
A ce sujet, M. Bernard TISSOT a exprimé la crainte que, par souci
d'économie, les Etats-Unis d'Amérique finissent par prendre
certains risques, notamment dans le nucléaire.
Il s'est félicité ensuite de l'approche suivie par la loi dite
BATAILLE. Il a indiqué qu'il lui semblait impossible qu'un
réacteur capable de détruire les déchets nucléaires
soit construit avant une vingtaine d'années. Mais, dans la mesure
où la COGEMA possède une capacité de stockage lui
permettant de faire face aux soixante-dix années de déchets
nucléaires à venir et même davantage, il est possible
d'attendre la construction de ces réacteurs.
En fait, le problème posé est principalement celui des
déchets à vie longue -1 million d'années-, sachant
que 100.000 m3 de ceux-ci seront produits d'ici à 2020. L'ANDRA
mène des recherches sur ce point, mais, en fin de compte, il existera
toujours un déchet ultime qu'il sera possible d'enfouir à 500 m
de profondeur, à un endroit où personne n'ira chercher quoi que
ce soit.
Le Professeur Maurice TUBIANA a rappelé également la
nécessité de
surveiller les sources médicales
très actives (cobalt)
qui peuvent donner lieu à des
accidents, comme ce fut le cas au Brésil et au Mexique (30 morts), ou
encore en Turquie (10 morts), il y a encore un an ; les petites billes
brillantes de cobalt avaient été vendues à un ferrailleur,
alors que celles-ci ont une durée de demi-vie de cinq ans. Il a aussi
insisté sur les précautions à prendre lors du
démantèlement des stations de recherche comme dans la
vallée du Rhône. Il a exprimé aussi sa
préférence pour
des stockages réversibles dans des
sites profonds
tout en indiquant que les conclusions à tirer de ces
stockages ne seront probantes que pour le site où les observations
auront été effectuées.
Il a indiqué aussi que, dans
le total des radiations absorbées
par chaque individu
, les radiations naturelles représentaient
environ 2,5 mSv/an (avec des variations d'une région à l'autre de
la France entre 1,5 et 6 mSv/an), l'irradiation médicale 1 mSv/an en
moyenne et l'ensemble de la filière de l'énergie nucléaire
0,01 mSv/an soit moins de 1 % de l'irradiation naturelle.
En fait, peu d'efforts ont été accomplis pour des recherches
diminuant les irradiations médicales bien que celles-ci
représentent 99 % des irradiations d'origine humaine et qu'avec des
efforts limités on pourrait aisément les réduire sans
altérer la qualité des informations obtenues. Il a ensuite
rappelé qu'à l'Académie des sciences, les questions de
santé et de météo étaient coordonnées par
Michel PETIT, vice-président du Comité environnement de
l'Académie des Sciences, le Professeur Maurice TUBIANA étant
lui-même président dudit Comité.
Par ailleurs, le Professeur Maurice TUBIANA a souhaité revenir sur une
idée reçue concernant
le paludisme, celui-ci étant
moins une question de climat que de niveau socioéconomique
:
Miami et Abidjan se trouvent sur la même latitude mais connaissent des
situations sanitaires fort différentes. De même, en Algérie
ou dans le sud de l'Italie, le problème des moustiques avait
été supprimé grâce au DDT. En outre,
il serait
probablement possible de trouver un vaccin contre le paludisme
, mais le
marché concerné est peu solvable.
De la même manière, les études faites en Afrique noire
montrent que,
davantage que le climat, un des facteurs de la
longévité réside dans le niveau d'éducation des
femmes
, de la manière dont elles s'occupent des enfants et dont,
surtout, elles les nourrissent.
Le Professeur Maurice TUBIANA a déclaré que le
problème
de l'eau serait le problème majeur du XXIème siècle
.
Il s'agira, dans le monde, d'un problème colossal qui épargnera
en partie l'Europe, d'où l'intérêt d'
améliorer
les méthodes d'irrigation
, ce qui constituerait une première
source possible d'économie.
M. Bernard TISSOT a ensuite évoqué les perspectives offertes par
les moteurs à gaz
, qu'il s'agisse de méthane ou de butane
propane. Actuellement, le butane et le propane sont commercialisables
(GPL).
En
Italie
et aux
Pays-Bas
, il existe un petit parc de
véhicules roulant au GPL, et il est question dans ces pays
d'équiper la Poste et les services après-vente de
véhicules roulant au GPL, mais la rareté des points
d'approvisionnement ralentit cette évolution.
Il a indiqué en outre que
le méthane CH
4
, gaz
naturel
, était utilisé pour les camions, mais cela
dégage aussi du CO
2
, en quantité moindre toutefois que
le pétrole, et pour l'instant aucune infrastructure n'existe pour
l'approvisionnement.
A propos des
véhicules mixtes
(électrique et diesel), il a
estimé que le problème des accumulateurs demeure réel et
interdit le parcours de longues distances. Sur ces véhicules, la
propulsion électrique est couplée avec un moteur diesel pour
recharger. Un avenir lui a semblé possible pour cette technique.
De même, le Professeur Maurice TUBIANA a évoqué l'avenir
des
véhicules à hydrogène
dont le seul produit de
combustion est l'eau. A cet égard, M. Bernard TISSOT a
rappelé le bon niveau de sécurité offert par le GPL et par
le méthane, tandis que l'hydrogène pose un problème
réel.
Le Professeur Maurice TUBIANA s'est demandé si la mise à
disposition de
petites voitures électriques en ville
, moyennant
des paiements effectués par carte de crédit, n'était pas
une piste à explorer de même que
l'utilisation de camionnettes
électriques ou hybrides pour les livraisons.
Evoquant ensuite la question de
la climatisation
, il a relevé que
le réchauffement entraînait un recours accru à celle-ci
qui, à son tour, accroît les dépenses d'énergie. Par
ailleurs, la climatisation constitue un facteur important de l'allongement de
la durée de la vie, en évitant l'augmentation des accidents
cardiaques au cours des périodes de canicule, mais, d'un autre
côté, le système de climatisation favorise aussi
l'apparition de la légionellose.
A ce propos, il a rappelé le coût important de la lutte contre une
infection dans un bâtiment comportant une installation défectueuse
entraînant des risques de contamination, comme ce fut le cas à
Gustave Roussy à Villejuif. Cependant, au total, les
réfrigérateurs, comme la climatisation, constituent des bienfaits
pour la santé.
Interrogés ensuite sur
les effets des transports aériens sur
la pollution atmosphérique
, le professeur Maurice TUBIANA a
considéré ceux-ci comme relativement négligeables au
regard de l'émission des gaz à effet de serre.
AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT
ET DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE (ADEME)
M. Pierre RADANNE, PRÉSIDENT
et M. Jacques LABEYRIE, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE
(20 janvier 2000)
M.
Pierre RADANNE a tenu à rappeler en introduction qu'il était
difficile de construire des
outils publics pour anticiper des crises
lorsque le public n'a pas perçu les signes qui annonçaient ces
problèmes, ce qui est le cas pour le réchauffement climatique.
L'expérience actuelle de l'ADEME
est riche des deux chocs
pétroliers, vécus comme des drames, alors qu'elle n'avait aucun
savoir-faire au départ. Ces événements ont montré
que les délais de réponse des pays ont demandé dix
à quinze années, de 1973 à 1985 où, enfin, les prix
du pétrole ont baissé ; un phénomène analogue
est constaté actuellement pour les déchets.
Pour
l'effet de serre
, il n'existe pas de signal extérieur qui
attire l'attention de tous les acteurs ; le gaz carbonique n'étant
pas un polluant local. D'où l'interrogation suivante : faut-il,
pour préparer 2010, remplacer un signal faible par un signal fort, en
instaurant par exemple une nouvelle fiscalité, génératrice
de hausses de prix ? Grâce à une telle mécanique
d'adaptation, il est probable que dans dix ans, le prix de la tonne de carbone
approcherait les 500 F.
Abordant ensuite le rôle propre de
l'ADEME
, son Président a
indiqué qu'elle accomplissait quatre missions essentielles :
1) L'ADEME contribue à
l'élaboration des
réglementations thermiques
. C'est ainsi qu'entre 1972 et 2000,
l'énergie nécessaire pour chauffer une maison neuve a
été divisée par trois. Cependant, le parc immobilier ayant
une durée de vie proche de 150 ans, même une évolution de
cette importance n'a encore qu'un impact limité.
2)
L'ADEME dispense des conseils aux petits opérateurs,
PME-PMI,
grâce à une procédure d'aide au diagnostic se
concrétisant par
des prêts
. Les collectivités
locales et les entreprises peuvent bénéficier de subventions
à hauteur de 90 % pour une étude menée en trois jours
et avec des délais très rapides d'intervention de l'ADEME. A cet
égard, M. Pierre RADANNE a exprimé son optimisme sur la
capacité de réaction de la société française
qui peut être rapide si elle est bien conseillée.
3)
L'ADEME libère des moyens financiers
. En 1998, 100 millions de
francs ont été consacrés à la maîtrise de
l'énergie et ce montant a été porté à 600
millions de francs en 1999. Par ailleurs, les contrats de plans
Etat-Régions ont mobilisé 300 millions de francs.
4)
L'ADEME agit en liaison avec le secteur bancaire
, finançant
20 % à 30 % des opérations au moyen de subventions, et
la SOFARIS garantissant les PME à hauteur de 40 %. L'association de
l'ADEME et de la SOFARIS a permis à l'ADEME de rajouter 30 % de
garanties, l'ADEME ne provisionnant que 3 % en fonction du taux de risque.
De tels procédés permettent la démultiplication de
l'action publique pour
obtenir, dès l'horizon 2010, première
étape fixée à Kyoto, des résultats
significatifs
.
Abordant ensuite les actions menées secteur par secteur, M. Pierre
RADANNE a estimé que
l'industrie
avait opéré
beaucoup d'améliorations, même si des actions restaient à
conduire. Il a souligné qu'il s'agissait d'un secteur où les
progrès étaient réguliers notamment grâce à
la modernisation des procédés de l'informatique.
Dans
l'habitat
, il a noté les progrès accomplis en
matière de réglementation thermique en 2000 qui ont permis de
baisser les coûts de 7 % par rapport à 1999, une nouvelle
étape devant être franchie en 2003-2004. Dans ce secteur,
la
consommation d'énergie par les logements augmente peu
, mais
l'inertie dans les améliorations provient du patrimoine bâti
ancien et de mauvaise qualité thermique
. Dans l'ensemble, seulement
15 % du patrimoine est vraiment préoccupant. Il s'agit surtout de
maisons individuelles et d'habitats de rue fortement dégradés.
Dans le secteur des
appareils ménagers
,
l'électricité française provenant du nucléaire
dégage peu de CO
2,
alors qu'à l'étranger le
même besoin est couvert par des centrales thermiques dégageant
beaucoup de CO
2
. En France, le nucléaire ne peut plus
progresser dans la satisfaction de ce besoin et il est probable que l'ouverture
du marché de l'électricité à la concurrence
entraîne le recours à des centrales thermiques, étant
rappelé qu'en France, actuellement, aux heures de pointe, on
s'éclaire, pourrait-on dire, au charbon.
Dans le secteur des
transports
qui se trouve
au centre des
difficultés
,
trois problèmes majeurs
apparaissent.
D'une part,
une aspiration au transport
entretenue par les
professionnels des loisirs. Ainsi, la croissance du trafic dans ce domaine
excède de 1 % la croissance économique, le trafic maritime
connaissant une hausse plus rapide encore.
D'autre part, l'urbanisme et l'aménagement du territoire aboutissent au
développement de
villes en tâches d'huile
dont les
transports publics desservent mal la périphérie.
Si à Paris, un ménage sur deux ne possède pas de voiture,
ce cas reste isolé. En effet, dans l'ensemble, le pourcentage des
déplacements en voiture n'a cessé d'augmenter, le chômage a
d'ailleurs éloigné l'emploi de l'habitat, et la distance
domicile-travail a été multipliée par deux en 25
ans.
Enfin,
les véhicules sont de plus en plus puissants
. Le poids
moyen de ceux-ci s'est accru de 600 kilos en dix ans. La vitesse que peuvent
atteindre les véhicules est couramment de 200 km/heure alors que la
limitation de vitesse se situe à 130 km/heure.
Ces évolutions ont gommé les gains qui avaient
été accomplis par ailleurs en termes de consommation de carburant
par les véhicules.
Aujourd'hui, les transports contribuent à hauteur de 35 % aux
émissions de gaz à effet de serre et il est probable que ce
pourcentage atteindra 40 % en 2010.
Une certitude émerge : cette façon de vivre n'est pas
transposable au reste du monde.
Face à cela, M. Pierre RADANNE estime qu'
il s'agit de faire
évoluer la voiture
, en promouvant, par exemple, un accord
européen pour ne construire que des voitures allant à 150
km/heure, en reétageant les boîtes de vitesses. La vitesse la plus
couramment utilisée est la troisième, alors qu'il serait possible
d'être en quatrième dès le seuil des 50 km/heure. Il
faudrait parvenir à faire passer les consommations de carburants de 10
litres à 6 litres aux 100 km sur route.
Selon lui, sans basculer dans une attitude anti-voiture, il serait souhaitable
de
changer la relation à la voiture
, en améliorant la
qualité des transports en commun, en utilisant les nouvelles
technologies pour réduire les déplacements contraints, en
rapprochant le prix du transport de son coût, celui-ci intégrant
l'impact sur l'effet de serre, et en remettant en cause l'éclatement des
sites industriels très coûteux en transports.
L'ensemble de ces points montre qu'
un véritable débat de
société est indispensable.
Enfin, dans le secteur des
énergies nouvelles et renouvelables
,
dont la filière bois, l'encouragement du
chauffage au bois
en
milieu rural est à recommander.
M. Pierre RADANNE a ensuite estimé que l'effet de serre étant
lié au développement économique des
sociétés, et le remplacement des réacteurs
nucléaires français devant intervenir entre 2010 et 2020,
l'échéance de 2010 ne serait pas influencée par le
choix nucléaire
.
En revanche, au-delà, si le nucléaire était en partie
remplacé par les combustibles fossiles (co-génération,
turbines à gaz...), l'effet de serre total serait différent. A
cet égard, il a noté que les turbines à gaz
émettent quatre fois moins de gaz à effet de serre qu'une
centrale thermique classique au charbon. Des évolutions technologiques
permettent de réduire les émissions de CO
2
en cas
d'usage de combustible fossile. Il serait envisageable d'installer des
petites unités de co-génération au pied des
immeubles
, ainsi que de développer
la pile à
combustible.
La recherche se focalise également sur le stockage
de CO
2
émis par des sources concentrées (centrales
thermiques, raffineries...).
M. Pierre RADANNE a relevé que les éoliennes sont maintenant
très proches de la compétitivité avec un coût de
production qui descendra progressivement vers une trentaine de centimes le kWh,
mais leur développement se heurte au problème des sites et de
leur acceptabilité sociale. Ces deux problèmes pourraient
d'ailleurs être résolus par l'implantation de
fermes
éoliennes
off-shore
(par exemple au large de
Dunkerque) ; chaque unité pouvant produire environ le
dixième de l'électricité d'un réacteur
nucléaire. Elles prendraient place sur des bancs de sable à
près de 10 kilomètres des côtes. Les pays nordiques ont
ainsi déjà pris des options très fortes en faveur du
développement des éoliennes.
Par ailleurs, M. Pierre RADANNE a insisté sur le fait que les
filières rustiques d'exploitation de la biomasse
étaient
plus productives que les filières plus sophistiquées. Il a
indiqué qu'existait sur le bois des marges de progression de rendement
à court terme assez importantes. Les rendements actuels étant les
suivants : cheminées 10 %, inserts 30 %,
poêles Godin 35 %, bons poêles 50 % à 60 %,
très bonnes chaudières 80 %. Associée à une
bonne isolation des maisons, les améliorations de rendements permettront
de réduire les émissions de carbone.
Il a relevé que la tempête de décembre 1999 pouvait servir
à moderniser la filière bois, le bois constituant 5 % de
l'approvisionnement énergétique de la France.
En ce qui concerne les économies d'électricité, M. Pierre
RADANNE a recommandé l'emploi des
nouvelles ampoules à basse
consommation d'énergie
tout en notant l'adaptation des luminaires
qu'elles nécessitaient. Celles-ci devraient permettre une
économie sensible de charbon, énergie utilisée pour la
production électrique de pointe.
Il s'est déclaré favorable au
transport fluvial
, notamment
pour les déchets qui ne requièrent pas de flux tendu. Il a
jugé très intéressante la
liaison Seine-Nord
et
estime envisageable, sans grand problème,
la liaison
Saône-Moselle.
Au sujet du
dialogue avec les constructeurs d'automobiles
, il a
indiqué que Renault serait d'accord pour aller de l'avant dans le sens
de la réduction des consommations de carburants à condition qu'un
accord européen existe.
Il a également relevé que
le photovoltaïque (photo-piles)
pouvait freiner l'exode rural, voire l'émigration,
dans les pays
en développement en y introduisant l'électricité,
et
qu'il s'agissait là d'
un enjeu mondial majeur
, étant
observé que la population a tendance à se rapprocher de l'eau,
que ce soit du littoral ou des fleuves. En France, Montpellier aspire, par
exemple, la population du sud du Massif Central.
Evoquant
les négociations internationales sur l'effet de serre
,
M. Pierre RADANNE a relevé que ce débat pouvait
entraîner des tensions entre les pays. Ainsi, lors de la
négociation du protocole de Kyoto, le climat était-il assez
tendu. Dans ce contexte,
la position de la France sur la question de l'effet
de serre
apparaît comme très crédible sur la
scène internationale
. Lors de la Conférence de Bonn, des
représentants de chaque pays ont exprimé leur point de vue et
certains Etats manifestaient la peur d'une vraie rupture climatique
: tel était le cas du
Bangladesh
dont 15 % du sol agricole
est déjà salé, des
Maldives
où deux
îles ont dû être abandonnées, ou encore du
Népal
où le régime des pluies et le système
hydrologique sont en pleine mutation, sans parler des ouragans et des
sécheresses.
Face à cela
, l'ADEME estime que le principe de précaution doit
être respecté
et manifeste des inquiétudes sur la
modification éventuelle du
Gulf Stream
.
Evoquant les adaptations à effectuer par les sociétés, M.
Pierre RADANNE a noté que le coût pour celles-ci dépendrait
davantage, en quelque sorte, du rayon de courbure de leur changement que du
changement de direction en tant que tel.
Par ailleurs, il a aussi noté que la production de froid, notamment
la climatisation automobile
, pouvait engendrer du gaz à effet de
serre. En effet, un climatiseur bas de gamme perd de 20 à 30 % de
son gaz chaque année alors que 5 % de pertes seraient atteignables.
En conclusion, M. Pierre RADANNE a jugé intéressant
le projet
de CD-rom envisagé par l'OPECST
à destination notamment des
collèges et a estimé que
les réactions face
à
l'intensification de l'effet de serre dépendraient en
fin de compte du degré de maturité de chaque
société
.
En terminant, il a attiré l'attention sur la nécessité
d'
éviter des terminologies porteuses de discorde
comme celles de
l'expression « permis à polluer » au profit de celle
de « quotas échangeables ».
ASSOCIATION OF EUROPEAN AIRLINES
(A. E. A.)
MME LE THI MAI,
GENERAL MANAGER INFRASTRUCTURE AND ENVIRONMENT
(9 mai 2000)
Mme LE
Thi Mai a rappelé qu'
A.E.A
s'est imposée, au fil des
années, comme
l'interlocuteur privilégié des
institutions européennes
présentant au nom de ses 29
compagnies membres des positions communes. Cette association réunit deux
fois par an les présidents des compagnies membres pour évoquer
tous les grands problèmes du moment. Par exemple, l'une des questions
prioritaires du jour consiste à résoudre le grave problème
du retard qui affecte près du tiers des vols, retard qui a
commencé avec la guerre du Kosovo, mais qui s'est poursuivi dans les
premiers mois de l'an 2000. Des sujets sensibles tels que les aides d'Etat, la
composition des alliances ou encore les choix stratégiques des
compagnies, ne sont jamais abordés au sein de l'A.E.A.
L'association rassemble des compagnies membres au-delà des pays de
l'Union européenne actuelle
. Il s'agit des compagnies de Chypre,
Croatie, Hongrie, Islande, Malte, Roumanie, Slovénie, Suisse,
République Tchèque, Turquie et la Yougoslavie.
Un comité animé par Mme LE Thi Mai travaille en permanence sur
les questions d'infrastructure et d'environnement et suit de très
près les travaux du GIEC.
Abordant le sujet de
la pollution par les avions
, Mme LE Thi Mai a
souligné qu'il n'y a que les onze Concorde supersoniques commerciaux qui
volent dans la zone de la stratosphère, outre les avions
militaires ; que 80 % des gaz à effet de serre sont
constitués par le CO
2
. Certes, les avions émettent des
gaz à des altitudes que d'autres pollutions mettent du temps à
atteindre. Cependant, le rapport du GIEC souligne qu'on ne peut pas distinguer
le CO
2
émis par l'avion de celui émis par des sources
au sol, mais qui progressivement monte dans l'atmosphère.
L'ensemble
du CO
2
émis par toute l'aviation mondiale est de l'ordre de
3 %, soit l'équivalent de celui émis par le seul Royaume-Uni
(3(
*
))
. Pour l'avenir, et selon
certains scénarios de croissance du trafic aérien, il est
prévu que
de 1990 à 2050, les émissions de
CO
2
provenant de l'aviation devraient passer de 2 à 8 %,
soit une multiplication par quatre.
Elle a ajouté à propos de
la traînée de
condensation observée dans le sillage des avions
, qu'il s'agit de
vapeur d'eau
qui s'agglutine aux nuages et provoque donc une
réaction de condensation formant des cirrostratus qui peuvent voiler
l'ensemble de la vision dans certains cas. Selon certains, les vols ont pour
effet d'introduire de la vapeur d'eau à une altitude où il n'y en
avait pas, mais le rapport du GIEC est lui-même très prudent sur
la question des condensations.
Il y a dix ans, la préoccupation prioritaire en matière de
transport aérien concernait les émissions de NOx, alors
qu'aujourd'hui, l'attention se porte sur le CO
2
. Mais, il est
à noter que le NOx absorbe le méthane (gaz à effet de
serre) dans la troposphère et que le NOx émis par les
supersoniques diminue la présence de l'ozone, mais dans de très
faibles proportions (moins de 0,1 %).
Une autre préoccupation concerne
la suie
provenant des
imbrûlés, mais ce phénomène a presque disparu
aujourd'hui.
Mme LE Thi Mai a insisté sur le fait que
le renouvellement de la
flotte aérienne
était très lent, même si
l'ensemble de la flotte A.E.A.avait moins de neuf ans d'âge. Mais, comme
un avion a une durée de vie économique de plus de trente ans,
certaines compagnies
charters
utilisent les avions revendus par les
compagnies nationales. Aux Etats-Unis d'Amérique, la moyenne d'âge
de la flotte est d'environ douze ans, mais la plupart des compagnies
américaines conservent leurs avions jusqu'à obsolescence -parfois
une trentaine d'années-, tant que la sécurité est
pleinement assurée.
Elle a précisé que les gains technologiques observés au
cours des dernières années vont maintenant marquer une pause, en
attendant les retombées des programmes de recherche et
développement. En conséquence, l'augmentation de trafic
entraînera une consommation accrue de carburants, en termes absolus,
même si la consommation spécifique par avion s'est
considérablement améliorée. De plus, elle a noté
que tous les éventuels carburants de substitution (éthanol,
méthanol, méthane, hydrogène) étaient très
lourds par rapport au kérosène et ne sont pas
opérationnels pour le moment. Même l'hydrogène devient
lourd du fait des mesures de protection qui doivent accompagner son usage.
Evoquant
les recours respectifs à l'avion ou au train
, Mme LE Thi
Mai a noté que, sur Paris-Lyon, le TGV avait supplanté l'avion et
qu'il pourrait en être de même sur Paris-Marseille.
Cependant, des trajets comme Paris-Bruxelles ou Paris-Londres demeurent
très fréquentés dans la mesure où ces destinations
sont souvent davantage celles d'aéroports de correspondance plutôt
que des villes elles-mêmes. A cet égard, des recherches de
complémentarité devraient être
développées ; par exemple, il pourrait exister de nouvelles
perspectives pour l'intermodal avec un enregistrement de bagages commun
à l'avion et au train.
Abordant ensuite
la place du transport aérien dans les
émissions de C0
2
dans l'Union européenne
, Mme LE
Thi Mai a noté que ce secteur ne produisait que 3 % du
CO
2
émis dans l'Union européenne, mais qu'il
connaissait la plus forte progression avec une augmentation de 3,3 %, de
1990 à 1995, d'où l'inquiétude compréhensible du
législateur et son souci d'étudier diverses formes de
taxation
.
A cet égard, la Commission européenne a commandé une
étude sur les conséquences économiques et
environnementales d'une taxe sur le carburant. Avec une hypothèse de
245 écus de taxation pour 1.000 litres, il y aurait une perte
de 530 millions d'écus, soit plus d'un demi-milliard d'écus pour
toutes les compagnies basées en Europe, pour seulement une diminution de
1,4 % par rapport au CO
2
de tous les modes de transport de
l'Union, ou 0,34 % de réduction par rapport à toutes les
sources de CO
2
de l'Union. C'est payer très cher pour un
résultat à l'unité qui risquerait en outre
d'entraîner la perte de 48.000 emplois directs.
Une autre hypothèse consisterait à taxer le carburant de tous les
vols de et vers l'Europe, ce qui serait irréaliste car il faudrait
renégocier environ
2.000 accords internationaux
qui,
pour le
moment
,
accordent une exemption fiscale au carburant utilisé dans
l'aérien.
Enfin, il reste la piste des
permis négociables
que l'aviation
pourrait acheter ailleurs dans d'autres secteurs économiques. Cela ne
reviendrait pas à l'exonérer d'effort mais lui permettrait
d'atteindre ses objectifs de réduction de pollution, sans pour autant
compromettre sa croissance.
Mme LE Thi Mai a beaucoup insisté sur le fait que
les compagnies
aériennes étaient tout à la fois conscientes de leurs
responsabilités, mais soucieuses de minimiser les coûts d'une
limitation des nuisances environnementales
dans un contexte de hausse
significative du nombre de passagers.
Elle a par ailleurs souligné qu'avec un
renforcement de la
concurrence
, les compagnies ont tendance à favoriser une politique
de fréquences, c'est-à-dire le recours accru à des avions
de petite et moyenne taille, ce que certains considèrent comme un
gaspillage.
Mme LE Thi Mai a précisé que
la consommation de carburant
variait selon les phases du vol qui inclut le cycle de décollage, le vol
et l'atterrissage, et également selon la taille des modules, selon aussi
qu'il s'agit de moyens ou de longs courriers ou encore de cargos, les gros
porteurs long courrier ayant la meilleure consommation spécifique par
passager transporté.
Mme LE Thi Mai a insisté sur la nécessité
d'intégrer l'objectif environnemental dans
la gestion de l'espace
aérien
, la fragmentation actuelle du ciel européen
étant source de congestion et d'aggravation de la pollution. Une
étude de l'OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale)
montre qu'une amélioration du système de contrôle
aérien européen réduirait de 5 % la consommation de
carburant.
Enfin, elle a présenté la
Déclaration commune des
constructeurs et des compagnies aériennes de décembre 1999.
En effet, l'European Association of Aerospace Industries (AECMA) et
l'Association of European Airlines (AEA) ont rendu publique une position
commune sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone
(CO
2
) par l'aviation.
Selon elles,
entre 1990 et 2012, la consommation de carburant des compagnies
AEA par passager au kilomètre devrait diminuer de 22,4 %
grâce au renouvellement de la flotte aérienne et
les
émissions de CO
2
par l'aviation devraient être
réduites de 15 % à 20 %
d'ici 2015 grâce
à la mise en oeuvre de nouvelles technologies résultant d'une
active politique de recherche.
Les deux associations se sont déclarées favorables aux accords
volontaires de réduction des émissions de CO
2
et
à un contrôle de celles-ci
en liaison avec la Commission
européenne.
AIRPARIF
M. MICHEL ELBEL, PRÉSIDENT
M. PHILIPPE LAMELOISE, DIRECTEUR
(14 novembre 2000)
M.
Philippe LAMELOISE a commencé par rappeler que la loi sur l'air avait
chargé AIRPARIF de
la surveillance de la qualité de l'air en
Ile-de-France
. Cela s'accomplit à partir d'analyses chimiques,
d'échantillonnages couplés à des simulations
mathématiques.
Différents microenvironnements sont étudiés, notamment
à proximité immédiate des sources de pollution, par
exemple automobiles ou aériennes, le transport étant le secteur
qui préoccupe le plus en Ile-de-France. Il serait d'ailleurs souhaitable
de pouvoir distinguer entre les pollutions dues aux transports de personnes et
celles provenant des transports de marchandises, sans doute plus importantes.
M. Philippe LAMELOISE a insisté sur la très forte croissance
du
transport aérien.
La pollution de fond la plus préoccupante est constituée par
l'oxyde d'azote
, surtout d'origine automobile. Cette pollution se situe
15 % au-delà des seuils admissibles, mais comme cet excès
provient de transformations chimiques dans l'atmosphère, il faudrait
diminuer de 50 % les émissions pour diminuer de 15 % le seuil de
pollution atteint. Il a précisé à cet égard que le
régime de
la circulation alternée
ne diminue que de 20
à 25 % les émissions.
M. Philippe LAMELOISE a souligné que la pollution
atmosphérique constitue un signal des émissions dont
l'amplificateur peut être la météorologie
. C'est ainsi
qu'en cas de grande pluie ou de grand vent tout est nettoyé. A
l'inverse,
en cas de grand beau temps
, en hiver comme en
été, avec un froid prononcé ou une chaleur importante,
la pollution atteint son maximum
. En cas de petit vent d'est, assez
fréquent aujourd'hui, une forte pollution se répand sur tout
Paris.
Si des progrès très importants ont été accomplis
dans la réduction des
pollutions industrielles
, notamment dans
celles des émissions de dioxyde de soufre qui ont été
divisées par dix en quarante ans en région parisienne, les
pollutions qui demeurent proviennent essentiellement des centrales thermiques.
De plus, certains combustibles très polluants ont été
interdits en région parisienne.
Evoquant ensuite les caractéristiques du trafic lui-même, M.
Philippe LAMELOISE a noté que
la
baisse de la pollution de
chaque véhicule s'est accompagnée d'une augmentation du
trafic
. C'est ainsi que, selon les points d'observation, des conclusions
différentes peuvent être tirées. Par exemple, au carrefour
d'Alésia, une tendance à la baisse du monoxyde de carbone a
été observée, alors qu'aux Champs-Elysées cette
baisse est très faible, ce qui s'explique par le fait que la circulation
au carrefour d'Alésia étant déjà saturée au
début de la période d'observation, la modification traduit donc
l'amélioration de la qualité des émissions des
véhicules sensibles.
Le Président Michel ELBEL a observé que
la fluidité du
trafic faisait varier la nature de la pollution, mais sans la supprimer
.
Ainsi, un encombrement dégagera un maximum de monoxyde de carbone, alors
qu'une circulation fluide provoquera un maximum d'oxyde d'azote. Le
problème principal en Ile-de-France est qu'il y existe 4 millions de
personnes subissant des pollutions se situant au-dessus des seuils
européens, d'où la difficulté d'effectuer des simulations
en prenant en compte toutes les heures de la journée dans tous les lieux
sensibles ; c'est pourquoi les informations sont encore imprécises
à ce jour. Un objectif pourrait être de réguler la
fluidité du trafic.
Quant au projet, souvent évoqué, de la construction de
tunnels
en région Ile-de-France
, M. Michel ELBEL a jugé cette
proposition dépassée, l'objectif premier étant de respirer
correctement dans les tunnels grâce à une ventilation suffisante.
Or,
une fois la pollution diluée, elle n'est plus traitable
.
C'est ainsi qu'à Bergen, en Norvège, un tunnel traite
spécifiquement les particules émanant de l'usure des pneus
à clous qui érodent le béton, et créent donc une
poussière analogue à celle d'un chantier. De même, un
tunnel de 50 km emprunté par les poids lourds entre deux îles du
Japon a nécessité la dépollution des particules Diesel.
Mais
on ne sait pas traiter la pollution des gaz
, pourtant 20 à
50 fois supérieure à celle de l'extérieur. En
réalité, le tunnel est efficace pour lutter contre les nuisances
sonores subies par les lieux traversés... sauf si le traitement de la
pollution de l'air augmente celles-ci à l'endroit du traitement.
A propos de
l'air intérieur
, M. Michel ELBEL a jugé
très souhaitable
une connaissance de la pollution globale tant
intérieure qu'extérieure
à laquelle les personnes sont
soumises et a rappelé que les Associations de surveillance de la
qualité de l'air y travaillent. Par exemple, dans les voitures, l'air de
l'environnement immédiat est respiré et il est indispensable
d'assurer une ventilation minimale sinon, en deux à trois minutes,
toutes vitres fermées, la composition de l'air sera identique à
celle de l'air extérieur. Les filtres à air actuels pour les
habitacles sont peu efficaces, seuls les filtres à charbon actif
étant performants, mais ils demandent une très forte puissance de
ventilation atteignant cinq fois la puissance des filtres traditionnels.
Contrairement à une fausse évidence, l'enfant assis dans sa
poussette sur le trottoir au niveau des pots d'échappement est moins
exposé que celui qui se trouve sur le siège d'une voiture pendant
plusieurs heures au milieu d'embouteillages.
De même,
le benzène
est parfois en plus forte concentration
à l'intérieur qu'à l'extérieur, mais AIRPARIF n'est
chargé que de l'air extérieur, à savoir la
vérification d'une qualité minimale de cet air qui risque
d'être encore dégradée à l'intérieur,
où s'y ajoutent les fumées de tabac, celles des activités
domestiques (cuisine au gaz, émanation des produits ménagers ou
de bricolage, mode de construction) sans compter la présence
éventuelle d'un garage donnant sur l'habitation qui subit, de ce fait,
l'évaporation des réservoirs. Dans le même ordre
d'idées,
le calfeutrement des locaux peut être néfaste
à la qualité de l'air intérieur
, même s'il
permet de chauffer moins.
M. Michel ELBEL a tenu à signaler que dans l'univers professionnel il
existe
un très grand décalage entre les règles
imposées sur les lieux de travail et les normes dans l'environnement
extérieur en général
.
Les institutions européennes ont actualisé
des normes
applicables à la population en général
, ce qui est
loin d'être inutile puisque les règles d'hygiène au travail
datent d'une trentaine d'années, et ont quelques facteurs cents
d'écart avec les normes applicables à l'habitat.
A propos des
normes d'hygiène au travail
, il a été
rappelé qu'à la RATP, il existe des normes différentes
applicables soit aux voyageurs, soit aux conducteurs. A titre d'exemple, M.
Michel ELBEL a indiqué qu'à la station de mesures d'AIRPARIF
située à la Porte d'Auteuil, où passent 250 000
véhicules par jour, dont beaucoup de poids lourds, des capteurs
situés à 3 mètres de la chaussée ont
détecté un niveau de particules quatre fois inférieur
à celui relevé sur les quais du RER. Des études sont
d'ailleurs menées sur les effets de cette situation sur les conducteurs
du métro, mais il est à déplorer que
l'épidémiologie constitue une discipline peu reçue en
France
.
M. Philippe LAMELOISE a ensuite détaillé les
caractéristiques de
la pollution par l'ozone
, qui est un polluant
formé à partir des autres polluants émis, lorsqu'existe un
fort ensoleillement. Il se produit alors une catalyse de l'oxygène par
l'oxyde d'azote émis par les transports, et par les hydrocarbures
résultant à la fois des transports et de la distribution de
carburants. Il s'agit là d'une chimie très complexe, lente,
puisqu'
il s'écoule six heures entre
l'émission des gaz
et la formation de l'ozone. Le monde rural se trouve donc concerné par
ce phénomène
, car il subit la pollution qui s'est
formée ailleurs.
L'ozone produit des
effets sanitaires
: grâce au
métier de soudeur à arc électrique, des normes
d'hygiène au travail et environnementales ont pu être
édictées concernant ces effets.
D'autres effets concernent
la végétation
, notamment le
rendement des céréales. AIRPARIF a mené une
expérience sur des blés américains en Beauce, dont la
croissance est entravée de 10 à 15 % en cas de pollution.
Des effets sur
le bâtiment
existent aussi, provoquant la
dégradation du verre sous l'effet du dioxyde de soufre et du nitrate, ce
qui rend ce matériau moins transparent et entraîne des
coûts. La pierre est également touchée, comme l'ont
montré les chevaux de Marly, au bas des Champs-Elysées.
Il est à craindre que
la pollution par l'ozone continue à
augmenter
, car si l'oxyde d'azote diminue, cela va augmenter l'ozone, qui
ne disparaît pas en 24 heures. La forêt de Rambouillet est
très touchée, la pollution à l'ozone se
répartissant environ 1/3 sur Paris, 2/3 sur Rambouillet.
L'air pollué provient d'Allemagne ou d'ailleurs, puis l'ozone se forme
en France. Seule
une solution européenne
peut donc être
efficace.
Considérant l'évolution future des transports, M. Philippe
LAMELOISE a observé que la motorisation thermique engendrera encore
davantage de gaz carbonique, que les émissions filtrées par
les pots catalytiques
ne sont pas encore vraiment connues -d'autant que
d'ici à dix ans le pot lui-même risque de se dégrader- et
que les plus grosses incertitudes concernent tous les véhicules
utilitaires. Quant aux
deux roues
, ils accusent un très grand
retard :
ils polluent souvent autant qu'un moteur de voiture d'il y a
25 ans et connaissent un très grand développement
, par
exemple à Rome.
D'
autres moteurs thermiques
non liés aux déplacements
(groupes électrogènes, engins de chantiers, tondeuses à
gazon, petits matériels de jardin), et pour lesquels il n'existe pas de
normes en Europe, contrairement aux Etats-Unis d'Amérique, sont
très polluants.
Evoquant
des exemples étrangers
, les personnes entendues ont
rappelé qu'en
Californie
, il existe de très graves
problèmes de pollution atmosphérique : au cours des
années 1960, à Los Angeles, les pneumatiques des automobiles
éclataient sous l'effet de la pollution par l'ozone, qui
dépassait une concentration de 800 mg/m3. De même, à
Londres, dans les années 1950, le
smog
a rendu difficiles les
projections cinématographiques car la lumière des projecteurs
était affaiblie avant d'atteindre l'écran.
Au sujet de
la pollution causée par le transport aérien
,
M. Philippe LAMELOISE a relevé que si une automobile dégage de
l'oxyde d'azote mesuré en grammes par kilomètre parcouru,
les
avions dégagent de l'oxyde d'azote par centaines de kilos à
chaque mouvement
(manoeuvres, décollages, etc.).
Lorsqu'une simulation générale de cette pollution est
effectuée,
les localisations des aéroports
ressortent
en tant que zones polluées sur les cartes.
Quant au
transport ferroviaire
, il pollue du fait des
locomotives
Diesel de traction
dont chacune pollue autant que 15 camions de 40 tonnes.
Les gares de Paris risquent de recevoir de nouveaux autorails diesel de plus
faible puissance et de conception plus modernes car, dans les régions,
la SNCF a incité à acheter ces trains (TER), notamment dans la
région Bourgogne et ceux-ci ont leur terminus à Paris.
En conclusion, M. Michel ELBEL et M. Philippe LAMELOISE ont
souhaité que
la circulation de personnes et des marchandises s'adapte
à l'agglomération
, et non l'agglomération à
l'automobile ou l'automobile à l'agglomération, sans omettre de
rappeler que la pollution par le bruit est également très
nuisible.
ASSEMBLÉE PERMANENTE
DES CHAMBRES D'AGRICULTURE
(A.P.C.A.)
M. GUY VASSEUR,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ENVIRONNEMENT
M. JEAN-NOËL TERRIBLE,
CHARGÉ DES DOSSIERS AGRONOMIE ET
ENVIRONNEMENT,
ET M. JACQUES PIOR,
CHARGÉ DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE
ET DES
DÉBOUCHÉS NON ALIMENTAIRES
(29 novembre 2000)
M. Guy
VASSEUR a constaté que l'APCA n'avait pas encore mené de
réflexion sur l'
incidence du changement
climatique
en
agriculture prévu dans les décennies à venir. Il a
toutefois dégagé les thèmes qui seront concernés
par cette évolution : l'impact sur les cultures, la forêt et
le développement des biocarburants et le problème de l'eau.
Il a rappelé l'existence d'
un rapport sur la politique de l'eau
présenté au mois de novembre au
Conseil économique et
social
, dans lequel la prédominance des Agences de l'eau est
réaffirmée, ainsi que la nécessité de bien
distinguer entre l'eau, bien de production, et l'eau, bien de
consommation ; la tonalité de ce rapport semblant d'ailleurs plus
proche de celle de la directive européenne que ne l'est le projet de loi
sur l'eau.
Il a émis un jugement négatif sur la présentation de
la
taxe générale sur les activités polluantes
, et positif
sur la redevance azote
, qui est proche de la conception de l'APCA dans
son principe. Il a salué le fait que l'argent de l'eau soit prévu
pour retourner à l'eau.
M. Guy VASSEUR a ensuite rappelé que
l'agriculture est le
deuxième préleveur d'eau en France après le secteur de
l'énergie et à égalité avec les
collectivités.
Mais, il a fait remarquer qu'en agriculture, une
partie de l'eau était restituée à l'environnement, ce que
le ministère du même nom se refuse à prendre en
considération.
Il s'est déclaré favorable à
une gestion de l'eau par
les volumes et non par les prix
; il a cité l'exemple de la
nappe de Beauce. Pour ne pas descendre au-dessous d'un certain niveau, des
restrictions à l'irrigation durant la fin de semaine ou la
journée ont été instaurées. Ces mesures n'ont que
peu d'effet et de plus, elles profitent à ceux qui sont bien
équipés et pénalisent les autres. Une gestion
quantitative, contrôlée au moyen de compteurs a été
mise en place avec l'administration, sans aboutir cependant à une
politique stricte de quota.
A l'inverse, le ministre de l'Environnement propose une gestion par les prix
qui privilégie celui qui peut payer, mais ne règle pas le
problème du volume d'eau utilisé.
Abordant la question de
la pluviométrie
, M. Jean-Noël
TERRIBLE a fait remarquer que dans ce contexte de changement climatique, les
excès ou les défauts de pluie ainsi que les aléas
climatiques semblaient être plus nombreux et plus importants
qu'auparavant. Or, pour une bonne efficacité agricole de l'eau, il ne
faut pas des abats d'eau excessifs. L'eau doit en effet pénétrer
dans le sol pour pouvoir être absorbée par les plantes.
De plus, une précipitation trop intense peut entraîner un
ruissellement qui est susceptible de provoquer de
l'érosion
. Si
les pluies sont importantes et brutales, elles peuvent également
provoquer des
crues dramatiques
même en l'absence de remembrement
(Nîmes, Vaison la Romaine,...). Ce phénomène de
ruissellement est accentué en zone urbaine par
l'imperméabilisation de surfaces importantes.
D'un point de vue général, M. Jean-Noël TERRIBLE a
relevé que
les exploitations agricoles ne peuvent migrer en fonction
de l'évolution climatique. Les agriculteurs seront amenés
à adapter leurs cultures
en fonction des réponses
apportées par la recherche. Ainsi, pour le matériel
génétique, à l'avenir, les recherches
génétiques permettront de disposer de variétés
adaptées aux nouvelles conditions climatiques.
Cependant, plus violents et sévissant sur des zones variables et
imprévisibles,
les aléas climatiques risquent de provoquer des
dégâts plus importants aux cultures
.
A propos des
zones humides
, il a relevé que certains
marécages du sud-ouest et d'autres régions françaises ont
été assainis au cours des siècles afin de lutter contre
les « fièvres » qui frappaient les populations. Il a
rappelé la nécessité d'être vigilant car entretenir
ou reconstituer des zones humides, avec le réchauffement climatique,
pourrait recréer des conditions favorables au
développement
des insectes vecteurs de maladies
qui deviennent de plus en plus
résistantes aux médicaments (le paludisme ...).
De plus, l'augmentation de la température moyenne risque d'avoir aussi
une influence sur
le
développement des insectes xylophages
et particulièrement les termites. Connus depuis longtemps dans le sud,
ils sont en train de coloniser les zones rurales et urbaines de la France. Les
chablis de la tempête de 1999 restés sur place constituent un
terrain de multiplication de ces insectes.
Actuellement, plus de la moitié des départements sont
touchés et on relève la présence de ces insectes en plein
coeur de Paris.
Par ailleurs, les hivers insuffisamment froids pourraient entraîner
la
prolifération de ravageurs
des cultures tels que les campagnols et
les limaces.
Abordant ensuite les questions liées à
la forêt
, M.
Guy VASSEUR a observé qu'il faudrait peut-être remplacer les
jachères par des jachères énergétiques, voire par
une reforestation. M Jacques PIOR a observé qu'
un massif forestier a
des effets sur les climats locaux, les sols et l'érosion,
et que la
reforestation permettrait peut-être de récupérer des zones
délaissées en France, indépendamment des retombées
de l'évolution des prix du pétrole.
M. Guy VASSEUR a mis l'accent sur
le décalage entre les prises
de conscience face aux diverses formes de pollution
, trois vagues pouvant
être distinguées :
- 1960 : perception de la pollution industrielle,
- 1980 : perception de la pollution agricole,
- 1990 : perception de la pollution des ménages.
Aujourd'hui, les médias ne parlent que des pollutions d'origine
agricole. Il est important de
mieux faire connaître les effets utiles
et bénéfiques de l'agriculture
dans notre
société. Ainsi, lorsqu'un agriculteur procède à
l'épandage de boues de stations d'épuration urbaines, il rend un
service à la société en éliminant ce déchet
par le recyclage de la matière organique avec les cultures.
M. Guy VASSEUR a insisté sur le fait que
la question des boues
allait être un dossier difficile à gérer. L'agro-industrie,
la grande distribution incorporent dans les cahiers des charges de production
agricole des restrictions, voire des interdictions d'utilisation de boues et
déchets. Les agriculteurs sont pris en otage. La profession agricole
avait demandé la mise en place d'un système de couverture des
risques pour les agriculteurs épandant des boues. Il n'est toujours pas
créé à ce jour.
M. Guy VASSEUR a déploré que depuis quatre années, les
pouvoirs publics restent dans l'expectative sur ce dossier, ce qui a abouti
à une impasse et un blocage se traduisant par des réticences de
plus en plus marquées de la part des agriculteurs à recevoir les
boues urbaines.
Il a estimé qu'il revient donc aux pouvoirs publics de prendre une
position claire sur ce qui constitue un dossier de société et non
un dossier agricole.
Evoquant ensuite
les biocarburants
, M. Jacques PIOR a parlé de
l'existence d'écobilans privés relatifs à la
filière alcool et aux huiles dont les résultats étaient
assez positifs. De plus, même si le résultat était
équivalent à celui obtenu grâce aux combustibles fossiles,
la production de biocarburants devrait être encouragée
,
puisque leur caractère renouvelable l'emporte sur d'autres aspects. Or,
avec un pétrole à 35 $ le baril, cette production devient
intéressante avec, pour limite, l'ampleur des surfaces utilisables. Il
a rappelé également que BP venait de gagner une procédure
en première instance relative à la défiscalisation des
biocarburants, et qu'une procédure en appel était pendante.
BNP PARIBAS
M. DENIS AUTIER,
CHEF DU DÉPARTEMENT GESTION GLOBALE DES RISQUES,
ET M. EMMANUEL DEBOAISNE,
CONSEILLER AU DÉPARTEMENT GESTION GLOBALE DES RISQUES
(11 octobre 2000)
MM.
Denis AUTIER et Emmanuel DEBOAISNE ont présenté la nouvelle
activité dans laquelle les banques et les assurances se sont
rapprochées, à savoir
les dérivés
climatiques
.
Ces nouveaux produits reflètent une approche globale du risque. De plus
en plus de risques de type assurance apparaissent.
Dans cet esprit, il arrive que des entreprises s'assurent en cas de croissance
insuffisante. Dans cette approche, BNP PARIBAS joue le rôle de conseil,
évalue le prix et transfère le cas échéant les
risques à d'autres investisseurs.
La couverture des risques climatiques est née aux Etats-Unis
d'Amérique en 1997, à l'époque où les compagnies
d'énergie ont redouté des fluctuations fortes de leur
activité liées au climat. L'idée consistait à se
protéger des variations de prix résultant des aléas
climatiques car le climat peut entraîner beaucoup de perturbations pour
un certain nombre d'entreprises.
En France, les données historiques de MÉTÉO FRANCE
permettent l'évaluation d'un prix de transfert de risque. La
clientèle de BNP PARIBAS, dans ce domaine, compte aussi bien des
compagnies d'énergie que des fabricants de boissons -les brasseurs, par
exemple- des glaciers, des transporteurs qui redoutent l'enneigement et le gel,
des parcs d'attraction, des stations de sports d'hiver, des entreprises de
bâtiment et de travaux publics dont l'activité est
perturbée par la pluie et le gel. Des assurances garantissent, elles,
contre, par exemple, le risque de pluie durant les tournois de tennis à
Roland Garros ou bien encore contre l'enneigement ou contre le mauvais temps en
général- en cas de tournage de cinéma ou de concert en
plein air.
Les risques assurés pris en compte par BNP PARIBAS sont, soit
conservés, soit replacés sur le marché de la
réassurance.
Une comparaison internationale montre que
le Royaume-Uni
et
la
Scandinavie
sont plus en avance que la France en matière de risques
climatiques dans la mesure où le marché de l'énergie est
déjà dérégulé dans ces pays.
Les collectivités publiques
sont également très
concernées. En effet, certaines communes ou départements sont
très exposés -le sablage des routes ou leur déblaiement
n'ont pas un coût négligeable. Mais actuellement, les
collectivités publiques n'ont pas le droit de s'assurer contre les
aléas du climat car il leur est proposé un produit financier et
non une assurance proprement dite. L'absence de demande provient aussi de
l'insuffisante connaissance de ce nouveau produit. Déjà à
l'étranger, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis d'Amérique, les
collectivités locales souscrivent des assurances climatiques.
Quant à l'importance économique de ce secteur, elle est
exprimée par le marché américain du risque climatique qui
représente environ 7 milliards de dollars de montants couverts, les
primes atteignant 4 % à 15 % de ce montant. La
probabilité de survenance des événements assurés
est environ de 10 %, ce qui signifie qu'elle est calculée
d'après un rythme décennal.
Pour les vendeurs de ces nouveaux produits, il s'agit de
faire prendre
conscience aux entreprises de l'existence du risque climatique qui est en
réalité un des trois risques principaux de l'entreprise.
95 % des opérations de ce type sont qualifiés de contrat
financier et non d'assurance, ce qui oblige l'entreprise à
évaluer l'impact financier d'un degré de température. Le
banquier chiffre ensuite le coût de la couverture. En sens inverse, les
assureurs ou réassureurs évoluent aussi vers le secteur
financier.
Certaines entreprises souhaiteraient un produit multirisques concernant le
compte de résultat. BNP PARIBAS mène des études en ce
domaine qui devraient pouvoir aboutir lorsque le risque est bien
identifié. Pour mettre au point ces produits, BNP PARIBAS a
recruté des assureurs pour parler le même langage qu'eux.
Ces attitudes d'anticipation de la part des entreprises sont importantes dans
le cadre des accords de Kyoto qui prévoient un marché de permis
d'émission de carbone, dont les mesures réglementaires restent
à adopter. BNP PARIBAS estime que
des investisseurs existent pour des
aspects environnementaux mais il faut attendre le bon moment pour proposer la
création du bon produit.
Déjà la Banque Mondiale a lancé un fonds (Prototype Carbon
Found) de 150 milliards de dollars afin de financer des projets dans le
cadre des accords de Kyoto, cadre dans lequel la Banque Mondiale
récupère les permis liés aux projets ainsi financés.
Il semblerait que le marché potentiel des permis d'émission de
carbone soit important
. Un seul précédent existe : celui
du marché des émissions de soufre aux Etats-Unis
d'Amérique.
Mais derrière tous ces développements, demeure la question de
fond de la météo. Existe-t-il, ou non, une tendance
météo exprimant un changement et, dans l'affirmative, par quoi
est-elle pilotée ? Cette interrogation est capitale pour les
assureurs et les banquiers qui doivent diversifier les risques par zone
géographique et choisir en conséquence certains pays pour exercer
leur activité climatique.
Pour l'instant, la meilleure protection contre les aléas climatiques
résulte d'hivers plutôt chauds.
Dès à présent, en
Californie
et en
Espagne
,
des agences sont chargées d'observer les évolutions ; il
s'agit, en Espagne, d'une agence de l'Etat. Un risque important est
l'inondation. La ville de Cologne en
Allemagne
redoute beaucoup les
crues et un nouveau produit est souhaité contre ce risque car son
importance excessive en fait refuser la garantie par les assureurs.
Tous les temps sont concernés. Par exemple, pour les compagnies
procédant au dégivrage des avions, il est important de se couvrir
contre les hivers chauds.
Mais
la bonne connaissance des données météorologiques
est toujours difficile
. Par exemple, à Las Vegas, il a suffi de la
création d'un lac devant la station météorologique pour
créer un microclimat.
D'une manière générale,
la tendance au
réchauffement de la
température semble certaine
:
soit une augmentation de plus d'un degré en vingt ans et les organismes
privés qui travaillent à partir des données de
MÉTÉO FRANCE -qui possède un très bon
réseau, de bonnes bases de données historiques et qui est
probablement le meilleur organisme de météo en Europe- analysent
très soigneusement l'ensemble des informations recueillies.
D'autres régions du monde sont moins favorisées. C'est le cas de
l'
Afrique
qui n'est même pas observée dans la mesure
où il n'y existe pas d'historique météo sur les trente
dernières années. Quant à l'
Australie
et au
Brésil
, ils donnent lieu à quelques opérations
isolées.
Une fois les données météo collectées, pour estimer
le risque et le montant de la prime d'assurance,
une approche
actuarielle
est utilisée afin de permettre un excédent et un
retour du capital.
De nouvelles sociétés se manifestent sur ce marché,
notamment des sociétés américaines qui incitent
éventuellement à conclure des assurances sur Internet. BNP
PARIBAS vient également de lancer un site Internet permettant de
proposer des produits liés aux données
météorologiques.
Mais
le changement de mentalité incitant les entreprises à se
couvrir contre le risque climatique commence seulement à
s'opérer
. De nouveaux produits destinés aux particuliers qui
pourraient, par exemple, se couvrir contre une augmentation anormale de leur
facture de chauffage restent à inventer.
Par ailleurs, certaines entreprises ne s'assurent plus car elles estiment qu'au
sein même de leur groupe, un phénomène de mutualisation
existe déjà en interne du fait de la taille de leur
société. C'est le cas de British Petroleum (B.P.) et cet exemple
s'étend.
Des liens avec la recherche doivent encore être
développés pour intégrer par exemple
les
phénomènes réguliers appelés El Niño ou La
Niña -ou oscillation australe
-
ou encore
les risques
liés à l'oscillation nord atlantique
.
A ce stade, il n'y a pas véritablement de liens entre la
réflexion des banques et des assureurs et la politique gouvernementale
ou l'action de la MIES liée au climat.
BUREAU
DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES
ET MINIÈRES
(B.R.G.M.)
M. YVES CARISTAN, DIRECTEUR GÉNÉRAL
(6 avril 2000)
M. Yves
CARISTAN, Président du Comité Supérieur d'Evaluation des
Risques Volcaniques et Directeur général du BRGM, a
indiqué que depuis les années 1980, l'
étude du climat a
beaucoup évolué en couplant certains concepts
, par exemple,
les océans avec la météo, et, à partir des
années 1990, en couplant ou bien le développement durable et les
interactions de l'atmosphère, ou bien la biologie et les sols, en
s'intéressant à la surface et à la modification de la
géométrie de cette surface.
Il a rappelé que les modifications météorologiques et
climatiques avaient des
impacts géomorphologiques
(érosion, élévation du niveau moyen des mers
observé de 0,3 cm par an, dilatation thermique des océans) et que
seules les mesures étaient à même de fournir des
certitudes. Il a aussi souligné que
le changement du niveau de
référence hydrologique des fleuves
pouvait être
lié à des changements du transport des sédiments
possibles. En effet, une grande mobilité a pu être
observée, par exemple, pour le Fleuve Jaune en Chine et pour la Somme en
France.
Les modifications des traits de côtes
sont aussi
étudiées par le B.R.G.M., par exemple les modifications des bancs
de vase au bord de la côte de Cayenne, qui entraînent des
problèmes pour les ports de Cayenne et de Kourou. Des programmes de
suivi des traits de côtes sont donc nécessaires et le B.R.G.M.
constitue des bases de données à partir de ses observations. Les
territoires d'Outre-mer sont également affectés par
la hausse
du niveau de la mer
. Ainsi, en Polynésie, les atolls de un à
trois mètres de hauteur sont concernés.
Au-delà des impacts climatiques directs,
les glissements de
terrain
risquent de se multiplier du fait des pluies et des
sécheresses, comme cela s'est produit aux Antilles et au Japon ;
les inondations
vont augmenter.
Pour M. Yves CARISTAN, de récents événements
comme le séisme de Turquie ou les tempêtes de décembre 1999
en France, ont rappelé
la vulnérabilité des
sociétés modernes aux phénomènes naturels
,
celle-ci étant d'ailleurs augmentée par la complexité
desdites sociétés.
M. Yves CARISTAN a noté également que
les
changements climatiques peuvent entraîner des modifications du couvert
végétal, de la vie bactérienne du sol, des
températures et de l'hygrométrie
.
Dans ce contexte, la politique de prise en compte des
risques naturels
devrait être encore davantage confortée, notamment quant aux
prévisions. C'est pourquoi l'Etat développe des programmes de
cartographie du risque
.
A propos des
eaux souterraines
, M. Yves CARISTAN a
considéré que celles-ci constituaient un patrimoine plus ou moins
bien géré. Le B.R.G.M., spécialiste de ces questions,
s'interroge sur l'impact des climats, sur la montée ou la baisse des
nappes phréatiques, surtout en cas de modification des
précipitations. Il pourrait y avoir alors une importante remontée
des nappes, voire des affleurements et des apparitions de marais permanents, la
localisation des zones humides pourrait en être modifiée, tout
comme le trajet des pollutions diffuses, ce qui ne manquerait pas
d'entraîner des effets indirects sur la qualité et la
quantité des eaux.
M. Yves CARISTAN a ensuite insisté sur ce qu'était
le
problème du biseau d'eau salée
qui a pour effet, le long des
côtes, de faire pénétrer l'eau de mer dans
l'aquifère puis d'entraîner sa remontée vers les nappes de
surface comme cela se produit en Aquitaine, mais aussi dans de nombreuses
régions côtières dans le monde. Il a estimé qu'il
conviendrait de recycler davantage l'eau et, probablement, de recharger les
aquifères, y compris avec les eaux recyclées.
En
Inde
, où une semaine est consacrée à l'eau, et
dont les habitants seront sans doute près de 1,1 milliard en 2050,
l'eau, apportée en abondance par les moussons, l'est cependant à
une mauvaise époque de l'année. La recharge artificielle pourrait
présenter un intérêt.
M. Yves CARISTAN a ensuite indiqué que le B.R.G.M. s'intéressait
au
stockage artificiel du CO
2
et qu'à leur tour, les
industriels manifestaient un intérêt soutenu pour ce
procédé.
Il s'est ensuite inquiété de
la gestion des eaux
souterraines
qui n'est pas idéale à ce jour du fait de la
pollution, de la baisse des niveaux et du désintérêt de
l'Etat. A cet égard, il lui a semblé que la loi sur l'eau allait
dans le bon sens.
Interrogé sur l'éventualité d'un cataclysme lié
à
la fonte éventuelle des calottes glaciaires
et à
leur précipitation instantanée dans l'océan,
M. Yves CARISTAN a jugé cette hypothèse absurde dans la
mesure notamment où les calottes ont une inertie mécanique
très grande. Une fonte totale des calottes glaciaires prendrait
plusieurs siècles et il est inconcevable d'imaginer que la calotte se
retrouve dans l'océan. En effet, la glace n'est pas cassante et le
milieu est ductile. Sur ce point, il a recommandé au rapporteur de
consulter le Laboratoire de glaciologie de Grenoble.
Interrogé sur le parallèle possible entre la terre et
un
vaisseau spatial
, M. Yves CARISTAN a approuvé cette comparaison et a
rappelé qu'il s'agissait d'un problème de civilisation mondiale
concernant aussi bien l'économie, les sciences, que les religions.
Il a rappelé à cet égard les réflexions de Teilhard
de Chardin sur le futur de la Terre et les théories de Lovelock sur
Gaïa qui poursuit l'analogie entre les organismes vivants et une
société humaine. Il a indiqué aussi qu'un article paru
dans «
Nature
» en 1997 avait essayé de
chiffrer les services rendus par la nature en établissant une carte du
coût en dollars par hectare démontant en quelque sorte les cases
du vaisseau spatial Terre.
CAISSE
CENTRALE DE RÉASSURANCE
(C.C.R.)
M. THIERRY MASQUELIER, PRÉSIDENT
(11 octobre 2000)
Après avoir rappelé que la Caisse Centrale de
Réassurance (CCR) était une société anonyme,
à capitaux limités, jouissant de la garantie de l'Etat, et ayant
pour but de
réassurer les assureurs travaillant en France
, M.
Thierry MASQUELIER a indiqué que la loi de 1982 sur les catastrophes
naturelles avait obligé les assureurs à garantir les catastrophes
naturelles et leur avait ouvert le droit de se réassurer auprès
de la CCR pour les dommages non assurables, étant précisé
que ce système ne concerne pas les risques agricoles.
A propos des récents événements naturels survenus en
France, que ce soit en France métropolitaine ou dans les DOM, y compris
Wallis-et-Futuna, mais pas dans les TOM, il a rappelé que
les
catastrophes naturelles sont couvertes dès lors qu'un
événement naturel revêt une intensité anormale
.
Les risques biologiques ou animaliers ne sont pas pris en compte mais beaucoup
d'autres le sont comme, aux Antilles, le risque réel de tremblement de
terre, ou en métropole,
les inondations
par débordement de
fleuve ou par ruissellement,
la sécheresse
et la subsidence, ou,
plus précisément, le mouvement de terrain différentiel
qu'elle peut provoquer (un terrain argileux desséché se contracte
et en cas de fondations insuffisantes, le bâtiment joue, rendant
éventuellement celui-ci impropre à sa destination). Depuis 1982,
ce risque de subsidence a coûté aussi cher que l'ensemble des
dommages liés aux inondations. Sont également garantis les
risques liés aux
avalanches
, aux
glissements de terrain
et
aux éruptions volcaniques.
Dans le domaine de la réassurance, la CCR se trouve en concurrence avec
tous les réassureurs de la planète ; elle intervient
dès qu'il y a déclaration de catastrophes naturelles -par
opposition à des catastrophes récurrentes, c'est-à-dire
qui interviennent plusieurs fois en dix ans.
La CCR couvre entre 90 et 95 % du marché, tous les types d'assurance
pouvant être adhérents auprès d'elle.
A propos de la fréquence des sinistres, M. Thierry MASQUELIER a
observé qu'il n'y avait pas eu de changement de fréquence des
phénomènes dans la période récente, mais que
le
coût financier de chaque événement avait
tendance
à augmenter
du fait des concentrations de valeur dans des zones
exposées (Côte d'Azur...). Cela est également lié
à l'augmentation de la sensibilisation du public qui fait pression pour
obtenir des arrêtés de catastrophes naturelles, d'autant plus que
le système de réassurance fonctionne bien. Tel est le cas par
exemple dans les zones argileuses très exposées (Vallée de
Chevreuse, Seine-et-Marne, St-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée,
alentours de Toulouse, Gers, Flandres...).
L'assurance contre les catastrophes naturelles constitue désormais
une clause obligatoire des contrats d'assurance
et son taux de cotisation
est fixé par arrêté. Il était de 9 % et est
passé à 12 %, il est prélevé en plus de la prime de
base qui atteint 103 au lieu de 100.
A cause du sinistre survenu dans l'Aude, puis pour les tempêtes de
décembre 1999, il a fallu faire appel à
la garantie de
l'Etat
, qui n'avait jamais été mise en jeu auparavant hormis
lors du démarrage du système.
En volume, sur les cinq milliards de francs collectés par les assureurs,
deux milliards de francs sont conservés par les assureurs et trois
milliards de francs par la CCR.
Une comparaison internationale montre que
l'Espagne
possède un
système très proche, que
la Belgique
et
l'Italie
sont en train de mettre en place un système analogue quoique
limité aux tremblements de terre en Italie, qu'en
Suisse
, il
existe un système par canton et qu'en
Californie
, au-delà
des assurances, la prise en charge des conséquences de tremblements de
terre incombe à l'Etat.
Pour chiffrer les risques, les lois de probabilité sont davantage
déduites des phénomènes climatiques du passé que de
l'étude des phénomènes actuels, les assureurs se
comportant davantage en statisticiens qu'en scientifiques (par exemple :
le risque de retour d'une tempête du type de celle de décembre
1999 est considéré comme impossible à annoncer). Un taux
uniforme est ensuite choisi, indépendamment du taux d'exposition
réel de l'assuré au risque. A la limite, si un assuré
présente un risque de catastrophe naturelle trop grand, l'assureur peut
refuser de le prendre en charge pour l'incendie, dont l'assurance catastrophes
naturelles n'est qu'une annexe, ou bien une tarification spéciale peut
aussi être établie.
Une attitude préventive pourrait aussi consister à
suggérer
des normes de construction renforcées
. Le
ministère de l'environnement souhaite que soit relancée une telle
politique.
L'ensemble de ces considérations ont conduit les assureurs et les
réassureurs à proposer de nouveaux produits appelés
«
dérivés climatiques
». Ce
système n'en est qu'à ses débuts. Il s'inspire des
techniques de l'assurance et prévoit une prestation forfaitaire. Il
s'agit de la promesse d'une somme forfaitaire ou du résultat d'un mode
de calcul directement lié à une perte de recettes ou à un
excédent de dépenses. Les entreprises dont l'action est
liée de près ou de loin aux variations de température sont
intéressées par ce produit. Les variables peuvent prendre en
compte aussi bien la consommation d'électricité que celle de
boissons par les clients d'un établissement, le gel, la baisse de
température, les précipitations de neige ou de pluie.
L'observation des données de Météo France devient donc
essentielle pour couvrir les risques assurés
. Ce nouveau produit
d'assurances peut en outre présenter l'intérêt de
différencier le risque selon les régions afin d'éviter de
voir sa réalisation survenir partout au même moment. Il peut
être un facteur d'équilibre au sein d'un portefeuille d'assurances.
Ce concept de dérivés climatiques, né aux Etats-Unis
d'Amérique, ne se développe en France que depuis deux ou trois
ans et nécessite l'évaluation financière des grands
événements survenus au cours des dernières années
quant à leur impact sur les biens assurés, à l'exclusion
des impacts sur les équipements publics ou les bâtiments non
assurés.
LABORATOIRE DES SCIENCES DU CLIMAT
ET DE
L'ENVIRONNEMENT
(L.S.C.E.)
(UNITÉ MIXTE DE RECHERCHE CEA - CNRS)
M. LAURENT TURPIN,
DIRECTEUR DU LABORATOIRE DES SCIENCES DU CLIMAT ET DE
L'ENVIRONNEMENT (L.S.C.E.),
M. PIERRE TRÉFOURET,
CONSEILLER AU CABINET DE L'ADMINISTRATEUR
GÉNÉRAL
(16 novembre 2000)
M. Laurent TURPIN a tout d'abord
présenté
l'unité de recherche dénommée
« Laboratoire
des Sciences du Climat et de l'Environnement »
, qui est
associée au CNRS au sein d'une unité mixte CEA-CNRS, et fait
partie de l'Institut Pierre-Simon Laplace ,une fédération de
laboratoires de recherche d'Ile de France, comprenant au total plusieurs
centaines de personnels dont la plupart travaillent sur le climat ou ses
composantes, atmosphère et océan.
La recherche du CEA effectuée au LSCE s'efforce de comprendre
la
variabilité des climats à travers le passé
, ainsi que
l'étude des cycles naturels
, en priorité celui du carbone
mais l'étude des aérosols et des gaz est aussi menée. Ses
recherches dans le domaine ont débuté au cours des années
1950.
Le LSCE est également en charge d'
un service d'observation du dioxyde
de carbone atmosphérique
agréé par l'O.M.M., RAMCES.
Il y en a très peu dans le monde : aux Etats-Unis
d'Amérique, la N.O.A.A. possède un réseau de stations, en
Australie il y a le C.S.I.R.O. et, en France, il n'existe que le réseau
RAMCES ; le Japon ne détient que quelques stations nationales. Le
réseau mondial est donc constitué de la juxtaposition des moyens
de la N.O.A.A., du C.S.I.R.O. et de RAMCES.
Des
mesures
isotopiques et autres sont effectuées, ainsi que de
la modélisation lourde.
Le LSCE élabore des modèles du
cycle du carbone, comprenant la végétation, et, également,
couple des modèles tridimensionels
. Il observe aussi la terre par
satellite.
Ces modèles ont été validés pour l'instant à
travers l'observation de climats du passé. Les modèles du GIEC
couplant l'océan et l'atmosphère n'ont pas permis de
vérifier les changements climatiques du passé . Pour cela, il
faut leur ajouter le modèle de végétation du LSCE.
Revenant aux faits observés depuis un siècle,
M. Laurent TURPIN a noté
l'augmentation moyenne de
1 ° de la température,
et que,
depuis 150 ans, des
gaz à effet de serre sont rejetés par l'homme
, d'où la
question du lien de causalité entre ces deux observations. Or, depuis
seulement deux ou trois ans, il est apparu comme une certitude qu'il
était impossible d'expliquer le lien entre ces deux
phénomènes sans mettre en cause le rôle de l'homme. Il
s'agit d'une conclusion sans ambiguïté des travaux du GIEC : le
réchauffement des quarante dernières années ne peut
être expliqué que par l'accumulation de gaz à effet de
serre dans l'atmosphère.
Il y a trois ans, un article paru dans la revue
«
Science
» soutenait qu'un équilibre se
réalisait entre le rejet du CO
2
aux Etats-Unis
d'Amérique et le développement des forêts. Depuis cette
date, le LSCE a montré que, de 1988 à 1998, en étudiant
le bilan de carbone océans-continents
, le puits de carbone
important constitué aux Etats-Unis d'Amérique il y a quatre ans,
n'existait plus aujourd'hui.
Que ce soit pour les conditions observées aux Etats-Unis
d'Amérique ou pour le phénonème
El Niño
,
de très fortes variabilités sont observées d'une
année sur l'autre
, ce qui conduit à rappeler que
« les chercheurs sont payés pour douter, et les politiques
pour décider
». C'est ainsi que
des données
exactes au moment de la signature du protocole de Kyoto peuvent être
fausses aujourd'hui, tellement le rôle des forêts est
considérable
, et il reste très difficile d'établir le
bilan carbone de celles-ci.
M. Laurent TURPIN a noté par ailleurs l'existence d'
une
étanchéité quasi totale entre les chercheurs et les
négociateurs politiques internationaux, notamment européens
.
Les messages ne passent qu'indirectement entre eux, tandis qu'en face les
négociateurs américains ont à leurs côtés des
scientifiques qui leur fournissent des arguments au bon moment.
Il a également insisté sur le fait que
les fourchettes
économiques
citées dans les travaux du G.I.E.C. ne sont que
des hypothèses économiques, au nombre d'une quarantaine, qui
entraînent des fourchettes climatiques.
L'hypothèse des rejets
de gaz à effet de serre va de 4 gigatonnes par an, hypothèse
optimiste, à 20 gigatonnes par an
. A ce dernier niveau
élevé, les Etats sont supposés libres d'agir avec
diversité, tandis que l'hypothèse des 4 gigatonnes suppose
la diffusion efficace des technologies de maîtrise des émissions
aux pays en voie de développement.
M. Laurent TURPIN a observé ensuite que seuls les
scientifiques anglais du Hadley Center ont reçu une mission publique
spécifique des politiques sur les calculs de scénarios
climatiques, alors qu'en France la recherche est trop émiettée et
ne repose que sur l'initiative individuelle des chercheurs., Or, on constate
que
l'intercomparaison des modèles climatiques fait apparaître
d'importantes variabilités de l'un à l'autre
. Le GIEC devrait
peut-être compléter ses modèles par une approche
statistique diversifiée.
Les modèles climatiques comprennent principalement trois
composantes :
1. les modèles d'océan
: ils prennent en compte
l'océan et leur pas de temps est de dix jours, en supposant que
l'océan se trouvait en équilibre thermodynamique au siècle
dernier, ce qui n'est sans doute pas exact car un tel équilibre ne
semble pas avoir existé si ce n'est dans un passé très
lointain.
2. les modèles d'atmosphère
: ils ne prennent pas
assez en compte les aérosols (suies, charbons, sulfates) et leurs
évolutions dans le temps. De plus, à l'échelle globale,
les nuages y sont mal représentés (la résolution
possédant une maille de 100 km x 100 km).
3. les schémas de surface et de végétation
:
ils donnent de bons résultats sur la végétation
grâce aux satellites, mais sont très chers en calculs. Leur pas de
temps est d'une journée mais
il manque la dimension agricole
,
d'où une exactitude limitée à la Sibérie en
Eurasie. Il faudrait donc parvenir à une régionalisation
meilleure pour améliorer les prévisions, mais en Europe de
l'ouest il existe peu de végétation naturelle, même dans
les forêts.
Il reste à établir un dialogue entre les acteurs
socioéconomiques, agricoles et les auteurs de modèles de
végétation
. Cela pourrait être développé
grâce aux réseaux de l'INRA et grâce, notamment, à
une intégration européenne de la recherche dans ce domaine.
Au demeurant, M. Laurent TURPIN a considéré que
le
perfection-nement de tels modèles est indispensable pour contrôler
la mise en oeuvre du protocole de Kyoto
.
Une limitation majeure des performances des modèles est la puissance
de calcul disponible. On commence à imaginer des calculateurs
climatiques
:
les Etats-Unis d'Amérique et le Japon
poursuivent leurs avancées chacun de leur côté, leurs
projets de machines incluant déjà des variables climatiques.
L'Europe
commence à envisager de se doter d'un tel outil de
calcul.
Un saut technologique sera opéré lorsque l'architecture des
machines sera calquée sur celle des modèles de climat, ce qui
devrait permettre un grand gain de temps.
En ce qui concerne les machines actuelles, le CEA et le CNRS utilisent des
machines japonaises (NEC, Fujitsu) mais la réécriture totale ou
partielle des codes est souvent indispensable après l'achat des machines
et
il ne se trouve pas suffisamment de personnels techniques en informatique
dans ces organismes français pour réécrire les codes
,
contrairement à la situation au Hadley Center ou à
Météo-France.
Même si des moyens considérables sont mobilisés, notamment
des moyens spatiaux, M. Laurent TURPIN a relevé qu'en France,
malgré l'important potentiel des
organismes de recherche
, il
manque de capacité d'organisation et de réactivité pour
répondre à des questions précises, en comparaison avec le
Hadley Center au Royaume Uni, où tous les moyens humains et financiers
sont rassemblés en un seul centre de recherche. En revanche, la
recherche du Max Planck Institut est scindée en trois : recherche
sur le climat à Hambourg, sur le cycle du carbone à Iéna,
et sur la chimie atmosphérique à Mayence. Il s'est aussi
inquiété du fait que le retard ou l'avance en sciences
dépend seulement de la présence ou non de quelques personnes de
talent et aussi d'opportunités qu'il faut avoir les moyens de saisir.
M. Laurent TURPIN a souhaité que
des satellites
soient
mis en place
pour observer le cycle du carbone
, ce qui serait d'ailleurs
très utile pour déterminer les cadastres d'émission et
ainsi taxer les pollueurs. De plus,
le réseau d'observation au sol et
par avion pourrait être densifié.
Cela pourrait entrer dans la
dynamique retenue par les Etats-Unis d'Amérique qui souhaitent faire de
l'effet de serre un avantage économique pour leurs entreprises.
M. Laurent TURPIN a par ailleurs regretté que
le
nucléaire ne soit pas explicitement cité par l'Union
européenne comme une source d'énergie électrique exempte
de rejets de CO
2
.
Il a relevé que les industries dégagent
du CO
2
qui
pourrait être mélangé à de l'hydrogène
produit à partir de centrales nucléaires pour offrir un carburant
à la pile à combustible, permettant aux automobiles de rouler au
nucléaire
puisque, aujourd'hui, les émission de carbone
liées aux transports représentent près de 30 % des
émissions.
Il a estimé que
d'ici cinq à dix années le changement
climatique se sentirait dans la vie quotidienne
, alors que, pour l'instant,
sa dimension planétaire le rend difficile à appréhender
pour la population.
Evoquant ensuite
la M.I.E.S
, il a loué le bon niveau scientifique
de ses documents de synthèse et a considéré qu'elle
effectuait un bon travail en tant que mission. Par ailleurs, il a
regretté qu'
aucun colloque scientifique
véritable sur ce
sujet n'ait eu lieu en France, ni d'ailleurs
aucun colloque sur ce
thème regroupant des décideurs
.
Evoquant
le programme du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur la gestion et l'impact du changement
climatique (G.I.C.C.)
, il a noté qu'étant donné la
complexité du problème, ses travaux n'étaient pas encore
en état de déboucher sur des conclusions opératoires.
Interrogé ensuite sur divers thèmes, M. Laurent TURPIN
a indiqué que
le modèle du Hadley Center n'intégrait
aucune donnée paléoclimatique
, que les recherches sur les
modèles climatiques étant assez récentes, elles pourraient
récolter ultérieurement les immenses progrès des machines
informatiques et de l'observation satellitaire. L'espoir de pouvoir
décrire un océan véritable grâce au projet
français Mercator
est par exemple aujourd'hui bien réel.
A propos de l'évolution de
la banquise
, il a noté que
celle de l'Arctique semble reculer,
et que
celle de l'Antarctique
plonge
sous le niveau de l'eau actuel, ce qui fera de sa diminution
éventuelle un problème non pas d'évolution graduelle, mais
de
passage de seuil
.
Quant au
niveau de la mer
, sa hausse résultera surtout de la
dilatation des océans causée par l'augmentation de la
température globale, mais elle ne devrait pas atteindre 2 mètres.
La question de l'augmentation de la fréquence des cyclones, surtout aux
Etats-Unis d'Amérique et en Australie, reste ouverte. Celle de
la
multiplication des événements extrêmes
pourrait
résulter du changement climatique du fait d'un plus grand contraste
entre les zones froides des pôles et les zones chaudes de l'Equateur. Les
cinq années à venir permettront probablement de répondre
à cette interrogation.
Il a enfin déploré qu'
aucun
scientifique
français
n'ait été présent
à la
Conférence de La Haye
, les économistes se contentant de
traduire des dispositions du protocole de Kyoto.
CENTRE NATIONAL DU MACHINISME AGRICOLE, DU GÉNIE
RURAL
ET DES EAUX ET FORÊTS
(CEMAGREF)
M. PIERRICK GIVONE,
DIRECTEUR SCIENTIFIQUE ADJOINT
M. JEAN-LOUIS VERREL,
DÉLÉGUÉ À L'ENVIRONNEMENT
(20 décembre 2000)
M.
Jean-Louis VERREL a rappelé que
le CEMAGREF est en charge tant des
réductions des émissions de gaz à effet de serre à
la source que de l'atténuation de leurs impacts ou encore du stockage du
carbone
.
Pour
la réduction des émissions à la source
, le
CEMAGREF travaille à
l'amélioration des installations
frigorifiques
, en envisageant éventuellement un retour aux
installations utilisant l'ammoniac ou les hydrocarbures, et en rappelant que
les systèmes à paroi épaisse perdent moins de froid et
atteignent donc une meilleure efficacité énergétique.
Dans l'étude du froid, allant des systèmes frigorifiques
jusqu'aux plats congelés, le CEMAGREF s'intéresse plutôt
aux équipements, et l'INRA plutôt aux procédés.
Dans le même but de réduction des émissions de gaz à
effet de serre,
l'étude des déjections animales
résultant de l'ensemble du système d'élevage intensif est
également menée à Rennes.
L'utilisation des déchets organiques, qu'il s'agisse de déchets
ou d'ordures ménagères ou de boues des stations
d'épuration pose le problème de
la traçabilité
de l'épandage
. Pour l'instant, en France, il n'existe pas d'accord
entre les agriculteurs et les stations d'épuration des
collectivités territoriales sur
les assurances à contracter
dans l'hypothèse d'éventuels sinistres
. En Allemagne, un
fonds de garantie existe pour couvrir ce risque.
Enfin,
l'agriculture de précision
est développée
afin de réduire les émissions de N
2
O.
Sur le terrain de
l'atténuation des impacts du changement
climatique
, le CEMAGREF mène, dans le bassin du Rhône,
des
modélisations hydrologiques et météorologiques
afin de
ne pas toujours être à l'aval du modèle
météo. Le CEMAGREF s'efforce de prévoir les
déficits en eau par région en cas d'augmentation moyenne de la
température supérieure à un degré.
Aux Etats-Unis d'Amérique, ce genre de système d'analyse est
très développé, notamment à Los Angeles,
approvisionnée par de l'eau venant de plus de 80 km.
Le CEMAGREF étudie également
les peuplements biologiques dans
les cours d'eau
, le devenir de
l'irrigation
, celui de
l'alimentation en eau potable
et les enjeux socio-économiques de
celui-ci. Il s'interroge notamment sur la captation des eaux du Rhône au
bénéfice de l'Espagne. Il observe aussi
un bassin
glaciaire
dans les Alpes, en liaison avec le programme européen
GLACIORIX, qui porte sur un parallèle entre les Alpes et la Scandinavie.
Le CEMAGREF examine aussi les impacts des changements climatiques sur
les
forêts
, à travers par exemple les déplacements des
limites géographiques des forêts comme des pâturages. Il
étudie la croissance et la qualité du bois ainsi que les impacts
socioéconomiques des évolutions constatées. Il s'efforce
aussi d'identifier les espaces protégés, et conduit des
expertises, comme après les tempêtes de 1999, par exemple. Il
s'intéresse aussi à
la gestion des espaces
pâturés d'altitude
et au maintien de cette activité,
tout en notant que l'évolution de ces systèmes est
déjà entamée.
Enfin, concernant
le stockage du carbone
, le CEMAGREF, associé
à l'IRD et au CIRAD, collabore à un programme GESSOL en
Martinique
, lié aux pratiques des agriculteurs dans la gestion
des matières organiques. Pour l'instant des éléments de
connaissance ont été rassemblés, mais pas encore
exploités.
M. Pierrick GIVONE a rappelé ensuite que
la vapeur d'eau
est le
gaz à effet de serre le plus important, et que l'irrigation produit de
la vapeur d'eau, ce qui donne lieu à de nouvelles études du
CEMAGREF, non encore abouties à ce jour.
Quant aux
programmes biomasse
, le CEMAGREF les a arrêtés,
sans qu'il soit possible de dire si un autre organisme a repris ces
études.
M. Jean-Louis VERREL a rappelé qu'il avait eu des contacts avec la MIES,
et qu'il avait noté que
le stockage du gaz carbonique par le sol
demeurait encore un phénomène mal connu. Il a rappelé
l'existence de l'inventaire forestier national.
Quant aux
recherches sur le machinisme agricole
, elles ont
été réduites et réorientées, en l'absence de
financement spécifique comme de partenaires ; la priorité
est désormais donnée aux questions d'intérêt public,
telles que la sécurité ou les enjeux environnementaux. Celles sur
les économies d'énergie
ont été pour
l'essentiel abandonnées.
En revanche, des recherches sont menées sur
les épandeurs de
pesticides ou d'engrais
, dans la perspective de l'agriculture de
précision, respectant les équilibres entre l'atmosphère,
le climat et le sol. A cet égard, il a noté que la
majorité des pesticides se trouvant dans les eaux en France y sont
parvenus par voie aérienne et non par les sols. Il a insisté sur
les techniques d'irrigation
et la nécessité de ne pas
gaspiller l'eau, notamment en réfléchissant à la
nécessité d'exporter ou non tel ou tel produit.
M. Jean-Louis VERREL a précisé que le CEMAGREF entretenait des
liaisons avec l'ensemble des pays d'
Europe
, dans tous les domaines de la
recherche-développement, et qu'il remportait de bons succès dans
les programmes européens, concernant par exemple l'eau, la forêt
ou les risques naturels, pôles d'excellence du CEMAGREF.
Il participe aussi à
la diffusion des connaissances
, comme par
exemple au printemps 2000, à travers un film projeté au Palais de
la découverte, lors de l'
Aquaexpo
sur l'eau.
M. Pierrick GIVONE a estimé que
les phénomènes
climatiques extrêmes risquent de devenir de plus en plus
fréquents, selon les prévisions des climatologues,
et que la
forte expertise du CEMAGREF serait utile pour examiner l'eau, son usage et ses
milieux ainsi que les risques naturels comme les inondations ou les incendies
de forêts.
A cet égard, il a noté que la vision des risques naturels par le
public est en train de se modifier, et que la question du type de
développement économique à mener pose de plus en plus
celle des contraintes
des risques naturels importants à accepter pour
obtenir ce développement économique
.
Il a insisté sur le fait que
le CEMAGREF détient un
véritable axe d'excellence, englobant toute la chaîne des savoirs
indispensables dans le contexte actuel du changement climatique
, qu'il
s'agisse des inondations, de l'aménagement hydraulique, de la recherche
sur les phénomènes climatiques, des écoulements de toute
nature, de la cartographie des informations par rapport aux descriptions et
à la réglementation, et, enfin, de la
vulnérabilité, toujours difficile à évaluer.
En revanche, il a signalé que
l'information pendant les
périodes de crise
ne relevait pas du CEMAGREF, mais de la protection
civile.
Il a estimé qu'à l'avenir les mécanismes
d'
assurance
allaient varier pour s'adapter aux nouvelles
réalités.
Il a précisé que dans le domaine de
la cartographie
,
l'Institut géographique national (IGN), documenté en outre par
les informations spatiales recueillies par le CNES, permet au CEMAGREF de
produire des
cartes thématiques
. En effet, l'IGN ne
possède pas de compétence thématique particulière,
mais il organise sur son site web des comparaisons, par exemple entre les
différents niveaux d'un lit de rivière en fonction des dates, et
ses données sont un modèle du genre.
Concernant
les inondations
, un projet de gestion de celles-ci est
lancé, le projet PACTE, grâce à l'emploi des technologies
modernes.
Par ailleurs, il a précisé que lors de l'inondation de
Vaison-la-Romaine en 1992, environ 75 % des constructions
endommagées avaient moins de 25 ans d'âge.
Interrogé sur
les DOM-TOM
, M. Pierrick GIVONE a répondu
qu'en dehors de préoccupations liées à l'érosion
à la Réunion, les DOM-TOM ne constituaient pas une cible
particulière.
CENTRE D'ÉTUDES SUR LES RÉSEAUX,LES
TRANSPORTS,
L'URBANISME ET LES CONSTRUCTIONS PUBLIQUES
(C E R T U)
M. JEAN-PIERRE ROTHEVAL
(4(
*
))
RESPONSABLE DU
DÉPARTEMENT ENVIRONNEMENT
(14 novembre 2000)
Après avoir rappelé que
le CERTU
dépendait du Ministère de l'Equipement et regroupait environ 170
personnes, M. Jean-Pierre ROTHEVAL a précisé que le
Département Environnement de ce centre étudiait les
émissions des transports sans avoir fait du CO
2
sa
priorité. En fait, ce n'est que
le début des simulations sur
le CO
2
, étant observé que, pour les autres
polluants, les améliorations sont nettement plus sensibles que pour le
CO
2
et le bruit.
Les projections relatives au gaz carbonique émis par
les
transports
montrent ceux-ci participent à hauteur d'environ 22
à 30 % à l'émission de gaz à effet de serre,
vraisemblablement à hauteur de 22 % pour le gaz carbonique
(5(
*
))
.
L'augmentation des
émissions de CO
2
est prévisible
, car le parc de
véhicules français représente de plus en plus de
kilomètres parcourus par an -la moyenne est passée de 12.000
à 14.500 km par an. De plus, ces augmentations concernent aussi bien le
transport de personnes que le transport de marchandises.
A cela s'ajoutent l'augmentation de la masse des véhicules,
l'allongement de la durée de renouvellement du parc et le recours accru
à la climatisation.
Les émissions
de dioxyde de carbone dues aux transports ont
presque doublé en 25 ans
-de 1963 à 1998
(6(
*
))
- dont plus de 50 % sont
rejetées en agglomération, 20 % en transport régional
et 30 % en transit lointain. Par rapport aux années
antérieures, il peut être noté une stabilisation de la
croissance des émissions en ville, une croissance en régional, et
une croissance supérieure en transit lointain.
M. Jean-Pierre ROTHEVAL a souligné que
l'évaluation même
des émissions de polluants n'est pas évidente
, puisque peu de
mesures ponctuelles sont effectuées et que le calcul des polluants
émis suppose de connaître les émissions unitaires
individuelles de chaque véhicule, de distinguer entre les diesel et les
non diesel, qui sont rapprochés mais surtout, en théorie, de
connaître l'âge du parc de véhicules et le nombre de
kilomètres parcourus.
Ainsi, de 1975 à 1997, les véhicules individuels sont
passés de 222 à 180 grammes de CO
2
émis par
kilomètre, soit un faible gain par rapport aux progrès
effectués pour les autres polluants, dont la catalyse a
été améliorée dans une proportion de 10, voire de
20.
L'objectif maintenant fixé est d'atteindre
140 grammes de
CO
2
par kilomètre en 2008
, les 180 grammes d'aujourd'hui
représentant en réalité plutôt 197 grammes pour les
véhicules à essence et 178 grammes pour les diesel.
Il a pu être noté à de nombreuses reprises
une
corrélation entre l'augmentation des transports et la croissance du
PIB
. De 1971 à 1993, le produit intérieur brut a crû de
2,3 % par an en moyenne tandis que la croissance des transports fut
nettement supérieure avec 3,6 % (et même 3,8 % pour le
transport routier de marchandises).
En milieu interurbain, la courbe de croissance prévue à moyen
terme est très forte, et c'est le trafic autoroutier qui croît le
plus vite. Une prolongation à l'identique de la tendance actuelle
donnerait une augmentation des émissions de CO
2
supérieure de 30 à 40 % aux émissions actuelles en
2030
.
M. Jean-Pierre ROTHEVAL a indiqué
que, d'après l'OCDE,
un seul scénario permettrait de stabiliser en 2020 les émissions
de CO
2
, à savoir l'augmentation du prix du litre d'essence
jusqu'à 13 francs
, les tendances observées ou
prévisibles étant analogues dans tous les pays de l'OCDE.
Toutefois, cette simulation économique ne prend pas en compte les
aspects sociaux d'une telle augmentation.
En affinant l'examen des situations régionales, il a pu être
noté que même des villes comme
Strasbourg
ou
Grenoble
connaissent des augmentations de plus de 10 % du nombre de
véhicules kilomètres parcourus, du fait en particulier de la
périurbanisation
. De même, les villes d'
Amérique
du Nord
enregistrent une très forte consommation tant dans les
transports que dans tous les réseaux. A l'inverse, à
Hong
Kong
, dont le territoire est très restreint, la consommation
énergétique par habitant est faible du fait de la densité
urbaine.
Le recours au gaz naturel pour les véhicules collectifs
produisant un meilleur rendement a donc été
préconisé, mais ce carburant continue à poser des
problèmes de sécurité pour les véhicules
individuels. C'est ainsi qu'après un accident survenu à Lyon, les
parkings souterrains ont été interdits aux véhicules
à gaz.
Mais,
il n'est pas facile d'opérer des substitutions entre
carburants
, comme l'a montré l'exemple de
Berlin
où,
pour éviter l'émission de particules, le diesel avait
été découragé jusqu'au moment où la nouvelle
priorité fut donnée à la baisse de CO
2
, ce qui
a incité à s'équiper en diesel.
De leur côté, les Etats-Unis d'Amérique étudient la
possibilité d'accroître très sensiblement leur part de
véhicules diesel
. A propos du
véhicule
électrique
, M. Jean-Pierre ROTHEVAL a déploré sa
trop faible autonomie, ce qui le réserve à l'usage urbain, et en
dissuade l'usager, qui veut utiliser son véhicule pour de multiples
usages. En revanche, pour des flottes ou pour des véhicules mixtes,
comme celui de Toyota, ce choix reste possible mais demeure cher.
Abordant la question des
transports publics
, M. Jean-Pierre ROTHEVAL a
estimé qu'une action était possible sur les déplacements
réguliers domicile-travail, mais il a noté que
l'emplacement
périphérique des circuits de distribution commerciaux très
importants que sont les hypermarchés rend pratiquement obligatoire
l'usage de la voiture individuelle
pour s'y approvisionner.
Dans le même temps,
les transports de loisirs
ont augmenté.
Face à ces difficultés, une solution souvent
préconisée consiste à réduire
l'étalement
urbain
, mais dans ce cas-là, le centre ville concentre les nuisances
du bruit et de la pollution de l'air, sauf à augmenter de façon
drastique le transport collectif.
Depuis 15 ans, le temps de transport quotidien est resté constant
alors que les distances à accomplir ont augmenté
. Cela
pourrait être modifié en s'inspirant d'exemples comme celui de
Portland (Oregon)
, qui constitue une référence aux
Etats-Unis d'Amérique ou encore de celui des
Pays-Bas
ou de
certaines
villes allemandes
, car
l'aménagement y fut
effectué à partir des axes de transports en commun.
En France, il n'existe pas pour l'instant de réelle priorité
environnementale
. De plus, le type d'habitat dispersé incite
à posséder une ou deux voitures, et la rupture ou la
difficulté d'approvisionnement en carburant laisserait nombre de
familles sans solution alternative.
Des études restent à mener sur l'importance réelle des
budgets de transport par famille.
Par ailleurs, M. Jean-Pierre ROTHEVAL a observé qu'aux Etats-Unis
d'Amérique des expériences de
voies réservées au
covoiturage
(7(
*
))
sur les
autoroutes avaient été lancées, et qu'une ville aussi
étendue que Los Angeles ne comptait pratiquement pas de transports en
commun.
Il a noté l'intérêt de
la solution covoiturage
et de
son encouragement, par exemple dans les entreprises.
M.
JACQUES ARNOULD
(8(
*
))
(CNES)
(14 novembre 2000)
M.
Jacques ARNOULD a d'abord évoqué
la modification induite par
les connaissances acquises grâce aux techniques spatiales
(en
particulier l'observation par satellite)
dans la perception que
l'humanité a désormais de la Terre
.
Il a estimé que le spatial avait accéléré la prise
de conscience écologique et celle de la fragilité de la Terre, et
en même temps avait fait naître une peur, la Terre étant
perçue depuis l'espace comme
« éloignée ».
Il a relevé une certaine contradiction entre la perception
simultanée de l'homme en tant que maître de la nature lorsqu'il
est sur la Terre et celle de l'homme protecteur de l'environnement lorsqu'il
est dans l'espace. Il a noté que cette perception s'inscrivait dans un
rapport à la science assez tendu actuellement comme en témoignent
les tensions en matière d'agro-éthique et d'environnement. Il a
estimé qu'une bonne communication sur ces sujets était plus que
jamais nécessaire et qu'à partir du moment où il
apparaissait indispensable de dire, il n'y avait pas de raison de ne pas tout
dire, comme cela a été observé dans le cas de
l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Il a surtout noté que, d'une manière générale,
le discours scientifique
-qui ne peut être qu'un discours de
doute- n'était pas compris comme tel par le public, ce qui est
illustré par la relation entre le public et la météo dont
les prévisions non vérifiées par les faits ne sont pas
admises. M. Jacques ARNOULD a souligné aussi que
l'intérêt porté à l'environnement était
souvent lié à l'impact immédiat de celui-ci pour chacun et
que d'une manière générale, les rapports entre le
macro-environnement et le micro-environnement étaient difficiles
à gérer.
Abordant ensuite
les rapports entre les scientifiques, les experts, le monde
de la communication et les sphères de décision
, il a
cité les travaux de M. Philippe ROQUEPLO sur l'expertise scientifique et
a noté que le discours du scientifique ne saurait être
déjà considéré comme une décision.
M. Jacques ARNOULD a estimé que
plusieurs peurs
se cumulaient en
ce moment dans la société et s'est demandé comment il
était possible de rassurer face à ces craintes. Il a passé
en revue une série de possibilités consistant, par exemple,
à augmenter les crédits de la recherche, améliorer les
moyens d'observation de la nature (espèces, forêts, cultures ...),
se familiariser avec le risque pour mieux l'accepter- l'usage quotidien de la
voiture ne démontre-t-il pas que cela est possible ? Les
tempêtes de décembre 1999 auraient contribué à cette
familiarisation ; il reste à tirer les leçons des
événements extrêmes même si ceux-ci ne sont pas
directement liés au changement climatique.
M. Jacques ARNOULD a estimé utile de parler de ces changements,
d'accepter de voir la Camargue sous l'eau, de se mettre dans l'idée que
les climats peuvent changer, d'imaginer ce que cela produirait à Paris
et peut-être de se demander qui pourrait être le nouveau Noé
et de quelle Arche ? Il a noté qu'admettre de
réfléchir à l'horizon de cinquante ans, c'est envisager un
horizon très proche ; or, prévoir, c'est déjà
maîtriser sa peur.
Dans cette prise de conscience, M. Jacques ARNOULD a évoqué
l'utilité de l'association «
La Main à la
Pâte
» créée par M. Georges CHARPAK, qui
s'occupe d'informer les jeunes.
M. Jacques ARNOULD a aussi noté
la nécessité de se
réapproprier son environnement
, ce qui vient à porter un
nouveau regard sur soi, quelquefois gênant. Il a relevé qu'en
France métropolitaine même, l'intérêt pour
l'environnement est très variable selon les régions, la nature
existante se trouvant très diversifiée.
Il a insisté ensuite sur la nécessité d'
allier la
communication à l'éducation
(celle-ci étant la partie
la plus noble de la communication) et de bien relier les deux
intérêts complémentaires du global et du local.
M. Jacques ARNOULD a aussi estimé qu'il serait fructueux de
comparer
les changements vécus au cours des cinquante ou des cent
dernières années avec ceux déjà vécus au
cours de périodes historiques
et retracées dans des archives.
Cela pourrait concerner, par exemple, des modifications de paysages ou encore
un phénomène comme l'exode rural qui s'est accompagné de
la disparition de villages.
Il a indiqué que
les regards de certains intellectuels
sur ces
questions pourraient être utilement croisés. Ainsi, a-t-il
cité Philippe ROQUEPLO, Dominique LECOURT, Jean-Jacques SALOMON, Roger
LESGARDS ou encore Gérard MÉGIE.
Il a indiqué ensuite que
des accords de coopération ont
été passés entre les grands organismes pour l'observation
des phénomènes naturels
survenant à l'heure actuelle
et qu'énormément de données avaient été
collectées, mais il s'est demandé s'il existait toujours la
possibilité de traiter celles-ci. Ainsi, l'exploitation des
données recueillies par les satellites nécessite beaucoup de
temps. Enfin, il a rappelé que le CNES s'implique davantage dans
l'observation des risques naturels.
MME ANNY CAZENAVE
RESPONSABLE DU
DÉPARTEMENT GÉOPHYSIQUE
ET OCÉANOGRAPHIE
SPATIALE
(C.N.E.S)
(18 octobre 2001)
Mme Anny
CAZENAVE a rappelé qu'au cours du XX
ème
siécle,
les variations de niveau des océans
ont été
observées à partir d'enregistrements
marégraphiques.
Ces observations
indiquent
une hausse de 1 à 2 mm par an, soit 10
à 20 cm sur l'ensemble du siècle.
Cependant, il n'existe que très peu de stations marégraphiques
(une vingtaine seulement) offrant des séries continues d'observations de
qualité couvrant les décennies passées. De plus, leur
distribution géographique est très inhomogène, les sites
d'observation, étant principalement situés le long des
côtes de l'Amérique du Nord et de l'Europe. L'estimation de
l'élévation du niveau de la mer pour le siècle
passé, issue des données marégraphiques, est donc
seulement indicative. Sa marge d'incertitude est importante en raison de
l'absence totale d'observations denses et globales.
Depuis 10 ans,
les satellites altimétriques
permettent de
corriger ce défaut en offrant des données sur l'ensemble des
océans. Le satellite TOPEX-POSEIDON mesure depuis son lancement en 1992,
les variations du niveau moyen de la mer, avec une précision et une
résolution géographique (environ 300 km) inégalées,
et une récurrence temporelle de l'ordre de dix jours.
TOPEX-POSEIDON indique que
le niveau moyen global de la mer a
augmenté de 2,5 mm par an au cours de la dernière
décennie
. Cependant, cette moyenne dissimule le fait que
cette
élévation n'est pas du tout uniforme
sur l'ensemble de la
surface des océans et cette constatation fut une sorte de
révélation. Les scientifiques ont montré récemment
que
l'élévation du niveau de la mer observée par
Topex-Poseidon est parfaitement corrélée avec la dilatation
thermique de l'océan causée par le réchauffement
climatique
.
Interrogée sur la fonte éventuelle des
calottes
glaciaires
, Mme Anny CAZENAVE a précisé que
les
observations ne suggèrent aucune fonte significative de l'Antarctique
sur l'ensemble du XXème siècle. Quant aux
évolutions futures
, évoquées dans le chapitre 11 du
rapport du GIEC paru en octobre 2001, elles devraient résulter
principalement du réchauffement des océans.
La fonte des
glaciers de montagne
se poursuivra, ce qui contribuera aussi à
élever le niveau des océans.
L'évolution de
l'Antarctique
sera évidemment essentielle selon que son
équilibre sera ou non préservé et, sur ce point, il
n'existe
pas de consensus de la communauté scientifique
.
En observant la courbe dressée par le GIEC aboutissant à
l'année 2100, la hausse du niveau des océans est prévue
pour être de 40 cm en moyenne, mais
de très grandes
incertitudes existent entre les modèles
qui annoncent une marge
allant de 10 à 80 centimètres. De plus,
le désaccord
porte tant sur l'ampleur du phénomène que sur sa
répartition géographique.
En conclusion, Mme Anny CAZENAVE a estimé que,
face à la
montée des eaux
, il s'agissait plutôt d'adopter
une
défense souple
et qu'il convenait de
s'inquiéter davantage
de la récurrence plus fréquente d'événements
climatiques extrêmes (tempêtes, précipitations intenses et
inondations) que de la hausse finalement assez modérée du niveau
de la mer
. Toutefois, dans certaines régions côtières
basses du globe, l'élévation du niveau des océans pourrait
avoir des
conséquences néfastes
(érosion des
côtes, salinisation des estuaires et des nappes phréatiques,
submersion permanente des rivages, etc), et il conviendrait d'étudier
les impacts de la hausse du niveau des mers dans les zones littorales. Elle a
noté également qu'il était très important de
conserver des marégraphes opérationnels car ils permettent de
calibrer les mesures effectuées par satellites.
Enfin, questionnée sur le phénomène des
marées
terrestres
qui consistent en une déformation périodique de la
croûte terrestre parallèlement aux marées
océaniques, elle a précisé que cette déformation
peut atteindre jusqu'à 30 cm sous nos latitudes.
LABORATOIRE CLIMAT ET SANTÉ
FACULTÉ DE MÉDECINE DE DIJON
PROFESSEUR JEAN-PIERRE BESANCENOT,
(9(
*
))
DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS,
RESPONSABLE DU LABORATOIRE CLIMAT ET SANTÉ
A LA FACULTÉ DE
MÉDECINE DE DIJON
(8 décembre 1999)
L'influence des climats sur la santé
se
caractérise d'abord, aux yeux du Professeur Jean-Pierre BESANCENOT, par
un grand nombre d'incertitudes.
Le risque d'extension du paludisme
illustre cela dans la mesure où,
par exemple, la mise en oeuvre d'un vaccin changerait radicalement les
prévisions liées à l'évolution de cette maladie en
fonction du climat. Cela ne peut qu'inciter à la prudence dans
l'élaboration des prévisions sans pour autant négliger la
surveillance attentive des situations observées.
De plus, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT souligne que
les experts
émettent des conclusions fort diverses
généralement
marquées par trop de catastrophisme : tout finit par être
expliqué par l'effet de serre ou par El Niño alors que la
réalité est plus complexe.
Ainsi, actuellement, dans la zone intertropicale, les habitants des montagnes
sont épargnés par le paludisme au-dessus de 1.200 ou
1.600 mètres d'altitude selon les cas. Mais, si ces populations peu
immunisées venaient à être atteintes, de nouveaux
problèmes surgiraient. De nombreuses publications américaines,
australiennes ou encore japonaises ont montré ces
phénomènes, par exemple en Ouganda ou à Madagascar,
mais pas toujours avec assez de rigueur car l'effet de serre y est
automatiquement désigné comme le coupable alors que, dans le
même temps, la population a augmenté, les activités de
celle-ci ont changé et que, par exemple, la culture du papyrus a disparu
alors que celui-ci secrète un film à la surface de l'eau qui
empêche la présence des moustiques.
Souvent,
les modèles climatiques s'intéressent surtout aux
températures, moins aux précipitations et moins encore aux autres
éléments du climat
. C'est ainsi qu'au nord de Dakar, les
grandes sécheresses des années 1970 et 1980 se sont
accompagnées du recul du paludisme, du fait de l'absence d'eau
permettant le développement des larves.
Depuis 1995, la pluviosité est redevenue normale dans cette
région, mais les moustiques ayant disparu, le problème du
paludisme ne se pose plus ; dans ce cas, le réchauffement a, en
quelque sorte, fait reculer le paludisme.
Autres exemples relatifs à
l'âge des populations
concernées
, les vagues de chaleur dans les zones intertropicales
frappent des populations jeunes qui ont donc des réactions
différentes de celles qui pourraient être observées parmi
d'autres strates d'âge.
Il est de plus à noter qu'en 1990, 45 % de la population mondiale
vivaient dans des régions où le paludisme sévissait. Si,
avec l'augmentation de la température, ce chiffre passe à
60 %, dont une grande partie ne dispose que de moyens sanitaires
limités, le paludisme frappera des populations moins jeunes.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a aussi rappelé qu'en fait, le
moustique qui transmet le paludisme est toujours présent
en
France
, près de cent espèces de moustiques pouvant d'ailleurs
colporter cette maladie et que des cas de paludisme importés sont
détectés aux alentours des grands aéroports du fait de la
présence des containers provenant du monde entier. En
général, ces cas sont détectés rapidement et
l'épidémie est stoppée.
L'ensemble de ces exemples montre que
le retour du paludisme n'est sans
doute pas le risque majeur souvent décrit, en tout cas pas pour l'Europe
occidentale
où des mesures faciles peuvent intervenir.
Il en va
probablement différemment de l'Europe de l'Est et surtout de la
Russie
. Le paludisme a d'ailleurs constitué en URSS un très
grand problème jusque dans les années 1930 où il touchait
parfois jusqu'à 9 millions de personnes certaines années.
Pour la Russie actuelle, les informations manquent.
Depuis 1980, la réémergence du paludisme
s'est
manifestée sous la forme d'épidémies plus ou moins graves
au
Sri Lanka
, au
Swaziland
et à
Madagascar
(avec
100.000 décès de 1985 à 1987, puis en
Arménie
, en
Azerbaijan
, au
Tadjikistan
(1999) et en
Corée
(2000). Il en est de même en Amérique centrale.
L'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) centralise ces
renseignements sur la base des réseaux médicaux existants, mais
en
Afrique
, le recours à la médecine traditionnelle, de
préférence à la médecine occidentale, fausse les
statistiques, d'où
la nécessité d'élargir le
réseau de l'O.M.S.
qui est très sensibilisée à
ce thème depuis quelques temps (le thème d'étude de
l'O.M.S.en 1999 était « temps, climat et
santé »).
Abordant la question du
virus du Nil occidental
colporté par un
moustique, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT indique que, ces
dernières années, ce virus a déclenché des
épidémies en Roumanie, en Russie, en Israël, au Congo et
aux Etats-Unis d'Amérique. Les oiseaux et les chevaux y sont
particulièrement sensibles
(76 chevaux touchés en
Petite
Camargue
en 2000, avec une vingtaine de décès, mais aucun cas
humain n'a été détecté dans cet épisode).
Les symptômes restent le plus souvent ceux d'une très
bénigne infection fébrile, mais dans un peu moins de 1 % des
cas, il y a évolution vers une redoutable
méningo-encéphalite, avec une forte mortalité. Il
n'empêche que
le rôle du changement climatique, souvent
évoqué, est jugé de moins en moins crédible par les
chercheurs
.
Au fil des ans,
des politiques sanitaires ont été
interrompues
. C'est ainsi que la démoustication a été
arrêtée dans les pays industrialisés tandis que le
moustique s'est adapté aux insecticides.
Entre temps, notamment dans le Languedoc, une pollution des eaux importante,
quoique de courte durée, a été causée par les
insecticides.
Les observatoires régionaux de la santé et les DIREN sont bien
conscients de ces problèmes.
Concernant
les DOM-TOM
, il n'existe pratiquement pas d'étude sur
le lien entre climat et santé, celle-ci débute à peine.
Toutefois, à l'Institut Pasteur,
le
Professeur François
RHODAIN
a travaillé sur ces thèmes
(10(
*
))
.
Les changements climatiques peuvent aussi provoquer des
cyclones
tropicaux
causés par des eaux superficielles chaudes. Un
réchauffement peut en effet augmenter le risque de cyclones, plus
violents ou plus fréquents ou les deux à la fois, dont l'un des
effets à court terme pourrait être la survenue
d'
épidémies
.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a indiqué qu'il avait
rédigé
un rapport après le passage du cyclone Hugo sur
la Guadeloupe
et qu'il avait y pu consigner l'apparition de pathologies de
stress
facilitant les accidents cardiaques, des troubles psychologiques,
voire psychiatriques, même deux ou trois ans après le passage du
cyclone, une hausse des suicides et des tentatives de suicides, ce qui
s'observe aussi après les tremblements de terre, de même qu'une
augmentation nette de certains cancers comme les leucémies, même
si cela reste inexpliqué.
Evoquant ensuite les cas de
vagues de chaleur
, le Professeur a
noté que les personnes âgées de plus de 65 ou de 75 ans en
sont davantage victimes, notamment les femmes. En cas de
vagues de
froid
, comme en janvier-février 1985 en France, si les journaux
n'ont relevé que 57 décès dus au froid, il a
été constaté 12.000 décès
supplémentaires par rapport aux années précédentes.
De même, en juillet 1987 à Athènes, plus de 2.000 morts
semblent avoir été causées par la chaleur ou la pollution.
D'après des études portant sur les Etats-Unis d'Amérique,
certains auteurs estiment que
la mortalité de plein été
pourrait croître de deux à trois fois en cas de vagues de
chaleur
, cette évolution étant de plus en plus marquée
en cas d'évolution brusque.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a également mentionné que
d'autres conséquences
en cas d'augmentation de la
température
ont été observées :
le taux
de fécondité diminue
plutôt lors des étés
très chauds, même s'il n'existe pas d'étude très
récente sur ce thème. Par ailleurs, il existe une
corrélation très forte entre la hausse de température et
le nombre croissant de
fausses-couches
et de
naissances
prématurées
. Une étude sur ce point a
été menée en Turquie.
Dans les villes, il est apparu que la carte des zones de surmortalité
se superpose strictement à la carte des zones dépourvues
d'installations d'air conditionné
: à New York, les
quartiers les plus touchés n'étaient pas équipés.
Mais, si l'air conditionné aide à lutter contre les très
fortes chaleurs, il ne faut pas oublier qu'en même temps, il accentue les
contrastes et les difficultés d'adaptation. C'est pourquoi des sas de
transition ont été aménagés dans des grands
hôtels au Canada.
Sur ce thème, des expériences ont été
tentées dans des maisons de retraite du sud de la France en climatisant
toute la journée ou seulement une heure ou deux par jour. Il est alors
apparu que les deux systèmes étaient équivalents.
Au sujet de l'air conditionné, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a
relevé que dans
les véhicules automobiles
, la
climatisation a des effets complexes : elle peut être
bénéfique pour éviter
la somnolence, t
outefois, la
quasi-totalité des systèmes de climatisation des véhicules
entraînant la présence d'ions positifs en grand nombre, les temps
de réaction du conducteur s'en trouvent allongés. Les
constructeurs (Fiat, Volkswagen, General Motors, Opel...) étudient donc
de nouveaux systèmes de climatisation d'autant que certains
systèmes de climatisation produisent beaucoup d'ozone.
Dans
les bâtiments
, la climatisation peut favoriser
la
dissémination des germes
, comme cela s'est vu avec
la
légionellose
. Des normes ont donc été
édictées pour les hôpitaux interdisant totalement le
recyclage de l'air et pour les autres bâtiments, il serait souhaitable de
ne recycler qu'un pourcentage réduit de l'air total. De plus, un
nettoyage régulier des gaines est imposé, de même que le
contrôle de l'eau de condensation et que la relation entre la
température et l'hygrométrie.
Certains systèmes d'humidification de l'air ont d'ailleurs
été interdits, notamment à la suite des observations de
l'INSERM à Clermont-Ferrand et du Laboratoire d'Hygiène Municipal
à Paris.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a ensuite rappelé que
les
médecins ont été les premiers à s'intéresser
au climat
et à mettre en place des réseaux
météo ; ce jusqu'à la première guerre
mondiale. Cela était lié tant à l'observation de la
tuberculose que de celle de l'adaptation de l'homme blanc au climat tropical.
Puis, les médecins se sont désintéressés de cette
question jusqu'à la fin des années 1950 et un regain très
progressif d'intérêt se manifeste depuis, même si, en
France, le Ministère de la Santé ne finance pas de recherches sur
ce sujet alors qu'au
Japon
, par exemple, des études ont
été institutionnalisées avec des résultats, pour
l'instant, limités.
Dans l'ancienne
Tchécoslovaquie
existait un grand centre
exemplaire consacré au climat et à la santé, employant
environ 150 personnes, mais cet effectif fut ramené à une seule
personne puis le centre fermé faute de moyens. En
Allemagne
,
existe un centre rattaché au service de la météo.
Abordant la question des
maladies pulmonaires
(bronchite, pulmonie...)
qui en hiver peuvent dégénérer en problèmes
cardiaques, et en été, en crises d'asthme, le Professeur
Jean-Pierre BESANCENOT s'est interrogé sur ce qu'il adviendrait en
matière d'
épidémies de grippe
en période de
réchauffement, surtout par temps frais et humide ou en cas de redoux. En
effet, si la température augmente, le nombre de grippes se multiplie
mais il y a aussi des épidémies lors de grands froids et alors,
c'est le redoux qui met fin à l'épidémie, la
météo n'étant qu'un des facteurs de la grippe.
En conclusion, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a noté que les
études évoquées n'avaient pas donné lieu à
des croisements avec les travaux des vétérinaires, qu'en
matière de bâtiments, le message santé passe très
difficilement et que pour se limiter à
quelques conseils simples
,
il faudrait :
-
sensibiliser la population aux problèmes d'hygrométrie
en posant des hygromètres dans les locaux ;
-
faire boire les personnes âgées durant les périodes
chaudes
;
-
installer des systèmes d'alerte
lors des grandes vagues de
chaleur ou de froid grâce au relais des hôpitaux, des radios, de la
télévision... ;
-
mieux cerner les notions de risques et de seuils
selon des
recommandations qui pourraient être édictées par le
Ministère de la Santé.
M.
ROBERT KANDEL
(11(
*
))
LABORATOIRE DE METEOROLOGIE DYNAMIQUE À L'ECOLE POLYTECHNIQUE
(12(
*
))
(8 décembre 1999)
M.
Robert KANDEL travaille à la fois au Laboratoire de
Météorologie Dynamique , fondé il y a plus de trente ans
et qui associe Polytechnique et le CNRS, et avec la NASA en tant que membre
depuis 1980 de l'équipe scientifique internationale chargée de
l'évaluation du bilan radiatif de la Terre. Il a reçu le soutien
du CNES, et il a été responsable scientifique français de
la construction et de l'exploitation d'instruments de radiométrie
embarqués sur deux satellites russes, fournissant des observations qui
ont complété celles de la NASA.
Il a indiqué que le consortium européen de
satellites
météorologiques
(EUMETSAT) se prépare à
créer et à exploiter une nouvelle génération de
satellites météorologiques, et que les Anglais et les Belges
préparent un nouvel instrument d'observation du bilan radiatif sur
Météosat. Il lui a semblé souhaitable que de nouvelles
mesures soient effectuées par l'Agence Spatiale Européenne, et il
a évoqué l'intérêt que peuvent manifester d'autres
pays, notamment le Japon et la Chine. De son côté, à
Météo France, le service de la climatologie réunit de
très nombreuses données indispensables et, notamment, des
statistiques sur les différentes régions.
D'une manière générale, M. Robert KANDEL a estimé
souhaitable qu'en matière de changement climatique les projections ne
conduisent pas à prédire partout des catastrophes, mais à
imaginer aussi des énergies alternatives
ou à
rendre
les transports moins dépensiers tout en raisonnant sur trente ans ou
plus.
Dans le même esprit, il a estimé que dans la mesure où
les forêts
allaient survivre dans leur état actuel, voire
s'épanouir avec l'élévation du taux de CO
2
dans
l'atmosphère, elles tendraient à limiter encore cette
élévation pendant une cinquantaine d'années ;
au-delà de cette durée, selon un modèle anglais, les
changements climatiques pourraient au contraire entraîner le
dépérissement des forêts et l'accélération
des émissions de CO
2
.
Au sujet des
océans
, il a indiqué qu'
en cas de
réchauffement, il existe un risque de dégagement important de
méthane, gaz qui renforcerait l'effet de serre bien plus puissamment que
le CO
2
.
Il a rappelé que l'étude des carottes glaciaires permet de
connaître le climat qui régnait il y a 250 000 (et même 420
000) ans et a salué les travaux des équipes de Grenoble et de
Gif-sur-Yvette. Il a précisé que les sédiments du fond des
océans préservent des indices sur les événements
climatologiques remarquables qui se sont produits à des époques
encore plus lointaines. Il a rappelé que des carottes
prélevées au fond des lacs ou des tourbières dans le Jura
Suisse donnent des informations très riches sur des périodes
récentes.
A propos de
la réinjection par l'homme du CO
2
au fond des
océans
, M. Robert KANDEL a estimé qu'au-delà du
problème de coût, cela revenait à transmettre le
problème aux générations futures alors qu'il serait
préférable de limiter les gaspillages.
Evoquant
le protocole de Kyoto
, il a noté que les objectifs de
celui-ci n'étaient pas très spectaculaires mais qu'ils
constituaient une phase utile pour une prise de conscience et un changement de
cap.
Abordant la question des
permis d'émission de gaz à effet de
serre
, il a noté qu'il serait toujours plus avantageux
d'économiser l'énergie que de payer pour des permis comme cela se
fait déjà aux Etats-Unis d'Amérique pour les
émissions soufrées.
M. Robert KANDEL a relevé que l'effet "parasol" provenant des nuages
rendus plus brillants grâce, par exemple, aux
émissions
soufrées
ralentissait et masquait en partie le réchauffement
climatique, ce qui n'est pas sans paradoxe dans la mesure où
l'arrêt de la pollution constituée par des émissions
soufrées pourrait venir renforcer le réchauffement dû au
renforcement de l'effet de serre. Il a évoqué l'importance
particulière de la pollution soufrée en Asie, par exemple
à Pékin, et il a remarqué que la technologie pour
réduire cette pollution existe et pourrait être mise en oeuvre
rapidement. De même, les pays en développement rapide auraient
tout à gagner à adopter les techniques ayant un meilleur
rendement énergétique.
Curieusement, les Etats-Unis d'Amérique auraient également
beaucoup à faire sur ce point mais ce sera difficile de les en
convaincre.
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
(C. N. R. S.)
M. JEAN-FRANÇOIS MINSTER
(20 janvier 2000)
1) Le
changement climatique et ses effets régionaux
En évoquant les changements climatiques survenus depuis le début
du siècle, M. Jean-François MINSTER a supposé qu'il
existait de fortes chances pour que
les augmentations de
température
ne soient pas naturelles, même si cela
était impossible à démontrer dans la mesure où, en
science, il était toujours impossible de démontrer que quelque
chose est juste. Il a jugé qu'aucun mécanisme naturel ne semblait
propre à produire de tels changements
En effet, tandis que l'étude des séries sur le climat au cours
des 1000 dernières années, montre une certaine stabilité
de celui-ci, des changements apparaissent depuis 1880. A partir de là,
des projections vers le futur amènent à supposer que si la
concentration de CO
2
doublait, la température pourrait
augmenter de 0,8° et ce en tenant compte des effets des aérosols.
Il a par ailleurs noté que
les modèles relatifs aux
océans
étaient de plus en plus proches de la
réalité.
Au-delà de cette constatation de réchauffement global,
les
effets régionaux
doivent être distingués, y compris en
observant des zones où la température se refroidit. Les
modèles numériques confirment d'ailleurs
le caractère
non homogène du réchauffement
et il n'est pas exclu que des
catastrophes surviennent.
C'est ainsi que
le
Gulf Stream
pourrait être
ralenti. En effet, si la température augmente, la glace et les calottes
glaciaires fondent, leur apport d'eau douce diminue la salinité qui
entraîne actuellement la plongée des eaux tandis que les eaux les
moins lourdes ne coulent pas. En conséquence, le
Gulf Stream
ne
s'étendrait plus vers le nord et
le nord de l'Europe deviendrait de
plus en plus froid
. Cela est déjà arrivé, il y a 8000
ans et le refroidissement au Nord de l'Europe qui en était
résulté a été de plusieurs degrés.
Le front polaire migrerait vers le sud et ferait naître des
jets
streams
importants dont on sait qu'ils induisent
des tempêtes
avec des dépressions plus intenses ; mais les modèles de
climat ne sont pas encore assez fins pour décrire les tempêtes.
Pour avoir une idée de ce type de climat, il est possible de se
référer au climat actuel de l'Ecosse qui subit souvent des
tempêtes du style de celles envisagées et où, de ce fait,
ne poussent que de petits arbres.
M. Jean-François MINSTER estime qu'il faudrait attendre
encore quatre
ou cinq ans pour détenir des prévisions sur les effets
régionaux des changements climatiques.
Quelles seraient les conséquences de ces changements, leurs
impacts ? La recherche commence à s'orienter vers l'étude de
ceux-ci, notamment en s'intéressant aux deltas des fleuves, à la
fréquence des inondations, à la pêche, aux marais...
Beaucoup d'équipes travaillent sur ces thèmes qui, depuis environ
vingt ans, constituent une préoccupation de la recherche même si
les moyens techniques de traiter le problème n'existent que depuis une
dizaine d'années.
2) La question de l'observation de l'océan
De nombreux satellites d'
observation
ont été lancés
par l'Europe, le Japon, les Etats-Unis et le Canada, par exemple. Des
réseaux mondiaux d'observation
in situ
sont mis en place, par
exemple dans la forêt africaine, les équipes locales étant
associées à ces observations et les données étant
transmises gratuitement.
A cet égard, M. Jean-François MINSTER a rappelé que les
Américains transmettent leurs
données
gratuitement
lorsqu'elles sont acquises sur fonds publics quand bien même
l'utilisateur en ferait une utilisation commerciale. A l'inverse, les
Européens veulent être rétribués si les
données sont utilisées à des fins commerciales. Pour la
Météorologie, l'Organisation Mondiale de la
Météorologie (O.M.M) a élaboré un cadre à
ces échanges.
Il a noté aussi que
l'Europe
a relancé la recherche
à travers les programmes-cadres de Bruxelles et le développement
des échanges intra-européens, et a observé que la France
influe moins sur les programmes européens que d'autres pays comme le
Royaume-Uni ou les Pays-Bas, très efficaces au contraire pour cela.
Il a relevé par ailleurs que dans
les négociations
internationales
, les Américains manifestent beaucoup d'audace,
parfois à la limite de l'acceptable. C'est ainsi qu'à Kyoto, ils
avaient proposé de
stocker le gaz carbonique dans la
végétation et les sols
, ce qui n'était pas
sérieux à long terme mais la réfutation technique de cette
proposition n'est arrivée qu'après la Conférence
internationale.
M. Jean-François MINSTER a insisté sur le fait que
le seul
moyen de bien comprendre un mécanisme climatique était d'observer
toute la Terre
. C'est pourquoi le programme mondial «
climate
variability
» (CLIVAR) se préoccupe de vastes sujets comme
El Niño
ou l'oscillation nord atlantique.
Ces recherches concernent aussi
la Méditerranée
. Par
exemple, le phénomène d'évaporation de son eau qui se
retrouve dans l'Atlantique, contribue à le saler de manière
importante. De plus, la Méditerranée joue un rôle dans la
circulation de l'Atlantique à travers Gibraltar et le courant des
Açores.
Pour mener à bien ces recherches planétaires,
il est indispensable de disposer de satellites opérationnels durant une
trentaine d'années
. Pour l'océan, c'est ainsi que JASON
complètera l'opération TOPEX-POSÉIDON et que, sur le
satellite opérationnel européen de Météorologie
METOP, des instruments d'observation du vent à la surface des
océans seront installés.
Il a également souligné que
l'opération MERCATOR
bénéficie de l'effort de six organismes français, et que,
pour obtenir un modèle réaliste, il faut qu'il soit contraint par
les observations des satellites et celles effectuées in situ afin
d'obtenir de meilleures prévisions des courants océaniques. Outre
la surveillance du climat dans l'océan, cela permettrait aussi une aide
à la pêche, à la détection acoustique des
sous-marins et à l'étude des océans. A cet égard,
l'expérience GODAE
consistant à installer 3.000
bouées dérivantes pouvant descendre et remonter comme des yo-yo
jusqu'à 1.000 mètres de profondeur -en cinq ans, dix descentes
sont possibles- pour ensuite envoyer leurs informations aux satellites sera
tout à fait décisive pour la bonne connaissance des
océans
. Cette expérience bénéficiant de
technologies américaines et françaises sera principalement
financée par les Etats-Unis d'Amérique (50 %), le Japon
(25 %), et les pays européens. Déjà
2.000 bouées sont envisagées actuellement à travers
l'opération ARGO et 500 bouées de ce type ont
déjà été installées.
Pour la France, M. Jean-François MINSTER a rappelé l'existence du
Comité Directeur de l'Océanographie relative aux questions du
climat
présidé par le président de l'IFREMER et qui
travaille en liaison avec le Service géographique de la Marine, le CNES,
Météo-France, le CNRS-INSU et l'IRD.
C'est donc actuellement toute l'océanographie du futur qui se met ainsi
en place.
3) D'autres questions relatives au changement climatique
Les hydrologues estiment que les conséquences des changements
climatiques sur l'eau seront plus importantes que celles sur la
température
. Des témoignages de l'histoire hydrologique sont
recherchés dans
les grands lacs
au travers de l'enregistrement de
leur histoire, que l'on trouve dans les sédiments.
A propos des
risques entraînés par les changements climatiques
sur la santé humaine
, M. Jean-François MINSTER a
indiqué que ces aspects allaient être étudiés par le
G.I.C.C.
Par ailleurs, selon les pays, des programmes divers vont être
lancés. Par exemple, au
Vietnam
, il existe un grand programme sur
l'étude de l'eau. En
Asie
, il s'agit davantage d'études
sur les forêts et l'océanographie (pêche au niveau des
mers). Quant aux
Japonais
, ils étudient la manière
d'injecter du gaz carbonique dans les océans tout en se penchant sur les
piles à combustible très liées à la lutte contre
l'effet de serre.
Interrogé ensuite sur
les tempêtes du mois de décembre
1999
, M. Jean-François MINSTER a relevé qu'il n'existait
pas beaucoup d'études de l'impact du changement climatique sur les
phénomènes extrêmes.
Toutefois, il a estimé que quelques observations pouvaient être
tirées des forêts déjà exploitées dans le
passé, car, en cas de destruction de forêts, des ruptures dans les
temps de repousse apparaissent. De même, à partir de la nature des
destructions observées en 1999 dans les pentes ou sur les
lisières ou en enfilade à l'intérieur des forêts,
l'étude des modifications forestières du passé
permet ou non de retrouver ces phénomènes selon la
géométrie des forêts qui a changé au cours du temps.
Evoquant la situation des
atolls
, dont environ
80 % sont
morts
, même en Méditerranée, par suite des fluctuations
du climat comme le phénomène
El Niño
de 1997-98.
M. Jean-François MINSTER a qualifié ce
phénomène de
désastre écologique
.
Au sujet du niveau des océans, il a précisé que, au
Bangladesh
qui se situe à moins de trois mètres
d'altitude, les bancs de sable se déplacent mais se reconstituent selon
l'apport des fleuves faisant douter que l'élévation du niveau de
la mer soit le facteur décisif dans la modification de ces côtes.
Pour
la France
, un rapport du Ministère chargé de
l'environnement sur
les plages françaises
a montré que,
en cas d'élévation de la mer d'un mètre, le recul de la
plage pourrait atteindre cent mètres
, mais que le sable
érodé va se déposer ailleurs. Ce phénomène
de montée des eaux a d'autres conséquences, comme celle de
chasser l'eau douce à l'intérieur des estuaires sous
l'arrivée de l'eau salée
. Ce phénomène
pourrait atteindre quelques kilomètres dans l'estuaire de la Loire. Mais
déjà, depuis le XIXème siècle, de l'eau
salée a pénétré de vingt kilomètres à
l'intérieur des terres, par suite des aménagements du fleuve. De
même,
Venise
ne s'enfonce pas à cause de
l'élévation du niveau de la mer, mais du fait des marées,
des pompages de l'eau et du pétrole effectués sous elle, ainsi
que de l'envasement des canaux.
En réalité, aucun modèle ne peut dire, par exemple, si
la Camargue
serait submergée en cas de montée du niveau
des eaux, étant d'ailleurs rappelé que celle-ci a
été aménagée dans les années 1930. Rappelant
qu'
aux Pays-Bas
, des digues de plus de six mètres ont
été édifiées pour parer à des inondations
survenant tous les mille ans, M. Jean-François MINSTER a
considéré que, si la mer montait d'un mètre, des
inondations importantes pourraient survenir non plus tous les mille ans, mais
tous les cent ans. L'impact du niveau des mers est donc plus significatif en
terme de fréquence de phénomènes catastrophiques.
En fait, beaucoup dépend de l'aménagement des côtes comme
par exemple du système de digues, et de son entretien. Si le niveau de
la mer monte d'un mètre, l'adaptation semble possible dans les zones
déjà aménagées. Cela étant souligné
par M. Jean-François MINSTER pour montrer qu'en cette matière
les choix politiques comptent davantage que les prévisions
théoriques.
C. N.
R. S.
INSTITUT PIERRE-SIMON LAPLACE
MME SYLVIE JOUSSAUME
Auteur du livre «
Climat d'hier à
demain
»
(5 octobre 2000)
Après avoir salué comme une bonne idée
l'édition d'un
CD Rom sur le climat
destiné en particulier
aux jeunes, Mme Sylvie JOUSSAUME, spécialiste du climat du passé
et des modèles climatiques, a présenté l'utilisation des
modèles sur les climats du passé.
Elle a rappelé que son
ouvrage
récent
«
Climat d'hier à demain
» avait surtout pour
but d'énoncer le consensus auquel était parvenue la
communauté scientifique et d'insister sur les incertitudes qui
demeuraient, la base de ces travaux étant constituée par le
rapport du GIEC édité en 1995. Mme Sylvie JOUSSAUME a
rappelé qu'elle fait actuellement partie des équipes de
rédaction du troisième rapport du GIEC en tant que responsable
d'un projet international d'évaluation des modèles climatiques
à partir de situations climatiques extrêmes du passé.
Interrogée sur les conclusions à tirer des
rapprochements
possibles entre les résultats des modèles et ceux observés
sur le terrain
, notamment par la paléoclimatologue Mme Nicole
PETITMAIRE, Mme Sylvie JOUSSAUME a relevé que tous les modèles
ont montré que les pluies plus importantes révélées
par la présence de lacs et de végétation il y a 6.000
à 8.000 ans en plein coeur du
Sahara
résultent d'un
ensoleillement d'été plus intense suite aux variations lentes du
mouvement de la Terre autour du Soleil. La confrontation entre modèles
et données a montré que ces changements d'ensoleillement sont
amplifiés par la réponse de l'océan et de la
végétation.
Mme Sylvie JOUSSAUME a noté que
le système climatique est
complexe et résulte de nombreuses interactions.
Actuellement les
modèles de climat incluent les interactions entre l'atmosphère et
l'océan, or d'autres rétroactions au sein du système
devraient être prises en compte dans l'estimation de l'évolution
future du climat. L'étude du climat d'il y a 6000 ans, par exemple, a
montré l'importance des modifications de la végétation.
L'enjeu actuellement est également de pouvoir inclure une simulation
explicite du cycle du carbone. En effet, les puits de carbone peuvent
être amenés à évoluer dans le futur avec le
réchauffement du climat. De même d'autres cycles seraient
modifiés, comme celui de l'ozone ou celui du méthane.
Elle a estimé que
les Anglais dominaient la recherche sur les
modèles climatiques
, grâce au
Hadley Center
, tout en
rappelant le bon niveau de l'
Institut Max Planck
à Hambourg, la
France lui semblant un peu en retard par rapport à ces deux centres.
Toutefois, le CNRS bénéficie de l'atout de spécialistes
rassemblés au sein de l'Institut Pierre Simon Laplace, en partenariat
entre plusieurs organismes.
L'IPSL vient
, par exemple,
de s'illustrer
par la réalisation des premières expériences couplant
climat et cycle du carbone
. Seuls l'IPSL et le Hadley Center ont
effectué de telles simulations mettant en évidence une diminution
relative des puits de carbone dans le futur suite aux changements du climat.
Elle a rappelé aussi que le Hadley Center créé à la
fin de 1980, qui compte environ quatre-vingts chercheurs, avec pour mission
d'étudier l'effet de serre, bénéficiait d'une mission plus
ciblée que le CNRS davantage chargé d'une mission
académique. Soixante des chercheurs britanniques sont affectés
à la modélisation contre une trentaine seulement à
l'Institut Pierre-Simon Laplace. En particulier, le personnel ingénieur
est plus limité en France et fait défaut dans le
développement de ces modèles complexes.
Mme Sylvie JOUSSAUME a ensuite rappelé que dans tous les pays du monde,
les résultats marquants de la modélisation climatique
dépendent des moyens de calcul
. Aujourd'hui, ce sont les machines
japonaises qui sont les meilleures, mais les Etats-Unis d'Amérique
refusent d'en acheter et prennent, par là même, un certain retard.
Le Japon, a un projet de supercalculateur
l'Earth simulator
dédié pour moitié au climat et pour moitié
à la physique de la Terre, devrait atteindre une puissance cent fois
supérieure à celle de l'ordinateur actuel utilisé pour le
climat à l'IDRIS, le centre de calcul du CNRS.
Aux
Etats-Unis d'Amérique
, l'ACPI (Accelerated Climate
Prediction Initiative) tente de suivre l'offensive japonaise. Face à
cette concurrence, il faudrait que les pays européens se regroupent
autour d'un projet de supercalculateur commun s'ils veulent pouvoir faire face.
Un autre axe de recherche consiste à
coordonner les différents
modèles
, tout en conservant un éventail de réponse.
Cela pourrait résulter de l'échange des modules. Cette
démarche commence au niveau européen et s'intensifiera
probablement dans l'avenir.
Mme Sylvie JOUSSAUME a également insisté sur
la
nécessité de développer des observatoires pour le
climat
, notamment du gaz carbonique et du méthane.
Déjà, de telles observations sont soutenues dans le cadre de
l'INSU, mais il y a des difficultés à financer ces observatoires
sur le long terme, en particulier au niveau des moyens humains. Ce
problème n'existe pas qu'en France qui apparaît même
plutôt précurseur en la matière car de tels services
d'observation n'existent ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni.
Or,
comment suivre l'application de Kyoto sans instrument de mesure et alors
que les puits de carbone ne sont pas bien cernés ?
De plus,
dans ce domaine, une mesure n'est utile que si elle est opérée
sur de longues années. Peut-être une amélioration
serait-elle à attendre d'une meilleure connexion entre le
Ministère de la Recherche et le Ministère de
l'Environnement ?
Interrogée sur
les gaz à effet de serre autres que le
CO
2
, Mme Sylvie JOUSSAUME a indiqué que les
modèles climatiques prenaient en compte l'ensemble des gaz à
effet de serre en les présentant en équivalent CO
2
,
même si cela n'est pas toujours dit explicitement.
Dans
les prévisions du GIEC
, aboutissant à prévoir
une augmentation de température de 1 à 3,5 degrés
(13(
*
))
l'incertitude sur les
émissions comme celle sur les réponses des modèles ont
été intégrés. La moitié des incertitudes
provient des différents scénarios possibles
d' émission de gaz à effet de serre et constitue notre marge
de manoeuvre en matière de politique énergétique. L'autre
moitié résulte d'incertitudes sur les modèles
eux-mêmes, la plus grande difficulté provenant de
la
représentation des nuages.
Ces prévisions ne prennent pas en compte le fait que le climat se
réchauffant, les puits de carbone tendent à diminuer
accélérant en retour l'augmentation du CO
2
. De
même,
les aérosols comme les autres gaz ont des teneurs
imposées en fonction de scénarios économiques qui ne
prennent pas en compte le changement du climat.
Dans l'avenir, des
modèles plus complets seront utilisés permettant de mieux
quantifier les différentes évolutions possibles du climat. Le
domaine de l'évolution du climat est en plein développement. Il
n'est qu'à rappeler qu'il y a dix ans les modèles couplant
atmosphère et océan n'étaient pas utilisés pour ces
prévisions.
Interrogée sur l'évolution du climat en France, Mme Sylvie
JOUSSAUME précise qu'actuellement
il est très difficile de
prévoir avec certitude l'évolution du climat à
l'échelle de la France
.
Les résultats par région
diffèrent beaucoup selon les modèles
.
La convergence des
résultats se limite à énoncer qu'il y aura davantage de
pluies
, notamment des pluies plus fortes, au nord de l'Europe. Par contre,
il est encore très difficile de se prononcer sur les extrêmes de
vents et les tempêtes. En particulier,
il
est impossible de
dire si les tempêtes de fin décembre 1999 sont liées ou
non au réchauffement du climat
.
Pour le sud de l'Europe
, Mme Sylvie JOUSSAUME a constaté qu'il
semblait difficile de parvenir à une conclusion si ce n'est une tendance
à une diminution des pluies en été.
Pour la France, il
n'existe pas davantage de conclusion précise
. Les experts
espèrent réduire l'incertitude, ce qui est d'autant plus
difficile que
l'incertitude sur les principales données des
scénarios
(concentration en gaz à effet de serre) est
elle-même prononcée. En effet, qu'en sera-t-il de
la
démographie
et de
l'économie
au cours des
années qui viennent ?
A ces incertitudes se rajoute l'aspect chaotique du temps. Par exemple,
même avec un seul modèle et un seul scénario,
l'évolution future du climat est différente suivant l'état
initial de l'océan. Celui-ci n'étant pas connu
précisément, il est nécessaire de faire un ensemble de
simulations prenant en compte la marge d'incertitude de cet état de
l'océan et donnant une prévision statistique de
l'évolution possible du climat.
Il n'y a pas seulement un futur
possible ; il faut s'efforcer de
discerner le plus probable d'entre
ces
futurs
, pas davantage.
Certes,
les satellites
fournissent des observations d'un
intérêt inégalé, mais la série de ces
observations n'est pas assez longue. Et il est important de pouvoir disposer
des séries longues afin par exemple de mieux cerner la
variabilité de l'océan. Dans ce contexte,
les rapports
produits par le GIEC
sont très intéressants, même s'ils
sont très lourds à élaborer.
Certains pays s'impliquent
particulièrement
dans ces travaux dont les pays européens
(Royaume-Uni, Allemagne, France, et dans une moindre mesure Italie, Pays-Bas,
Suisse), les Etats-Unis d'Amérique et le Canada, le Japon, l'Australie,
et un peu la Chine et quelques pays africains. Israël est impliqué
dans les recherches mais pas dans la modélisation. Le Canada consacre un
important budget de recherche à l'adaptation aux changements
climatiques.
Mme Sylvie JOUSSAUME a rappelé par ailleurs, que
le gaz carbonique ne
représentait que 50 % des émissions de gaz à effet de
serre
et que les CFC n'avaient pas un rôle négligeable. Quant
aux
actions concrètes
à mener, elle a estimé que
certaines pourraient concerner les automobiles, le prix de l'essence, et
l'incitation pour les constructeurs à fabriquer des véhicules
consommant moins.
Elle a aussi noté qu'aux mesures économiques devraient s'ajouter
la possibilité de
faire passer aux jeunes générations
l'idée que la consommation ne peut croître à l'infini sans
conséquences
. Il faudrait, en outre, parler davantage de l'impact de
la déforestation sur l'émission de gaz carbonique. Il faudrait
également parvenir à
amener les médias à ne pas
mettre uniquement l'accent sur les aspects catastrophistes du changement
climatique mais davantage sur la nécessité de prendre des mesures
sur le long terme au-delà des échéances politiques...
A propos de
la pertinence des trois échéances choisies pour
l'étude de l'OPECST
, à savoir 2025, 2050 et 2100, Mme Sylvie
JOUSSAUME a estimé que la première date, 2025, n'avait pas trop
de signification car l'importance de l'incertitude serait plus grande entre
2025 et 2050 que la variation des données entre ces deux
périodes. Peut-être faudrait-il mieux considérer seulement
deux échéances : 2010-2020 et 2050-2100 ?
Interrogée sur
les publications scientifiques et internationales
dans les revues
« Nature »
et
« Science »
, Mme Sylvie JOUSSAUME a mis en garde
contre les phénomènes de mode qui apparaissant parfois dans ces
revues et le fait qu'un certain nombre de scientifiques de renom tendent
à ne plus soumettre d'articles à ces revues. Elle a
indiqué que d'autres bonnes publications spécialisées
existaient comme
« Geophysical Research Letters»,
« Climate Dynamics », « Journal of
Climate »
.
Elle a ensuite observé que le Ministère de l'Environnement
finançait des études sur l
es impacts du changement
climatique
, ce qui était très bien mais qu'il fallait veiller
à ne pas aboutir à un financement excessif des recherches sur les
impacts au détriment du financement des recherches en amont, encore
nécessaires.
Elle s'est réjouie de la présence d'un membre du CNRS dans le
comité d'orientation du Ministère de l'Environnement.
Elle a enfin
déploré l'absence de liaison entre les chercheurs
impliqués dans le GIEC et la mission interministérielle de
l'effet de serre (MIES)
jusque là, mais a noté que cela
était en train de changer. Elle a ensuite souligné
les liens
entre l'ADEME et le CNRS
notamment sur les problèmes de pollution
(exemple : la quantification des émissions de particules des
véhicules diesel), même si à sa connaissance il n'existe
pas de liens sur le climat avec l'ADEME.
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
(C.N.R.S.)
M. GÉRARD MÉGIE,
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE
PRÉSIDENT DU C.N.R.S.
(8 octobre 2001)
Interrogé tout d'abord en tant que spécialiste de
l'ozone, M. Gérard MEGIE a précisé que
l'ozone
troposphérique
était un gaz à effet de serre dont le
pouvoir de réchauffement atteignait à masse égale
1 200 fois celui du CO
2
.
Il a estimé qu'il n'était pas assez question de l'ozone
troposphérique dans les débats sur le changement climatique et
qu'il était nécessaire d'étudier la chimie de
l'atmosphère en la couplant aux modèles climatiques.
Il a rappelé que l'ozone était un polluant secondaire
causé à la fois par le méthane, le monoxyde de carbone,
les hydrocarbures, le soleil et les oxydes d'azote, les trois-quarts des oxydes
d'azote étant produits par l'homme. Il a souligné
également
que le mécanisme entraînant la formation de
l'ozone est très sensible
puisqu'il suffit d'une concentration
d'oxyde d'azote de cinq à dix millièmes de
milliardièmes ; or, un tel seuil est atteint sur presque toute la
surface de la Terre.
M. Gérard MEGIE a précisé ensuite que
le
méthane
-dont le pouvoir de réchauffement à masse
égale est égal à cinquante-six fois celui du gaz
carbonique- provenait aux deux-tiers de l'activité humaine, qu'elle soit
industrielle ou agricole. Quant aux
hydrocarbures
autres que le
méthane, ils sont à 20 % environ d'origine anthropique, car
les plantes elles-aussi en dégagent en particulier au-dessus des
forêts, ce qui explique par exemple les formations importantes d'ozone
au-dessus de certaines forêts comme celles de Fontainebleau, de
Rambouillet ou des Landes.
Au-delà du pouvoir de réchauffement de chaque gaz,
les temps
de résidence des différents gaz à effet de serre dans
l'atmosphère
doivent être pris en considération. Le
méthane a, par exemple, un temps de vie court, d'une dizaine
d'années, ce qui donne à l'homme une marge de manoeuvre pour
réduire de manière efficace ses émissions de gaz à
effet de serre. A l'inverse, le gaz carbonique ayant un temps de
résidence supérieur au siècle dans le système
couplé atmosphère-océan-biosphère, ses effets ne
peuvent être aisément corrigés à court terme.
Depuis le début du XXème siècle, les activités
humaines ont conduit à une augmentation d'un facteur 4 dans
l'hémisphère Nord et d'un facteur 2 dans
l'hémisphère Sud des teneurs en ozone dans la basse
atmosphère. Au total, environ
17 % de l'effet de serre
additionnel est dû à l'ozone, 50 % au CO
2
et
17 % au méthane (CH
4
). Cette problématique de
l'ozone troposphérique est d'ailleurs mal prise en compte actuellement
dans les rapports du GIEC
, car elle implique de considérer
l'ensemble des mécanismes chimiques et photochimiques qui se
déroulent dans la basse atmosphère. Elle lie également les
phénomènes de pollution locale au changement climatique. Une
proposition a d'ailleurs été faite par certains Etats pour qu'un
rapport spécial du GIEC traite de ce problème au cours des deux
ou trois prochaines années.
Abordant ensuite la question de
l'ozone stratosphérique
,
M. Gérard MEGIE a souligné l'influence de celui-ci sur
l'effet de serre additionnel liée au fait que la diminution d'ozone
aujourd'hui observée dans la basse stratosphère, notamment dans
les régions polaires et de moyenne latitude, entraîne une
diminution de l'énergie infrarouge émise vers la surface. Il
s'agit donc d'un mécanisme de contre-réaction qui contribue
à diminuer l'effet de serre additionnel, dans la mesure également
où il surpasse l'effet simultané d'augmentation de
l'énergie solaire ultra-violette susceptible de traverser une couche
d'ozone stratosphérique amincie.
Par ailleurs, la stratosphère se refroidit sous l'effet conjugué
de la diminution de l'ozone stratosphérique et de l'augmentation des
concentrations de gaz carbonique à haute altitude. De ce fait, le
gradient de température entre la basse atmosphère qui se
réchauffe et la haute atmosphère qui se refroidit augmente dans
la zone d'altitude de la tropopause entre 10 et 20 km. Les conséquences
de ces variations restent à déterminer mais elles concerneront
les équilibres dynamiques et radiatifs au voisinage de la tropopause,
région particulièrement sensible, et pourront modifier certains
mécanismes climatiques. Quoi qu'il en soit, il faudra encore attendre
dix à vingt années pour que les effets des diminutions des
concentrations des CFC se fassent sentir sur la couche d'ozone
stratosphérique. Il faut enfin noter que
les hydrofluorocarbures, qui
doivent remplacer les CFC, sont des gaz à effet de serre
, d'ailleurs
réglementés par le Protocole de Kyoto.
M. Gérard MEGIE a ensuite rappelé qu'il existait
un consensus
des scientifiques sur le fait que la période actuelle connaît un
changement climatique et une hausse de température
, même si
les conséquences de ces événements ne sont pas visibles et
si beaucoup d'incertitudes demeurent.
Il a insisté sur le jeu d'acteurs en cours autour de l'intensification
de l'effet de serre : les scientifiques jouent un rôle influant
à travers le protocole de Kyoto, les politiques s'intéressent
à l'effet de serre, les industriels s'interrogent sur la conduite
à tenir et les journalistes parlent de plus en plus de ce
phénomène. Au total,
l'attention sur l'effet de serre ne
retombe plus
, ce qui se traduit d'ailleurs par l'organisation quasi
incessante de colloques sur ce thème.
Pour autant,
les scientifiques ne peuvent que souligner les certitudes et
incertitudes de cette problématique et ne sont pas en mesure d'apporter
aujourd'hui des solutions
. D'autant que les incertitudes viennent aussi de
nos comportements futurs en matière d'énergie. Par exemple, dans
les fourchettes d'estimations données par le GIEC, la moitié des
incertitudes est d'origine scientifique, l'autre moitié d'origine
économique et politique. Il convient donc de faire un effort important
pour améliorer les mécanismes qui conduisent de l'expertise
scientifique à la décision publique, d'autant que
l'administration gouvernante française, en particulier en matière
économique et financière, n'est pas fortement sensibilisée
au problème.
M. Gérard MEGIE souligne que
le XXIème siècle devra
être marqué par une rupture en termes de pratiques
énergétiques. Dans cette perspective, il importe de relancer une
activité de recherche sur l'ensemble des modes de production
d'énergie
sans a priori idéologique dans la mesure où
toutes les solutions doivent être considérées :
amélioration des rendements énergétiques pour les
énergies fossiles, énergie nucléaire et problème
des déchets, énergies renouvelables, filière
hydrogène, modes de transport et de distribution d'énergie...
Pour sa part,
le CNRS
relance des recherches dans ces différents
domaines en liaison avec les autres organismes de recherche et les industriels
(automobile, pétroliers...). Les dimensions de prospective
économique, de gouvernance juridique et d'acceptabilité sociale
sont également prises en compte grâce à l'inclusion en
amont des programmes des chercheurs en sciences humaines et sociales.
Cet effort de recherche doit s'accompagner d'
un effort dans le domaine de la
formation.
Actuellement, les cursus universitaires dans le domaine de
l'énergie connaissent un certain succès qu'il convient
d'amplifier notamment pour prendre en compte la demande des pays en
développement de modes de production énergétique
préservant l'environnement et décentralisés.
En tant que citoyen, M. Gérard MEGIE constate que le changement
climatique en cours s'accompagnera à court terme d'une
variabilité climatique accrue conduisant à
une augmentation
probable de la fréquence des événements
extrêmes
. Il importe alors d'élargir les champs de recherche
au domaine de la
prévention des risques et des mécanismes
d'adaptation
. Dans le contexte actuel, le plus difficile est probablement
d'incurver la pente des courbes d'émissions de gaz à effet de
serre. En ce sens, le protocole de Kyoto apparaît comme un premier pas,
comme pouvait l'être l'accord de Montréal sur les CFC, puisque
seule une réduction de 40 %, insuffisante pour éliminer
totalement la destruction de l'ozone stratosphérique, avait
été programmée dans la première négociation.
Il s'est cependant interrogé sur l'existence d'une autorité
propre à
contrôler l'application du protocole de Kyoto
. Il
s'est tout de même déclaré assez optimiste sur
l'évolution en cours dans la mesure où
toute la
communauté scientifique mondiale abonde dans le même sens
, y
compris l'Académie des Sciences des Etats-Unis d'Amérique et,
où les politiques européens, et les industriels, y compris
américains, sont aujourd'hui conscients du problème.
A propos de
la politique menée par le CNRS concernant la recherche
sur le changement climatique
, M. Gérard MEGIE a exposé que
ces recherches ressortaient d'
une approche pluridisciplinaire
qui est
aujourd'hui une priorité de l'organisme. Dans cette perspective, le CNRS
propose d'
élargir les compétences de l'Institut National des
Sciences de l'Univers au domaine de l'environnement
pour en faire un moteur
de cette pluridisciplinarité. Le CNRS souhaite également
renforcer les activités d'expertise et de communication scientifique
et technique
sur ces sujets, qui font également partie des missions
et des métiers du chercheur, et mettre en place
une évaluation
stratégique
permettant d'apprécier les résultats des
efforts accomplis en termes de moyens financiers et de moyens humains.
Quant à l'intérêt porté par le CNRS aux
phénomènes biosphériques et de
désertification
, M. Gérard MEGIE a indiqué qu'il
existait des programmes importants sur la désertification et le cycle du
carbone. En revanche, en ce qui concerne
les programmes sur la
biosphère continentale
, ceux-ci ressortent aujourd'hui d'une Action
Concertée Incitative du Ministère de la Recherche, mise en place
dans le cadre du Fonds national de la Science et à laquelle le CNRS
participe. Il a noté également que ces recherches avaient fait
l'objet de programmes importants dans le cadre du 4
ème
Programme Cadre de Recherche et Développement (PCRD) de la Commission
Européenne, notamment en ce qui concerne
le pourtour
méditerranée
, et que cet effort n'a malheureusement pas
été maintenu dans le 5
ème
PCRD. Le CNRS visera
à maintenir des recherches sur ces enjeux importants, notamment via la
coopération avec les pays méditerranéens (Maroc, Tunisie).
Il a relevé qu'une relance de la recherche devait être
impulsée aussi dans la mesure où la pression démographique
de cette zone du monde viendra nécessairement peser sur l'Europe si des
problèmes climatiques accrus apparaissaient au sud de la
Méditerranée. A cet égard, il s'est interrogé sur
la possibilité de relancer des relations à travers le
réseau de la francophonie.
Quant au
transport aérien
qui est responsable de modifications
potentielles des concentrations d'ozone tant dans la stratosphère
(destruction au-dessus de 15 km) que dans la troposphère (production
en-dessous de 12 km due à l'émission d'oxydes d'azote dont le
pouvoir de formation d'ozone est multiplié par 20 en altitude par
rapport à la surface du sol en raison d'un rayonnement solaire accru),
il a relevé qu'il existait
un impact évident de l'aviation
au-dessus des couloirs aériens,
en particulier sur
l'Atlantique
nord.
Par ailleurs, les émissions de gaz carbonique par le transport
aérien ne représentent actuellement que 3 % des émissions
totales, mais elles sont destinées à croître et donc,
même si leur part est aujourd'hui faible, cela ne peut justifier
l'absence d'action pour les diminuer.
Il a aussi rappelé l'existence d'
émissions par les avions de
vapeur d'eau et de poussières
qui conduisent à la formation
de cirrus et pourraient donc avoir un impact climatique, même si celui-ci
reste potentiellement faible.
Cependant, en l'état actuel des connaissances, il n'est pas
évident d'indiquer aux constructeurs d'avions les normes à
respecter par les moteurs en 2020 alors qu'il n'existe pas de bases
scientifiques précises. En conclusion sur ce thème, M.
Gérard MEGIE a rappelé que
la zone d'altitude où volent
les avions est particulièrement sensible aux modifications chimiques et
dynamiques.
Enfin, il a souligné qu'un problème important aujourd'hui
était celui du
dispositif d'observation
qui doit nous permettre
d'apprécier les modifications du système climatique et de les
interpréter pour pouvoir mieux les prévoir. Il doit se fonder sur
la complémentarité des mesures au sol, en mer, ou à partir
de capteurs embarqués sur avions, ballons ou satellites. Il doit
également s'inscrire dans la durée, notamment en ce qui concerne
les observatoires au sol.
LABORATOIRE DE GÉOGRAPHIE
PHYSIQUE
(C.N.R.S.)
M. PAOLO ANTONIO PIRAZZOLI, DIRECTEUR DE RECHERCHE
(14(
*
))
(25 avril 2001)
Parmi
les cinquante chercheurs en géographie physique du Laboratoire du CNRS
établi à Meudon, M. Paolo Antonio PIRAZZOLI mène
essentiellement
des recherches sur le niveau de la mer
.
A ce titre, il a rappelé que le niveau de la mer pouvait être
estimé à l'aide des marégraphes -pour le dernier
siècle-, d'après l'analyse des causes de la variation du volume
des eaux océaniques et, enfin, d'après l'altimétrie
satellitaire- pour la dernière décennie.
Il a noté que les observations tirées des
marégraphes
étaient d'une fiabilité très
variable car ces instruments avaient été installés d'abord
pour la navigation. Ils indiquent
une hausse du niveau de la mer
de
11 à 15 cm ou
encore de 6 à 24 cm
-selon les
auteurs-
au cours du XXème siècle
tandis que le GIEC
évalue cette hausse entre 14 et 80 cm
(15(
*
))
pour le prochain siècle mais
avec de fortes variations d'une région à l'autre.
Face à cela
, le calcul des variations du volume des eaux
océaniques
aboutirait à une hausse de niveau d'environ
6,5
cm
pour le XXème siècle.
De leur côté,
les satellites
mis en place depuis une
dizaine d'années ont mesuré une hausse de 1,7 millimètre
par an.
De plus, M. Paolo Antonio PIRAZZOLI a précisé que le niveau de la
mer devait être mis en regard avec
les mouvements verticaux des
terres
; en particulier, le delta du Rhône devrait s'abaisser en
raison du moindre apport d'alluvions et de la compaction des sédiments.
M. Paolo Antonio PIRAZZOLI a ensuite rappelé le rôle majeur de
la dilatation thermique des océans
qui s'opère dans la
couche de surface, c'est-à-dire, dans les 200 premiers mètres
accessibles au réchauffement solaire, la dilatation de cette couche
représentant 50 % de la hausse de niveau prévue.
A propos des
DOM-TOM
, il a observé que c'est en Polynésie
que la variation du niveau des océans aura le plus d'impact.
Interrogé sur
la fonte des glaciers et des calottes glaciaires
,
M. Paolo Antonio PIRAZZOLI a précisé que les petits glaciers
ont reculé nettement au cours du siècle dernier, et que la
calotte antarctique ne devrait pas commencer à fondre avant le
XXIIème siècle dans la mesure où la température
actuelle dans cette zone du monde ne permet pas cette fonte.
Quant au
Groenland
, sa fonte complète pourrait entraîner
une hausse du niveau de la mer d'environ 6 mètres au cours des prochains
siècles.
Enfin, dernière hypothèse, si toutes les glaces et glaciers
fondaient, la hausse totale, du niveau des océans oscillerait entre 60
et 80 mètres, ce qui serait considérable et doit être
rapproché de certaines projections publiées dans des
hebdomadaires à fort tirage qui avaient présenté des
cartes simulant une montée des eaux de 200 mètres, niveau
totalement invraisemblable, même dans l'hypothèse la plus
pessimiste.
Evoquant
les Maldives
, M. Paolo Antonio PIRAZZOLI a noté que pour
l'instant leur environnement avait été davantage
dégradé par l'homme que par la montée des eaux. De plus,
les données relatives aux Maldives sont assez incertaines.
M. Paolo Antonio PIRAZZOLI a relevé aussi que, contrairement à ce
que le public pourrait supposer, l'
Institut Géographique National
n'est pas vraiment en charge du problème de la variation du niveau des
océans. Il gère seulement le marégraphe de Marseille et
concentre plutôt son intérêt sur la géodésie.
Revenant au changement climatique en général, M. Paolo Antonio
PIRAZZOLI a noté que ce serait un risque majeur si les prévisions
des modèles venaient à se vérifier et a rappelé que
la vapeur d'eau était le gaz à effet de serre le plus important.
Quant à
la Camargue
, il a estimé raisonnable de reculer
progressivement face à la montée de la mer, si possible,
plutôt que de tenter une résistance en construisant des digues.
DOCTEUR CHRISTINE ROMANA
C.N.R.S.
MAÎTRE DE CONFÉRENCES DES UNIVERSITÉS
UNIVERSITÉ DE PARIS V
(29 novembre 2000)
Interrogée sur l'influence du changement climatique sur
la
santé, le Docteur Christine ROMANA
(16(
*
))
dont la spécialité est
la médecine tropicale, a indiqué que
certains faits
observés ces dernières années pourraient être dus
à l'augmentation globale de la température :
élargissement de l'aire de distribution des moustiques qui transmettent
la dengue ou bien émergence de la fièvre jaune dans des
localités où cette maladie n'avait jamais été
observée,
comme dans la province de Sao Paulo, au Brésil,
ou encore des épidémies dues au virus de West Nile
dans
l'Etat de New York ou en Camargue. En réalité,
les
études concernant l'impact du climat sur les maladies tropicales
à transmission par insectes vecteurs sont aujourd'hui très
insuffisantes pour bien cerner le phénomène.
Cependant, les
Anglo-Saxons,
en particulier les scientifiques
Américains et les Anglais,
ont déjà commencé
à effectuer des études
préliminaires
(17(
*
))
. Ils sont appuyés dans leurs
recherches par la NASA qui, grâce à ses images satellitaires, a
consolidé une veille sanitaire
(18(
*
))
. A partir de là, ils ont pu
constituer
des modèles de simulation
sur les effets que pourrait
avoir l'augmentation globale de la température sur les
épidémies de paludisme, de dengue ou d'infection par le virus de
West Nile dans certaines régions du monde.
Dans le cas de la France, le Docteur Christine ROMANA a estimé que le
nombre d'équipes concernées par cette problématique
était insuffisant, malgré le fait que des nombreux territoires
sont sous l'emprise de ce type de maladies.
En effet, l'approche des
questions concernant le climat et la santé pose le problème
général de l'interdisciplinarité dans les approches
systémiques ou globales des maladies, les insectes ou mollusques
vecteurs étant directement dépendants de l'environnement, donc du
climat (paludisme, leishmanioses, arboviroses comme la fièvre jaune ou
la dengue, onchocercose, etc...).
De rares travaux ont été quand même effectués dans
le domaine ; les plus percutants peut-être étant ceux du
Professeur Jean-Antoine RIOUX sur la leishmaniose en France (côte
méditerranéenne) et en Afrique du Nord. Dans ces travaux,
le
Professeur RIOUX a mis en évidence
,
entre autres
observations,
des relations étroites entre les aires de distribution
de différentes espèces de phlébotomes qui transmettent les
leishmanioses et le climat
(19(
*
))
. Ces travaux ont
démontré l'intérêt de l'approche systémique
des maladies à transmission par insectes vecteurs et ont abouti à
la conception d'une méthode de terrain qui se base sur l'apport de
l'écologique scientifique à la santé publique,
l'écoépidémiologie
(20(
*
))
. Contrairement aux écoles
anglo-saxonnes qui travaillent à des échelles
géographiques impliquant des vastes territoires, l'école
française a toujours abordé le problème par l'étude
des foyers à
des
échelles correspondant aux
« foyers d'infection ».
En réalité, pour le Docteur Christine ROMANA,
il ne peut y
avoir de conclusions concernant le problème de l'influence du climat que
si des études à long terme sont décidées
aujourd'hui même sous la forme de sites-observatoires dans les zones qui
pourraient être d'intérêt pour la France : les
territoires d'outre-mer et particulièrement la Guyane, en liaison
étroite avec d'autres implantations internationales.
En effet, la
circulation des agents pathogènes est étroitement liée aux
écosystèmes dans lesquels ils cohabitent naturellement avec les
animaux et l'homme. Toute modification de ces écosystèmes aura
comme conséquence l'émergence ou la ré-émergence ou
la disparition de ces complexes pathogènes.
Pour pouvoir donc comprendre l'impact que la modification climatique aura sur
la santé humaine à l'avenir, il faudrait d'abord commencer par
bien
comprendre les interactions qui existent entre les
écosystèmes, le climat et ces complexes pathogènes
.
Cela nécessiterait de développer dès maintenant
des
nouvelles équipes
qui prennent en compte
l'épidémiologie, l'écologie, la géographie et la
santé publique afin de créer de nouveaux outils permettant la
description des phénomènes, leur interprétation,
compréhension et gestion.
Le Docteur Christine ROMANA a estimé donc, que, pour apporter une
réponse à la question formulée par l'OPECST, il faudrait
commencer par
mettre en oeuvre des observatoires à long terme, comme
ceux financés actuellement par le CNRS dans le cadre du Programme
Environnement, Vie et Société
(21(
*
))
afin d'aboutir à des
modélisations de la dynamique spatiale et temporelle des foyers
d'infection en se basant sur
des interactions entre les systèmes
d'information géographiques opérationnels et des banques de
données à variables multiples
(environnementales,
biologiques, écologiques, botaniques, agronomiques, économiques,
etc.).
Les
apports méthodologiques
doivent donc porter essentiellement
sur
l'organisation des activités de suivi, la gestion des
données et la modélisation
dans des sites observatoires en
milieu concerné (particulièrement la Guyane et les territoires
d'Outre-mer). Il faut donc
systématiser et structurer des bases de
données à long terme
autour du phénomène afin
d'optimiser les méthodes de mesure en fonction des objectifs à
atteindre. En effet, les bases de données sont un reflet de la
perpétuelle évolution des écosystèmes et des
anthroposystèmes. D'où la nécessité de concevoir
des modèles conceptuels pour prédire et surveiller le risque pour
les populations locales. Des organismes comme le CNRS
(22(
*
))
ou l'Institut de Recherche pour le
Développement (IRD)
(23(
*
))
pourraient être capables de trouver des équipes pour une telle
mission.
COMMISSION EUROPÉENNE
M. RENÉ LERAY
DIRECTION DES RELATIONS EXTÉRIEURES
(14 décembre 1999)
Pour
évoquer
le problème de l'eau et du changement climatique
,
M. René LERAY a pris
l'exemple du Proche-Orient
en
précisant que dans l'approche de telles questions, il ne fallait pas
raisonner en statique mais anticiper des évolutions et donc
décaler le problème vers l'avenir.
A propos d'Israël, M. René LERAY a rappelé que l'irrigation
au goutte à goutte était largement pratiquée et que, dans
une région comme Gaza, il y avait à la fois manque d'eau et
gaspillage d'eau.
Face à de tels dilemmes, le délai de réflexion pour
anticiper les problèmes futurs doit être d'environ dix ans pour
permettre d'imaginer l'évolution de l'utilisation de l'eau par
l'économie comme
l'évolution des contrats géopolitiques
vers une coopération totale.
En fait, l'élaboration d'un plan global sur dix ans doit reposer sur une
conception du court terme intégrant déjà le moyen et le
long terme. A cet égard, M. René LERAY a indiqué
qu'il faudrait
éviter que des pays décident seuls de l'aval de
leurs décisions
liées à l'eau.
C'est ainsi que
la Turquie
, en réalisant l'aménagement de l'Anatolie
orientale joue en réalité un rôle dans toute cette
région du monde. Quoi qu'il en soit, une fois mises en oeuvre toutes les
solutions actuellement connues face aux pénuries d'eau
, le choc de la
pénurie réelle ne semble pas pouvoir être reculé de
plus d'une dizaine d'années. Avant cela, même les solutions les
plus simples supposent de coopérer
, ce qui est impensable, par
exemple, en Israël dans le climat politique actuel.
M. René LERAY a rappelé ensuite que
la production d'une tonne
de blé suppose l'utilisation d'un million de m
3
d'eau, ce qui
devrait conduire souvent à importer de la nourriture plutôt
qu'à la produire soi-même
. Ainsi,
l'Arabie Saoudite
exporte 1,5 million de tonnes de blé par an tandis que l'eau contenue
dans son sous-sol ne se renouvelle que tous les mille ans.
En Afrique australe, en Namibie ou en Afrique du Sud, des accords ont
été conclus sur l'eau
car cela était devenu vital.
Malheureusement, d'un point de vue général, le travail sur
le
droit international de l'eau
n'a pas encore vraiment débouché
par ailleurs.
Dans l'Union européenne, des programmes d'aide bilatéraux
existent
, mais ils ne sont pas élaborés bassin par bassin.
L'idée de prévention des conflits sur l'eau est bien
présente. En 1992, s'est réuni au Proche Orient,
un
Comité sur l'eau, l'énergie et les transports
afin de
dégager les synergies mutuelles entre ces trois secteurs, ce qui devrait
permettre de changer les termes de la discussion politique.
Face à ces préoccupations liées à l'eau, M.
René LERAY a souligné qu'
il y a encore huit ans environ, les
conséquences du réchauffement de la planète
n'étaient pas du tout intégrées à la question de
l'eau
. Or, de toute évidence
, la rareté sera porteuse de
conflits
sauf si toutes les solutions ont été
optimisées. Il y a là un vrai enjeu que la diplomatie actuelle
n'intègre pas, d'autant que les économistes et les responsables
de l'eau ne dialoguent pas vraiment. De plus, il sera difficile d'introduire
l'idée de tarification de l'eau dans des cultures où l'eau est
considérée comme un don de Dieu.
S'interrogeant sur ce qui pouvait être le rôle de l'ONU dans la
prévention des conflits liés à l'eau, M. René LERAY
a déploré que
la connaissance scientifique
ne soit pas
assez intégrée à la politique.
Prenant l'exemple de la nappe aquifère de
Cisjordanie
qui
s'écoule d'est en ouest, M. René LERAY a indiqué que les
forages opérés en Israël devaient atteindre la profondeur de
50 mètres environ tandis que ceux effectués en Jordanie devaient
descendre à 600 mètres.
Comment dès lors
faire de la cause de confrontation qu'est l'eau un
terrain de coopération
? Une étape consisterait à
convaincre les Etats-Unis d'Amérique du bien fondé de cet
objectif, ce qui irait au-delà de la diffusion des technologies
déjà opérées actuellement. Il serait aussi
souhaitable, d'après M. René LERAY, de
remplacer les
habitudes d'aides bilatérales par des incitations à des
coopérations régionales
, tout en posant des conditions
à l'octroi de ces incitations. C'est ainsi qu'entre le
Maroc,
l'Algérie et la Tunisie
n'existent actuellement que peu de relations
économiques alors que de nouvelles approches des problèmes d'aide
et de coopération pourraient élargir leurs relations.
Quant à
l'Afrique
où l'eau insalubre constitue le
principal vecteur des maladies, beaucoup de catastrophes y sont
annoncées sans qu'il y ait de reflet de ces annonces sur l'action
politique, comme si un maillon manquait. Dans la mesure où les temps de
retour sur les investissements liés à l'eau peuvent être
très longs, le marché ne peut régler ce problème et
seule la collectivité publique peut intervenir. Elle devrait le faire
à la faveur de
solutions régionales inter-pays
plutôt que de se cantonner aux projets nationaux.
M. René LERAY a conclu que la question de l'eau concerne en fait trois
niveaux : le monde, la France et l'environnement géographique
immédiat.
Si l'on considère le
pourtour de la Méditerranée
,
au sud de celle-ci, 60 % de la population est âgée de moins
de 25 ans. Il s'agit donc de peuples adolescents dont le sort ne doit pas
être indifférent à la France puisque les vagues
migratoires, les conflits entre ces pays, l'utilisation de l'énergie par
ceux-ci, la criminalité et la problématique de l'Etat dans ces
pays ne peuvent qu'avoir des répercussions sur la France.
Dans cette perspective, M. René LERAY a estimé que des projets
comme la zone de libre échange prévue pour 2010 par
le
protocole de Barcelone
constituent un pari intéressant et qu'il est
de la responsabilité de la France comme de l'Union européenne de
prévenir les évolutions futures.
Pour M. René LERAY,
toute réflexion sur le changement
climatique n'a de sens qu'au niveau mondial
et même une
réflexion qui se voudrait limitée à la France ne pourrait
se passer d'étudier le contexte méditerranéen.
Quant à savoir si l'effet de serre allait ou non aggraver les
problèmes actuels, si par exemple il allait exacerber les conflits de
souveraineté liés à
l'eau
, M. René LERAY a
estimé que, pour répondre à cette question, il fallait
prendre en considération à la fois l'approche
politico-opérative, économique et les approches régionales.
A cet égard, il a signalé qu'un livre de Shimon PERES montrait
bien comment
Israël
participe à l'environnement
régional tout en s'en protégeant, ce qui conduit cet Etat
à percevoir le problème de l'eau de plusieurs manières. A
cet égard, il a estimé indispensable d'étudier sur place
le cas d'Israël et a insisté de nouveau sur le fait qu'
importer
un produit à base d'eau revient à importer de l'eau,
éventuellement d'un pays qui en manque.
Evoquant plusieurs régions du monde, M. René LERAY a noté
que le Soudan pourrait constituer un grenier à blé s'il
n'était en guerre tandis que l'Arabie Saoudite, en paix, gaspille l'eau
pour produire du blé.
Il a estimé que pourraient souvent être imaginées des
zones de libre échange englobant l'eau
et l'ensemble des
activités économiques. Par exemple, entre la France et la
Belgique, une petite nappe souterraine près de Mons pourrait être
exploitée en commun ; en Yougoslavie, de grandes
possibilités existent qui pourraient profiter tant à la
Macédoine qu'à la Grèce, voire à l'Italie.
Mais déjà, en sens contraire, certains considèrent que
l'envoi de tankers d'eau de Marseille à Barcelone pourrait constituer
une sorte d'atteinte à la souveraineté des Etats concernés.
M. René LERAY a rappelé ensuite que, dès 1994 à
Rome,
une charte européenne de l'eau
avait été
signée, mais qu'elle n'avait pas d'effets contraignants.
Il a insisté sur l'existence de certains
conflits nés de
l'eau
dans le monde comme celui lié aux ressources de l'Amou-Daria
et du Syr-Daria entre le
Kirghizistan
et le
Tadjikistan
, celui
entre l'
Angola
et la
Namibie
, et enfin ceux entre
l'Afrique du
Sud
, le
Botswana
, le
Zimbabwe
et le
Mozambique
qui
pourraient pourtant coopérer dans un même bassin en rassemblant
des investisseurs privés et publics.
Il a estimé que lors de la réunion du Conseil mondial de l'eau
tenue à Marseille, les débats ont été un peu trop
centrés sur les aspects juridiques ou techniques (technologies
avancées) alors qu'il serait important de
placer au centre de la
discussion sur l'eau la rationalité économique
; mais,
jusqu'à présent, les économistes ont à peine fait
leur entrée dans le sujet.
En fait, derrière beaucoup de difficultés liées à
l'eau existent
des divergences sur les concepts de frontière et de
souveraineté
selon qu'il s'agit de pays d'Europe ou du reste du
monde.
Pour M. René LERAY, l'approfondissement du dialogue avec la
Turquie
pourrait aider à faire passer le message sur l'eau,
notamment en Anatolie, ce qui déboucherait sur une sorte de
diplomatie de l'eau
, celle-ci ne devant pas se limiter à
l'environnement
stricto sensu
.
L'Europe pourrait être la
championne de la politique de l'eau
, tout en aidant à mesurer les
impacts de l'effet de serre en matière de pénuries diverses, ce
qui constituerait un grand renouvellement dans la pensée.
Pour l'Afrique, la première priorité consiste à
assainir son eau
qui constitue le principal vecteur des maladies.
M. René LERAY a enfin déploré le
grand gaspillage d'eau
auquel donnait lieu l'agriculture
. Il a estimé que des mesures
pourraient être prises en Israël pour éviter cela.
M.
JEAN LUCAS
(24(
*
))
PROFESSEUR DE THERMIQUE INDUSTRIELLE
AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS
(30 novembre 2000)
Après avoir rappelé qu'il avait été
amené, dans le passé, à s'intéresser aux
économies d'énergie comme aux énergies renouvelables, et
à travailler sur différents carburants, M. Jean LUCAS a
indiqué que la population française recevait peu d'enseignements
sur
les stratégies énergétiques
, mais qu'un cours
sur ce thème était professé en dernière
année du CNAM.
Il a noté que deux grandes options s'offraient en matière de
politique énergétique, soit
subventionner à grands
frais des énergies renouvelables
, ce qui suscite la méfiance
des industriels, soit
taxer le CO
2
à partir d'une
taxation sur le CO
2
ajouté, ce qui équivaudrait
à une sorte de TVA sur le plan international, (mais cette solution n'est
pas envisagée aujourd'hui).
M. Jean LUCAS a ensuite déploré que l'
ADEME
n'ait pas
attaché par le passé assez d'importance à
l'évaluation technico-économique prévisionnelle de
l'intérêt des projets innovants qui lui étaient
présentés et ait fonctionné plutôt selon un principe
de saupoudrage aléatoire pondéré parfois par les
amitiés personnelles. Seule la rentabilité est en effet
susceptible de déclencher d'importantes réalisations ce qui s'est
vérifié en matière de chauffe-eau solaire et
d'énergie éolienne, énergie qui s'est
développée dès que des prix garantis
(décrétés artificiellement) ont rendu leur installation
rentable pour ceux qui en font métier.
Sur ce dernier point, il a noté que pour émettre un jugement sur
l'
énergie éolienne
, il faut prendre en compte le
problème de l'intermittence de cette source d'énergie, et de la
faculté offerte ou non par une autre source d'énergie, par
exemple hydraulique, de remédier aux intermittences de l'éolien,
d'où la nécessité d'imputer à cette énergie
le coût d'un double équipement. Il en est de même pour la
production électrique classique lorsque les pointes d'une semaine
doivent être satisfaites par la production électrique de centrales
thermiques.
L'énergie éolienne doit donc être conçue avec, en
complément, une turbine à gaz, une pile à combustible ou
tout autre système. Le problème de stockage de l'énergie
éolienne est un problème important sans doute insuffisamment
étudié.
En revanche, actuellement, il existe pour l'
éolien au fil du vent
des procédés très fiables (les éoliennes ne cassent
plus......). Malheureusement le bruit reste pour les éoliennes un
véritable problème. Pour le résoudre,
la
création de fermes éoliennes en mer
, dites
«
offshore
» est évoquée. Les
éoliennes envisagées actuellement sont toutes posées ou
fixées au fond mais il n'y a pas eu d'expérimentation
d'éoliennes sur ponton flottant, technique qui devrait fournir de
l'électricité au fil du vent à un prix nettement plus bas
que ce qui est fait actuellement. Le coût du transport de
l'électricité produite jusqu'à la terre ferme est un poste
important du coût global. On a donc proposé de fabriquer de
l'hydrogène par électrolyse sur les sites de production
d'électricité mais cela semble plus coûteux et
délicat que le transport de l'électricité et la production
d'hydrogène à terre. L'intérêt de cet
hydrogène est qu'il peut, par la suite, être utilisé comme
combustible « dans des piles produisant de
l'électricité » ou comme composant chimique dans la
production de méthanol et d'hydrocarbures de synthèse.
Evoquant ensuite l'
énergie solaire
, le Professeur LUCAS a
regretté que les meilleures solutions n'aient pas été
testées et développées. Comme exemple, il a cité
certains types de capteurs plans retenus par l'Allemagne depuis 1970, et qui
intègrent un récepteur poreux ; il s'agit de capteurs
particulièrement intéressants pour l'habitat. De plus, les
efforts pour promouvoir
une architecture solaire
raisonnée,
apparaissent insuffisants. Dans ce domaine, on peut en particulier penser
à des toitures réflectrices inspirées du multi miroir de
Fresnel et concentrant le rayonnement solaire direct. De telles toitures
fourniraient de la chaleur au fil du soleil à un prix très
intéressant et à un niveau de température permettant la
climatisation. On pourrait même produire avec ces toitures une
électricité photovoltaïque de prix acceptable si l'on
disposait de photopiles à moyenne concentration ; malheureusement
le développement de ces techniques de capteurs à moyenne
concentration et des photopiles associées n'a pas été
soutenu par l'ADEME
alors que l'Union Européenne a aidé
récemment un projet commun de B.P. et d'un laboratoire espagnol.
De ce fait,
les photopiles
sont réservées aujourd'hui
à quelques niches dans lesquelles leur prix n'est pas dissuasif et
à une production d'électricité très fortement
subventionnée par le biais de prix de rachat garantis très
élevés. L'utilisation de la concentration, en divisant par 50 la
surface de récepteurs photovoltaïques nécessaire pour la
même puissance produite aurait permis et permettra sans doute de
développer une électricité photovoltaïque bien moins
coûteuse qu'aujourd'hui. En résumé
les meilleures
solutions solaires ont sans doute des potentialités
technico-économiques intéressantes
mais le soutien de
recherches mal ciblées n'aboutissant qu'à des solutions trop
coûteuses fait un grand tort aux solutions qui auraient pu être
meilleures.
M. Jean LUCAS a observé que, d'une manière
générale, il serait possible de développer des
énergies renouvelables compétitives si le baril de pétrole
était à un coût moyen de 25 $. Mais ce n'est pas le
cas actuellement et il lui parait très difficile d'être
compétitif avec du pétrole à 16 $ le baril.
Sauf à créer et appliquer une
taxe sur le CO
2
ajouté dans l'atmosphère
qui a été
déjà évoquée plus haut et qui pourrait être
d'au moins 5 $ le baril on n'aboutira pas à un prix permettant le
développement massif d'énergies renouvelables ou l'accroissement
des économies d'énergie pour lesquelles les potentialités
sont encore considérables.
Pour illustrer ce dernier point, M. Jean LUCAS a pris un exemple dans
l'industrie agro alimentaire où des techniques innovantes peuvent encore
conduire à des économies d'énergie substantielles et cela
dans des conditions économiques intéressantes : en sucrerie,
il a été montré que l'on peut économiser plus de
60% de l'énergie consommée en étalant sur toute
l'année la production sucrière, ce qui est rendu possible par le
stockage des betteraves dans des bassins d'eau acidifiée.
De très fortes économies pourraient donc résulter de
nouvelles technologies et de nouvelles sources d'énergie, mais, pour
l'instant, les industriels continuent à miser sur le fait que le
pétrole montera et baissera mais restera en moyenne aux alentours de
20 $ le baril. Parallèlement, les opérateurs qui
s'étaient illustrés il y a 20 ans dans les économies
d'énergie ou les énergies renouvelables (par exemple dans le
domaine agricole le CEMAGREF et l'INRA) s'en sont
désintéressés. C'est donc une véritable relance de
la recherche énergétique qui serait nécessaire si l'on
voulait économiser l'énergie et développer les
énergies renouvelables. Et il ne semble pas judicieux de faire cette
relance sans décider d'une taxe sur le CO
2
ajouté ou
d'un équivalent à une telle taxe.
M. Jean LUCAS a rappelé l'intérêt de la biomasse
énergie.
La synthèse du méthanol par exemple pourrait être
très rentable en gazéifiant la
biomasse
à l'arc
électrique durant les heures d'été pendant lesquelles de
l'électricité nucléaire est disponible à bas prix.
Une telle utilisation justifierait d'ailleurs le renforcement du parc
nucléaire actuel. Cependant, EdF ne s'est pas intéressée
à un tel programme. Cela se comprend dans la mesure où elle ne
croit sans doute pas à la possibilité de construire de nouvelles
centrales, vu la situation politique et le refus d'une frange de l'opinion
publique.
De l'énergie éolienne à bas prix permettrait aussi de
produire dans de bonnes conditions du méthanol de synthèse
à partir de biomasse.
Concernant toujours
la biomasse
, M Jean LUCAS a rappelé qu'elle
présentait d'excellentes opportunités et cela même si le
choix de mauvais procédé dans diverses opérations de
« démonstration » a conduit à des
contre-références. Un exemple de mauvais choix technique
lié à ce que l'on appelle le syndrome du NIH («
Not
Invented Here
» : « pas inventé
ici ») est donné par une réalisation en Guyane visant
à produire de l'électricité à partir de biomasse,
qui bien menée aurait pu être rentable mais qui a
été un échec suite à un mauvais choix de
gazogène.
Avec le pétrole à 20 $ le baril, et si une taxe sur le
CO
2
était instaurée,
une production intensive de
biomasse serait possible dans de très nombreuses conditions
. Alors,
il serait possible d'utiliser
les
tiges de maïs ou de
topinambour
qui correspondent à près de 10 tonnes de
matières sèches de résidus par hectare et par an en
Europe ; de même que
l'exploitation forestière ou
l'exploitation de taillis à courte rotation
qui produisent des
tonnages de matière sèche plus importants encore et à
moindre coût. Malheureusement, ce type de projet doit affronter
la
résistance des milieux forestiers
qui privilégient la
production de bois d'oeuvre considérés comme nobles ou, à
la limite, de bois papetiers, mais n'admettent que lentement la
complémentarité de l'usage des résidus de la production
forestière ou de ses sous produits.
Actuellement, des sols sont en jachère au lieu d'être
utilisés à produire de la biomasse. Or,
il serait possible,
même pour la France seule, de se lancer dans une politique fondée
sur l'exploitation de la biomasse
.
Cette carence est en partie due au fait que,
le
secteur agricole n'a
soutenu que des systèmes sans avenir
(éthanol carburant,
diester de colza) qui sont davantage des systèmes reflétant le
dynamisme de certains groupes de pression que des sources d'énergie
rentables.
A l'appui de cela, il peut être rappelé que le projet
éthanol du Brésil fut un échec, du reste parfaitement
prévisible et prévu par les bons experts.
Quoi qu'il en soit,
même avec une action efficace sur la biomasse, la
taxe sur le CO
2
demeure le signal à donner qui permettrait
d'atteindre une réelle rentabilité donc un réel engagement
industriel
. On peut espérer que les inquiétudes croissantes
sur les conséquences des changements climatiques liés à
l'intensification de l'effet de serre finiront par déclencher des
décisions dans ce domaine.
A propos du phénomène global d'
intensification de l'effet de
serre
, M. Jean LUCAS a observé que l'on avait maintenant des
convictions scientifiques étayées et partagées par
quasiment toute la communauté scientifique. On peut toujours affiner et
préciser tel ou tel modèle et intégrer mieux des facteurs
parfois sous-estimés mais quoi qu'il en soit on a aujourd'hui
les
éléments nécessaires pour affirmer qu'il est urgent
d'agir
.
En complément de l'ensemble des arguments étudiés et
présentés par le monde scientifique international sur ce
problème de l'augmentation de la température planétaire,
M. Jean LUCAS a cité une expérience personnelle : en 1975 il
avait remarqué que le niveau des crues du fleuve Sénégal,
manifestait depuis 1914 une périodicité de 11 ans qui l'avait
alors surpris. On sait aujourd'hui qu'il s'agit là de la période
de l'activité solaire qui influe notablement sur le climat (d'aucuns
attribuent même la Révolution française aux suites d'une
chute de l'activité solaire qui avait engendré ce que l'on a
appelé une « petite glaciation »).
Actuellement,
la température moyenne de la terre augmente
, et
cela semble devoir continuer.
Cette augmentation apparaît aujourd'hui
clairement due à l'augmentation de la teneur en CO
2
de
l'atmosphère du fait de l'utilisation des combustibles fossiles
. Il
faut noter à ce sujet que, même si les effets directs de
l'augmentation de la teneur en CO
2
de l'atmosphère sont
faibles,
ces effets sont très largement amplifiés par
l'augmentation de la teneur atmosphérique en vapeur d'eau
, vapeur
d'eau qui est un gaz à effet de serre bien plus abondant que le
CO
2
.
C'est pourquoi
une grave catastrophe écologique n'est pas à
exclure dans les 100 ans à venir si des mesures vigoureuses ne sont pas
prises
.
Malheureusement, le public en France n'est pas formé à la
compréhension des problèmes énergétiques et les
enseignants ont une véritable responsabilité dans ce domaine.
Or,
c'est la créativité et la compétence de toute la
population qui permettront l'émergence d'une bonne politique
énergétique
.
Dans l'état actuel des choses, on assiste à
une sorte de
schizophrénie de l'opinion publique française mais aussi
européenne dans le domaine des choix énergétiques :
on s'émeut des risques engendrés par la production
d'électricité nucléaire
(même si l'on peut
montrer que ces risques sont très faibles)
et, parallèlement,
on néglige les risques liés à l'augmentation de la teneur
en CO
2
de l'atmosphère
(dont on est
aujourd'hui convaincu qu'ils sont importants ou très importants). Il y a
deux poids, deux mesures. Serait ce à la suite d'une « pente
du coeur » liée à l'histoire ? serait-ce le
résultat d'un matraquage politicien volontaire ?
Il vaudrait pourtant mieux décider à partir des faits et d'un
raisonnement objectif, après avoir pesé coûts et risques
des énergies produites par les diverses solutions
étudiées.
Cette schizophrénie rejaillit sur les décisions
gouvernementales : On renonce à l'augmentation du prix du gazole
alors que l'on augmente délibérément le coût de
l'électricité en imposant le rachat de
l'électricité éolienne à un tarif
élevé !
Il faut manifestement renforcer l'information et la formation dans le
domaine des choix énergétiques
. Mais, pour l'instant, peu de
gens s'y intéressent vraiment.
Pour toutes ces raisons, le Professeur LUCAS s'est déclaré
très favorable à la diffusion du rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur
les changements climatiques au moyen d'
un Cd-rom
.
DATAR
M. JEAN-LOUIS GUIGOU,
DÉLÉGUÉ À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
(3 mai 2000)
Après avoir rappelé les pronostics alarmistes
concernant l'effet de serre, M. Jean-Louis GUIGOU a noté que les
nombreuses investigations existantes ne permettaient toujours pas d'avoir des
certitudes absolues. Aussi, le principe de précaution s'impose et
les
politiques mises en oeuvre tendent à minimiser les émissions de
gaz à effet de serre. Il s'agit d'inciter les industries à
diminuer leurs émissions et de maîtriser les impacts dus aux
transports,
alors même qu'avec la réduction du temps de
travail la mobilité sera encore renforcée.
M. Jean-Louis GUIGOU a présenté l'action du Gouvernement et
de la DATAR pour accompagner cette politique. Il existe désormais neuf
schémas de services collectifs à l'horizon 2020
. De plus,
le Comité interministériel d'aménagement du territoire,
qui doit se tenir le 18 mai 2000, aura comme idée maîtresse
la
réduction de la mobilité au moyen de l'organisation d'une France
polycentrique constituée de six grandes régions
. Il ne s'agit
pas là d'une nouvelle version des métropoles d'équilibre,
mais plutôt de la structuration de grappes de villes, un peu à
l'image de ce qui existe en Allemagne, même si les villes y font moins
d'un million d'habitants. Par exemple, Stuttgart, qui regroupe deux millions
d'habitants, rassemble en réalité 28 villes, ce qui est à
l'opposé de la périurbanisation.
A l'inverse, en France, chaque maire a tendance à agir isolément,
engendrant ainsi une certaine anarchie sur le territoire. Heureusement,
l'engouement pour les pays, les communautés de communes et les
agglomérations tempère les initiatives disparates
. C'est
ainsi qu'en Indre-et-Loire, des intercommunalités systématiques
sont mises en place, alors qu'en Languedoc ou en Provence, il n'y a pour ainsi
dire pas d'inter-communalité.
M. Jean-Louis GUIGOU a rappelé que le choix des six grandes
régions avait été dicté par les
six fleuves
au long desquels s'étaient développés les systèmes
urbains. Il a rappelé
les axes Rennes-Nantes-Angers,
Metz-Nancy-Strasbourg, Lyon-Marseille, Toulouse-Bordeaux, Lille-Bruxelles
,
en notant qu'en pratique, tout désaccord entre ces villes profitait
à Paris.
A partir de cette réalité,
la division du travail par
région devrait réduire les mobilités.
Cela serait
également facilité par
la nouvelle économie
(télétravail, téléenseignement,
téléservices) dont le commerce électronique, qui
représente actuellement 2 % du marché français,
contre 20 % aux Etats-Unis d'Amérique. Toutefois, les centres
villes devraient continuer à jouer leur rôle de vitrines,
complétées par des coursiers, dans la mesure où il reste
indispensable pour l'acheteur de voir, de toucher, de sentir et d'entendre. La
fermeture de 50 % des supermarchés qui risque de survenir aux
Etats-Unis d'Amérique au cours des dix prochaines années
illustrera cette évolution.
Le délégué a ensuite décrit ce que pourrait
être
la reconquête des centres villes
avec la mixité
des populations comme des activités et la création de places
centrales. Cette reconquête devrait aussi entraîner un essor des
transports collectifs
comme dans les Bouches-du-Rhône, ou à
Nantes avec le tramway, ainsi que des
grands centres piétonniers
.
Il a ensuite regretté qu'il n'y ait pas eu assez de travail accompli sur
le transport fluvial
. La réalisation du canal Rhin-Rhône a,
par exemple, été estimée à 45 milliards de
francs pour 200 km environ, ce qui rend discutable sa rentabilité.
M. Jean-Louis GUIGOU a considéré que
le ferroutage
constituait la voie d'avenir
. Des appels d'offres pourraient avoir lieu
pour les lignes SNCF, qui pourraient d'ailleurs comporter des trains allemands
dans dix ans, tandis que la SNCF assurerait la liaison entre Bruxelles et
Rotterdam. Il a estimé que d'énormes marges de manoeuvre
existaient sur le rail. Il a noté que dans certains cas, comme pour la
traversée des Pyrénées, seul le rail pouvait être
efficace.
Concernant
l'implantation des entreprises
, le
délégué à l'aménagement du territoire a mis
l'accent sur l'importance de l'organisation de celles-ci plutôt que sur
la concurrence. Par exemple, en Italie, l'organisation spécifique des
districts industriels a permis qu'y soient fabriqués 80 % de la
production mondiale d'antivols. Il a salué l'action très
dynamique du Centre des Jeunes Dirigeants, même si elle demeure encore
minoritaire.
Le délégué a nié la
nécessité des délocalisations
, qui devraient
plutôt être remplacées par des mises en commun de moyens, la
compétition se faisant davantage sur les nouveaux produits que sur les
bas prix.
Au sujet des
répercussions du climat sur la santé
,
M. Jean-Louis GUIGOU a noté le fort impact de l'un sur l'autre. Par
ailleurs, citant d'autres forts impacts du climat, le
délégué a rappelé qu'une
absence de pluie
durant l'hiver au Maroc peut supprimer toute récolte de blé. Il a
relevé aussi qu'en Algérie,
la désertification
remonte vers le nord de plus de un kilomètre par an, ce qui
n'entraîne pas pour autant de grandes vagues de migration.
Il a souhaité qu'une aide soit apportée au
codéveloppement du Maghreb
dans la mesure où la
sécheresse va gonfler les populations d'Alger ou de Casablanca.
Interrogé sur
le projet d'irrigation de la Catalogne avec de l'eau
venue de France
, M. Jean-Louis GUIGOU a noté que l'Etat
français n'était pas saisi officiellement par le gouvernement
espagnol. Toutefois, la capacité de réaliser ce projet existe,
pour peu que quatre à cinq milliards de travaux soient effectués
pour recueillir 2 à 3 % des eaux du Rhône. Même en comparant
les 1,2 million d'hectares qui pourraient être irrigués de la
sorte en Catalogne aux trois millions d'hectares qui vont être
irrigués en Anatolie, M. Jean-Louis GUIGOU a
considéré que ces questions devaient encore être
réfléchies.
M.
ROBERT DELMAS
(25(
*
))
(24 avril 2001)
M.
Robert DELMAS a indiqué en introduction qu'il travaillait au Laboratoire
de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement (LGGE) de Grenoble,
dépendant du CNRS, ce qui lui avait donné l'occasion de
collaborer notamment avec MM. Jean JOUZEL et Claude LORIUS, et qu'il
exerçait maintenant une double activité, étant en plus
chargé de mission auprès de la Direction de la Recherche (DR3) au
ministère de la Recherche.
A ce propos, il a attiré l'attention du rapporteur sur l'organisation
prochaine, le 21 mai 2001, d'
une journée sur l'effet de serre au
ministère de la Recherche,
dont l'une des priorités
était de
rendre plus visible la recherche française relevant
des activités du GIEC
, et d'encourager
la
pluridisciplinarité
.
M. Robert DELMAS a ensuite souligné que l'intensification de
l'effet
de serre pouvait être considérée comme la troisième
grande crise environnementale
, après celle des pluies acides, pas si
grave, celle du trou d'ozone, nettement plus grave, qui avait donné lieu
à l'élaboration d'une théorie, d'ailleurs couronnée
par un prix Nobel de chimie, et de prendre les mesures adéquates au bon
moment.
Il a ensuite décrit les activité du LGGE de Grenoble, qui portent
pour l'essentiel sur les carottes de glace, et notamment sur les relations
entre la température et le CO2. Ce laboratoire s'est illustré par
ses analyses de la carotte glaciaire de Vostok (Antarctique).
Grâce à ces travaux,
un lien entre augmentation de teneur
atmosphérique en CO2 et augmentation de la température du globe a
été mis en évidence
. Les grands changements
climatiques du passé sont liés aux variations de
paramètres astronomiques, ce qui ne semble pas être le cas du
réchauffement observé actuellement, qui à relier aux
émissions anthropiques de CO2.
Portant un jugement sur
les impacts climatiques régionaux
, il a
indiqué que même de faibles changements du climat pouvaient
induire des modifications de cultures ou encore de modes de vie, et que les
prévisions à l'échelle régionale étant
difficiles à établir par la modélisation, il fallait
s'attendre à beaucoup de surprises. Tout au plus peut-on supposer que
les pays du nord devraient plutôt y gagner au changement
climatique
, sous réserve de l'impact des phénomènes
extrêmes qui reste inconnu.
D'où la nécessité de
créer des observatoires de
recherche en environnement (ORE)
, 20 millions de francs
supplémentaires étant demandés cette année pour cet
objectif par le ministère de la Recherche.
M. Robert DELMAS s'est ensuite félicité de
la qualité
de la communauté française des chercheurs en climatologie
,
mais a estimé qu'
une meilleure focalisation des moyens
était souhaitable, de même qu'
une plus forte mobilisation
de l'ADEME
. Il s'est déclaré aussi un peu
réservé sur la priorité d'implanter de nouveaux
observatoires dans
les DOM-TOM
surtout quand il en existe
déjà, comme par exemple à La Réunion. Il a
cependant noté que l'implantation d'un laboratoire de chimie
atmosphérique serait utile en Guyane, et que ses travaux pourraient
être harmonisés avec ceux menés par le Brésil, qui
poursuit en Amazonie des études sur l'effet de serre. Il a
souhaité que soit renforcée la très importante
coopération scientifique existant déjà entre la France et
le Brésil, comme c'est le cas par exemple pour l'INSERM. Ce pays voit
ses crédits de recherche augmentés dans le domaine de
l'environnement. Il a noté qu'en Inde et en Chine également, plus
de chercheurs sont formées sur ce thème.
M. Robert DELMAS a aussi insisté sur la nécessité de
développer la recherche au niveau industriel, et la technologie.
Il s'est félicité des travaux du programme de recherche du
ministère de l'Environnement
« Gestion et impacts du
changement climatique »
(G.I.C.C.)
présidé
par M. Jean-Claude ANDRÉ, auquel ont été allouées
des enveloppes significatives de quelque 200 000 francs par projet, au lieu des
20 000 francs accordés d'habitude, le montant élevé
des financements permettant une meilleure efficacité.
Il a évoqué la coopération internationale et noté
que
les Allemands
apprécient la communauté scientifique
française du climat, alors qu'au contraire la chimie
atmosphérique est sensiblement plus développée en
Allemagne qu'en France. Des normes identiques d'évaluation seraient
à mettre en place, et il serait intéressant de participer aux
travaux menés avec les Allemands sur les couplages des modèles
climatiques.
Le sixième PCRD pourrait être l'occasion de renforcer les
coopérations internationales.
Evoquant la mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), il a
regretté que le ministère de la Recherche ait peu
participé à ses activités dans le passé, alors que
les représentants du ministère de l'Economie, des finances et de
l'industrie, chargés respectivement des aspects économiques,
financiers, industriels et budgétaires y sont actifs.
Il a
déploré à cet égard les décisions prises par
le gouvernement au cours de l'hiver 2000 sur la taxation des carburants, dont
les modalités vont à l'encontre de ce qui est souhaitable pour
ralentir l'intensification de l'effet de serre.
Il a aussi regretté que
la prudence des scientifiques
, qui, par
pure honnêteté intellectuelle, émettent souvent des
jugements nuancés sur les conséquences du changement climatique,
soit exploitée par d'autres pour nier l'existence même de l'effet
de serre.
Il a souhaité qu'une solution soit trouvée pour soutenir
efficacement les chercheurs et ingénieurs Russes qui travaillent en
Antarctique
pour poursuivre les carottages dont les équipes
françaises bénéficient, cela afin de maintenir les
relations efficaces établies il y a plusieurs décennies par
Claude LORIUS avec les chercheurs russes. Les résultats exceptionnels
obtenus en coopération -publiés en 1987- avaient permis de
relancer les recherches mondiales en paléoclimatologie.
M. Robert DELMAS a précisé enfin, à propos de la
fonte
des glaces
, que pour la banquise de l'Arctique, même si la calotte
polaire change, il s'agit d'une modification de l'albédo sans influence
directe sur le niveau des mers, alors que pour l'Antarctique, dont
l'observation par satellite des glaciers est en cours de développement
à Toulouse et Grenoble, il semble encore difficile de se prononcer.
ELECTRICITE DE FRANCE
(EDF)
M. BERNARD MÉCLOT,
DIRECTEUR-ADJOINT DE L'ENVIRONNEMENT
M. JEAN-YVES CANEIL,
INGÉNIEUR CHERCHEUR SENIOR
(5 décembre 2000)
M.
Bernard MÉCLOT a rappelé que la Direction de l'Environnement
avait été créée à EDF en 1992 et que depuis
cette date
la stratégie environnementale développée
par EDF
avait périodiquement fait l'objet de bilan et de mise
à jour des orientations. A ce jour, elle consiste notamment à
être très présent au niveau local en tant que service
public, et, du fait également de l'ouverture à la concurrence, de
répondre à la demande environnementale des clients. Elle est
aussi marquée par la volonté d'être un industriel
exemplaire.
M. Jean-Yves CANEIL a précisé qu'il travaillait dans un
département d'EDF recherche et développement qui
s'intéresse notamment aux
impacts environnementaux des ouvrages et
activités d'EDF
, tant dans le milieu atmosphérique que dans
le milieu aquatique. Depuis plusieurs années, la thématique de
l'effet de serre fait l'objet d'actions de recherche et de partenariats.
M. Bernard MÉCLOT a indiqué que, de son point de vue, les
préoccupations environnementales conduisaient à
analyser le
cycle de vie des produits de A à Z
. Il a rappelé que c'est
avec le sommet de Rio, en 1992, qu'avait été lancé par la
communauté internationale le concept de développement durable et
que les préoccupations liées à l'effet de serre avaient
fait l'objet d'un premier accord entre les Etats.
Dès 1990, EDF est entrée dans divers programmes
scientifiques ; parmi ces projets figure
une recherche sur le
changement climatique, menée
avec Météo France
et le CNRS
. Il existe également
quatre programmes
européens
impliquant des chercheurs internationaux et la
présence d'EDF est très forte dans tous ces groupes.
Depuis 1995, la communauté internationale s'est aperçu de la
nécessité d'engager un processus aboutissant à la
négociation d'objectifs contraignants de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. C'est ce qui a conduit
à l'adoption du Protocole de Kyoto, qui a retenu le principe de
mécanismes de flexibilité dont l'objectif est de réduire
les coûts de mise en conformité des Etats avec les objectifs
environnementaux.
EDF a pris position sur la lutte contre le changement climatique dès
1997
, et a joué un rôle actif dans le positionnement des
électriciens européens (à travers leur association
EURELECTRIC), en particulier sur les permis d'émissions
négociables. Des simulations ont été organisées par
EURELECTRIC en 1999, dans lesquelles EDF fut très présente parmi
16 producteurs, puis en 2000, en élargissant cet exercice à
d'autres secteurs émetteurs de gaz à effet de serre.
Depuis 1992 et la création d'E-7 rassemblant 8 des plus gros producteurs
d'électricité,
des actions liées aux mécanismes
de projet de la Convention sur les Changements Climatiques du Protocole de
Kyoto
(phase pilote de la mise en oeuvre conjointe, mécanisme de
développement propre), ont été engagées en vue
d'aider les pays en développement à mener des projets de
production d'électricité. Trois projets concernent actuellement
l'Afrique, la Jordanie et l'Indonésie. Un autre devrait être
lancé en Bolivie.
M. Jean-Yves CANEIL a ensuite rappelé que dans le cadre des recherches
engagées dans son département, un intérêt
particulier s'était porté sur
les scénarios prospectifs
de long terme du changement climatique
et de leurs conséquences
possibles sur le régime hydrologique et thermique des fleuves. Des
résultats préliminaires (utilisant des résultats de
simulations de Météo-France et de l'Institut Pierre-Simon
Laplace) sur
le
bassin Rhodanien
montrent par exemple qu'en cas
de changement climatique significatif, la fonte des neiges pourrait être
plus précoce et les étiages estivaux plus sévères.
Ces études se poursuivent actuellement en collaboration avec les
équipes de recherches françaises dans le cadre du programme GICC.
Ces études préparatoires sont nécessaires afin
d'
anticiper les risques que le climat du futur pourrait engendrer sur
l'exploitation des ouvrages et le dimensionnement des projets.
En ce qui concerne la question des extrêmes climatiques et en particulier
des tempêtes, M. Jean-Yves CANEIL a noté que plusieurs
études prospectives envisagent que
la fréquence des
tempêtes pourrait augmenter en Europe
; cependant il est
difficile actuellement d'attribuer au changement climatique les tempêtes
sévères que la France a connues à la fin de l'année
1999.
MM. MÉCLOT et CANEIL ont ensuite apporté quelques
éclairages sur la part représentée par le CO
2
par rapport aux autres gaz à effet de serre. Si
pour l'ensemble des
pays développés
cette part atteint environ 80 %, ils
notent que
la proportion de CO
2
attribuée au secteur
énergétique est importante et proche de 40 %.
En France,
cette valeur est significativement inférieure à la moyenne
internationale avec un ordre de grandeur de
10 %.
En revanche, dans tous les pays, on ne peut que constater
une hausse
continue des émissions du secteur des transports
sans aucun
infléchissement.
Il résulte de ces observations que
de vigoureux programmes d'actions
européens et nationaux
portant sur les économies
d'énergie, le développement des énergies renouvelables et
de toutes les énergies peu ou pas émettrices de gaz à
effet de serre
doivent permettre de stabiliser la part provenant du secteur
énergétique
, mais que les émissions liées au
transport risquent de continuer à croître, sauf en cas de remise
en question des grands choix structurels.
La modification de politiques d'équipement et d'aménagement des
zones urbaines
à long, voire très long terme, apparaissent
indispensables. EDF possède aussi un programme d'action sur les
transports électriques.
M. Jean-Yves CANEIL a insisté sur le rôle des villes en tant
que lieu de concentration des pollutions, notamment avec la tendance au
développement des mégapoles.
Les circuits de distribution
commerciale à l'intérieur des villes, actuellement très
polluants, gagneraient à être assurés par de petits
véhicules au gaz naturel ou électriques.
EDF s'est
associée avec PEUGEOT et RENAULT pour imaginer de tels véhicules
et avec BOLLORE pour l'étude des véhicules à batteries au
lithium, voire celle des piles à combustible.
Au niveau de la planète il a estimé qu'il convenait, bien
évidemment, de prendre en considération la question
des pays
en voie de développement qui n'utilisent aujourd'hui par habitant que
0,8 tonne-équivalent-pétrole, contre 4,8 TEP pour les pays
décentralisés. Sur six milliards d'hommes vivant sur la
planète aujourd'hui, plus de deux milliards n'ont pas accès
à l'électricité.
A l'avenir, la consommation d'énergie augmentera et plus
particulièrement celle d'électricité. C'est ainsi
qu'à l'horizon 2020-2030, il faudra avoir construit autant de centrales
électriques qu'il en existe aujourd'hui. Beaucoup de ces futures
centrales fonctionneront au charbon
, ressource naturelle largement
disponible dans les pays en développement : ce mouvement, même
s'il est compréhensible, ne peut qu'inciter à mettre l'accent sur
le développement de toutes les sources d'énergie en
commençant par les moins polluantes et les plus pérennes.
Abordant ensuite la question du
nucléaire européen
,
M. Jean-Yves CANEIL a rappelé que celui-ci fournissait
30 % de l'énergie
électrique
environ tandis
que
20 % provenaient de l'hydraulique
. Pour faire face aux
défis futurs, des recherches ont été engagées tant
du côté de l'offre (moyens de production) que de la demande
d'électricité.
Ainsi EDF participe au développement de
l'énergie
éolienne et
photovoltaïque
, notamment avec Total-Energie
sur ce dernier aspect. Des recherches sur l'utilisation de
la biomasse
sont également menées.
M. Jean-Yves CANEIL a estimé que
d'ici 2010, il est probable que 20
à 25 terawatts heure proviendront de l'énergie du vent sur les
540 twh qui seront nécessaires à cet horizon
pour satisfaire
la demande.
Dans l'immédiat le Ministère de l'Industrie est sur le point de
publier
un décret sur le tarif d'achat du kilowatt heure
éolien
. Il restera à gérer le problème de
l'acceptation des sites pour concilier le développement rapide de cette
énergie et son acceptabilité par la population.
Du côté de la demande, et dans le cadre d'actions
d'
économies d'énergie
, il a été
indiqué que
les ampoules à basse consommation
n'étaient pas à négliger, que leur prix a fortement
baissé grâce à une campagne de promotion des
électriciens européens, et qu'EDF encourage cet axe. En 2000, un
troisième accord a été conclu avec l'ADEME et EDF, en
particulier sur la thématique des économies d'énergie et
de la recherche et développement.
Pour ce qui concerne
l'habitat
, notamment les locaux tertiaires,
un
système de climatisation réversible avec pompe à
chaleur
a été étudié ; ce dernier est
très efficace. Enfin, pour
la chaîne du froid
, des
systèmes à pression flottante procurent de bons résultats.
SYNDICAT DES ENERGIES RENOUVELABLES
M. Erik GUIGNARD, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL
(29 novembre 2000)
M. Erik
GUIGNARD a rappelé que
le Syndicat des Energies Renouvelables
représente directement une cinquantaine d'entreprises provenant de
l'ensemble des secteurs des énergies renouvelables mais aussi un certain
nombre d'associations professionnelles. Au total, c'est plus de
1.000 entreprises de toute taille, depuis les bureaux d'études
spécialisés jusqu'aux plus grandes et un chiffre d'affaires, en
forte croissance, de près de 2 milliards.
Il a rappelé que
les énergies renouvelables, aux
côtés des politiques d'économie d'énergie,
représentent un volet très important des efforts nationaux et
européens qui sont et seront nécessaires pour participer à
la lutte contre les impacts négatifs des activités humaines sur
le changement climatique
.
C'est dans ce but que
le livre vert de la Commission européenne
propose que
la part des Energies renouvelables
dans le bilan
énergétique européen passe de 6 à
12 %
de
2000 à
2010
ce qui demandera des efforts financiers
considérables et une évolution non moins importante des habitudes
énergétiques des populations.
Dans le domaine de l'électricité raccordé au
réseau, une directive européenne -qui sera
présentée au Conseil des ministres du 5 décembre 2000 sous
présidence française- devrait fixer pour
la France
l'objectif de
production de 21 % de l'électricité à
partir d'énergies renouvelables en 2010
contre environ 15 %
actuellement.
M. Erik GUIGNARD a indiqué que
cet objectif ne pourra pas être
atteint sans un développement massif de l'énergie éolienne
et un complément obtenu par la microhydraulique, voire par la
biomasse
.
La petite hydraulique
pourrait doubler sa performance actuelle et
atteindre 2.000 mégawatts. A noter qu'aujourd'hui l'essentiel des
installations, parfois très anciennes, sont de taille réduite et
appartiennent à des personnes privées.
Mais, la source la plus importante d'énergie renouvelable est
liée au développement de
l'énergie éolienne
.
La production éolienne n'atteint que 30 mégawatts
actuellement mais il faudrait atteindre une cible de 12.000 à 14.000
mégawatts ce qui constitue un programme ambitieux mais réalisable.
Par comparaison,
l'Allemagne
produit, d'ores et déjà,
5.000 mégawatts à partir de l'éolien sur des sites moyens
tandis que
le Danemark assure de son côté plus de 10 % de sa
consommation électrique à partir de l'éolien
, la part
la plus importante étant assurée par des coopératives
agricoles.
M. Erik GUIGNARD a surtout relevé que
la France possède le
deuxième potentiel éolien en Europe
après le
Royaume-Uni et que les évolutions technologiques permettent maintenant
de considérer qu'il s'agit d'une technologie, certes en
évolution, mais mature et parfaitement fiable : la puissance
unitaire des éoliennes dépassent désormais largement le
mégawatt pour atteindre bientôt plusieurs mégawatts ;
les niveaux sonores sont maîtrisés, la qualité du courant
est excellente.
En outre,
les coûts des installations
, actuellement de l'ordre de
7000 F/kW, continueront de diminuer permettant d'envisager à moyen terme
une compétitivité réelle de cette filière face
à toutes les installations neuves d'autres sources d'énergie que
ce soit les nouvelles centrales nucléaires ou les installations à
base de combustibles fossiles pour peu que l'on tienne compte des coûts
externes actuellement non comptabilisés.
D'ici là, l'énergie éolienne a besoin de
tarifs
suffisants -30 à 50 centimes/kWh selon la qualité des sites- pour
permettre de lever les capitaux nécessaires à son
développement et de faire face à la concurrence d'installations
déjà amorties ou dont les coûts externes ne sont pas encore
internalisés.
M. Erik GUIGNARD a indiqué que des décrets sur
les prix de
l'électricité
devaient paraître en principe à
la fin de l'année 2000 ou courant 2001 et que le financement d'une
réalisation du programme sur les énergies renouvelables ne
coûterait pas plus d'un centime par kWh sur la facture des consommateurs
qui financeraient ainsi sans coût excessif leur sécurité
énergétique future.
Il a rappelé cependant que
l'énergie éolienne ne
saurait être considérée comme une source pouvant remplacer,
à terme, les autres
sources d'énergie ne serait-ce qu'en
raison de l'intermittence des vents. On estime à l'heure actuelle
qu'
un plafond de 30 % de l'ensemble de la puissance installée sur un
réseau peut être assuré par l'énergie
éolienne
.
L'éolien intervient donc toujours en parallèle avec d'autres
sources, combustibles fossiles ou autres sources renouvelables (biomasse,
géothermie), afin d'assurer la sécurité des
approvisionnements.
Les économies d'énergie
sont par ailleurs
nécessaires dans le cadre d'une politique de développement des
énergies renouvelables, des chauffe-eau solaires, de nouvelles
techniques de chauffage ou de climatisation, pour diminuer, notamment,
l'importance des pointes de consommation.
M. Erik GUIGNARD a ensuite insisté sur le caractère parfaitement
adapté du
photovoltaïque
pour les sites isolés. Il a
précisé que ce marché explosait littéralement
malgré des prix atteignant 4 à 5 francs par Kwh : ces prix
restent compétitifs dès que l'on s'éloigne de plus de 1 km
d`un réseau. Cette source d'énergie, dont le gisement est infini,
a, d'autre part le mérite de bien s'intégrer dans l'architecture
des bâtiments. Des investissements importants sont consentis en faveur du
photovoltaïque et les carnets de commande des entreprises sont
saturés.
M. Erik GUIGNARD a ensuite traité de
l'énergie thermique
et notamment du
bois
dont l'utilisation massive bute sur un
problème de rentabilité du fait du coût de la collecte et
des transports. Dès lors, pourquoi ne pas créer, à
l'occasion de la transposition de la directive gaz en préparation, un
fonds de péréquation pour l'exploitation de la filière
bois et le développement des réseaux de chaleur ?
Il a indiqué que la filière bois fonctionnait très bien en
Suède
et que les société suédoises
dressaient des écobilans annuels. Il a également ajouté
que le rendement des inserts pour le chauffage au bois atteignait un taux de
90 %.
Il a aussi relevé que
la fiscalité
pourrait
également encourager ou décourager certaines
énergies ; par exemple, la TVA sur les réseaux de chaleur
est actuellement de 20 % alors qu'elle n'est que de 5 % sur le gaz.
M. Erik GUIGNARD a également indiqué que, pour les transports,
des
carburants renouvelables
pouvaient donner de bons résultats,
en particulier le diester de colza et l'éthanol. Leur utilisation est
encore confidentielle - certaines villes utilisent un mélange de 30% de
diesters pour les transports urbains- et devrait être
généralisée de manière à introduire un
pourcentage plus élevée de carburant propre dans la consommation
des voitures. Cet effort contribuera d'autre part à améliorer
l'autonomie énergétique des pays de la communauté
européenne.
En conclusion, M. Erik GUIGNARD a estimé qu'
une politique
résolue en faveur des énergies renouvelables est indispensable
pour tenir les engagements de Kyoto qui sont encore très modestes au
regard de ce qui serait nécessaire pour limiter les émissions de
gaz à effet de serre liées aux activités humaines.
FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS
D'EXPLOITANTS
AGRICOLES
(F.N.S.E.A.)
M. JEAN SALMON
(24 novembre 1999)
Monsieur
Jean SALMON a relevé que
l'environnement est devenu un des trois
dossiers politiques de la FNSEA
alors qu'il n'était
antérieurement qu'un dossier technique.
Il a estimé que
le changement climatique aurait des
conséquences particulièrement importantes sur
l'agriculture : sur la production, à travers la localisation des
cultures et, aussi, sur la capacité de la planète à
nourrir ses habitants
.
En retour,
l'agriculture a également un impact sur le
réchauffement
. Si cet impact est faible à côté
de celui de l'industrie ou de celui des transports, il n'en demeure pas moins
que
l'agriculture dégage du méthane, du N0
2
et du
NO
x
, mais elle a aussi des effets positifs au titre de la
consommation de C0
2
et de la production d'oxygène.
Au
total, les transports et les villes auraient en quelque sorte des comptes
à rendre à la société rurale. Même une
production agricole accélérée aurait des effets positifs
qui, par exemple, pour 1 hectare de blé, seraient équivalents
à ceux de plusieurs hectares de forêts.
Il a noté qu'en
Espagne
, les saisons sont déjà de
plus en plus marquées, d'où une importance plus grande
accordée à la gestion des stocks alimentaires.
Le changement climatique rend encore plus nécessaire la mise en place
d'
une gestion des stocks alimentaires
pour faire face à des
mauvaises récoltes. Aux années de pénurie peuvent
succéder les années d'abondance avec des conséquences
encore plus marquées aujourd'hui qu'hier sur l'amplitude des prix des
denrées. La nécessité d'instances de régulation de
marché, de dispositifs anti-spéculation, le renforcement des
organisations communes de marché apparaissent nécessaires pour
assurer une durabilité des exploitations agricoles et le maintien du
plus grand nombre d'agriculteurs.
Le besoin de sécurité alimentaire serait renforcé.
L'intensification de l'activité agricole apparaîtrait utile.
Il
faudrait gérer à moyen terme et non plus par
référence aux prix mondiaux à court terme.
M. Jean SALMON a redouté qu'à l'avenir,
les accidents
climatiques
soient davantage marqués et que le problème de
l'irrigation
ne se pose avec encore plus d'acuité. A la limite,
il n'y aurait plus de contrats de culture sans irrigation. Il faudra donc
gérer de mieux en mieux la ressource en eau.
L'eau deviendra un
facteur de l'indépendance nationale
. Donc, il sera primordial d'en
améliorer le stockage dès à présent
même si peu de responsables politiques semblent prêts à
entendre ce discours.
Ainsi,
l'accès quantitatif à l'eau constituerait probablement
l'enjeu du prochain siècle
. Toutefois, la régulation par le
prix pénalise l'agriculture qui est obligée d'utiliser l'eau qui
se renchérit. Les agences de l'eau, en effet, augmentent
systématiquement leur prix actuellement. Il serait d'ailleurs
peut-être opportun de faire valoir en faveur de l'agriculture une
« exception culturale », les agriculteurs captant l'eau
grâce aux surfaces agricoles au lieu, comme les urbains, de la renvoyer
à la mer, ce qui leur donnerait peut-être, à ce titre, un
droit spécifique d'accès à l'eau.
M. Jean SALMON a ensuite estimé que
la recherche
devrait se
préoccuper du développement d'espèces moins consommatrices
d'eau.
Pour lui, le recours aux
biocarburants
sera nécessaire car ils
sont moins polluants et donc moins créateurs d'effet de serre.
D'une façon générale, la biomasse d'origine agricole et
forestière peut jouer un grand rôle dans la lutte contre les gaz
à effet de serre et pour l'indépendance énergétique
de la France.
De plus, d'autres facteurs seraient également à prendre en compte
comme la réduction substantielle des
surfaces agricoles
du fait
du réchauffement climatique.
Enfin, pour la
reforestation
, la marge d'évolution est
étroite en France puisque celle-ci a déjà entrepris une
politique de reforestation qui a conduit les forêts à occuper un
espace équivalent à celui qu'elles occupaient au Moyen-Age.
M.
Michel PETIT
Directeur Général Adjoint
de la Recherche de l'Ecole Polytechnique,
membre du GIEC
(21 décembre 1999)
D'un
point de vue général, M. Michel PETIT a insisté sur
le
grand nombre d'inconnues qui demeurent
quant à l'ampleur et à
la distribution géographique du changement climatique tout en soulignant
qu'encore davantage d'inconnues existaient à propos des changements de
la faune et encore plus sur les réactions humaines.
En ce qui concerne
l'effet de serre
, il a rappelé que son
mécanisme avait été décrit par Svante ARRHENIUS,
vers 1890. Une quantification plus précise a été
opérée vers les années 1970, les mesures de la teneur en
CO
2
de l'atmosphère n'ayant été
effectuées de manière régulière qu'à compter
de 1958. Dès cette époque, l'idée d'un
réchauffement de plusieurs degrés était avancée.
M. Michel PETIT a relevé qu'en général, lorsqu'un
effet
de mode
rejoint ce genre de problème scientifique, cela n'aide pas
à le résoudre. C'est ainsi que, par exemple, il existe un
mouvement d'opinion publique américaine qui s'intéresse fortement
à ce thème, notamment dans la région de New-York qui se
sent concernée directement, tandis que face à cela, le lobby
pétrolier critique le moindre article sur ce thème. Dans ce
contexte, c'est peu à peu que le GIEC a étayé sa
conviction que des
impacts du changement climatique
apparaissaient
déjà. Le lien entre les hydrocarbures brûlés en
grande quantité par la civilisation industrielle et l'augmentation de la
concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère est confirmé
par l'analyse de la teneur isotopique de ce gaz carbonique, qui montre que le
carbone additionnel est ancien et donc d'origine fossile.
Par ailleurs, dans le passé, des liens ont existé entre la
variation du climat et celle de l'orbite terrestre. Toutefois, de tels
changements climatiques correspondent à des évolutions lentes qui
se datent en dizaines de milliers d'années, alors que les changements
climatiques induits par l'homme sont datés en décennies.
Pour autant,
la prise de conscience internationale
connaît des
degrés très divers, les économistes
intéressés par le profit à court terme s'opposant aux
écologistes davantage soucieux du long terme. Cependant a rappelé
M. Michel PETIT,
l'homme n'a qu'un vaisseau
spatial
à
l'intérieur duquel il serait peut-être souhaitable de remplacer
parfois l'énergie par du travail humain.
Evoquant des extrapolations menées pour voir ce qu'il adviendrait si les
pays développés appliquaient les idées des Verts
néerlandais, tandis que la Chine, l'Inde et les pays en voie de
développement augmenteraient leurs émissions de carbone sans
prendre de mesures particulières, M. Michel PETIT a indiqué que,
dans un tel contexte, , la température continuerait à augmenter,
son accroissement n'étant réduit que d'environ 15 % par les
politiques restrictives menées par les pays développés.
Une telle projection montre que
le réchauffement climatique est
inéluctable
et qu'
il est indispensable de s'y adapter, tout en
cherchant à en limiter l'amplitude et le rythme
. Si on persiste
à ne rien faire, une véritable prise de conscience pourrait
survenir brutalement et conduire à prendre des mesures limitant
sévèrement l'exploitation des réserves de combustibles
fossiles dont le coût économique pourrait être
considérable.
Pour M. Michel PETIT, il n'y a pas de solution miracle unique, mais de
nombreuses possibilités d'action, de portée fort variable parmi
lesquelles on peut citer :
- une campagne nationale en faveur
des lampes à basse
consommation
;
- une politique fiscale incitant à
habiter près de son lieu de
travail
;
- le développement du
télétravail
;
- la réforme de la politique des
transports
, notamment en cessant
de favoriser les transports routiers.
A l'inverse, il a noté que
l'urbanisation galopante contribue
largement à l'effet de serre.
En conclusion, M. Michel PETIT a rappelé la nécessité de
garder à l'esprit que
l'eau deviendra de plus en plus un sujet de
préoccupation dans le monde
.
CONSERVATOIRE DU LITTORAL
M. FRANÇOIS LETOURNEUX,
PRÉSIDENT DE L'INSTITUT
FRANÇAIS
DE L'ENVIRONNEMENT
(IFEN)
(14 novembre 2000)
Abordant
la question des changements climatiques sous l'angle de leurs
conséquences éventuelles sur
la biodiversité
, M.
François LETOURNEUX a noté que les germes d'adaptation des
écosystèmes aux changements sont d'autant plus efficaces que la
biodiversité est grande. A cet égard, il est à relever que
la France et l'Espagne se trouvent en tête des pays européens
pour la diversité biologique
.
Les efforts sur les programmes liés au maintien de la
biodiversité devraient donc être accrus.
Ont une importance particulière à cet égard les milieux
qui, par leurs caractéristiques géographiques, constituent des
refuges d'espèces
correspondant à des conditions
climatiques passées (espèces reliques des époques
glaciaires encore présentes sur certains sites, par exemple).
Selon M. François LETOURNEUX,
la préservation de
réserves significatives de biodiversité, reliées par des
« corridors naturels », et constituant une trame de
diversité biologique suffisante devrait faciliter l'adaptation aux
changements climatiques
. A cet égard, le maillage que constituent
les 800 km de rivages maritimes et lacustres du Conservatoire du littoral, soit
plus de 10 % du linéaire côtier français,
s'étendant sur 60 000 hectares, (métropole et DOM, mais hors
TOM), est d'un particulier intérêt.
La mission confiée au Conservatoire du littoral est en effet d'abord de
protéger la richesse écologique et la beauté des paysages
tout en restant très ouvert au public, et en recherchant
l'efficacité sans présupposé idéologique (ainsi, le
maintien d'activités agricoles adaptées est souvent le meilleur
outil de gestion de la diversité biologique).
Les inventaires de faune et de flore conduits par le Conservatoire sur
la
frange littoral
montrent que la biodiversité y est encore
élevée, et que la trame des milieux naturels peut encore
être préservée. L'objectif est donc de valoriser le plus
efficacement possible les potentialités de chacun de ces milieux, en
sachant que
des variations climatiques de quelques degrés peuvent
avoir des conséquences très visibles
: la grande
aigrette nidifie, par exemple, de plus en plus haut en latitude.
Comme l'a montré le colloque tenu en Arles au mois d'octobre
2000
(26(
*
))
, ce n'est pas par la
simple hausse en valeur absolue du
niveau de la
mer
, risquant de
submerger les parties les plus basses du littoral, que les changements
climatiques auront des effets (un simple exhaussement des digues la pallierait)
mais c'est par sa répercussion sur tout le bilan sédimentaire du
littoral qui se trouvera affecté, et sur l'aspect des côtes qui
pourrait s'en trouver sensiblement modifié.
Dans ce contexte,
les travaux de défense contre la mer
se
révéleraient peu efficaces. Ils ont d'ailleurs déjà
souvent des effets très discutables, car chaque construction
défensive entraîne un creusement, de part et d'autre de celle-ci,
donc au détriment des milieux naturels voisins.
Interrogé sur l'augmentation prévisible de la fréquence
des
événements climatiques exceptionnels
, M.
François LETOURNEUX s'est déclaré très
préoccupé, car la population exige un niveau de
sécurité de plus en plus élevé, et a perdu
l'habitude de s'adapter et de réagir aux phénomènes
naturels. Il lui semble donc important d'
adopter face aux forces de la
nature une position mentale fondée sur une défense souple
plutôt que rigide
. Les digues les plus solides élevées
pour contenir la mer induisent, pour les occupants des espaces qu'elles sont
censées protéger une fausse sécurité, en un
phénomène comparable à celui de la ligne Maginot. Lorsque,
à la suite d'une tempête exceptionnelle, la mer les franchit, elle
recouvre des espaces qui ont été occupés,
aménagés et cultivés comme si le risque n'existait plus,
et c'est le reflux qui emporte les ouvrages, mal défendus de
l'intérieur, comme l'ont illustré des exemple récents en
Charente-Maritime
, où une surcote (crue de tempête de plus
de 4 mètres) dans l'estuaire de la Gironde a emporté en se
retirant toutes les digues ou encore au nord de Rochefort, parce que le
renforcement de la digue à la mer avait conduit les agriculteurs
à négliger, voire à détruire les digues
intermédiaires des casiers qui ralentissaient les crues en brisant
l'énergie du flot ; la mer a tout envahi, allant jusqu'à
affouiller le talus de la voie ferrée La Rochelle-Bordeaux.
Une solution, plus efficace et moins coûteuse, réside dans la
gestion souple du littoral et des cultures. A titre de comparaison, en
matière d'incendies de forêts, deux types de réaction sont
possibles, soit celle de l'ingénieur qui tentera de planter une
forêt qui ne brûle pas (et pourtant, malgré tous les efforts
de prévention et de défense, aucune forêt ne résiste
à un incendie survenant par vent très fort), soit celle du
Conservatoire du littoral consistant plutôt à planter des
forêts qui cicatrisent bien en cas d'incendie.
Il en va de même pour la mer : plutôt que d'essayer en vain
d'éviter à tout prix des dommages irréparables, mieux vaut
admettre que la mer peut passer occasionnellement et implanter sur les zones
susceptibles d'être temporairement submergées, une agriculture qui
cicatrise bien, comme, par exemple, de la prairie
.
A ce sujet, M. François LETOURNEUX a évoqué, par exemple,
la situation géologique particulière de la presqu'île de
Giens à Hyères (Var) où l'attaque par la mer du
tombolo
(27(
*
))
ouest va
s'accélérer. Sa submersion occasionnelle est prévisible.
La route et les réseaux qu'il supporte devraient donc être
progressivement déplacés, et les anciens marais salants
situés derrière le tombolo aménagés pour supporter
des invasions marines occasionnelles.
Evoquant la situation des
Pays-Bas
, M. François LETOURNEUX a
noté qu'après avoir développé au cours des
siècles une stratégie de conquête des terres sur la mer,
ils s'engagent aujourd'hui dans
de vastes programmes de
dépoldérisation
en réouvrant certaines digues, ce qui
étendra la superficie des espaces naturels en permettant de constituer
des réservoirs de crues.
M. François LETOURNEUX a recommandé donc de se préparer
à la survenue d'évènements accidentels plus
fréquents, et de mener des études très approfondies sur
les défenses souples, notamment contre la mer. Il serait
particulièrement utile de
préparer la population à ces
réalités en mettant en place une information scientifique avec
des relais de communication et un comportement des acteurs publics en
cohérence avec cette information
. Il faudrait se garder des
déclarations d'opportunité, tout en menant un large débat
apaisé.
M. François LETOURNEUX a estimé que l'expérience
récente a montré que l'Office National des Forêts a
très bien géré
l'après-tempête de
décembre 1999
, et que
son regard sur la forêt a
changé
. A l'inverse, beaucoup de digues ont été
reconstruites très vite à l'identique, sans tirer les
leçons de cette tempête sur l'occupation de l'espace. Ce n'est
qu'exceptionnellement que, par exemple, le Conservatoire du littoral s'est vu
proposer de racheter des terres agricoles inondées pour éviter
d'avoir à y reconstituer des protections lourdes et aléatoires
Abordant ensuite la question du
rythme d'acquisition des terres par
le Conservatoire du littoral
, M. François LETOURNEUX a
noté que cette vitesse lui semblait bonne, et à maintenir, ce qui
était possible grâce aux crédits prévus dans la loi
de finances pour 2002. En revanche, le véritable problème
réside plutôt dans la capacité du Conservatoire du littoral
à intervenir. En effet, une quarantaine d'emplois budgétaires
sont affectés à cette mission pour la France entière,
alors que le Conservatoire négocie et signe un acte d'acquisition par
jour. Or, il serait souhaitable d'administrer les biens au-delà de leur
achat, et donc de disposer d'environ 150 emplois, car si la gestion des
terrains relève des collectivités locales, leur administration
dépend du propriétaire, à savoir le Conservatoire du
littoral.
L'avenir du Conservatoire du littoral fait actuellement l'objet d'
une
mission de réflexion
confiée à M. Louis LE PENSEC.
Elle devrait permettre de refonder la mission confiée au Conservatoire
du Littoral en étendant son intervention sur une partie du domaine
public. Elle permettra également de mieux préciser les conditions
d'usage agricole, cynégétique et de loisir, des espaces.
Interrogé sur
les DOM-TOM
, M. François LETOURNEUX a
indiqué que la gestion régionale du littoral est de
compétence territoriale dans les TOM, tandis qu'
en Guadeloupe et en
Martinique
la situation était à peu près la même
qu'en métropole, si ce n'est que les populations y sont plus
habituées aux phénomènes naturels (cyclones) et que la
mangrove est très adaptable.
En
Guyane
, les conséquences seraient moins perceptibles, car le
littoral y est encore mobile. Une attention particulière doit être
apportée à certains milieux très spécifiques, comme
le site de ponte des
tortues marines
.
A
La Réunion
et à
Mayotte
, un problème
pourrait naître en cas de montée des eaux plus rapide que la
croissance des
coraux
.
M. François LETOURNEUX a relevé que le Conservatoire du Littoral
est peu représenté dans les départements d'Outre-mer, que
les collectivités territoriales concernées ne sont pas toujours
très réactives et que le Conservatoire du littoral n'y
détient qu'un faible pourcentage de linéaire côtier. En
revanche, la zone encore naturelle des 50 pas géométriques va lui
être confiée et il a estimé que 15 emplois seront
nécessaires pour cette seule activité.
A titre de comparaison, dans
la Somme
plus de 15 % du littoral sur
70 km sont détenus par le Conservatoire, qui espère atteindre
25 % sans aucun conflit. Il possède 30 % dans
le
Nord-Pas-de-Calais
, 25 % en
Corse
, rien dans
les
Alpes-Maritimes
, et 7 % dans
le Var
.
INSTITUT FRANÇAIS DE L'ENVIRONNEMENT
(28(
*
))
(IFEN)
M. BERNARD MOREL,
DIRECTEUR DE L'IFEN
(7 décembre 1999)
M.
Bernard MOREL a présenté
les principales missions de
l'Institut Français de l'Environnement (IFEN)
: rassembler,
diffuser, analyser les informations scientifiques, statistiques,
géographiques sur l'environnement.
Cet institut est financé principalement par le Ministère de
l'Environnement ; des compléments sont apportés par des
conventions passées par exemple avec les Agences de l'eau, la Commission
européenne (EUROSTAT), l'Agence européenne pour l'environnement
dont l'IFEN est le correspondant officiel pour la France.
Dans d'autres pays, ces fonctions sont le plus souvent éclatées
entre différents organismes : instituts nationaux de statistiques,
organismes de recherche, agence pour l'environnement.
L'IFEN présente
ainsi la particularité en Europe de pouvoir directement intégrer
les dimensions physiques, sociales et économiques des questions
environnementales.
Le rapport «
L'environnement en France
»
publié par l'IFEN fait le point sur les données et les faits
concernant les principaux thèmes de l'environnement au cours des cinq
dernières années. Cet ouvrage s'adresse à un public
averti, à la presse spécialisée, aux enseignants et
étudiants et sa périodicité est de l'ordre de trois ans.
L'IFEN diffuse gratuitement sur son site Internet une série de
chiffres-clés de l'environnement et publie chaque mois une information
de quatre pages sur un thème précis.
M. Bernard MOREL a ensuite indiqué que
l'IFEN n'avait pas
travaillé sur la prospective ou la modélisation de l'impact des
changements climatiques en France, mais qu'il rassemblait des informations sur
ce sujet à partir de travaux réalisés par d'autres
équipes.
En revanche, l'IFEN mène
un programme pour améliorer les
méthodes d'estimation des populations exposées aux risques
d'inondation
, dans la perspective d'utiliser les résultats finement
localisés du dernier recensement de population.
L'IFEN établit aussi régulièrement un bilan de
la
présence des pesticides dans les eaux
superficielles et
souterraines. Les résultats sont publiés même si leur
interprétation en terme de risque encouru doit rester très
prudente, faute de modèle d'exposition des populations et de relation
dose-effet bien établie.
D'une façon générale,
la diffusion croissante de
données sur la présence de polluants dans différents
milieux (air, eau, sols...)
appelle un effort pour faire état dans
le même temps des résultats de la recherche sur les relations
entre environnement et santé.
En terminant, M. Bernard MOREL a indiqué que toutes les publications de
l'IFEN étaient systématiquement adressées à
l'OPECST, mais a souhaité que davantage d'échanges d'informations
aient lieu entre les deux structures.
INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE
(IFP)
M. ANDRÉ DOUAUD,
(29(
*
))
DIRECTEUR DE L'OBJECTIF MOTEURS ÉNERGIE
(14 mars 2000)
M.
André DOUAUD a commencé par resituer les missions et les moyens
de
l'Institut Français du Pétrole
(IFP)
. Institut
de droit privé créé après la guerre, et soumis aux
tutelles du Ministère de l'Industrie et de celui du Budget, cet Institut
a pour vocation principale de mener
des recherches à
finalité
industrielle
sur les nouvelles technologies
concernant les hydrocarbures (pétrole et gaz) et leurs substituts. Il
emploie 1.800 personnes dont 1.500 pour la recherche, celle-ci
s'intéressant à tous les aspects de la chaîne des
hydrocarbures : exploration, production, raffinage, pétrochimie,
moteurs et carburants.
Ses travaux de recherche et développement (R&D) s'inscrivent dans
une
perspective affirmée de développement durable
(sécurité de l'approvisionnement énergétique,
protection de l'environnement, etc.) et sont conduits en
partenariat
étroit avec l'industrie.
Leur valorisation est internationale comme
l'illustre, à titre d'exemple, sa position de second bailleur de licence
de procédés de raffinage et pétrochimie dans le monde avec
plus de 1500 unités vendues.
Sa deuxième mission concerne
la formation supérieure
à travers l'Ecole du pétrole et des moteurs qui accueille,
à un niveau Bac+5, 350 élèves (dont plus de
50 % d'étrangers) pour une ou deux années et environ 150
étudiants en thèse ou post-doctorants.
Enfin, son
centre d'information scientifique et économique
,
pôle associé à la Bibliothèque de France offre une
gamme de prestations documentaires à l'ensemble des acteurs oeuvrant
dans le domaine des hydrocarbures et de l'automobile : pouvoirs publics,
industrie, universités, etc...
Ses ressources proviennent, pour les deux tiers de la taxe sur les produits
pétroliers (par exemple, 1,92 centime par litre d'essence), et le reste
provient de la vente de ses prestations de recherche et de ses licences.
L'IFP conduit une importante
action industrielle
en mettant sur le
marché international ses technologies, procédés,
équipements et produits. Une politique active de coopération avec
les PME-PMI (à laquelle il consacre 40 MF/an) lui permet
également de contribuer au renforcement technologique de ces entreprises
et donc au développement de l'emploi en les faisant
bénéficier de ses compétences et de son savoir faire.
Enfin, le réseau d'entreprises parapétrolières du groupe
ISIS dont l'IFP est actionnaire majoritaire constitue un relais important pour
l'industrialisation des innovations technologiques de l'IFP.
L'innovation est au coeur des travaux de R&D de l'IFP. Ainsi, l'IFP occupe,
selon les années, entre le troisième et le cinquième rang
des preneurs de
brevets
en France et est le deuxième ou le
troisième organisme français à déposer des brevets
aux Etats-Unis d'Amérique. Son portefeuille actuel se compose de
15 000 brevets.
L'IFP est organisé en quatre domaines de R&D :
exploration-gisements, forage-production, raffinage-pétrochimie,
moteurs-énergie.
Le domaine Moteurs-Energie conçoit sur la base d'un fort acquis de
connaissances scientifiques
les moteurs et les carburants
devant
répondre aux objectifs de très basses consommation,
émissions de CO
2
et polluants. Le domaine consacre environ
200 millions de francs par an à ces travaux dont l'aboutissement
résulte de partenariats industriels tant nationaux qu'inter-nationaux.
Abordant ensuite la question du réchauffement climatique, M.
André DOUAUD a noté que la civilisation actuelle était
une civilisation de la mobilité des personnes à travers les
transports
. La croissance des transports privés étant un
paramètre essentiel de cette situation.
Deux enjeux dominent : la pollution locale, c'est-à-dire
urbaine, et l'émission de gaz à effet de serre liée
à la combustion.
M. André DOUAUD a noté que,
jusqu'en 1990 environ, personne ne
se préoccupait de l'émission de gaz à effet de serre
et il a d'ailleurs souligné que
seul l'emballement de l'effet de
serre était à redouter
. Il a noté aussi que l'IFP fut
le premier à parler du N
2
O dégagé par les pots
catalytiques, car, à travers eux, l'oxyde d'azote (NO
2
) se
transformait en N
2
O, ce qui était catastrophique, et fut
illustré par les premiers pots catalytiques aux Etats-Unis
d'Amérique. Désormais le NO
2
est intégralement
transformé en azote inoffensif.
La limitation du CO
2
revient à poser le problème du
principe de précaution. Si le rendement des machines est
amélioré, les émissions de CO
2
vont diminuer du
fait des économies d'énergie à l'échéance de
10 ans, mais la pollution est globale, c'est-à-dire planétaire.
M. André DOUAUD a relevé que
le problème de la
pollution urbaine est résolu à terme
. En effet, vers 1970, au
début des préoccupations concernant les échappements
automobiles, ceux-ci émettaient 100 g de polluants par kilomètre.
En 2000, grâce à une diminution tous les quatre ans de 50 %,
les échappements n'émettent plus que 1 gramme de polluant par
kilomètre. En
2005
, les normes prévoient des limites de
l'ordre d'une fraction de gramme et l'objectif de quelques dizaines de
milligrammes par kilomètre semble possible à atteindre. On peut
alors parler d'émission "quasi-zéro".
Aujourd'hui, les pics de pollution apparaissent surtout dans la mesure
où le parc automobile a environ dix ans d'âge moyen. Au total, le
décalage entre les résultats obtenus par les chercheurs et les
produits utilisés par l'usager étant d'environ une vingtaine
d'années, cela revient à dire que,
même si dans dix ans,
10 % d'automobiles supplémentaires circulent, la pollution sera
très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui.
Ce point
est confirmé par toutes les parties prenantes.
Compte tenu de ces éléments, M. André DOUAUD a
estimé que
les énergies alternatives auront de moins en
moins d'impact sur la pollution locale.
En effet, ne serait-ce pas absurde de comparer un bus à gaz produit en
2005 avec un bus diesel conçu il y a vingt ans et en fonction
aujourd'hui ?
Par ailleurs, au niveau de la recherche, il existe une compétition entre
les ressources très importantes affectées aux technologies
conventionnelles et celles destinées aux technologies alternatives
beaucoup plus faibles car dépendantes du chiffre d'affaires de chaque
filière.
De même, pour M. André DOUAUD,
il n'y a pas de réponse
universelle au choix entre les énergies
. En effet, si l'on
considère les réserves mondiales de gaz, elles sont
supérieures à celle de pétrole, mais le pétrole a
une valeur internationale supérieure au gaz. En considérant par
exemple le cas de l'Iran qui possède les deux, son choix ne peut
être que d'utiliser le gaz en interne et le pétrole pour
l'exportation ; c'est aussi le choix de l'Argentine.
En revanche, pour les Etats-Unis d'Amérique, l'Europe et le Japon, il
n'est pas évident de choisir entre les énergies.
De même encore,
il n'y a pas
a priori
de carburant propre et de
carburant sale. C'est en réalité la performance antipollution du
couple indissociable moteur-carburant qu'il faut considérer.
C'est ainsi que, par exemple, des véhicules à essence
transformés en seconde monte pour rouler au GPL sont souvent plus
polluants que les véhicules à essence plus récents.
M. André DOUAUD a tenu à rappeler que
pour les constructeurs
automobiles et les pétroliers, la première priorité des
années à venir consiste à réduire les
émissions de CO
2
.
Cela est par exemple possible grâce à la révolution
technologique consistant à injecter directement le carburant dans le
cylindre des moteurs au moment de la combustion. Cela fait gagner de 30
à 40 % de consommation dans le diesel et environ 20 % dans le
moteur à essence, d'où les énormes investissements
consentis dans ces technologies et le fait que l'Europe se situe en tête
pour le nouveau moteur diesel.
Si les Japonais ont été les premiers à utiliser
l'injection directe de l'essence, Renault a été le premier
constructeur à industrialiser en Europe une technologie originale.
Parallèlement, le soufre sera progressivement éliminé des
carburants car il constituait une sorte de poison pour les pots catalytiques de
réduction des NOx.
M. André DOUAUD a ensuite énuméré les
caractéristiques respectives des différents types de carburants.
Il a estimé que, concernant
le gaz naturel
, l'IFP s'est
efforcé de développer les meilleurs moteurs pour cette
énergie.
L'aquazole
a eu son mérite pour certains bus
anciens, les gains de pollution ayant atteint 10 à 30 %, mais ce
carburant n'est pas adapté aux moteurs récents.
Quant aux
esters méthyliques d'huiles végétales
(EMHV)
, issus de colza (diester), de tournesol ou autres plantes
oléagineuses, il a noté qu'ils ne sont pas exempts de
pollution. Cependant, cette filière biocarburant présente un
potentiel de CO
2
évité de l'ordre de 50 % et le
mélange avec les gazoles pétroliers jusqu'à 30 % ne
présente pas de difficultés d'utilisation banalisée.
Il a ensuite rappelé que
le bioéthanol alcool
est
impossible à utiliser pur dans les moteurs actuels. Le Brésil a
dû recourir à des moteurs spéciaux pour le consommer.
M.
André DOUAUD a estimé que la filière des moteurs
dédiés à l'alcool pur était sans avenir
. Seule
l'utilisation en mélange semble généralisable comme c'est
désormais le cas au Brésil (essence + 22% éthanol) ou aux
Etats Unis d'Amérique.
Quant aux
huiles dégommées de colza
expérimentées en Autriche, elles génèrent un
surcoût pour transformer l'huile végétale en gas oil,
même si le coût total reste peu élevé, mais il semble
que ce carburant soit utilisé davantage pour des raisons sentimentales
que techniques.
Evoquant
le véhicule à moteur électrique
, M.
André DOUAUD l'a considéré comme une bonne solution
à condition que le citoyen change son style de vie. Or, actuellement,
ses utilisateurs éprouvent l'angoisse perma-nente de tomber en panne
d'énergie, d'où l'échec observé. Les ventes ne
dépassent pas une centaine de véhicules par an en France et
restent très modestes sur toute la planète.
En revanche,
le véhicule hybride
pourrait constituer
la
solution du futur
car il offre le potentiel de diviser par deux la
consommation et par cinq les émissions. Tous les constructeurs
automobiles mènent des recherches sur ce thème.
Il est donc probable que se développeront une multitude de
modèles toutes énergies.
A propos du
débat entre le gas oil et l'essence
, M. André
DOUAUD a estimé que
le moteur diesel était imbattable pour
minimiser les émissions de CO
2
.
C'est le
développement du diesel qui permettra aux constructeurs européens
d'atteindre l'engagement de 140 g CO
2
/km pris pour la production
automobile de 2008.
Certes, des problèmes techniques demeurent à résoudre
concernant l'oxyde d'azote et les particules. Le filtre à particules
répond pleinement à cet objectif, mais la réduction des
NOx pose encore question.
M. André DOUAUD a rappelé qu'en 1998 le
« Challenge
Bibendum »
organisé par Michelin avait permis de montrer
la faisabilité de véhicules à très bas niveau de
pollution ne consommant pas plus de 3 litres /100km, à
l'exception des
véhicules solaires
apparus sans utilité
pratique.
Une autre solution consiste à faire fonctionner les moteurs à
l'hydrogène
, carburant en apparence idéal si ce n'est pour
sa fabrication, car lorsqu'il est fabriqué à partir du charbon,
les émissions de CO
2
du puits à la roue sont
très importantes. En revanche, le bilan CO
2
est excellent si
l'hydrogène est produit à partir d'énergie sans carbone :
nucléaire, hydraulique, électricité.
Dans ce domaine de recherche, les pétroliers sont les plus
avancés car l'hydrogène est une des matières
premières du raffinage moderne.
Au-delà de la question du type de carburant, M. André DOUAUD a
insisté sur
le poids des véhicules
, paramètre
essentiel de la consommation. Ford et General Motors se sont associés
pour imaginer un véhicule de la taille de la 406 ou de la Safrane,
à savoir une Ford Taunus diesel à motorisation hybride ne pesant
pas plus d'une tonne, soit un gain de 400 kilos environ par rapport au poids
moyen actuel, ce qui autorise, avec l'hybridation une consommation de 3 litres
aux 100 kilomètres.
De même, Volkswagen a mis au point un modèle Lupo consommant
3 litres au 100 et s'est fixé comme objectif ultime 1 litre aux 100
kilomètres. Mais les coûts des matériaux légers sont
très élevés, surtout dans leur mise en oeuvre.
A propos des
transports en commun
, M. André DOUAUD a noté
que la RATP possédait 53 bus au gaz naturel, 57 au GPL et 400 utilisant
l'aquazole. Il a relevé aussi que
les moteurs électriques
coûtaient plus cher que les moteurs thermiques du fait du coût des
matériaux de base, notamment du cuivre.
Il a aussi déploré que soit mis en oeuvre implicitement la maxime
« Liberté Egalité Mobilité »
,
conduisant par exemple à tolérer
les deux roues
alors
même qu'ils constituent une source de pollution majeure en
dégageant 10 à 15 grammes de polluants par kilomètre
soit 10 fois plus qu'une automobile récente.
INSTITUT FRANÇAIS DE RECHERCHE POUR
L'EXPLOITATION DE
LA MER
(IFREMER)
M. JEAN-FRANÇOIS MINSTER,
PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL
(31 octobre 2000)
M.
Jean-François MINSTER a tout d'abord rappelé que
l'
IFREMER
, établissement public industriel et commercial,
accomplissait une
mission d'océanographie opérationnelle
,
consistant notamment à utiliser des observations par satellites
(satellites TOPEX-POSÉIDON, ERS-1 et JASON), à effectuer des
modélisations numériques (opération MERCATOR dont les
premières simulations pour l'Atlantique nord paraîtront en janvier
2001) et à accomplir des observations
in situ
grâce
à des outils en grand nombre et avec une longue durée de vie
(expérience CORIOLIS- ARGO).
L'expérience CORIOLIS-ARGO
consiste à immerger dans
l'
Atlantique nord
des bouées ou balises flottantes plongeant
jusqu'à 2.000 m de profondeur et remontant tous les dix jours à
la surface. Ce système conçu par l'IFREMER permet de programmer
la profondeur d'immersion et de
comparer les mesures obtenues par satellite
avec les mesures tirées de l'océan
. La phase
opérationnelle déjà commencée a pour objectif
d'atteindre
3 000 bouées dans l'océan en 2003
;
les Américains, c'est-à-dire la NOAA, se chargeant de la
moitié, le Japon d'un quart et l'Europe d'un autre quart, la part
française comptant 300 bouées. Les données sont transmises
depuis les bouées en temps réel jusqu'à MERCATOR et
à la météo ; un outil permettant le largage de ces
bouées par avion est en cours de développement. Reste à
régler la question d'un financement pérenne, chaque bouée
coûtant 100 000 francs, et possédant une durée de
vie de quatre ans. Il faut y ajouter une partie du coût de fonctionnement
des navires de déploiement. A raison du lancement de 80 à 100
bouées par an, il s'agit de financer plus de 8 millions de francs
chaque année. Une partie pourrait être prise en charge par le
ministère des transports dans la mesure où il s'agit d'un
système opérationnel et non d'une recherche, et un
complément pourrait provenir de financements privés (entreprises
qui bénéficieraient du service).
Grâce à ce nouveau système,
des prévisions
saisonnières des climats deviendraient possibles
. De même,
pourraient être imaginés des usages pour la Défense, comme
la détection acoustique des sous-marins. Une utilisation pour la
détection des polluants en mer, ou pour l'aide à la pêche
se fait jour.
Les équipes de l'IFREMER sont très motivées par ce
programme qui se traduit par le
projet CORIOLIS
.
Evoquant ensuite les satellites, M. Jean-François MINSTER a
souhaité que les satellites soient pris en compte par une agence
opérationnelle - en Europe, par Eumetsat, aux Etats-Unis, par la
NOAA -, qui recevrait ses financements des agences nationales. Le coût
annuel pourrait être de 10 millions de francs qu'il ne faudrait pas
retirer à la recherche mais plutôt obtenir de contributions de
ministères techniques ou des instances européennes.
L
es sciences de la mer devraient être un lieu de la construction de
l'effort européen de recherche
.
Pour lancer MERCATOR, un groupement d'intérêt public (GIP) a
été créé, dont la mise en place est prévue
début 2002. Sa suite serait prise par un « centre
d'océanographie opérationnelle », dont l'ambition doit
être européenne.
Revenant brièvement sur
les questions budgétaires
,
M. Jean-François MINSTER a souhaité communiquer certains
ordres de grandeur. En sciences de la mer,
le coût d'un chercheur
peut-être estimé à environ 800 000 francs de salaire, 1
million de francs d'infrastructure et 200 000 francs de laboratoire.
Parmi les infrastructures, un poste important de la recherche
océanographique est constitué par
le coût
d'investissement des navires
, qui atteint, pour 2001, 70 millions de
francs.
Au début des années 1990, l'IFREMER possédait
8 navires contre 4 aujourd'hui, qui sont beaucoup plus performants
qu'autrefois. La durée de vie de ceux-ci étant d'environ 25
années.
M. Jean-François MINSTER a ensuite relevé que, en matière
de
recherche climatique, il est vraisemblable que dans les cinq prochaines
années de grands progrès soient accomplis dans la description du
climat et celle de l'océan
, de vraies données étant
prochainement disponibles pour contraindre les modèles
numériques, ce qui permettra une description réaliste et
continue, par exemple pour retracer les changements de trajectoire du Gulf
Stream.
Actuellement, les marées apparaissent comme bien séparées
des courants océaniques. Or, il est apparu récemment qu'elles
peuvent jouer un rôle essentiel pour le climat, le total de
l'énergie des marées qui se disperse dans l'océan
Atlantique équivalant à la totalité de l'énergie
introduite par les vents sur les courants.
Ainsi, de la compréhension des marées peut dépendre la
compréhension des courants, ce qui pourrait conduire à modifier
les modèles numériques en conséquence.
En Méditerranée, un équivalent de Mercator devrait
être installé
, permettant une prévision à 10
jours des courants, grâce à une coopération entre diverses
équipes dont une française et une équipe italienne de
Bologne, le suivi de cette installation étant à la charge des
Italiens.
A ce propos, un comportement inattendu de la Méditerranée a
été enregistré depuis 8 ans, avec une hausse de 1 cm par
an en Méditerranée orientale, ce qui pourrait s'expliquer si elle
stocke énormément de chaleur. Pour comparaison, d'après
les marégraphes cette hausse ne serait en moyenne planétaire que
de 1,8 mm par an (+ ou - 0,5 mm) .
Evoquant
les impacts régionaux des changements climatiques
,
M. Jean-François MINSTER a jugé qu'ils étaient encore
mal estimés et loin d'être négligeables et il a noté
que les effets régionaux dépassaient les effets moyens.
Quant aux
effets sur la biosphère
, il faut s'attendre à
une adaptation difficile, et il existe de nombreuses rétroactions
internes des modifications de la biosphère, ainsi que des
rétroactions sur le climat.
Des modifications importantes pourraient résulter de la fonte
accélérée des calottes glaciaires comme de l'arrêt
du
Gulf Stream
.
Interrogé ensuite sur les
phénomènes climatiques
extrêmes
(cyclones, tempêtes,
El Niño
...), M.
Jean-François MINSTER a considéré qu'on ne pouvait exclure
un
passage à un état différent de l'état actuel,
en terme de fréquence et d'intensité de ces
phénomènes
.
Invité à donner son avis sur
les marges d'erreur des
modèles
, M. Jean-François MINSTER a expliqué
qu'une vingtaine de laboratoires dans le monde, travaillant à partir de
données et d'outils de simulation différents, réalisaient
fréquemment des intercomparaisons des modèles, une fois tous les
trois ans environ.
Il a indiqué aussi que
les économistes s'intéressaient
de plus en plus aux prévisions climatiques
: par exemple, les
cours du cacao évoluent désormais aussi en fonction des
spéculations sur l'apparition du phénomène
El Niño
l'année suivante. De même,
El
Niño
affaiblissant la mousson, cela a une influence sur la
récolte de riz de l'année suivante. Enfin, certains fermiers
américains choisissent leur date de plantation du soja en fonction des
prévisions liées à
El Niño
.
A propos de ces cultures, M. Jean-François MINSTER a souligné que
la Chine
possédait des laboratoires de recherche sur le climat
très opérationnels. Sans être
leader
en ce domaine,
sa recherche est assez avancée.
Interrogé sur
la portée des mesures gouvernementales prises au
cours de l'année 2000
, M. Jean-François MINSTER a
estimé important d'agir sur le plus gros composant d'émission de
gaz à effet de serre. A cet égard, il a noté que, en 2000,
il y a eu un blocage des stations d'essence et que les usagers ont alors
modifié leur comportement pour économiser de l'essence.
Cependant, cela n'a pas été utilisé pour renforcer le
discours national sur les économies d'énergie.
D'où
la nécessité de jouer sur la marge principale
d'action dans la durée, à savoir le comportement social
, ce
qui n'est pas nocif pour l'économie. Pour l'administration
américaine du président Clinton, il était
déjà admis que l'environnement n'était pas l'ennemi de
l'économie. Cependant cette pédagogie progresse peu.
INSTITUT D'ÉVALUATION DES STRATÉGIES
SUR L'ÉNERGIE ET L'ENVIRONNEMENT
EN EUROPE
(INESTENE)
M. Antoine BONDUELLE
(30(
*
))
(25 novembre 1999)
M.
Antoine BONDUELLE a estimé tout d'abord que l'agriculture, comme
certains milieux industriels, commençait à peine à
prendre conscience des conséquences de l'émission de gaz
à effet de serre.
Il lui a semblé très utile qu'un débat large et
pluridisciplinaire s'ouvre sur ce thème, par exemple entre les diverses
administrations concernées sans que celles-ci se limitent à un
langage institutionnel.
Il a fortement insisté sur le rôle et les risques très
importants
des forêts
dans le débat sur l'effet de serre,
notamment dans la mesure où les choix affectant celles-ci étaient
difficilement réversibles.
Il a ensuite souligné la place particulière du
transport
aérien
dans la mesure où un litre de carburant
brûlé en haute altitude équivaut à 2,7 litres de
carburant pour les véhicules automobiles dans l'émission de gaz
à effet de serre. Il a noté que
l'avion ne payait pas le prix
de ses nuisances (pas de taxation du kérosène)
, d'autant que
les chambres de commerce subventionnent largement les aéroports.
Au sujet des relations entre les élus et la population en matière
d'environnement, il a estimé qu'en général,
les
citoyens
étaient davantage prêts à accepter des
adaptations que les élus ne le croyaient. Toujours au sujet des
transports, il a remarqué que les Contrats de Plan entre l'Etat et les
Régions (CPER) signés en 1999 accordent encore majoritairement
leurs faveurs aux routes. Il s'agit pourtant de l'un des actes politiques
majeurs influençant l'effet de serre. Par exemple, dans la région
d'élection du Premier ministre, le CPER accorde environ 80 % des
crédits aux routes. Cela est trop souvent le cas et traduit
une
absence de concurrence dans les choix de transports collectifs
Cela est
dû notamment aux moyens importants de l'Etat (DDE, DRE) dans la
préparation des projets.
Dans l'activité de conseil de l'INESTENE, celui-ci s'est beaucoup
intéressé aux
économies d'énergie
et a
constaté qu'existait une législation très restrictive en
matière d'innovation touchant à la consommation
électrique. La vérité des coûts de connexion, en
particulier en zone rurale, reste insuffisante pour montrer les surcoûts
des solutions les plus économes.
L'INESTENE a également étudié l'évolution de
la
demande en électricité
pour le Commissariat
Général du Plan lors de l'élaboration du rapport
« Energie 2010-2020 : les chemins d'une croissance
sobre »
, en septembre 1998. Il a ainsi établi des courbes
de charges de puissances installées par usage. Il a relevé au
passage la nécessité de multiplier les lieux de débat sur
ces thèmes et a déploré que le travail sur la demande
reste peu présent dans les services de l'Etat par rapport à
l'offre.
M. Antoine BONDUELLE a beaucoup insisté sur la nécessité
de recourir à
des experts indépendants
comme ceux de
l'INESTENE pour les questions environnementales et a observé que,
d'après son expérience, les paris liés aux
économies d'énergie
se révélaient toujours
gagnants pour les politiques.
Revenant sur le rapport établi pour le Commissariat
Général du Plan, il a précisé que ce document avait
été affaibli par le refus de toute polémique entre les
producteurs d'énergie, très présents dans ces forums. Or,
selon lui, cette recherche de « consensus mou » n'est pas
souhaitable lors d'un tel débat. Cela confirme aux yeux de M. Antoine
BONDUELLE, qu'il est indispensable de recourir à
une pluralité
de modèles
pour lancer un vrai débat. Cela a fini par
être possible également aux Etats-Unis d'Amérique lorsque
des modèles de consultants extérieurs ont enfin été
retenus parmi les bases de discussions.
En matière de
transports
, il a relevé que les
conséquences des choix des politiques étaient encore impossibles
à chiffrer.
En revanche, en matière
d'énergie
, il a regretté
qu'un seul modèle, oublieux de certains paramètres, celui de la
Banque Mondiale, soit donné gratuitement aux pays du Tiers monde pour
déterminer le nombre de centrales électriques à
créer
(31(
*
))
. Cela accentue
encore la tendance des organismes internationaux à favoriser les
solutions moins respectueuses de l'environnement.
Après avoir estimé que la
Loi Barnier
sur l'environnement
représentait un progrès certain pour un débat aussi lourd
que le changement climatique, M. Antoine BONDUELLE a ensuite insisté sur
l'importance des techniques de
recyclage
, sur l'intérêt
d'étudier la fabrication des
bio-carburants
à partir des
matériaux agricoles ; les spécialistes semblant davantage
prêts à s'adapter à ces nouvelles techniques que les
économistes. Il a mentionné l'existence d'un rapport
américain réalisé par les principaux laboratoires publics
des Etats-Unis sur l'énergie
(31(
*
))
qui, se référant
à chaque branche de l'économie, préconise l'utilisation de
l'éthanol et du méthanol. Par ailleurs, il a relevé
qu'aujourd'hui, même si les taillis cultivés n'existent que dans
le Pas-de-Calais, il pourrait être envisagé la création
d'un service public de fourniture de plaquettes de bois
déchiqueté pour développer
le chauffage au bois
.
En terminant, M. Antoine BONDUELLE a indiqué qu'un rapport de la
Compagnie pétrolière SHELL indiquait que
la biomasse
pourrait devenir la première énergie en 2050. Puis, il a
énuméré un certain nombre d'études, dont certaines
menées par l'INESTENE propres à faciliter la rédaction du
rapport de l'OPECST sur le changement climatique
(32(
*
))
.
INSTITUT NATIONAL D'AGRONOMIE DE PARIS-GRIGNON
(
INA P-G)
M. Alain PERRIER
(33(
*
))
(8 octobre 2001)
Après avoir rappelé que
le cycle de l'eau et
le
changement climatique
étaient très liés, M. Alain
PERRIER a noté que le premier facteur de l'effet de serre était
la vapeur d'eau et que, dès 1860, FOURIER avait entrevu le
problème que pourrait constituer l'intensification de l'effet de serre.
Il a rappelé que le gaz carbonique, le méthane, le protoxyde
d'azote, les chlorofluocarbones et la vapeur d'eau étaient tous des gaz
à effet de serre.
Il a relevé qu'un changement climatique accompagné d'une
augmentation de la température entraînait un changement du cycle
de l'eau puisque la quantité d'eau en jeu variait.
M Alain PERRIER a souligné que l'intensification de l'effet de serre
et le réchauffement subséquent peuvent être
pronostiqués pour cinquante à cent ans au moins compte tenu des
gaz déjà présents dans l'atmosphère.
Certes,
personne ne peut prouver que l'augmentation de la température ne vient
pas de quelque chose d'inconnu autre que l'action anthropique, mais le
rôle déterminant de l'homme dans ce processus de
réchauffement est éminemment probable.
Au sujet de
la fonte des glaces
, M. Alain PERRIER a indiqué que
se produisait actuellement la fonte des châteaux d'eau naturels
alimentant beaucoup de pays nordiques et que le niveau de la mer pouvait en
être modifié d'environ dix centimètres en cent ans, ce
phénomène pouvant d'ailleurs s'accélérer
jusqu'à atteindre 30 ou 40 cm avec des effets secondaires, ce qui est
tout à fait considérable et propre à générer
des risques beaucoup plus grands.
Quoi qu'il en soit, il a estimé qu'il fallait
davantage redouter les
événements accidentels que les moyennes d'évolution
et
à ce titre, la hausse du niveau de la mer peut être
considérée comme le problème numéro un.
Sur la question de
l'augmentation de la température
de deux
à trois degrés, M. Alain PERRIER a jugé que cette
amplitude n'était pas négligeable et qu'elle pouvait
entraîner des remontées vers le nord des zones
tempérées, sans exclure des risques d'accidents comme, par
exemple,
des pullulations d'insectes
. De plus, même si les
gelées devenaient plus rares,
des phénomènes de
dessèchement
ou de mort physiologique -des échaudages-
pourraient survenir, même en Beauce, et qu'il serait important de
prévoir l'implantation de
variétés adaptables
et de
mener
des recherches sur la désertification.
M. Alain PERRIER a aussi estimé que
l'augmentation de la vapeur
d'eau
modifiant le cycle de l'eau -une molécule d'eau dans
l'atmosphère étant recyclée en douze jours après
évaporation- de plus grandes quantités de vapeur d'eau seraient
disponibles selon l'augmentation de température et donc plus d'eau
à condenser, entraînant davantage de mouvements orageux,
d'où l'apparition
d'un climat plus erratique
et
de pluies
plutôt plus abondantes
.
De tels phénomènes ont déjà existé, par
exemple, il y a 8 000 ans, pendant la période la plus chaude de
l'interglaciaire,
le Sahara
était alors redevenu fertile
quoique également très chaud, mais il recevait davantage de
retours qu'aujourd'hui sous forme de pluies.
Au sein du GIEC, M. Alain PERRIER a relevé
deux périodes qui
semblent déjà montrer l'accélération du cycle de
l'eau ;
ces périodes
particulièrement
étudiées sont celles
de 1955 à 1975
et
de 1975
à 1995
. L'augmentation de température s'est
accompagnée d'un accroissement de 5 à 10 % des
précipitations, ce qui n'est pas forcément une catastrophe ;
de gros orages se forment sur les continents, les nappes phréatiques
sont avantagées. Mais
la gestion de l'eau devrait être plus
délicate
: contraste hiver-été, moins de stockage
sous forme de neige ou glace, et surtout pluies plus erratiques : les
rivières plus sèches en été et des
écoulements très rapides à gérer, lors des orages
plutôt plus abondants.
Dans un tel contexte
, il est possible que l'agriculture s'adapte sur un
délai d'une dizaine d'années
tandis que les forestiers
manifestent de l'inquiétude et attachent beaucoup d'attention au choix
des variétés à planter aujourd'hui pour après
demain (100 ans).
Quoi qu'il en soit, M. Alain PERRIER a noté que
la France
ne
deviendrait pas un désert, même si l'augmentation du
CO
2
et les impacts de son effet ne seront pas ralentis de
sitôt.
En effet,
un doublement -voire un triplement- des seuils de concentration
actuels de gaz carbonique risque de survenir
accompagné, le cas
échéant, d'un phénomène positif, souvent
signalé avec l'augmentation de la concentration de gaz carbonique,
à savoir
l'accélération de la croissance des plantes
(photosynthèse)
. A ce sujet, M. Alain PERRIER a souligné que,
depuis un siècle, la croissance de la forêt française avait
augmenté de 20 % sous l'action de plusieurs facteurs : les
pluies acides, plus bénéfiques que négatives dans la
mesure où elles apportent des engrais, l'augmentation de la
température et une gestion plus serrée de la forêt. De
plus, de manière générale, l'apport d'engrais a
constitué une révolution.
Quant à
l'augmentation probable de température
, elle
concernera davantage les températures minimales
que les
températures maximales, ce qui est favorable à la croissance des
plantes. L'intensification de l'effet de serre empêchera donc un
refroidissement excessif la nuit, l'effet de serre étant plus
évident la nuit que le jour. Or, cela n'est pas pour déplaire aux
plantes qui n'aiment pas les refroidissements qui est ralentie par les
refroidissements nocturnes.
La photosynthèse s'accélèrera. Des rétroactions
apparaîtront. L'augmentation de la vapeur d'eau accentuera les pluies.
Cependant, M. Alain PERRIER a insisté sur le fait que
l'accroissement
du nombre de nuages peut très vite compenser l'effet de serre
, la
rétroaction négative des nuages pouvant être forte ;
heureusement, les modèles déduisent plutôt le contraire
(rétroaction faible), ce qui est assez logique puisque
généralement la rétroaction ne peut jamais dépasser
l'action.
Quant à
la régulation climatique de la température
,
assurée largement par les glaces et les océans, à raison
de 4/6
èmes
pour les glaces et de 2/6
ème
pour les océans, les modèles couplés
continent-océan montrent que des rétroactions de grande ampleur
se développeraient en cas de changement climatique, qu'elles seraient
beaucoup plus complexes et que des processus de transferts peu connus
aujourd'hui pourraient même apparaître.
M. Alain PERRIER a aussi évoqué
les changements climatiques
historiques
importants survenus à la fin du
Moyen-Age
(XIème au XIIIème siècle) et durant
le petit âge
glaciaire
(XVIème et XVIIème siècle) en notant que
ceux-ci n'avaient affecté probablement qu'une partie de l'Europe
contrairement au réchauffement actuel qui est global.
Dans cette évolution, il a estimé que
la plasticité des
espèces devrait permettre aux écosystèmes de trouver un
équilibre
malgré l'évolution des bilans hydriques des
sols et du climat.
Par ailleurs, il a noté qu'
une augmentation du gaz carbonique
favoriserait la prolifération du plancton
, et surtout des algues
près des continents du fait des apports de nutriments par les eaux
continentales.
En outre, concernant
l'aridification
, tous les phénomènes
physiques semblent aller dans le même sens : si la quantité
d'eau qui s'évapore vient à diminuer sur de grandes surfaces, les
pluies tendent à se raréfier d'où le début d'un
cycle infernal, pour les plantes et donc pour le climat local qui s'aridifie.
A propos des
forêts
, M. Alain PERRIER a estimé que
celles-ci constituaient
le meilleur régulateur
, notamment le
meilleur évaporateur à travers l'existence d'un très grand
système racinaire comme d'un très important stock d'eau
végétal. Par comparaison, un champ de blé est un espace
quasiment vide qui contient seulement dix à quinze kilos d'eau et qui en
évapore cinq par mètre carré et par belle journée,
alors qu'un arbre en milieu sec peut encore puiser dans son tronc une partie
de l'eau qui s'y trouve. De plus, les racines des arbres sur pied peuvent
descendre à plusieurs mètres de profondeur et parfois à
plusieurs dizaines de mètres.
Avec
la déforestation
apparaît une diminution du retour en
eau régional et une arifidification. Le rayonnement du soleil
associé à la sécheresse de l'air, d'autant plus grande que
le manque d'eau -donc d'évaporation, ne le réhumidifie pas-
constituent le moteur de l'évaporation. Aussi, si le climat demande trop
d'eau, et que la plante ne peut fournir assez d'eau pour l'évaporation,
il y a dessèchement de la plante
. De fait,
au-dessus d'une
température de 37° à 40°
, en cas de
sécheresse et de chaleur associée, les plantes supportent
très mal de telles conditions et le processus de désertification
qui s'amorcerait serait, dans ces conditions, difficile à modifier.
C'est ainsi que, dans le sud algérien, peuvent s'observer aujourd'hui
encore des auréoles de désertification autour des anciens thermes
romains présents il y a 2000 ans mais qui avaient trop sollicité
leur environnement.
M. Alain PERRIER a aussi insisté sur
les accidents
risquant de
survenir par exemple une sécheresse comme celle de 1976, qui produit de
graves dégâts sur les forêts pendant plusieurs années
(dépérissement). Si de telles années deviennent trop
fréquentes, de même que des tempêtes ou même des
excédents d'eau, de vraies difficultés apparaîtront,
augmentées probablement par des phénomènes de pullulation
d'insectes ou de diverses pathologies.
A propos de
la faune
, M. Alain PERRIER a indiqué que les ovins et
les bovins supportaient bien le froid et même les fortes chaleurs
(grâce à la transpiration, à l'accélération
du rythme de la respiration) alors que
les oiseaux
ne transpirent pas du
tout et ne disposent d'aucun mécanisme de régulation thermique en
dehors du vol (accélération des échanges par la vitesse de
vol et baisse de la température ambiante en altitude) ; en fait,
au-delà de 41°, ils meurent ne pouvant assurer la dissipation de
leur énergie. De leur côté, les porcs, les sangliers, les
rhinocéros et les éléphants ne transpirent pas et sont
donc amenés à s'humidifier pour se rafraîchir.
Au sujet de
la biodiversité
,
des atteintes
irréversibles risquent d'y être portées si le climat
change,
surtout dans la mesure où il y aurait davantage d'accidents
et où le nombre d'espèces en interaction du système
viendrait à diminuer. Cependant, pour M. Alain PERRIER,
la dynamique
de l'évolution est tellement puissante qu'elle limitera probablement en
partie ces atteintes
. Beaucoup de systèmes évoluent plus vite
qu'on le pensait, par exemple, les pains de sucre de la Baie de Rio
recréent leur sol tous les cinquante ans : les herbes, puis les
arbres s'y insèrent grâce aux fissures, retiennent
poussières, matières organiques, etc... et forment un sol et
c'est leur poids qui entraîne leur chute et celle de la terre lentement
accumulée où ils trouvaient de quoi se développer, ce qui
n'empêche pas le redémarrage de la formation du sol et le
même phénomène de glissement de se reproduire quelques
dizaines d'années plus tard.
Une préservation par les jardins
botaniques, les banques de graines, des espaces écologiques riches sous
protection, etc... est un point important pour le futur.
En conclusion, M. Alain PERRIER a rappelé que l'homme avait
détruit un grand nombre de milieux naturels entraînant une
décroissance très sensible et rapide du nombre d'espèces
mais qu'il se nourrit essentiellement (95 %) avec moins de 25
espèces végétales (2/3 du riz cultivé se fait avec
une seule variété) d'où l'idée que
l'homme a
peut-être davantage à redouter de lui-même que du changement
climatique
dans sa progression vers le monde de demain qui peut devenir
entièrement artificiel et désertique.
INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE
(I. N. R. A.)
M. GHISLAIN GOSSE
DIRECTEUR DE RECHERCHE
(24 novembre 1999)
M.
Ghislain GOSSE a noté que l'évaluation des flux du monde agricole
était plus difficile à effectuer que celle du monde industriel,
d'où
une réalité agricole encore mal cernée
.
Il a attiré l'attention sur la culture du maïs qui, en 20 ans, est
remontée du midi au nord de la France, ce qui illustre
les
capacités d'adaptation à des différences de
température, par la voie de la génétique, du monde
agricole
. Il a indiqué qu'en général,
l'absence
totale des périodes de froid pouvait être préjudiciable aux
espèces
comme les céréales d'hiver qui ont besoin de
froid pour la réalisation de leur cycle reproducteur.
Il a estimé qu'
une augmentation de 1° ou 2° ne devrait
avoir que des effets mineurs sur les plantes
, mais
des effets plus
importants
pourraient être constatés
sur les
pathogènes
. qui effectueraient des cycles de développement
plus nombreux.
Abordant la question de
l'eau
, facteur déterminant dans le
secteur agricole, M. Ghislain GOSSE a noté que dans
de nombreuses
régions, l'activité agricole ne sera pas prioritaire.
C'est
ainsi que la canne à sucre risque de disparaître en Andalousie
faute d'irrigation car celle-ci entre en concurrence avec l'exigence d'eau
liées aux activités touristiques.
Il a observé aussi que si les prévisions de température
étaient de plus en plus fiables et réalistes, ce n'était
pas encore le cas pour
la pluviométrie
. En agriculture, la
quantité d'eau reçue et sa distribution dans le temps sont deux
éléments indissociables tant pour l'élaboration du
rendement que pour les impacts sur l'environnement (pollution des nappes). Il a
aussi insisté sur le caractère transitoire que devrait prendre
l'irrigation en France
car cette habitude s'oppose au développement
durable.
Il a insisté ensuite sur
l'effet négatif de certaines
productions
. C'est ainsi que
le lisier de porc contenant de l'ammoniac
(NH
3
)
-qui ne contribue certes pas à l'effet de serre-
risque de transformer certaines zones agricoles ou naturelles car après
une période de meilleure croissance, la fertilité se
réduit du fait de l'acidification des sols. En France, l'agriculture
produit 95 % des émissions d'ammoniac.
Pour évaluer l'impact de l'effet de serre, M. Ghislain GOSSE a
jugé essentiel de le resituer dans un cadre général afin
de ne pas provoquer des transferts de pollution
. C'est ainsi que, pour
réduire les nitrates, il serait tentant de prévoir des zones de
dénitrification mais celles-ci auraient pour effet de transformer de
l'azote du sol en oxyde nitreux qui est un puissant gaz à effet de
serre.
L'analyse du cycle de vie complet d'un produit est donc
nécessaire
, particulièrement dans le cas de l'épandage
de boues où il convient d'éviter le transfert de pollution de
l'urbain vers le rural. En réalité,
les choix entre les
diverses formes de pollution sont des choix politiques
comprenant des
mesures différentes selon qu'il aura été choisi de
raisonner à l'échéance d'application du protocole de
Kyoto, ou de 2050 ou encore de 2100.
Par exemple, à l'échelle de l'échéance de Kyoto,
une
reforestation
suivant une déforestation massive donnerait un
bon taux de respect des accords qui auraient simplement été
tournés, d'où l'importance de l'échelle de temps.
Selon M. Ghislain GOSSE, il est probable que les grandes
zones
céréalières
ne bougeront pas, mais les zones
marginales d'aujourd'hui ne sont peut être pas celles de demain.
En conclusion, M. Ghislain GOSSE a estimé nécessaire
d'étudier l'importance du
carbone dans le sol
dans la mesure
où le sol représente un mode de séquestration du carbone
mais aussi parce qu'il a des impacts positifs sur la faune et la matière
organique, ce que l'agriculture durable s'efforce de prendre en compte. Les
États-Unis d'Amérique commencent à mettre cela en avant
pour stocker le carbone dans la Grande Prairie en liaison avec les
écosystèmes naturels.
INSTITUT NATIONAL
DE RECHERCHE
AGRONOMIQUE
(INRA)
M. BERTRAND HERVIEU,
PRÉSIDENT,
M. JEAN BOIFFIN,
DIRECTEUR SCIENTIFIQUE,
ENVIRONNEMENT, FORÊT ET AGRICULTURE
M. PIERRE STENGEL,
DIRECTEUR SCIENTIFIQUE ADJOINT
ENVIRONNEMENT, FORÊT ET AGRICULTURE
M. GHISLAIN GOSSE,
DIRECTEUR DE RECHERCHE EN BIOCLIMATOLOGIE,
M. BERNARD SEGUIN,
CHEF DE DEPARTEMENT ADJOINT
DÉPARTEMENT ENVIRONNEMENT ET AGRONOMIE
(20 décembre 2000)
Pour
l'Institut national de recherche agronomique (INRA),
les sciences de
l'environnement figurent comme la première des cinq grandes orientations
scientifiques à quatre ans
qui ont été choisies pour
structurer cet Institut. Environ 25 % des forces de l'INRA sont
consacrées à cet objectif.
Après une présentation des moyens de l'INRA par M. Bernard
SEGUIN, celui-ci a esquissé une carte des gammes de potentialité
des productions agricoles en cas de changement climatique. Il a indiqué
que l'INRA travaillait sur les échanges des gaz à effet de serre
en relation avec l'agriculture et la forêt (CO
2
,
N
2
O, oxyde nitreux, CH
4
méthane), puis a
rappelé que
l'évaporation de l'eau du sol
et
l'évapotranspiration
constituaient des thèmes de
compétences de l'INRA.
M. Ghislain Gosse a précisé que, même si la vapeur d'eau
est le plu s important gaz à effet de serre, les bandes d'absorption de
celle-ci sont déjà saturées, et donc qu'une
quantité supplémentaire ne changerait rien à la situation
actuelle. En revanche,
la variation de la pluviométrie, notamment ses
distributions spatiales et temporelles, au cours des années à
venir doit être étudiée en priorité.
M. Pierre STENGEL a insisté sur l'importance de
la prise en compte du
rôle global de l'agriculture dans le cycle de l'eau
, qui agit sur la
ressource disponible et le régime des eaux, bien au-delà des
5 milliards de mètres cubes prélevés pour
l'irrigation. L'équilibre forêt-agriculture, la part des prairies,
la durée des cycles végétatifs affectent les
quantités drainées et le ruissellement. D'autre part, il convient
de considérer non seulement les variations des hauteurs
pluviométriques mais aussi l'évolution possible de
l'intensité des événements pluvieux et de leur
distribution temporelle. Les hypothèses d'accroissement de la
fréquence d'événements extrêmes et de plus grande
concentration des pluies dans la période hivernale impliquent des
besoins pour l'irrigation et des risques de crues catastrophiques accrues. Les
deux convergent pour inciter à la réflexion sur les
aménagements préventifs souhaitables.
M. Jean BOIFFIN a noté que même si les changements actuels de
pluviométrie ne sont pas causés par le climat, il est utile de
s'en servir pour en tirer des conclusions.
M. Pierre STENGEL a rappelé l'intérêt de connaître et
représenter avec précision
le cycle de l'eau
. Ainsi, le
prélèvement domestique, qui représente, lui aussi,
approximativement 5 milliards de mètres cubes, est-il à
différencier du prélèvement pour l'irrigation. Le premier
retourne pour une large part à l'hydrosystème, nappes et cours
d'eau, le deuxième est majoritairement évaporé.
Il a ensuite évoqué un autre gaz à effet de serre, le
méthane
, dégagé notamment par les ruminants. Il a
souligné, à ce sujet, un élargissement du débat sur
l'intensification de l'élevage. Dans ce cas, une même
quantité de lait totale produite par un nombre plus faible de vaches
à haute productivité aboutit à une émission
réduite de méthane.
Il a enfin relevé que peu de données sont disponibles sur les
émissions de méthane par
les zones humides
sur notre
territoire et que
l'évaluation des puits de carbone donne lieu
à des estimations très incertaines
. Les acquisitions de
nouvelles données et l'amélioration des modèles sont en
cours sur ce point, en particulier grâce au soutien du programme GICC
(Gestion et Impact du Changement Climatique) soutenu par le Ministère de
l'Aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean BOIFFIN a relevé
le retard de la France en observation de
l'environnement
, notamment en ce qui concerne les données
nationales, alors qu'aux Etats-Unis d'Amérique et dans les pays
anglo-saxons ces éléments existent, notamment des cartes des sols
très détaillées. En conséquence,
lors des
négociations internationales, la France manque d'outils techniques
pour contrer les chiffres produits par les Américains.
M. Ghislain GOSSE a estimé nécessaire de disposer d'outils
d'évaluation de
la dynamique de stockage du carbone dans les sols
.
Au sujet des
biocarburants
, M. Ghislain GOSSE a fait observer que leurs
écobilans ont été réalisés. Tous les bilans
de gaz à effet de serre sont en leur faveur : les filières
ester d'huiles végétales (colza notamment) sont de ce point de
vue les plus performantes alors que l'émission de gaz carbonique lors de
la fermentation pénalise les filières éthanol (ex.
blé ou betterave).
Il a noté ensuite que
l'utilisation traditionnelle du bois est
restée d'une efficacité limitée
, et que
les
techniques de cogénération
(chaleur +
électricité) seraient bien plus efficaces. Toutefois, en
l'absence de réseaux de chaleur, l'utilisation de la chaleur
dégagée reste aujourd'hui problématique. Il a
rappelé ensuite l'existence du
rapport du Commissariat
général du plan sur les énergies renouvelables.
M. Jean BOIFFIN a souligné que les retournements supplémentaires
de prairie liés à l'évolution des quotas laitiers avaient
abouti à un déstockage involontaire mais important de carbone du
sol. Cet exemple illustre l'intérêt d'
étudier l'impact
des évolutions économiques, et des mesures politiques qui les
orientent, sur les émissions de gaz à effet de serre
. Cela
n'est fait qu'exceptionnellement.
M. Bertrand HERVIEU a indiqué qu'un
comité stratégique
de l'INRA
sera constitué, pour mener une réflexion à
long terme sur l'agriculture.
Il a rappelé
les différentes préoccupations des
principaux organismes de recherche liés à l'agriculture
. Il
existe entre eux une véritable complémentarité et un
partage des compétences clair dans la majorité des domaines.
L'ingénierie des équipements et aménagements relève
ainsi plus spécifiquement du CEMAGREF, l'étude des
systèmes techniques de production agricole et forestière de
l'INRA.
Leur coopération permet d'aborder de manière
intégrée
les bilans environnementaux
en tenant compte des
impacts directs des cultures, tels que ceux de la fertilisation azotée,
des consommations énergétiques, et de la chaîne de
recyclage des effluents (traitement, épandage, ...). Il a ensuite
rappelé que
la consommation de carbone fossile par l'agriculture
est limitée. Son poste principal, la consommation de carburant par les
véhicules, ne dégage qu'environ 1,5 million de tonnes de carbone.
En conclusion, M. Bertrand HERVIEU a souhaité que des débats
soient ouverts sur
la reconfiguration des liens entre la recherche publique
et les forces économiques et sociales
.
Références :
Comptes rendus de l'Académie d'Agriculture de France, 1999 -
« Bilan et gestion des gaz à effet de serre dans l'espace
rural ». Colloque Académie d'Agriculture, Ministère de
l'Aménagement du territoire et de l'environnement, 18-19 mars 1999,
85-6, 392 p.
J. Boiffin, P. Stengel, 1999 - « Réapprendre le sol :
nouvel enjeu pour l'agriculture et l'espace rural ». DEMETER 2000,
Économie et stratégies agricoles, Armand Colin éd., p
72-147.
B. Seguin, P. Stengel, - « Effet de serre et changement
climatique ». A paraître INRA Mensuel, Printemps 2002.
R. Delécolle, J.F. Soussana, J.P. Legros (1999). « Impacts
attendus des changements climatiques sur l'agriculture
française ». C.R. Acad. Agric. Fr., 85, n°4, pp.45-51
R. Delécolle, P.A. Jayet, J.F. Soussana (1998) « Agriculture
française et effet de serre : quelques éléments de
réflexion ».. In « Impacts potentiels du changement
climatique en France au XXIème siècle », ouvrage
collectif éd. par MIES, Imprimerie Nationale Paris, pp. 77-80
G. Aussenac, J.M. Guehl (1998) « Impact sur la forêt et la
sylviculture ». Ibidem, pp. 81-87.
INSTITUT PASTEUR
PROFESSEUR FRANÇOIS RODHAIN
(10 octobre 2000)
En
préambule, le Professeur François RODHAIN a indiqué en
réaction au libellé du sujet de l'étude de l'Office
parlementaire qu'il lui semblait important de ne pas trop focaliser son
attention seulement sur
la
France
dans la mesure où
celle-ci
a un rôle mondial à jouer dans le domaine des maladies
à transmission vectorielle
.
Il a précisé ensuite que ces maladies infectieuses étaient
son seul domaine de compétence.
Le Professeur François RODHAIN a souligné la très
importante
recrudescence des maladies infectieuses
depuis une vingtaine
d'années, ce qui s'explique à la fois par les importantes
modifications économiques liées aux activités humaines, et
par la croissance démographique.
La déforestation, la gestion des eaux, les nouvelles techniques
d'agriculture et d'élevage, notamment l'agriculture irriguée, la
multiplication des déplacements, le changement climatique, expliquent en
partie cette recrudescence, liée aussi aux traitements médicaux
modernes (transfusions, greffes) et au relâchement des politiques
sanitaires, notamment celui des campagnes de vaccination.
Dans l'hypothèse où le réchauffement climatique serait
réel, et seulement dans ce cas,
les médias
soulignant trop
souvent les conclusions alarmistes d'une évolution climatique
éventuelle, le Professeur François RODHAIN a regretté que
les prévisions apocalyptiques reprises par les médias ne soient
pas assez réfléchies. Il a rappelé que
les
modèles climatiques
ne sont pas tout à fait au point dans la
mesure, par exemple, où ils ne prennent pas en compte toutes les
données, notamment celles qui ont trait aux comportements humains, et
où ils n'ont pas vraiment la capacité de prévoir tous les
changements.
Le Professeur François RODHAIN a indiqué aussi que
la
répartition
géographique des maladies à vecteur
était habituellement différente de celle des vecteurs
eux-mêmes.
En effet, les vecteurs sont présents dans des zones plus étendues
que celles des maladies qu'ils véhiculent. De plus, d'autres facteurs
interviennent dans la propagation de la maladie, ce qui est illustré par
le fait que l'intensité de propagation de la maladie n'est pas
forcément proportionnelle à la densité du vecteur. De
même, l'incidence de la maladie, comme celle du vecteur, ne sont pas
proportionnelles, forcément, à l'intensité de la
transmission. En outre, le nombre de morts n'est pas obligatoirement
proportionnel au nombre de cas de maladie. C'est ainsi qu'en Afrique,
concernant
le paludisme
, on trouve parfois cinquante fois plus de
moustiques qu'il n'en faut pour assurer la transmission, ce qui incite à
relativiser l'augmentation ou la diminution des vecteurs dans une région
donnée.
Actuellement en France, les maladies à vecteur sont peu
répandues
. Le paludisme a même disparu. Le vecteur est
pourtant toujours présent mais il peut y avoir anophèlisme sans
paludisme. De même, durant le petit âge glaciaire, au
XVIIème siècle, le froid n'empêchait pas la présence
du paludisme, ce qui montre que
la température n'est pas le seul
facteur
lié à ce risque d'affection. On peut également
supposer que si la température augmente, l'influence de cette hausse
sera limitée.
A propos du
virus
West-Nile
en Camargue
, le Professeur
François RODHAIN a souligné que des cas sont observés en
automne mais non en hiver. Ce virus dont l'impact reste limité est
apporté par des oiseaux migrateurs venus d'Afrique. Il ne s'agit pas
d'un problème de santé publique. Il est probable qu'il n'y a
d'ailleurs là aucune incidence du changement climatique.
Quant au
virus de l'encéphalite à tiques
, le climat seul
n'est pas susceptible d'en modifier la propagation.
En cas d'augmentation de la température
,
les leishmanioses
(34(
*
))
pourraient
s'étendre
et remonter vers le nord de la France pour certaines
variantes de la maladie.
Pour
les puces et les poux
, rien n'est modifié par le climat et
le typhus
continue de se manifester l'hiver.
Aux yeux du Professeur François RODHAIN, le problème actuel
réside plutôt dans
l'introduction de vecteurs encore absents de
France
. Tout est possible dans ce domaine puisqu'environ 5000 à 6000
cas de paludisme sont introduits par des voyageurs, ce qui provoque environ
25 morts par an, mais il s'agit de cas isolés et non de
réservoirs alors qu'un phénomène plus important avait
été observé au moment du retour des Français
d'Algérie. Une réaction rapide et efficace avait eu lieu à
cette époque.
C'est maintenant
le risque de la dengue
qui pourrait devenir important.
C'est
un problème de santé publique mondiale
. Avant la
seconde guerre mondiale, il provoquait des épidémies dans le
Bassin méditerranéen, véhiculées par l'
Aedes
aegypti
. Maintenant la dengue, qui existe aux Antilles ou dans d'autres
régions touristiques, est souvent rapportée par les voyageurs.
De plus, l'
Aedes Albopictus
est arrivé en Europe. Du fait du
transport de vieux pneus, en partie à l'occasion d'un commerce
parallèle, ce moustique d'origine asiatique a gagné les
Etats-Unis d'Amérique et le Mexique, puis l'Albanie, l'Italie
(Gênes), puis tout le nord de l'Italie. En octobre 1999, un foyer fut
observé en Normandie et un dans le Poitou. Peu sensible au froid, ce
vecteur a tendance à remonter vers le nord et a été
observé notamment à Pékin.
Contre la dengue, il n'existe ni traitement, ni vaccin. L'issue en est la
guérison ou la mort.
Dans ces conditions, l'apparition de cas hémorragiques en Asie,
concernant notamment les enfants, montre la nécessité absolue de
repérer les foyers d'infection afin d'élaborer une politique de
prévention et de la mettre en oeuvre en temps utile.
Les moustiques sont très faciles à identifier en France, mais il
existe
une pénurie d'entomologistes médicaux
indépendamment de la simplicité de principe du problème.
Dans le Languedoc, il existe une entente interdépartementale pour la
démoustication.
Abordant la situation dans
les DOM-TOM
, le Professeur François
RODHAIN a rappelé qu'en
Guyane
, le paludisme est actuellement en
recrudescence du fait de l'immigration clandestine avec des souches
résistant au traitement. La dengue est déjà
présente là-bas et également la fièvre jaune, mais
assez faiblement. Au total,
même une augmentation de
température de deux degrés ne changerait rien aux
problèmes posés
. Il en serait de même en
Martinique
et en
Guadeloupe
où l'on trouve
déjà la dengue, mais pas le paludisme, et à
La
Réunion
où l'on rencontre également la dengue et des
cas de paludisme importé.
Ces données ne devraient donc pas justifier une panique face à
l'augmentation de la température.
En
Polynésie
, l'on rencontre la dengue et la filariose
lymphatique. Des estimations locales des vecteurs sont possibles mais des
phénomènes de colonisation peuvent toujours survenir, ce qui fait
que les conclusions actuellement disponibles paraissent peu utilisables, mais
au contraire justifient la poursuite des recherches en cours.
Le Professeur François RODHAIN a donc estimé que, plutôt
que se focaliser sur la seule augmentation de la température, il
conviendrait de
s'intéresser aux associations entre augmentation de
la température et changement des précipitations
, ou
changement de la température et sécheresse, ce qui alors diminue
la présence des vecteurs alors qu'au contraire, la hausse de la
température alliée à l'accroissement de l'humidité
renforce la présence des vecteurs et leur longévité.
Ainsi, en
Ouganda
où sévit le paludisme, des facteurs
autres que le changement climatique sont à l'oeuvre ; les mesures
de lutte y perdent de leur efficacité et le paludisme est revenu dans
les mêmes limites qu'autrefois.
Aucun lien ne semble observé
aujourd'hui entre hautes températures et retour automatique du
paludisme
. Quelquefois l'arrivée progressive de celui-ci n'est
d'ailleurs qu'une arrivée provisoire.
De plus,
l'augmentation de la température doit elle-même
être analysée. S'agit-il de la moyenne annuelle, de la moyenne
journalière ou de la moyenne des températures minimales de la
nuit
? En fonction de l'un ou l'autre de ces critères, les
zones de présence des vecteurs seront modifiées en
conséquence. En outre, on peut supposer que, si le nombre de vecteurs
augmente du fait d'un changement climatique, le nombre d'ennemis naturels des
vecteurs augmentera parallèlement et rien n'exclut qu'un nouvel
équilibre soit trouvé.
Face à de telles interrogations, le Professeur François RODHAIN a
considéré qu'il est important de
raisonner en naturaliste,
c'est-à-dire en prenant en compte l'ensemble du contexte
. Or,
aujourd'hui, il n'y a plus de naturalistes, ce qui peut être
considéré comme catastrophique, l'esprit naturaliste
s'étant également perdu. Souvent, ces sciences ont
été considérées comme désuètes ou
inutiles. Ce manque de naturalistes est commun à l'ensemble des pays
développés, même si un petit sursaut a été
observé aux Etats-Unis d'Amérique.
D'une manière générale, le professeur François
RODHAIN a observé que toutes les espèces s'adaptent à
l'environnement, de même certains élevages, mais que l'homme a
tendance à faire le contraire.
S'ajoute à cela
le rôle déformant de l'information
qui amplifie les moindres catastrophes et génère une angoisse
collective. C'est ainsi qu'un article récent de l'hebdomadaire
«
Le Point
», accompagné de deux photos, a
donné l'alarme a propos du virus
West Nile
alors que seuls sept
chevaux avaient été touchés. Il y a là un exemple
de
confusion entre un problème de santé ponctuel et un
problème de santé publique
. Or, les médecins ont
précisément à s'interroger sur la différence entre
ces deux concepts lorsque, par exemple, une campagne de vaccination est
lancée et qu'elle risque de provoquer quelques cas victimes
d'importantes complications. Que choisir alors ? Prendre le risque de ces
quelques cas pour prévenir une maladie qui n'existe pas encore dans la
zone considérée ou choisir de sauver davantage de personnes
grâce à la campagne de vaccination dans
l'éventualité où la maladie viendrait à se
déclarer dans cette zone ?
Le Professeur François RODHAIN a déploré le nombre
excessif de
publications
pas assez fouillées et aux conclusions
trop peu nuancées, y compris parmi des publications scientifiques.
Il a aussi souligné
l'importance des modifications de
saisonnalité dans les modifications des périodes de transmission
des maladies
.
En conclusion, il a rappelé que
l'Institut Pasteur
, fondation
privée, comportait deux services d'entomologie médicale
regroupant environ quinze personnes et qu'une bonne liaison entre l'Institut
Pasteur et l'Outre-Mer existait.
Il a insisté sur l'importance du financement de la recherche en
précisant que les subventions de l'Etat à l'Institut Pasteur, qui
représentent plus d'un tiers de ses ressources, étaient
stagnantes, que les ressources tirées de son patrimoine comme des
expertises et des redevances atteignaient environ 40 % et que les
25 % restants, provenant des dons et legs, étaient
aléatoires. De plus, les revenus industriels diminuent. Enfin, la
concurrence avec l'INSERM et le CNRS est réelle et aucune embauche n'est
réalisée.
Sur la question particulière de
la recherche sur le climat et la
santé
, même si la France n'est pas absente, peu de choses sont
effectuées, par exemple, un festival international de géographie
tenu récemment à Saint-Dié avait comme thème
géographie et santé.
Par ailleurs, l'
IRD
(ex-ORSTOM) à Montpellier, associé
avec le CIRAD, recueille beaucoup d'images satellites très utiles, mais
l'Institut Pasteur est en dehors de ces observations.
Enfin, le Professeur François RODHAIN a regretté que les bourses
de thèses ne soient pas développées et que des stages
à l'étranger après la thèse ou traduisant un
changement d'orientation ne soient pas facilités, les Français
étant ainsi pénalisés par rapport aux
chercheurs
étrangers.
INSTITUT PIERRE-SIMON LAPLACE
(I. P. S. L.)
M. HERVÉ LE TREUT,
LABORATOIRE DE MÉTÉOROLOGIE
(24 avril 2001)
M.
Hervé LE TREUT a tout d'abord rappelé que les modèles de
simulation numériques du climat actuels étaient l'aboutissement
de
plus de trente années de recherche
, ce qui correspond à
la période d'apparition des ordinateurs de forte puissance. Il existe en
la matière un défi à relever :
peut-on, à
partir des lois de la physique, « reconstruire » la
planète
? Cet exercice est évidemment d'une grande
complexité, notamment du fait des interactions entre l'océan et
l'atmosphère et des oscillations de type
El Niño
. Pour M.
Hervé LE TREUT, la réponse à cette question est
très largement positive, car
la planète numérique peut
ressembler beaucoup à la planète réelle
. Pour autant,
les modèles ne sont pas des outils magiques permettant de
déduire le futur du présent
. A la limite, les modèles
font apparaître davantage de certitudes pour les années 2050 et
2100 que pour 2000. En effet, point n'est besoin de diagnostic fin de la
période actuelle pour appuyer les prévisions futures si celles-ci
sont caractérisées par une augmentation réellement massive
des gaz à effet de serre.
Les modèles de simulation des climats présentent essentiellement
trois types d'imperfections
.
Tout d'abord techniques, du fait du
maillage de la sphère
, car il
est nécessaire d'opérer un mélange physique de
l'échelle continentale avec des petites échelles, cette
difficulté provenant de la puissance limitée des ordinateurs.
Cependant, ces appareils ne cessent d'être améliorés :
jusqu'en 1980 le plus puissant ordinateur appartenait au CNES et il lui fallait
quarante heures de calculs pour simuler un mois de climat. Actuellement, la
même simulation prend une minute.
La seconde série d'imperfections provient des modèles physiques
employés qui ne saisissent pas
les aspects chimiques et biochimiques
de la réalité
. L'extrapolation des modèles est en
cours pour permettre cela.
La troisième série d'imperfections résulte du fait que
le climat est un système chaotique, pas entièrement
prévisible
. C'est pourquoi, même si la planète
numérique ressemble à la terre,
plusieurs histoires
climatiques sont à tout moment possibles, à partir d'une
situation donnée
.
De plus, les modèles décrivent l'atmosphère grâce
à de très grandes échelles horizontales, des milliers de
kilomètres, et ils fonctionnent bien sur ce schéma. Mais les
modèles
résolvent mal les échelles verticales, par
exemple les nuages
. Il faudrait arriver à retracer des mouvements de
l'ordre de quelques dizaines de kilomètres. Peut-être que
l'
Earth
Simulator
, ordinateur japonais mettant en réseau
plusieurs milliers de super ordinateurs et atteignant une puissance de 100
à 1000 fois supérieure à celle des ordinateurs actuels,
parviendra-t-il à cela.
M. Hervé LE TREUT a insisté sur le fait que
la
crédibilité de la recherche se joue en partie sur
l'efficacité des modèles climatiques
, la recherche
européenne devant être au même niveau que la recherche
américaine ou japonaise.
Divers scénarii sont explorés. Le premier, très simple,
est fondé sur
le doublement du gaz carbonique dans
l'atmosphère
, seuil qui devrait être atteint vers
2050
.
Cette hypothèse reste plausible. Elle implique que le gaz carbonique va
augmenter de 1 % par an dans l'atmosphère, étant admis pour
simplifier que ce pourcentage comprend l'ensemble des gaz à effet de
serre.
Quinze modèles ont tourné sur ce schéma, aboutissant tous
à l'année 2050, avec des divergences quant à
l'augmentation de la température moyenne
qui pourrait être
de 2° à 4 ° ; l'estimation basse de +
2 ° moyens correspondant en fait à + 4 ° sur
les continents et à davantage de réchauffement vers les hautes
latitudes.
Les précipitations
, quant à elles, devraient
frapper davantage les régions équatoriales et nos latitudes.
Elles seraient, à l'inverse, plus faibles dans les régions
tropicales, mais les localisations précises de ces
phénomènes demeurent difficiles à opérer. Une
troisième conséquence se traduirait par
le ralentissement de
la circulation atlantique
, du fait de la diminution de la salinité
des eaux, même s'il n'est pas encore question du risque de l'arrêt
du
Gulf Stream
à ce stade.
Après ces simulations idéalisées, une deuxième
génération de simulations utilisant les mêmes
modèles a été réalisée et servira de base au
futur rapport du GIEC, mais cette deuxième génération
n'est pas pleinement réalisée en France ; les laboratoires
français ne sont pas formellement saisis de recherches sur ce
thème. En fait,
il faudrait relier les incertitudes des
scénarii économiques à celles des modèles
climatiques en faisant coopérer économistes et climatologues
.
Lorsque le GIEC évoque
en 2100
une hausse moyenne des
températures oscillant entre + 2° et + 6 °, la
moitié environ de cette hausse est due au scénario
lui-même. Les mêmes causes d'incertitude affectent
l'élévation prévue du niveau des océans de 20
à 80 cm en 2100.
La question de l'impact des rétroactions entre la physique, la chimie
et la biochimie demeure centrale
. Elle est étudiée dans les
simulations de l'Institut Pierre-Simon Laplace et celles du Hadley Center. Des
émissions actuelles dans l'atmosphère, on peut estimer que
50 % du gaz carbonique restent dans l'atmosphère tandis que
50 % sont absorbés par les puits de carbone que sont les
océans et la végétation. Mais ces deux pourcentages
peuvent évoluer en cas de changement climatique.
Si le climat devient
plus chaud, il est vraisemblable que les puits de carbone absorberont moins de
gaz carbonique
du fait du
stress
hydrique et de la stratification de
l'océan -apparition d'une couche chaude en surface. Sur ces points les
modélisations ne sont pas encore très sûres. Au-delà
du problème du carbone, s'ouvre un domaine de recherche très
grand sur les problèmes de chimie (par exemple
interactions avec
l'ozone
qui ne sont pas bien traduites dans les modèles).
L'ensemble des modélisations réalisées à
l'instigation du GIEC souffrent d'une faiblesse qui consiste à
arrêter les simulations en 2100
. Or, les courbes, loin de
s'infléchir, croissent toujours en arrivant à ce terme. Il n'est
même pas exclu que les évolutions des océans comme de la
calotte glaciaire puissent s'accélérer au delà de cette
date. Cela renvoie aux
effets de seuils dans le climat
. C'est ainsi que
dans le passé, pour l'océan, ont existé des oscillations
très rapides. Si cela devait se reproduire, l'Atlantique pourrait
être différent et ressembler davantage au Pacifique, donc
être plus froid aux hautes latitudes. Par ailleurs
les glaciers et les
calottes glaciaires sont encore mal pris en compte dans les modèles.
Si le niveau des océans monte, il y aura d'abord une dilatation des
océans et une fonte des glaciers de montagne dans un premier temps, mais
par la suite, qu'adviendra-t-il de l'Antarctique dont une partie s'appuie sur
un socle rocheux situé en dessous du niveau de la mer ?
Il n'est
pas exclu qu'une hausse de plusieurs mètres du niveau des océans
intervienne mais elle n'aura lieu qu'au-delà de 2100
. Il y a
là un grand enjeu pour l'amélioration de la modélisation
dans les années qui viennent.
Une difficulté réside aussi dans le passage des
échelles globales aux échelles locales
. Pour la vaincre, une
première méthode consiste à imbriquer les modèles
en forçant un modèle régional. Les Scandinaves et les
Allemands essayent cette méthode. Une seconde, suivie par l'IPSL et
METEO FRANCE, consiste à retenir des modèles avec des mailles
variables (de 300 km pour l'ensemble de la planète et plus petites
pour la France), mais à partir des mêmes équations. La
troisième solution repose sur des statistiques qui sont affinées
à partir de moyennes.
Aucune de ces méthodes n'est parfaite. De plus,
les simulations
couplées ne sont utilisées que depuis cinq à dix ans et il
n'y a pas encore assez de recul scientifique pour en tirer tous les profits
.
Pour
la France
, les modèles décrivent
davantage de
sécheresse au sud et davantage de pluies au nord,
ce qui ne
constitue qu'une tendance probable, déduite d'un système
d'imbrications de probabilités. Il faudrait mener davantage
d'expériences mais ce travail ne devient que très progressivement
à portée des équipes actuelles.
Il est vraisemblable que
l'enneigement dans les stations de ski
diminuera
. METEO FRANCE travaille sur ce thème, à partir
d'une étude vallée par vallée.
Quant aux
événements extrêmes
, à petite
échelle, les tempêtes, les inondations, leur occurrence serait
modifiée et
ils seraient à redouter plus souvent qu'une fois
par siècle
.
Pour prendre une comparaison parlante, M. Hervé LE TREUT a
indiqué que
simuler le climat à venir revenait à jouer
avec un dé pipé
. C'est ainsi que si, par exemple, le 6
revient plus souvent, il faudra disposer d'un recul énorme pour voir si
le 6 est sorti par hasard ou si cette fréquence était liée
au dé pipé (c'est-à-dire aux activités humaines).
Quoi qu'il en soit,
des documents suffisants illustrant l'évolution
climatique au cours du passé récent manquent
. Il est donc
important de développer les recherches sur les données
climatiques historiques.
Par ailleurs,
une très grande inconnue réside dans les
nuages
, système très fin dont les effets
énergétiques sont très difficiles à analyser.
Parfois, des dispersions du simple au double dans l'élévation des
températures sont presque uniquement dues aux effets des nuages ;
les nuages expliquent la plus grande partie de la dispersion des
résultats liée aux modèles dans les projections actuelles
du GIEC. Ni les données paléoclimatiques, ni les
évolutions observées au cours des dernières années,
ne sont assez précises ou assez longues pour trancher ce
problème. S'ajoute à l'augmentation des gaz à effet de
serre, une augmentation des aérosols dont le rôle est très
important : ces derniers ont sûrement contribué à un
affaiblissement du réchauffement, mais
l'incertitude
demeure sur
l'importance de cet affaiblissement.
C'est pourquoi, encore une fois, M. Hervé LE TREUT a souhaité
insister sur le fait que
les modèles constituent des outils experts
très étudiés mais seulement pour évaluer un risque
et non pour fournir une prévision datée
.
Interrogé sur le niveau des
modélisateurs français
par rapport à leurs confrères internationaux, M. Hervé LE
TREUT a estimé que
les Anglais
se trouvaient en tête de
cette recherche, car, dès 1989, ils ont créé un centre
dédié appuyé sur un système universitaire
déjà performant en météorologie et différant
en cela des chercheurs d'Europe continentale.
La France
n'est cependant pas située très loin
derrière et elle possède de bon atouts, du fait de sa large
multidisciplinarité. C'est ainsi que dans les rapports du GIEC, la part
de la France est importante. Mais il existe
un problème d'emploi dans
les laboratoires de recherche
qui empêche de se mobiliser vite. Tel
est le cas en particulier pour le travail technique périphérique.
Un atout majeur est constitué par les moyens informatiques du CNRS
(IDRIS) bien à niveau.
Mais cette situation pourrait ne pas durer avec l'arrivée de super
ordinateurs tel le
Earth Simulator
des Japonais.
De leur côté,
les Américains
refusent d'acheter les
ordinateurs japonais et se tournent davantage vers un très gros projet
américain : l'
Accelerated
Climate Initiative
.
Une réponse européenne est indispensable qui exigera la
fédération des centres de calculs européens
. Un projet
est en cours d'élaboration.
A propos des parts respectives du gaz carbonique et des autres gaz, M.
Hervé LE TREUT a précisé que l'impact climatique
était de nature qualitativement similaire pour les autres gaz dont la
complexité de la chimie n'est pas bien prise en compte, mais l'IPSL,
comme d'autres laboratoires, d'ici quelques années, devrait être
en mesure de distinguer entre les différents gaz, notamment entre leurs
durées de vie et impact radiatif variables. Cette différenciation
est nécessaire pour établir des objectifs de réduction
cohérents. Revenant sur les écarts existant entre les
différents modèles de simulations climatiques, M. Hervé LE
TREUT a estimé que la recherche scientifique était ouverte et
coordonnée le plus souvent, ce qui produisait
des modèles tous
cousins entre eux, certains modèles incorporant des parties d'autres
modèles
. De plus, les programmes européens coordonnent leurs
efforts.
Des rencontres fréquentes ont lieu entre l'IPSL et METEO FRANCE, mais
aussi, par exemple, entre l'IPSL et l'Institut Max PLANCK. L'organisation
mondiale de la Météorologie a aussi ses programmes et, de plus,
un centre aux Etats-Unis d'Amérique s'attache à
évaluer
tous les modèles
depuis une quinzaine d'années avec des
résultats plutôt satisfaisants (le PCMDI).
Toutefois, pour valider et appliquer les modèles comme pour
évaluer des dommages climatiques
, les pays en voie de
développement devraient être associés à ces
efforts
. C'est ainsi que, lors de la dernière réunion du
groupe 1 du GIEC à Shanghaï, rien n'a été
formulé sur les risques de sécheresse en Europe du sud et en
Afrique du nord, et ce du fait de l'absence de publications internationales sur
ces thèmes, ce qui ne signifie pas que ces risques n'existent pas.
M. Hervé LE TREUT a ensuite souhaité que soit
développée
une pédagogie des foules et des
gouvernements
, grâce notamment à la distribution des
résultats des modèles à des scientifiques autres que ceux
qui les ont imaginés, ce qui permettrait des recoupements très
instructifs.
A propos des
DOM-TOM
, il a précisé qu'il n'avait jamais
reçu de demande d'études focalisées sur les DOM-TOM, mais
qu'il serait possible de réaliser au moins une première
étape qualitative en quelques mois, d'abord à partir de
l'exploitation des modèles, simplement le temps nécessaire n'a
pas encore été consacré à cette tâche,
jusqu'à présent.
Revenant sur les équipes et les modèles français, M.
Hervé LE TREUT a évoqué les moyens du
CNRS
et
du
CEA
à Paris et de
Météo France
à
Toulouse, ce qui représente un total d'environ
une centaine de
personnes travaillant sur le climat
, bien distinctes de celles
employées pour la météo. Ce niveau d'effectif est loin
d'être insignifiant à l'échelle de l'Europe, même si
l'Allemagne et le Royaume-Uni comptent chacun environ 150 chercheurs
spécialisés.
Jusqu'à présent, cette recherche est essentiellement
financée par des
crédits publics
et cela ne pourrait
évoluer que si la valorisation des résultats était
développée. Peut-être la création
d'une
fondation
permettrait-elle une telle valorisation, à partir des
données inexploitées des centres informatiques ?
A propos de la connaissance des
climats du passé
, M. Hervé
LE TREUT a estimé que les résultats des glaciologues comme
des archéologues continentaux constituaient un tout, extrêmement
précieux, dont l'étude doit être globale.
Enfin, à propos des analyses sur l'expertise scientifique
développées par M. Philippe ROQUEPLO, M. Hervé LE TREUT
s'est montré très favorable à
l'invention d'un lieu de
débat scientifique nouveau
.
INSTITUT DE RECHERCHE
POUR LE DÉVELOPPEMENT
(IRD)
M. JACQUES MERLE,
DIRECTEUR DE RECHERCHE
DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT
MILIEU ET ENVIRONNEMENT
M. RÉMY LOUAT,
DIRECTEUR DE RECHERCHE
CHARGÉ DE MISSION
POUR LES GÉOSCIENCES
(20 décembre 2000)
L'Institut de recherche pour le développement (IRD)
mène des
recherches sur les pays de la zone tropicale et les
départements et territoires d'outre-mer
. Il a pour ambition de
conduire une recherche susceptible d'
aider les pays en voie de
développement, notamment dans leurs difficultés face aux
changements climatiques,
par exemple les oscillations du
phénomène
El Niño
. Des interactions existent entre
le changement climatique global et les manifestations récentes de ce
phénomène. L'IRD étudie, depuis environ 40 ans, le
phénomène
El Niño
dans l'océan Pacifique
ainsi que d'autres oscillations climatiques affectant les régions
tropicales en Afrique et en Amérique du Sud notamment.
Les axes de recherche principaux de l'IRD dans le domaine de l'environnement
sont
l'océanographie
et la
paléoclimatologie
qui
s'applique à la fois aux continents et aux océans. Cependant
l'IRD compte peu d'atmosphériciens parmi ses chercheurs et est absent
de certains domaines de recherche sur l'environnement tel que le trou d'ozone.
M. Jacques MERLE a rappelé que l'IRD compte environ 1.500 personnes,
chercheurs, ingénieurs, techniciens, dont environ 200 travaillent sur
le climat
. Ces chercheurs et techniciens sont répartis dans des
Unités de Recherche dont certaines sont associées
étroitement aux universités et au CNRS dans des Unités
Mixtes de Recherche à Paris, Toulouse, Brest et Montpellier. L'IRD est
ainsi membre à Paris de l'Institut Pierre-Simon LAPLACE avec le CNRS,
l'Université Paris VI, l'Ecole Normale Supérieure et l'Ecole
Polytechnique.
L'IRD possède des
bases d'observation du climat
sur la ceinture
tropicale : en Nouvelle-Calédonie, où il étudie depuis 40
ans les échanges entre l'océan et l'atmosphère et
où il a contribué à l'explication du
phénomène
El Niño
, en Guyane, dans l'île de
La Réunion dans l'océan Indien, en Afrique. Deux
navires
lui permettent de réaliser des observations dans l'océan
Pacifique (Nouméa), et dans l'océan Atlantique (Abidjan)
où il est aidé par des chercheurs ivoiriens et
sénégalais. En paléoclimatologie, l'IRD est surtout
présent en Amérique du Sud (Brésil, Equateur, Bolivie,
Pérou, Chili), en Afrique et dans le Pacifique.
Abordant la question des
forêts
, M. Jacques MERLE a rappelé
l'importance du couvert végétal dans l'environnement climatique.
La lenteur du rythme d'adaptation des forêts
est compatible avec
les échelles de temps de la variabilité du climat; ainsi,
après un changement climatique important, il faut environ mille ans pour
qu'un nouvel équilibre forestier s'instaure.
Il a indiqué que
des changements importants des grandes forêts
de la planète s'étaient manifestés au cours des derniers
millénaires
. La forêt amazonienne aurait brûlé
à plusieurs reprises il y a environ quatre à cinq mille ans,
probablement du fait d'une variation climatique qui aurait engendré un
stress
hydrique favorable aux incendies.
Grâce à l'étendue de la zone couverte par les observatoires
de l'IRD, des comparaisons intéressantes peuvent être
effectuées entre l'Afrique, l'Amérique et l'Océanie, ce
qui explique en partie
la dimension planétaire et l'importance des
résultats obtenus par l'IRD
qui, avec un effectif de chercheurs
relativement faible par rapport au CNRS, par exemple, est un contributeurs
scientifique majeur et reconnu internationalement dans l'étude du climat.
M. Jacques MERLE a souligné aussi
l'importance des études
paléoclimatiques
pour comprendre l'évolution possible du
climat des siècles à venir. Il est utile de remonter des
dizaines de milliers, voire des centaines de milliers ou des millions
d'années, en arrière pour éclairer le futur.
Actuellement, l'IRD étudie particulièrement les impacts des
changements climatiques passés sur les zones tropicales. L'un de ceux-ci
: l'élévation du niveau moyen des océans, qui
résulte davantage de la dilatation thermique liée au
réchauffement que du changement de volume de celui-ci par la fonte des
glaciers, est particulièrement important pour de nombreux pays
insulaires de la zone tropicale.
Il a particulièrement insisté sur le fait que,
dans le
Pacifique, certains Etats sont menacés de disparition totale en cas de
montée des eaux
qui pourrait atteindre 50 cm ou 1 mètre au
cours du XXIème siècle. A cet égard, il a observé
que, si le GIEC a réduit le niveau de ses prévisions relatives
à l'élévation du niveau des océans, les
modifications de ses prévisions successives ont fortement
inquiété une quarantaine de petits pays insulaires, qui ont
créé une association, au sein de l'ONU, des « victimes
non coupables » du réchauffement global. L'IRD a
été choisi comme expert par ce groupe d'Etats, qui sont d'autant
plus menacés que leurs côtes sont déjà
dégradées par la concentrations naturelle des populations dans
ces zones côtières.
Ainsi, plusieurs Etats dans le Pacifique composés d'atoll très
bas sur l'eau sont menacés de disparition totale d'ici à un
siècle, les îles Kiribati
(35(
*
)),
Tokelau
(36(
*
))
, et les îles Marshall
(37(
*
))
. Ces Etats expriment avec force leurs
réactions dans les grandes conférences internationales. Les
Pays-Bas, le Danemark, la Suède et la France ont apporté leur
soutien à ces Etats.
Certes, le phénomène de montée des océans doit
être corrigé en fonction des mouvements tectoniques des
îles, mais il est aussi amplifié lorsque l'oscillation
El
Niño
amène des hausses supplémentaires du niveau des
océans de 40 à 60 cm pendant quelques semaines. A ces
phénomènes peuvent encore s'ajouter des cyclones qui apparaissent
dès que l'eau dépasse des températures de 27-28°, ce
qui peut entraîner de 1 à 3 mètres d'eau en plus pendant
quelques heures.
Au total,
la conjonction de l'ensemble de ces phénomènes
pourrait entraîner la disparition définitive de ces îles en
quelques heures au cours d'un événement
météorologique extrême tel qu'un cyclone
.
Au sujet des
impacts des changements climatiques sur l'agriculture
, M.
Jacques Merle a indiqué que ceux-ci pourraient être importants,
les cultures étant très dépendantes des
précipitations et des températures. Quant aux
zones de
pêche
, elles sont elles-mêmes très liées aux
changements climatiques; ainsi il se produit déjà des
déplacements des zones de prise du thon au gré des fluctuations
d'
El Niño
. Or, 50 % du thon pêché au monde
provient du Pacifique, et les petits Etats de cette région tirent
d'importantes ressources de la vente de leur droit de pêche. Il est
certain que
le
changement climatique
aura un grand impact sur
la pêche et sur l'économie des Etats qui en vivent
, sans que
l'on puisse encore préciser lequel. Des modélisations
numériques sont effectuées dans ce sens par les équipes de
l'IRD qui travaillent dans une Unité Mixte de Recherche à Paris
VI - Jussieu au sein de l'Institut Pierre -Simon Laplace.
M. Jacques MERLE a précisé ensuite que l'IRD était peu
présent aux
Antilles
, sauf en agronomie et en hydrologie,
davantage en raison de circonstances historiques que d'un choix
véritable.
Il a ensuite noté qu'à
La Réunion
, où se
trouve une importante université, un projet pourrait probablement
être développé en liaison avec la proposition de loi du
sénateur Paul VERGÈS sur le climat ; un
observatoire du
climat de la ceinture tropicale
pourrait voir le jour répondant
ainsi à l'initiative du Sénateur VERGES. Il a également
été envisagé de coupler le projet de modèle sur
l'Océan indien développé par l'IPSL, avec des recherches
menées par l'université de La Réunion. Cela pourrait
permettre
une meilleure connaissance de la mousson.
M. Rémy LOUAT a insisté sur le fait qu'
outre-mer
beaucoup
de phénomènes géologiques surviennent très vite.
Par exemple, les îles Loyauté se rapprochent du Vanuatu à
une vitesse de 12 cm par an, et les vitesses verticales de remontée
des îles peuvent atteindre 2 à 3 mm par an en moyenne sur la
longue durée ; il a même été observé la
remontée d'une partie d' une île du Vanuatu d'un mètre en
quelques heures.
Dans ces régions, sont menées également des analyses des
coraux fossiles
, qui donnent accès, entre autre, aux
données des paléotempératures qui contraignent les
modèles de reconstitution des climats passés ; des
études sont menées par l'IRD en particulier au Vanuatu, en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Par ailleurs, M. Rémy LOUAT a estimé qu'
une grande
synthèse de l'évolution du climat de moins 30.000 ans à
nos jours
était maintenant accessible ; les données
collectées par les organismes français outre-mer donnent à
la recherche françaises une visibilité internationale dans ce
domaine d'étude.
Il a indiqué ensuite que
les glaciologues
de l'IRD travaillent
sur les glaciers tropicaux des Andes, et ces glaciers révèlent
l'existence du phénomène
El Niño
dans des
périodes reculées. Pour l'instant, seulement deux équipes
travaillent sur ces thèmes, l'une aux Etats-Unis d'Amérique, et
l'autre à l'IRD.
M. Rémy LOUAT a insisté également sur le problème
que pourrait poser
la fonte des glaciers continentaux
quant à la
ressource en eau ; par exemple, du fait de la fonte très rapide des
glaciers andins qui disparaîtraient au cours des cinquante prochaines
années.
Il s'est plu à souligner que
les recherches françaises sur les
tropiques
sont reconnues internationalement, car les équipes sont
affectées à ces terrains de recherche dans la durée, et,
de plus, la France est présente par ces équipes dans les trois
océans.
Il a estimé que
les recherches internationales sur le climat
étaient bien organisées, les Etats-Unis d'Amérique se
trouvant en tête de ce mouvement, et la France y jouant un rôle
plus important que prévu, notamment à travers l'étude des
coraux dans le Pacifique, ou encore le
programme d'observation de
l'océan Atlantique et de l'océan tropical
avec l'immersion de
bouées fixes remontées périodiquement pour envoyer des
données vers les satellites. Les instruments de mesure sont
américains et la maintenance est française. Il y a là un
bon exemple de coopération et de compétitivité.
Il a ensuite insisté sur l'importance des
observateurs
pour la
collecte de données. Ces auxiliaires indispensables sont très
respectés aux Etats-Unis d'Amérique, ce qui n'est pas encore le
cas en France, même si le développement de cette activité
semble redevenir à la mode.
A propos des
moyens de l'IRD
, M. Rémy LOUAT a noté qu'ils
étaient à peu près égaux à ceux du CNRS pour
le fonctionnement, mais qu'il se manifestait actuellement une pénurie
d'ingénieurs et de techniciens. Quant aux recrutements locaux, ils ont
été développés dans la mesure où des
intégrations massives (plus d'une centaine) ont été
obtenues à la suite de recours administratifs, même si les niveaux
de qualification ont pu être jugés pas toujours adaptés aux
programmes scientifiques.
Revenant au
changement climatique en cours
, M. Jacques MERLE a
estimé que constituaient des certitudes, à la fois le
réchauffement, l'intensification de l'effet de serre, et les
perturbations liées à ces modifications. Il a relevé que
le réchauffement survenu depuis le début du siècle
s'est infléchi au cours des années 1930-1960
, qui
étaient pourtant des années de forte activité
industrielle, ce qui laisserait supposer que le réchauffement provient
d'une autre cause que de l'action de l'homme.
En ce sens, il a rappelé que vers l'an 1000 le Groenland était
vert, et que les causes du petit âge glaciaire demeuraient mal connues.
Il a insisté sur le caractère récent de beaucoup de
données. Par exemple,
ce n'est que depuis 1970 que le rôle de
l'océan dans le climat est reconnu
. Auparavant, même de grands
océanographes refusaient d'admettre l'impact de l'océan sur
l'atmosphère.
Il a insisté sur le refroidissement momentané des côtes,
qui pourrait résulter de la fonte des glaciers, tout en observant que
certaines variations se feraient ressentir en une dizaine d'années,
tandis que d'autres ne seraient perçues qu'à l'échelle du
millénaire.
Il a estimé que, même si aujourd'hui les modélisateurs ne
prennent pas en compte toute la complexité océanique, il est
vraisemblable que des progrès très rapides seront
constatés dans la connaissance des océans.
M. Jacques MERLE a estimé qu'il n'incombait pas aux organismes de
recherche eux-mêmes de financer, chacun dans son domaine,
l'équivalent d'
un grand programme national d'études dynamique
sur le climat
, car cela aboutirait à une politique excessive de
chacun pour soi. En réalité, un financement national devrait
être trouvé pour que la France soit à la hauteur des
confrontations internationales sur ce thème.
En
Europe
, l'IRD escompte se fondre dans les activités
européennes prévues, ce qui n'est pas tout à fait
évident du fait des DOM-TOM, victimes de certains préjugés
de la part d'autres pays européens.
Au sujet des relations éventuelles entre l'IRD et
les mouvements
écologistes
, il a été précisé que l'IRD
ne finançait pas ces organismes.
Enfin, il a été indiqué que l'IRD s'intéressait
aussi au
lien entre climat et santé
.
JEAN-MARC JANCOVICI
(38(
*
))
INGÉNIEUR CONSULTANT
(5 octobre 2001)
Après avoir rappelé que
la concentration de
gaz
carbonique dans l'atmosphère
avait été bien
supérieure au cours de l'ère tertiaire à ce qu'elle est
aujourd'hui, M. Jean-Marc JANCOVICI a souligné que la différence
entre les deux situations venait de ce que la période actuelle est
caractérisée par l'existence d'une augmentation très
brutale de la concentration à l'échelle des temps
géologiques ou même historiques
Il a rappelé l'existence des courbes réalisées par le GIEC
avec les constantes de temps des diverses
réponses à
l'augmentation de l'effet de serre
. Il a rappelé aussi qu'il
était nécessaire de réfléchir beaucoup plus
largement à ce qu'il est envisageable de faire face à cette
situation, et éventuellement à ce qu'il n'est pas possible de
faire, la limite entre les deux n'ayant cependant pas de réponse dans
l'absolu.
Il s'est demandé si les choix à opérer étaient bien
du seul ressort des hommes politiques et s'il serait possible de stabiliser la
concentration de gaz à effet de serre au double de ce qu'elle est
aujourd'hui. Il a souligné que cet objectif serait
particulièrement difficile à atteindre avec le schéma de
pensée actuel.
Pour autant la difficulté provient aussi du fait qu'
aucun seuil de
réchauffement ou de concentration de gaz à effet de serre n'a
été vraiment identifié comme séparant le
déclenchement d'une apocalypse d'une situation sans risques
: nul ne
peut affirmer qu'une augmentation de tant de degrés en telle
année constituerait le tournant décisif de l'évolution en
cours.
M. Jean-Marc JANCOVICI a communiqué quelques ordres de grandeur.
Aujourd'hui, en moyenne, chaque habitant de la planète émet
une tonne d'équivalent carbone par personne et par an tandis qu'un
Américain en émet sept
. En se fixant un ordre de grandeur de
500 kilos de tonne d'équivalent carbone d'émission de gaz
à effet de serre par habitant et par an (cette quantité
correspond à la limite à ne pas dépasser pour que la
concentration atmosphérique cesse d'augmenter), cela supposerait qu'un
Français divise son taux d'émission par quatre et un Allemand par
six tandis qu'un Chinois ou un Indien se trouverait déjà
sensiblement à ce niveau.
A travers cet exemple, M. Jean-Marc JANCOVICI a insisté sur
la
difficulté de la vulgarisation scientifique sur le problème de
l'intensification de l'effet de serre
. D'une manière
générale, il a estimé que la presse grand public
était mal armée pour effectuer de la vulgarisation scientifique
et qu'il reviendrait peut-être à la puissance publique d'effectuer
un effort pour que chacun se sente concerné et agisse au quotidien.
A ses yeux, il ne s'agit pas d'imposer un comportement, mais de
sensibiliser
aux côtés irréversibles des phénomènes
climatiques
, de commencer à appréhender les ordres de
grandeur et à
entrevoir qu'un changement radical du mode de vie
pourrait être une solution.
Peut-être faudrait-il valoriser la vulgarisation au sein des laboratoires
scientifiques car si le GIEC est parvenu à faire passer une grande
partie de ses idées dans un cercle restreint, ses rapports risquent de
sembler indigestes au grand public et il reste à trouver une
manière de traduire le discours scientifique pour le plus large public.
Est-ce la mission du Palais de la Découverte, de la Cité des
Sciences ? Faudrait-il aller jusqu'à organiser des
conférences de chercheurs dans les collèges, dans les
lycées, et auprès des étudiants ? Enseigner
l'histoire de l'environnement ou créer au sein de la Fondation Nicolas
HULOT des bourses de recherche pour des étudiants ?
Toujours est-il que M. Jean-Marc JANCOVICI a jugé impérieux de
trouver un langage commun, y compris à destination des politiques
qui sont trop peu nombreux à se sentir concernés et
généralement trop mal informés.
Il a souhaité que la classe politique en général trouve le
temps de s'interroger sur le long terme, peut-être au moyen de la
réhabilitation du Commissariat Général du Plan.
Il a
déploré que la plupart des hommes politiques croient que
l'intensification de l'effet de serre est un problème à court
terme auquel pourra être trouvée une solution le moment venu. Or,
c'est le contraire. Il s'agit de très long terme et d'une
problématique irréversible
-ce qui est à rapprocher
des décisions prises à propos du troisième aéroport
parisien et de l'autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand, la priorité
accordée à la lutte contre l'intensification de l'effet de serre
supposant logiquement, par exemple, de renoncer à ces deux projets.
Par ailleurs, la question des émissions de gaz à effet de serre
concerne également le parc d'habitat comme les routes qui sont des
infrastructures d'une durée de vie longue, donc influant durablement sur
le niveau de ces émissions.
M. Jean-Marc JANCOVICI a ensuite particulièrement insisté sur le
fait que
l'agriculture constitue la première source d'émission
de gaz à effet de serre
, notamment du fait des émissions de
carbone liées à la production d'un gramme de viande. En effet, la
production végétale est elle-même en grande partie
destinée à la production de viande, notamment de boeuf, et la
consommation de viande rouge par habitant a été multipliée
par deux depuis le début du siècle.
Pour apprécier les émissions provenant de l'agriculture, il faut
prendre en compte, non seulement les émissions de méthane, mais
celles de protoxyde d'azote et de CO
2
lié à
l'utilisation d'énergie (engrais, tracteurs...). En fait, à un
moment donné, il faut choisir entre diverses options plutôt
incompatibles.
De plus, il est également à noter que,
dans la nomenclature de
l'INSEE, l'agriculture et la sylviculture sont agrégées, ce qui
n'est pas pertinent quant aux émissions de gaz à effet de serre
car l'agriculture est une source d'émission et la sylviculture un puits
d'absorption
. Agréger les deux revient à faire
bénéficier les seules activités agricoles des absorptions
des forêts, ce qui n'a pas de logique en soi mais masque une
réalité.
Cependant, même les agronomes ne font pas vraiment apparaître ce
phénomène et il serait souhaitable que des cours sur ces
questions soient prévus, par exemple, à l'Institut National
d'Agronomie.
M. Jean-Marc JANCOVICI a également souligné
l'incompatibilité entre la lutte contre l'effet de serre et
l'extension de la péri-urbanisation
, qui entraîne la
consommation de deux à trois fois plus d'énergie que les habitats
situés en ville à surface égale ; à ce sujet,
il a évoqué la nécessité de recourir à des
compétences transversales pour étudier ce genre de
phénomène. Or, d'après lui, aucun échelon
opérationnel de synthèse n'existe en France actuellement.
Quant au
rapport entre les émissions de gaz à effet de serre
et le niveau des populations
, M. Jean-Marc JANCOVICI s'est demandé
s'il ne fallait pas poser le problème sous l'angle des ponctions
opérées sur les ressources naturelles ; ce qui conduirait
à constater que, contrairement aux apparences, ce sont les pays de
l'OCDE et non ceux en voie de développement qui sont surpeuplés.
Cet exemple montre d'ailleurs que l'économie ne peut pas être la
clé des arbitrages dans la mesure où elle ne peut répondre
aux questions politiques.
Abordant la question des
émissions par secteur
, il a
souligné que le tiers des émissions concerne la consommation
d'énergie tertiaire (le chauffage et les consommation
d'éclairage, d'eau chaude... des logements et des locaux des
entreprises), que les émissions directes des industries
représentaient 20 % des émissions de gaz à effet de
serre, et qu'il fallait faire attention à bien regarder les
émissions globales et non seulement l'émission unitaire par
produit fabriqué. Toutefois, ce chiffre de 20 % est trompeur dans la
mesure où les émissions induites par l'industrie, dont les
transports des produits fabriqués comme des matières
premières, le chauffage, les déplacements domicile-travail et les
déplacements professionnels doivent être
réintégrées, auquel cas
l'industrie apparaît
comme étant à l'origine de 50 % de la consommation
d'énergie, et vraisemblablement d'un pourcentage pas très
éloigné des émissions de gaz à effet de serre
.
A cet égard, il a indiqué qu'un décret était en
préparation sur
les indicateurs environnementaux des entreprises
et qu'il faudrait inciter à un dispositif pour comptabiliser les
émissions de gaz à effet de serre par les entreprises et
peut-être inclure ce dispositif dans les obligations de moyens à
respecter dans le cadre de la norme ISO 14000. Il a fait remarquer que cette
norme ne porte pas sur le niveau de pollution du site certifié mais
simplement sur l'existence d'un objectif le concernant..
M. Jean-Marc JANCOVICI a surtout insisté sur
les limites du
modèle de développement actuel
qui est adapté à
un monde infini mais pas au monde réel, cette remarque procédant
d'un raisonnement d'ingénieur et non d'idéologue. La croissance
matérielle ne peut être sans fin ; l'effort à
accomplir consiste à gérer sa limite. Telle serait la prise de
conscience à opérer et qui constituerait une première.
A ce sujet, il a rappelé qu'à l'encontre des idées
reçues, en dépit d'informations circulant en sens contraire,
un Américain consomme quatre fois plus de charbon qu'un Chinois
,
et que
les émissions des voitures particulières en France sont
le triple des émissions des camions et des autobus.
Abordant une question de terminologie et de méthodologie, M. Jean-Marc
JANCOVICI a souhaité que
les prolongations tendancielles cessent de
se voir qualifiées de "prévisions"
, car lorsqu'on parle de
prévision, l'avenir semble déjà inscrit dans le
présent et échapper par là-même à l'action de
l'homme. Ce qui n'est pas le cas.
Au cours des dernières années, l'industrie a presque
stabilisé ses émissions, y compris celles des biens qu'elle
produit, tandis que les transports continuent de se développer
fortement. Il a souligné qu'il paraissait difficile de concevoir une
lutte efficace contre le changement climatique en conservant la mobilité
actuelle. Par ailleurs, M. Jean-Marc JANCOVICI a souhaité souligner que
le Danemark
est le premier émetteur de gaz à effet de
serre par habitant en Europe (et donc le plus gros pollueur d'Europe de
l'environnement global)
, alors que
la Suède
, qui
connaît des conditions climatiques voisines, est bien placée du
point de vue des émissions de gaz à effet de serre grâce
à son énergie hydraulique abondante et au nucléaire. Il
faut donc se méfier des intentions affichées -les Danois sont
réputés pour se déclarer soucieux de l'environnement- et
regarder les faits et non les discours.
La Suisse
, de son côté, est également très
bien placée avec des centrales hydrauliques et nucléaires
contribuant chacune pour moitié environ à la production
d'électricité. De plus, elle offre un exemple de
conjonction
entre PIB par habitant élevé et émissions de gaz à
effet de serre par habitant faibles
. Elle doit probablement cette
caractéristique, aussi, à un taux important d'utilisation de
modes alternatifs à la voiture et à une économie fortement
tertiarisée. De surcroît, son système
référendaire lui permet de consulter l'ensemble des citoyens sur
des sujets pris isolément, ce qui limite les possibilités de
vouloir tout et son contraire avec le même bulletin de vote.
Abordant ensuite la question des
alternatives
énergétiques
, M. Jean-Marc JANCOVICI a indiqué que la
première option consistait prioritairement à
consommer moins
d'énergie
. Il a noté que la division par deux ou par trois de
l'énergie consommée par Français n'imposait pas de revenir
à l'âge de pierre, mais simplement au niveau de consommation
énergétique, des années 60. De plus, il a estimé
que
la sobriété énergétique
impose
l'amélioration de la technologie, ce qui ne saurait être mauvais
pour l'économie, même si cela n'est pas obligatoirement
bénéfique pour les acteurs actuellement dominants dans le domaine
économique. Il a reconnu que
les remises en cause sont d'autant plus
difficiles à opérer que les acteurs raisonnent uniquement
à partir de l'équilibre actuel alors que toute mutation
entraîne des gagnants et des perdants
. Mais, à ses yeux, le
but poursuivi, à savoir permettre à l'homme de continuer à
vivre en tant qu'espèce dominante sur la planète vaut bien
quelques changements dans "l'économie" de tel ou tel pays.
A ce propos, il a critiqué les évaluations
présentées dans différents cercles concernant
le
coût économique
de la lutte contre l'effet de serre
,
les calculs effectués étant souvent dénués de sens
sans rappels des hypothèses et n'ayant, en tout état de cause,
aucune valeur normative.
Interrogé par ailleurs sur les récentes difficultés du
transport aérien, notamment celles de la Compagnie aérienne
SWISSAIR dans la mesure où ce secteur n'est pas sans influence sur
l'effet de serre, M. Jean-Marc JANCOVICI a estimé qu'il s'agissait
là d'un épiphénomène dans la mesure où
l'activité de cette compagnie serait reprise par d'autres et que ces
difficultés ne traduisent en fait aucune remise en cause du bien absolu
que semble constituer, aux yeux de la plupart des contemporains,
la
croissance du transport aérien.
Revenant sur les énergies alternatives, il a précisé
qu'aucune solution ne se dégagerait si les Français ne
changeaient rien à leurs habitudes et que
la solution ne consistait
sûrement pas à voir l'ensemble de la planète vivre comme
des Européens d'aujourd'hui
; un tel scénario ne pouvant
qu'engendrer des catastrophes bien supérieures à celles
évoquées dans les plus sombres prévisions du GIEC. A
l'inverse, il a estimé que
si les pays développés
donnaient l'exemple des économies d'énergie, cela serait de
nature à convaincre les autres pays de ne pas imiter l'exemple du
gaspillage
. L'économie toute entière pourrait se mettre au
service du « moins d'énergie », le nucléaire
et le solaire devant être développés en priorité.
Au passage, M. Jean-Marc JANCOVICI a considéré que
l'énergie éolienne
n'offrait aucune marge de manoeuvre
significative, que le Danemark qui avait mis l'accent sur celle-ci n'en tirait
que 2 % de sa consommation, que cette énergie présentait le
défaut majeur d'être irrégulière et donc ne
constituait qu'une solution très limitée. De plus,
le
développement de l'éolien oblige concomitamment à
posséder davantage de centrales à combustibles fossiles
(ou
des barrages, mais le potentiel est réduit pour ces derniers) pour
régulariser le flux d'énergie intermittent provenant de
l'éolien. En somme, l'installation de quelques éoliennes ici ou
là donne bonne conscience à peu de frais aux pays
concernés. Toutefois, ces éoliennes pourraient peut-être
servir à fabriquer de l'hydrogène en des endroits reculés
(Kerguélen...), sous réserve que les rendements de filière
(non étudiés) soient acceptables.
A l'inverse,
l'énergie solaire pourrait être très
intéressante
dans de nombreux pays car l'énergie solaire
thermique est dès aujourd'hui rentable pour la
collectivité ; elle a, de plus, le mérite de créer
des emplois dans le pays où elle est utilisée alors que
l'énergie tirée du pétrole ou du gaz crée des
emplois en Arabie, en Algérie ou en Norvège mais peu en France.
En outre, il serait possible de développer au plan individuel le recours
à des panneaux solaires thermiques. Leur installation pourrait
créer des emplois dans le secteur de la plomberie, même si cela
doit se faire au détriment des emplois des grandes firmes
pétrolières.
Pour l'instant, le solaire nécessite un gros investissement au
départ avant de devenir un vrai projet industriel. Cette énergie
solaire thermique intéressant aussi les pays nordiques est possible
à stocker. Il faudrait encourager son développement par des
incitations fiscales ou des primes à distribuer, ce qui serait
justifié, M. Jean-Marc JANCOVICI estimant à 15 % les
économies d'énergie qui pourraient en résulter pour la
France.
Après avoir souligné une nouvelle fois que les économies
d'énergie devraient constituer la première priorité
d'action, M. Jean-Marc JANCOVICI a considéré que
le
nucléaire est une énergie très intéressante
et
supposant de passer dès que possible au stade de
la
surgénération
. Il a noté au passage qu'il serait
peut-être judicieux de stocker de l'uranium dès aujourd'hui avant
un nouveau choc pétrolier et que l'extension du nucléaire
à l'échelle mondiale demeure impossible sur le long terme en
l'absence de surgénération.
A propos
des dangers de l'énergie nucléaire
, il a
cité l'Organisation Mondiale de la Santé et les Nations Unies,
qui établissent toutes deux le bilan de Tchernobyl à
50 morts environ tout en relevant que l'un des effets décelables de
la catastrophe fut de causer environ 2.000 cancers de la thyroïde qui,
heureusement, se soignent très bien.
Il a relevé que l'énergie nucléaire a été
diabolisée ce qui se comprenait dans un certain contexte historique,
mais aujourd'hui, alors que la diminution des émissions de gaz à
effet de serre est recherchée, le nucléaire demeure une bonne
solution pour la France.
Enfin, à propos de
la biomasse brute
, M. Jean-Marc JANCOVICI a
jugé que celle-ci pouvait être utilisée utilement pour un
chauffage local, mais moins pour une utilisation loin de son lieu de
production, le bois étant fort coûteux à transporter.
En tant que source de carburant, la biomasse ne présente aucun
intérêt puisque dans 1 litre de biocarburant, il y a environ
90 cl (voire plus d'un litre !) de pétrole.
Le rendement net des biocarburants est donc d'environ 10 % de
l'énergie brute produite. Leurs sous-produits sont difficiles à
valoriser et pour aider la réflexion, l'ordre de grandeur suivant peut
être évoqué : si le pétrole était
remplacé par de l'éthanol, il faudrait, pour obtenir la
même quantité d'énergie que celle actuellement fournie par
le pétrole, mettre en culture pour la production de biocarburants
environ quatre fois le territoire métropolitain...
Quant à
l'urbanisme, concilier sobriété
énergétique et mégalopole apparaît impossible
.
Il faudrait, certes, des villes nombreuses et denses, mais très
réparties sur le territoire.
Au sujet de
l'automobile
, M. Jean-Marc JANCOVICI a jugé
impossible de conserver un parc de 30 millions d'automobiles en France à
l'échéance de quelques décennies. Il a ensuite
critiqué le recours aux gaz fluorés dans
la climatisation
des véhicules
car ce sont de très puissants gaz à
effet de serre. De plus, la mise en marche de la climatisation entraîne
la consommation de 20 à 30 % de carburant supplémentaire.
Là aussi un ordre de grandeur est évocateur. La transformation de
l'ensemble du parc automobile en
voitures électriques
supposerait
de multiplier par deux, environ, la consommation électrique
française (en fait il ne faudrait pas tout à fait doubler le parc
de centrales, parce que celles-ci ne tournent pas à plein régime
actuellement. Il y a donc une vraie marge de manoeuvre à
développer un peu le véhicule électrique pour
récupérer l'électricité des heures creuses ou
permettant de faire tourner les centrales nucléaires à plein
régime).
Au sujet de
la filière hydrogène
, la question d'un
procédé permettant d'en produire sans recourir aux combustibles
fossiles demeure posée. En partant de combustibles fossiles, obtenir
une tonne d'équivalent pétrole d'hydrogène produit
davantage de gaz à effet de serre que brûler directement une tonne
de pétrole (ou d'essence)
. En conséquence, l'utilisation de
l'hydrogène produit de cette manière serait pire pour les
émissions de gaz à effet de serre que la consommation d'essence
par les voitures, malgré les rendements un peu meilleurs des piles par
rapport au moteur à explosion.
M. Jean-Marc JANCOVICI a considéré que
dans le monde de
demain, l'énergie primaire devrait être très largement
électrique
, que le nucléaire d'avenir utiliserait
plutôt du thorium que de l'uranium et les techniques de
surgénération. En effet, le nucléaire sans
surgénération n'est pas une énergie durable mais bien une
énergie fossile comme les autres alors que la
surgénération permet de multiplier les ressources par plusieurs
centaines.
A cet égard, il a rappelé les critiques souvent
adressées
aux coûts de la recherche nucléaire
, en
relevant qu'il importe de comparer ceux-ci au budget exploration des compagnies
pétrolières qui représente deux fois le budget de
recherche du nucléaire civil à consommation comparable. En fait,
le nucléaire est une brique indispensable de l'approvisionnement
énergétique de demain, ce qui n'est pas antagoniste avec le
développement très significatif de certaines énergies
renouvelables (mais toutes ne sont pas équivalentes) et surtout
d'ambitieuses économies d'énergie. Une partie de la
réponse qui a suivi le premier choc pétrolier (nucléaire
et économies d'énergie) n'a pas cessé d'être
d'actualité.
En fin d'entretien, M. Jean-Marc JANCOVICI a considéré que
la
société de loisirs demeurerait une société de
mobilité aussi longtemps que l'énergie serait abondante et les
conséquences de son utilisation massive peu visibles
. Il a
estimé que cette société vivait trop dans l'instant, dans
l'impatience, chacun voulant obtenir tout, tout de suite, et que cela n'aide
pas à préparer l'avenir.
MME CORINNE LEPAGE
ANCIEN MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT
(11 octobre 2000)
En
préambule, Mme Corinne LEPAGE a évoqué
la
prochaine Conférence internationale sur le climat, organisée
à La Haye
, et a jugé très improbable
l'émergence d'un compromis tant les positions de pays comme les
Etats-Unis d'Amérique, l'Inde, ou encore la Russie, se trouvent en
divergence.
C'est ainsi que les Etats-Unis d'Amérique arrivent à cette
Conférence avec plusieurs points de blocage, que l'Inde refuse le
mécanisme de développement propre, préférant
généraliser la technique solaire ou le nucléaire, tandis
que la Russie pourrait se retrouver avec beaucoup de permis d'émissions
à vendre.
Mme Corinne LEPAGE a également indiqué que ces
négociations se déroulant par groupe d'Etats, il en
résultait une très grande rigidité pour les
négociateurs.
Or, a-t-elle estimé,
cette situation n'est pas du tout favorable aux
industriels
qui ont besoin de signaux clairs pour investir et ne peuvent se
permettre d'attendre ces signaux plusieurs années. Pour l'instant, cette
communauté est très favorable aux
permis
négociables
, d'autant que la taxe générale sur les
émissions de carbone approcherait un prix de base de 35 dollars la
tonne alors que le prix actuel des échanges se situe plutôt autour
de 20 dollars. Il est vrai que le taux de la taxe est fixé en
fonction des besoins résultant de la législation sur les 35
heures hebdomadaires de travail et non issu de l'analyse du marché.
Mme Corinne LEPAGE a craint que l'échec de la Conférence de La
Haye fasse prendre dix années de retard, ce qui risquerait de
décourager les entreprises, d'autant que le chef d'entreprise moyen est
déjà très ignorant sur ce sujet. Il souffre, comme la
plupart de la population, y compris les politiques, d'une
mauvaise
information sur le thème de l'effet de serre
. A l'inverse, les
entreprises multinationales ont compris les enjeux et l'intérêt
qu'elles peuvent tirer de ce nouveau système.
C'est pourquoi une mise en place graduelle a paru envisageable pour les seules
entreprises privées. Déjà, BP-AMOCO a organisé un
système interne d'échange de permis à l'intérieur
de son groupe, ce système ayant été mis sur Internet. Les
opérations «
Gas one
» puis
«
Gas two
» ont permis à quatorze entreprises
sur seize d'atteindre leurs objectifs grâce à des investissements
et non par des recours aux permis.
Des marchés privés d'échanges négociant à la
tonne de carbone autour de 10 dollars sont apparus à Londres comme
à New-York, les pouvoirs publics n'étant pas associés
à cette initiative.
Abordant les perspectives de la France, Mme Corinne LEPAGE a
déploré que
le plan JOSPIN de février 2000
risque
de pénaliser le pays vers 2004 ou
2005
. En effet, si les 8 % de
réduction moyenne d'émission de gaz carbonique ne sont pas
atteints pour l'Europe, chaque pays devra être à même de
faire lui-même un effort de réduction de 8 %. Or, la France n'est
tenue qu'à 0 % pour l'instant...
Mme Corinne LEPAGE a considéré que
des mesures sur les
transports étaient indispensables
, mais difficiles à mettre
en oeuvre, d'où l'intérêt des permis. Elle a jugé
également que
la Russie
pouvait être aidée sans
passer par les permis négociables et qu'il fallait
éviter de
parler de droits à polluer au lieu de permis négociable
, sous
peine d'être incompris et de provoquer un problème de
communication.
Elle a estimé aussi que
le protocole de Kyoto
avait
été mal négocié et que l'impréparation de
Kyoto avait privé la DG XI d'une position de repli en cas de rejet des
permis négociables ; les Etats-Unis d'Amérique
s'étaient contentés d'accepter quant à eux l'effort de
réduction des émissions de gaz carbonique à la condition
que des permis négociables soient mis en oeuvre, et la Russie n'ayant
accepté qu'à condition d'avoir son propre objectif de
réduction fixé à 0. Dans la négociation,
l'Europe a dû accepter à la fois les permis et le taux 0, ce
qui est contradictoire
puisque la vente d'air chaud («
hot
air
») est incompatible avec l'existence de permis
négociables.
Il aurait fallu pouvoir fixer des règles de
comptabilité des émissions de carbone et des sanctions
, mais
le vice-président américain AL GORE ne voulait pas
négocier le niveau de vie américain.
A la suite de
la Conférence de Buenos Aires
, les Etats-Unis
d'Amérique ont obtenu que certains pays du Sud, comme l'Argentine,
entrent dans le jeu, et qu'il n'y ait pas de limitation au recours à des
permis négociables.
L'Europe
n'a rien obtenu
.
Aujourd'hui, les Etats-Unis d'Amérique ambitionnent de créer un
vaste marché de permis, ce qui n'est pas incompatible avec une
réglementation. Dans ce cadre, il serait possible d'organiser une baisse
progressive des plafonds, puis de laisser jouer la concurrence.
Mme Corinne LEPAGE a rappelé que
le ministre de
l'environnement, Mme Dominique VOYNET, n'était pas favorable aux permis
négociables à l'origine
. C'est elle qui va négocier au
nom de l'Europe à La Haye, mais le manque de spécialistes autour
d'elle risque de handicaper la présentation de ces arguments,
étant précisé que la définition d'une position
commune dans une Conférence internationale demande au préalable
une véritable tournée des capitales européennes pour
harmoniser les points de vue.
Quant aux
changements climatiques
, même si les opinions
scientifiques divergent parfois, il semble bien qu'ils soient
véritablement en cours, ce qui induit un certain pessimisme par rapport
à la situation d'il y a encore cinq ans, d'autant que
le protocole de
Kyoto semble de plus en plus n'offrir aucune chance d'atteindre les engagements
modestes qui y sont inscrits
.
Néanmoins, que se passera-t-il si les problèmes de l'Afrique
remontent vers le Maghreb ? Qu'adviendra-t-il des épidémies
de dengue ou de malaria ? Qu'adviendra-t-il de la culture de la
vigne ?
Citant
le rapport de la mission interministérielle de l'effet de
serre
39(
*
)
, qu'elle avait
commandé à la fin de l'année 1995,
Mme Corinne LEPAGE a déploré la sorte de fin de
non-recevoir que le monde scientifique a opposé d'abord à cette
idée, sur laquelle même le ministère de l'Environnement
s'était montré réservé.
Au-delà d'une étude comparative menée sur ce sujet et sur
les réactions des opinions publiques en Allemagne, en France et en
Belgique, elle a noté qu'en
Allemagne
en 1990, une commission
mi-publique, mi-privée a travaillé sur ce thème. Son
travail a été largement diffusé auprès des chambres
de commerce, des municipalités et a suscité
un immense
débat national
, aboutissant à la première position
nationale officielle en 1994. Un débat a également eu lieu en
Belgique
.
Mme Corinne LEPAGE a déploré qu'
en France, la
question est apparue comme confisquée par les ingénieurs des
mines
et il a été difficile pour le ministère de
l'Environnement de s'emparer du sujet. Or, pour les ingénieurs des
mines, le nucléaire ne dégageant pas de CO
2
, il n'y a
pas véritablement d'effort de réduction de l'effet de serre
à fournir pour la France. Mais, cette position est difficilement tenable
sur le plan international, d'autant que même si la France émet
moins de gaz à effet de serre qu'elle ne le ferait avec des combustibles
fossiles brûlés en plus grande quantité,
le changement
climatique ne peut manquer de concerner la France
.
Cette approche renvoie au problème de gestion des conflits
d'intérêt dans la société française et
amène à considérer qu'
il serait souhaitable
d'écarter du débat tous ceux qui possèdent un
intérêt dans les prises de décision
. Si
l'Administration confisque le débat, les efforts à faire risquent
de ne pas apparaître car tous les bouleversements considérables
exigeant des actions de long terme supposent d'
impliquer les Français
individuellement dans la lutte contre le changement climatique
. Il serait
souhaitable de créer des réflexes, quitte à les susciter
par des incitations financières.
Dans cet esprit, Mme Corinne LEPAGE s'est donc déclarée tout
à fait favorable à l'idée de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de produire
un
CD-rom sur le changement climatique
.
Elle a ensuite évoqué quelques
moyens de lutte contre l'effet
de serre
en notant, par exemple, que si le transport et l'habitat
représentent 50 % des émissions,
la collecte des
déchets organiques
pourrait constituer un réservoir de
biomasse producteur d'électricité.
Une autre piste consisterait à
inverser les priorités dans
l'investissement rail-route
. La SNCF de son côté devrait faire
autant d'effort pour le fret que pour les voyageurs.
Quant au transport fluvial, il reste à relancer, notamment à
travers
le canal Seine-nord
, mais non le canal Rhin-Rhône.
Au travers de ces actions, il conviendrait d'agir, sans punir comme trop
souvent c'est le cas, pour que le maintien de l'environnement devienne une
sorte de tirelire fiscale.
Il s'agit de responsabiliser et de modifier les
comportements
.
Interrogée ensuite sur l'écho recueilli par
le rapport de la
Mission Interministérielle de l'Effet de Serre (MIES),
Mme Corinne LEPAGE a regretté que celui-ci soit resté
trop confidentiel et que les schémas directeurs d'aménagement du
territoire ne soient pas établis en liaison avec ce travail
.
Elle s'est interrogée sur l'utilité de dresser aujourd'hui
un
atlas des zones inondables
à situation constante alors que c'est
précisément l'évolution de cette situation qui motive
l'élaboration de cet atlas. Elle a estimé souhaitable d'aller
plus loin et de
préciser les conclusions du rapport de la MIES par
région ou par secteur d'activité
. Il faudrait surtout
proposer une série de mesures simples montrant à chacun qu'il
a une marge de manoeuvre et ne pas sombrer dans le catastrophisme ou les
mesures imposées
. Au contraire, l'information et l'explication
doivent être développées inlassablement.
Mme Corinne LEPAGE a indiqué également que
de
grandes différences dans la prise de conscience actuelle du changement
climatique apparaissent
. Avant 1995, tout le nord de l'Europe se sentait
très concerné et un rapport avait même paru au Royaume-Uni
dès 1994. En Espagne, un conseil informel s'est tenu à
Séville en 1995 afin d'étudier notamment les conséquences
d'une sécheresse extrême. A cette époque, l'eau fut
coupée à Séville deux à trois heures par jour.
Malgré tout cela, il est regrettable de noter qu'
aucun article de
presse n'est jamais totalement exact sur ces questions
.
A propos des
énergies renouvelables
, Mme Corinne LEPAGE a
estimé qu'elles constituaient une solution d'avenir, résidant
davantage dans
le solaire
que dans l'éolien, notamment dans
les DOM-TOM
où, par exemple en Guadeloupe, 25 % de
l'électricité peuvent résulter de l'énergie
solaire, donc d'une énergie renouvelable. Dans l'île de la
Désirade, seules les énergies renouvelables sont
utilisées ; de même à Camopi, en Guyane. Mais
EDF
freine cette évolution alors que les entreprises françaises ont
un vrai savoir-faire en énergie solaire
. Toujours est-il que
l'objectif serait d'atteindre 10 % de la consommation d'énergie
grâce aux énergies renouvelables ; il s'agit là d'un
objectif très optimiste d'autant qu'il restera encore 90 %
provenant d'autres sources d'énergie.
Mme Corinne LEPAGE a insisté ensuite sur l'intérêt du
plan présenté par M. Yves COCHET
, mais s'est
interrogée sur les possibilités de financement de ce programme.
Abordant la question des
véhicules automobiles,
Mme Corinne
LEPAGE a noté que
la voiture à hydrogène
semblait
à certains un objectif réaliste dans une dizaine d'années,
que
le moteur bi-mode
conçu par Volvo et qui avait suscité
des réticences de Renault et de Peugeot a été finalement
fabriqué par Toyota. Elle a insisté aussi sur
l'intérêt de
la voiture électrique
agréable
à conduire, apaisante, atteignant une vitesse d'environ 70 km/heure,
mais nécessitant huit heures de recharge et atteignant un coût
assez élevé et qui est d'ailleurs relativement dangereuse du
fait de son silence. Pour l'ensemble de ces raisons, les constructeurs
apparaissent assez réticents à développer la construction
de tels modèles.
Quant à
l'énergie nucléaire
, Mme Corinne LEPAGE a
jugé son utilisation encore
indispensable pour au moins une trentaine
d'années
. Elle a noté par ailleurs que même s'il
était
difficile de découpler la croissance économique
de la croissance énergétique
, les Etats-Unis
d'Amérique venaient d'y parvenir pour la première fois cette
année. Des secteurs industriels ont aussi fait des efforts en ce sens.
Par exemple, les verriers et les cimentiers français ont signé
des accords de réduction de la consommation d'énergie qu'ils ont
tenus.
Après avoir rappelé que
la récupération du
méthane
offrait des gisements d'économie d'énergie,
Mme Corinne LEPAGE a souligné que pour
l'habitat
, des incitations
fiscales seraient à développer même si elles suscitent
d'emblée l'hostilité du ministère des Finances.
Elle a déploré ensuite qu'une disposition de la loi sur l'air
prévoyant d'indiquer
les consommations d'énergie d'un
local
au moment de la prise de possession de celui-ci ne soit pas
appliquée. Elle a aussi fait observer que
la climatisation
demeurait un système très coûteux.
Quant à
l'urbanisme
, elle a noté que les villes
étaient adaptées à la voiture, donc en
général plutôt mal faites, et ne traduisant aucune
expression politique. Elle a regretté qu'aucun ordre entre les
schémas directeurs et les POS ne soit véritablement
instauré.
Questionnée sur
le retour des taxes perçues sur
l'environnement à l'environnement,
Mme Corinne LEPAGE a
souhaité que ce retour soit systématique et noté que cela
constituait d'ailleurs une des conditions de l'acceptabilité des
nouvelles taxations.
Enfin, au sujet du
transport aérien
, Mme Corinne LEPAGE
a préconisé
la taxation du kérosène
et
déploré la multiplication des vols accompagnés de taux de
remplissage des appareils en diminution. Elle a souligné que souvent les
trains à grande vitesse étaient plus intéressants que
l'avion et qu'
il faudrait admettre que le développement du transport
aérien se devait d'être compatible avec le développement de
l'ensemble de la société
, étant rappelé que
chaque passager aérien entraîne la consommation de quatre à
cinq litres de kérosène. Toute évolution de cette
situation dépendrait d'une décision mondiale.
METEO FRANCE
M. Daniel CARIOLLE, Directeur de la recherche
(21 décembre 1999)
M.
Daniel CARIOLLE a indiqué que les
interactions
santé-climat
constituaient des problèmes trop peu
étudiés. C'est ainsi qu'en Afrique ou dans la zone
équatoriale, le nombre des épidémies pourrait augmenter du
fait du réchauffement climatique touchant ainsi les humains ou encore
davantage les animaux. Il a donc insisté sur l'importance des maladies
tropicales et leur étude dans le cadre de l'évolution des climats.
A propos des
changements climatiques
en général, il a
estimé que les problèmes les plus difficiles concernaient
l'évolution du cycle hydrologique, avec de possibles
répercussions sur la gestion de l'eau qu'il faudrait étudier sur
une base régionale. Aux latitudes moyennes une élévation
de température de quelques degrés ne devrait pas s'accompagner de
grands bouleversements mais que ceux-ci existaient tout de même, comme
par exemple en Sibérie où le climat deviendrait plus
clément. En revanche plus au sud de l'Europe, en Espagne, voire sur le
sud de la France, l'impact pourrait être plus fort.
Quant aux
DOM-TOM
, l'élévation de température et
l'évolution du régime des précipitations seront notables
avec de possibles répercussions sur l'érosion des sols, mais les
dernières études montrent qu'il n'est pas certain que le
changement climatique y provoque davantage de cyclones.
Abordant la question des
modèles de changements climatiques
,
M. Daniel CARIOLLE a rappelé l'existence en France de
modèles couplés, océan-atmosphère-biosphère,
qui reproduisent de manière satisfaisante les grands traits du climat,
notamment les circulations générales de l'atmosphère et de
l'océan. Il a estimé que ces modèles étaient d'ores
et déjà aptes à fournir des scénarios climatiques
valables, mais que les modules relatifs à la végétation,
à l'hydrologie de surface et à la chimie de l'atmosphère
incluant les aérosols étaient encore à perfectionner.
Il a signalé que Météo France travaillait ainsi, au sein
du programme international GEWEX, sur
un modèle relatif aux
débits du Rhône
qui permet une reconstitution de la
variabilité de ces débits en fonction des fluctuations
climatiques et de la pression anthropique comme l'irrigation et l'impact des
barrages.
Bien que l'ensemble des modèles utilisés soient en constante
amélioration, M. Daniel CARIOLLE a mis en garde sur la difficulté
de reproduire l'ensemble des interactions qui existent dans la nature. Il
pourrait notamment
exister des
effets de seuils dans
l'évolution climatique (fonte d'une partie des calottes polaires, des
glaciers, instabilité dans la circulation océanique, ....) qui ne
seraient pas à l'heure actuelle complètement pris en compte par
les modèles.
Il a ensuite signalé l'importance du
programme du GICC
financé par le Ministère de l'Environnement et la Mission
Interministérielle de l'Effet de Serre (MIES) pour l'étude des
impacts liés aux changements climatiques, et a noté que certaines
projets soutenus dans ce cadre avaient pour objet d'étudier le lien
entre l'hydrologie et la température.
Au sujet de
la
Mission Interministérielle de l'Effet de
Serre
, il a relevé que celle-ci effectuait la synthèse des
travaux scientifiques menés en dehors d'elle et notamment ceux du GIEC
(IPCC) au niveau international. En outre, cette mission anime les
équipes de négociateurs français au niveau international.
Ces équipes n'ont cependant pas un caractère pluridisciplinaire
marqué, les juristes et les économistes étant bien
représentés alors que la contribution des physiciens de
l'atmosphère est encore trop faible. C'est pourquoi
Météo-France a mis à disposition à la MIES deux
ingénieurs de la météorologie.
Dans le débat sur l'effet de serre, il est souvent argué que le
lobby dominant est celui des scientifiques, ce que M. Daniel CARIOLLE a
contesté en notant que ceux-ci n'ont jusqu'à présent pas
obtenu beaucoup de crédits ni de postes supplémentaires pour
effectuer leurs recherches. Cet état de fait conduit plutôt
à une faible représentation des scientifiques auprès de la
MIES, à une difficulté pour mobiliser les scientifiques peu
nombreux sur les travaux du GIEC, et en définitive à affaiblir la
position française dans les négociations internationales.
Prenant position sur plusieurs autres points, M. Daniel CARIOLLE a
indiqué que, pour lui,
les changements climatiques étaient
inexorables
, notamment dans la mesure où 50 années au moins
seraient nécessaires pour pouvoir commencer à diminuer le
CO
2
dans l'atmosphère si un arrêt total des
émissions était opéré dès à
présent (scénario utopique), et que la même diminution ne
pourrait être observée que dans plusieurs siècles pour les
océans. En conséquence il faut donc d'une part prendre des
mesures d'adaptation au changement climatique, et d'autre part réduire
au maximum les émissions en lançant notamment de vigoureux
programmes de R&D dans le domaine des énergies alternatives aux
combustions fossiles. Toutefois, il a aussi ajouté que
le
nucléaire dans sa forme actuelle ne pouvait constituer une solution
généralisable au monde entier pour des questions évidentes
de sécurité.
A propos du
trafic aérien
, il a relevé son
impact
direct sur la chimie
de l'atmosphère
-même si son effet
sur l'ozone est considéré comme faible et si des études
sont en cours sur ce point-, et son
impact sur l'effet de serre
également, dans la mesure où en addition à la consommation
directe de fuel des avions, des particules carbonés et de la vapeur
d'eau sont rejetées à 10 ou 15 km d'altitude qui accroissent
l'effet de serre.
M. Daniel CARIOLLE s'est demandé s'il convenait d'augmenter la taille
des avions, ce qui pourrait entraîner certaines économies de fuel
mais peut-être pas diminuer la fréquence des nuages d'altitude. Il
s'est interrogé également sur la hausse du trafic aérien,
sur les problèmes de gestion au sol de celui-ci et sur l'impact exact
des supersoniques.
Au sujet des
aérosols
, il a indiqué qu'une campagne de
mesures avait été menée au large de l'Inde (INDOEX), et
dans l'Océan Pacifique et que
la pollution soufrée diminuait
en Europe tandis que les suies augmentaient
. Il a insisté sur les
effets directs et indirects des aérosols à travers leur
rôle dans la formation des nuages et sur les incertitudes qui y sont
associées. Il a estimé qu'au total les aérosols
étaient plutôt à l'origine d'un refroidissement qui
masque donc une partie du réchauffement relatif au gaz carbonique, mais
que l'on ne sait pas très bien si pour le futur l'effet des
aérosols sera important vis à vis de celui du aux gaz à
effet de serre.
M. Daniel CARIOLLE a estimé très vraisemblable
l'évaluation faite par le GIEC d'un réchauffement global de +
1° à + 4° en 70 ans. En particulier aucun modèle
climatique ne prévoit de refroidissement général,
même si certaines simulations montrent des refroidissements locaux, par
exemple, en cas de ralentissement du
Gulf Stream
.
Certains modèles permettent également d'extrapoler les calculs
globaux au niveau régional. Il a donc souligné
la
difficulté de se limiter, dans une étude, aux impacts sur la
France
, qui constitue une entité géographique de faible
étendue par rapport aux échelles étudiées.
M. Daniel CARIOLLE a également évoqué l'influence que
pourrait avoir le développement des épidémies sur
l'industrie pharmaceutique
, celle de
la Politique Agricole
Commune
sur l'effet de serre (mise en friche ou reboisement) et celle du
réchauffement sur un changement important du
bilan hydrique, des
ressources et de la qualité des eaux
.
Il s'est interrogé sur les impacts des pratiques régionales ou
locales, comme
la déforestation en Amazonie
, dont il n'est pas
évident qu'elle perturbe le climat au delà de la zone
concernée, puis a déploré
l'arrosage
systématique
opéré pour l'agriculture dans le Midi de
la France qui semble souvent dépasser les limites de la
rationalité (arrosage lorsque l'évaporation est maximale). Il a
aussi rappelé qu'il faudrait maintenant
toujours se demander quelle
quantité d'eau était nécessaire à la production
d'un kilo de matière sèche.
Quelles que soient les évolutions climatiques,
la connaissance des
rétro-actions entre les différents éléments du
système climatique demeure encore partielle
. Par exemple, quelle
sera la réaction des plantes à un changement de climat ?
(plus de carbone disponible, température plus élevée et
selon les régions plus ou moins d'eau disponible). Si l'étude des
climats anciens permet en partie de répondre à cette question, ce
n'est pas parce que l'Afrique a été verte, à
l'époque où y régnait un certain niveau de
température qu'elle le redeviendra du fait du réchauffement. En
l'espèce les sols ne peuvent pas être reconstitués sur des
échéances aussi courtes que la centaine d'années.
Quoi qu'il en soit, il a souhaité que soient
améliorés
tous les systèmes d'observation
, par exemple grâce à la
cohérence des programmes spatiaux entre les pays. Ce point est vital si
l'on veut pouvoir détecter le plus tôt possible les changements
climatiques. L'observation du climat nécessite en particulier une
très bonne stabilité des mesures qui ne peut être obtenue
que par des séries récurrentes et concomitantes de satellites, et
par le maintien de réseaux in-situ de qualité pour la
météorologie et les autres variables du climat.
Puis, M. Daniel CARIOLLE a indiqué que pour les données relatives
aux profondeurs des
océans
, les principaux organismes en charge
de l'observation de l'océan (CNES, CNRS/INSU, IFREMER, IRD,
Météo-France, SHOM) poursuivent la mise en place du projet
MERCATOR en liaison avec le satellite TOPEX qui mesure la hauteur de
l'océan et étudie les courants. Il s'agit là des premiers
pas vers la constitution d'une météorologie pour l'océan
qui nécessitera des moyens importants : satellites ;
modèles numériques et moyens à la mer permettant de
déployer bouées et sondes pour l'acquisition des données
in-situ.
Aux Etats-Unis d'Amérique,
la National Oceanographic and Atmospheric
Administration (NOAA)
mène également des projets sur ces
thèmes qui dépassent le strict cadre de l'observation du climat.
Les militaires sont en particulier, comme en France, très
intéressés par les résultats relatifs aux courants marins.
MISSION INTERMINISTERIELLE DE L'EFFET DE
SERRE
(M.I.E.S.)
(40(
*
))
M. MICHEL MOUSEL, PRÉSIDENT
M. MARC GILLET, CONSEILLER
(21 décembre 1999)
M.
Michel MOUSEL a annoncé que
le rapport de la MIES sur « les
Impacts potentiels du changement climatique en France au XXIème
siècle »
paraîtrait sous la forme d'une seconde
édition, actualisée, au cours de l'année 2000. Il a
précisé que la mission travaillait en aval des milieux
scientifiques pour
dégager des actions
à mettre en oeuvre
et pour
développer des contacts internationaux
. Il a noté
qu'il était difficile de passer de l'information scientifique à
l'information du public et a précisé que la MIES
s'intéressait par priorité à la France
métropolitaine, aux DOM-TOM et aux zones de coopération.
La MIES est également chargée d'organiser des manifestations sur
le territoire en liaison avec des comités scientifiques pour
attirer
l'attention du public sur le changement climatique
. Deux manifestations se
dérouleront, l'une dans les Alpes, dans la Vallée blanche, en
juillet 2000, et l'autre en Camargue pour étudier les zones d'estuaire,
en liaison avec les Hollandais et les Egyptiens, en octobre 2000.
Interrogé sur l'idée de
la
parution du rapport de
l'Office sur CD-rom
, M. Michel MOUSEL l'a jugée excellente et propre
à favoriser la prise de conscience de l'opinion publique.
Il a ensuite indiqué que
le programme d'action 2000-2010
allait
être adopté par le Gouvernement au cours du mois de janvier 2000
et qu'il servirait de base à la ratification du protocole de Kyoto.
Il a aussi attiré l'attention sur l'existence d'
un mémento des
décideurs
élaboré par la MIES qui se présente
sous la forme de fiches d'actions mises à la disposition des
collectivités territoriales qui doivent disposer d'un tel instrument
pour expliquer l'effet de serre à leurs concitoyens. A cet égard,
il a précisé que les futurs contrats d'agglomération
constitueraient un bon cadre pour prendre en compte les actions anti-effet de
serre sur lesquelles l'Etat s'est engagé au niveau international.
Il a également rappelé qu'existait sur ce thème un
programme du Ministère de l'Environnement,
le G.I.C.C.
(41(
*
))
, présidé par M.
Jean-Claude ANDRÉ.
Evoquant ensuite
l'avenir des pays insulaires
, M. Michel MOUSEL a
insisté sur le fait que des problèmes apparaissaient maintenant
dans la réalité et non plus seulement dans des études
diverses. C'est ainsi qu'une recrudescence du paludisme a pu être
observée dans certains d'entre eux.
Il a aussi rappelé que de nombreux organismes menaient des
recherches sur les changements climatiques
. Parmi ceux-ci, il a
particulièrement cité Météo France associé
au Laboratoire de Météorologie Dynamique de l'Ecole
Polytechnique, le Max Planck Institut en Allemagne, et le Met Office au
Royaume-Uni.
M. Michel MOUSEL est ensuite revenu sur l'importance de
la fonction de
communication remplie par la MIES
qui répond à un vrai besoin
puisque le protocole de Kyoto demeure une décision unique en son genre
en s'opposant aux émissions de gaz à effet de serre au niveau
mondial, mais la question de rendre contraignants les objectifs de ce protocole
reste encore en suspens jusqu'à la conférence de La Haye qui doit
se tenir à la fin de l'année 2000.
En fait, pour faire passer les véritables signaux d'alarme dans
l'opinion, il serait nécessaire de
préparer de
véritables émissions de télévision
.
De leur côté,
les industriels
commencent à envisager
des actions, même s'ils ne sont pas encore d'accord sur les moyens
à employer. Cette évolution, pas encore évidente il y a
encore cinq ans, s'est poursuivie avec les pétroliers eux-mêmes
qui ont évolué en activant des recherches sur les énergies
renouvelables.
Une telle évolution des mentalités s'accomplit encore plus
difficilement aux Etats-Unis d'Amérique.
Après avoir évoqué la bonne
collaboration nouée
entre la MIES et les divers cabinets ministériels ou
ministères
dans leur ensemble, qu'il s'agisse de l'Economie et des
finances, de l'Equipement et des transports, et naturellement de
l'Aménagement du territoire et de l'environnement, M. Michel MOUSEL
a insisté sur l'articulation essentielle qui devait exister avec
l'Europe
. Il a noté aussitôt la difficulté pour
réunir l'indispensable unanimité sur un thème. A cette
fin, pour préparer les réunions du Conseil de l'environnement, un
groupe ad hoc climat se réunit tous les quinze jours, M. Michel
MOUSEL étant le chef de la délégation française.
Dans le même but,
à l'étranger
, des structures
analogues à celles de la France existent ou sont en voie de
création. Parfois, des cellules chargées du climat sont
présentes dans plusieurs ministères -c'est le cas en Allemagne-
et, dans quelques pays, les ministères des Affaires
étrangères pilotent ces structures. Aux Etats-Unis
d'Amérique, l'information part du Ministère de l'Environnement,
va au Sous-secrétariat d'Etat chargé du commerce
extérieur, puis au niveau en-dessous, à l'interlocuteur de la
Cellule climat de la Maison blanche puis au Département de
l'énergie et, enfin, à l'Agence de l'environnement.
M. Michel MOUSEL a ensuite mentionné l'existence d'
opposants aux
instructions découlant du protocole de Kyoto
avec, en tout premier
lieu, les sidérurgistes et les cimentiers. Toutefois, comme ces
industriels savent qu'ils devront se plier aux règles adoptées,
certains comme Lafarge commencent à investir à l'étranger
dans des équipements moins polluants, même si, en l'occurrence,
c'est toujours le même exemple de réalisation, en
République Tchèque, qui est cité.
Les évolutions seront sans doute encore plus difficiles dans la moyenne
et la petite industrie. A cet égard, M. Michel MOUSEL a rappelé
l'importance du rôle joué par
l'ADEME
qui peut aider les
petites et moyennes entreprises à gérer des plans qui leur
rapporteront.
Pour ces actions, il sera important de
mobiliser le secteur bancaire
,
les assureurs s'étant déjà intéressés
à la question, notamment les grands réassureurs suisses et
hollandais, parfois français, encouragés par la MIES.
Evoquant pour terminer les particularités des
DOM-TOM
,
M. Michel MOUSEL a estimé que le principal problème des
Antilles résidait dans l'importance de sa population, que la
région Guadeloupe serait représentée en tant que telle
à la Conférence de Bonn sur le changement climatique et que la
Charte de développement durable de Basse-Terre pouvait s'inscrire dans
la perspective d'un tel changement climatique.
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE
DIRECTION DE L'ESPACE RURAL ET DE LA FORÊT
M. CHRISTIAN BARTHOD
(42(
*
))
,
SOUS-DIRECTEUR DE LA FORÊT
(5 avril 2000)
M.
Christian BARTHOD, sous-directeur de la forêt, s'est plus
particulièrement intéressé aux
interactions entre les
changements climatiques escomptés et la politique forestière
à partir de 1991, dans le cadre de la négociation du projet de
convention sur les changements climatiques. Son implication
précédente dans la gestion du dossier des « pluies
acides en forêt » l'a conduit à insister sur la
nécessité de
bien distinguer le
« certain », le « probable »
, les
hypothèses scientifiques encore soumises à révision et
débat scientifique, et les incertitudes dans les modélisations et
calculs afférents, en soulignant le besoin de
bien préciser
l'échelle géographique
pertinente pour raisonner dans chaque
cas de figure. Il a rappelé à quel point il est facile et
dangereux de procéder à des amalgames et de tenir alors des
discours irresponsables en mélangeant ces différents niveaux de
connaissance et d'analyse.
Il a rappelé que les arbres doivent pouvoir supporter une grande gamme
d'événements climatiques durant leur longue vie, et que la forte
variabilité génétique des populations d'arbres
indigènes permet une assez bonne capacité d'adaptation aux
évolutions climatiques, dès lors qu'elles se font à une
vitesse compatible avec leur cycle de reproduction. Néanmoins, compte
tenu de l'ampleur des changements climatiques envisagés par les experts,
un certain nombre de peuplements forestiers aux limites de leur aire naturelle
de répartition pourrait connaître des processus de
dépérissement. Par ailleurs,
la rapidité des
changements climatiques envisagés n'est pas compatible avec la vitesse
naturelle de migration géographique des espèces
forestières
. C'est pourquoi il est de la responsabilité de la
politique forestière d'intégrer ces hypothèses dans le
choix des essences à privilégier lors des plantations ou des
régénérations naturelles.
Pour lui,
trois nécessités
se dégagent
aujourd'hui : celle de veiller avec une grande rigueur à
l'adaptation des essences à leur environnement
, celle de
détecter
le plus précocement possible
les
dysfonctionnements
éventuels des écosystèmes
forestiers, et celle de
dynamiser la sylviculture
, pour limiter
notamment les
stress
hydriques.
Il a ensuite relevé les interrogations des météorologues
sur l'accroissement ou non du
risque de tempête en Europe
occidentale
, compte tenu de séries chronologiques limitées
à 150 ans environ, des difficultés à mesurer les vitesses
extrêmes du vent, et de l'ensemble des facteurs qui peuvent expliquer
l'existence de grands cycles sur près d'un siècle. Il a fait
état des séries statistiques disponibles, montrant, depuis 1868,
une fréquence relativement plus forte en Europe centrale qu'en Europe
occidentale des très grandes tempêtes et des grands
dégâts forestiers afférents.
Il a rappelé que l'intensité des dégâts
causés en France par
les deux tempêtes de décembre
1999
n'a pas de précédent dans la mémoire
forestière, ce qui ne permet pas néanmoins de trancher la
question de la récurrence de tels événements
météorologiques extrêmes. En effet, il y a quelques
siècles, l'importance des dégâts était probablement
limitée par la moindre surface forestière, par l'importance des
taillis et taillis sous-futaies, et par une hauteur moyenne des arbres
inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui.
Depuis le premier plan de lutte contre l'effet de serre adopté en 1993,
le boisement des terres agricoles
est identifié comme un outil
possible de cette lutte, même s'il ne faut pas considérer qu'il
pourrait neutraliser plus de quelques pour-cent des émissions nationales
de gaz carbonique. Néanmoins les importantes réserves des
organisations professionnelles agricoles vis-à-vis de cette option,
ainsi que plus généralement les conflits locaux sur l'occupation
du sol, ont conduit à ce que cette politique n'a jamais atteint en
France le niveau constaté en Irlande ou au Royaume-Uni, pays en moyenne
faiblement boisés. Par ailleurs, les situations sont assez
différentes d'une région à l'autre, et en règle
générale
les zones faiblement boisées continuent
à se déboiser
lentement alors que
les zones
déjà fortement boisées continuent à se
reboiser
, posant ainsi d'importants problèmes d'aménagement
du territoire.
La zone privilégiée pour une politique de
boisement serait le grand Ouest de la France
, où un taux de
boisement plus élevé serait compatible avec la recherche d'une
plus grande qualité environnementale et avec une maîtrise plus
forte de la qualité de l'eau.
Les rédactions restrictives du protocole de KYOTO, ainsi que la
lecture encore plus restrictive qui en est faite, posent un réel
problème pour la prise en compte de toutes les contributions possibles
du secteur forestier à la lutte contre l'accroissement de l'effet de
serre
. En effet, une approche limitée à la seule prise en
compte du carbone des très jeunes plantations peut être comprise
comme
une volonté implicite de refuser la prise en compte globale des
stocks de carbone en forêt
(43(
*
))
, alors même que le rythme de
croissance des arbres est déjà fortement stimulé sur toute
l'Europe par l'augmentation de la concentration du gaz carbonique dans
l'atmosphère, sans doute en synergie avec l'impact des
dépôts atmosphériques azotés et l'augmentation de
température.
Dans le cas particulier de la France, une telle option prive de la
possibilité de valoriser pleinement l'effort important de boisement, de
reboisement et de conversion des anciens taillis sous-futaies, mené
depuis 1946
, notamment grâce au compte spécial du
Trésor « Fonds forestier national ». Il est exact
que les plantations des cinquante dernières années ont
privilégié les essences résineuses, mais il faut
parallèlement constater la tendance lourde, durant la même
période, à la réduction des marchés des bois
feuillus de qualité moyenne et l'augmentation constante du marché
des bois résineux. Par ailleurs, les résineux font souvent partie
des peuplements pionniers naturels lors de la colonisation par la forêt
de nouveaux terrains.
Revenant à la question du cycle du carbone, M. Christian BARTHOD a
indiqué que
la forêt européenne
présente
l'originalité, à l'échelle mondiale, d'être en
pleine expansion, avec
un stock de carbone en forte augmentation
. Dans
le débat sur les stratégies de lutte contre l'effet de serre, il
est par ailleurs trop souvent oublié
que l'emploi du bois dans la
construction constitue un stockage de carbone
, et que
l'utilisation
énergétique du bois
(à la condition d'avoir une
chaudière bien réglée) n'augmente pas la quantité
de carbone en circulation, et permet d'éviter de relâcher dans
l'atmosphère du carbone fossile actuellement séquestré
(44(
*
))
.
Du point de vue environnemental, il a insisté sur la
nécessité de
comparer méthodiquement les
différents matériaux entre eux
, en prenant en compte toutes
les énergies fossiles nécessaires à leur mobilisation et
à leur mise en oeuvre, et cela sur l'intégralité de leur
cycle de vie. Dans ce domaine les débats sont passionnés, et les
données présentées ne sont pas toujours indemnes de
restrictions mentales, compte tenu de l'enjeu d'un positionnement de tous les
matériaux sous l'angle environnemental.
Interrogé sur la situation dans
les D.O.M. et les T.O.M.
,
M. Christian BARTHOD a rappelé le très faible niveau de la
récolte de bois en Guadeloupe et en Martinique, et l'existence d'une
ressource potentielle de bois commercialisable à la Réunion, avec
les plantations anciennes de
Cryptomeria japonica
. En Guyane, la
récolte de bois est significativement plus importante, mais le
développement de la filière bois est confronté aux
handicaps liés à la relativement faible fertilité de la
plupart des sols forestiers guyanais et aux coûts de la main d'oeuvre,
par rapport à des pays tropicaux voisins. Enfin, il a
déclaré ne pas disposer d'informations sur la Nouvelle
Calédonie.
Monsieur Christian BARTHOD a ensuite mis en perspective les atouts de
la
forêt tempérée
européenne par rapport à
la forêt boréale et à la forêt tropicale et
intertropicale. Néanmoins, des zones de plus en plus importantes de
forêts boréales
, jusqu'à présent très
peu exploitées, pourraient devenir de plus en plus attractives pour la
récolte de bois, notamment au Canada et en Sibérie, dans la
mesure où l'augmentation des températures pourrait permettre des
cycles plus intensifs.
La forêt tropicale et intertropicale est en régression
constante depuis près de cinquante ans
. En Afrique, les zones
très forestières se sont fortement rétrécies et
sont désormais concentrées autour du bassin du Congo et de
l'Ogoué. En Asie du Sud-Est, des stratégies
délibérées d'exploitation intensive pour financer le
développement économique du pays ont été suivies,
notamment en Malaisie et Indonésie. En Amazonie, l'implantation de
nouvelles populations et de grandes exploitations agricoles a eu un impact
sévère sur la réduction des surfaces forestières.
De façon globale, sans exclure des cas particuliers choquants, la
réduction des surfaces forestières provient davantage des besoins
énergétiques locaux, du besoin de terres agricoles et des
plantations industrielles que d'une exploitation commerciale motivée par
la seule exportation.
Le suivi de la déforestation n'est pas facile à mener au
niveau mondial
, car les outils statistiques manquent souvent dans les pays
les plus concernés. Les inventaires de la F.A.O. restent la principale
référence. Le suivi satellitaire n'est pas une panacée,
comme l'ont montré les discussions du début des années
1990 sur le suivi de la déforestation en Amazonie. Par ailleurs, le
ralentissement du rythme de déforestation peut n'être que
temporaire, comme l'a également montré le cas amazonien.
Au sujet des puits de carbone et des
plantations effectuées par le
groupe P.S.A. au Brésil
, M. Christian BARTHOD estime que dans
le contexte actuellement encore mouvant d'un éventuel marché des
« droits à polluer », il existe un
intérêt certain à expérimenter la faisabilité
des cahiers des charges et le poids des contraintes rencontrées lors de
grands projets de boisement réalisés dans la zone tropicale ou
intertropicale par des entreprises européennes ou
nord-américaines. Les problèmes rencontrés par l'O.N.F.
sur ce dossier illustrent les difficultés que peuvent rencontrer des
opérateurs très qualifiés dans un environnement social et
politique qu'ils ne maîtrisent pas parfaitement. Par ailleurs, il se pose
la question difficile de savoir s'il n'est pas possible de proposer aux
entreprises susceptibles d'être concernées par un marché
des « droits à polluer » des mécanismes
permettant à la forêt européenne de profiter d'une telle
opportunité.
A propos de la rédaction du
protocole de KYOTO
, M. Christian
BARTHOD évoque les craintes répandues dans certains milieux
environnementaux vis à vis de la contribution que la forêt et le
bois pourraient apporter à la lutte contre l'effet de serre. En effet,
les contributions forestières sont parfois présentées,
bien à tort, comme une alternative au besoin de réduire les
émissions polluantes
. Une telle présentation ne sert pas les
intérêts forestiers et conduit certains négociateurs
à vouloir limiter la contribution forestière en fixant des
conditions extrêmement limitatives à une telle prise en compte. Il
est un fait que
les experts forestiers n'ont pu que très peu
contribuer à la rédaction du compromis final de la
conférence de KYOTO, et que la délégation française
ne comptait pas d'experts dans ce domaine
. Par ailleurs,
les pays
tropicaux n'ont pas non plus intérêt à donner un avantage
compétitif aux pays européens en prenant vraiment en compte les
forêts.
Il ressort de toutes ces considérations que
les grilles d'analyse
proposées par les différentes parties prenantes ne sont pas
neutres, et qu'il peut s'opérer autour des négociations sur les
changements climatiques des alliances a priori surprenantes, par exemple entre
des défenseurs de l'environnement légitimement attachés
aux réductions d'émissions polluantes et des pays tropicaux
tolérant ou favorisant la déforestation à grande
échelle.
Le projet de loi d'orientation sur la forêt
fait
référence à la contribution du secteur de la forêt
et du bois à la lutte contre l'effet de serre. Néanmoins il n'a
pas été identifié de mesures législatives
particulières nécessaires pour remédier à des
blocages actuellement constatés en matière de boisement
d'anciennes terres abandonnées par l'agriculture.
Interrogé sur
l'insuffisante association de spécialistes
français au sein du G.I.E.C.
, M. Christian BARTHOD a
observé que les conditions de travail au sein de ce réseau
d'experts n'étaient pas très favorables à la participation
de scientifiques forestiers francophones, par ailleurs très peu nombreux
à investir dans cette thématique de recherche. Au nom de la
M.I.E.S., M. Arthur RIEDACKER, mis à disposition par le ministère
de l'agriculture et de la pêche, participe à ces
négociations. Il est à noter que beaucoup de pays mobilisent des
scientifiques en fin de carrière, alors que la plupart des scientifiques
français ne sont pas attirés par ce type de valorisation de leur
expérience. Or,
pour compter, il faut être partout, marteler le
même discours, posséder une certaine capacité de nuisance
pour prétendre pouvoir bloquer un compromis, et enfin être
à même d'accéder aux comités de rédaction
où se fait le vrai travail
.
Ayant été en charge des
négociations internationales
touchant à la forêt
de 1989 à 1995, M. Christian
BARTHOD a signalé que son expérience le conduisait à
souligner l'originalité de ce genre de négociations qui
mêlent inextricablement une dimension scientifique dans un secteur
où les connaissances ne sont pas stabilisées, à des
aspects diplomatiques plus classiques. Dès lors, l'enjeu est de
savoir mêler les genres, tout en instaurant des procédures
d'arbitrage qui garantissent le respect des intérêts
nationaux
. Il s'agit d'un défi particulièrement difficile
à relever.
Au sein du
Comité permanent forestier de l'Union
européenne
, à l'initiative conjointe de la France et de la
Finlande, un groupe d'experts animé par ces deux pays a
été mis en place. De fait, l'expertise finlandaise s'est
révélée particulièrement dynamique et seule
à même d'animer un groupe d'experts. Cela s'explique probablement
par les enjeux économiques et politiques de la forêt en Finlande.
Enfin, à propos de
l'écotaxe
, M. Christian BARTHOD a
rappelé qu'en 1991 la France était parmi les pays qui avaient
lancé ce débat, dans un contexte où son bilan
d'émissions de gaz carbonique lui laissait penser qu'elle pouvait en
retirer un avantage compétitif. Les discussions ultérieures,
reposant sur les émissions de carbone mais aussi sur la consommation
d'énergie, ont modifié beaucoup d'analyses.
Le secteur de la
forêt et du bois
, dans la plupart des pays vraiment forestiers,
estime qu'un tel mécanisme fiscal et financier pourrait lui
bénéficier en partie
, compte tenu des contributions qu'il
peut apporter à la lutte contre l'accroissement de l'effet de serre.
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE
M. Guy LANDMANN,
(45(
*
))
CHEF DU DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ DES FORÊTS
DIRECTION DE L'ESPACE RURAL ET DE LA FORÊT
(16 mars 2000)
Après avoir indiqué que
le département
de la
santé des forêts
était en premier lieu chargé de
la
surveillance phytosanitaire
(champignons pathogènes, insectes
ravageurs,...), il a précisé que les effets de la pollution
atmosphérique diffuse et du réchauffement climatique
étaient également pris en compte indirectement par le biais des
réseaux d'observation. Le chef du département est aussi
chargé du
suivi des conventions internationales
.
Au sujet de la question des
pluies acides
, M. Guy LANDMANN a
souligné le fait que
20 % des sols forestiers du territoire
français sont très acides
. Ce problème concerne les
Vosges et les Ardennes, ainsi qu'une partie du Massif central et de l'ensemble
Bretagne-Normandie. D'où l'octroi, à partir de l'année
2000, de subventions du Ministère de l'Agriculture pour que les
forestiers restaurent les sols grâce à des engrais
calco-magnésiens.
Les Allemands, confrontés à un problème de même
nature mais plus étendu en surface, ont restauré 1,5 million
d'hectares en dix ans. On estime qu'
il serait souhaitable de restaurer
1 million d'hectares
en France
, les sols acides y ayant atteint
une acidité très marquée (pH compris entre 3 et 4) et
étant très faiblement pourvus en cations basiques. Ainsi, sur les
sols les plus appauvris les épicéas jaunissent du fait d'une
carence en magnésium.
L'origine de cette acidification résulte tant d'une utilisation
historique de type minier des sols forestiers que des pluies acides, mais
la
restauration est mise en oeuvre par le Ministère de l'Agriculture
et
non par les pollueurs, qui sont nombreux et ne peuvent être
aisément localisés en raison des transports à longue
distance des polluants.
M. Guy LANDMANN a rappelé que la restauration ne devait pas être
effectuée de manière brutale, pour ne pas bouleverser les
écosystèmes. Ainsi, deux tonnes d'engrais par hectare peuvent
produire des effets étalés sur une vingtaine d'années. Le
bilan de tous les dispositifs mis en oeuvre depuis quinze ans a donc
été établi précisément.
Elargissant son propos, M. Guy LANDMANN a signalé qu'
il serait
important de développer la vulgarisation des connaissances
. L'Office
National des Forêts (ONF) et le Ministère de l'Agriculture ont
ainsi décidé le financement d'une étude en vue
d'élaborer un outil de vulgarisation. En effet, les données
demeurent aujourd'hui trop abstraites, même si les chiffres sont connus
et s'il existe des ruisseaux chargés de quantités d'aluminium
telles qu'ils ne permettent plus la vie.
Face au problème de la pollution atmosphérique,
un
règlement européen de protection des forêts
a
été élaboré en
1987
. Il
bénéficie de 6 à 7 millions d'euros par an, ce qui
est relativement modeste mais indispensable pour maintenir la recherche dans ce
secteur.
Des dispositifs de surveillance permanents ont été mis en
place dans la forêt française
. Ainsi, depuis 1987-1990 des
observations sont réalisées sur 540 points fixes d'observation
(20 arbres par site) à l'échelle de la métropole. Des
observatoires plus intensifs, au nombre d'une centaine, ont en outre
été installés pour les grandes essences : il s'agit
du réseau RENECOFOR.
Cet outil polyvalent doit prendre en compte aussi bien les pluies acides que
l'équilibre des écosystèmes, et M. Guy LANDMANN a
jugé souhaitable d'
étendre sa fonction aux changements
climatiques
, afin de pouvoir observer les liens entre ceux-ci et la
pollution. Pour l'instant, il n'est cependant pas certain que les instances
bruxelloises aient pris la mesure de l'intérêt de cette
observation.
Abordant ensuite la question du
réchauffement climatique
,
M. Guy LANDMANN a indiqué que dans un premier temps, il
était possible d'estimer que le réchauffement serait favorable
pour le cycle de végétation des arbres. Ainsi
en France, sur
dix ans, une hausse de 0,9 degré de température en
été et de 1 degré en hiver a entraîné
l'apparition de 12 jours de végétation
supplémentaires sur la période avril-septembre
.
En revanche, il a noté que
l'action du réchauffement sur les
insectes et les champignons
n'était pas très bien connue pour
l'instant. Quelques données existent cependant. Ainsi
la chenille
processionnaire du pin
est remontée d'environ la moitié d'un
département le long d'une ligne allant de Bordeaux à Lyon, tandis
que le
chancre du châtaignier
, en provenance du sud et
présent depuis une quarantaine d'années en France, a gagné
la Bretagne, l'Alsace et la Région Parisienne.
M. Guy LANDMANN a rappelé l'intéressant
colloque qui s'est
tenu à Nancy en 1999
sur les causes et les conséquences de
l'accélération de
la croissance des arbres en Europe
.
L'une des conclusions en a été que
la pollution pouvait
être « bonne » pour la forêt
. C'est ainsi
que le CO
2
ou les dépôts azotés, ou
l'augmentation de la température, peuvent conduire à une
amélioration de la croissance des arbres. Mais ils peuvent aussi
entraîner une rupture d'équilibre, notamment de la nutrition
minérale.
En l'état actuel des connaissances, M. Guy LANDMANN a estimé
qu'il demeurait difficile de mener une réflexion intégrant toutes
les variables, et situant les enjeux économiques et écologiques
du réchauffement climatique sur la forêt.
Même si
l'INRA, la MIES ou le GICC ont pris de bonnes initiatives sur ces questions,
ils n'en sont encore qu'au stade préliminaire.
Abordant la question de
la forêt tropicale
, M. Guy LANDMANN a
précisé que
peu d'études
existaient, car les
changements importants se produisent surtout aux latitudes
élevées.
Quant au développement des
modèles numériques
, M.
Guy LANDMANN a déploré que leur incertitude reste trop grande
tant que des études sur le terrain ne sont pas menées.
Par ailleurs, il a rappelé que le
programme Gestion et Impact des
Changements Climatiques (GICC)
géré par le Ministère
de l'Environnement concerne tous les milieux, mais que la forêt n'a pas
encore trouvé sa place dans cet appel d'offres, peut-être du fait
de la difficulté des forestiers à présenter un discours
suffisamment compréhensible ou à dégager des axes de
réflexion. Il a souhaité que le Groupement d'Intérêt
Public (GIP) ECOFOR, parvienne à mener à bien six ou huit
programmes, dont un concerne la forêt et les modifications de
l'environnement, et qu'il prenne donc en compte les changements climatiques, la
pollution atmosphérique, etc....
Evoquant
les journées scientifiques et techniques qui se sont
tenues
en juin 1999 à Nancy
et qui étaient
organisées par l'INRA, M. Guy LANDMANN a rappelé qu'elles avaient
trait à l'impact de l'effet de serre sur la forêt.
Il a estimé que l'évolution de l'aire des forêts en
altitude et dans certaines zones géographiques suite aux changements
climatiques, le dépérissement de massifs composés de
certaines essences du fait de la sécheresse, et la modification de
l'aire de répartition et des niveaux de population des insectes
ravageurs et des champignons pathogènes (certains étant
amenés à se développer et d'autres à
régresser sans que l'on puisse dire à l'avance lesquels)
montraient la nécessité d'un renforcement du suivi de ces
modifications.
De ces études pourraient naître des réponses sur la
nécessité de planter certaines essences dans certaines zones pour
tenir compte des changements observés. C'est ainsi que le rapport de la
MIES a noté qu'il serait intéressant de planter des pins plus
résistants, ou de coupler le chêne et le hêtre par exemple
en Normandie, le hêtre étant davantage menacé par la
sécheresse, mais le chêne étant plus cher et poussant moins
vite. La réponse à certaines questions permettrait de pouvoir
décider si l'anticipation du changement climatique doit être
lancée dès maintenant, et de motiver en ce cas des replantations
en conséquence
.
Concernant
la recherche sur les évolutions de la forêt par
rapport au climat
, M. Guy LANDMANN a indiqué que les
Anglo-saxons disposaient de modélisations rustiques mais utilisables,
tandis que les Français travaillaient sur des modélisations plus
ambitieuses mais encore inutilisables. Un équilibre reste à
trouver entre ces deux approches, de même qu'une enceinte
appropriée pour les débats sur ce thème.
M.
YVES COCHET
MINISTRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT
(6 décembre 2001)
M. Yves
COCHET a rappelé que, depuis sa nomination au Gouvernement, il avait
participé à deux
conférences internationales
relatives au climat, à
Bonn
et à
Marrakech
, et
qu'il considérait que ces deux conférences avaient
constitué
des succès
. En effet, elles avaient permis de
préciser les méthodes pour la mise en oeuvre du protocole de
Kyoto dans quatre domaines : les puits de carbone, l'aide aux pays du Sud,
l'observance et les mécanismes de flexibilité. Il s'est donc
réjoui du texte adopté à Marrakech.
Il a rappelé que tous les pays participants, à l'exception des
États-Unis d'Amérique, s'étaient engagés à
ratifier, le plus vite possible, le protocole de Kyoto
afin de pouvoir
présenter des avancées substantielles pour la conférence
de Johannesburg prévue pour septembre 2002.
M. Yves COCHET a rappelé que
les objectifs 2008-2012
risquaient
de ne pas être atteints par certains pays, même si la Russie et le
Japon ont été beaucoup aidés pour y parvenir. Il a
estimé que la France réussirait, et même dépasserait
ses objectifs, de même que l'Europe.
Interrogé sur la représentation technique de la France parmi les
experts climatiques et économiques au sein du
GIEC
ou des
négociations internationales, M. Yves COCHET a considéré
que la qualité des rapports du GIEC et l'augmentation de leur
fréquence, comme de leur précision, constituaient autant de
signes encourageants.
Quant à la tenue même des
négociations
internationales
, il a jugé que les intérêts de la
France y étaient techniquement bien pris en charge, et, encore une fois,
que la France pouvait faire mieux que stabiliser ses émissions à
0 %, surtout si les préconisations du rapport COCHET sur
l'efficacité énergétique et les énergies
renouvelables étaient suivies.
Le ministre a aussi évoqué le récent rapport du
sénateur Serge LEPELTIER relatif aux nuisances de
l'automobile
(46(
*
))
; il l'a
estimé très intéressant quoique traduisant une fascination
un peu excessive pour les progrès des techniques automobiles dont, selon
le ministre, il faudrait plutôt réduire l'usage, en donnant, par
exemple, davantage de moyens aux transports collectifs, comme le
préconise le plan national de lutte contre le changement climatique.
A propos des
transports en commun à Paris
, M. Yves COCHET a
considéré que la priorité consistait à promouvoir
une offre attractive de transports en commun, c'est-à-dire des
transports qui soient rapides, confortables, sûrs et fréquents. En
effet, seule une bonne alternative aux transports individuels pourrait faire
évoluer de manière sensible la situation.
Par ailleurs, il a souhaité qu'une lutte contre les nuisances
résultant de la croissance des transports routiers soit menée
afin de développer
le fret ferroviaire
. Un immense effort devrait
être, selon lui, accompli dans ce domaine, afin de parvenir à
doubler en dix ans ce mode de transport, étant observé que ce
doublement reviendrait seulement à maintenir la part actuelle du fret et
non à l'augmenter. Il a aussi relevé le rôle néfaste
des
embouteillages
, qui constituent d'immenses gaspillages, et a
souhaité que les usagers fassent davantage preuve d'autodiscipline.
M. Yves COCHET a ensuite rappelé l'intérêt du
rapport
Zedillo-Delors
, publié en juin 2001, qui prône l'instauration
d'
une taxe mondiale sur le carbone
, et s'est demandé aussi si les
périodes électorales étaient bien propres à
favoriser de nouvelles mesures restrictives sur l'énergie. Il a
souhaité que des campagnes de publicité enseignant
les gestes
qui économisent l'énergie
soient développées.
A propos de
la forêt
, il a noté que beaucoup d'incertitudes
existent quant aux émissions de certaines forêts du monde, et a
rappelé que les pays du « groupe de l'ombrelle» ont
obtenu au cours des récentes négociations internationales une
prise en compte bien plus importante de leurs puits de carbone, même si
ces puits peuvent être considérés comme davantage
politiques que scientifiques. Pour la France, de bonnes bases scientifiques
existent pour estimer son puits de carbone, mais elle n'a obtenu que peu de
quota de puits. Dans le même temps, le Canada, qui est plutôt
émetteur de carbone, obtenait une prise en compte plus importante de ses
forêts.
Ce rapprochement montre que
les pays de l'Union européenne ont
plutôt misé sur la stratégie consistant à montrer
l'exemple en s'imposant des efforts domestiques réels.
Interrogé sur la réalité de
la priorité
nationale constituée par la lutte contre l'intensification de l'effet de
serre
résultant de la loi votée au printemps 2000, M. Yves
COCHET a précisé que le décret d'application
nécessaire à la création de l'Observatoire de l'effet de
serre était en cours de rédaction et devrait conduire à la
création de cet Observatoire vers le printemps 2002, et qu'il veillait
personnellement à l'application de toutes les dispositions de la loi
votée.
Quant au rapport entre
le ministère de l'Environnement et la
MIES
, le ministre a précisé que le ministère de
l'environnement se comportait comme un chef de file face à la MIES et
à l'ADEME, et qu'il ne serait pas absurde d'intégrer la MIES au
ministère, qui ne possède pas pour l'instant de direction de
l'énergie.
Par ailleurs, est à l'étude
la création d'un corps de
fonctionnaires de catégorie A, et même A+
, dont la
compétence transversale trouverait particulièrement son emploi
au ministère de l'environnement
. Une spécialisation
environnement à la sortie des
grandes écoles
pourrait
être envisagée, et bien avant cela, dans
l'enseignement
secondaire
, une sensibilisation à l'environnement et même un
corpus d'enseignement axé sur le développement durable ou l'effet
de serre pourrait être envisagé. Le ministre de l'Education
nationale est assez favorable à une telle approche initiée par le
ministère de l'Environnement.
A un autre échelon, le ministère s'interroge sur la place et
l'organisation de l'activité environnement des
Directions
régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement
(
DRIRE)
. Il se demande s'il faudrait créer des directions
départementales de l'environnement. Toute une réflexion sans
a
priori
est lancée sur ces thèmes.
Questionné sur
la mise en oeuvre des permis d'émissions
négociables
, M. Yves COCHET a rappelé que les industriels
étaient prêts à conclure des engagements volontaires, mais
que le ministère était réservé face à ces
généralisations. Il a souligné qu'une directive
était actuellement en préparation à Bruxelles sur les
échanges de permis négociables.
Cependant, pour M. Yves COCHET, le vrai problème demeure de
réduire les émissions de l'industrie, et il considère
qu'il faut
commencer par réduire de manière substantielle les
émissions de gaz à effet de serre dans son propre pays
avant
de conclure des accords internationaux sur les permis négociables.
Quant au
transport aérien
, qui bénéficie d'une
absence de taxation du kérosène, il a estimé
évident que cette situation fiscale ne peut perdurer même s'il est
plus facile de réaliser cette évolution , dans un premier temps,
par les vols intraeuropéens.
Il a souhaité que le transport aérien soit inclus dans les
secteurs du protocole de Kyoto émettant du gaz à effet de
serre, même si les émissions sont difficiles à imputer
à tel ou tel pays dans la mesure où la plupart des vols sont
internationaux, mais, quels que soient les moyens techniques envisagés,
une meilleure prise en compte des émissions des transports
aériens demeure indispensable.
Au sujet des
véhicules à deux roues
, qui ne
représentent qu'un faible pourcentage des gaz à effet de serre
(environ 2 %), le ministre a reconnu que leur coût par
kilomètre et par passager était très élevé,
d'autant que ces engins sont souvent surdimensionnés en puissance. Au
sujet de leur pollution sonore, le ministre a souligné avec force que
celle-ci atteignait un niveau excessif, et que si la réglementation sur
le niveau sonore des dispositifs d'échappement interdisait
déjà les plus bruyants de ceux-ci, ces accessoires demeuraient en
vente libre permettant la transformation ultérieure de l'engin. Il a
trouvé anormal que la législation puisse être ainsi
tournée et a souhaité que, au-delà de la verbalisation, ce
problème soit traité à la source chez les vendeurs
d'accessoires. Il a prôné une grande vigilance à ce sujet.
Abordant ensuite la question de
l'habitat
, M. Yves COCHET a
souhaité que soit d'abord réhabilité l'habitat ancien,
comme le prône d'ailleurs M. Jean-Yves LE DÉAUT, dans
son rapport sur les énergies renouvelables
(47(
*
))
présenté
récemment à l'OPECST. M. Yves COCHET a souhaité que
l'État donne l'exemple en matière de réhabilitation.
Le ministre a ensuite rappelé que s'étaient tenues
récemment
les Assises de la haute qualité
environnementale
, qui devrait être promue d'abord dans l'habitat
social, mais il a déploré l'absence assez répandue de
formation et d'information chez les professionnels de la construction, qu'il
s'agisse des architectes, ou encore des plombiers...
Il a estimé qu'une forte aide de l'ADEME serait nécessaire pour
faire évoluer les choses, et que
la nécessité de former
de bons thermiciens
constituait une évidence. Il a relevé
que, là encore, une modification des programmes d'enseignement semblait
s'imposer.
Abordant le point particulier des
ventilations mécaniques
, M.
Yves COCHET a jugé que le renouvellement d'un volume par heure de l'air
d'un local était excessif, et que ce procédé pourrait
souvent être considéré comme non indispensable.
Par ailleurs, il a souhaité que soit abandonnée l'installation
d'
ascenseurs
sans contrepoids.
Enfin, il a estimé facile à gagner le combat pour
l'économie d'éclairage et de chauffage
, grâce auquel
il serait possible d'épargner assez aisément environ 40 % de
l'énergie actuellement utilisée.
MINISTÈRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DE
L'ENVIRONNEMENT
DIRECTION DE L'EAU
M. Noël GODARD
SOUS-DIRECTEUR DE LA PROTECTION ET DE LA GESTION DES EAUX
(14 décembre 2000)
A la
suite de la présentation des attributions de la Direction de l'Eau qui
recouvrent aussi bien la prévention des
inondations
que la lutte
contre les
pollutions
ou la
sécheresse
, M. Noël
GODARD a rappelé que la lutte contre les inondations est conduite en
partenariat avec le ministère de l'Intérieur qui se charge de
l'organisation des secours et de l'instruction des dossiers relatifs à
l'indemnisation des victimes, tandis que l'aspect prévention qui
concerne notamment l'occupation des sols et l'élaboration des plans de
prévention des risques créés en 1995 (loi Barnier), et
dont les moyens viennent d'être augmentés, relève du
ministère chargé de l'environnement.
Il a indiqué que le cadre géographique de base de la Direction de
l'Eau est constituée par de grands tronçons de rivières et
qu'
un atlas des zones
inondables
par les rivières
était actuellement en cours de réalisation (50 %). L'objectif est
d'améliorer la diffusion de ces atlas, notamment par Internet,
l'Ile-de-France constitue une région pionnière en la
matière.
M. Noël GODARD a insisté sur la réalité du
risque
d'inondations en France
puisqu'il concerne
une commune sur trois
. La
priorité de l'action est donnée aux grandes vallées
alluviales, où les Directions départementales de l'Equipement
sont chargées de l'élaboration des plans de prévention des
risques d'inondation.
L'annonce des crues
constitue un second volet de la politique de
prévention de l'Etat. Cette mission s'est développée au
siècle dernier, donnant l'alerte par télégraphe ;
aujourd'hui, des stations automatiques de mesures existent, et également
des réseaux de radars (Aramis, de Météo France).
Le troisième type d'actions, est constitué par
les travaux de
protection
et l'octroi d'aides financières pour les mener à
bien.
La construction de
grands réservoirs
compte parmi les travaux
possibles ; c'est ainsi que la Seine bénéficie de quatre
grands réservoirs à l'amont de Paris.
Même si le milieu du XIXème siècle a connu de très
grandes crues,
la multiplication des phénomènes extrêmes
au cours de
ces dix dernières années fait
apparaître une évolution qui
pourrait rendre nécessaire
le renforcement des mesures de prévention vis-à-vis des risques
liés aux inondations.
C'est à l'échelle mondiale que la multiplication des risques
apparaît plus évidente, qu'il s'agisse de la Pologne, de
l'Allemagne, de la République tchèque, de l'Italie avec la plaine
du Pô, ou encore, pour la France, de l'Aude et du Finistère en
décembre 2000.
M. Noël GODARD a noté que
davantage de recherche et
d'observations seraient nécessaires
et qu'il faudrait
peut-être renforcer les liens de Météo France avec le
ministère chargé de l'environnement, multiplier les surveillances
localisées, les mailles du réseau de Météo France
apparaissant trop lâches. Certaines zones, comme le sud est, sont bien
couvertes par les radars, mais en Haute-Normandie, où trop
d'écoulements boueux surviennent, des améliorations devraient
être apportées.
Il reste à
améliorer la sécurité
des
grands ouvrages
, comme les barrages hydrauliques, dans la mesure où
l'importance des crues et leur fréquence risquent d'augmenter.
Cette difficulté est bien apparue lors des inondations qui ont atteint
la centrale nucléaire du Blayet en décembre 1999
(48(
*
))
, la révision à la
hausse de certaines normes de sécurité devrait en découler.
Bien entendu, les services de la recherche du ministère de
l'Aménagement du territoire et de l'environnement travaillent sur ces
risques d'inondations.
Abordant ensuite la question de
la ressource en eau
, dans
l'hypothèse où les sécheresses viendraient à
augmenter, M. Noël GODARD a noté que les phénomènes
actuellement observés dans le sud de l'Europe, notamment en Espagne et
en Afrique subsaharienne, pourraient peut-être apparaître dans le
sud de la France dans quelques dizaines d'années. Il a rappelé
toutefois l'importance du stockage dans les aquifères souterrains, qui
représente 2.000 milliards de mètres cubes pour les
aquifères naturels. Il a insisté sur les prévisions
alarmistes concernant les glaciers, dans les Alpes, et le stock neigeux dans
les Pyrénées. Il a indiqué qu'il était
difficile
de stocker
davantage d'eau qu'actuellement
, d'autant qu'un
mètre cube d'eau stocké artificiellement coûte environ un
franc par mètre cube et par an, ce qui apparaît cher pour l'usage
agricole.
Une
gestion plus économe de la ressource en eau
doit être
recherchée. Par exemple dans le bassin de Adour-Garonne, des plans de
gestion des étiages sont élaborés et une meilleure
utilisation des réservoirs existants a pu être mise en oeuvre en
liaison avec EdF pour les barrages alimentant la Garonne.
Des efforts ont été accomplis concernant le
comptage de
l'eau
pour les usages de l'agriculture. Les 2/3 de la consommation nette
d'eau sont utilisés par l'agriculture, l'eau consommée par la
plante représentant d'ailleurs 90 % de l'eau fournie.
A propos du comptage de l'eau, M. Noël GODARD a rappelé que les
agences de l'eau subventionnaient les installations de comptage. L'obligation
de comptage ne peut toutefois s'appliquer à l'irrigation gravitaire
à fonction agricole, comme dans le sud-est avec la Durance, ou encore
à une irrigation environnementale et paysagère, comme pour la
nappe de la Crau.
Si la consommation d'eau dans le secteur agricole a beaucoup cru depuis 20 ans,
il peut être relevé que l'industrie prélève en
revanche moins d'eau.
Cette meilleure gestion de la ressource peut être organisée
à travers
les plans de gestion des étiages
, et d'une
façon plus générale dans le cadre
des schémas
d'aménagement et de gestion des eaux
. Elle passe par la
nécessité de mener
une concertation avec les agriculteurs
pour être moins désarmé lorsqu'une année
sèche survient, comme en 1990 par exemple.
Ces préoccupations renvoient
à une meilleure estimation des
coûts
comme celui du stockage
, ou celui de l'eau à
usage agricole. Des redevances qui retournent au cycle de l'eau favorisent des
estimations exactes.
M. Noël GODARD a souligné
l'avance de la France
grâce
aux agences de bassins en matière de gestion de l'eau par bassin
versant. Il a indiqué également que plusieurs coopérations
internationales par bassin versant fonctionnaient bien, notamment sur le Rhin,
avec la commission des eaux du Rhin, sur la Meuse et sur l'Escaut, sur le
Rhône avec la Suisse, et sur la Garonne et la Bidassoa, avec l'Espagne.
A propos de
la déviation de l'eau du Rhône vers l'Espagne
pour alimenter celle-ci en eau potable, il a indiqué que le client
catalan apparaît un peu en pointillé, dans la mesure où le
pouvoir central espagnol est circonspect. Le plan national hydrologique
espagnol qui vient de paraître préconise plutôt une
meilleure gestion des eaux. Le prix du mètre cube d'eau est actuellement
d'environ 4 francs à Barcelone, et serait beaucoup plus onéreux
si l'eau du Rhône était acheminée jusqu'en Catalogne.
A propos des
concessions hydroélectriques
gérées
aujourd'hui par
EdF
et l'environnement, M. Noël GODARD a
précisé que la très grande durée des concessions
(75 ans) constituait un facteur de rigidité de la gestion de la
ressource en eau rendant difficile l'adaptation de l'exploitation de ces
ouvrages à l'évolution des besoins des autres usagers et des
exigences environnementales de ces trente dernières années.
En général, en cas de modification des règles de police de
l'eau, EdF souhaite être indemnisée du manque à gagner
qu'elle peut subir. De plus, la juxtaposition de concessions au long du
même fleuve, même si les parties sont toujours l'Etat et EdF,
complique les choses, en particulier si, comme c'est le cas pour le
Rhône, le milieu naturel n'a pas été pris en compte lors de
l'octroi de la concession.
Abordant ensuite la question des
DOM-TOM
, M. Noël GODARD a
noté que, depuis 1992, ceux-ci étaient dotés de
comités de bassins, mais pas d'agences de l'eau, d'où un certain
retard dans le domaine de la gestion de celle-ci.
Dans les DOM-TOM,
l'ensemble des eaux est domanial
. En Guadeloupe, on a
vu apparaître certaines zones de pénurie et des problèmes
relatifs à l'eau potable, envahie par les pesticides des périodes
passées. A La Réunion, un fort contraste existe entre l'est et
l'ouest de l'île.
Le fonds national de solidarité sur l'eau
créé en
2000 permettra d'améliorer la solidarité dans le domaine de l'eau
entre les DOM-TOM et la métropole.
Interrogé sur
les bassins miniers
, M. Noël GODARD a
répondu que les problèmes d'instabilité du sous-sol qui
s'y posent sont encore mal maîtrisés, par exemple pour les mines
de charbon, il est observé un tassement du sol et des effondrements
réguliers, qui peuvent générer des problèmes
d'inondation. Les carrières de calcaire, dans Paris, ont
été, elles, à l'origine d'effondrements brutaux. Pour les
mines de fer, les difficultés proviennent du fait que le code minier
n'avait pas prévu toutes les conséquences de la fermeture des
mines. Pour les potasses d'Alsace, se posent les problèmes des rejets de
sel dans les eaux du Rhin, ce qui rend difficile pour les Hollandais
l'obtention d'eau potable, un problème identique se posant sur la
Moselle.
Mais il existe des zones où les problèmes sont encore plus aigus,
comme d'abord
le Finistère
, où les grandes crues se
multiplient, l'avant-dernière s'étant produite en 1995, et la
dernière en 2000, ce qui reflète la multiplication de celles-ci
depuis les années 1950, et pose la question de la responsabilité
partielle du remembrement dans ces évènements.
Une autre zone difficile est constituée par la
vallée
de la Seine
et de ses affluents en région parisienne où
une crue importante risquerait d'entraîner un coût d'environ 50
milliards de francs. Peu de parades existent face à cela, surtout pour
la protection des dernières constructions édifiées, ce qui
explique la hausse de la prime d'assurance « catastrophes
naturelles » passée rapidement de 8 % à 12 %.
Dans d'autres régions de France, des crues produiraient également
des conséquences lourdes. Ainsi les cours d'eau
méditerranéens pourraient menacer des sites urbains.
La rationalisation provenant des
schémas d'aménagement de
gestion
des eaux
a beaucoup de mal à voir le jour. Par
ailleurs, comme la création des commissions locales de l'eau ne s'est
pas accompagnée de moyens réels, en hommes ou en crédits,
celles-ci ne fonctionnent bien que si elles sont soutenues par un syndicat
intercommunal.
Dans chaque grand bassin, un préfet coordonnateur, assisté par
l'agence de l'eau et la direction régionale de l'environnement,
placé auprès de lui (structure créée seulement en
1992), a la responsabilité des schémas directeurs.
En conclusion, M. Noël GODARD a évoqué
le projet de loi
sur l'eau
, qui devrait venir bientôt en discussion devant le
Parlement. Il tendrait notamment à améliorer les
délégations de services publics en rendant possible la
renégociation plus fréquente des contrats, le maintien des
réserves financières consacrées à l'eau par les
grandes sociétés travaillant dans ce domaine. Il a noté
aussi que les régies étaient moins coûteuses que la gestion
déléguée.
Il a regretté que le secteur public n'effectue pas suffisamment de
recherches
, et que ses techniciens soient dispersés dans trop
d'organismes.
MINISTÈRE DE L'AMÉNAGEMENT DU
TERRITOIRE
ET
DE L'ENVIRONNEMENT
M. JEAN-CLAUDE ANDRÉ,
PRÉSIDENT DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DU PROGRAMME SUR LA
« GESTION ET IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE » (GICC)
(2 mai 2001)
M.
Jean-Claude ANDRÉ a tout d'abord présenté le programme
GICC dont il préside le Comité scientifique, programme,
doté de 6 à 7 millions de francs par an de crédits de
recherche, hors salaires. Il a indiqué que c'est au début de
l'année
1999
que furent lancés les
appels à
proposition de recherches
et que les premiers travaux ont
débuté vers la fin de l'année 1999. Des appels
ultérieurs ont été lancés au cours de
l'année 2000, dont les propositions sont attendues en 2001. Le
ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a
obtenu que ces crédits soient imputés sur le budget civil de
recherche et de développement (BCRD).
Il a insisté sur le fait que,
jusqu'à une date récente,
les recherches sur les impacts du changement climatique étaient
embryonnaires en France
. Elles se limitaient à la
régionalisation du changement climatique et à l'étude, par
des macro-économistes, de la naissance du marché des permis
d'émissions négociables liés à la Convention de
Kyoto.
En réalité, d'autres recherches restent nécessaires,
notamment sur les températures, les précipitations, les
événements extrêmes et surtout sur des approches conjointes
entre les questions climatiques, leurs impacts et l'économie, qui
constituent le coeur du problème. Or, non seulement
économistes, juristes et physiciens sont peu habitués à
travailler ensemble, mais beaucoup d'incertitudes scientifiques subsistent.
Toutes ces recherches n'en sont qu'à leur début et leurs
résultats demeurent encore très fragmentaires
.
Abordant
les aspects climatiques
, M. Jean-Claude ANDRE a
précisé que la plupart des recherches portaient sur l'horizon
où la concentration de gaz carbonique dans l'air aurait doublé,
quelle que soit la date de cet événement. Dans cette perspective,
la variation de la pluviométrie est particulièrement
étudiée ; en général il y a accord sur le
constat suivant :
le nord de l'Europe recevrait davantage de pluies
tandis que le sud serait moins arrosé
. Tous les modèles
climatiques font apparaître dans chacun de ces cas une variation d'une
amplitude de 10 %, sans être à même de quantifier plus
précisément l'évolution. Ces simulations posent la
question de
savoir si la France
(49(
*
))
est ou non traversée par la
ligne de partage entre le nord et le sud de l'Europe
. Malgré les
travaux de grande qualité de Météo France et du CNRS,
personne n'est en mesure de répondre à cette question,
d'où une recherche active sur ce thème. Il est toutefois possible
de noter que Météo France a relevé davantage de
précipitations au cours des trente dernières années, mais
que cette variation reste de faible amplitude.
M. Jean-Claude ANDRÉ a noté, à propos de
la
végétation
et de
l'agriculture
, que
l'accélération de la croissance
due à
l'augmentation de gaz carbonique dépendait aussi d'autres nutriments que
ce gaz, à savoir ceux présents dans les sols, et l'eau. Il est
admis qu'un ou deux degrés de plus augmenteraient la
productivité, mais que cela dépendait des pratiques
elles-mêmes. Dans certains domaines, comme celui de
l'exploitation
forestière
, il existe déjà des choix
opérés à des horizons de trente ou de cinquante ans, ainsi
en est-il du choix des essences à planter. Il est attendu une
amélioration de la croissance des forêts avec le changement
climatique. Toutefois,
passé un certain seuil des difficultés
seraient à attendre pour la végétation aux alentours de
2100
, ce qui ce qui traduirait par une décroissance des rendements.
Une fois constaté que le changement climatique est en marche,
l'année
2100
constituerait au mieux le paroxysme de la courbe de
concentration du CO
2
, voire même simplement un point sur une
courbe en croissance continue au-delà de 2100. Ce n'est que vers
2025
que les éléments du changement climatique
deviendraient réellement tangibles ; la température moyenne
de la France ayant peut-être augmenté de 1°, et si le gaz
carbonique doublait vers
2070
, la température moyenne
augmenterait alors approximativement de 2° degrés en France. Une
grande question demeure : aura-t-on anticipé ces changements ?
Les économies se seront-elles adaptées aux alentours de
2050
?
Pour l'agriculture, il peut être retenu de façon simplifiée
qu'en descendant par étape de 150 km vers le sud de la France
actuellement, cela revient à rencontrer une température moyenne
s'élevant de 1 ° à chaque étape. Cette grille de
lecture simple permet d'imaginer les changements climatiques qui pourraient
survenir : une augmentation de 2° reviendrait à un
déplacement des cultures possibles de 300 km, entraînant
d'assez forts bouleversements et posant la question de la disponibilité
en eau. S'il est admis que le sud de l'Europe devrait faire face à une
situation de sécheresse, qu'en sera-t-il du sud de la France ?
D'autres conséquences du changement climatique apparaîtraient en
montagne
, notamment avec la diminution de l'enneigement en moyenne
montagne (1 500 mètres), les Pyrénées étant d'abord
touchées, puis les Alpes.
Quant à la question la plus délicate concernant
les
rétroactions entre l'économie et les changements climatiques
,
notamment les mesures de régulation à adopter, la Convention de
Kyoto devrait-elle déboucher sur des taxes ou sur des permis
d'émissions de gaz à effet de serre ? Peu
d'économistes travaillent sur ce sujet. Même si les travaux de
MM. Jean-Charles HOURCADE et Patrick CRIQUI ont esquissé des
pistes, ils ont du mal à prendre en compte les incertitudes climatiques,
notamment du fait de la difficulté à identifier des seuils
au-delà desquels les conséquences de tel ou tel
phénomène seraient bouleversées.
A propos de
la montée des eaux
, qui ne se produirait sans doute
pas de façon trop importante avant 2100, et qui surviendra même si
l'accélération de la concentration de CO
2
devait
s'arrêter, compte tenu de l'inertie des masses en cause, il est probable
que
le niveau des océans augmentera de 50 cm à 1 m
à l'horizon 2100
. Rien n'est indiqué au-delà dans la
mesure où aucun modèle de simulation ne dépasse cette
période. Toutefois, la répartition de la hausse du niveau des
océans n'étant pas uniforme,
l'évolution du trait de
côte, selon les régions françaises, est impossible à
déterminer
. Il peut seulement être indiqué qu'il y aura
sans doute
davantage de tempêtes
et que la conjonction entre les
tempêtes et la montée des eaux ne pourra manquer de
générer plus souvent des problèmes.
Interrogé sur la situation des
îlots
dont la submersion
peut être redoutée, M. Jean-Claude ANDRÉ a
évoqué le sérieux de ce risque pour les
Iles
Maldives
, ainsi que pour
les atolls polynésiens
français
les moins peuplés.
Evoquant l'exposé de M. Jean-Charles HOURCADE devant l'Académie
des Sciences le 23 avril 2001, M. Jean-Claude ANDRÉ a rappelé que
souvent il ne servait à rien d'agir trop tôt, sous peine de
gaspillage mais qu'il fallait être en mesure d'agir à bon escient,
donc d'arriver à déterminer le moment auquel débuter
l'action. Cela implique de ne pas attendre le dernier moment pour freiner. Une
action de prévention est efficace si elle se garde de tout excès
et prend en compte tous les secteurs économiques.
M. Jean-Claude ANDRÉ s'est plu à souligner la qualité des
travaux du chercheur cité.
A propos du
niveau relatif des recherches sur les impacts du changement
climatique dans les différents pays d'Europe
, il a été
précisé que la France était en retard sur
le
Royaume-Uni
car, depuis longtemps, des mécanismes y ont
été mis en place pour associer des spécialistes d'origines
diverses. C'est ainsi qu'une publication britannique datant déjà
de quelques années a décrit de manière très
précise ce que serait la situation de la Grande-Bretagne au milieu du
XXI
ème
siècle.
Quant aux
Allemands
, ils sont très avancés dans les
travaux de modélisation physique du climat, mais significativement moins
dans ceux relatifs aux impacts des changements climatiques.
La France
est peut-être un peu en retard dans les recherches
climatologiques par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni, mais elle
se situe bien dans ses travaux sur les impacts, sauf par rapport à la
Grande-Bretagne.
Quant aux
pays du sud
, ils ont peu mobilisé leurs chercheurs sur
ces thèmes. Pour autant, des échanges sont poursuivis avec les
pays du pourtour méditerranéen, guidés notamment par le
souci de l'érosion et de la sécheresse.
M. Jean-Claude ANDRÉ a ensuite évoqué l'existence d'un
ouvrage émanant du ministère de l'Aménagement du
territoire et de l'Environnement, publié en 1995, sur
la
régionalisation des changements climatiques
. Limitée à
l'Europe de l'ouest et à la Méditerranée, cette
publication, rééditée en 2000, donne une bonne
photographie de la recherche vers 1995. Peu de choses seraient à changer
aujourd'hui par rapport à cet ouvrage. Il y est notamment indiqué
que
les modèles distinguent entre le nord et le sud de la France,
mais pas plus
, et qu'il est, pour l'instant, impossible d'aller
au-delà de ce degré de précision.
Le degré de résolution des modèles ne semble pas
pouvoir excéder celui des modèles météorologiques
opérationnels actuels,
c'est-à-dire la distinction au mieux
d'une demi-douzaine de zones pour la France, en notant l'impossibilité
d'aller au-delà,
le climat n'étant que la juxtaposition de
l'état météorologique jour après jour
. Or, la
météo ne raisonne encore que sur
des zones de taille de
l'ordre de 100 à 200 km
. Il est probable que d'ici 5 à
10 ans les puissances de calcul et d'analyse se seront
améliorées, permettant de prévoir le climat pour des
inter-régions (Sud-ouest, Midi, Nord - Pas-de-Calais - Somme).
S'agissant des
événements extrêmes
, les moyens de
calcul ne peuvent suffire à les décrire, les analyses sont
à approfondir et ce thème de recherche à
accélérer de façon très volontariste. Une seule
certitude émerge :
ces événements vont se
multiplier
, comme l'affirmait déjà la note de la
communauté scientifique française rédigée à
la suite des tempêtes du 26 décembre 1999 qui
énonçait qu'il était
impossible d'affirmer l'existence
d'un lien entre les changements climatiques et un de ces
événements extrêmes particulier, mais que ceux-ci seraient
plus nombreux en climat modifié
.
Là encore, il serait souhaitable de faire travailler ensemble, par
exemple, des forestiers, des agronomes et des modélisateurs du climat.
Tout en rendant hommage aux travaux menés par MM. Jean-Charles HOURCADE
et Patrick CRIQUI, M. Jean-Claude ANDRÉ a reconnu qu'il serait
difficile de faire travailler ensemble des macroéconomistes et des
modélisateurs.
Interrogé sur
l'impact des changements climatiques sur la
santé
, M. Jean-Claude ANDRÉ a estimé que ces
impacts seraient
faibles en France
, la surmortalité en
été étant compensée par une mortalité
moindre en hiver. Il a évoqué une étude en cours sur deux
régions tests. Il a signalé l'existence possible de deux effets
majeurs, à savoir la multiplication des
maladies à
vecteurs
qui remonteraient vers le nord, de même que des risques
d'augmentation des phénomènes de
malnutrition
dans le sud
de l'Europe, qui s'en inquiète. Il a rappelé l'existence
auprès de l'Académie des Sciences d'un Comité de
l'environnement, présidé par le Professeur Maurice TUBIANA, tout
en notant qu'à l'heure actuelle, ce comité n'avait pas encore
abordé le thème « Changement climatique et
santé ».
S'agissant du
partage des ressources en eau
M. Jean-Claude ANDRÉ a regretté le nombre limité
des travaux sur ce thème, alors même qu'en
Espagne
la
ressource est déjà sollicitée au-delà de son
renouvellement annuel. Des problèmes récents sont apparus
à propos de l'Ebre. Il a aussi noté qu'un transfert d'eau vers
l'Espagne était envisagé, mais sans pouvoir apporter une grande
précision sur l'état d'avancée de ce projet.
Par ailleurs, une étude sur
le Bassin du Rhône
est en
cours, examinant son évolution en fonction du changement climatique, le
Rhône ayant été choisi comme un bon exemple du fait de son
lien avec des montagnes et l'existence de son estuaire. La méthodologie
mise en oeuvre dans cette étude pourrait par la suite être
étendue à d'autres fleuves.
Interrogé ensuite sur le recours à telle ou telle forme
d'
énergie
, M. Jean-Claude ANDRÉ a indiqué
qu'en Europe il était envisagé que
12 % de
l'énergie proviendraient des énergies renouvelables vers 2010
et que les prévisions les plus optimistes font état d'un seuil de
20 % vers 2050
. Dans les conditions économiques actuelles,
les énergies renouvelables ne constituent donc pas une solution
alternative
, d'autant que les citoyens n'ont pas intégré ce
problème. Le recours à l'énergie nucléaire
constitue actuellement encore un tabou. Le stockage des déchets ne
semble pourtant pas constituer un problème insurmontable, dans la mesure
où la loi dite BATAILLE a prévu un entreposage et que des
solutions sur le siècle semblent fiables, avec de possibles
reconfigurations des colis au-delà, jusqu'à ce que la
radioactivité ait baissé suffisamment. Toutefois, sur ce
thème, même EDF ne communique plus. En fait, il faudra prendre des
décisions vers 2010, ce qui correspondra à la fois au moment de
renouvellement du parc des centrales nucléaires et suivra de près
les décisions prévues dans la loi dite BATAILLE et à la
prise de conscience par l'opinion publique.
M. Jean-Claude ANDRÉ a rappelé que
le Groupe
Intergouverne-mental d'experts sur l'Evolution du Climat (GIEC) était
affirmatif depuis l'an dernier, après avoir été plus
nuancé, et qu'il considérait maintenant le changement climatique
comme étant en marche et inéluctable
. Dans cette perspective,
les années 2005 et
2006
seront des années clés,
après encore deux ou trois années d'un univers décisionnel
un peu mou. Alors, l'activité économique sera peut être
fondée sur
l'énergie nucléaire augmentée de
l'énergie éolienne
, qui constitue la première
énergie renouvelable crédible, même si elle n'est pas
exempte de problèmes. En Europe du nord et au Danemark, des exemples
d'implantation d'éoliennes off-shore ont été
réalisés, ce qui confirme d'ailleurs l'existence d'un
problème de bruit pour de telles installations.
S'agissant des
transports
, M. Jean-Claude ANDRÉ a
estimé que le discours des
constructeurs d'automobiles
manquait
de clarté dans la mesure où, s'il souligne bien que les
émissions unitaires par véhicule diminuent, il néglige
d'insister sur l'augmentation des ventes et les évolutions de
véhicules mis en service, par exemple des monospaces ou des
véhicules tout terrain 4 x 4 plus lourds. Le raisonnement de ces
constructeurs revenant un peu à affirmer : «
On
augmentera moins que si on avait augmenté plus
». Sur ce
thème, les
solutions semblent à attendre du côté
du public, grâce à la limitation du transport individuel et du
transport aérien
. A ce sujet, il a été noté
que la hausse du
prix de l'essence
était tout à la fois
difficile à mettre en oeuvre politiquement et que, d'un point de vue
économique, son efficacité était incertaine. Une
étude est actuellement menée sur la crise de l'essence en France
en septembre 2000. En revanche, aucune étude particulière n'est
en cours sur le transport aérien.
Revenant sur les caractéristiques du
programme « Gestion et
Impacts du Changement Climatique » (GICC)
,
M. Jean-Claude ANDRÉ a noté qu'après
l'éparpillement du début, une dynamique commençait
à prendre, l'effet de levier généré par cette
action étant encore difficile à estimer.
Dix projets sont financés chaque année, impliquant chacun au
moins 5 à 10 personnes, soit un total
dépassant 100
personnes
, tous ministères et organismes de recherche confondus.
Les projets sont menés pour des périodes de deux à
trois ans au minimum
, cette durée constituant parfois seulement une
étape du projet. Il a rappelé que ceux-ci n'ayant
débuté qu'à la fin de 1999,
peu de résultats
étaient encore obtenus
. L'étude la plus avancée
concerne la régionalisation des impacts des changements climatiques et
le cheminement pour les prises de décision, réalisée par
des économistes.
Il s'est étonné que le parti politique des
Verts
soit
très peu mobilisé sur le changement climatique, alors qu'il l'est
tellement sur l'antinucléaire.
Interrogé sur les relations entre le GICC et la
Mission
Interministérielle de l'Effet de Serre (MIES)
,
M. Jean-Claude ANDRÉ a pu indiquer que les modèles
établis par M. Patrick CRIQUI étaient transmis aux
négociateurs de la MIES pour qu'ils les utilisent eux-mêmes,
après avoir reçu une formation au cours de séminaires
d'appropriation de ces outils, suivis de séminaires de restitution, ce
qui permet une bonne articulation entre négociateurs et chercheurs.
Concernant les
négociations internationales
, il a
été indiqué que la MIES essayait de remédier au peu
de présence de chercheurs français à ce niveau, mais que
ces négociations étaient de toute façon menées au
niveau européen et non français. A titre d'exemple, M.
Jean-Charles HOURCADE était présent lors de la Conférence
de La Haye.
Interrogé enfin sur
la date optimale de sortie du rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques
, par rapport à l'actualité des recherches sur
les changements climatiques, M. Jean-Claude ANDRÉ a
précisé que, après l'importante journée
organisée par le ministère de la recherche en mai, le colloque
à Sophia Antipolis et les journées au Palais de la
Découverte qui constitueraient des temps forts, les gens informés
n'attendraient pas grand chose du rapport du GIEC qui devrait paraître
à la fin du mois de septembre 2001. En revanche,
le grand public
pourrait apprécier une présentation plus lisible de ce rapport du
GIEC paraissant peu de temps après celui-ci et s'intéressant
davantage aux aspects français et quotidiens des changements
climatiques
.
Il a conclu en indiquant qu'en février ou mars
2002
, aurait lieu
un
premier colloque de restitution des travaux du GICC
.
MINISTÈRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DE
L'ENVIRONNEMENT
M. BENOÎT LESAFFRE
(49(
*
))
,
CHEF DU SERVICE DE LA
RECHERCHE ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. JEAN-MARC SALMON
M. MAURICE MULLER
(30 mars 2000)
M.
Benoît LESAFFRE a décrit les principales activités du
service de la recherche et des affaires économiques, dont les travaux
viennent en appui de la politique de l'environnement.
Il a attiré l'attention sur l'existence, au niveau international, du
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
(GIEC
) qui a pour but d'établir des synthèses scientifiques
sur la planète Terre, la variabilité du climat, les effets du
changement climatique sur les milieux et les activités, et les
stratégies de réponse possibles.
Il a rappelé l'intéressant
rapport KOURILSKY
relatif au
principe de précaution ; ce principe doit permettre de conduire
à une décision même lorsqu'il y a doute, mais à
condition que cette décision demeure réversible.
Il a indiqué que, dès 1997, la
Grande-Bretagne
se
préoccupait déjà des impacts supposés des
changements climatiques alors que rien n'existait en France sur ce sujet,
d'où l'idée de l'élaboration du
rapport de la Mission
Interministérielle de l'Effet de Serre (MIES) et du Ministère de
l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement (MATE)
(50(
*
))
, qui se devait d'être
compréhensible même pour les non scientifiques. Il s'agissait de
dresser un état des lieux des connaissances existantes et de celles qui
manquaient.
Le MATE finance
le programme de recherche GICC (Gestion et impacts du
changement climatique)
, dont le conseil scientifique est
présidé par M. Jean-Claude ANDRÉ. Dans le cadre de ce
programme, un premier appel à propositions de recherche (APR) a
été lancé en 1999 selon quatre grands axes :
- quels instruments utiliser sur la scène internationale ?
- quelle stratégie de réduction des émissions de gaz
à effet de serre faudrait-il mettre en oeuvre dans un contexte
européen ?
- comment évaluer les impacts et élaborer des stratégies
d'adaptation, à la fois dans les domaines physique, biologique et
économique ?
- comment diffuser les résultats de manière
compréhensible ?
(51(
*
))
M. Benoît LESAFFRE a aussi déploré
la faiblesse de la
science économique appliquée en France
, et
le nombre
excessivement restreint d'experts européens face aux
américains
.
Il a estimé essentiel d'identifier
des observatoires de
l'environnement
qui permettraient de surmonter les problèmes
liés aux difficultés des comparaisons internationales.
Une autre action importante pourrait consister à
valoriser les
programmes antérieurs
, comme l'important colloque de
l'Académie d'Agriculture de France
(52(
*
))
, qui montrait que les
émissions rurales de gaz à effet de serre atteignaient environ 15
% du total des émissions de ces gaz, et qui tentait de déterminer
les fonctions des divers puits de carbone.
M. Benoît LESAFFRE a ensuite indiqué le rôle important
joué par
la Commission européenne
dans ce domaine, en
particulier par la direction de la recherche, et par la direction de
l'environnement, et il a souhaité que les résultats des
programmes-cadres de recherche et développement soient valorisés.
M. Jean-Marc SALMON a rappelé que six
gaz à effet de serre
avaient été retenus dans le protocole de Kyoto et que le
CO
2
représentait environ les trois quarts des
émissions, contre un quart pour les autres.
Il a souligné que, d'après des chercheurs hollandais,
l'agriculture
pouvait, à moindre coût, réduire les
émissions de CH
4
et de N
2
O.
Il a relevé que dans le 5
ème
programme-cadre, l'action
clé sur les changements climatiques avait mis les autres gaz sur le
même plan que le carbone ; il a aussi rappelé que les
Etats-Unis d'Amérique insistaient beaucoup sur le rôle des
rizières dans les émissions de méthane.
Il a noté qu'en matière d'élevage, le recours à
moins de protéines était à la fois meilleur pour les
animaux et pour l'environnement.
Il a également indiqué que le ministère de l'environnement
et celui de la recherche souhaitaient que soient développées dans
les universités des
filières d'économie de
l'environnement
, dans la mesure où, à l'occasion des appels
d'offres, trop peu de réponses de scientifiques, voire de sociologues,
étaient recueillies.
Il a noté aussi que la part du ministère en charge de
l'environnement dans le budget civil de recherche et de développement
s'élevait à 70 millions de francs, et qu'une nouvelle direction
allait être créée très prochainement au
ministère, pour y jouer le rôle de pôle d'expertise
(53(
*
))
.
M. Jean-Marc SALMON a enfin regretté que l'IRD, ex ORSTOM, soit peu
présent dans le débat, car il possède des
compétences relatives aux DOM-TOM, et dispose d'un milliard de francs du
budget civil de recherche et de développement. Il serait donc
souhaitable que celui-ci puisse participer largement au programme du GICC
lancé en janvier 1999.
M. Benoît LESAFFRE a alors dressé un tableau des différents
organismes compétents dans
le domaine de l'eau
, non sans
regretter qu'après la disparition d'HYDROSYSTEME en février 2000,
rien ne fédère plus ce secteur aujourd'hui.
Si le CNRS est très présent dans ce secteur, le CEMAGREF y
étudie les eaux de surface, le BRGM les eaux souterraines, et l'IFREMER
les eaux maritimes, à travers notamment le programme national de
recherche hydraulique (PNRH).
Actuellement, le MATE pilote un programme de recherche sur la gestion du
littoral (LITEAU) portant notamment sur
l'étude des estuaires et des
littoraux sensibles
.
Deux grands projets sur
les hydrosystèmes continentaux
existent
aussi dans le cadre du GICC, au travers desquels sont étudiées
les perturbations possibles sur l'hydrologie du bassin versant du Rhône,
et sur les biocénoses aquatiques.
M. Benoît LESAFFRE a également insisté sur l'immense
gisement d'économies d'eau que recèlent les pratiques actuelles
d'
irrigation
. Il a relevé la nécessité de mieux
connaître les aléas climatiques, notamment les tempêtes, et
a salué l'efficacité des systèmes d'alerte existant
à La Réunion.
D'un point de vue plus général, M. Benoît LESAFFRE a
noté qu'
une culture du risque était sans doute à
retrouver
. Il a signalé l'existence d'un programme de recherche du
MATE intitulé «
Evaluation et prise en compte du
risque
» et des travaux menés avec le Palais de la
découverte, concernant les moyens de
mieux toucher le public
,
notamment grâce à une exposition itinérante.
A propos des
relations entre climat et santé
, M. Maurice MULLER a
signalé l'existence des travaux du Professeur Jean-Pierre BESANCENOT,
qui a approfondi pour le programme GICC l'état des connaissances qu'il a
dressé dans le rapport MIES-MATE.
Il a en particulier évoqué
le cas de la dengue
qui
sévit notamment au Sri Lanka, où un programme national sur la
dengue a été lancé, cette maladie étant
généralement trop méconnue, alors qu'elle peut avoir des
conséquences sur les politiques de développement et de migrations.
Au sujet des transports individuels, M. Maurice MULLER a souligné la
difficulté d'en mesurer les émissions de gaz à effet de
serre. Ce sont les émissions les moins maîtrisées, mais
toute intervention dans ce secteur est difficile à faire admettre par
les intéressés. Il a rappelé que l'article 19 de la loi
sur l'air avait insisté sur le rôle des politiques locales dans le
domaine de la santé publique. Il a estimé qu'il serait
souhaitable de mettre en place
une politique de transport
intégrée à une politique générale
, par
exemple bien articulée avec celle de l'urbanisme.
M. Jean-Marc SALMON a noté que le prix de l'essence incluait
déjà 75 % de taxes, et que cela n'était pas sans influence
sur les transports urbains. Il a estimé que si l'exemple des tramways
à Strasbourg avait paru si convaincant, c'est en partie grâce
à la proximité de l'exemple allemand.
Il a ensuite estimé que les coûts indirects
générés par les transports à Paris étaient
deux à trois fois supérieurs à ceux des autres grandes
villes d'Europe.
Interrogé sur
l'irrigation en Israël
, M. Benoît
LESAFFRE a relevé que celle-ci était en avance même sur les
autres pays développés, et reposait sur une gestion collective de
l'eau.
A propos de l'exemple turc, spécialement en Anatolie, il a
rappelé que le Pakistan et l'Inde gèrent en commun l'Indus depuis
1947, en dépit des guerres qui ont souvent opposé ces Etats.
Il a indiqué que lors de la conférence internationale sur l'eau
tenue à La Haye au début de l'année 2000, il avait
été dressé
une carte des pays insuffisants en eau
à l'horizon 2050
.
Pour la
sensibilisation du public
, il a estimé que des
expositions comme celle qui avait actuellement lieu à la Cité des
Sciences de la Villette sur l'eau (Aquaexpo) avaient un rôle essentiel
à jouer.
En amont de cette sensibilisation, il a souhaité que
des
observatoires des sols
regroupant par exemple l'INRA avec l'IFEN et le
ministère de l'environnement soient mis en place, afin d'observer les
dégradations invisibles mais irréversibles qui surviennent et qui
sont à considérer au coeur de l'ensemble comprenant aussi
l'état de l'air ou de l'eau
(54(
*
))
.
MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS
ET DU
LOGEMENT
DIRECTION DES AFFAIRES ECONOMIQUES ET INTERNATIONALES
M. THIERRY VEXIAU,
CHARGÉ DE MISSION ENVIRONNEMENT
(5 octobre 2000)
Débutant sur une note optimiste, M. Thierry VEXIAU a
estimé que, en matière de
pollution
, il était
encore possible, d'ici à 2010, de gagner un facteur de l'ordre de 2
à 30 par rapport à 1990 pour améliorer la situation, comme
cela a déjà été fait dans le passé.
Mais il a aussi noté immédiatement que le problème
posé par l'intensification de l'effet de serre était d'un ordre
tout différent. En effet, en matière de consommation des
véhicules, il n'y aurait au mieux qu'un facteur 2 à gagner d'ici
quelques décennies et d'autres objectifs pèsent sur cette
évolution, comme par exemple celui de la sécurité.
Dès le début de l'année 2000, le Ministère des
Transports a entrepris la première étape de la partie
« transports » du
programme national de lutte contre le
changement climatique
; il s'agit pour l'instant de mettre en place ce
programme qui devrait parvenir, entre les années 2010-2020, à
stabiliser les émissions incriminées. Bien entendu, d'importants
facteurs exogènes, comme la croissance économique ou le prix du
pétrole, peuvent aussi intervenir dans cette évolution.
Un des outils à mettre en place concerne le suivi du programme pour
aboutir à une analyse fine, année par année ;
à cette fin, les variables exogènes -comme les résultats
des mesures prises- doivent être isolées pour permettre de
poursuivre efficacement au-delà la politique entreprise au-delà
du terme prévu.
Pour l'heure, il apparaît que
les mesures déjà
décidées pourraient être insuffisantes pour respecter le
protocole de Kyoto
. Si la croissance augmentait de 3 % par an au cours
des années à venir, il y aurait une explosion des
émissions de gaz à effet de serre en 2010. Cela rappelle la
nécessité de comparer, à chaque instant, les mesures
prises aux effets attendus. Les mesures de renforcement du fret ferroviaire
conduiront-elles à une baisse substantielle du fret routier ?
M. Thierry VEXIAU a ensuite estimé, à propos de
l'amélioration technologique des véhicules
, qu'il
était probablement possible de pouvoir faire mieux que l'accord
européen à l'horizon 2010. Il a noté que, pour l'instant,
le parc automobile français était plus économe que le parc
européen, d'environ 5 %, car les véhicules achetés
étaient plus petits que la moyenne européenne et qu'il convenait
de maintenir cet avantage.
M. Thierry VEXIAU a indiqué quelques pistes de progrès comme
l'ouverture d'un dialogue plus poussé au niveau international,
l'élaboration d'une synthèse des plans de déplacements
urbains, des actions tarifaires, comme l'inclusion de la taxe carbone dans la
TIPP, même si l'effet de cette mesure est généralement
surévalué. L'impact de la variation des prix du carburant sur les
trafics n'étant sans doute pas si évident, surtout dans un
contexte d'activité économique dynamique.
Il a rappelé que l'objectif du Ministère est d'atteindre, en
2010, 100 millions de tonnes/kilomètre pour
le fret
ferroviaire
au lieu de 52 millions de tonnes en 1999, que le cabotage
maritime intra-européen qui représente 40 % des tonnes
échangées soit également développé et que
des actions concrètes d'amélioration des déplacements
urbains soient définies à la suite de la loi Gayssot.
M. Thierry VEXIAU a rappelé qu'il y aura d'autres
échéances
après 2012.
Il faudrait sans doute
des réductions de plus en plus importantes des niveaux d'émission
pour parvenir, en quelque sorte, à « tordre la branche par
petits coups pour ne pas la casser ».
Un autre domaine exige la même approche :
le transport
fluvial
où peu de substitutions route-fluvial sont à attendre
même si le niveau de tonnage est très bas à l'heure
actuelle.
M. Thierry VEXIAU a ensuite insisté sur les améliorations
à apporter au
transport de marchandises en ville
et sur la
consommation unitaire disproportionnée des petits poids lourds dits
utilitaires légers. Mais il a rappelé que toute
amélioration dans ce domaine se heurte à un obstacle : la
mauvaise connaissance, même statistique, de ce secteur. De nombreuses
études sur ce thème ont été engagées dans le
PREDIT et il convient d'en faire le bilan.
Quant aux
gros poids lourds
, peu de marges de manoeuvre existent,
même s'il est encore possible d'améliorer un peu leur taux de
remplissage afin de diminuer les taux de transport à vide. De plus, un
certain nombre de poids lourds sont pleins sans avoir atteint leur gabarit en
tonnes du fait du volume des marchandises transportées. Certaines
données statistiques existent dans ce domaine qui montrent que le taux
de remplissage est déjà relativement bon.
Dans le domaine du
transport aérien
, la Convention Climat a
élaboré un rapport sur l'aviation et l'effet de serre. Ce
document montre que les avions émettent des gaz à effet de serre,
mais également que les traces produites sont elles-mêmes à
l'origine d'un effet de serre considérable du fait des cristaux de glace
qu'elles forment et qui peuvent disparaître aussitôt. Or,
le
trafic aérien français augmente
, notamment à travers
les échanges avec les DOM, tandis que le trafic métropolitain ne
se développe plus vraiment en terme de consommation, même si, de
1990 à 1994, la tendance a été celle du remplacement d'un
gros porteur par deux petits.
Revenant à des données générales sur les
émissions de gaz à effet de serre, M. Thierry VEXIAU a
noté qu'il n'existait pas de grande différence entre les divers
carburants utilisés par les transports routiers. Par ailleurs, il
signale qu'une pollution très locale imputable au
transport
ferroviaire
était liée à l'emploi de moteurs diesel
autour des gares du Nord et de l'Est à Paris
(55(
*
))
.
A cet égard, il faut noter aussi que tout développement du fret
ferroviaire risque d'entraîner un accroissement de la sollicitation de
l'électricité thermique, donc, de l'émission de gaz
à effet de serre, mais moindre que celle du trafic routier
équivalent.
Un autre secteur est encore plus émetteur de gaz à effet de serre
que les transports : il s'agit de
l'habitat et du tertiaire
dont il
faudrait soutenir le renouvellement et l'amélioration. Mais
l'évolution en ce domaine ne pourra être que très lente.
Des efforts importants devraient être engagés pour
améliorer le parc existant. En ce domaine, le chauffage au bois, qui
constitue une énergie renouvelable, neutre en terme d'effet de serre,
devrait être accru pour respecter le programme de lutte contre l'effet de
serre. Il rappelle que les consommations d'énergie du chauffage au bois
sont du même ordre de grandeur que celles du gaz.
Pour
les transports urbains
, au-delà de l'élaboration des
plans de déplacement urbain, de grands investissements pourraient
être réalisés dans les transports collectifs sans obtenir
toujours des résultats à la hauteur des espérances.
Cela rouvre la controverse sur le péri-urbain et sur la
multiplicité des petits déplacements qui consomment peu, mais
là également, le manque d'outils statistiques fait craindre une
surestimation de l'intérêt d'une action.
M. Thierry VEXIAU a ensuite observé que
le
télétravail
incitant à s'installer en très
grande périphérie pouvait avoir pour conséquence
d'augmenter tous les trajets à effectuer, sauf celui domicile-travail
qui ne représente déjà plus qu'un tiers des trajets. Par
ailleurs,
les transports de week-end
en automobile ou autre augmentent,
ainsi que
les transports de tourisme.
De même,
les loisirs nouveaux
entraînent de nouveaux usages
de l'automobile, comme c'est le cas avec les multiplex de cinéma
situés à proximité des rocades routières.
Pour avoir une vue d'ensemble de la situation et mettre en oeuvre une
politique, M. Thierry VEXIAU a estimé souhaitable de
développer les liens entre le Ministère de
l'Aménagement du territoire et le Ministère des Transports
,
ne serait-ce que pour se mettre d'accord sur la situation existante. Cela
devrait être complété par des
études
prospectives
et des
contacts avec les autres pays
. Or, au niveau
européen, une certaine déception ne peut que se manifester dans
la mesure où ce débat intéresse peu. Pourtant,
de 1990
à 2000, le trafic des poids lourds étrangers a augmenté
deux fois plus vite que celui des poids lourds français
.
A propos des réformes envisageables, M. Thierry VEXIAU a relevé
que toute modification de
la fiscalité
, par exemple, la TIPP
applicable aux transports routiers, appelle un très gros travail de
communication sur la politique des transports ainsi que sur le programme de
lutte contre l'effet de serre, le tout étant compliqué d'abord
par le fait que les prix actuels moyens de l'essence en France sont
déjà supérieurs aux prévisions qui avaient
été faites dans le cadre du PNLCC
(56(
*
))
, ensuite par la constatation que
l'effet dissuasif que jouait
la vignette
sur l'achat de véhicules
puissants pourrait avoir été gommé, enfin que
le
véhicule électrique
à batterie apparaît
déjà périmé
, le véhicule hybride
-par
exemple le
« Toyota Prius »-
ou
le
véhicule à pile à combustible
supplantant probablement
le véhicule à batterie électrique.
Par ailleurs,
le bus hybride
semble promis à un bel avenir alors
qu'au départ, les recherches sur ce nouveau véhicule sont
nées de la recherche d'un plancher situé à un niveau bas
afin de faciliter l'accès des voyageurs.
Dans les autres pays d'Europe, on s'interroge sur l'intérêt du
développement du véhicule électrique à batterie,
dans la mesure où l'énergie électrique y est souvent
d'origine thermique.
Ces exemples montrent qu'une bonne
veille technologique
est
indispensable de la part des principaux ministères concernés
(transports, recherche) et qu'elle leur incombe beaucoup plus qu'au
Ministère de l'Industrie.
M. Thierry VEXIAU s'est déclaré sceptique quant à la prise
de nouvelles mesures dans l'année qui vient . En revanche, il a
souligné que des études menées au niveau européen
avaient montré qu'
une conduite économique des véhicules
automobiles
pouvait dégager 15 % d'économie de carburant
par rapport à une conduite classique. Enfin, il a rappelé que
la climatisation
utilisait des gaz frigorifiques à effet de serre
et que le gaz carbonique était étudié comme substitut
à ceux-ci.
A la question de savoir si la climatisation provoque une surconsommation de
carburant par les véhicules, il a noté que cette question
était controversée. En effet, rouler sans climatisation, mais
avec les vitres ouvertes, entraîne également une augmentation de
la consommation.
Quant aux
transports en commun,
des efforts importants sont
opérés, mais les résultats sont timides, l'essentiel
demeurant d'attirer la clientèle.
Dans tous les domaines du
transport, il reste à inventer des actions concrète
s à
mettre en place avec des effets garantis.
M.
PATRICE MIRAN
(57(
*
))
(30 novembre 2000)
M.
Patrice MIRAN a rappelé l'intérêt de l'étude
des
perspectives de l'utilisation de l'eau par le secteur agricole autour de la
Méditerranée
afin de mieux cerner la disponibilité de
la ressource en eau dans les milieux semi-arides ou
méditerranéens, ce qui est un problème plus
préoccupant que le niveau même des océans.
Dans ce cadre, la question de
l'évapotranspiration à
l'échelle locale
doit être étudiée par
priorité sur celle de la pluviométrie, par exemple en Tunisie et
en Catalogne.
M. Patrice MIRAN a aussi observé que si la température moyenne
augmentait de 1,5°, l'évapotranspiration croissait de 15 %,
d'où la nécessité d'augmenter l'approvisionnement en eau.
Il s'agit là de vrais problèmes concrets, dont les termes du
débat ont en partie été évoqués lors d'un
colloque récent tenu en Arles.
Face à
la
montée des eaux
, M. Patrice MIRAN a
indiqué que des solutions légères étaient
envisageables, mais qu'il fallait les poser en termes de choix politiques.
C'est ainsi que, dans la
baie de Somme
, 4 000 hectares sont
protégés par
une digue
reconstruite récemment, ce
qui a supposé d'y consacrer huit cent millions de francs de travaux
inscrits à cet effet dans le contrat de plan.
En
Camargue
,
les scientifiques prônent plutôt
l'adaptation
, c'est-à-dire le recul, car des ouvrages lourds ont
déjà montré qu'ils pouvaient aggraver le mal qu'ils
comptaient combattre. Cependant, face à cela,
les hommes politiques
prônent la résistance
.
L'attitude des pays méditerranéens
face à la
montée du niveau des eaux est diverse : tandis que Chypre et Malte
tentent d'obtenir de gros crédits internationaux tout en acceptant de
beaucoup financer par eux-mêmes, d'autres pays comptent seulement sur des
aides éventuelles pour résister à la mer.
Pour l'avenir, M. Patrice MIRAN a rappelé que les récifs
coralliens étaient menacés, et que
beaucoup de
transferts d'eau de pays à pays
seront nécessaires
à l'avenir
pour éviter les pompages dans les nappes
phréatiques, là où les ressources sont faibles, même
si, en complément, il est également envisagé de dessaler
l'eau de mer en grande quantité.
Interrogé sur l'ampleur des dégâts causés en France
par des
évènements climatiques violents
, M. Patrice MIRAN
a noté que
les
outils législatifs existent
, mais
qu'ils sont
peu appliqués
. Il est certes possible
d'établir des plans de prévention des risques et
d'élaborer des outils de prévision pour les crues centennales,
mais il est évident que lorsque le prix du mètre carré
constructible atteint, par exemple, 29 000 Francs, comme sur certains
emplacements de la Côte d'Azur,
la priorité n'est pas toujours
donnée à une implantation de constructions ou
d'équipements raisonnable par rapport aux aléas climatiques
.
C'est ainsi qu'au bord de l'aéroport de Nice le fleuve Var a
constitué une zone de limon très riche. Jusqu'en 1950 cette zone,
protégée par la ville de Nice, servait à la culture des
fleurs, et jusqu'en 1960 il s'agissait d'une zone agricole
déclarée, mais, petit à petit, les familles agricoles ont
voulu vendre
le terrain pour bâtir
et au même prix que sur
les collines avoisinantes. En 1994, une importante crue du fleuve, dont le
débit fut subitement multiplié par 9, a causé 600 millions
de francs de dégâts, et il reste étonnant de constater que
la préfecture elle-même a été construite dans la
zone inondable.
Dans la vallée du Var, le plan de protection contre les risques (PPR) a
été élaboré à la fin de 1999. Malgré
cela,
la
RN 202 bis
va être doublée en pleine zone
inondable, ce que le ministère chargé de l'environnement
lui-même a d'ailleurs approuvé.
Dernier exemple dans la même région : le maire de Nice a
autorisé l'implantation d'
une salle de spectacle
de 4 000 places
dans une zone inondable. Cette salle pourra même accueillir environ 8 000
personnes dans certaines conditions alors même qu'elle est difficile
d'accès, et que les petites navettes utilisées pour s'y rendre ne
pourraient permettre d'évacuer 8 000 personnes en une heure.
Concevoir la possibilité d'implanter une telle construction ne fut rendu
possible que grâce à
la sous-estimation volontaire de la crue
centennale
et à la recommandation de surélever la
construction sur des pilotis. Il aurait fallu faire de ce projet un projet
d'intérêt général.
En conclusion, M. Patrice MIRAN a considéré que l'arsenal
législatif existant était suffisant mais qu
'une recommandation
novatrice consisterait à recommander d'appliquer les textes en
vigueur
.
MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
M. DENIS COUVET
(58(
*
))
,
CENTRE DE RECHERCHES
SUR LA BIOLOGIE DES POPULATIONS D'OISEAUX
(CRBPO)
(24 novembre 1999)
M. Denis
COUVET a relevé que les prédictions sur l'évolution
constituaient un exercice classique, mais que, dans le cadre de l'étude
du changement climatique, il s'agissait de travailler en grandeur réelle
avec peu de données sur ce qui allait se passer, les faits recueillis
étant très épars.
Il a noté que pour
l'étude des
papillons
et
des
oiseaux migrateurs
-qui passent l'hiver en Afrique ou en
Amérique du sud- les Anglo-saxons (Grande-Bretagne, Etats-Unis
d'Amérique) étaient très en avance et qu'il avait
été observé que
sur 20 ans, les périodes de
migrations avaient varié de 10 jours environ
.
Ces phénomènes de variation des périodes migratoires
doivent intégrer trois échelles de temps :
1) Certaines migrations s'effectuent en fonction de la durée du jour ou
de la température ; l'étude de leur variation suppose des
années de vérification difficile.
2) Les ajustements des périodes de migrations fluctuent en fonction des
espèces avec interactions des espèces les unes sur les autres.
3) A l'échelle évolutive,
l'adaptation des espèces au
changement de milieu requièrent un effectif des populations
suffisant
-une étude américaine récente fait
état de variations expérimentales. Des variations entre les
espèces peuvent exister et les données disponibles sont
limitées.
Le CRBPO a mis en place un programme sur la distribution des espèces
faisant apparaître de brusques changements dans l'implantation de
celles-ci, exigeant parfois 10 à 20 années de réadaptation.
Abordant quelques considérations générales concernant la
biodiversité, M. Denis COUVET a indiqué que
c'est dans les
départements et territoires d'Outre-mer
que de nombreuses
espèces disparaissent
du fait en partie de l'inapplication des lois
en vigueur comme le montre l'étude de M. Philippe BOUCHET.
Des invasions biologiques peuvent aussi se produire et entraîner
l'extinction d'espèces locales. A
Tahiti
et à
Hawaï
, les mêmes problèmes se sont manifestés.
Mais les Américains ont réagi à Hawaï bien avant que
les Français ne le fassent à Tahiti.
La pluviométrie
peut avoir une grande influence sur ces
phénomènes, mais il est difficile de l'évaluer.
De son côté,
la pollution
pourrait exercer des effets
positifs comme cela s'est vu en
Autriche
où elle aurait
apporté un surcroît d'insectes bénéfiques pour
certains oiseaux insectivores.
Par ailleurs, si la biodiversité est généralement bonne,
ce n'est pas toujours le cas. C'est ainsi que le virus de la variole n'est pas
nécessairement une espèce à sauvegarder.
Du point de vue de la biologie de la conservation des espèces,
M. Denis COUVET s'est demandé ce qu'il adviendrait si une
espèce devenait très peu fréquente. Ce genre de
phénomène induit généralement des réactions
en chaîne, voire des extinctions. En effet, une espèce se
nourrissant d'une espèce en voie de disparition est à son tour
menacée.
En eux-mêmes, les changements climatiques ne sont pas
nécessairement une cause d'extinction d'espèce, mais le
changement climatique peut constituer la dernière atteinte portée
à l'espèce
.
Dans l'inventaire des espèces disparues, M. Denis COUVET a
cité le pigeon ramier américain éteint vers 1925, la
petite baleine du Golfe de Gascogne et l'auroch. La cause d'une disparition
reste difficile à isoler. Est-ce seulement le dernier
phénomène d'agression qui peut être dénoncé
comme la cause ? Depuis 1920, le baguage des oiseaux a permis d'obtenir
davantage d'informations sur ces espèces plutôt que sur d'autres,
les pays anglo-saxons étant plus performants dans ces observations.
A propos de
la propagation des maladies à vecteurs par les
moustiques
, M. Denis COUVET a noté que des traitements de
destruction des moustiques avaient déjà été
effectués et qu'un laboratoire du CNRS à Montpellier
étudiait la résistance des moustiques aux insecticides.
M. Denis COUVET a décrit ensuite les méthodes
actuellement employées pour étudier
les réponses des
espèces aux changements climatiques
. Elles consistent à :
1) répertorier ce que l'on sait -ce qui est évidemment
fragmentaire,
2) se demander ce que l'on peut prédire, en définissant un cadre
de réflexion plutôt qu'en annonçant tel ou tel
événement, tout en s'interrogeant également sur la nature
de l'information à diffuser. En effet,
la biodiversité est une
notion floue dont
on ne sait pas encore exactement comment mesurer le
devenir, ni même si elle est souhaitable et jusqu'à quel point.
M. Denis COUVET a insisté sur la nécessaire mise en valeur de
la dépendance de l'homme par rapport aux autres espèces
.
C'est ainsi que beaucoup d'espèces sont nécessaires pour qu'un
hectare de blé pousse.
La nécessaire conservation de la
biodiversité malgré le changement climatique est plus importante
que le changement climatique en tant que tel
.
Au sujet des
zones humides
, M. Denis COUVET a relevé leur
très grande importance en matière de biodiversité
et
la nécessité de ne pas construire sur des zones qui promettaient
de devenir humides.
A l'inverse, on pourrait spéculer que
les faces nord des zones
montagneuses
risquent d'être des lieux de disparition
d'espèces
, tandis que les faces sud enregistreront un
appauvrissement et une invasion. Il sera nécessaire de créer des
observatoires de ces phénomènes qui pourraient être
reliés au réseau Natura 2000.
M. Denis COUVET a rappelé l'existence de
l'Agence européenne
de
l'environnement
qui comprend des centres thématiques sur
le sol, l'eau et la nature -au Museum National d'Histoire Naturelle qui recense
des données sur
la biodiversité
depuis 1994. La France est
du reste en avance sur l'informatisation de ces questions. Il est dommage que
la communauté scientifique ne soit pas encore vraiment parvenue
à
obtenir que les jeunes soient sensibilisés à ces
thèmes dans leur parcours scolaire
.
OFFICE NATIONAL DES FORÊTS
(O.N.F.)
M. BERNARD GOURY,
DIRECTEUR GÉNÉRAL
M. CYRIL LOISEL,
CHARGÉ DE MISSION « EFFET DE
SERRE »
(5 octobre 2001)
Face
à une idée courante selon laquelle la forêt rejette autant
de carbone qu'elle en absorbe,
l'Office National des Forêts (ONF)
rappelle que la forêt absorbe davantage de carbone qu'elle n'en rejette
au niveau français, européen et mondial
. De plus, on n'a pas
suffisamment osé dire que la reforestation pouvait contribuer à
compenser la pollution et ce point fut même longtemps
évacué des négociations internationales sur le changement
climatique.
Tout en ne souhaitant pas apparaître en première ligne, l'ONF a
mené des recherches sur la fixation de carbone par la forêt.
Certes, une forêt à maturité et à l'état de
nature n'absorbe pas ou peu de carbone, mais
une forêt entretenue et
en période de croissance fixe du carbone
. M. Bernard GOURY
a signalé que l'ONF menait actuellement une expérience de
reforestation avec PSA Peugeot-Citroën en forêt amazonienne.
M. Bernard GOURY a estimé qu'à l'occasion des conférences
des Parties tenues
à Kyoto comme à Bonn, des résultats
assez satisfaisants, quoique tardifs, avaient été obtenus dans le
sens d'une reconnaissance du rôle de la forêt.
Il a rappelé que
la France est le troisième pays forestier
d'Europe
avec une gestion forestière datant de plusieurs
siècles, ce qui confère à notre pays
une reconnaissance
internationale
en la matière.
L'activité internationale de l'ONF s'étend d'ailleurs aussi bien
au Brésil, en Afrique, en Amérique centrale et latine, que
bientôt en Asie.
Evoquant
les tempêtes de décembre 1999
qui ont
touché tout le territoire, sauf la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur et une petite partie du Nord, M. Bernard GOURY
a estimé qu'il s'agissait d'
événements d'ampleur jamais
vue
, même si le lien avec l'effet de serre de ces tempêtes ne
peut être prouvé et si des tempêtes antérieures ont
laissé des traces importantes.
M. Bernard GOURY a souligné que ces tempêtes posaient
un
problème financier
à l'ONF qui perd de ce fait 300 millions
de francs par an sur un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de francs,
d'où la difficulté d'équilibrer les résultats
prévus dans le contrat de plan entre l'État et l'ONF.
Le gouvernement s'est engagé dans le cadre du Plan National de Lutte
contre le Changement Climatique à développer
des actions de
reforestation
. Au départ, cette opération devait concerner
30.000 hectares par an, mais cet objectif a été ramené
à 20.000 hectares par an suite aux tempêtes, les moyens financiers
étant redirigés sur la réhabilitation des forêts
existantes après les tempêtes. Cet objectif de 20.000 hectares
reste lui-même très ambitieux, quand on sait que la tendance
actuelle est inférieure à
10.000 hectares par an
. Le
problème du financement se pose donc avec acuité, ce qui conduit
à s'interroger sur la mise en place d'
un levier de financement
associant le secteur public et le secteur privé
comme par exemple
dans l'opération menée avec PSA Peugeot-Citroën en Amazonie.
Peut-être faudrait-il axer cela sur l'idée du développement
durable et obtenir un relais des élus pour que ce ne soit pas toujours
l'État qui soit sollicité.
M. Bernard GOURY a insisté sur
l'importance de la filière
bois
comme source d'indépendance nationale. Outre le fait qu'elle
représente 500.000 emplois, cette filière pourrait trouver de
nouveaux débouchés dans
le bâtiment
à travers
l'utilisation de davantage de bois, comme dans les autres grands pays
forestiers d'Europe du Nord et d'Amérique du Nord.
Il a ensuite insisté sur le fait que
la gestion forestière
était un secteur peu rentable avec des rendements de l'ordre de 1,5
à 2 % par an. Une certaine compétitivité de ce secteur
d'activité pourrait être retrouvée avec la création
de
bons de dépollution
, ce qui inciterait à utiliser le
bois pour la construction et l'ameublement et à avoir recours à
la biomasse en tant qu'énergie renouvelable. Cela permettrait d'investir
dans la forêt.
M. Bernard GOURY a indiqué que
l'ONF gérait 2.200.000 hectares
de forêts domaniales et 2.300.000 hectares de forêts
communales
. En France, les deux tiers des forêts sont des
forêts privées, le tiers restant des forêts publiques. Il a
précisé qu'à la suite des tempêtes de 1999,
certaines forêts avaient été pour ainsi dire rasées.
Il a regretté que les communes forestières ne soient pas
davantage structurées en dépit de l'action efficace du
sénateur Jacques-Richard DELONG. En effet, sur 11.000 communes
forestières, peu adhèrent à la Fédération
française des communes forestières.
Par ailleurs, de très bonnes liaisons existent entre les communes
forestières et l'ONF qui met à leur disposition 12.000 personnes,
dont 7.000 fonctionnaires (600 cadres supérieurs, comprenant 150
ingénieurs issus de 1'Ecole polytechnique, de l'Institut National
d'Agronomie et de l'ENGREF) et 5.000 ouvriers forestiers.
En fait, les communes attendent surtout une aide administrative, notamment les
centaines de communes qui ont été très touchées par
les tempêtes, mais pour lesquelles un mécanisme intercommunal
d'intervention reste à trouver. Il faudrait plutôt raisonner en
termes de bassin forestier plutôt qu'en termes de parcelle communale.
M. Bernard GOURY a insisté sur le fait que
la forêt est d'une
certaine manière le monument le plus visité de France
. Ainsi,
le nombre de visiteurs de la forêt de Fontainebleau est estimé
à 17 millions par an. Çà et là, quelques produits
touristiques commencent à être mis en place en faisant payer les
visiteurs de la forêt. C'est le cas pour les campings en bordure de
forêt lorsqu'ils offrent des services écotouristiques.
M. Bernard GOURY a rappelé que la forêt française
bénéficiait de plus de trois siècles de gestion et que des
règles précises d'intervention avaient été mises au
point à travers le code forestier depuis 1827.
D'une manière générale, le territoire agricole recule,
permettant
un regain de la forêt
, et à 50.000 hectares de
déprise par an répondent 10.000 hectares de replantation, parfois
limité à 6.000 ou 7.000 hectares selon les années, ce qui
donne une progression pour les buissons d'au moins 30.000 hectares par an,
d'où l'objectif gouvernemental de replanter 20.000 hectares
supplémentaires de forêt chaque année.
Quoiqu'il en soit, la superficie forestière française est
actuellement supérieure à ce qu'elle était sous Louis XI.
Dans ces conditions, M. Bernard GOURY a insisté vigoureusement sur
la
nécessité de replanter plus vite la forêt afin de parvenir
réellement à un rythme de 30.000 hectares de reboisement par an
alors que seul le tiers est réalisé actuellement. Et,
même si l'argent public manque pour atteindre un tel objectif, il n'est
pas exclu que soient imaginées, derrière la fiscalité ou
la création d'un marché du carbone, des pistes pour trouver de
l'argent privé.
Peut-être
un système à l'australienne
comme le
«landcare» pourrait-il inspirer une nouvelle politique ? En effet, en
Australie, sur un pays de 22 millions d'habitants, 2 millions
adhèrent à l'Association Landcare financée à
hauteur de 10 % par la Région, les 90 restants provenant des
adhérents. Cet outil de gestion remarquable reçoit un financement
abondant des grandes sociétés.
Un marché du carbone
est déjà créé, le recours aux bons de
dépollution étant chose courante actuellement.
En France, l'enjeu d'une telle politique forestière ne semble pas encore
avoir été compris.
Citant un autre exemple, celui du Costa Rica, M. Bernard GOURY a indiqué
que ce pays finance sa forêt au moyen d'une écotaxe depuis trois
ou quatre ans.
Dans la mesure où
le coût du reboisement d'un hectare en
France
oscille entre 15.000 F et 20.000 F, le développement d'une
politique de reboisement semble accessible, même si la République
délaisse un peu ses domaines, ce que ne faisait pas la Royauté,
et alors même que le public souhaiterait une politique plus active.
Par
comparaison avec les pays étrangers
, notamment d'après
les descriptions figurant dans le rapport de M. Jean-Louis BIANCO, et dans le
rapport du sénateur Philippe FRANCOIS fait au nom de la Commission des
Affaires économiques et du plan, la France serait le dernier pays
d'Europe à se préoccuper de ses forêts,
l'Allemagne
dépensant bien davantage, les Allemands ayant reçu, par exemple,
six fois plus de crédits que les Français pour replanter leurs
forêts après les tempêtes de 1999,
les Suisses
et
les Autrichiens
, quant à eux, étant toujours
demeurés très attentifs à leurs forêts.
M. Bernard GOURY a estimé que
le bois
était
un
matériau moderne
et que le Centre Technique du Bois et de
l'Ameublement avait mené des analyses très poussées pour
développer l'usage de ce matériau qui, de plus, est moins cher
que le béton, mais il a regretté que les architectes semblent
souvent excessivement influencés, voire soutenus, par le groupe de
pression du béton.
A ce propos, M. Bernard GOURY a indiqué que pour 2001, l'industrie de la
transformation du bois effectuait très peu d'achat de bois, dans la
mesure où elle dispose d'un an de stock suite aux tempêtes. Par
ailleurs, souvent, c'est le bois exotique qui est utilisé de
préférence, comme le bois africain pour la reconstruction de la
passerelle d'Orsay sur la Seine à Paris.
En outre, il serait nécessaire de moderniser
le système de
vente de bois
, aujourd'hui incompréhensible pour les
étrangers ; le bois devrait être commercialisé
déjà coupé pour en favoriser l'exportation.
M. Bernard GOURY a souhaité que
l'action de l'ONF
à
l'étranger soit mieux acceptée afin de
la comptabiliser dans
les réductions de pollution
. Il a noté à cet
égard que
la forêt amazonienne ne peut être
considérée comme le poumon de la planète
car elle est
à maturité et non entretenue, ce qui devrait inciter à
mieux entretenir la forêt de Guyane.
Abordant la question du
bois énergie
, et après avoir
rappelé que
la Suède
possédait une forêt
très homogène permettant une exploitation très
mécanisée à travers de grandes étendues plates, M.
Bernard GOURY a noté que ces conditions favorables s'accompagnaient
d'une fiscalité et de l'existence de subventions très
intéressantes, ce qui produit une bonne rentabilité permettant au
total de produire des plaquettes forestières à un coût deux
fois moins élevé que le coût français et, en plus,
de mener beaucoup de recherches sur cette source d'énergie qui
démarre à peine en France.
De plus,
en France
, du fait du caractère plus ou moins
inaccessible de certains secteurs,
30 % du bois restent en forêt
où il finissent par se décomposer, dégageant du gaz
carbonique
.
Interrogé sur
la collaboration entre l'ONF et la MIES
ou
encore l'ONF et l'ADEME
, M. Bernard GOURY a précisé que M.
Cyril LOISEL, chargé de mission effet de serre à l'ONF accompagne
toujours M. Michel MOUSEL, président de la MIES, lors des
négociations internationales et que, par ailleurs, une très bonne
collaboration existe entre l'ADEME et l'ONF.
Abordant ensuite diverses questions intéressant la forêt, il a
rappelé que
les haies
étaient de plus en plus
replantées en France, et que
la prise en compte de l'eau
était un travail important pour le forestier. Il a précisé
que
l'épisode des pluies acides
avait mis en évidence que
les problèmes survenus en Allemagne provenaient plutôt de sols
inadaptés aux sapins de Bohême et que, par conséquent, ces
arbres n'avaient pas été détruits par les pluies acides,
mais par la conjugaison d'un sol inadapté, avec le gel et la
sécheresse. Le lien entre l'acidité des sols et l'acidité
des pluies a, du reste, été bien analysé par
l'étude RENECOFOR.
Enfin, il a indiqué que d'autres problèmes avaient atteint la
forêt, comme
la maladie du hêtre
qui vient de Belgique, qui
desséché le hêtre et s'étend selon des modes de
transmission inconnus à ce jour. Il a également mentionné
le problème causé par
les insectes xylophages
, qui
pullulent à la suite des tempêtes de 1999, tout traitement
étant impossible à part l'isolement des massifs, car le
phénomène se répand extrêmement rapidement,
notamment dans le nord-est, l'Alsace et les Vosges.
PALAIS DE LA DÉCOUVERTE
M. Jean AUDOUZE, Directeur
(25 avril 2001)
Pour M.
Jean AUDOUZE,
le changement climatique semble, hélas,
inéluctable
et seules demeurent des interrogations sur
l'étendue et les conséquences de celui-ci.
L'intensification de l'effet de serre, à l'origine du changement
climatique, a été provoquée par l'ère industrielle
et, notamment, par les émissions de gaz à effet de serre dues aux
transports.
M. Jean AUDOUZE a précisé qu'il s'est intéressé
à ces problèmes à l'échelle internationale dans le
cadre de l'UNESCO et du point de vue des préoccupations à
caractère éthique qu'ils suscitent. C'est ainsi que l'on est
amené à constater que
chaque forme d'énergie
(énergies fossiles, nucléaires et
« renouvelables ») présente à la fois des
avantages et des inconvénients
.
En effet, les énergies fossiles, qui sont les plus faciles à
mettre en oeuvre, dégagent des gaz à effet de serre. Par
ailleurs, leurs gisements viendront à se raréfier, voire se
tarir, à l'horizon de 40-50 ans. Le nucléaire ne dégage
pas de dioxyde de carbone mais pose le problème de son
acceptabilité et du sort des déchets ultimes. Quant aux
énergies renouvelables, elles ne dégagent pas non plus de dioxyde
de carbone, mais elles sont coûteuses et dégradent souvent, elles
aussi, l'environnement (par exemple le bruit des éoliennes ou les
atteintes portées aux paysages par celles-ci ou les barrages
hydro-électriques).
Dès lors, la question consiste à se demander comment l'homme doit
faire face à cette situation.
On peut tenter d'y répondre de quatre façons. La première
consiste à exploiter
les économies d'énergie
en
cherchant, par exemple, à diminuer la consommation des véhicules
automobiles ou en isolant les bâtiments. La seconde revient à
faire davantage référence au concept d'
efficacité
énergétique
(c'est-à-dire la recherche et la promotion
des techniques à meilleur rendement) que pour l'instant les
États-Unis d'Amérique et l'Europe envisagent de façon
très insuffisante. La troisième piste impose de
porter
l'effort de recherche scientifique à la hauteur du problème
posé
et la quatrième revient à s'interroger sur
les
échelles de temps et les évolutions nécessaires
. Par
exemple, les réserves de pétrole seront épuisées
d'ici une quarantaine d'années. Il faut prendre conscience dès
maintenant du caractère très proche de cette
échéance.
Evoquant
les phénomènes extrêmes et les
catastrophes
, M. Jean AUDOUZE a relevé que, depuis quelques
années, les inondations se multiplient, ce qui n'est pas sans lien avec
les changements climatiques. Cela conduit à se demander si la situation
n'est pas déjà devenue irréversible. A ce propos, il s'est
interrogé sur
la perturbation éventuelle du
Gulf
Stream
qui aurait comme effet paradoxal d'entraîner un
refroidissement du climat en France alors que l'ensemble du globe subirait un
réchauffement général. Il estime, de plus, qu'il convient
de réaliser que c'est la stabilité du climat actuel qui est
remise en cause et que, selon l'expression de M. Claude ALLEGRE,
l'homme
est devenu un agent géologique.
Dans ce contexte, le parti politique des Verts demeure paradoxalement
très silencieux sur
les économies d'énergie
alors
que des outils pour les promouvoir sont à la disposition de notre pays,
comme l'existence et les activités de l'ADEME. Par ailleurs, des mesures
fiscales et de tarification peuvent créer les conditions d'une
évolution favorable. D'autant que, même si de nouvelles
découvertes permettent de poursuivre l'exploitation de combustibles
fossiles pendant 300 ans au lieu de 40, l'arrêt de leur exploitation
posera un problème aussi grave quelle que soit l'échéance.
D'un point de vue général, M. Jean AUDOUZE a donc regretté
que le principe de précaution puisse parfois servir d'alibi à
l'inaction. Il a noté par ailleurs qu'il était difficile
d'inciter à la généralisation des transports en commun
dont la continuité est régulièrement mise à mal par
les grèves à répétition, et que la
société d'aujourd'hui subissait encore le coût colossal des
erreurs d'urbanisation commises dans les années 1960.
M. Jean AUDOUZE a estimé que beaucoup de recherches doivent être
entreprises concernant
les énergies renouvelables
et que des
incitations seraient bienvenues pour y parvenir, même si, pour l'instant
les promoteurs des énergies renouvelables avaient du mal à se
faire entendre.
A propos du véhicule électrique, il a déploré que
trop peu d'innovations soient déployées quant aux
moyens de
transport
. La plupart des véhicules ne sont-ils pas
immobilisés après n'avoir roulé qu'une demi-heure par
jour ou effectué des trajets très modestes ?
Questionné sur le succès des
expositions
présentées au Palais de la Découverte
, M. Jean AUDOUZE
a rappelé que celles-ci accueillaient environ 600.000 visiteurs par an,
dont un quart est constitué par des écoles et le reste par des
visites en famille. Il a noté qu'une bonne exposition attirait
près de 200.000 visiteurs sur Paris et qu'au Palais de la
Découverte, l'âge de 40 % des visiteurs oscillait entre 8 et 15
ans. En conclusion, il souhaite une augmentation substantielle des
moyens du
Palais de la Découverte
qui demeurent en deçà de ses
très grands besoins.
CONSEIL GÉNÉRAL DES PONTS
ET
CHAUSSÉES
M. JEAN-PIERRE GIBLIN,
(59(
*
))
PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME SECTION
(AFFAIRES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES)
(5 octobre 2001)
Après avoir fait observer que depuis les chocs
pétroliers l'attention portée au thème des
économies d'énergie
s'était relâchée
ainsi que les programmes de l'ADEME, M. Jean-Pierre GIBLIN a noté
que l'épuisement des ressources fossiles est déjà
évoqué depuis longtemps, et qu'une action dans la durée
pour promouvoir les autres sources d'énergie est indispensable. C'est
ainsi que l'eau sanitaire pourrait provenir davantage du
chauffage
solaire
. Sur ce point la France est en retard, notamment du fait de
l'absence d'homogénéité des compétences au niveau
des artisans.
A propos des secteurs dont
le Ministère de l'équipement,
des transports et du logement (MELT) a la charge, M. Jean-Pierre GIBLIN a
présenté une observation d'ordre statistique :
la
segmentation traditionnelle des consommations d'énergie entre industrie,
bâtiments et transport est de moins en moins pertinente
avec
l'évolution économique ; le secteur tertiaire croît au
détriment du secteur secondaire et une part importante de
l'énergie consommée dans les transports résulte
directement de l'évolution des méthodes de production et de
distribution
.
S'agissant des
transports, gros consommateurs
d'énergie fossile
, il a ensuite relevé que
la croissance
de la mobilité
concernait pour le tiers des trajets de distance
inférieure à 25 km et parcourus en automobile (étude
du CREDOC sur la période 1982-1994) et que un tiers des trajets nouveaux
était supérieur à 500 km. Ces données
reflètent bien à la fois la civilisation des loisirs et les
déplacements d'affaires liés à la mondialisation et
à la multiplication des échanges.
En fait, la plus grande rapidité des véhicules individuels motive
le recours à leur usage, de préférence à celui du
transport collectif. Par ailleurs, l'usage du TGV ne consommant pas
d'énergie fossile et pour un coût de kwh marginal, est souvent
compensé par le transport aérien dont l'usage s'accroît.
M. Jean-Pierre GIBLIN s'est demandé comment
agir sur les causes de la
mobilité
. Il a relevé
l'impact limité des plans de
déplacements urbains (PDU), la nécessité de modifier les
formes urbaines
et le fait que les personnes possédant les plus
faibles revenus habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail et
deviennent les plus captifs de la voiture et de leur budget énergie,
d'où une certaine ségrégation sociale (comme les
études de M. Orfeuil sur ce sujet le montrent).
A l'avenir, il a souhaité qu'une plus grande attention soit
portée à la localisation des activités, tout en notant que
le nombre croissant de personnes inactives s'accompagne d'une
mobilité accélérée de celles-ci
.
Il s'est ensuite inquiété de
la localisation des centres
commerciaux
, trop souvent éloignés des moyens de transport
collectifs. En
Allemagne
, les surfaces commerciales sont en
général plus réduites que les surfaces françaises.
Evoquant l'exemple des
Pays-Bas
, il a signalé que trois zones (A,
B, C) avaient été définies, et qu'il y avait obligation de
situer les activités dans les zones les plus accessibles.
Il a rappelé que
la taxe professionnelle communale
pouvait jouer
un rôle néfaste, chaque commune ne voyant que son propre
intérêt, alors qu'une mutualisation de cette taxe à
l'intérieur des communautés de communes prévue par la loi
Chevènement permettrait de concevoir des aménagements mieux
coordonnés.
M. Jean-Pierre GIBLIN a aussi évoqué les souhaits des
Français en matière de
localisation de l'habitat
, qui
aujourd'hui préfèrent habiter soit le centre ville, soit la
lointaine périphérie, mais pas la banlieue qui souffre d'un
discrédit.
M. Jean-Pierre GIBLIN a rappelé que la reconquête des
premières couronnes des villes était entamée, qu'elle
avait déjà touché d'anciens grands ensembles, mais que ce
genre d'évolution ne pouvait qu'être très lente, de l'ordre
du demi-siècle.
Abordant ensuite
les caractéristiques des différents moyens de
transport
, M. Jean-Pierre GIBLIN a indiqué qu'
à court
terme une action sur les véhicules était envisageable et
très efficace
. C'est ainsi que, pour les automobiles, un accord
européen des constructeurs a fixé des objectifs pour 2008, et
qu'il est sans doute possible de faire encore mieux, en atteignant par exemple
75 grammes par kilomètre pour des petits véhicules. Il a souhaite
que cette contrainte puisse être étendue aux véhicules
utilitaires et a indiqué qu'un petit moteur thermique alimentant les
batteries d'un moteur électrique complémentaire (véhicule
hybride) pourrait constituer une solution technique intéressante
à moyen terme (cas de la Toyota Prius). D'autres pistes
d'amélioration pourraient résulter de la meilleure utilisation de
l'alternateur et du démarreur.
La piste des véhicules
hybrides, et à plus long terme, celle du recours à la pile
à combustible, paraissent plus prometteuses que celle du véhicule
électrique.
Quant à la
vitesse des véhicules
, M. Jean-Pierre GIBLIN a
relevé que le bridage des moteurs risque d'être difficile à
obtenir à court terme mais qu'il serait tout de même essentiel de
respecter et d'abaisser la limitation de vitesse. Sur ce point, la
déléguée à la sécurité
routière, Mme Isabelle MASSIN, est favorable au
contrôle
automatique de la vitesse
, qui pourrait être positif en termes de
sécurité et de consommation d'énergie. En ville, sur les
voies rapides, ce contrôle automatique semble particulièrement
praticable.
Par ailleurs, la généralisation des
boîtes
automatiques
permettrait une conduite apaisée, d'autant que la
consommation est plutôt liée aux arrêts et démarrages
qu'à la vitesse elle-même.
Quant aux
avions
, M. Jean-Pierre GIBLIN a noté qu'on ne pouvait
s'attendre à des ruptures technologiques. Pour
le train
, il lui a
semblé difficile de mener le TGV au-delà de 320 km/h, la
consommation d'énergie croissant très vite au-delà de
cette vitesse.
Pour le transport de marchandises, il a estimé que la solution du
ferroutage
se heurte à l'absence de qualité de l'offre du
ferroviaire, cette situation étant d'ailleurs encore moins bonne
à l'étranger, les problèmes de coopération entre
réseaux aggravant encore les choses -certaines incompatibilités
techniques se trouvant peut-être entretenues volontairement.
Au sujet de
l'habitat
, M. Jean-Pierre GIBLIN a insisté sur
l'effort à mener dans la construction neuve, mais qui ne
représente annuellement que 1 % du parc existant, à travers
le respect d'une
nouvelle réglementation thermique
. Pour
l'instant, la consommation énergétique de l'habitat
s'accroît malgré les économies d'énergie
réalisées. En effet, le nombre de foyers augmente, avec des
surfaces d'habitation plus étendues, et les résidences
secondaires se multiplient. Le problème de l'action sur l'existant plus
complexe que l'action sur le neuf est donc un enjeu important.
M. Jean-Pierre GIBLIN a ensuite mentionné l'existence d'une discussion
sur une directive européenne concernant l'énergie dans l'habitat,
pour informer les acquéreurs d'un bien immobilier lors d'une mutation.
Mieux faire apparaître le coût des dépenses
énergétiques
grâce, par exemple, à des compteurs
individuels et à une action sur les gestionnaires d'immeubles.
Il a constaté que dans le contexte actuel, même si les
dépenses de chauffage sont stabilisées, celles d'eau chaude
augmentent -alors qu'un effort pourrait être fait vers le solaire ou le
bois- tandis que la consommation des appareillages électriques
connaît elle aussi une très forte hausse.
Compte tenu de ces éléments, il serait nécessaire de mener
des études sur les réactions du public face aux variations des
prix de l'énergie (élasticité)
.
M. Jean-Pierre GIBLIN a souhaité également la mise en place
d'
un dispositif de suivi précis du programme national de lutte
contre le changement climatique et la responsabilisation des acteurs
à tous les niveaux sur ce thème car il s'agit d'un programme
global, c'est-à-dire à la fois relatif à la planète
et touchant tous les secteurs.
Dans la mesure où il a estimé ensuite que l'intensification de
l'effet de serre était inévitable, M. Jean-Pierre GIBLIN a
jugé indispensable
un examen plus strict
des permis de
construire
dans les zones inconstructibles ou inondables. De plus, si les
tempêtes devenaient plus fréquentes, certaines
règles de
construction
devraient être modifiées, comme celles relatives
aux toitures ou celles touchant les calculs de résistance au vent. A cet
égard, M. Jean-Pierre GIBLIN a signalé l'intéressante
initiative de
Météo France
qui, depuis le 1
er
octobre 2001, met à disposition, sur son site,
une carte de
vigilance.
Evoquant pour terminer la question de l'implantation du
troisième
aéroport en Ile-de-France
, M. Jean-Pierre GIBLIN a comparé ce
problème à celui des tunnels sous les Alpes, et a reconnu qu'il
s'agissait pour beaucoup de partager les nuisances de Roissy, qui pourrait sans
cela accueillir davantage de passagers. Il a relevé que
la
consommation de combustible fossile par le
transport aérien
était peu maîtrisable, et a noté qu'un voyage aux Antilles
consommait autant de carburant par passager que l'essence d'une Clio sur 20.000
km.
Evoquant brièvement
les deux-roues
, M. Jean-Pierre GIBLIN a
déploré que leur sécurité soit insuffisante,
même si l'usage du vélo est bon pour la santé et si les
scooters électriques peuvent être intéressants. Cependant,
le recours plus important aux deux-roues dépend aussi du
caractère distendu, ou non, des agglomérations.
PSA PEUGEOT-CITROËN
M. BRUNO COSTES,
DÉLÉGUÉ AUX AFFAIRES
TECHNIQUES
À LA DIRECTION DE LA STRATÉGIE
M. HERVÉ PICHON,
DÉLÉGUÉ POUR LES RELATIONS
AVEC LE PARLEMENT FRANÇAIS
ET LE PARLEMENT EUROPÉEN
(16 mars 2000)
Après avoir réaffirmé que
la
limitation de
l'effet de serre constitue une des priorités de PSA Peugeot
Citroën
, M. Bruno COSTES a précisé que l'effet
de serre distinct de la pollution devait être plus
particulièrement pris en compte par les fabricants d'automobiles.
Il a rappelé que les émissions de polluants étaient
réglementées mais que celles de CO
2
ne
l'étaient point. De cette réglementation a résulté
une diminution des émissions de polluants qui devrait encore permettre
de diminuer de 70 % ceux-ci d'ici 2005. Quant aux
émissions de
CO
2
par l'automobile
, elles sont proportionnelles à la
circulation et à la consommation des véhicules.
M. Bruno COSTES a souligné qu'il s'agit avant tout de faire
des efforts techniques car il paraît difficile de diminuer la
mobilité.
Pour les fabricants automobiles, le souci de réduction de la
consommation de carburant correspond à l'attente des clients. En
revanche,
le client est assez indifférent à
l'objectif
de réduction
de l'émission de polluants.
Il n'est, en
particulier, pas prêt à payer davantage, même au profit
d'une préoccupation générale.
Le groupe PSA produit beaucoup de véhicules
diesels
qui
consomment environ 15 à 25 % de moins que les véhicules
à essence, et beaucoup de petits véhicules, un peu comme
Volkswagen. PSA est le
leader
mondial dans le secteur des diesels et son
objectif est d'en produire davantage encore.
La traditionnelle image du
diesel engendrant des fumées noires et des particules est
révolue
. Les fumées noires ont disparu et l'objectif
d'annulation de l'émission de particules peut être atteint
grâce au filtre à particules. Avec la production de la 607 en mai
2000, la possibilité de cette suppression a été
démontrée à condition d'avoir recours à l'injection
directe. Par la suite, tous les véhicules seront progressivement
équipés d'un tel filtre.
M. Bruno COSTES a rappelé que deux indicateurs donnent une
idée de la pollution urbaine: en hiver, le NOx et, en
été, l'ozone.
Des solutions techniques existent comme
le moteur HDI
diesel qui,
grâce à une injection à haute pression, pollue moins. Ce
moteur HDI, qui produit 20 % de moins de CO
2
que le diesel, va
voir ses particules éliminées, étant noté que le
diesel est meilleur en émission de monoxyde de carbone.
Dans un tel contexte, M. Bruno COSTES a estimé que
tous les
constructeurs évoluent vers une offre diesel
. BMW commence et, en
Espagne, le diesel représente 60 % des ventes.
Analysé sous l'angle du coût du carburant en Europe, le diesel a
un avantage moyen de 90 centimes et il n'y a qu'en Grande-Bretagne
où il est plus coûteux.
Par ailleurs, des carburants sans soufre pourraient être produits ;
des améliorations très ambitieuses étant attendues dans ce
secteur.
Pour les moteurs à essence, la technique actuelle d'injection directe en
mélange pauvre devrait être encore améliorée. Un
gain de 15 % pourrait être obtenu.
Au total, l'écart actuel de 30 % existant entre l'essence et le
diesel devrait pouvoir se réduire à 20 % à l'avenir.
A propos de la boîte automatique, M. Bruno COSTES a
observé que cette technique attirait peu de consommateurs, même si
celle-ci consommait de moins en moins et si aucun problème technique
n'en bloque l'évolution. PSA poursuit un projet commun avec Renault,
mais pour l'instant, il n'y a que
5 % de boîtes automatiques en
Europe
.
Quant à la
climatisation des véhicules
, qui concerne
50 % du parc et ne cesse de progresser, elle entraîne
une
surconsommation d'environ 10 %,
mais ce chiffre doit être
relativisé dans la mesure où une voiture sans climatisation qui
roulerait toutes vitres ouvertes consommerait encore davantage.
De plus, a estimé M. Bruno COSTES, des améliorations
peuvent encore être attendues dans ce domaine où il serait
possible de produire directement de l'air à la température
souhaitée au lieu de mélanger, comme actuellement, de l'air froid
à de l'air chaud. Les équipementiers ont de nombreux programmes
de développement en cours sur ce sujet.
Les gaz employés pour la climatisation ne sont plus des HFC, mais des
CHFC
qui, du fait d'inévitables petites fuites sur les circuits,
sont libérés dans l'atmosphère. Il faudrait en consommer
moins et les remplacer par du CO
2
. Les améliorations à
court terme sont en place : les fuites sont de plus en plus faibles. A
long terme, il s'agit de remplacer les produits actuels par du CO
2
.
M. Bruno COSTES a ensuite déploré que dans le contexte
politique actuel, les Etats-Unis d'Amérique ne jouent aucun rôle
moteur dans la mesure où ils ne s'intéressent pas au niveau de la
consommation de carburants par les automobiles.
Pour le consommateur, le raisonnement s'effectue à budget
constant ; ainsi, une hausse du prix du carburant ou un enrichissement de
la technologie peut entraîner un ralentissement du renouvellement du parc
automobile. Or,
les véhicules de plus de dix ans sont à
l'origine de 60 % de la pollution
, même si les véhicules
anciens roulent moins.
Au cours des dernières années, la pollution d'origine
automobile a été réduite d'environ 70 %,
malgré l'augmentation du nombre de voitures et l'augmentation de la
distance parcourue par chacune d'elle.
Pour
les poids lourds
, il a été noté que le filtre
à particules et les catalyseurs deviendront plus fréquents vers
2005 et que le carburant représente le deuxième coût du
transport routier après les salaires.
A propos de
la circulation automobile à Paris et dans sa
banlieue
, M. Bruno COSTES a indiqué que ce problème
était plus important en dehors de Paris qu'à Paris où le
nombre de véhicules particuliers y circulant diminuait, mais qu'un
problème réel existait de banlieue à banlieue et entre les
banlieues et Paris.
Il a ensuite rappelé, au sujet
du véhicule
électrique
, que la question des batteries et donc de leur autonomie
demeure, le client n'acceptant pas une autonomie restreinte à environ
150 kilomètres. Ce sont donc plutôt les flottes commerciales qui
sont concernées par ce type de véhicules, avec le garage de
recharge qui peut accompagner ces flottes, les véhicules utilitaires
étant les premiers visés. Mais globalement, le marché est
faible.
Un marché n'apparaît pas non plus pour
les véhicules
roulant au GPL
qui possèdent un niveau de pollution analogue aux
véhicules à essence ou aux véhicules diesel, mais qui
présentent un danger supplémentaire. Actuellement, une gamme
complète de véhicules est offerte par PSA avec ce carburant.
Quant au
GNV
(méthane, CH
4
), il doit être
utilisé à une pression de 200 atmosphères, donc dans des
réservoirs blindés, lourds et qui occupent tout un coffre, ce qui
est bien essentiellement pour
les autobus
ou
les véhicules
utilitaires
.
De plus, la distribution de ce carburant est dangereuse, ce qui exclut une
utilisation grand public.
Un marché existe en Argentine où circulent 100.000
véhicules de ce type, ainsi qu'en Russie. Mais, en France, il est
probable que le parc existant actuellement ne sera pas sensiblement
modifié au cours des années à venir.
Au sujet des
véhicules hybrides
, M. Bruno COSTES a
rappelé que le moteur thermique plus petit pourrait être
utilisé, combiné à des moteurs électriques lorsque
le véhicule est davantage sollicité. Cette technique pourrait
être développée mais présente un coût
important.
Concernant
les piles à combustible
, un projet a été
développé par PSA en liaison avec Renault, le CEA et l'Air
liquide ; toutefois,
il demeure dangereux de stocker de
l'hydrogène et coûteux d'en fabriquer
. De plus, à
partir de carburants liquides très propres avec un réformeur, il
est possible de fabriquer de l'hydrogène directement dans le
véhicule. L'objectif devrait être de réduire les
coûts et les volumes par 10, ce qui n'a rien d'évident. En fait,
ce moteur est aujourd'hui plus adapté aux sous-marins et aux bateaux
qu'aux véhicules automobiles
. Les progrès en cours diront si
son avenir est aussi dans l'automobile
Evoquant
les ressources naturelles de pétrole
,
M. Bruno COSTES a noté que celles-ci étaient plus
importantes qu'en 1970.
Quant aux
bio-carburants
, en particulier le diester de colza, des
réductions de 20 à 40 % des particules ont été
obtenus dans le diesel. Des flottes internes de PSA ont été
équipées avec ce carburant. Ce carburant peut être
considéré comme intéressant.
M. Bruno COSTES a ensuite présenté quelques
objectifs de l'industrie
automobile européenne
et
notamment l'engagement pris par celle-ci de ne pas excéder
140
grammes de CO
2
au kilomètre en 2008
(ce taux était
de 182 grammes par kilomètre en 1995). Il s'agit là d'un accord
conclu au sein de l'ACEA qui regroupe tous les constructeurs européens.
Evoquant le développement du marché du véhicule automobile
à l'étranger, M. Bruno COSTES a relevé que le
développement de l'activité économique et des transports
dans des pays tels que
la Chine
ou
l'Inde
va poser des
problèmes d'émissions de CO
2
et de pollution urbaine
qui ont déjà conduit les autorités chinoises à
s'intéresser à la réglementation européenne.
Aux
Etats-Unis d'Amérique
, le budget de recherche alloué
à la conception d'un petit véhicule est égal à cent
fois le budget de la recherche européenne.
En
Europe
, la position technologique est très favorable et tant
le diesel que l'injection directe devraient constituer de très bonnes
armes face à la concurrence.
En
Allemagne
, le Ministère de l'Environnement allemand constate
que le diesel muni du filtre à particules est le meilleur moyen de lutte
contre l'effet de serre.
Evoquant pour terminer
le développement des véhicules
monospace ou des breaks,
c'est-à-dire des véhicules plus
lourds que la moyenne, M. Bruno COSTES a indiqué que cela
allait à contre-courant des économies de consommation
souhaitables, mais que, heureusement, ce marché comprenait 80 % de
véhicules diesels, ce qui en réduisait la consommation et donc
les émissions de CO
2
.
MME FLORENCE MEHL,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU PRIX EPIDAURE DE LA RECHERCHE EN
MÉDECINE ET ÉCOLOGIE
(31 octobre 2000)
Mme
Florence MEHL a rappelé que le
prix EPIDAURE
(60(
*
))
a été
créé par le Quotidien du Médecin pour encourager la
recherche en médecine et en écologie. Ce prix, parrainé
par la Fondation pour la Recherche Médicale, a pour objet de promouvoir
des travaux sur
les liens entre altérations du milieu et les
pathologies ou menaces pour la santé
.
Ce prix ambitionne de
faire émerger des données solides
scientifiquement établies, susceptibles d'être diffusées
auprès de l'opinion publique et des pouvoirs politiques
pour que
ceux-ci puissent s'y référer dans l'exercice de leurs
responsabilités. Chaque année, ce prix récompense quatre
catégories de recherches :
• la recherche en médecine praticienne (observations de terrain en
matière de
relations entre l'environnement et la santé
),
• la recherche fondamentale clinique et épidémiologique
(mises en évidence des relations entre facteurs d'environnement et
santé),
• la recherche technologique et/ou industrielle (réalisation
permettant de minimiser les facteurs environnementaux néfastes à
la santé),
• la recherche en communication et en promotion (mise en valeur des liens
existant entre environnement et santé à travers un article, un
reportage, un film ou une campagne de communication destinée au grand
public)
A titre d'illustration des liens entre ces recherches et le changement
climatique, Mme Florence MEHL a rappelé que le prix EPIDAURE 1998 a
été accordé à des chercheurs appartenant souvent
à l'INSERM, au CNRS ou à d'autres grands organismes de recherche
pour des travaux sur «
Connaissances et Pratiques des
médecins face à la pollution atmosphérique
»
et à «
Dans l'ombre du tiroir :
Echo-épidémiologie de la maladie de Chagas
» et
que, en 1999, il a couronné l'étude
« Relations
entre pollution atmosphérique et symptômes
cliniques
» et, en 2000, «
Analyse et la
modélisation des risques environnementaux
».
C'est dire que les préoccupations du prix EPIDAURE rejoignent en partie
celles de l'OPECST.
RAC-FRANCE
(RÉSEAU ACTION CLIMAT - FRANCE)
M. PHILIPPE QUIRION
(61(
*
))
,
PRÉSIDENT,
ET MLLE RAPHAËLLE GAUTHIER
(62(
*
))
, CHARGÉE DE MISSION
(24 avril 2001)
Après avoir rappelé que RAC-France est un
collectif
rassemblant toutes les associations impliquées dans le changement
climatique, M. Philippe QUIRION, président du Réseau, s'est
déclaré déçu du
grand décalage existant
en ce domaine entre les déclarations gouvernementales et les
actions
. C'est ainsi que, malgré les grandes déclarations du
Président de la République à la Conférence de La
Haye ou celles du Premier ministre au Parlement, ou encore du vote d'une
proposition de loi relative à l'effet de serre, il n'est pas paru de
lois, de règlements ou de décrets directement liés
à cet objectif. De même, très peu de mesures du programme
national de lutte contre le changement climatique (PNLCC) de janvier 2000 sont
entrées en vigueur. En revanche, la mesure centrale de ce programme,
à savoir la taxation de l'énergie, serait à remettre
à l'ordre du jour après les péripéties de l'automne
2000.
M. Philippe QUIRION a également déclaré que RAC-France ne
faisait pas confiance
aux accords volontaires conclus entre industriels et
relatifs aux émissions de carbone
car ce système avait
déjà été tenté dans le passé et ne
s'était traduit que par des effets très faibles. De plus, les
gains passés avaient d'autres objectifs que la réduction de
l'effet de serre.
Il a souhaité ensuite que
les tarifs de reprise de l'énergie
éolienne
soient fixés à 55 centimes malgré un
actuel blocage du ministère de l'Industrie ; faute de cela, il n'y
aura pas de lancement de cette filière énergétique.
Mlle Raphaëlle GAUTHIER a insisté sur l'importance de mesures
françaises en la matière pour que notre pays possède une
crédibilité au niveau international.
M. Philippe QUIRION a rappelé que de nombreux
effets d'annonces
étaient utilisés à répétition. C'est ainsi
que les normes d'isolation thermique des bâtiments nouveaux ont
été annoncées pour la première fois par
M. Michel BARNIER en 1995. Plusieurs fois réannoncées
depuis, et, enfin, en vigueur depuis peu de temps.
Il a également évoqué une autre difficulté
résidant dans
les prises de position contradictoires des
différents acteurs
. Ainsi, à propos de la taxation
générale des activités polluantes, il a noté que
les personnes mêmes qui ont demandé des exemptions ont
critiqué ensuite un texte devenu trop complexe. Puis, la saisine du
Conseil constitutionnel par l'opposition a également fait perdre du
temps à la France dans ce combat. De même, les blocages existant
au niveau du ministère de l'Economie et des finances face à
l'action des Verts au Gouvernement ne facilite pas les choses. D'une
manière générale, il a estimé que le
problème de perte de compétitivité de l'économie
française du fait de cette taxation a été
surévalué.
A cet égard, Mlle Raphaëlle GAUTHIER a insisté sur
l'importance des campagnes de sensibilisation du public menées par
RAC-France
(telles que le
« Pari contre l'effet de
serre »
, ou
« SOS climat »
), qui a
constaté que les problèmes de l'effet de serre étaient mal
connus, et souvent confondus avec celui du trou dans la couche d'ozone. La
vulgarisation des enjeux et des effets du changement climatique est primordiale
pour permettre au public de comprendre l'importance et les aboutissants des
mesures nationales qui seraient prises par les pouvoirs publics en la
matière.
M. Philippe QUIRION s'est déclaré satisfait de
l'absence de
réactions négatives du public face aux mesures
préconisées par RAC-France
et a estimé que le niveau
de la taxe générale sur les activités polluantes pourrait
inciter à changer les comportements des industriels mais pas ceux des
particuliers, qui payent déjà de facto une taxation de cet ordre
et qui ne manifesteront donc aucun rejet face à la nouvelle taxe.
Il a déclaré mettre beaucoup d'espoir dans
le logo
« Energie Plus »
apposé sur les appareils
ménagers économes en énergie, dans le développement
d'une politique de transport en commun
, dans la multiplication de
l'usage du vélo, dans
le rééquilibrage des financements
du fret entre le rail et la route
-annoncé mais dénué
de réalité, les routes demeurant trop subventionnées.
A propos du
transport aérien
, M. Philippe QUIRION a vivement
déploré que le kérosène soit exempté de
toute taxe, et il a rappelé qu'un rapport spécial du GIEC sur
l'aviation avait relevé que
l'avion était le mode de transport
le plus émetteur de gaz à effet de serre.
Il lui
apparaît donc important de revoir l'ensemble des conditions de transport
aérien ; toutefois, si une seule mesure devait être prise, il
faudrait qu'elle porte sur la taxation de l'énergie.
Il a ensuite rappelé que
les coûts pour l'économie de
l'atteinte des objectifs fixés à Kyoto
étaient
estimés entre 0,2 % et 2 % du PIB, et il a relevé que
l'écobénéfice devait être aussi pris en compte, par
exemple la réduction de la pollution locale, qui améliorera la
qualité de la vie.
Il a souhaité aussi que
des techniques plus intensives en main
d'oeuvre et plus économes en énergie
soient
préférées. Par exemple, par kilomètre/voyageur, les
transports individuels nécessitent deux fois plus d'énergie et
requièrent deux fois moins d'emplois que les transports en commun.
M. Philippe QUIRION et Mlle Raphaëlle GAUTHIER ont
également souligné que
les pays pauvres seraient les
principales victimes du réchauffement
. Par ailleurs, en Europe,
l'étude Acacia
menée pour la Commission européenne
a montré que
l'Espagne
allait particulièrement souffrir du
changement climatique et que les stations de ski de basse altitude seraient
vulnérables.
A n'en pas douter, si un tel changement survient,
les assureurs
réajusteront les primes affectées par exemple à
l'assurance habitation. Ils ont commencé à anticiper cette
démarche.
En fait, M. Philippe QUIRION souhaiterait que soient préconisées
des économies d'énergie
, notamment en évitant des
gaspillages, en donnant par exemple la priorité à
l'équipement au moyen de lampes fluo compactes à basse
consommation remplaçant les ampoules à filament et les
halogènes, notamment dans les bâtiments publics, suivant en cela
l'exemple de la mairie de Grenoble. Les pouvoirs publics devraient
également montrer l'exemple en évitant d'installer des lampes
à halogène.
Abordant ensuite le thème des accidents de la route, qui causent
8 000 morts par an, M. Philippe QUIRION a souhaité que
la
puissance des véhicules automobiles
soit bridée. Il a
insisté sur la désinformation provenant du message relatif
à la diminution de
la consommation unitaire des véhicules
(une récente annonce de Volkswagen fait état d'un véhicule
futur consommant 1 litre aux 100 km), alors que parallèlement les
constructeurs développent des véhicules tout terrain dits
« 4 x 4 » et des monospaces. Il a souhaité que soit
imposé à chaque constructeur automobile un seuil maximal
d'émission unitaire de gaz polluants, à défaut de quoi le
constructeur devrait acheter des droits à d'autres constructeurs plus
performants.
M. Philippe QUIRION a proposé d'autres solutions, comme la limitation de
l'accès à certains quartiers en ville pour les transports
individuels, à condition que soient développés
les
transports en commun
, et qu'une vraie réflexion soit menée
sur
les véhicules hybrides
.
Il a souligné qu'en l'état actuel d'absence de solution au
problème des déchets nucléaires, la filière
nucléaire ne pouvait être considérée comme une
« technologie d'avenir ». En revanche, il a souhaité
que soient vraiment favorisée l'émergence et le
développement des
énergies renouvelables
. Cela pourrait
passer par un tarif de rachat garanti qui favoriserait les agriculteurs, par
une sélection entre les divers biocarburants en prenant garde au fait
que leur écobilan actuellement discutable prenne bien en compte
l'énergie ayant servi à produire leurs intrants et
également les rejets dans la nappe phréatique. Il s'est
déclaré favorable aux chaufferies à bois, à
condition que les arbres brûlés soient replantés,
étant entendu que cette filière ne dégage pas de
CO
2
si l'on raisonne dans le seul cadre de celle-ci.
Mlle Raphaëlle GAUTHIER a insisté sur le fait que le charbon
et le nucléaire étaient actuellement directement ou indirectement
subventionnés, et le fuel lourd peu taxé. En conséquence,
ce type de subventions fausse la donne, et ne permet pas de rendre compte du
réel prix de l'énergie.
Abordant ensuite la question du «
mécanisme pour un
développement propre » prévu par le protocole de
Kyoto
, les personnes entendues ont estimé que l'effet pourrait
être positif pour les pays en voie de développement et incitatif
pour les pays industrialisés, même si ce mécanisme ne
suscitera sans doute pas autant d'intérêt que prévu, mais
se ramènera davantage à des transferts de technologies, les pays
en voie de développement ayant un droit à accomplir celui-ci.
Il a ensuite été rappelé par M. Philippe QUIRION, à
propos de l'attitude des
Etats-Unis d'Amérique
, que si le
président BUSH père avait signé la convention de Rio, en
1992, le Président BUSH fils était revenu sur les engagements
américains contractés à Kyoto.
Contrairement à ce que prétend G.W. BUSH, il a été
relevé que les émissions de CO
2
des
pays du Sud
dans l'excédent d'émissions constaté demeuraient stables
de 1995 à 1999, que celles de la Chine ont baissé, même si
le risque d'une forte augmentation demeure du fait de son fort potentiel
charbonnier.
Il semblerait donc souhaitable de découpler les pays qui payent de ceux
qui accueillent le développement, par exemple en améliorant les
normes thermiques des bâtiments.
Pour RAC-France, les pays en voie de développement ont raison de ne
pas s'engager, pour l'instant, dans la lutte contre l'effet de serre
mais
d'attendre que, en
2005
, les pays développés soient
à même de montrer des résultats probants dans ce domaine.
En effet, les pays en développement n'ont pas de responsabilité
historique dans la progression de l'émission de gaz à effet de
serre.
Mlle Raphaëlle GAUTHIER a indiqué que les pays en
développement seront très dépendants de leurs besoins
énergétiques et qu'il serait essentiel de leur fournir les
meilleures technologies dans ce domaine.
Des progrès restent à faire sur ce point, à en juger par
le parallèle avec l'actuel cas d'un dirigeant de centrale
nucléaire au Japon, jugé pour irradiation d'employés par
l'énergie nucléaire, ce qui illustre encore une fois, que dans le
débat nucléaire, il faut bien distinguer
le recours au
nucléaire en
France
du recours au nucléaire
étendu à l'ensemble du monde.
Une étude de l'INESTENE
(63(
*
))
, intitulée
«
Sortir du nucléaire en 25 ans
»
apporte des éclairages sur ce thème. M. Philippe QUIRION a
précisé qu'actuellement la consommation de l'ensemble des
appareils en veille à l'échelle de la France représentait
l'équivalent de la production électrique d'un réacteur
nucléaire. Le Comité de Liaison des Energies Renouvelables (CLER)
et de
l'ADEME
ont mis en valeur d'autres comparaisons de cet ordre.
A propos de cette agence, M. Philippe QUIRION a noté qu'elle se trouvait
en sous-effectif par rapport aux moyens qui lui sont alloués, ce qui
l'empêche de se consacrer suffisamment au soutien et au suivi des
dossiers, d'où une insatisfaction des particuliers malgré le fait
que l'ADEME est en général peu connue.
Il s'est réjoui de noter le soutien de l'ADEME au chauffe-eau solaire,
mais a regretté que beaucoup d'argent de l'ADEME soit allé
à des incinérateurs de déchets néfastes pour
l'environnement.
D'une manière générale, il serait souhaitable que l'ADEME
puisse également financer les frais de fonctionnement des installations
qu'elle subventionne au-delà des crédits d'investissement. Cela
lui permettrait, par exemple, d'être moins favorable aux
incinérateurs par rapport aux centres de tri. Cela profiterait
également à l'environnement et à l'emploi.
Enfin, M. Philippe QUIRION a noté qu'il y aurait avantage à
augmenter le nombre d'
inspecteurs des installations classées
.
Apportant ensuite un éclairage sur
la mission
interministérielle de l'effet de serre
(M.I.E.S.), M. Philippe
QUIRION a estimé que sa création était nécessaire,
d'autant que, dans la pratique, l'environnement n'intéresse que le
ministère de l'Environnement, d'où une difficulté pour
attirer dans ce type de structure interministérielle des personnels qui
ne peuvent en attendre des gratifications de carrière. Cela se traduit
par des effectifs insuffisants à la MIES et par le fait qu'il y faudrait
parfois des personnes ayant une compétence technique supérieure.
Quoiqu'il en soit, les travaux effectués par la MIES commencent à
être pris en considération, mais seulement en fonction de
la
prise de conscience du public
, qui ne date que d'il y a six mois, voire une
année. De plus, le mémento établi à l'usage des
décideurs locaux est sous-utilisé.
M. Philippe QUIRION a regretté que le programme national de lutte contre
l'effet de serre soit un peu insuffisant quant à
l'agriculture
.
Il aurait souhaité une prise de position beaucoup plus nette en faveur
de la réduction des engrais azotés.
Il a ensuite estimé que
les négociations internationales
ne nécessitaient pas forcément la présence de
climatologues, mais plutôt celle de juristes et d'économistes
connaissant cette problématique, ce qui devrait permettre au
ministère des finances de réagir plus efficacement sur les
options présentées.
En conclusion, M. Philippe QUIRION a estimé que la
création du
Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (G.I.E.C.
) avait
été la meilleure idée, jusqu'à présent, sur
le changement climatique, car ses travaux de recherche sont très
lisibles. L'existence de cet organisme dans lequel collaborent des chercheurs
de toutes nationalités, permet d'éviter le syndrome, courant dans
d'autres secteurs, où ce qui n'est pas inventé sur place est
l'objet de défiance. Il a enfin loué l'efficacité du
résumé établi à l'intention des décideurs,
présenté en début de chaque rapport.
M.
PHILIPPE ROQUEPLO
(64(
*
))
(14 novembre 2000)
M. Philippe ROQUEPLO a exposé le résultat
de ses
recherches et réflexions concernant
la possibilité et les
limites de l'expertise scientifique sur une question d'ordre international
.
Dans le domaine du climat, la première question à se poser
concerne,
selon lui,
le degré de confiance qu'il convient
d'accorder ici
aux scientifiques
. Cette question est souvent mise en
avant, car l'expertise officielle est effectuée par un ensemble de
scientifiques ("
International Panel on Climate Change
" ou G.I.E.C.) qui
se sont regroupés par cooptation, certaines personnes s'en étant
trouvées écartées. Une autre question concerne
les
modèles numériques
utilisés par les scientifiques pour
effectuer leurs recherches: la convergence des résultats de ces
modèles n'est pas (ou plutôt n'était pas) si
évidente qu'elle puisse entraîner une conviction absolue. Enfin et
surtout
le sujet est d'une fantastique complexité
. Tout cela
conduit certains (de moins en moins nombreux) à émettre des
doutes sur la fiabilité de l'expertise en un tel domaine.
Certes, tout le monde s'accorde sur le fait que la présence de certains
gaz -en particulier le CO
2
- dans l'atmosphère perturbe son
équilibre thermique et, de prime abord, provoque un réchauffement
; mais le problème se complique aussitôt : ainsi ce
réchauffement provoque l'évaporation de l'eau ; or la vapeur
d'eau constitue elle-même un gaz à effet de serre très
puissant ; son évaporation, en accroissant sa présence dans
l'atmosphère, devrait donc accélérer l'échauffement
et la "machine climatique" devrait s'emballer. S'il n'en est pas ainsi, c'est
que le phénomène engendre des effets qui le contrarient - ce que
l'on appelle des rétroactions négatives dont le bilan thermique
est très difficile à effectuer. Ainsi en va-t-il, par exemple,
des conséquences thermiques de la formation des nuages : leurs faces
supérieures constituent un miroir qui renvoie l'énergie vers le
haut (donc rafraîchit l'atmosphère), mais toute la machinerie
turbulente qui s'y développe doit être prise en compte (que l'on
pense aux orages!). Or, si les nuages réchauffent et refroidissent
simultanément l'atmosphère, il y a là -parmi bien
d'autres- un défi considérable lancé à la recherche
scientifique.
Pour M. Philippe ROQUEPLO, un événement étonnant et fort
heureux s'est produit depuis une trentaine d'années : le surgissement,
au sein même du monde scientifique, d'une communauté capable de se
saisir de ces problèmes et de relever de tels défis : celle des
météorologues
.
Ce surgissement résulte de trois causes principales :
1/ les besoins de l'aviation en matière de prévision
météorologique ont donné naissance à une
communauté internationale quotidiennement opérationnelle ;
2/ les progrès des l'informatique ont mis à la disposition de ce
réseau météorologique des outils de calcul d'une puissance
fantastique en sorte que les prévisions sont devenues de plus en plus
crédibles et que la communauté des météorologues a,
en quelque sorte, manifesté aux yeux de tous (dont les siens!) la
confiance qu'il est raisonnable de lui faire ;
3/ à partir de là, les météorologues se sont sentis
en mesure de "simuler" le climat.
La prévision météorologique exige
une simulation de
l'évolution atmosphérique
(de 10 minutes en 10 minutes) sur
une portée d'environ quinze jours (ce qui exige de l'ordre de 2000
"itérations" pour chaque prévision) ; tandis que la recherche
climatique, exige, d'une part, qu'une telle "expérience
numérique" soit effectuée sur un horizon de 20 à 100 ans
(soit de l'ordre de 2 à 10 millions d'itérations!) et, d'autre
part, que pour chaque instant simulé soient intégrées, en
une seule et même "simulation climatique", les "simulations
météo" de milliers de points de la Terre. Même avec les
plus grosses machines du monde, cela exige des jours et des jours de calcul
ininterrompu. C'est pourquoi la recherche a d'abord commencé en faisant
des simplifications considérables, et elle se complexifie
elle-même chaque jour au fur et à mesure que son travail avance.
Sans s'étendre davantage sur la description du travail des
scientifiques, M. Philippe ROQUEPLO a souligné que, lorsqu'il a
entrepris d'en étudier les modalités, il a été
effrayé de toutes les simplifications qu'elles comportaient et a eu de
sérieux doutes sur
la fiabilité des résultats
qu'elles obtenaient. Il s'est d'ailleurs aperçu que les chercheurs
eux-mêmes se posaient maintes questions à ce sujet. Mais
c'était au tout début des années 90. Les années
passant, les résultats se sont accumulés, les chercheurs sont
devenus à la fois plus modestes et plus confiants dans la valeur de
leurs résultats ; c'est pourquoi M. Philippe ROQUEPLO a estimé
que ce serait aujourd'hui une témérité irresponsable que
de ne pas leur faire confiance et, quoiqu'il en soit des doutes que, dans un
tel domaine, on peut toujours se plaire à susciter et à
entretenir,
il est évident que les modèles climatiques actuels
sont devenus crédibles
et qu'aucune voix ne se fait entendre
à leur encontre, si ce n'est quelques rares exceptions visiblement
liées à certains groupes de pression, en particulier aux lobbies
du pétrole ; c'est manifestement actuellement le cas aux Etats-Unis
d'Amérique.
Au sujet de
l'analyse des carottes glaciaires
, M. Philippe ROQUEPLO a
rappelé qu'elle a montré, depuis les années 1993-95, que
de très importants changements climatiques pouvaient survenir dans des
temps très courts, de l'ordre de 50 ans ; cette fragilité
climatique provient d'ailleurs plutôt des océans que de
l'atmosphère. En effet, un réchauffement de la calotte glaciaire
peut faire fondre d'énormes quantités de glace et produire un
masse d'eau non salée qui modifie la densité de masses
considérables d'eau de mer, ce qui peut entraîner une modification
brutale des trajets de certains courants marins ; ainsi le Gulf Stream pourrait
être détourné de son cours actuel et ne plus venir
réchauffer l'Europe. D'aucuns parlent même d'un éventuel
refroidissement de celle-ci.
Interrogé sur la possibilité de parvenir à
des
prévisions régionales
, M. Philippe ROQUEPLO a
répondu qu'on ne pouvait pas actuellement faire des prévisions
climatiques fiables sur des zones précises. On sait néanmoins que
certains lieux sont moins menacés que d'autres
. Si, par exemple,
le climat de Paris devenait analogue au climat actuel d'une région
située à 100 km au nord ou au sud, cela ne constituerait pas
une grande menace parce que Paris est au milieu d'un large zone climatique. Il
n'en irait pas de même pour Alger pour qui le climat se rapprocherait
alors de celui du Sahara.
Quant au fameux "déplacement des forêts" il faut bien s'entendre
sur ce que l'on veut dire en utilisant une telle expression, car les arbres ne
se déplacent pas : ce qui se déplace, ce sont les conditions qui
déterminent leur existence. Or, le climat constitue ici une condition
primordiale.
Des scénarios et des études d'impact s'imposent
donc, dans toutes les régions du monde,
pour déterminer ce
qui risque de s'y passer (pour la végétation, pour le tourisme,
ou, tout simplement, pour la possibilité de vivre) si tel ou tel
scénario climatique se produisait. Mais, M. Philippe ROQUEPLO a
insisté sur la nécessité d'envisager, pour une
région donnée, l'ensemble des scénarios climatiques
considérés comme possibles et d'esquisser les diverses
"politiques adaptatives" correspondantes. Quoi qu'il en soit des
difficultés à prévoir ce qui se produira, ce travail
devrait être d'ores et déjà entrepris de façon
concrète en tenant compte de la vulnérabilité
spécifique de chaque région ainsi que de l'ensemble des
ressources potentielles et du "gisement d'économies d'énergie"
dont elle dispose. Il est d'ailleurs possible de trouver des informations
riches d'enseignement en analysant maintes situations climatiques ayant
été déjà historiquement rencontrées, ici ou
là.
A propos des prévisions régionales, M. Philippe ROQUEPLO dit
avoir observé (du moins lorsqu'il était engagé dans sa
propre recherche) une sorte de refus général à s'engager
dans ce genre de recherches. En effet, de telles recherches peuvent mettre en
évidence le fait que, dans cette affaire de climat,
il peut y avoir
des pays perdants mais aussi des pays gagnants
: ainsi
la
Sibérie
, comme d'autres régions du monde, pourrait-elle
devenir une zone fertile. Il est dès lors évident que ces
éventuels gagnants ne seraient guère enthousiastes pour prendre
les mesures onéreuses nécessaires afin de lutter contre
l'intensification globale de l'effet de serre et une élévation
correspondante de la température moyenne de la Terre.
Il est d'ailleurs
très difficile de déterminer
cette
"température moyenne" de la Terre
car les points où les
données sont recueillies sont très inégalement
répartis et beaucoup des mesures effectuées sont biaisées
par des phénomènes locaux comme, par exemple, la proximité
des villes, en quel cas ces mesures ne peuvent être prises en compte
qu'après de subtiles corrections.
Il n'est
donc pas certain
que la "signature" d'un changement climatique dû à l'accroissement
de l'effet de serre puisse être l'élévation de la
température moyenne de la Terre
. Dès lors quelle sera cette
"signature" rendant le phénomène évident et faisant de la
mobilisation de tous une urgence indiscutable? Certes les scientifiques disent
aujourd'hui que la température moyenne de la Terre s'est
élevée d'environ 0,6°C depuis le début de
l'ère industrielle. Mais, pour M. Philippe ROQUEPLO, il s'agit là
d'un "pseudo-événement" tellement cette notion de
température moyenne de la Terre semble une notion éloignée
de toute perception directe.
Il a ensuite insisté sur cette notion de "signature" à travers
l'affaire des pluies acides en Europe
en rappelant qu'aux environs de
1985, une bourrasque politique a secoué l'Allemagne parce que, à
la suite d'une campagne médiatique,
les Allemands
ont vu de leurs
propres yeux
que leurs arbres étaient malades
et parce que les
scientifiques attribuaient cette maladie à l'oxyde de soufre contenu
dans les fumées émises par d'innombrables usines. La mobilisation
de la population allemande a été telle qu'elle a contraint le
gouvernement de la RFA à prendre des mesures énergiques.
M. Philippe ROQUEPLO a estimé peu envisageable qu'il puisse en aller de
même en matière climatique, et cela pour deux raisons majeures :
1) Il faudrait pour cela une "signature" claire susceptible de
mobiliser les
populations
, comme ce fut le cas en Allemagne à propos des
forêts. Certes, les scientifiques sont unanimes pour déclarer que
si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas
drastiquement, un changement climatique grave se produira ; mais ce changement
ne se produira pas en un jour et sa "signature" n'aura pas l'évidence
qu'elle eut en Allemagne dans le cas du "Waldsterben" dans les années
80. Il est donc très peu vraisemblable qu'une mobilisation populaire se
produise jamais, susceptible de contraindre les gouvernements à agir.
2) D'ailleurs, même
si, ici ou là, un gouvernement était
véritablement convaincu de la nécessité d'agir
,
il
est probable que, nulle part, il ne parviendrait à imposer aux
populations les décisions que la situation exigerait
. C'est ainsi
que le directeur adjoint de
l'Environment Protection Agency
,
interrogé un jour sur cette question, déclarait considérer
comme totalement inenvisageable que les Américains acceptent jamais de
restreindre leur consommation d'essence pour cause de protection du climat. Or,
M. Philippe ROQUEPLO juge qu'il faudra bien en arriver là et pour cela
augmenter probablement de façon importante le coût des
carburants et, plus généralement, celui de l'énergie afin
d'en diminuer la consommation
.
Il a noté que la hausse des prix de l'énergie ne
déclencherait pas de catastrophe mondiale, mais qu'en provoquant une
moindre consommation, elle permettrait de
protéger le long terme
,
c'est-à-dire en l'occurrence
les conditions de vie de nos enfants et
petits-enfants
, ce qui ne signifie d'ailleurs nullement que le changement
climatique constitue la seule menace écologique qui mette en
péril leurs conditions de vie. Avant que ne se produisent de graves
changements climatiques avec leurs conséquences, il est - par exemple-
probable qu'en maints endroits de la Terre
le manque d'eau et sa
détérioration
irréversible auront provoqué des
désastres.
Néanmoins, sur la question de l'effet de serre, M. Philippe
ROQUEPLO estime que la première priorité est de parvenir par tous
les moyens à
économiser l'énergie
, le gisement
primordial d'économie consistant peut être dans l'innovation
technologique : des ampoules électriques plus économes, des
frigidaires mieux isolés, des voitures consommant moins de
4 litres/100 km, des machines industrielles mieux conçues... tout
cela n'étant évidemment réalisable que si l'énergie
elle-même est considérablement plus chère.
Bien entendu, il a posé à ce stade
la question du
nucléaire
qui ne produit pas de gaz à effet de serre et
paraît donc la solution miracle tant attendue. Le malheur est qu'il
comporte d'autres risques qui interdisent son utilisation
généralisée à la planète entière et
limitent la part d'énergie nucléaire par rapport à
l'ensemble des énergies produites sur la planète à un
maximum de l'ordre de 15 %. Ce serait être fort peu responsable que
de proposer le nucléaire comme "la solution" pour stopper
l'évolution prévisible du climat du fait des émissions de
CO
2
. Au yeux de M. Philippe ROQUEPLO, ceux qui formulent de telles
propositions le font sur la base d'une sorte d'idéologie techniciste qui
leur permet d'évacuer mythiquement les énormes difficultés
économiques, sociales et politiques que profile devant nous la question
climatique. D'ailleurs, il est très significatif de constater que ceux
qui proposent un recours mondial massif au nucléaire sont
essentiellement les fabricants de centrales, ce qui a pour conséquences
que le problème du nucléaire n'est jamais pensé dans sa
globalité, incluant la prise en compte de tous ses aspects, y compris
les conditions d'une gestion suffisamment sûre mondialement pour exclure,
par exemple, la répétition de nouveaux Tchernobyl, etc...
Vient alors
la question des négociations internationales
sur les
décisions à prendre face au défi climatique mondial.
A propos du recours aux
permis négociables
, étudié
par de nombreux économistes, M. Philippe ROQUEPLO a relevé qu'il
s'agit là d'un concept adapté à la gestion de
problèmes régionaux (comme c'est le cas actuel aux Etats-Unis
d'Amérique) : cela peut marcher au niveau d'un marché local pour
négocier des contraintes imposées par une autorité
politique supérieure. Cependant il est aberrant d'étendre cela au
niveau mondial : cela reviendrait, en effet, par l'intermédiaire du
"marché des permis négociables" à créer cette
nouvelle marchandise
que serait le permis de polluer jusqu'à un
certain niveau, et cela alors qu'aucune autorité mondiale (surtout pas
l'OMC!) n'est en mesure de déterminer les contraintes globales
susceptibles de fixer le niveau d'émission mondialement
tolérable, pas plus que la "valeur négative" des flux globaux de
CO
2
d'ores et déjà accumulés dans
l'atmosphère.
Il a estimé qu'il ne suffit pas, en effet, dans une telle perspective de
"négoce généralisé", de parler d'un permis de
contribuer au flux des pollutions qui viennent jour après jour encrasser
l'atmosphère. Il faut aussi
prendre en compte l'encrassement de
l'atmosphère d'ores et déjà effectué
et qui
constitue la cause principale des modifications climatiques pendant les
années à venir et qui rendra le changement climatique
quasi-irréversible.
Quant au problème des
"puits" qui absorbent le gaz carbonique
,
principal gaz à effet de serre ; en gros, sur trois tonnes de
CO
2
émises, deux demeurent dans l'atmosphère et une se
trouve rapidement absorbée, en particulier par
les océans
.
Ne raisonner que sur la partie qui s'accumule dans l'atmosphère sans
tenir compte de celle qui est absorbée par les océans est-il
juste ? Car enfin, le pouvoir d'absorption est proportionnel à la
surface absorbante. Or, à qui appartient la surface des océans du
point de vue de sa capacité d'absorption ? Pour M. Philippe ROQUEPLO, ne
pas tenir compte de ce point dans les négociations internationales
revient à dire que celui qui émet 300 000 tonnes de
CO
2
s'approprie par le fait même une surface absorbante de
l'océan mille fois plus grande que celui qui n'en émet que 300
tonnes. Le fait d'émettre des émissions constitue donc ainsi un
véritable droit de propriété sur l'océan au profit
des pays industrialisés ! Ce qui est difficile à admettre et
devrait être pris en compte à propos de la dette des pays en voie
de développement.
En conclusion, M. Philippe ROQUEPLO a estimé peu probable qu'on assiste
jamais à
une mobilisation de toutes les populations du monde pour
combattre le changement climatique
qui menace ce monde. Il serait donc
à la fois urgent et politiquement (voire moralement) juste que les
principaux pays industrialisés ne tirent pas un trait sur le
passé qui se trouve (en ce domaine comme en bien d'autres) être la
cause du présent qui menace l'ensemble des hommes ; il serait urgent et
juste que les pays industrialisés enclenchent eux-mêmes -en
prenant les décisions qui leur incombent- un vigoureux mouvement
susceptible à la fois de pallier la menace et d'entraîner
progressivement les autres à participer à cette lutte.
DÉLÉGATION À LA
SÉCURITÉ
ROUTIÈRE
M. YVES ROBICHON,
DIRECTEUR-ADJOINT DE LA SÉCURITÉ
ET DE LA CIRCULATION ROUTIÈRES
M. BERNARD GAUVIN,
SOUS-DIRECTEUR DE LA RÉGLEMENTATION TECHNIQUE
DES VÉHICULES,
(31 octobre 2000)
M.
Bernard GAUVIN a considéré qu'il n'existait pas de
prévisions précises sur
l'évolution des climats
pour les proches années à venir, mais que la combustion
très rapide des combustibles fossiles pouvait cependant
interférer sur les climats. Il a rappelé que les périodes
glaciaires n'avaient pas été provoquées par l'homme, et
que celui-ci n'avait sans doute pas la capacité de modifier les climats,
mais possédait tout de même le pouvoir d'influer sur ceux-ci.
Evoquant
les transports
, M. Bernard GAUVIN a souhaité qu'ils
s'insèrent à la fois dans un objectif de développement
durable et de satisfaction des usagers, tout en économisant de
l'énergie, et en limitant les émissions de CO
2
, un tel
objectif étant particulièrement difficile à atteindre,
puisque seule une toute petite partie de la circulation terrestre pourrait
être basculée sur un autre mode de transport.
M. Yves ROBICHON a souligné que la diminution du parc d'automobiles
ferait baisser les émissions de CO
2
tout en augmentant
la
sécurité routière
. Il a rappelé que les plans
de prévention des risques routiers dans les entreprises avaient
montré que 50 % des accidents du travail étaient des accidents de
trajet, et spécialement des accidents de la route.
Améliorer la sécurité routière constitue donc un
enjeu humain et économique exigeant de réfléchir à
la manière de déplacer les personnes tout autant que les
marchandises. Des simplifications obtenues résulteront des baisses de
pollution, étant précisé que
la réduction de
trafic peut s'effectuer sans diminuer l'activité économique.
De même,
les plans de déplacement urbains
prévus par
la loi sur l'air devraient permettre des améliorations et de nouvelles
réflexions sur l'optimisation des transports.
M. Bernard GAUVIN a noté une corrélation entre l'augmentation de
la vitesse
et celle du nombre des accidents. Il a observé
qu'au-delà de 70 km/heure,
la consommation
de
carburant
augmentait vite et qu'en-dessous d'environ 70 km/h la
consommation n'était plus liée à la vitesse du fait de
l'usage non optimal des boîtes de vitesse, tandis que les boîtes de
vitesse automatiques assurent une gestion optimale des régimes
intermédiaires. Cependant, il n'existe que 3,5 % de
véhicules équipés de boîtes automatiques en France
et aucune étude n'est menée sur la généralisation
de celles-ci malgré l'intérêt d'un comportement plus
apaisé des conducteurs avec ce type de boîte.
Il a ensuite relevé que la vitesse avait baissé de 20 % sur les
autoroutes françaises lors de la récente pénurie de
carburant à l'automne et que cette période avait
également suscité des articles de presse sur la réduction
de la consommation.
Depuis le 1
er
janvier 1993, des économies de carburant ont
été réalisées grâce à la
généralisation de l'injection pilotée, conséquence
des réglementations européennes sur la pollution automobile dont
la conséquence la plus médiatisée a été la
généralisation du catalyseur sur les voitures à essence.
Cependant, le remplacement du parc est progressif et même si tout le
monde a le droit de circuler,
il serait souhaitable, du point de vue de la
pollution, de supprimer les voitures les plus anciennes.
Il a rappelé que l'analyse du parc automobile français montre que
celui-ci est économe en carburant par rapport à ceux de nos
voisins européens et des principaux pays économiquement
développés (Etats-Unis d'Amérique et Japon notamment), ce
qui provient largement d'une fiscalité élevée frappant les
carburants et d'une vignette chère, liée à la puissance
fiscale
(65(
*
))
. De même, la
taxation de véhicules de sociétés, au-delà d'une
certaine puissance, joue dans le même sens.
M. Bernard GAUVIN a rappelé que la loi du 4 juillet 1998
prévoyant le calcul d'une nouvelle
puissance fiscale
comme
élément majeur de choix d'une nouvelle automobile n'avait
soulevé aucune critique, deux paramètres seulement permettant le
calcul de cette taxe : la puissance du moteur et les émissions de
CO
2
. Les critiques ont porté sur les sauts brutaux de passage
d'une tranche à l'autre.
Abordant ensuite la question des
poids-lourds
, il a été
noté par M. Bernard GAUVIN que le poste carburant était
très important pour ceux-ci. Il s'agit en effet du second poste
après les salaires. Sur ce point, M. Yves ROBICHON a insisté
sur
les limites de l'intermodalité, la route assurant actuellement 70
% à 80 % des transports de marchandises contre 12 % pour le
rail
. De plus, en cas de développement des transports, le chemin de
fer n'aurait pas la capacité d'absorber le surcroît
d'activité. Pourtant, des situations absurdes existent (exemple :
Volvo adresse des pièces d'automobiles de Suède au Portugal par
la route surchargeant ainsi l'un des corridors sensibles, les
Pyrénées, l'autre étant les Alpes). Il a également
relevé que
50 % des poids lourds roulent sur des distances
inférieures à 50 km
. Or, ce seuil est non rentable pour le
rail, d'où l'idée de trains de camions rassemblant une dizaine de
camions mis bout à bout en vue d'économie d'énergie et de
place.
Il a regretté que
le « tout camion » ne
résulte pas d'une volonté politique mais d'un arbitrage du
marché.
M. Bernard GAUVIN a aussi noté des modifications des
poids
autorisés à l'essieu
résultant des normes
européennes (13 T pour les vieux véhicules auparavant et
maintenant 11,5 T sur l'essieu moteur et 10 T sur l'autre). Il a relevé
le caractère réel mais limité des
économies
réalisables
: par exemple celles résultant des
pneumatiques
(le pneu Michelin « énergie »
économise jusqu'à 5 % de carburant) ou de certains
revêtements
, grâce à l'amélioration de
l'adhérence ou à l'emploi d'enrobé drainant, ce qui
diminue donc la consommation, améliore le confort, mais pas
forcément la sécurité, car ce qui est gagné en
visibilité est perdu en adhérence.
Il a souligné que les revêtements français sont
considérés comme les meilleurs du monde du fait d'une recherche
poussée, y compris dans les entreprises, notamment chez Shell et Esso
France ; de plus, il existe une large gamme de produits français
comparés à ceux existant dans les autres Etats membres de la
Communauté européenne.
M. Yves ROBICHON a aussi souligné que
les modifications des
véhicules ou des infrastructures pouvaient induire des effets pervers
sur les conducteurs
. Ainsi, la bande blanche latérale provoque une
sorte d'effet d'hypnose, le conducteur ayant tendance à se fixer sur le
niveau le plus basique, par exemple le paysage, plutôt que les signaux.
Il a insisté sur l'importance de la communication à
développer concernant la faiblesse des gains de temps
réalisés en roulant vite tandis que le surcoût en carburant
est garanti. Il a relevé aussi le caractère trompeur des messages
publicitaires relatifs à la sécurité, les véhicules
étant conçus pour assurer une bonne protection aux alentours de
60 km/heure en cas de choc, mais au-delà, l'efficacité de la
protection est loin d'être évidente. Du bon résultat de ce
message, devrait résulter
une auto-limitation de vitesse
bien
plus crédible qu'une mesure coercitive.
M. Yves ROBICHON a rappelé qu'un accord existait entre les industriels
et le Gouvernement allemands pour qu'aucun véhicule ne dépasse
250 km/heure alors que les voitures italiennes et japonaises peuvent aller
au-delà et que plus de 80 types de pneus sont fabriqués pour des
véhicules dépassant les 250 km/heure.
D'où la question du
bridage des véhicules fabriqués en
Europe
, cette mesure n'étant actuellement appliquée dans
aucun pays. Une progression en ce sens pourrait résulter dans un premier
temps de la limitation de la vitesse sur les autoroutes allemandes
accompagnée d'
une limitation de la vitesse dans la
Communauté
européenne
. A un second stade, les
véhicules pourraient être bridés à la vitesse limite
adoptée. Cela n'est pas inenvisageable, d'autant que cela existe
déjà pour les camions (90 km/heure pour les plus de 12
tonnes).
Le consensus européen fut d'ailleurs assez facile à obtenir pour
les camions, mais nombre de
leaders
d'opinions possédant des
voitures puissantes, il est à craindre que de nouvelles mesures tardent
à être adoptées.
Par ailleurs, des signaux spéciaux pourraient être prévus
pour
les véhicules lents
comme pour les véhicules
prioritaires (feux bleus).
Au total, M. Yves ROBICHON a estimé important d'obtenir
un
consensus
relatif à la sécurité
concernant
aussi bien l'absorption d'alcool que la vitesse ou le port de la
ceinture ; le point de désaccord subsistant actuellement demeurant
la vitesse. A cet égard, un bon apprentissage pourrait peut-être
résulter d'un limitateur de vitesse monté en série sur les
véhicules neufs et piloté par le conducteur.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER
FRANÇAIS (S.N.C.F.)
M. FRANCIS ROL-TANGUY, DIRECTEUR DU FRET
ET
T.L.F.(FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DE TRANSPORT & LOGISTIQUE
DE FRANCE)
M. ALEXIS BORDET, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL ADJOINT
CHARGÉ DES ACTIVITÉS ROUTIÈRES
(15 novembre 2000)
AUDITION-DÉBAT
M.
Francis
ROL-TANGUY a d'abord évoqué
les perspectives de
la SNCF pour les années 2002 à 2010
. Il a comparé les
transports ferroviaires européens à leurs homologues
américains en notant qu'aux Etats-Unis d'Amérique, le fret
ferroviaire Diesel est plus développé qu'en Europe, avec des
trains très longs et très lourds. Il a relevé qu'entre la
France et la Belgique existaient de très bons échanges
ferroviaires, que le marché italien constituait le premier marché
international de la SNCF, mais qu'au-delà les échanges
européens étaient assez faibles, la juxtaposition de
différentes échelles nationales n'ayant pas permis de s'inspirer
du modèle américain même si
l'extension des
activités à l'échelle européenne repose toujours la
question de l'organisation des transports ferroviaires.
Il a estimé qu'une amélioration de celle-ci reposerait d'abord
sur
l'interopérabilité
- indispensable dans la mesure
où il n'existe pas de normes européennes, par exemple pour les
panneaux de signalisation, ou même pour les voies, comme c'est le cas
entre la France et l'Espagne. Malgré cela, un projet de TGV allant de
Perpignan jusqu'au coeur du port de Barcelone est à l'étude, des
problèmes concernant l'écartement des voies, les voltages et les
fréquences restant à résoudre.
Déjà en France, il existe deux courants possibles : le 25
000 Volts et le 15 000 Volts. Cette différence entre le nord et le midi
impose des motrices bi-courant ; pour aller en Italie, il faut même
des motrices tri-courant ; ce qui a une incidence sur les coûts,
puisqu'une locomotive coûte environ douze millions de francs, mais la
moitié en plus si elle est bi-courant.
En conséquence,
l'interopérabilité totale ne semble pas
envisageable avant plusieurs dizaines d'années.
Si l'on estime que le réseau européen s'étendra sur 30 000
km à l'horizon 2100, il serait envisageable de
dédier un
réseau aux transports de fret
. Des débats renaissent à
ce sujet, d'autant que le Gouvernement a annoncé comme objectif le
doublement du fret ferroviaire d'ici à 2010.
Actuellement
,
la
part du marché de la SNCF oscille entre 20 et 22 % et devrait
s'établir en 2010 entre 22 et 25 %
; en tout cas, elle devrait
cesser de décroître.
M. Francis
ROL-TANGUY a estimé que si la croissance SNCF
était de 3 %, la croissance du fret pourrait être, elle, de 6
%, et contrairement à ce qui est souvent avancé,
la Net
économie ne va pas diminuer les déplacements, bien au
contraire
. Il est probable qu'il y aura des livraisons multipliées
entre les lieux d'achat et les domiciles des particuliers.
Un grand projet est régulièrement annoncé, à savoir
la mise des camions sur des trains, appelé souvent «
route
roulante
».
A l'avenir,
le système Modalhor
serait développé,
chaque wagon se chargeant et non plus le train, ce qui est beaucoup plus
rapide, et permet par exemple d'isoler un wagon défectueux. De plus, ce
système ne reviendrait pas plus cher à la collectivité,
bien moins que les routes roulantes suisses.
La mise en oeuvre de ces innovations exigera d'améliorer les gabarits
dans les tunnels existants; par exemple, le tunnel sous Fréjus est
adapté aujourd'hui aux seuls wagons-citernes, mais l'agrandissement
prévu de son gabarit d'ici 4 à 5 ans permettra d'y faire passer
d'autres types de véhicules routiers sur wagons.
Partout
le problème majeur réside dans
le contournement
des grandes agglomérations.
Une comparaison entre les pays européens montre que la Suisse et
l'Autriche sont en avance, que l'Allemagne évolue vite, et que le
Royaume-Uni dispose de lignes fermées à récupérer
pour le fret, par exemple à la sortie du tunnel sous la Manche,
jusqu'à Manchester, surtout dans la mesure où les camions sont
déjà sur le train dans le tunnel.
Si l'on resitue le programme de développement ferroviaire par rapport
aux autres modes de transport, on constate d'abord que
le programme
autoroutier français
de la période 1960-2000 est un peu
épuisé.
Quant au
transport aérien
, son essor peut être
illustré par le cas de l'aéroport d'Atlanta. Il est actuellement
envisagé d'y raser 30 000 pavillons pour construire 8 pistes, ce qui en
ferait le premier aéroport du monde.
A propos du choix entre les différents modes de transports,
M. Francis ROL-TANGUY a estimé que pour que le train
complète la route, il faut que le trajet dure un certain temps.
En fait, il lui est apparu souhaitable de
développer le réseau
fret comme le réseau TGV
en s'assurant de la cohérence de
chaque tronçon sans attendre la fin du programme ; mais il reste
difficile de réfléchir à l'avenir tant que le quotidien ne
fonctionne pas bien, ce qui est le cas.
Par exemple , il n'y a pas eu de locomotive Diesel neuve acquise par la SNCF
depuis 1975. Il s'agit donc d'un parc polluant. Récemment, la
décision de réinvestir dans le Diesel a été prise,
le tout électrique étant jugé un peu
dépassé. Toutefois,
même équipé en Diesel,
le rail demeure moins polluant que la route
; c'est pourquoi le choix
Diesel a été relancé pour le transport de voyageurs dans
les régions. En réalité, le coût de
l'électrification étant très important il faut, comme en
matière de choix énergétique,
diversifier et
développer des itinéraires alternatifs.
En conclusion, M. Francis ROL-TANGUY a observé que le
démantèlement de l'opérateur national historique
n'était plus à l'ordre du jour, notamment du fait des
problèmes de sécurité rencontrés au Royaume-Uni. Il
a exclu que le système implose et a noté que le débat sur
ce thème était en réalité très
idéologique.
M. Alexis BORDET, de TLF, a tout d'abord insisté sur le fait que les
professionnels du transport avaient du mal à se projeter à
l'horizon 2100, qui est celui du rapport sur les changements climatiques.
Citant Saint-Exupéry, il a affirmé «
qu'on
n'hérite pas de la terre de nos parents, mais qu'on l'emprunte à
nos enfants
».
Il a insisté sur le fait qu'
en matière de transport tous les
modes pouvaient être utilisés, y compris le cabotage
, ce qui a
conduit TLF à regrouper tous les professionnels, quel que soit le mode
de leur activité ; le point de vue à adopter pour optimiser
leurs activités devant être celui de l'utilisateur. Il a
renvoyé aux comptes de la Nation relatifs aux transports en ce qui
concerne les climats et le transport terrestre. Il a ensuite insisté sur
la conscience professionnelle forte des transporteurs routiers, en
déplorant que souvent le ministre de l'Environnement soit en quelque
sorte joué contre le ministre des Transports.
Evoquant le prix du carburant, il a souhaité
une nouvelle
répartition de la fiscalité
, mais sans augmentation de
celle-ci, et a souligné que le moteur à explosion produit des
effets, même s'il n'est pas mis au service des transports routiers.
En écho aux remarques de M. Francis ROL-TANGUY sur la Net
économie, il a estimé que mieux vaut un camion de livraison que
50 véhicules particuliers pour accomplir les mêmes achats.
Actuellement,
le rapport entre la route et le rail s'établit selon un
rapport 80-20
, soit 80 camions par tonnes/kilomètre, pour 20 trains
par tonnes/kilomètre, car il y a des contraintes d'évolution
lourdes, et
80 % des transports routiers s'effectuent sur des distances
inférieures à 150 km
. Changer ce système aboutirait
à des ruptures de charge trop fortes. Des investissements très
lourds seraient nécessaires, pour opérer sur de faibles
pourcentages une substitution. Malgré cela,
les limites semblent
atteintes à tous égards aujourd'hui dans le transport
routier
. Des modes alternatifs seraient à promouvoir, mais en
considérant que le parc de wagons appartenant en propre à la SNCF
a diminué de 72 % entre 1980 et 1999, le lancement d'une campagne de
promotion serait difficile. Pour
le
fret ferroviaire
, cette
diminution a atteint 55 % en 20 ans, et
la saturation actuelle interdit
toute publicité.
Les transporteurs raisonnant en rapport qualité-prix,
les
déplacements de fret d'un mode à l'autre ne peuvent survenir que
sur des longues distances
. Or, les voies ferrées françaises
n'ont pas été développées en même temps que
les autoroutes, de 1960 à 2000.
Dans le même temps, le budget de fret ferroviaire en
Suisse
et en
Autriche
était considérable. Aujourd'hui, ce fret
représente 40 à 45 % de l'ensemble du fret. Il est vrai que
des taxes très fortes ont été appliquées aux
transports routiers pour favoriser l'investissement dans le ferroviaire
.
Malgré cela, les tunnels ferroviaires ne sont pas encore suffisants.
Pour favoriser le transport ferroviaire, il serait aussi
indispensable
d'améliorer l'identification à chaque instant des wagons et
des trains en circulation
.
Par ailleurs,
l'opacité des coûts
ne favorise pas une
action sur la répartition modale à l'échelle
européenne, qui nécessiterait l'internalisation des coûts
externes. C'est ainsi que 320 milliards de francs sont produits par la
fiscalité autoroutière, tandis que le rail reçoit 70
milliards de francs de subventions...
M. Alexis BORDET a estimé plus que jamais nécessaire
de donner
les vrais chiffres plutôt que d'opposer les modes de transport entre
eux
.
Depuis 5 ans, il y a eu au moins
10 rapports sur le transport
, dont
« le transport face à l'environnement »,
« le transport de marchandises », « effet de
serre et transports »,
dans Faits et Chiffres, de l'Union
routière de France, qui montrent que
sur
la période des
5 à 10 prochaines années, il est impossible de déplacer
plus de 5 % de marchandises d'un mode de transport à l'autre. De plus,
aucun choix de société n'a été effectué en
France sur ce point
.
M. Francis ROL-TANGUY a noté que parvenir à 25 % de la part de
l'ensemble de transport pour le ferroviaire en 2010 constituerait un bel
exploit.
Il est revenu sur
la réforme de la SNCF
intervenue en 1997 qui a
permis de bien distinguer le financement des infrastructures des autres aides,
ce qui a permis de monter que
la SNCF ne reçoit pas davantage de
subventions que le transport privé
- diverses concessions de
transport privé étant subventionnées en province. De plus,
le rapport actifs-retraités s'améliore à la SNCF. En
outre, les 500 millions de francs liés aux transports combinés
sont à comparer aux 40 milliards de francs de recettes commerciales
provenant du fret et du trafic voyageurs grandes lignes.
Quant au
prix des transports
facturé aux clients, il a
augmenté de 5 à 6 % en 2000 pour la route, et de 0 % pour la
SNCF, malgré un prix à la pompe au carburant équivalent,
en francs constants, à celui des années 1974-75.
Le rapport qualité-salaire des transports routiers s'étant
amélioré, la hausse des prix aux clients ne peut que continuer.
D'un point de vue général,
il n'y a plus de combat entre la
route et le rail
, d'autant que la SNCF a comme filiale la première
entreprise de logistique française (GEODIS) et que, depuis une directive
européenne de 1991, augmentée du compromis de décembre
1999, la libéralisation du réseau transeuropéen de
transport ferroviaire s'est ajoutée à la
possibilité,
pour les routiers, d'investir dans le transport ferroviaire
.
M. Alexis BORDET a estimé ensuite que la mobilité des
marchandises allait encore prendre davantage de valeur. Si les 100
premières entreprises de transport routier ont décidé, il
y a 5 ans, de ne pas augmenter leur parc, à l'inverse,
le cabotage
maritime devrait apparaître comme une véritable solution
sur
des segments particuliers («
Short sea shipping
»),
par exemple au Sud de l'Angleterre, de la France ou de l'Espagne, ou encore
entre Toulon et Gênes, entre Sète et Palma de Majorque, ce qui
évite 620 km d'autoroute, entre Toulon, Savone, et Libourne, qui va
rouvrir. Mais il est difficile d'innover en la matière, comme l'exemple
de la ligne Sète-Palma l'a montré, en dépit de la
publicité de TLF, de l'intérêt indéniable des
transporteurs et des promesses d'investissements de la Chambre de commerce et
d'industrie de Sète ; les subventions ayant tardé, la ligne
a dû fermer.
M. Francis ROL-TANGUY a insisté, lui aussi, sur la place que le cabotage
maritime pourrait retrouver en France.
A propos du
transport fluvial
, il a observé que les
péniches de grand gabarit étaient limitées par le
réseau, qu'actuellement les voies d'eau étaient proches de la
saturation des moyens existants, qu'une augmentation du trafic avait
été notée depuis deux ans. En fait,
un nouvel
élan de ce mode de transport ne pourrait résulter que d'une
connexion au réseau européen (grâce à Seine-Nord et
à Seine-Est)
.
Interrogé sur
les conséquences pour la S.N.C.F. des
tempêtes de vent de décembre 1999
, M. Francis ROL-TANGUY a
indiqué qu'il avait fallu trois semaines à la SNCF pour repartir,
ce qui était beaucoup même si un événement de cette
importance ne survenait que tous les dix ans, mais que cela ne constituait pas
une remise en cause fondamentale des moyens actuels, d'autant que, depuis 15
ans, les matériels avaient été peu renouvelés.
M. Alexis BORDET a rappelé que le transport routier avait connu un pic
d'activité en janvier 2000, notamment du fait du transport des bois,
mais aussi de celui d'autres pondéreux, la SNCF étant
inactivée du fait des tempêtes.
Encore à ce jour, des dérogations existent pour les transports
des bois, notamment concernant le samedi et le dimanche, et même les
horaires, pour éviter que les bois ne pourrissent en forêt.
Il a enfin souligné l'intérêt des expérimentations
menées en Suisse sur les
tunnels à palettes
, et a conclu
en notant qu'en 2001
Euro 3
entrerait en application, ce qui devrait
permettre de diminuer la pollution.
M.
LE PROFESSEUR PIERRE ROGNON
(66(
*
))
(8 octobre 2001)
Le
Professeur Pierre ROGNON a axé son intervention sur
l'impact de la
désertification du Nord de l'Afrique sur l'avenir de l'Europe au
XXIème siècle et sur les moyens d'y remédier.
En préambule, le Professeur Pierre ROGNON a estimé
qu'une
réflexion sur l'avenir de l'Europe au XXIème siècle ne
peut pas faire abstraction de l'existence d'un des foyers de
désertification les plus importants de la Planète au Sud de la
Méditerranée
. Beaucoup de régions autour du
Sahara
(Maghreb, Sahel)
, semi-arides à l'origine, se transforment
progressivement en paysages analogues à ceux d'un désert :
dénudation, puis érosion des sols, salinisation, ensablement etc
...
Pour le Professeur Pierre Rognon, toutes les causes de désertification y
sont aujourd'hui réunies et même portées à leur
paroxysme.
1)
L'évolution du climat y est particulièrement
préoccupante
avec la sécheresse persistante qui a duré
près de vingt ans au Sahel (1968-1988) et entraîné une
véritable catastrophe écologique , tandis qu'au Maghreb les
sécheresses brèves (3-4 ans) et espacées (vers 1914 , puis
vers 1945) jusque vers 1980, sont devenues plus fréquentes et plus
longues depuis. Or les prévisions du GIEC (rapport 2001)
pour
2050
, indiquent que
les sécheresses vont s'accentuer
, comme
dans toutes les régions sub-tropicales du Globe, avec une diminution des
précipitations de l'ordre de 180 mm/an. Comme, parallèlement, les
températures devraient s'élever de près de 4° sur le
Nord de l'Afrique, l'évaporation au Maghreb devrait entraîner une
perte d'eau supplémentaire au sol qui pourrait être de près
de 250 mm/an, entraînant une extension importante du désert.
2)
La mauvaise gestion d'un environnement fragile
est la cause d'un
déboisement intensif
, du
surpâturage
et d'une
érosion
accélérée de sols
dénudés sous l'effet des pluies torrentielles qui
caractérisent le climat du Maghreb ; étant donné la
lenteur de la régénération des végétaux et
des sols, leur disparition risque de devenir un phénomène
irréversible.
3) Surtout,
la croissance de la population
, passée au Maghreb, de
50 millions d'habitants en 1984 à
75 millions en 2000
devrait atteindre entre 110 et
120 millions en 2025
(dans les
années 1960-1970, la population de l'Algérie doublait en 20 ans),
ce qui provoque
un déséquilibre considérable entre
ressources et consommation
et accélère la dégradation
des milieux. Même si les taux d'accroissement annuel diminuent
aujourd'hui, cette forte croissance au Maghreb va se poursuivre encore sur
plusieurs décennies. Elle sera relayée au XXIème
siècle par celle du Sahel (passée de 25 millions en 1950 à
70 millions en 1990) qui, d'après les prévisions, suit celle
du Maghreb avec un décalage d'une trentaine d'années et va donc
encore s'accentuer au cours du présent siècle. Comme le Sahel
renferme moins de ressources que le Maghreb, la croissance de sa population
alimente déjà un courant d'émigration vers l'Europe qui va
se renforcer.
4) Enfin,
la croissance de la population urbaine
au Maghreb est beaucoup
plus rapide qu'en Europe méditerranéenne et passera de 20
à
78 millions
entre 1984 et
2025
. Casablanca compte
aujourd'hui 3 millions d'habitants, Alger entre 3 et 4 millions selon les
limites administratives retenues et Dakar 2 millions. Même en
régions désertiques où les ressources en eau sont rares et
surtout d'origine fossile, on constate
un fort accroissement de la
population citadine
avec quelques villes de 100.000 à 225.000
habitants. Pour leur consommation en eau,
des villes comme Alger, Oran ou
Casablanca détournent de plus en plus d'eau des barrages et des nappes
phréatiques
dans un rayon de 100 à 150 km
au
détriment des cultures irriguées
et, malgré les
efforts déployés, des villes comme Alger connaissent de
fréquentes coupures d'eau (actuellement 2 jours sur 3 durant
l'été 2001). Par ailleurs, l'extension de ces villes englobe
aussi de nombreuses terres cultivées au détriment de
l'agriculture.
D'où une question :
comment satisfaire à la fois la soif
et la faim de ces populations ?
Le Professeur Pierre Rognon a souligné combien est dramatique ce
problème des
pénuries d'eau
pour l'ensemble des pays de la
Méditerranée méridionale et aussi orientale. Si l'on
considère
les seuils de consommation
admis officiellement (en
tenant compte des seules ressources renouvelables), ils se situent au dessus de
1700 m
3
/an/habitant en situation d'abondance. Au-dessous de 1700
m
3
surviennent des crises périodiques ; au-dessous de
1000 m
3
, les pénuries deviennent chroniques et, au dessous de
500m
3
, il s'agit de pénurie absolue. Or,
en 2025, cinq
Etats au Sud et à l'Est de la Méditerranée devraient
connaître une telle pénurie et ce nombre devrait atteindre huit
Etats en 2050
. Il faudra donc, d'ici là, trouver d'autres ressources
en eau : dessalinisation, traitement des eaux usées etc...
Dans ces conditions, le Professeur Pierre ROGNON a estimé que
le
déséquilibre préoccupant entre ressources et population ne
permet pas d'espérer un développement durable au XXIème
siècle au Sud de la Méditerranée
mais plutôt de
prévoir une crise économique (avec une forte émigration,
plus ou moins clandestine, vers l'Europe faute de perspectives industrielles)
et écologique (déboisement très important, ruine des sols,
etc..) sans parler de l'augmentation de la dette, en particulier dans les pays
du Sahel.
En définitive,
l'écart va se creuser avec les pays du Nord de
la Méditerranée
, aboutissant à l'une des plus grandes
fractures, économique, démographique et politique à
l'échelle du Globe. Cette coupure serait bien plus grave que celle que
l'on trouve, aux mêmes latitudes, en Amérique où il existe
également des régions fortement concernées par la
désertification (Mexique, Caraïbes, Andes) et par une très
forte croissance démographique. Mais, ces régions occupent des
superficies moindres et, surtout, elles sont entourées par l'Amazonie ou
par l'océan, ce qui limite les effets de la désertification,
alors que le Maghreb et le Sahel sont en bordure du plus grand désert de
la Planète, qui est un obstacle majeur au développement et
à l'unification économique. Enfin, l'intégration du
Mexique dans l'ALENA apporte un début de solution, tandis que, pour
l'instant, en Europe, la priorité est accordée à
l'intégration de l'Europe centrale et orientale et peu d'attention est
prêtée au Sud de la Méditerranée.
Le Professeur Pierre Rognon a passé ensuite en revue
les organismes
qui pourraient contribuer à résoudre les problèmes
posés par une telle situation.
Sur le plan français
, les organismes de
recherches/développement (IRD, CIRAD, etc... ) sont surtout
orientés vers le développement de pays plus humides et plus
productifs. L'IRD, longtemps engagé au Sahel, s'en est progressivement
détourné et ne soutient plus que quelques actions
éparpillées et sans réelle coordination. Le CNRS,
organisme de recherches fondamentales, n'a aucun programme concernant les
régions sèches.
A l'échelle européenne
, le programme MEDA a pour
rôle principal de préparer une zone de libre-échange en
Méditerranée et n'intervient pas dans des actions
concrètes de lutte contre la désertification .Celles-ci ont
été financées, pendant quelques années, par la DG
XII pour la partie nord de la Méditerranée.
Au niveau de la Convention internationale sur la désertification
,
le Comité de la Science et de la Technologie préconise, depuis sa
création, d'observer les effets de la désertification
(télédétection ou stations au sol) ou de recenser les
« savoirs traditionnels » (difficiles à transposer
hors de leur cadre d'origine ) mais il n'a jamais mis sur pied de programmes
recourant à l'innovation et à la recherche scientifique.
Or dans les pays tropicaux humides, des recherches importantes en agronomie ont
permis , par exemple , le succès peu contesté de la
« révolution verte ».Des solutions tout aussi
efficaces pourraient être mises au point pour les régions
sèches à partir des acquis récents de la science dans de
nombreuses disciplines, mais il faudrait
créer un organisme efficace
pour coordonner la réflexion et définir des programmes de
recherches adaptés à ces pays
(à la différence
des techniques très coûteuses, comme la dessalinisation, mises au
point pour les pays riches). Ces solutions seraient ensuite diffusées
à l'ensemble des pays concernés, ce qui n'est pas possible dans
le cas des savoirs traditionnels.
Le Professeur Pierre Rognon s'est interrogé sur
les solutions
à envisager, dans l'avenir, pour faire face à cette
situation ; la plupart des solutions ayant été
envisagées jusqu'alors dans le cadre de l'aide au développement.
Par exemple, pour diminuer les pénuries d'eau, les organismes officiels
préconisent soit
la modernisation des canaux d'irrigation ou des
conduites urbaines
(les pertes peuvent y atteindre plus de 40 % de l'eau
distribuée) soit
la construction d'usines de dessalinisation
(comme dans les pays du Golfe)
ou de traitement des eaux usées
(qui impliquent de gros investissements pour l'installation de réseaux
d'égouts dans des villes en croissance très rapide).
Pour le Professeur Pierre Rognon ces dépenses relèveraient
plutôt de la responsabilité des Etats ou de sociétés
privées que de l'aide internationale qui devrait, de
préférence, être utilisée pour la mise au point de
solutions innovantes
, incorporant les acquis récents de la
recherche scientifique et profitables à l'ensemble des pays
concernés.
Ainsi, en ce qui concerne
l'accroissement des volumes d'eau disponibles,
objectif prioritaire pour accroître les ressources sur place et
éviter l'émigration vers l'Europe, il pourrait être
envisagé quatre types de solutions.
1
) diminuer l'évaporation sur les lacs
des
barrages-réservoirs ou sur les lacs collinaires
L'évaporation est, en effet, responsable de pertes de l'ordre de
20 % de l'eau stockée dans le Sud-marocain ou d'environ le
1/10ème du débit du Nil sur le lac Nasser en Egypte ( dont la
superficie est égale à quinze fois celle du lac Léman).
Dans les années 1950 et 1960, lors de la construction des premiers
grands barrages, les Américains et les Australiens ont eu l'idée
d'utiliser
les surfactants
, famille de molécules capables de
s'étaler à la surface de l'eau jusqu'à ce que leur
épaisseur soit réduite à une molécule (environ 20
Angströms) de sorte que ces « films
monomoléculaires » s'opposent à l'évaporation,
sans modifier cependant les autres échanges gazeux entre l'eau et
l'atmosphère. Etant donné le faible volume nécessaire (2
à 3 grammes pour 10 000 m
2
), ils apparaissaient comme une
solution adaptée même aux très grands lacs. Pendant
près de quinze ans, les nombreuses variétés de surfactants
connues à l'époque ont été testées en
laboratoire, puis en vraie grandeur sur des lacs, mais il apparut très
vite que le film était déchiré par le vent ou les vagues,
et les recherches furent abandonnées.
Or, depuis les années 1960, les conditions ont bien changé et de
nouvelles molécules
ont été mises au point avec des
liaisons renforcées entre elles (covalence, réticulation, double
polymérisation). Ces nouvelles molécules semblent avoir une
meilleure efficacité vis-à-vis de l'évaporation et une
plus grande résistance aux déchirures qu'il serait possible de
tester en leur appliquant les tests déjà mis au point
antérieurement ; il faudrait aussi préciser le coût
réel d'utilisation de cette technique. Cette recherche permettrait
d'éviter d'importants gaspillages sur les lacs réservoirs
existants, mais aussi en projet ou en construction, notamment sur le Tigre et
l'Euphrate.
2) accroître le rendement en
eau précipitée à
partir des nuages
Il s'agit de reprendre les techniques de
la « pluie
provoquée »
, expérimentées, elles aussi,
dans les années 1950 à 1970. Le principe consiste à
ensemencer la base des nuages avec de l'iodure d'argent ou de la neige
carbonique pour accroître le nombre de noyaux de glace agissant sur la
formation des gouttes de pluie. Mais, là aussi, cette technique a
été progressivement abandonnée car, en régions
tempérées, elle provoquait souvent la formation de grêle
plutôt que de pluie.
Aujourd'hui, on utilise
de nouvelles molécules, dites
« hygroscopiques »
, qui absorbent beaucoup
d'humidité au cours de leur ascension dans les nuages convectifs (les
plus fréquents en régions tropicales) et retombent sous forme de
pluie, souvent à proximité de la zone d'ensemencement. Entre
temps, d'autres recherches ont permis de
perfectionner les techniques de
transport de ces molécules vers les nuages
(à l'aide de
petits avions ou, bientôt, de drones, à la place des fusées
tirées du sol), de leur diffusion (grâce à des torches
pyrotechniques) mais aussi de détection des parties du nuage les plus
favorables, grâce au perfectionnement continuel des radars
météorologiques et au recours à la modélisation.
Aujourd'hui, ces techniques pour accroître la production de pluie
à partir des nuages pourraient encore être perfectionnées.
Or jusqu'ici, les seules recherches innovantes sur ce thème sont dues
à des initiatives de pays du Sud avec l'appui technique des Etats-Unis
d'Amérique :
- au
Mexique
et en
Afrique du Sud
, l'utilisation de
molécules hygroscopiques a permis d'améliorer la technique et de
constater un accroissement notable de la pluie, de l'ordre, de 20 à 30
% ;
- au
Maroc
, la méthode à l'iodure d'argent est
utilisée dans le Moyen-Atlas pour augmenter le débit des oueds
qui alimentent les barrages en arrière de Casablanca et de Rabat. En
montagne, il est permis d'espérer de favoriser davantage la production
de neige en vue de permettre la régénération de la
forêt et une plus grande régularité du débit des
oueds.
Le Professeur Pierre Rognon a conclu qu'étant donné l'importance
de ces recherches pour résoudre les problèmes de pénurie
d'eau, en particulier dans les grandes villes du Maghreb, mais aussi du Sahel,
il serait nécessaire de démarrer rapidement un programme
international
, sous le contrôle de l'Organisation
Météorologique Mondiale, et avec le soutien efficace de l'Europe.
3) adapter aux régions du Sud les techniques
de recharge
artificielle des nappes aquifères
mises au point en régions
tempérées
Ces techniques consistent à
stocker dans des nappes
phréatiques, l'eau des rivières en hiver
lorsque la pollution
est minime, pour l'utiliser en été, par pompage, pour
l'irrigation ou la consommation urbaine. Ces techniques sont parfaitement au
point, par exemple en
Hollande
, en
Californie
ou en
Floride
. Un transfert de technologie permettrait de les appliquer dans
les régions sèches où un tel stockage à l'abri de
l'évaporation pourrait être une solution alternative au stockage
derrière des barrages, une réponse à la demande croissante
des villes (consommation continue sur l'année alors que les ressources
sont saisonnières ou aléatoires) et enfin,
un
complément indispensable à la technique de la pluie
provoquée
: en effet, celle-ci risque d'engendrer des
écoulements considérables au moment où les nuages sont
présents et il faut immédiatement mettre cette eau en
réserve pour une consommation différée.
Or,
pour appliquer cette méthode dans les régions
sèches, le Professeur Pierre ROGNON a observé qu'il faut faire un
certain nombre de recherches
pour l'adapter à :
- des cours d'eau saisonniers ou intermittents dont il faut stocker les crues
rapidement dans des alluvions proches ou des cônes alluviaux,
- des réservoirs spécifiques, comme les massifs dunaires, qui
présentent jusqu'à plus de 40 % de vides et constituent
d'excellents réservoirs,
- des contraintes spécifiques, comme la siltation (les eaux de crue,
très chargées en limons, imperméabilisent les alluvions en
bouchant les vides entre les sables ou les galets) ou la salinisation (les eaux
de ces régions sont toujours plus ou moins chargées en sels).
L'un des pays du Sud les plus avancés dans ce domaine est
le
Maroc
où différents types d'ouvrages ( pour freiner les crues
ou pour les dériver ) ont été expérimentés
.Mais beaucoup de recherches seront encore nécessaires pour adapter
cette méthode aux régions sèches .
4) favoriser
les transports maritimes d'eau douce
pour assurer une
alimentation permanente en eau potable des villes du Sud de la
Méditerranée
En 2000, la consommation en eau des grandes villes du Maghreb a atteint
près de 3 milliards de m
3
et les pénuries d'eau,
déjà sensibles, vont s'aggraver d'ici 2025, nécessitant de
faire appel, puisque toutes ces villes se trouvent sur le littoral, soit
à la dessalinisation (qui reste très coûteuse), soit
à l'importation. Or, les techniques de transport d'eau douce commencent
à peine à se développer en Mer du Nord ou aux Etats-Unis
d'Amérique et s'orientent vers la conception d'
engins strictement
adaptés au transport d'eau
, sous la forme d'énormes
baudruches cylindriques, qu'on appelle des
hydroliers
qui seraient
tractées par de puissants remorqueurs.
Pour desservir les villes du Maghreb, il faudrait prévoir des engins de
150 000 m
3
ou plus qui traverseraient la Méditerranée
à partir du Rhône qui, avec son débit assez régulier
et abondant (de l'ordre de 1700 m
3
/seconde) serait la seule source
possible pour alimenter ces villes.
Un tel projet pourrait contribuer
à rapprocher les Etats du Nord et du Sud de la
Méditerranée
par la mise en place d'échanges
réguliers, un peu comme le charbon et l'acier ont été
l'élément originel de la CECA en Europe. Mais il implique
d'entreprendre des recherches pour la conception de ces grands hydroliers et
des terminaux de chargement et de déchargement et aussi de
prévoir des accords entre les différents Etats. Comme ce projet
nécessitera plus de vingt années de recherches et
d'expérimentation, le Professeur Pierre Rognon pense qu'il faudrait
dès maintenant en envisager la phase préparatoire.
Le Professeur Pierre Rognon a indiqué ensuite que
d'autres recherches
pourraient contribuer aussi au développement de ces pays, comme, par
exemple :
1
) Le recours aux hydrorétenteurs
fertilisants
pour
accroître les rendements agricoles
Puisque l'eau devra de plus en plus être réservée aux
citadins et aux touristes, il faut concevoir
une agriculture encore plus
adaptée à l'extrême pénurie en eau
. Les
techniques successives d'aspersion, de goutte à goutte etc... ont permis
de restreindre les quantités d'eau nécessaires aux plantes, en
apportant directement l'eau au niveau des racines et en supprimant les
gaspillages. On peut aller plus loin dans cette voie en utilisant comme
hydrorétenteurs
des polymères à très fort
pouvoir absorbant
(utilisés pour les couches pour
bébés) que l'on place directement au niveau des racines. Ils
absorbent l'eau disponible, la retiennent dans leurs tissus et la restituent
très lentement à la plante, sans perte par évaporation ou
par infiltration . Cette méthode permet une économie d'eau
maxima ; elle maintient en permanence de l'humidité autour des
racines (évitant les
stress
hydriques) et assure ainsi un cycle
végétatif régulier, donc de meilleurs rendements ;
enfin, elle ne nécessite
pas d'installations coûteuses
(à la différence des autres méthodes). Ainsi, elle
convient aussi bien pour des cultures intensives (maraîchage) qu'à
la culture non mécanisée avec arrosage manuel, qui est encore
pratiquée dans beaucoup de régions en particulier au Sahel.
Comme les sols sont, en général, très pauvres, on ajoute
des fertilisants, encapsulés dans le polymère
, qui sont
restitués progressivement à la plante, permettant de donner un
élan décisif pour son démarrage. Enfin, ces
polymères, à l'état humide, forment un enduit collant
autour des racines et s'allongent avec elles en les protégeant contre
les parasites du sol.
Les hydrorétenteurs fertilisants pourraient transformer les
conditions de mise en valeur des régions en voie de
désertification, à condition d'y consacrer les moyens de
recherches nécessaires
(un peu comme pour la révolution verte
dans les pays tropicaux humides). Or, actuellement, seules quelques
sociétés privées, souvent peu scrupuleuses,
s'intéressent à cette technique.
Le Professeur Pierre Rognon a suggéré que ces recherches soient
prises en charge par un organisme officiel pour définir, parmi tous les
hydrorétenteurs, celui qui présente le plus d'avantages pour le
moindre coût. Cette technique pourrait ensuite être proposée
aussi bien pour développer les cultures maraîchères autour
des villes en rapide expansion que pour améliorer le rendement des
cultures « pluviales » (sans irrigation), encore
pratiquées dans la plupart des régions sahéliennes (en
allongeant la période où le sol reste humide après la
décrue ou la fin des ruissellements locaux). Or, c'est dans ces zones de
culture pluviale que se situent les principaux îlots de grande
pauvreté.
2) La mise au point d'une stratégie de
lutte contre
l'ensablement
en tenant compte des acquis récents de la recherche
La plupart des pays soumis à la désertification sont
concernés par l'ensablement et de plus en plus par la progression des
dunes qui menacent toutes les installations humaines, en particulier en
Mauritanie
. Jusqu'ici, les organismes des Nations Unies ou de
coopération bilatérale ont utilisé et perfectionné
des techniques existant depuis des siècles (haies de branchages
disposées en ligne, en casiers etc...), bien adaptées à
des mouvements de sables peu importants (chasse-sables) , mais
inopérantes vis-à-vis des dunes mobiles qui submergent tous ces
dispositifs. Or, avec les progrès de la désertification et
l'impact des longues sécheresses,
les risques d'ensablement par les
dunes se multiplient autour des zones d'activités humaines
et
concernent même la ville de Nouakchott, capitale de la Mauritanie.
Pour briser la progression des dunes, il faut s'adresser à de nouvelles
techniques en cours d'expérimentation par l'ONG Bofix en Mauritanie.
Elles font appel à différentes sortes de toiles plastiques,
utilisées comme brise-vents pour modifier à volonté les
effets du vent. Là où l'on veut obliger le vent à enlever
le sable déposé, on utilise des toiles opaques qui provoquent des
turbulences et détruisent certaines parties de la dune. Là
où l'on veut accumuler le sable et le fixer, on utilise des toiles plus
ou moins perméables au vent qui le contraignent à déposer
sa charge. On parvient ainsi à maîtriser parfaitement l'action du
vent pour
créer des dunes artificielles
, bien plus volumineuses
que les dunes naturelles et parfaitement fixées,
dans lesquelles peut
se constituer une réserve d'humidité
, grâce à
l'extrême perméabilité des sables dunaires. Il devient
alors possible de planter des arbres (en lignes espacées), même
avec moins de 100 mm de pluie par an. Ces arbres protègeront ensuite ces
dunes artificielles.
En conclusion, le Professeur Pierre Rognon a reconnu que d'autres propositions
de recherche pourraient être citées, en particulier dans les
domaines de la mise en valeur des sols salés (si fréquents dans
ces régions) ou des biotechnologies. Mais, à travers les exemples
cités par lui, il a souhaité montrer qu'
il existe une
alternative au pessimisme si répandu au sujet de l'avenir des
régions de l'Afrique de l'Ouest. Elle consiste à favoriser
l'innovation scientifique
, rendue possible grâce aux progrès
très importants de la recherche au cours des trente ou quarante
dernières années.
La mise en oeuvre de ces projets permettrait de lutter plus efficacement contre
la désertification et ses conséquences prévisibles :
- le flux migratoire vers l'Europe de populations provenant du Maghreb,
relayées progressivement par celles du Sahel ;
- l'endettement persistant d'Etats de plus en plus dépendants de
l'étranger, peut être même pour leurs ressources en
eau ;
- la ruine écologique résultant d'une exploitation excessive de
ressources naturelles rendues fragiles par les dégradations humaines et
par l'évolution prévisible du climat au XXIème
siècle.
Pour le Professeur Pierre ROGNON, toutes ces conséquences doivent
être prises en compte dans les prévisions sur l'avenir de l'Europe
dès
2025
. Mais il est très difficile d'envisager
l'évolution vers
2050
, étant donné le grand nombre
de facteurs intervenant sur la désertification et, pour
2100
,
aucune prévision sérieuse ne peut être avancée.
M.
PAUL VERGÈS,
SÉNATEUR DE LA RÉUNION
(67(
*
))
PRÉSIDENT DU CONSEIL
RÉGIONAL
(5 avril 2000)
M. Paul
VERGÈS a rappelé que
l'île de la Réunion
se
trouvait en zone cyclonique, et risquait d'être exposée à
davantage de
cyclones
, et d'une violence et d'une fréquence plus
grande si le réchauffement climatique intervenait. Il s'est plu à
rappeler l'unanimité du constat scientifique concernant ce point et
l'intérêt que l'opinion portait à cette question.
Il a relevé que jusqu'à présent, l'IFREMER, l'INRA,
Météo France s'occupaient de ces questions à la
Réunion, mais chacun d'une manière séparée.
Il a évoqué
la mort des coraux
et l'inquiétude
concernant la barrière de corail qui protège les plages de la
Réunion, qui se trouveraient donc directement menacées de
disparition si la barrière venait à se dégrader.
Il a noté que la veille même de son audition était
intervenu, à Madagascar, le cyclone le plus violent du siècle, et
qu'un autre y avait déjà sévi un mois plus tôt.
Ce rappel de phénomènes observés a donc conduit M. Paul
VERGÈS à souhaiter que
les relations entre les
différentes disciplines scientifiques
soient mieux
étudiées et qu'une meilleure coordination intervienne. Il a
observé que les tempêtes intervenues en métropole
soulignaient le risque d'événements de même type à
la Réunion, mais, là, avec une fréquence annuelle. Or,
jusqu'à présent, la Réunion n'était touchée
par un cyclone que tous les quatre ans.
Pour lui, en faisant de la lutte contre l'effet de serre une priorité
nationale, l'opinion devrait davantage s'intéresser à ce
problème majeur, d'autant que
la croissance démographique
intervient en même temps que les changements climatiques. A Madagascar
par exemple, le nombre d'habitants s'élevait à quatre millions en
1947, il atteint seize millions aujourd'hui, et devrait approcher trente
millions en 2025.
Au service de cette nouvelle priorité nationale, M. Paul VERGÈS a
imaginé qu'
un observatoire
rassemblerait toutes les
données climatiques pour les confronter, sans toutefois créer une
structure de plus à côté des structures actuelles.
En fait,
il a estimé souhaitable de disposer d'observatoires dans
l'océan Indien, dans les Caraïbes, et dans le Pacifique
. Ces
observatoires, postes avancés de l'observation, pourraient de par leur
situation jouer un rôle de vigies de la planète et permettraient
le rayonnement planétaire de la recherche française dans ce
domaine. La Réunion étant située à l'est des
Comores, des Seychelles, de la Tanzanie, de l'Afrique du sud, du Mozambique et
de Madagascar, elle pourrait développer son observatoire en
coopération avec ces Etats.
M. Paul VERGÈS a indiqué qu'avant de déposer sa
proposition de loi, il avait rencontré la mission
interministérielle de l'effet de serre, le cabinet du Premier ministre,
le cabinet du ministre de l'environnement ainsi que diverses institutions, et
qu'il avait obtenu l'accord du Gouvernement à condition de ne pas faire
concurrence à la MIES,
les observatoires prévus dans la
proposition de loi devant se limiter à la collecte de données et
à la diffusion de travaux et d'études
.
M. Paul VERGÈS a ensuite évoqué divers problèmes
liés aux changements climatiques, les cyclones menaçant, par
exemple les constructions situées sur le littoral et accueillant le
tourisme en cas de montée des eaux. Par ailleurs,
l'accélération des ruissellements compromettrait, elle,
l'état des routes en montagne, et l'adaptation exigerait la modification
des normes de construction, non plus pour faire face à des vents de 200
à 250 km/heure, mais même à des vents atteignant 300
km/heure, comme lors du dernier cyclone survenu à Madagascar. La
protection des lagons ne serait pas sans poser aussi des problèmes.
Bien plus
, les îles des environs risqueraient toutes d'être, en
partie ou en totalité, submergées
, qu'il s'agisse des 92
îles des Seychelles ou des îles françaises éparses
dans cette région.
M. Paul VERGÈS a également évoqué les
difficultés créées par
le calcul des zones
économiques
si les territoires eux-mêmes venaient à
disparaître, ce qui est à craindre aussi pour les Maldives et pour
Tuvalu, qui a obtenu de la Nouvelle-Zélande une concession pour que, le
cas échéant, sa population vienne y chercher refuge.
D'autres difficultés seraient liées à la
modification
des ressources halieutiques
, en particulier aux Seychelles, où les
ressources en thon migreraient en fonction de la chaleur, rendant inutiles les
investissements opérés, de même que la
pérennité des crevettes ou des langoustes à Madagascar
pourrait être remise en cause, en cas de disparition de la mangrove.
M. Paul VERGÈS a rappelé que pour mener des recherches dans ce
domaine, la France était en position favorable et qu'il y avait
là un champ considérable de coopération avec les pays
situés dans l'environnement géographique de la Réunion.
Il a également rappelé les difficultés que pourraient
connaître
les terres australes françaises
(îles
Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam), dont l'administration est assurée
depuis la Réunion.
Il s'est aussi inquiété du braconnage qui pourrait se
développer autour des poissons des grandes profondeurs.
Par ailleurs, il a particulièrement insisté sur
les dangers
causés par l'érosion
, qui connaît déjà un
niveau alarmant puisque, à chaque cyclone, la terre
végétale part à la mer, les constructions comme les voies
de communication accentuant ce phénomène.
En conclusion, il est revenu sur le fait que
la démographie pourrait
aggraver la situation
, notamment si la population de la Réunion, qui
était de 600 000 habitants en 1990, passait à un million en 2025.
Pour mieux ressentir l'impact d'un tel phénomène, il l'a
comparé à ce que serait la croissance de la population
française, si elle passait de 60 millions à 100 millions
d'habitants, entre 1990 et 2025.
VIVENDI ENVIRONNEMENT
M. JEAN-PIERRE TARDIEU,
CONSEILLER DU PRÉSIDENT
M. MICHEL DUTANG,
DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT,
MME MARIE-THÉRÈSE SUART-FIORAVANTE,
CONSEILLER AUPRÈS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE,
RESPONSABLE DES RELATIONS INSTITUTIONNELLES
(24 avril 2001)
Après avoir rappelé que Vivendi compte environ
250.000
salariés, dont 40 % en France, et ce dans plusieurs domaines
d'activité, M. Jean-Pierre TARDIEU a noté que le changement
climatique semblait être établi, et il s'est demandé
l'étendue que pourrait avoir l'action de Vivendi sur les impacts de ce
changement, qui est souvent décrit comme devant produire davantage de
pluies sur le nord de la France et davantage de sécheresse au sud,
entraînant donc la raréfaction des ressources en eau au sud du
pays. Un tel scénario rendrait d'autant plus nécessaire la mise
en oeuvre de procédures visant à
assurer le meilleur usage de
l'eau entre ses différentes formes d'utilisation.
Actuellement,
celle-ci est utilisée pour l'alimentation humaine, pour l'agriculture et
pour l'industrie, à raison d'environ un tiers du volume global pour
chaque usage.
Pour Vivendi, il s'agira d'améliorer le rendement des réseaux, de
perfectionner les techniques de dessalement dont l'intérêt va
croître, notamment au Moyen-Orient, où il existe
déjà des techniques assez compétitives, réaliser de
grandes adductions, par exemple au bénéfice de la Catalogne et de
nouvelles rétentions d'eau, et lutter contre les inondations pour
édifier davantage d'ouvrages de régulation, des chaussées
poreuses pour limiter les effets de l'imperméabilisation des sols dans
les zones urbaines, même si ce procédé technique est
coûteux en entretien.
A propos du
dessalement
, l'abaissement rapide du coût des
procédés offre à de nombreuses régions,
insuffisamment pourvues en ressource d'eau douce, une perspective pour
résoudre leurs problèmes d'approvisionnement en eau. Sur le plan
énergétique, les techniques d'évaporation ont vu leur
rendement s'améliorer fortement, mais demeurent encore assez fortes
consommatrices d'énergie (donc potentiellement
génératrices de gaz à effet de serre, en fonction des
sources de génération utilisées), à la
différence des techniques d'osmose inverse.
Enfin dans le domaine de l'eau usée, la préoccupation la plus
notable par rapport au changement climatique concerne
les boues produites
dans les usines d'épuration
, dont la quantité s'accroît
à mesure de l'amélioration de la dépollution des eaux.
Les difficultés croissantes vis-à-vis de l'épandage
agricole de ces boues conduisent en effet à privilégier de plus
en plus des solutions comme l'incinération.
Evoquant d'autres aspects, M. Jean-Pierre TARDIEU a indiqué que
la
cogénération
constituait une bonne piste, et que
les
réseaux de chaleur
étaient à développer,
notamment en Europe centrale où Vivendi Environnement réhabilite
des réseaux à l'origine souvent en mauvais état, assurant
ainsi une forte amélioration des rendements énergétiques
et une diminution corrélative de la production de gaz à effet de
serre.
Au sujet des
carburants
, M. Michel DUTANG a indiqué que de fortes
taxations peuvent entraîner des progrès. La comparaison entre la
France et les Etats-Unis d'Amérique illustre ce fait. Les biocarburants
seront à développer, d'autant qu'une couverture
végétale d'hiver protège le sol, mais les coûts de
main d'oeuvre rendent ces cultures peu rentables et devraient confiner l'usage
de ces carburants à un rôle marginal, du moins tant que le prix du
pétrole demeure proche de son niveau actuel.
En revanche,
l'aquazole
(procédé consistant à
ajouter une certaine quantité d'eau au gazole),
coexpérimenté avec Elf, procure un gain de 2 à 3 % de la
consommation pour un coût négligeable, et une température
de moteur plus basse émettant moins de Nox, ce carburant étant
aussi utilisable pour la flotte ancienne de véhicules .
L'ensemble des innovations dans le domaine des carburants serait aidé
par une harmonisation de
la fiscalité
, notamment de la TVA,
concernant le gaz, l'électricité et les réseaux de chaleur.
Abordant la question des
transports collectifs
, M. Jean Pierre TARDIEU a
présenté les activités de Vivendi Environnement dans ce
secteur qui consistent en particulier à améliorer la
qualité des services proposés à la clientèle.
Ainsi, dans les réseaux ferroviaires qu'il gère hors de France,
Vivendi Environnement obtient souvent, après quelques années, une
hausse de fréquentation de l'ordre de 30 % de ses trains ou
métros, réduisant ainsi de manière notable, le recours aux
déplacements individuels davantage générateurs de gaz
à effet de serre.
Il a évoqué également l'opération engagée
par Vivendi Environnement en matière de
transport combiné de
marchandises
entre Paris et Milan.
Quant à l'activité
déchets
de Vivendi, M. Michel
DUTANG a indiqué qu'elle a permis d'
améliorer la valorisation
de l'énergie liée à ceux-ci
, soit pour produire de
l'électricité, soit pour alimenter des réseaux de chaleur.
Il a regretté que
les législateurs européens
aient
tendance à
valoriser davantage la matière que
l'énergie
, alors pourtant que le bilan de la valorisation de la
matière n'est pas évident ; par exemple, le transport de
bouteilles en plastique pour fabriquer des pulls dits
« polaires » est très coûteux.
Parallèlement,
l'incinération est trop souvent
présentée de manière caricaturale
.
La mise en décharge peut constituer souvent une solution
acceptable, à condition que ces décharges soient étanches
et bien conçues, ce qui permet de récupérer du
méthane de manière peu coûteuse, et de limiter ainsi
l'émission d'un gaz à effet de serre 21 fois plus actif que le
CO
2
. Il est d'ailleurs facile de contrôler
l'étanchéité des décharges en repérant les
fuites de méthane grâce à des photos infra-rouges.
Ainsi, dans la région parisienne, deux décharges ont
été complètement équipées par Vivendi
Environnement pour, non seulement la récupération du
méthane, mais aussi l'utilisation de celui-ci pour produire de
l'électricité (11 mégawatts). De telles opérations
sont prévues à l'étranger, à Caracas au Venezuela
notamment : elles devraient être éligibles à un des
mécanismes d'échange prévus par le protocole de Kyoto..
M. Jean-Pierre TARDIEU a évoqué
les principaux instruments
économiques de politique environnementale
- fiscalité,
réglementation, engagements volontaires des entreprises et
mécanismes de flexibilité (échange de permis). Il est
très probable que les dispositions qui seront adoptées
combineront plusieurs de ces instruments. Il a exprimé le souhait que
d'éventuelles mesures fiscales ou réglementaires soient
plutôt prises à l'échelon international (au moins
européen) que national pour éviter des distorsions de concurrence
et des risques de délocalisations industrielles
Puis M. Michel DUTANG a insisté sur le dynamisme de
la recherche de
Vivendi Environnement
dont il a présenté les grands axes.
Il a évoqué la question d'actualité que constitue
l'énergie qui pourrait être produite à partir de
l'incinération des farines animales
à condition de mettre
au point des farines facilement incinérables.
De même, les lisiers et les huiles usagées de restauration
pourraient être récupérés et brûlés.
M. Jean-Pierre TARDIEU a souligné l'intérêt des
partenariats établis par Vivendi Environnement avec d'autres pays,
notamment pour les réseaux de chaleur en République
tchèque, en Slovaquie, en Hongrie , en Pologne et en Roumanie,
les
mécanismes de Kyoto rendant particulièrement intéressantes
de telles actions.
VOIES
NAVIGABLES DE FRANCE
M. FRANÇOIS BORDRY, PRÉSIDENT
(9 mai 2000)
M.
François BORDRY a tout d'abord noté l'impact que ne manquerait
pas d'avoir une sécheresse accrue sur les voies navigables. Il a
cité le cas du canal du Midi, surtout utilisé pour le tourisme,
le poids du fret y étant inexistant. Les rivières navigables,
comme la Seine, en revanche, sont régulées par des
barrages : même avec peu d'eau, le niveau est constant et le trafic
y est toujours possible en été. Seul le Rhin, de la
frontière allemande jusqu'à son embouchure, est un fleuve
à courant libre, où le niveau est donc variable, avec des risques
pour la navigation, à l'étiage.
Bien plus que la sécheresse, c'est le problème des crues qui doit
être pris en compte, car leur impact sur la navigation est très
fort.
Des études récentes mettent en évidence le fait qu'un
convoi de 4.400 tonnes sur la Seine bénéficie d'une
efficacité énergétique
de plus de 5 fois
supérieure à celle d'un camion sur l'autoroute. Ce dernier, en
effet, produit 50,7 Tkm (tonne kilomètre) pour un Kep (kilo
équivalent pétrole) consommé contre 275 pour le convoi.
A titre d'information complémentaire, un automoteur de 2.000 tonnes
autorise un rendement de 175 Tkm pour un kep et un train complet 128 Tkm par
kep.
Une autre étude, émanant de la SNCF, a mis en valeur le fait que
les coûts externes du fluvial étaient certes un peu
supérieurs à ceux du train, mais, de très loin
inférieurs à ceux de la route. Il serait donc souhaitable que les
coûts externes soient comptabilisés dans le calcul du taux de
rentabilité des nouvelles infrastructures.
M. François BORDRY a fait observer que
le transport fluvial pouvait
être multiplié par 4 ou 5 sur la Seine
, sans qu'il y ait
besoin de doubler les écluses existantes. Quand la liaison Seine-Nord
sera réalisée, la gestion de la Seine sera grandement
facilitée : en effet, la flotte adaptée au gabarit de la
Seine est actuellement prisonnière de son bassin ; l'ouverture de
la liaison Seine-Nord permettra notamment aux matériels de venir sur la
Seine ou de quitter le bassin selon la conjoncture locale du marché du
transport. Cela permettra donc une meilleure gestion du bassin. En outre, les
tarifs pratiqués sur la Seine, actuellement trois fois supérieurs
à ceux du Rhin, auront tendance à baisser.
Le port du
Havre
semble ne pas avoir encore complètement adhéré
à cette logique, contrairement aux ports du Nord de l'Europe, qui ont
compris que, pour se développer, ils devaient offrir à la
marchandise le plus de services possibles et tous les choix possibles
d'acheminement jusqu'à destination. Loin de craindre la concurrence,
pourtant très vive entre eux,
les ports d'Anvers et de Rotterdam
sont allés jusqu'à creuser entre eux un canal, ce qui a
bénéficié aux deux ports.
A l'inverse, Le Havre voit 85% de son trafic emprunter la route et a du mal
à comprendre que son intérêt serait d'étendre le
recours à la voie d'eau. Enfin, comme sur l'ensemble des ports
maritimes, les bateaux fluviaux (assimilés à des navires
maritimes) sont obligés d'avoir recours à la main d'oeuvre des
dockers, ce qui entraîne, au détriment du fleuve, un traitement
discriminant par rapport aux wagons et aux camions.
M. François BORDRY a insisté sur
la part croissante des
crédits contractualisés dans le cadre des contrats de
plan
: de 800 millions de francs contractualisés au
XIème Plan, les budgets consacrés aux voies d'eau, dans le cadre
du XIIème Plan, dépassent 4 milliards de francs. Grâce
à cette augmentation, les parties les plus actives du réseau,
tant pour le tourisme que pour le transport, pourront ainsi être
modernisées, en 7, 10 ou 15 ans.
La Seine,
à
l'aval de Paris, verra, quant à elle, sa modernisation achevée
à la fin du XIIème Plan.
Des travaux importants seront aussi entrepris sur
les canaux du Nord
et
sur
la Moselle
, par exemple.
Grâce à l'augmentation des crédits consacrés
à la modernisation du réseau, il faut s'attendre à la fin
du déclin du transport fluvial, ce qui constitue une véritable
inversion de tendance.
En ce qui concerne
le transport combiné
, les comparaisons entre
le combiné fluvial et le combiné ferroviaire ne sont pas faciles
à faire : en effet, le transport sur voie d'eau est effectué
par des artisans ou des armateurs privés, qui ne peuvent pas se
permettre un déficit durable, ce qui n'est pas le cas du transport
ferroviaire de marchandises assuré par la SNCF. Cela entraîne
parfois une concurrence difficile entre le fer et la voie d'eau, le fer
étant parfois accusé de
dumping
quand il est en
concurrence directe avec une voie d'eau.
Le canal Rhin-Rhône
a été abandonné notamment
à cause du déclin, à l'époque, du transport fluvial
sur le Rhône.
Depuis que VNF a réalisé, en 1994, le
« Plan Rhône », le trafic sur ce fleuve a
augmenté de plus de 80 %
et un nouveau doublement de ce trafic
est prévu à échéance de quelques années
seulement. Les ports de Châlon, Mâcon et Lyon sont par ailleurs
accessibles aux navires fluvio-maritimes, leur ouvrant l'accès direct,
sans escale à Marseille, à tous les ports de la
Méditerranée.
Depuis l'arrêt du projet Rhin-Rhône, l'intérêt de
nombreux partisans de ce canal s'est reporté sur le
projet
Saône-Moselle
, sous l'influence notamment de M. André
ROSSINOT, Maire de Nancy. En effet, sur
la Moselle
, les 10 millions
de tonnes transportées chaque année pourraient être
doublées, sans qu'il soit nécessaire de doubler les
écluses sur la partie française de la rivière (le
doublement des écluses, en Allemagne, va bientôt commencer).
Cependant, le mode de calcul des nouvelles infrastructures n'est pas favorable
à la voie d'eau puisque ces taux ont été fixés
surtout pour les infrastructures concernant les transports de voyageurs.
Il
serait utile de corriger le mode de calcul des taux de rentabilité
utilisés en France, en donnant une priorité aux transports de
marchandises
. C'est en effet en diminuant les transports de marchandises
sur la route que l'on évitera la saturation des principaux axes pour les
voitures particulières... Evoquant les
prévisions à
long terme
élaborées par le ministère, M.
François BORDRY a souhaité qu'elles soient revues dans le cadre
de la préparation des schémas collectifs de transport de
marchandises. En effet, alors que certaines prévisions tablaient sur une
augmentation de 10% seulement à l'horizon 2010, la réalité
a montré que
le transport fluvial a augmenté de 21% en deux
ans (1998 et 1999), ce qui illustre l'importance de la volonté dans ce
domaine.
Pour terminer, M. François BORDRY a souhaité que se
développe
la prise de conscience des atouts de la voie d'eau
. Il
a rappelé en particulier que le déclin du transport fluvial entre
1970 et 1994 avait essentiellement touché
le petit gabarit
, sur
lequel le tourisme fluvial a pris largement le relais du transport. En
revanche, sur
le grand gabarit
, les évolutions n'ont pas
été du tout de même nature et
la création de
VNF
, mais aussi
la modernisation des professions
(avec la
suppression du tour de rôle prévue pour le 31 décembre
2000), sont des éléments porteurs de développement.
Enfin, il a fait savoir que, selon les informations à sa disposition, le
ministre de l'équipement avait l'intention de continuer à faire
avancer le dossier du projet de
canal Seine-Nord
, notamment en
annonçant le choix du tracé retenu.
FONDS MONDIAL POUR LA NATURE
(W.W.F.)
(68(
*
))
M. JEAN-STÉPHANE DEVISSE
(24 novembre 1999)
La
mission du Fonds mondial pour la nature (W.W.F.) consistant notamment à
donner l'alerte face à certaines menaces concernant la nature,
le changement climatique
préoccupe W.W.F
.
M. Jean-Stéphane DEVISSE a indiqué que W.W.F travaillait en
partenariat avec la MIES
, notamment à travers les contrats de
plan Etat-Régions et qu'il était apparu que la nature subissait
un lent réchauffement au rythme de + 0,6° en un siècle avec,
dans le même temps, une montée de 25 cm du niveau des
océans. Météo France a confirmé cette tendance dans
un rapport remis au Premier ministre qui évoque une augmentation de la
température de + 3,5° vers 2060-2100, et une
élévation moyenne du niveau des océans de 46 cm en 2100.
Dans la mesure où les modèles du GIEC prévoient une
augmentation de la température, et où certains estiment que la
durée de vie du CO
2
dans l'atmosphère est d'environ
150 ans, un infléchissement de la tendance n'est pas près
d'être observé.
Par ailleurs, il n'est pas évident de mesurer l'impact réel des
changements climatiques, notamment sur les courants marins, du fait des
limites de la connaissance scientifique
. Toutefois, en cas de
réchauffement brusque, une modification de la circulation thermohaline
des océans surviendrait.
Rien ne permet à l'heure actuelle d'affirmer que le
Gulf Stream
-qui est à l'origine du climat tempéré de la France-
serait réellement affecté par le réchauffement climatique.
Mais la seule évocation de cette probabilité interdit de rester
passif.
Dans l'hypothèse d'un réchauffement oscillant entre + 1° et
+ 2,5° en moyenne, l'élévation de la température
constatée dans le Midi de la France serait sans doute de 3 ou 4°
autour du Golfe du Lion. La limite de
l'aridité
(150 mm de
précipitations par an) remonterait d'environ 35 km et la culture de
l'olivier pourrait être pratiquée jusqu'à la latitude de
Tournus.
La modification du régime des précipitations
accompagnerait le réchauffement. Celles-ci seraient plus abondantes en
hiver et moins en été, surtout dans le Sud, et ce, dans des
proportions oscillant dans les deux cas, entre 10 et 20 %. Pour les cours
d'eau, cela se traduirait par des crues hivernales plus importantes et un
tarissement estival. Le bilan hydrique du sol serait modifié. La culture
du maïs dans le Sud-ouest nécessiterait une irrigation accrue.
Tant les études du GIEC que de Météo France insistent sur
le fait que
la variabilité climatique va encore augmenter
avec,
comme conséquences, une érosion accrue des sols et des
côtes notamment de la côte Atlantique, une amplification des crues
et des tempêtes plus fréquentes.
Dans ce nouveau contexte, il serait permis de s'inquiéter sur les effets
de cyclones violents aux Antilles ou en Guyane.
Approfondissant la question des impacts mêmes de cette variabilité
climatique, M. Jean-Stéphane DEVISSE a noté qu'il était
prévu que
les montagnes
recueillent davantage de neige à
leurs sommets, d'où, peut-être, un surcroît d'avalanches et
que l'érosion serait plus vive. En 2050, dans les
Pyrénées, il y aurait probablement deux mois d'enneigement de
moins sur l'ensemble de la saison et les glaciers reculeraient, ce qui est
déjà patent si l'on observe, dans les Alpes, le glacier des
Bossons. Les glissements de terrains et les éboulements pourraient aussi
se multiplier tandis que les torrents se tariraient l'été.
A propos des
rivages
, M. Jean-Stéphane DEVISSE a rappelé
que la côte Aquitaine reculait déjà de près d'un
mètre par an contre 0,3 m en Normandie et en Picardie. En revanche, le
changement climatique pourrait apporter une solution à l'ensemble de la
baie du Mont St-Michel.
M. Jean-Stéphane DEVISSE a ensuite observé que, dans la zone
fragile du delta du Rhône, la mer risquait d'annexer les étangs
les plus proches de la côte, provoquant une salinisation accrue sans que
de nouveaux espaces humides soient créés.
Quant au Languedoc-Roussillon où le cordon littoral est très
étroit, il s'est demandé ce qu'il adviendrait du tourisme dans la
mesure où beaucoup d'équipements touristiques sont posés
sur le lido.
M. Jean-Stéphane DEVISSE a estimé qu'une salinisation
éventuelle des
estuaires
de la Loire et de la Gironde
était à craindre.
Dans
les DOM-TOM
, aux Antilles et en Guyane essentiellement, des
cyclones très violents risqueraient de survenir. En Guyane, il y aurait
davantage de sédiments venant de l'Amazone et une invasion de la
mangrove. Il ne devrait pas y avoir de problème concernant
l'urbanisation côtière.
Beaucoup de
récifs coralliens
continueraient de blanchir et de
mourir. Les atolls les plus bas seraient submergés, notamment en
Polynésie.
L'impact sur
les forêts
pourrait d'abord concerner les Landes dont
les pins sont très sensibles à l'augmentation d'un
stress
végétal. Quant aux forêts de la Méditerranée,
les incendies s'y multiplieraient.
Les
animaux
seraient également concernés, notamment
à travers la mort des coraux qui constituent des milieux naturels pour
de nombreuses espèces et pour les poissons. La pêche
côtière serait touchée aux Antilles. Les tortues luth qui
se reproduisent sur 3 km de côtes en Guyane et constituent 40 à
50 % de la population de l'espèce mondiale seraient
menacées
. Les insectes ravageurs et les moustiques
augmenteraient, surtout dans les DOM-TOM ce qui risquerait d'entraîner
une recrudescence du paludisme et de la dengue
.
Toutefois, l'arrivée du paludisme au Mexique et aux États-Unis
d'Amérique favoriserait probablement la recherche sur les vaccins contre
cette maladie.
Selon M. Jean-Stéphane DEVISSE,
les coûts directs du changement
climatique
pourraient donc se résumer notamment au coût
général de la lutte contre l'érosion des plages et des
côtes, au coût des assurances contre les phénomènes
météorologiques, au coût du recul de l'enneigement,
à celui du recul des plages en Languedoc et à celui de la
ressource piscicole dans les récifs coralliens.
Les coûts
indirects
, quant à eux, concerneraient
la santé
publique
-les conséquences des vagues de chaleur à Chicago
permettent d'avoir une idée de ce phénomène.
La
pollution
due à l'ozone augmenterait provoquant des accidents
vasculaires. La sécheresse sur tout le pourtour de la
Méditerranée risquerait d'augmenter
la pression de
l'émigration
vers l'Europe.
Abordant
les mesures à prendre
face à ces perspectives, M.
Jean-Stéphane DEVISSE a posé d'abord la question du
coût
du respect des accords
de Kyoto
. De même, il s'est
demandé comment la France se limiterait à une stagnation de ces
émissions actuelles jusqu'en 2008 alors que
les émissions de
CO
2
dues aux transports
passeraient de 21 % à 39 %
dans les émissions nationales totales, soit une augmentation de
85 % de la tendance. Certes, l'efficience des moteurs serait encore
améliorée, la substitution des carburants et des technologies
permettrait d'atténuer la pollution et, par exemple, de limiter les
nuisances du diesel mais l'accroissement des transports risquerait quand
même d'être supérieur à celui de la croissance avec
un allongement de la longueur des transports et une multiplication des
transports inutiles (déjà 30 % des camions qui circulent le
font à vide alors que, par exemple, un dispositif informatique
embarqué permettrait de mieux remplir ces camions ; cette
amélioration entraînerait alors la nécessité d'une
reconversion des transporteurs mis au chômage, ce qui montre qu'il est
toujours nécessaire de réfléchir aux conséquences
des conséquences).
Sur la question de
l'habitat
, M. Jean-Stéphane DEVISSE a
noté que l'isolation thermique des bâtiments pouvait aussi
être assurée grâce à des verres qui se filtrent
progressivement en proportion de la lumière reçue et qu'il serait
souhaitable de généraliser ce procédé, ce qui ne
supprimerait pas d'emplois.
Il a jugé efficace d'
économiser l'énergie
surtout
aux États-Unis d'Amérique (automobiles,
électroménager...). Il a cité un autre exemple
d'économie donné par l'action de l'ADEME en Palestine où
l'Agence a offert de nouveaux réfrigérateurs pour
économiser l'électricité gaspillée par des
réfrigérateurs obsolètes.
Il a ensuite insisté sur le luxe que représentait
la
climatisation des bâtiments et des véhicules
dont elle
augmente de 15 % la consommation, tout en notant que la climatisation
était indispensable sous certains climats (par exemple en Guyane
où il serait selon lui judicieux d'implanter une unité de
fabrication de climatiseurs qui aurait tout le Brésil comme
marché potentiel).
En conclusion, M. Jean-Stéphane DEVISSE a rappelé que WWF
était accueillie comme observateur dans
les conférences
internationales
et notamment au sein du Réseau Action Climat
(R.A.C.)
(69(
*
))
et qu'elle
possédait un petit
journal
pour rendre compte de ses actions.
Index alphabétique des noms des personnes entendues
• ANDRÉ Jean-Claude (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement - GICC) |
227 |
• ARNOULD Jacques (Centre National d'Etudes Spatiales) |
63 |
• AUDOUZE Jean (Palais de la Découverte) |
261 |
• AUTIER Denis (BNP PARIBAS) |
37 |
• BARTHOD Christian (Ministère de l'Agriculture - Direction de l'espace rural et de la forêt) |
207 |
• BESANCENOT Jean-Pierre (Centre National de la Recherche Scientifique - Laboratoire Climat et Santé - Faculté de Médecine de Dijon) |
69 |
• BOIFFIN Jean (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
163 |
• BONDUELLE Antoine (Institut d'Evaluation des Stratégies sur l'Energie et l'Environnement en Europe - INESTENE) |
151 |
• BORDET Alexis (Fédération des entreprises de Transports et Logistique de France - TLF) |
293 |
• BORDRY François (Voies Navigables de France - VNF) |
317 |
• CANEIL Jean-Yves (Electricité de France) |
123 |
• CARIOLLE Daniel (Météo France) |
199 |
• CARISTAN Yves (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) |
41 |
• CAZENAVE Anny (Centre National d'Etudes Spatiales) |
67 |
• COCHET Yves (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement) |
217 |
• COSTES Bruno (PSA - Peugeot-Citroën) |
269 |
• COUVET Denis (Muséum national d'histoire naturelle) |
251 |
• DEBOAISNE Emmanuel (BNP PARIBAS) |
37 |
• DELMAS Robert |
119 |
• DEVISSE Jean-Stéphane (WWF - Fonds Mondial pour la Nature) |
321 |
• DOUAUD André (Institut Français du Pétrole - IFP) |
141 |
• DUTANG Michel (Vivendi Environnement) |
313 |
• ELBEL Michel (AIRPARIF) |
27 |
• GAUTHIER Raphaëlle (Réseau Action-Climat France - RAC France) |
277 |
• GAUVIN Bernard (Sécurité routière) |
289 |
• GIBLIN Jean-Pierre (Ponts-et-Chaussées - Conseil général) |
265 |
• GILLET Marc (Mission Interministérielle de l'Effet de Serre - MIES) |
203 |
• GIVONE Pierrick (CEMAGREF - Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement) |
55 |
• GODARD Noël (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement) |
221 |
• GOSSE Ghislain (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
161 |
• GOSSE Ghislain (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
163 |
• GOURY Bernard (Office National des Forêts - O.N.F.) |
255 |
• GUIGNARD Erik (Syndicat des énergies renouvelables) |
127 |
• GUIGOU Jean-Louis (DATAR) |
115 |
• HERVIEU Bertrand (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
163 |
• JANCOVICI Jean-Marc (Ingénieur consultant - MANICORE) |
185 |
• JOUSSAUME Sylvie (Centre National de la Recherche scientifique) |
85 |
• KANDEL Robert (Centre National de la Recherche scientifique - Laboratoire de Météorologie Dynamique à l'Ecole Polytechnique) |
75 |
• LABEYRIE Jacques (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) |
17 |
• LAMELOISE Philippe (AIRPARIF) |
27 |
• LANDMANN Guy (Ministère de l'Agriculture - Direction de l'espace rural et de la forêt) |
213 |
• LE Thi Mai (Association of European Airlines) |
23 |
• LE TREUT Hervé (Institut Pierre Simon Laplace - IPSL) |
173 |
• LEPAGE Corinne (Ancien ministre de l'environnement) |
193 |
• LERAY René (Commission européenne) |
105 |
• LESAFFRE Benoît (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement) |
235 |
• LETOURNEUX Jean-François (Institut Français de l'Environnement - Conservatoire du Littoral) |
135 |
• LOISEL Cyril (Office National des Forêts - O.N.F.) |
255 |
• LOUAT Rémy (Institut de Recherche pour le Développement - IRD) |
179 |
• LUCAS Jean (Conservatoire National des Arts et Métiers) |
109 |
• MASQUELIER Thierry (Caisse Centrale de Réassurance) |
45 |
• MECLOT Bernard (Electricité de France) |
123 |
• MEGIE Gérard (Centre National de la Recherche scientifique) |
91 |
• MEHL Florence (Le Quotidien du Médecin - Prix Epidaure) |
275 |
• MERLE Jacques (Institut de Recherche pour le Développement - IRD) |
179 |
• MINSTER Jean-François (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer - IFREMER) |
147 |
• MINSTER Jean-François (Centre National de la Recherche scientifique) |
79 |
• MIRAN Patrice |
247 |
• MOREL Bernard (Institut Français de l'Environnement - IFEN - Conservation du Littoral) |
139 |
• MOUSEL Michel (Mission Interministérielle de l'Effet de Serre - MIES) |
203 |
• MULLER Maurice (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement) |
235 |
• PERRIER Alain (Institut National d'Agronomie de Paris-Grignon - INA P-G) |
155 |
• PETIT Michel (Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution des Climats - GIEC) |
133 |
• PICHON Hervé (PSA - Peugeot-Citroën) |
269 |
• PIOR Jacques (Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture) |
33 |
• PIRAZZOLI Paolo Antonio (Centre National de la Recherche scientifique - Laboratoire de Géographie physique) |
97 |
• QUIRION Philippe (Réseau Action-Climat France - RAC France) |
277 |
• RADANNE Pierre (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) |
17 |
• ROBICHON Yves (Sécurité routière) |
289 |
• RODHAIN François (Institut Pasteur) |
167 |
• ROGNON Pierre (Université Pierre et Marie Curie - Paris VI) |
299 |
• ROL-TANGUY Francis (SNCF) |
293 |
• ROMANA Christine (Centre National de la Recherche scientifique - Laboratoire de Géographie physique) |
101 |
• ROQUEPLO Philippe |
283 |
• ROTHEVAL Jean-Pierre (Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les constructions publiques) |
59 |
• SALMON Jean (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) |
131 |
• SALMON Jean-Marc (Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement) |
235 |
• SEGUIN Bernard (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
163 |
• STENGEL Pierre (Institut National de la Recherche Agronomique - INRA) |
163 |
• SUART-FIORAVANTE Marie-Thérèse (Vivendi Environnement) |
313 |
• TARDIEU Jean-Pierre (Vivendi Environnement) |
313 |
• TERRIBLE Jean-Noël (Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture) |
33 |
• TISSOT Bernard (Académie des Sciences) |
11 |
• TUBIANA Maurice (Académie des Sciences) |
11 |
• TURPIN Laurent (CEA - CNRS - Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement) |
49 |
• VASSEUR Guy (Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture) |
33 |
• VERGÈS Paul (sénateur de La Réunion) |
309 |
• VERREL Jean-Louis (CEMAGREF - Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement) |
55 |
• VEXIAU Thierry (Ministère de l'équipement, des Transports et du Logement - Direction des Affaires économiques et internationales) |
241 |
Sans
l'effet de serre naturel, la Terre serait bien moins accueillante. Mais ce
phénomène bienfaisant, qui favorise la vie, se double
désormais d'un effet de serre artificiel provoqué par l'homme.
Depuis quelques années, la communauté scientifique délivre
avec une fermeté grandissante un message inquiétant :
à force d'émettre dans l'atmosphère des gaz dits
« à effet de serre », résultant notamment de
la combustion des énergies fossiles, l'homme ne serait-il pas devenu un
agent climatique ?
Une telle mutation aurait des impacts sur les hommes, sur la
biodiversité et sur les territoires. Mais comment remettre en question
le recours croissant aux combustibles fossiles ou encore l'agriculture
intensive au moment même où la planète va se trouver
peuplée d'un nombre inégalé d'êtres humains ?
N'est-ce pas saper les fondements mêmes de la civilisation
industrielle ? D'autres choix sont-ils possibles ? Comment
permettraient-ils d'atteindre les horizons 2025, 2050 et 2100 ?
Après avoir contribué, en un siècle et demi seulement,
à dérégler la climatisation du vaisseau spatial Terre,
l'homme sera-t-il à même de réparer les conséquences
de ses excès passés et actuels et de réorienter son
action ? En est-il encore temps ? Les relations Nord-Sud, comme le
sort des générations futures, en dépendent.
Compte tenu du caractère planétaire du problème
posé à chacun, l'OPECST a voulu donner au lecteur du
présent rapport les moyens de se forger lui-même son opinion, en
joignant à cette étude un Cd-rom sur les changements climatiques.
Outre le rapport du sénateur Marcel DENEUX, ce Cd-rom comporte une
vingtaine de rapports ou d'articles connexes émanant des sources les
plus autorisées (Académie des Sciences, Mission
Interministérielle de l'Effet de Serre...), sans omettre d'indiquer des
sites Internet permettant d'accéder à d'autres connaissances sur
les changements climatiques, l'effet de serre et l'avenir de la Planète
Bleue.