II. LES LIMITES D'UNE RÉACTION DE L'HOMME
Si l'action humaine depuis cent cinquante ans a pu modifier la composition de l'atmosphère terrestre jusqu'à provoquer un réchauffement planétaire dont les conséquences peuvent être dommageables pour l'homme, suffit-il d'une nouvelle intervention humaine, en sens opposé, pour que les choses rentrent dans l'ordre ?
Cela conduit à poser la question de la réversibilité des modifications d'origine anthropique et de la volonté de l'homme à agir dans une direction différente de celle suivie spontanément par lui jusqu'ici et dont il a retiré beaucoup d'agréments.
A. L'HOMME PEUT RALENTIR MAIS NON ANNULER L'INTENSIFICATION DE L'EFFET DE SERRE DONT IL EST RESPONSABLE
L'intensification de l'effet de serre actuellement constatée résulte en grande partie de l'émission de gaz à effet de serre émis par l'homme il y a de nombreuses années.
Selon Pierre MOREL 54 ( * ) , « L'humanité, sans s'en rendre compte, a déclenché une expérience géophysique sans précédent avec la planète Terre, le seul habitat connu dans l'Univers qui soit favorable à la vie. Il va de soi qu'une telle démarche est parfaitement irresponsable ».
Il suffit de se reporter aux temps de résidence dans l'atmosphère des différents gaz à effet de serre pour noter que, par exemple, des molécules de carbone émises vers 1880 peuvent encore être présentes aujourd'hui et agir sur le réchauffement actuel.
Il s'agit bien de carbone lié à la civilisation industrielle et même à la révolution industrielle dont les fondateurs présentent, en quelque sorte, aujourd'hui, une facture un peu inattendue aux générations qui leur ont succédé.
Mais, le coût élevé de ladite facture ne provient pas d'intérêts de retard mais du fait que les héritiers ont bien fait fructifier l'héritage dans le sens indiqué par leurs ancêtres : la révolution industrielle s'est muée en civilisation industrielle jusqu'à devenir le seul système de développement actuellement concevable dans le monde.
Malgré de très grandes disparités entre pays, seuls deux groupes d'États peuvent être distingués : les pays développés et ceux en voie de développement ; mais, le contenu même du développement n'a été remis en cause que récemment, et encore de manière plus apparente que réelle, à travers la notion de développement durable .
Celui-ci devra tenir compte du fait que les gaz à effet de serre, émis dans le passé récent, demeurent largement présents dans l'atmosphère et constituent comme un stock de gaz à effet de serre tandis que leur disparition graduelle et les nouvelles émissions constituent un flux .
La seule action sur le stock résulte du temps qui s'écoule alors que celle sur le flux peut, pour la part actuellement émise, dépendre d'une remise en cause des sources d'émission de gaz à effet de serre.
1. La disparition des gaz à effet de serre déjà émis est très lente
Comme il a été exposé plus haut les temps de résidence dans l'atmosphère des gaz à effet de serre sont très différents les uns des autres : certains y demeurent plusieurs dizaines d'années , d'autres plus d'une centaine et d'autres, enfin, plusieurs milliers d'années.
Or, les gaz les plus tenaces, comme les perfluorocarbures (PFC) ou les hexafluorocarbures (HFC), ont précisément été émis dans la période la plus récente sans compter que la liste de ces gaz n'est pas close, l'homme continuant à en inventer de nouveaux.
La lenteur de la dissipation du stock devrait, en toute logique, conduire à ralentir, voire à cesser en partie les flux et, en tout cas, à renoncer à les accroître.
Qu'en est-il exactement ?
* 54 Fondateur du Laboratoire de Météorologie Dynamique (L.M.D.) du C.N.R.S. et Secrétaire du Programme mondial de recherche sur le climat.