2. Quel nouveau modèle de développement ?
A supposer que la priorité de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre soit retenue par les pays développés, elle le sera dans le cadre d' un développement durable .
De prime abord, ce concept peut rallier à peu près tous les suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop explicite ; certains retenant surtout de cette expression le premier mot « développement », entendant par là que le développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et s'amplifier ; et, de plus, durablement ; d'autres percevant dans l'adjectif « durable » la remise en cause des excès du développement actuel, à savoir, l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, les émissions incontrôlées de gaz à effet de serre...
L'équivoque de l'expression « développement durable » garantit son succès , y compris, voire surtout, dans les négociations internationales d'autant que, puisque le développement est proclamé durable, donc implicitement sans effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu à généraliser sur l'ensemble de la planète.
Cependant, au-delà du piège des mots, de réelles remises en cause, des efforts concrets et des réorientations ont déjà été effectués au nom du développement durable .
Ont bénéficié de ces efforts les énergies renouvelables , les économies d'énergie , l'attention portée à l'efficacité énergétique , la récupération de matériaux , le tri sélectif des déchets ou la récupération du méthane émis par les décharges, par exemple.
De nouvelles techniques agricoles sont préconisées, de nombreuses recherches menées en vue de s'adapter à des exigences différentes.
3. S'adapter au changement climatique global
Le changement climatique global qui risque d'intervenir devra être affronté en même temps que d'autres changements de vaste ampleur comme, par exemple, la croissance démographique et la généralisation des valeurs de la société de consommation, qui entraînent l'épuisement accéléré des gisements d'énergie fossile.
Ø La croissance démographique
A l'horizon de l'étude objet du présent rapport, soit 2100 pour la date la plus lointaine, la population mondiale pourrait être passée de 6 milliards environ en 2002 à près de 9 , voire de 12 milliards .
Comme il a été indiqué plus haut, les changements climatiques envisagés sont très largement attribués au rôle de l'homme dans l'émission de gaz à effet de serre (agriculture, habitat, industrie, transports).
Jamais le monde n'a connu de croissance démographique si rapide ; elle va porter la population mondiale à un niveau inégalé.
Il est permis de douter que ce contexte soit très favorable à la remise en cause des modes de vie et des techniques actuelles, même si les estimations sur la croissance démographique sont affectées d'une large marge d'incertitude.
Qu'il s'agisse de nourrir les populations (entraînant les émissions de méthane du riz, celles d'azote des engrais ou celles de dioxyde de carbone de la production agricole qui exige une forte consommation de combustible fossile), de leur fournir de la chaleur et des biens (provoquant des émissions de dioxyde de carbone) ou de les transporter (suscitant d'autres émissions de CO 2 ), la croissance de l'émission de gaz à effet de serre paraît devoir être importante, en progression constante, et quasi-inéluctable au cours de ce siècle.
Son simple maintien au niveau actuel relèverait déjà d'une politique extrêmement volontariste qui devrait être menée à l'échelle mondiale.
Ø La société de consommation
Deux affirmations reviennent régulièrement dans les rapports sur l'évolution de la société mondiale :
- il est impossible de refuser aux pays en voie de développement d'ambitionner d'accéder au même niveau de développement que les actuels pays développés - qui n'envisagent pas du tout eux-mêmes de stabiliser leur niveau de développement, d'où l'acceptation d'une spirale sans fin comprenant l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre ;
- la croissance illimitée des transports, et sensiblement du transport aérien, est une donnée de la société industrielle et non la résultante de certains choix à une étape de son développement.
Assez souvent, et de manière illogique, ces deux affirmations côtoient des engagements fermes de réorientation de la civilisation industrielle vers le développement durable.
Ces contradictions se retrouvent aussi bien au niveau individuel que chez les entreprises ou les États.
Ainsi, tel écologiste européen et, comme tel, amoureux de la nature, ne se déplacera qu'au moyen d'un véhicule tout terrain surpuissant et mal entretenu, muni d'un pare-buffle, et ne pensera pas à éteindre la lumière en quittant un local ou à arrêter un appareil électrique après utilisation.
Telle firme automobile engagera, à grand spectacle, un budget de lutte contre l'effet de serre - n'excédant toutefois pas le coût d'une petite campagne publicitaire - à travers une action concrète contre la déforestation en Amérique du Sud, tout en se lançant, plus discrètement, à la conquête du marché automobile chinois grâce à un véhicule mi-utilitaire mi-tourisme.
Tel État fera de la lutte contre l'effet de serre, ou, plus prudemment contre son intensification, une priorité nationale mais accélèrera la réalisation d'un nouvel et gigantesque aéroport international supplémentaire.
A ce stade, les objectifs de la société de consommation ne semblent guère compatibles avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ces conditions, est-il possible de simplement s'adapter aux changements climatiques ?
Ø Les changements climatiques
La maîtrise des gaz à effet de serre générés par les activités humaines se trouve en opposition avec les tendances découlant de la croissance démographique comme de la société de consommation fondée sur la croissance économique.
Cependant, des actions ont déjà été entreprises permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre des divers secteurs de la société.
Il s'agit, par exemple, pour l'agriculture, de repenser les techniques d'irrigation et de culture, pour la sylviculture , du reboisement et de l'exploitation méthodique mais raisonnée des forêts.
Pour l'industrie , c'est la poursuite des efforts considérables de réduction des émissions déjà accomplis dans les techniques de production comme dans les produits réalisés.
Pour les transports, l'amélioration spectaculaire des techniques de combustion pour les moteurs d'automobiles ou d'avions a atteint des performances inimaginables il y a encore quelques années, mais elle n'annule ni les émissions liées à la croissance des parcs d'automobiles ou d'avions, ni les émissions particulièrement polluantes de la partie ancienne des parcs.
Pour l'habitat , l'isolation, les exigences nouvelles de la réglementation thermique, la cogénération (électricité + chaleur), le chauffage au bois ont été à l'origine d'une moindre émission de gaz à effet de serre.
Pour la production d'énergie , la technique de la cogénération, les énergies renouvelables, la recherche d'une meilleure efficacité énergétique et le nucléaire ont diminué en partie le renforcement de l'effet de serre.
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A ce stade, quelle que soit la capacité, non négligeable, de l'homme à maîtriser l'émission de gaz à effet de serre, il semblerait qu'une telle volonté, si elle existe, doive se manifester très rapidement, à contre-courant des habitudes prises, des ressorts mêmes du développement industriel et en dépit d'une croissance démographique inégalée.
Faute de quoi, non seulement les effets redoutés des changements climatiques surviendraient, mais ils seraient amplifiés par la prolongation, voire par l'accélération, de la tendance antérieure.
D'où la nécessité, pour affronter ces difficultés, d'examiner les données de l'analyse actuelle des changements climatiques puis d'en mesurer les limites avant d'envisager des solutions.