V. GAZ À EFFET DE SERRE ET SANTÉ HUMAINE
Les relations entre le climat et la santé conduisent à s'interroger sur les impacts des changements climatiques sur la santé humaine.
A. LES RELATIONS ENTRE LE CLIMAT ET LA SANTÉ
Les conséquences de changements climatiques sur la santé des hommes font partie des impacts les plus redoutés. Après avoir rappelé les liens entre santé et climat, votre Rapporteur rappellera les données aujourd'hui disponibles et donnera son sentiment sur les risques réels encourus.
Dans son récent ouvrage, « Climat et santé » (48 ( * )) , le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT rappelle que la santé peut être définie comme « un état de l'organisme qui en permet l'ajustement et le fonctionnement adéquats compte tenu des conditions endogènes et des facteurs de l'environnement », soit « la capacité de s'adapter à un contexte qui change ».
Il souligne à quel point l'organisme est en contact direct avec l'air ambiant à travers la peau (moins de 2m 2 ) et les alvéoles pulmonaires (90 m 2 ) et que la santé est liée, et même subordonnée, à la stabilité du milieu intérieur de l'homme.
Cette fixité s'obtient notamment par des réactions au milieu conduisant souvent à dépasser la norme d'un état pour instituer de nouvelles normes de santé adaptées aux situations nouvelles.
Dès lors, cet auteur estime que la nocivité d'un climat se mesure à « la vigueur des stress imposés par le milieu atmosphérique et l'intensité des réactions requises pour y faire face ».
L'homme est amené à lutter contre le refroidissement (thermogenèse) ou contre l'échauffement (thermolyse).
A Paris , l'année se répartit à peu près entre sept mois de thermogenèse et cinq mois de thermolyse.
Selon cette approche, trois grandes zones climatiques existent à la surface de la planète : celles où l'hiver peut être permanent (les milieux polaires), celles sans hiver (les basses latitudes inter et subtropicales) et celles où l'hiver n'est jamais permanent (latitudes moyennes).
Mais, au-delà de la température, l'humidité de l'air, son hygrométrie, a une incidence directe sur la santé . Par exemple, un taux de 80 % d'humidité relative est très supportable vers + 15°C mais plus du tout à - 15°C ou + 30°C.
Comme, par ailleurs, l'homme adulte inhale dix fois plus d'air -en poids- qu'il n'absorbe de nourriture solide et liquide, la présence dans l'air de gaz à effet de serre ne peut être sans influence sur la santé de l'homme .
C'est ainsi, précise le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT, que « toute augmentation du taux de CO 2 dans l'air ambiant ralentit la diffusion alvéolo-capillaire et perturbe la purification du sang », et ce phénomène peut atteindre des taux élevés dans certaines grandes villes.
Or, lorsque l'agression bioclimatique revêt un caractère excessivement violent ou trop répété, l'organisme humain n'arrive plus à compenser les pressions auxquelles son environnement le soumet. Il peut en résulter des troubles, la maladie, voire la mort.
Des exemples en sont fournis par des coups de soleil, des gelures, des réactions inadéquates, des altérations de l'état général (coup de chaleur avec troubles neurologiques), des déshydratations, des cancers (ajustement anarchique de l'organisme à l'environnement).
Pour autant, le climat n'est pas responsable de toutes les maladies constatées dans une région donnée . Par exemple, ce n'est pas le climat chaud et humide qui génère le paludisme mais bien la virulence du moustique agent de propagation -vecteur- de cette maladie.
Cependant, nombre d'études ont montré que, sous certaines latitudes, l'état de l'atmosphère exerce sur la mortalité générale une forte influence . C'et ainsi qu'il a été relevé que le climat rend compte, à lui seul, de 77 % de la variabilité en jours successifs du nombre de décès à Turin et de 87 % à Naples.
Le tableau succinct, ci-dessous, donne une idée de l'influence du climat sur la santé selon les pays :
Influence du climat sur la santé
Très faible |
Pays scandinaves, Canada, Etats-Unis d'Amérique, sauf sud-est |
Modérée |
Floride, France, Pays-Bas, Allemagne |
Décisive |
Japon, Grèce |
Mais, au-delà de ces différences, au XX ème siècle, l'influence du climat sur la santé s'est atténuée sur presque toute la planète sauf au Japon et, partiellement, en Italie.
En France , cette influence était décisive vers 1910, encore forte vers 1960 et modérée actuellement.
La généralisation de l'usage des antibiotiques pourrait expliquer le retournement de tendance observé.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT en déduit que « les risques climatopathologiques sont toujours étroitement datés et localisés, largement tributaires du contexte (social, économique, culturel) ainsi que de la pratique médicale ».
Des exemples de cette assertion peuvent être tirés des effets des cyclones tropicaux -qui engendrent un nombre de morts et de blessés inversement proportionnel au degré de développement de la zone touchée- de ceux des vagues de froid en climat tempéré moyen -où les victimes sont surtout des personnes âgées à l'état de santé déjà fortement altéré et des sans-abri (hiver 1985 en France)- ou encore de ceux des grandes vagues de chaleur en climat tempéré moyen et en climat méditerranéen (été 1976 dans 20 départements français, juillet 1983 à Marseille et dans toute la Provence, juillet 1987 à Athènes), où les victimes sont essentiellement des jeunes enfants, des personnes du troisième ou du quatrième âge, surtout des femmes.
De ces précédents, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a tiré plusieurs conclusions :
- la chaleur du jour est bien supportée tant que la nuit permet de récupérer des forces dans de bonnes conditions ;
- la surmortalité des périodes caniculaires se concentre dans les grandes villes, surtout en centre ville, notamment dans des îlots de chaleur urbains et est accentuée par la pollution atmosphérique (à Athènes, par exemple) ;
- les sociétés modernes sont de plus en plus vulnérables aux vagues de chaleur . En effet, l'homme y vivant de plus en plus dans un milieu artificiel et hyperprotégé, a une capacité réduite de résistance aux changements climatiques ; la généralisation de l'air conditionné permet d'inverser cette tendance.
De ces éléments, l'auteur cité déduit que « les répercussions sanitaires des fortes chaleurs estivales n'ont rien d'inévitables » et il observe que la maladie résulte de la « conjonction d'un excès du climat avec d'autres facteurs, constitutionnels ou acquis, qui mettent l'organisme dans une situation permanente ou transitoire de faiblesse ». « Le seul rôle du climat est de fournir la chiquenaude qui, chez un sujet déjà prédisposé, déclenche le processus pathologique ».
D'où la proposition, reprise par votre Rapporteur, de développer en France l'élaboration et la diffusion de bulletins médico-météorologiques permettant, par exemple, d'attirer l'attention sur la survenue de conditions climatiques propres aux infarctus du myocarde ou aux rhinites, conjonctivites et crises d'asthme liées à la date initiale de pollinisation.
* (48) « Climat et santé », Collection Médecine et société. Territoires et économie de la santé. PUF. Octobre 2001. 126 pages.