B. LE PROJET PARENTAL AUX ORIGINES DE LA FAMILLE
1. La relation de filiation : une exigence de stabilité...
En l'absence d'un modèle uniforme, même si le mariage demeure prédominant, c'est la naissance des enfants qui fait exister la famille et qui engendre une demande de droit, en particulier de la part des tiers (services sociaux , école, etc.).
Un cadre juridique adapté et protecteur de la relation parent /enfant correspond à une véritable demande dans la mesure où, comme le soulignent les études sociologiques, l'exigence de stabilité s'est déplacée du couple vers la filiation . Si le mariage n'est plus le seul mode d'organisation de la vie en couple, la façon dont il organise la filiation est un modèle recherché.
2. ...de la part de toutes les familles
Partant de ce constat, la proposition de loi aligne le régime des relations parents / enfants dans les familles légitimes et les familles naturelles en regroupant dans un seul titre du code civil, l'ensemble des dispositions relatives à l'autorité parentale.
S'agissant de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, le texte poursuit la démarche entreprise en 1993 et laissée inachevée. La nouvelle rédaction proposée pour l'article 372 du code civil fait de l'exercice en commun de l'autorité parentale par les parents la règle.
Elle lie l'exercice de l'autorité parentale au seul établissement de la filiation en cas de reconnaissance de l'enfant avant l'âge d'un an, supprimant ainsi la condition de vie commune posée par la loi du 8 janvier 1993 modifiant le code civil, relative à l'état civil, à la famille et aux doits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales.
La suppression de la condition de résidence commune correspond dans bien des cas à la suppression de la condition d'en apporter la preuve, puisqu'on estime à 4 ou 5 % les naissances d'enfants naturels dont les parents ne sont pas en couple.
La condition de vie commune supposait la production de deux moyens de preuve devant les tiers : un acte de notoriété attestant de la vie commune, délivré par le juge aux affaires familiales, et l'acte de naissance de l'enfant portant mention des dates de reconnaissance. L'exigence de production de cet acte d'un type nouveau était apparemment peu connu et en tout cas peu compris des intéressés.
Cette procédure, prévue à l'article 372 alinéa 2 du code civil a d'ailleurs fait l'objet d'une relative désaffection au profit des procédures prévues à l'article 374 qui permettent aux parents, même s'ils peuvent exercer conjointement l'autorité parentale de plein droit, de produire une décision de justice. C'est ainsi qu'un bilan de la loi de 1993, dressé par le Professeur Fulchiron, fait apparaître que la moitié des déclarations conjointes devant le greffier du tribunal de grande instance et un quart des décisions du juge aux affaires familiales auraient dû relever de l'article 372. 1 ( * )
L'exigence de vie commune n'était en outre posée qu'au moment de la reconnaissance et n'était pas renouvelée périodiquement et la jurisprudence en a donné une interprétation surprenante en n'exigeant pas la vie commune des parents avec l'enfant 2 ( * ) .
La réforme introduite par la proposition de loi d'un lien automatique entre établissement de la filiation et exercice de l'autorité parentale reçoit un tempérament nécessaire : la reconnaissance par les deux parents avant l'âge d'un an, exigence de la manifestation relativement rapide d'un intérêt pour l'enfant ; de même, le lien n'est pas automatique en cas d'établissement judiciaire de la filiation. Ce délai pour le recueil de la deuxième reconnaissance, en pratique celle du père à une écrasante majorité, laisse également le temps au projet parental de se construire et, éventuellement, peut donner à une paternité inattendue, le temps nécessaire pour s'affirmer.
* 1 Une nouvelle réforme de l'autorité parentale Dalloz 1993 Hugues Fulchiron
* 2 Lyon, JAF, 9 avril 1996.