ANNEXE 2
SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX RAPPORTS
SUR LE
RECRUTEMENT ET LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE DES
ENSEIGNANTS-CHERCHEURS
I. LE
PROBLÈME DU STATUT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS
Le problème du statut des enseignants-chercheurs est au coeur des
trois rapports majeurs rédigés au cours des années 1970
et 1980 sur la situation des enseignants-chercheurs, le rapport de Baecque en
1974, rapport Quermonne en 1981, et le rapport Durry en 1988
.
Dans ces trois rapports, l'originalité de l'enseignement
supérieur est chaque fois soulignée. Elle s'exprime dans la
tension qui existe entre une gestion centralisée et uniforme d'un corps
de fonctionnaires, l'exigence d'autonomie des universités
consacrée par la loi sur l'enseignement supérieur du 12 novembre
1968, et la volonté d'indépendance des enseignants. De ce fait,
tous les auteurs de ces rapports s'accordent à penser qu'il faut
maintenir un statut de fonctionnaire mais que la désignation et le
déroulement de carrière des enseignants universitaires doivent
dépendre de l'évaluation par leurs pairs.
A. UN PROBLÈME CRUCIAL AU DÉBUT DES ANNÉES
1980 : LA PROLIFÉRATION DES CORPS ET LA GESTION DES PERSONNELS
« HORS-STATUT »
La dénonciation de la prolifération des statuts et de l'existence
de contrats à durée déterminée indéfiniment
renouvelés constitue la trame du
rapport de Baecque
et justifie
la place donnée dans ce rapport à une refonte totale des statuts
des enseignants du supérieur.
Le rapport souligne en particulier l'impact des différences statutaires
entre disciplines sur l'évolution différenciée des
déroulements de carrière. Ainsi les carrières de
professeurs sont-elles beaucoup plus rapides en droit qu'en lettres.
La situation des assistants fait, elle aussi, l'objet d'une attention toute
particulière dans le rapport. Si, en principe, les postes
d'assistants sont transitoires et préalables à une nomination
comme maître-assistant, dans les faits, cette situation se
pérennise parce que la lourdeur des tâches d'enseignement ne
permet pas aux assistants de mener convenablement leurs recherches et d'obtenir
ainsi les titres requis.
1. Les personnels non-titulaires
La question des personnels non-titulaires est reposée dans le
rapport
Quermonne
qui dénonce à la fois la situation de
précarité d'une frange importante du personnel enseignant dans le
supérieur, et le désordre créé par la
prolifération des statuts, prolifération elle-même
liée aux recrutements massifs et aux « coup par
coup » opérés dans les années 1960. Deux grandes
catégories de personnels enseignants font l'objet d'une attention
particulière dans le rapport : les personnels contractuels et les
personnels vacataires, cette dernière catégorie ayant vu ses
effectifs augmenter sensiblement depuis la rédaction du rapport de
Baecque.
1)
Les personnels contractuels
: ils occupent
généralement un emploi (sauf lorsqu'ils sont
rémunérés mensuellement sur le budget des
établissements). Mais ils sont recrutés pour une durée
déterminée.
Parmi les contractuels, certains sont en fait titulaires dans leur corps
d'origine (professeurs agrégés ou certifiés du second
degré, fonctionnaires détachés dans un emploi d'enseignant
associé). Le seul risque pour eux est d'être
réintégrés dans leur corps d'origine.
Les autres contractuels, qui forment la majorité des cas, ne
bénéficient pas de cette garantie relative. Les catégories
les plus importantes sont :
- les assistants contractuels des disciplines juridiques, économiques,
politiques et de gestion ; des lettres et des sciences humaines ;
- quelques chargés de cours dans les disciplines du premier groupe
(droit, science politique), rémunérés sur des emplois de
professeurs de 2
ème
classe ;
- les professeurs, maîtres-assistants, et assistants
associés, toutes disciplines confondues ;
- les lecteurs de langue étrangère ;
- les personnels contractuels des disciplines médicales relevant
exclusivement du ministère de l'éducation nationale
(attachés-assistants) ou conjointement du ministère de
l'éducation nationale et du ministère de la santé (chefs
de clinique et assistants) ;
- les enseignants contractuels en service au titre de la coopération.
2)
Les personnels vacataires
ont été recrutés en
général après 1968 par les universités pour pallier
les déficiences de l'encadrement quantitatif des étudiants ou
pour se doter d'enseignants dont la qualification n'avait pas
d'équivalent dans les corps existants : situation précaire,
rémunération sur crédits d'heures complémentaires
ou sur ressources propres des établissements. Des mesures importantes
ont été prises à partir de 1976 pour permettre
l'intégration des personnels techniques et administratifs
« hors-statut », mais cet effort n'a pas concerné
les personnels enseignants.
2. L'intégration des personnels non-titulaires
Si l'intégration de ces personnels non-titulaires est
préconisée par le rapport Quermonne, elle ne saurait tenir lieu
de renouvellement des personnels titulaires.
L'auteur propose que soit adoptée la règle suivante : aucun
enseignant appelé à exercer une activité principale
à plein temps dans les établissements publics à
caractère scientifique et culturel pour une durée
supérieure à une année ne pourra être
recruté, si ce n'est en qualité de fonctionnaire titulaire (ce
qui signifie que subsiste la possibilité de recruter des enseignants
associés à temps partiel ou à temps plein pour une
durée strictement limitée, comme de recruter à mi-temps
des personnels ayant une activité principale à l'extérieur
de l'université...).
Le rapport propose d'intégrer les vacataires en tenant compte de leur
qualification, soit comme maître-assistant, soit comme professeur
certifié du second degré exerçant dans les
universités, soit comme ingénieur ou technicien type CNRS.
En plus de la gestion de la précarisation d'une partie importante du
corps enseignant, il s'agit de mettre fin à la prolifération des
corps et des catégories apparues dans les années 1970. Jean-Louis
Quermonne rapporte que, dans certains IUT, enseignent des personnels relevant
de douze à quinze statuts distincts. Cette prolifération est
source de complication de gestion et d'injustices (puisque des statuts
différents impliquent des charges horaires différentes). Le
rapport conclut à la nécessité d'un
« remembrement » de ces corps universitaires.
Ainsi, le corps des assistants titulaires, délesté des
assistants-docteurs, promus maîtres-assistants, doit être
placé en voie d'extinction. Les maîtres-assistants des disciplines
juridiques, économiques, politiques et de gestion, pourvu qu'ils
figurent dans la catégorie des chargés de conférences,
doivent être promus par transformation d'emplois, dans le corps des
professeurs. Une mesure analogue doit concerner les chargés
d'enseignement des disciplines littéraires et des sciences humaines,
docteurs d'Etat, dont la catégorie disparaîtrait en même
temps. Le rapport propose également d'achever la fusion des
maîtres de conférences
79(
*
)
et des professeurs par son extension
aux disciplines médicales.
Le problème de l'intégration des personnels non-titulaires et
celui de la prolifération des corps et des catégories se sont
estompés dans le
rapport Durry
, le décret du 6 juin 1984
ayant tranché pour l'existence de deux corps, les maîtres de
conférences et les professeurs. L'interdiction apparue en 1983 de
recruter des vacataires de plus de 27 ans qui n'aient pas un emploi à
temps plein a mécaniquement limité la création de
« hors-statut », et les mesures progressives de
titularisation des assistants ont réduit considérablement leur
nombre.
B. UN CONSENSUS POUR L'EXISTENCE DE DEUX CORPS UNIVERSITAIRES :
MAÎTRE DE CONFÉRENCES ET PROFESSEUR
L'organisation en deux corps de titulaires répond largement au
désir de simplification exprimé dans le
rapport de Baecque
.
Cette organisation avait également la préférence du
rapport Quermonne
. Selon ce dernier, en effet, un corps unique
amoindrirait les perspectives de carrière pour l'ensemble du corps. Par
ailleurs, le passage d'un corps à un autre est une occasion
intéressante de remise en question des personnels enseignants et il rend
possible chez de nombreux enseignants une ambition profondément
ancrée et un surcroît de prestige. L'existence de deux corps
permet aussi l'accès direct dans le corps des professeurs par des
concours externes de haut niveau, d'une fraction des élites
scientifiques et culturelles qui seraient peu disposées à
franchir les degrés du corps unique au seul rythme de l'avancement
à l'ancienneté. Enfin, cette dualité des corps s'exprime
d'une façon ou d'une autre dans les universités des autres grands
pays industrialisés, et l'université française
étant en concurrence sur le plan européen et international, elle
ne saurait s'isoler par une originalité dans ce domaine.
Le
rapport Quermonne
propose que, hormis la présidence de
certains jurys, la direction des DEA, ou la participation aux jurys de
soutenance de doctorat d'Etat, qui sont réservées aux seuls
professeurs, l'égalité de vocation entre les deux corps doit
être la règle. En particulier, cela doit se traduire par un
égal accès aux fonctions électives telle que
présidence d'université et direction d'UER (ancienne
dénomination des UFR). De même, le nombre d'heures d'enseignement
doit être le même pour les deux corps (à
l'époque : 150 heures annuelles sur au moins 30 semaines). Des
allégements doivent être consentis aux maîtres de
conférences préparant une thèse d'Etat (alors
indispensable pour devenir professeur) dans la limite de trois années
successives, aux professeurs et maîtres de conférences
exerçant une responsabilité élective (présidence
d'université, direction d'UER, direction de laboratoires ou
d'équipes associés au CNRS ou à l'INSERM) pendant la
durée du mandat correspondant, aux professeurs et maîtres de
conférence accomplissant, en position de délégation, une
mission à l'étranger ou menant une recherche incompatible avec un
service d'enseignement lourd.
C. UN PROBLÈME RENOUVELÉ AUJOURD'HUI ?
Le
rapport Quenet
de 1994 semble indiquer que, depuis la parution du
rapport Durry, le problème de la prolifération des statuts et de
la précarisation d'une partie du personnel enseignant est
réapparu en partie. En effet, il semblerait que depuis lors, avec
l'explosion des effectifs étudiants de DEUG, l'enseignement
supérieur ait de nouveau dû faire appel, en grand nombre, à
d'autres catégories de personnels pour encadrer les étudiants.
D'après le rapport, les ATER (statut mis en place en 1989) et les
moniteurs, ainsi que les vacataires de diverses origines ont retrouvé
les missions jadis confiées aux assistants. Mais surtout, le rapport
insiste sur la nouveauté que constitue le recours massif aux personnels
de l'enseignement secondaire, agrégés ou certifiés, pour
faire face au défi de l'université de masse. Ainsi, à la
date de rédaction du rapport, les personnels de statut universitaire,
c'est-à-dire les professeurs et les maîtres de conférences,
ne représentaient plus que 65 % des personnels enseignants des
universités.
II. L'ENJEU DÉMOGRAPHIQUE
Tous les rapports insistent sur l'effet dévastateur des recrutements
« en accordéon », qui sont la conséquence
d'une absence totale de gestion prévisionnelle des effectifs.
A. DONNÉES SUR LE PROBLÈME
1. Les recrutements « en accordéon »
Dans le
rapport Quermonne
, le constat est fait d'un
déséquilibre entre le nombre réduit des mises à la
retraite, et donc des emplois vacants dans les années 1980, et les
recrutements massifs qui ont été opérés depuis
1962. Pour l'auteur du rapport, ces ruptures sont catastrophiques, car elles
constituent des ruptures devant l'égalité d'accès à
la fonction publique de générations successives, en
détournant de l'université une génération de
chercheurs et en risquant d'abaisser le niveau d'exigences scientifiques
lorsque les recrutements reprendront de façon massive dans les
années 1990. Il faut donc s'attacher à « lisser les
courbes ».
Un rapport du CERC
80(
*
)
de 1992
fait un bon état des lieux de ces coups d'accordéon. Ainsi, entre
1961 et 1992, l'effectif des enseignants du supérieur a
été multiplié par 6, mais les trois quarts de cette
augmentation étaient acquis dès 1977 ; de 1977 à
1988, le taux annuel moyen de croissance des effectifs a été de
0,7 % ; il est passé à 4,3 % de 1988 à 1992. Le
tableau suivant donne une bonne idée des différentes phases de
recrutement depuis les années 1960 et jusqu'au début des
années 1990 :
Évolution de l'effectif des enseignants
relevant des catégories « enseignement
supérieur »
|
1961 |
1971 |
1977 |
1981 |
1985 |
1988 |
1991 |
1992 |
Effectifs |
7 901 |
30 546 |
37 704 |
38 772 |
40 881 |
40 881 |
46 727 |
48 164 |
Accroissements (%) |
|
+ 286,6 |
+ 23,4 |
+ 2,8 |
+ 5,4 |
- 0,6 |
+ 15,0 |
+ 3,0 |
Taux annuel moyen en (%) |
|
+ 14,5 |
+ 3,6 |
+ 0,7 |
+ 1,3 |
- 0,2 |
+ 4,8 |
|
Source : CERC, 1992
2. Les conséquences : le blocage des carrières
Dans le
rapport Durry
, deux goulots d'étranglement
décisifs sont mis en évidence : le premier concerne le
passage au corps de professeur pour les maîtres de conférences, et
le second concerne le passage à la première classe pour les
professeurs, alors même que, pour l'auteur du rapport, c'est le passage
à la première classe qui rend la carrière de professeur
attractive sur le plan financier : par exemple, le temps de passage de la
2
ème
à la 1
ère
classe pour les
professeurs en droit-sciences économiques est passé de
3,7 années pour la génération 1966/67 à 8,2
années pour la génération ayant débuté 10
ans plus tard. Au bout de 5 ans, plus des deux tiers des nommés de 1966
étaient en 1
ère
classe alors qu'ils
étaient à peine 10 % pour la génération de 1976.
Le rapport du CERC souligne également une tendance au ralentissement du
déroulement des carrières et un recul de l'âge
d'entrée dans la carrière, en raison de la faiblesse des
recrutements qui sont intervenus pendant près de 15 ans avant
1988 :
- cet âge passe de 41 ans pour les professeurs entrés dans la
seconde moitié des années 1970 à 44 ans dix ans plus
tard ;
- cet âge passe, aux mêmes dates, de 33 ans à 35 ans pour
les maîtres de conférences.
La conséquence en est un vieillissement de la population des
enseignants-chercheurs :
Age médian des enseignants par discipline et fonction en 1981 et 1992
|
Professeurs |
Maîtres de conférences |
||
|
1981 |
1992 |
1981 |
1992 |
Droit, économie, gestion |
45,7 |
49,8 |
45,2 |
|
Lettres et Sciences humaines |
52,6 |
55,2 |
45,2 |
48,8 |
Sciences |
49,6 |
51,3 |
40,6 |
46,9 |
Santé |
48,6 |
53,7 |
41,1 |
46,5 |
Ensemble |
49,1 |
52,5 |
41,7 |
47,2 |
Source : CERC, 1992
B. LES SOLUTIONS PRÉCONISÉES DANS LES RAPPORTS
Le
rapport Quermonne
fait deux propositions pour régler ce
problème de blocage des carrières :
- création d'emplois en surnombre dans les années 1980 pour
anticiper les mises à la retraite de la décennie des
années 1990 ;
- mesures de dégagement des cadres sous les trois formes
suivantes : mise en place d'une sorte de « cessation progressive
d'activité », incitations à la mobilité des
enseignants titulaires vers les administrations ou les entreprises et
réglementation rigoureuse des cumuls.
Le
rapport Durry
suggère, quant à lui, de mettre en place
des allocations de recherche pour des jeunes chercheurs
81(
*
)
(vers 23-24 ans), pourvu qu'ils soient
titulaires du DEA, sous la double réserve de fixer des charges
d'enseignement qui permettent de mener des recherches, et de fixer un nombre de
recrutements de maîtres de conférences qui assure normalement un
débouché à ces allocataires.
Le rapport
Quenet
se situe dans une autre perspective, marquée
par l'importance des recrutements. Ainsi, dans les années 1992 et 1993,
les recrutements ont fortement augmenté. Ils sont passés d'un
flux de l'ordre du millier les années antérieures, à des
taux de recrutement de 5 % des effectifs d'enseignants-chercheurs (soit 2.000
à 3.000 emplois de maîtres de conférences par an) auxquels
se sont ajoutés des recrutements d'origine diverse (PRAG, PAST, ATER,
etc.).
III. LE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS
A. LES SOLUTIONS ADOPTÉES EN CE QUI CONCERNE LES MISSIONS RESPECTIVES
DES INSTANCES LOCALES ET NATIONALES DANS LA PROCÉDURE DE
RECRUTEMENT
Le
rapport Quenet
fait utilement le bilan des différentes
solutions adoptées en la matière. Ainsi, chronologiquement, les
cinq procédures suivantes ont été adoptées :
- au cours des années 1960 et 1970, des listes d'aptitude sont
établies au plan national, à partir de l'appréciation de
la qualité des travaux, corrigée par la notoriété
des candidats, le choix étant laissé aux instances locales ;
- à partir de 1979, les candidats sont classés par l'instance
locale, le choix final parmi les candidats classés localement
étant laissé à l'instance nationale ;
- à partir de 1984 (décret du 6 juin 1984), un tri
préalable des candidats est réalisé par l'instance
nationale (trois à cinq noms par poste), le choix du candidat
étant laissé à l'instance locale ;
- à partir de 1988 (décret du 15 février 1988), on revient
à la procédure antérieure : classement local puis
décision nationale ;
- depuis 1992, la qualification est donnée pour quatre ans par le CNU,
et le choix final du candidat est réalisé par l'instance locale.
L'explication de l'existence dans tous les cas de deux instances, l'une locale,
l'autre nationale, est très clairement exposée dans le rapport
Quenet. Le recrutement des enseignants du supérieur se trouve en effet
au
croisement de deux logiques
: s'agissant d'un corps national de
fonctionnaires, les règles et les jurys doivent être nationaux et
la loi du 26 janvier 1984 précise que «
sauf dispositions
contraires des statuts particuliers, la qualification des
enseignants-chercheurs est reconnue par une instance
nationale
» ; mais par ailleurs, l'autonomie des
universités implique une intervention de celles-ci dans le choix de
leurs enseignants-chercheurs.
Or, ces revirements successifs montrent assez clairement, comme le souligne le
rapport Quenet, qu'
aucune procédure de recrutement qui garde comme
contrainte de concilier le statut de fonctionnaire des enseignants-chercheurs
avec l'autonomie des universités, n'a jamais réussi à
recueillir tous les suffrages
.
La procédure qui prévalait avant 1979 aurait, d'après le
rapport Quermonne
, donné lieu à des pratiques critiquables
(audition devant les sections de l'instance nationale
82(
*
)
sans garanties suffisantes,
réduction du nombre des maîtres-assistants élus au sein de
l'instance nationale au profit des membres nommés...) qui
hypothéquaient son maintien.
D'une manière générale, le système des listes
d'aptitude présentent deux vices rédhibitoires selon
l'auteur du rapport :
- dans le cas des listes ouvertes, le nombre des inscrits risque de
dépasser le nombre d'emplois offerts (d'où le risque
pointé par le rapport Quenet de créer un vivier de
« reçus-collés » qui ne seront jamais
recrutés, comme c'est le cas actuellement) ; même si ce n'est pas
le cas, il oblige les examinateurs à procéder à une longue
investigation de leurs titres. La réputation ne suffit plus à
elle seule à fonder le jugement ;
- le système des listes fermées, quant à lui, quand il ne
conduit pas à une auto-censure des candidatures en amont, camoufle une
réalité qui s'apparente à un concours sans en offrir les
garanties.
Pourtant, le système instauré en 1979 n'est pas non plus exempt
de critiques. Ainsi, le
rapport Quermonne
rappelle que le choix des
membres des jurys et des instances locales et nationales appelés
à déclarer aptes les candidats ou à se prononcer sur leur
avancement a soulevé de graves difficultés. Le rapport
dénonce une tendance au localisme des recrutements, qui a conduit
à privilégier des candidats pré-recrutés par les
universités au détriment d'anciens élèves des ENS
ou des grands établissements français à l'étranger,
souvent plus qualifiés. Le CSCU, de son côté, n'a pas
toujours su résister à la tentation du
« parisianisme ». Parallèlement, la syndicalisation
des personnels enseignants s'est reflétée au sein des instances,
et elle a contribué à politiser un contexte auquel les
événements avaient déjà conféré une
dimension conflictuelle.
A la lecture des différents rapports, on peut sérieusement se
demander s'il sera un jour possible de trouver une solution consensuelle pour
régler cette question du mode de recrutement.
Le
rapport Quenet
est très critique à l'égard du
système actuel des listes de qualification, auxquelles il reproche
d'engendrer trop de qualifiés relativement au nombre de postes ouverts,
d'être source de profondes inégalités d'une section de CNU
à l'autre et d'une campagne de qualification à l'autre, de
renforcer le phénomène de priorité donnée aux ATER,
et enfin de ne pas mettre fin, malgré tout, au phénomène
de vacance d'emplois dans certaines disciplines. En outre, la qualification
risque d'être perçue par les intéressés comme un
droit à être nommés dans le corps pour lequel ils sont
qualifiés.
Le principe du recrutement par l'instance locale, quant à lui, s'il va
dans le sens d'une autonomie accrue des universités, favorise en
revanche une tendance au recrutement des candidats locaux. Peuvent ainsi
être éliminés, non seulement les candidats des autres
universités, mais aussi ceux qui ne sont pas du
« sérail universitaire », en particulier les jeunes
docteurs des laboratoires industriels ou des organismes de recherche.
Le rapport propose donc un autre système, qui, tout en gardant ce qui
est positif dans le système actuel, se déroule dès le
début dans le cadre d'une procédure de concours sur poste et fait
précéder la validation par le CNU de propositions des instances
locales :
- les candidats postulent directement auprès des universités pour
lesquelles des postes ont été ouverts aux concours avec affichage
d'un profil. Les instances locales, après examen des rapports sur tous
les candidats, arrêtent une liste des candidats qu'elles souhaitent
auditionner. À la suite de ces auditions, chaque commission
établit pour chaque poste une liste de cinq noms au maximum,
présentés par ordre alphabétique. Cette liste est
transmise par l'établissement à l'administration centrale. Dans
cette première étape, la commission de spécialistes
établit un classement qui demeure interne à
l'établissement ;
- l'administration établit pour chaque section du CNU une liste de tous
les candidats proposés par au moins un établissement pour un
poste mis au concours dans la section. Cette liste est classée par ordre
alphabétique sans référence à
l'établissement qui a proposé le candidat. Après analyse
des dossiers par deux rapporteurs, le CNU établit la liste des
candidatures qu'il considère répondre au niveau scientifique
requis. Cette liste est classée par ordre alphabétique. Elle est
publiée au Journal officiel. Elle ne vaut que pour une campagne de
recrutement donnée ;
- compte tenu de la liste arrêtée par le CNU et du classement
établi par la commission de spécialistes, le conseil
d'administration de l'établissement siégeant en formation
restreinte, et après avoir entendu le président de la commission
de spécialistes ou son représentant, fait une proposition au
ministre, ou donne un avis, selon les mêmes modalités que dans la
procédure actuelle ;
- si, à l'issue de la procédure, le poste demeure vacant,
possibilité est laissée à l'établissement d'ouvrir
à nouveau le poste au concours pour une seconde session : ne pourront
alors candidater que les candidats qualifiés de l'année.
Après cette seconde session, le recrutement sera achevé, et le
concours sur poste de l'année sera clos.
Pour l'auteur du rapport, cette procédure innove par rapport à
toutes celles qui ont été expérimentées depuis une
quinzaine d'années. Elle a le triple avantage :
- de concilier garantie nationale et recrutement local : le rôle du CNU
reste important, mais il ne s'érige pas en tuteur de l'université
qui garde le dernier mot ;
- de supprimer les défauts des listes de qualification : d'une part,
l'effet artificiel d'attraction est limité puisque ne ressortent du
premier filtre que les candidats qui paraissaient les meilleurs pour le poste
à pourvoir ; d'autre part, la validation ne vaut que pour une campagne
de recrutement donnée ;
- de supprimer la procédure de troisième examen par les
commissions de groupe.
B. UN PROBLÈME RÉCURRENT : COMMENT LUTTER CONTRE LE
LOCALISME ET LE CORPORATISME DANS LES PROCÉDURES DE
RECRUTEMENT ?
La dérive que pourrait constituer un nombre trop important de
recrutements locaux est un point abordé par le rapport Quermonne et par
le rapport Quenet.
Ainsi, le
rapport Quermonne
propose que la loi oblige les
universités et leur ministre de tutelle à respecter certaines
contraintes à l'occasion de la nomination et des mutations des
personnels enseignants. En particulier, la loi devrait imposer :
- que les enseignants nommés dans leur premier emploi de fonctionnaire
titulaire ne soient issus que dans la proportion de 1 sur 3 au plus, de
l'établissement dans lequel ils sont affectés ;
- qu'un professeur sur deux au plus puisse être recruté par
l'établissement dans lequel il exerçait préalablement en
une autre qualité.
Nous avons déjà vu comment le
rapport Quénet
se
montrait critique à l'égard du système de recrutement
actuel, en particulier à cause du risque de localisme qu'il faisait
peser (cf.
supra
). Le mode de recrutement proposé dans ce
rapport, que nous avons présenté dans le paragraphe
précédent, est censé éviter cette dérive.
C. MAÎTRES DE CONFÉRENCES ET PROFESSEURS
Le mode de recrutement des maîtres de conférences et des
professeurs n'est pas en tout point identique.
Le
rapport Quermonne
suggère ainsi que les
maîtres de conférences soient recrutés sur la base du
doctorat de 3ème cycle :
- dans la limite maximum des 2/3 des recrutements parmi les allocataires de
recherche des universités (concours interne) ;
- dans une limite pouvant varier entre ¼ et 1/3 des recrutements annuels
parmi les autres docteurs de 3ème cycle, tels que les attachés et
chargés de recherche relevant du CNRS et des organismes analogues et les
enseignants du second degré ;
- dans la limite maximum du 1/10ème des recrutements annuels par la voie
du tour extérieur.
La règle déjà exposée, selon laquelle chaque
établissement ne pourra accueillir que dans la limite d'un sur trois des
candidats ayant enseigné ou effectué des travaux de recherche
auprès de lui, doit s'appliquer à ces divers recrutements.
Les professeurs doivent quant à eux être recrutés :
- par voie de concours interne sur titres et travaux ouverts aux maîtres
de conférences titulaires du doctorat d'état (maximum 2/3 des
recrutements pour les disciplines scientifiques, littéraires et de
sciences humaines, 1/3 des recrutements dans les disciplines juridiques,
économiques, politiques et de gestion) ;
- par voie de concours externe sur titres et sur épreuves, ouverts aux
docteurs d'Etat sans distinction d'origine (au plus 2/3 des recrutements dans
les disciplines juridiques, économiques, politiques et de gestion et 1/3
des recrutements pour les disciplines scientifiques, littéraires et de
sciences humaines) ;
- par voie du « tour extérieur » pour le
1/10
ème
au plus des professeurs de toutes les disciplines et
spécialités.
De plus, là encore, chaque université ne doit pouvoir recruter
que dans la limite d'un sur deux des professeurs ayant exercé des
fonctions de maître de conférences auprès d'elle.
Le
rapport Durry
s'attarde un peu sur le recrutement des professeurs. Il
existe au moment du rapport (et encore aujourd'hui) deux
procédures pour entrer dans le corps des professeurs :
l'agrégation, qui donne lieu à l'établissement d'une liste
de candidats reçus en nombre égal à celui des places mises
au concours, et le concours sur titre, qui se déroule poste par poste.
L'auteur du rapport estime que l'habilitation à diriger des recherches
ne doit être une condition de la présentation du concours
d'entrée au corps des professeurs que dans le cas du concours sur
titre ; elle ne doit pas être exigible dans le cas du concours
d'agrégation du supérieur.
Pour l'auteur du rapport, proposer un mode uniforme de recrutement des
professeurs serait très tentant. Le concours d'agrégation
présente en effet bien des avantages : à une même
date, tous les candidats sont examinés sur des critères
identiques ; les épreuves orales permettent d'apprécier les
qualités pédagogiques des candidats ; les candidats sont
moins étroitement spécialisés, ce qui facilite leur
insertion dans l'université qui les accueillera. Si l'auteur du rapport
ne suggère pas explicitement d'opter pour un mode de recrutement
uniforme des professeurs, il estime néanmoins que les candidats
devraient connaître à l'avance leurs chances de devenir professeur
au bout de l'effort. Cela nécessite que l'on puisse prévoir
à l'avance (10 ans au moins), ne serait-ce que sous forme de tendances
lourdes, le nombre de postes qui seront vacants, discipline par discipline. De
plus, il serait souhaitable que l'audition des candidats soit
systématique, pour que l'instance nationale puisse juger les
qualités pédagogiques des candidats.
D. LE PROBLÈME DU VIVIER
Les différents rapports expriment le souci des auteurs d'assurer un
renouvellement satisfaisant du corps des enseignants-chercheurs.
Pour le
rapport de Baecque
, la question cruciale est celle de la
structure d'accueil. Il propose de créer un statut transitoire qui
permette de sélectionner les candidats potentiels pour la
carrière universitaire en leur laissant terminer leur thèse dans
des conditions matérielles décentes tout en commençant
à enseigner. La limitation dans le temps de ce type de contrat doit
interdire la reconstitution d'un corps d'enseignants sans perspective de
carrière, sous réserve que la charge d'enseignement ne soit pas
trop lourde. On retrouve ici les principales caractéristiques du statut
des ATER qui ne sera mis en place qu'en 1989.
Le
rapport Quermonne
a été rédigé, nous
l'avons vu, dans une période de faibles recrutements. Du coup, il semble
essentiel, dans ces conditions, de rendre l'espoir aux candidats potentiels
à l'enseignement supérieur. Cet objectif doit être atteint
grâce à une amélioration du financement des thèses.
Ainsi, il faut d'abord augmenter le nombre d'allocations de recherche de
type DGRST : ces allocations attribuées aux universités en
raison de leurs spécialités, mais aussi des perspectives
annuelles de recrutement des maîtres-assistants, devraient pouvoir
bénéficier dans toutes les disciplines,
au prorata
des
recrutement escomptés, à des étudiants qualifiés
titulaires d'un DEA.
Par ailleurs, il est nécessaire de créer un contingent de postes
d'attachés de recherche CNRS ou type CNRS pour les jeunes chercheurs
éloignés d'une université donnée (par
exemple : professeurs agrégés ou certifiés des
collèges et lycées, professeurs d'enseignement
général des collège, instituteurs, anciens
élèves des ENS...) afin de poursuivre ou d'achever une recherche
et notamment une thèse de doctorat, afin de présenter avec des
chances sérieuses leur candidature à un concours de recrutement
d'enseignant titulaire. Ces candidats devraient pouvoir suivre des stages de
formation dans l'université de leur choix et assurer un nombre
limité de séances de travaux dirigés ou de travaux
pratiques rémunérés à la vacation.
Le
rapport Durry
se penche lui aussi sur le système des
allocations de recherche. Les allocataires devraient être recrutés
parmi les candidats titulaires d'un DEA. L'allocation devrait durer cinq
ans : une première année avec des charges de cours
réduites, où l'allocataire serait formé
pédagogiquement par un tuteur, avec lequel il ferait des recherches dans
la perspective d'une thèse ; deux années où le
service d'enseignement serait accru, avec à la fin de ces deux
années une pré-soutenance de thèse ; deux
années de service plein durant lesquelles la thèse devrait
être rédigée. Un effort important doit être consenti
en ce qui concerne le montant de l'allocation. L'auteur du rapport estime
raisonnable une rémunération nette de 9 000 francs par mois.
En ce qui concerne le nombre d'allocations à prévoir, il s'agit
d'établir une liaison entre le recrutement des allocataires et celui des
maîtres de conférences, et de faire un effort de prévision,
afin que ceux qui s'engagent dans cette voie connaissent leurs chances de
devenir maître de conférences.
Autre élément important, il est jugé indispensable de
prévoir des portes de sortie pour ceux qui ne pourraient in fine
accéder à la carrière universitaire : mise au
concours de postes réservés aux anciens allocataires ;
reports de limite d'âge pour se présenter aux concours de la
fonction publique ; prise en compte de tout ou partie des services
antérieurs pour la détermination de l'ancienneté dans le
nouveau corps, en cas de succès au concours.
Le
rapport Quénet
peut faire le bilan du développement des
systèmes d'aide à la préparation d'une thèse et
à l'entrée dans l'enseignement supérieur,
développement qu'appelaient de leurs voeux les auteurs des
précédents rapports.
De fait, les aides à la préparation des thèses ont fait
l'objet d'un développement considérable
83(
*
)
, puisque le flux annuel des
allocations de recherche a doublé de 1988 à 1993, pour atteindre
un flux annuel de 3.800. L'auteur du rapport estime ainsi que le vivier des
docteurs s'est reconstitué, pour faire face à l'accroissement des
recrutements dans l'enseignement supérieur, malgré quelques
insuffisances ponctuelles. La reconstitution du vivier peut se constater au vu
de plusieurs indicateurs : l'augmentation du nombre de thèses (en
1992, 8.200 thèses ont été soutenues, soit 38 % de plus
qu'en 1989), ou l'augmentation du nombre des candidats sur les postes offerts
dans l'enseignement supérieur.
Malgré tout, le rapport recommande d'autoriser une durée de trois
à quatre ans pour la thèse avec rémunération, de
remplacer le système des monitorats et des ATER par des allocations
d'enseignement s'ajoutant aux allocations de recherche, modulables chaque
année, et d'en confier la responsabilité aux universités,
d'établir une procédure de détachement permettant aux
jeunes agrégés de préparer une thèse à
l'université dans des conditions statutaires satisfaisantes.
IV. L'AVANCEMENT DANS LA CARRIÈRE
Afin que l'ancienneté joue un rôle moindre dans le
déroulement de carrière, le
rapport
Durry
préconise qu'à l'intérieur de chaque
classe, les progressions d'échelon, au moins certaines d'entre elles,
puissent être modulées grâce à l'attribution de
bonifications d'ancienneté sur décision du CNU, en fonction des
différences qui apparaissent dans l'intensité, la
continuité et la qualité des diverses tâches universitaires
(notamment l'établissement de relations européennes et
internationales, les études industrielles, les fonctions remplies
à l'étranger...).
En ce qui concerne l'évaluation des enseignants-chercheurs, l'auteur du
rapport suggère deux pratiques :
- la rédaction d'un rapport quinquennal d'activités (afin
d'évaluer tous les éléments du travail de
l'enseignant-chercheur) destiné au président de
l'université, et fourni au CNU à l'appui des candidatures
à une nomination ou à une promotion ;
- un questionnaire rempli par les étudiants à la fin de chaque
enseignement, dont l'enseignant garderait le libre usage du contenu.
Le
rapport Quénet
examine les changements intervenus dans les
procédures de promotion depuis le décret du 16 janvier 1992.
Ce décret prévoit trois voies de promotion :
- la voie 1 a deux phases : une phase locale, suivie d'une phase nationale pour
les non-promus. L'avancement est prononcé d'abord au niveau de
l'établissement dans la limite des promotions qui y sont offertes,
toutes disciplines confondues. Il est prononcé sur proposition du
conseil d'administration quand il s'agit de maîtres de conférences
et du conseil scientifique quand il s'agit de professeurs d'université.
Ceux qui n'ont pas été promus peuvent ensuite
bénéficier, sur proposition de la section compétente du
CNU, des promotions offertes par discipline sur le plan national, sans que le
nombre de ces promotions puisse excéder celui des promotions
prononcées préalablement au niveau local ;
- la voie 2, avec un avancement sur contingent uniquement national, concerne
les enseignants-chercheurs en fonction dans les établissements à
effectifs restreints. L'avancement est prononcé sur proposition de la
section compétente du CNU après avis du conseil d'administration
pour les maîtres de conférences et du conseil scientifique pour
les professeurs ;
- la voie 3 d'avancement spécifique concerne les enseignants-chercheurs
assurant, en sus de leurs obligations de service, des fonctions
pédagogiques ou administratives. Cette voie a été mise en
place dès la réforme statutaire du 28 septembre 1989. Le conseil
d'administration pour les maîtres de conférences ou le conseil
scientifique pour les professeurs de chaque établissement arrête
une liste de classement par groupe du CNU. Ces listes sont transmises aux
groupes compétents du CNU qui siègent en formation restreinte et
établissent des propositions qui respectent l'ordre de classement
arrêté par le conseil d'administration et le conseil scientifique
de l'établissement.
Le rapport Quénet indique que les promotions locales sont très
appréciées par les établissements qui en
bénéficient, et ceux qui n'ont pas d'effectifs suffisants pour
relever de la voie 1 regrettent cette possibilité. Malgré tout,
ce bilan doit être nuancé, et de nombreux universitaires sont
opposés à ce mode de promotion.
L'intérêt des promotions locales est de récompenser un
enseignant qui a fait un investissement de qualité sur l'ensemble de
l'établissement, mais cette notion doit être
explicitée : il faudrait veiller à ce que la
procédure locale n'ait pas un caractère de « second
tour » par rapport à une voie royale qui serait la
procédure nationale.
L'auteur propose d'abaisser progressivement à 25 % du total des
promotions les promotions locales et de laisser toutes les promotions à
la classe exceptionnelle de professeurs d'université
décidées au niveau national. Le conseil d'administration et le
conseil scientifique des établissements devraient prendre toutes la
mesure du système en élaborant des critères clairs et
pertinents pour ces promotions. L'établissement devrait pouvoir
pratiquer une gestion pluriannuelle de ces promotions. Il serait
intéressant de faire figurer les promotions dans les contrats
pluriannuels des établissements.
Par ailleurs, l'auteur met en avant le fait qu'actuellement l'évaluation
de carrière se fait essentiellement sur des critères de recherche
au niveau national et sur des critères moins précis au niveau
local. Par conséquent, il lui semble important de rechercher des
méthodes permettant de tenir compte de toutes les activités
exercées par les universitaires, à savoir la recherche,
l'enseignement, les charges administratives, la consultation pour
l'administration ou pour l'industrie, et l'activité de diffusion de la
culture scientifique et technique.
V. LA CONDITION DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS
Les conditions d'exercice de la profession ne font pas l'objet d'un traitement
particulier dans le rapport de Baecque. Avec les rapports Quermonne et Durry,
les difficultés matérielles, la dégradation des conditions
de travail deviennent un thème important. Tous deux font état des
pénuries de locaux, de secrétariat, de bureaux. Si le rapport
Quermonne souligne déjà la dégradation et
l'inégalité du taux d'encadrement (en 1981, ce taux atteint un
enseignant pour 55 étudiants en droit et sciences économiques,
contre un pour 11 en sciences), c'est avec le rapport Durry que les
considérations pécuniaires arrivent au premier plan.
A. LE PROBLÈME DU NIVEAU DES RÉMUNÉRATIONS
Le
rapport Durry
dénonce l'échelonnement indiciaire
insatisfaisant des professeurs de 2
ème
classe et des
maîtres de conférences, dont la carrière indiciaire est
plus défavorable que celle de certains professeurs agrégés
du secondaire.
Le traitement des enseignants du supérieur souffre la comparaison avec
les rémunérations du secteur privé (par exemple, le
rapport indique que la rémunération moyenne versée aux
étudiants sortant des universités parisiennes en économie
et gestion est d'environ 135.000 francs en 1987, soit 11.250 francs bruts
par mois, c'est-à-dire un peu plus que la rémunération
d'un maître de conférences de 2
ème
classe au
2
ème
échelon, ayant donc au moins 2 ans et 8 mois
d'ancienneté), mais aussi avec celles d'autres fonctionnaires du secteur
public, du fait de la faiblesse des rémunérations annexes :
la prime de recherche est alors de 2 380 francs par an pour un professeur, soit
moins de 1 % du traitement annuel d'un professeur de classe exceptionnelle au
1
er
échelon ; les anciens élèves de
l'ENA percevaient l'année même de leur sortie de l'ENA un
supplément compris entre 32 % et 65 % de leur traitement sous forme de
primes.
Le tarif des heures complémentaires est jugé indécent
(alors même que les heures complémentaires représentent en
1986 26 % de la charge d'enseignement des universités). Le tarif de
l'heure complémentaire est alors en effet de 182,70 francs (il devrait
être de 473 francs s'il avait été revalorisé
convenablement depuis 1964). Ce tarif peut être comparé à
celui des heures dites de suppléance des professeurs de chaires
supérieures des lycées (classes préparatoires aux grandes
écoles), soit 451 francs.
Certes, les enseignants qui ont des fonctions hospitalières ont
officiellement une possibilité de cumuler deux
rémunérations publiques, les pouvoirs publics ayant dû
estimer que c'était la seule façon d'éviter une fuite
massive des enseignants de cette discipline vers le secteur privé.
Pour les autres, le texte de base est le décret du 29 octobre 1936, qui
distingue cumuls d'emplois (article 7) et cumuls de rémunérations
(article 3). Les premiers sont en principe interdits, sauf quelques
dérogations. Mais une amélioration des conditions de
rémunérations aurait pour effet que de très nombreux
universitaires, dont la vocation véritable est l'enseignement et la
recherche, renonceraient à l'exercice de ces activités
« alimentaires ». Qui plus est, toutes les disciplines ne
se prêtent pas à l'exercice des « expertises »
ou des « consultations ».
De fait, à la suite du rapport Durry sur « la condition des
enseignants du supérieur », le CERC a reçu pour mission
de réaliser une évaluation des revenus professionnels des
universitaires.
Ce rapport distingue trois grands types de revenus : une
rémunération statutaire (traitement indiciaire +
indemnités de résidence + prime de recherche), des
rémunérations supplémentaires liées à des
activités qui ont pour cadre l'université de
l'enseignant-chercheur (heures complémentaires, responsabilités
administratives, participation à certains jurys, travail de mise en
place de contrats de recherche ou de formations permanentes) et enfin des
revenus accessoires (revenus correspondant à des activités
professionnelles exercées en dehors de l'institution universitaire).
L'enquête montre en substance la très forte
prépondérance du premier type de revenus dans le revenu total des
universitaires, et il confirme ainsi les intuitions exprimées dans le
rapport Durry.
1. La rémunération statutaire
En moyenne, en 1989, elle s'élève à 193.000 francs
(la prime de recherche s'élève à 4.700 francs). Il faut
noter que les enseignants des disciplines médicales et odontologiques
représentent un cas particulier, puisqu'ils perçoivent des
émoluments qui correspondent à leurs fonctions
hospitalières. De ce fait, leur rémunération statutaire
est approximativement le double de celle des autres enseignants-chercheurs.
2. Les rémunérations supplémentaires
Elles peuvent rémunérer les heures complémentaires, les
responsabilités administratives, la participation à certains
jurys, le travail de mise en place de contrats de recherche ou de formations
permanentes. Pour les enseignants de médecine, elles peuvent
rémunérer en plus les gardes et les astreintes. En 1989, 49 % des
enseignants-chercheurs n'ayant pas de fonctions hospitalières recevaient
des rémunérations au titre des heures complémentaires
d'enseignement, pour un montant moyen annuel de 8.200 francs nets.
3. Les revenus universitaires (rémunération statutaire +
rémunérations supplémentaires)
Les revenus universitaires étaient, en 1989, en moyenne de
200.000 francs annuels nets pour les enseignants sans fonction
hospitalières et de 411.000 francs en moyenne en médecine et
odontologie.
Revenu universitaire net moyen par corps et groupe de disciplines en 1989
|
Assistants |
Maîtres de conférences |
Professeurs |
Ensemble |
Droit,
économie, gestion
|
123 900
|
179 100
|
264 800
|
187 400
|
Ensemble |
130 400 |
188 400 |
247 800 |
200 400 |
Médecine et odontologie |
|
279 800 |
493 400 |
411 500 |
4.
Les revenus accessoires
Il s'agit des revenus correspondant à des activités
professionnelles exercées en dehors de l'institution universitaire. Ces
activités peuvent être ponctuelles (expertises, consultations,
conférences, interventions dans des programmes de formation continue...)
ou régulières (profession libérale, emploi public
secondaire). Les revenus qu'elles procurent sont très inégaux,
d'à peine un millier à plus d'un million de francs. Les
proportions d'enseignants ayant des opportunités d'activités
accessoires sont assez hétérogènes selon leur discipline
d'enseignement et de recherche, selon leur corps, leur âge ou leur sexe,
et la région dans laquelle ils exercent.
Le montant moyen des revenus accessoires, pour les enseignants-chercheurs qui
en percevaient, était, en 1989, de 37.000 francs par an hors
médecine et odontologie, et de 90.000 francs par an pour les
enseignants-chercheurs des disciplines de médecine et d'odontologie.
Pour 66 % des enseignants-chercheurs (tous enseignants-chercheurs confondus),
ces revenus accessoires représentaient moins de 5 % de leur revenu
professionnel.
5. Le revenu professionnel (revenu universitaire + revenus accessoires)
Décomposition du revenu professionnel moyen par groupe de disciplines et par corps en 1989 (a)
|
Droit, économie, gestion |
Sciences humaines |
Lettres |
Sciences |
Médecine
|
Odontologie
|
Assistants
|
181 500
|
131 800
|
134 100
|
158 700
|
-
|
-
|
Maîtres de conférences
|
245 800
|
214 400
|
218 800
|
181 500
|
315 000
|
556 000
|
Professeurs
|
377 200
|
278 200
|
245 800
|
272 700
|
585 400
|
533 000
|
(a) Pour
le calcul de ces moyennes, ont été exclues quelques situations
particulières auxquelles correspondent des revenus accessoires
exceptionnellement élevés (moins de 0,2 % des enseignants).
|
Afin de
revaloriser la carrière des enseignants-chercheurs du point de vue
pécuniaire, le rapport Durry fait deux recommandations.
1) Tout d'abord, mettre en place un système de primes décent
composé :
- d'une prime représentant 25 % du traitement annuel, appelée
« indemnité forfaitaire d'enseignement et de
recherche », versée à tous les enseignants, sauf
à ceux qui seraient « cumulants »
(c'est-à-dire les enseignants qui ou bien cumulent des emplois au sens
du décret de 1936, ou bien ont une profession secondaire, comme la
profession d'avocat, ou bien exercent une activité secondaire seulement
à temps partiel mais permanente) ;
- d'une prime représentant 5 % du traitement de base annuel,
appelé « prime de recherches
exceptionnelles » : son attribution dépendrait de la
décision d'un organe national qualifié ou d'un organe local mais
d'une localité différente de celle du demandeur ;
- d'une « indemnité pour sujétions universitaires
spéciales », d'un montant global de 2 % de la masse salariale,
attribuée aux enseignants qui jouent un rôle
particulièrement actif dans le bon fonctionnement d'une
université : elle pourrait concerner 25 % des enseignants d'un
établissement, qui percevraient chacun une prime d'un montant de 8 % de
leur salaire ; le président de l'université ou les
directeurs d'UFR procéderaient à la répartition de cette
prime.
De plus, il faudrait revaloriser les indemnités de fonctions (directeur
d'UFR, président d'université...) : celle de
président d'université, qui est de 700 francs mensuels, devrait
passer à 5.000 francs.
2) Ensuite, les heures complémentaires devraient être
revalorisées : l'heure complémentaire devrait être
payée 600 francs.
Le
rapport Quénet
dresse le bilan de la réforme du
système des primes faite en février 1990, qui s'est traduite,
d'une part, par la revalorisation de la prime de recherche qui atteint
désormais un montant de 6.000 francs par an, et, d'autre part, par la
création de primes différenciées par type
d'activités, exclusives l'une de l'autre : la prime
pédagogique, la prime d'encadrement doctoral et de recherche,
et les primes d'administration ou de charges administratives.
Les deux dernières primes semblent légitimes à l'auteur du
rapport : elles se justifient par l'exercice de fonctions lourdes et
contraignantes, et ne doivent donc pas être remises en cause. De
même, la PEDR doit être conservée, et elle devrait
même pouvoir être conservée en cas d'exercice de charges
administratives et être cumulée avec une prime de charge
administrative plafonnée.
L'auteur se montre en revanche beaucoup plus critique à l'égard
de la prime pédagogique. Celle-ci est accordée à des
universitaires qui s'engagent à assurer pendant quatre ans des heures
d'enseignement supérieur à l'exclusion des DEA ou des formations
doctorales, à raison d'un demi-service pour les maîtres de
conférences et de deux tiers de service pour les professeurs. Cette
prime constitue pour l'auteur du rapport une reconnaissance officielle de
l'abandon par un enseignant de son activité de recherche et ne
paraît donc pas conforme au statut des enseignants-chercheurs. La
rémunération à un taux convenable des heures
complémentaires devrait suffire à assurer la contrepartie
naturelle de ce type de choix.
B. LA CHARGE DE TRAVAIL
Le
rapport Quermonne
insiste sur le déséquilibre
observé dans l'encadrement des étudiants. Ce préjudice
touche principalement les établissements nouvellement
créés, à l'exception des IUT, car ils sont
bénéficiaires, depuis leur origine, d'une norme d'encadrement.
Cela concerne donc des centres universitaires créés dans les
années 1960, et surtout depuis 1968, mais également certaines UER
dans des établissements préexistants. Par ailleurs, des rentes de
situation continuent à favoriser plusieurs établissements
traditionnels.
Entre disciplines, le déséquilibre est encore plus grand :
les emplois affectés aux disciplines juridiques, politiques,
économiques et de gestion couvrent seulement 54 % de ces charges. Les
pourcentages sont de 79 % en lettres, et de 105 % en sciences. En droit, la
capacité d'enseignement représentée par le service des
professeurs n'atteint que 36 %.
Du coup, on compte par ordre décroissant de taux d'encadrement un
enseignant pour 55 étudiants en droit, un enseignant pour 32
étudiants en lettres, un enseignant pour 11,4 étudiants en IUT,
et un enseignant pour 11 étudiants en sciences.
Pour remédier à cette grave difficulté, l'auteur du
rapport propose que soit créée une instance de prévision
et de régulation auprès de la direction générale
des enseignements supérieurs, afin qu'elle établisse des
propositions dans une triple direction :
- par le jeu combiné des créations d'emplois nouveaux et du
remboursement des emplois libérés par les mises à la
retraite, elle devrait programmer, au long des décennies 1980 et 1990,
un mouvement synchronisé tendant à renforcer l'encadrement des
établissements sous-encadrés et à alléger celui des
établissements sur-encadrés ;
- opérer un rééquilibrage du même ordre entre
disciplines, formations, et spécialités ;
- instituer auprès des laboratoires ou des équipes de recherche
les plus qualifiés des postes d'accueil destinés à
enrichir le potentiel scientifique des universités.
Le
rapport Durry
s'étend moins sur les difficultés
liées à la faiblesse des taux d'encadrement. En revanche, il
pointe les difficultés liées aux charges croissantes qu'ont
à supporter les enseignants-chercheurs : préparation des
cours, correction des copies, jury des examens, direction des travaux de
recherche, jury de thèse, lecture régulière de la
littérature...
En plus de l'activité d'enseignement, il faut prendre en compte
l'activité de recherche (part prépondérante dans
l'évaluation) : la grande majorité des équipes de
recherche reconnues par le CNRS, tous statuts confondus, est dirigée par
des universitaires (dans le secteur des sciences de l'homme et de la
société, sur les 638 formations propres du CNRS ou
associées, 404 sont dirigées par des universitaires). La
majorité des distinctions scientifiques accordées à des
chercheurs (médailles Fields, prix des différentes
académies de l'Institut de France, médailles du CNRS) est
attribuée à des universitaires. Toutes les grandes
universités scientifiques et techniques ont passé des contrats de
recherche avec des entreprises publiques ou privées.
Enfin, il faut prendre en compte toutes les contraintes
administratives (qui ont augmenté du fait de l'arrivée
massive de nouveaux étudiants) : création de nouvelles
filières (DESS, DEUG rénovés, DEUST,
magistères...) ; recherche des entreprises pour les
stagiaires ; collecte de la taxe professionnelle ; participation aux
conseils d'administration, aux conseils scientifiques, aux conseils des
études et de la vie universitaire, aux commissions de
spécialistes...
Pour que les enseignants-chercheurs puissent quand même continuer
à avoir une activité de recherche, le rapport Durry propose que
soient créés des congés pour recherches ou conversions
thématiques : tous les sept ans, possibilité serait ainsi
ouverte d'obtenir un semestre ou une année sabbatique.
Le thème des charges croissantes, conséquence de l'enseignement
de masse, est repris dans le
rapport Quénet
, qui souligne que les
enseignants-chercheurs ont d'ores et déjà de plus en plus de mal
à faire figurer la recherche parmi leurs préoccupations
prioritaires. L'auteur du rapport cite un rapport du CNE qui semble indiquer
que de grandes inégalités continuent d'exister quant au recours
aux heures supplémentaires : le nombre moyen d'heures
supplémentaires par enseignant permanent peut en effet s'établir
à 26 heures dans une université et à 100 heures dans une
autre.
Pour l'auteur, il serait souhaitable de faciliter l'alternance entre des
périodes d'enseignement et de recherche, de recherche à temps
plein, d'enseignement accompagné de tâches administratives
lourdes, d'enseignement ou de recherche accompagné de tâches de
diffusion de la connaissance ou de valorisation.
C. CONCLUSION SUR LA CONDITION DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS :
L'ENQUÊTE QUALITATIVE DU CERC
Les thèmes suivants ressortent des entretiens que le CERC a menés
auprès d'un échantillon d'enseignants-chercheurs :
- précarité des rémunérations et
bénéfice irremplaçable d'une extraordinaire
liberté ;
- imbrication et fécondation réciproque de l'enseignement et de
la recherche ;
- poids croissant du nombre et des charges ;
- crainte d'une division interne de l'université en secteurs
secondarisés et îlots préservés ;
- caractère souvent ubuesque de l'organisation universitaire et de ses
fonctionnements quotidiens ;
- sentiment d'une non-reconnaissance sociale que redouble le blocage des
carrières en jetant la suspicion sur l'ensemble des procédures
internes d'évaluation ;
- faible capacité organisationnelle des universités et des
départements dans la gestion des biens et des personnels, marquée
notamment par la carence extrême des infrastructures en moyens de
fonctionnement et en personnel intermédiaire (secrétaires,
techniciens), et aboutissant à un gâchis
généralisé de compétences. Pour beaucoup,
l'amélioration des conditions d'activité universitaire devrait
passer par l'embauche massive de personnels spécialisés ;
- le poids de moins en moins contrôlé du nombre des
étudiants aboutit à transformer l'activité
pédagogique normale en une accumulation incompressible de charges
annexes ;
- le rétrécissement du temps effectivement consacré
à la recherche et la frustration permanente de ne pouvoir mener à
bien des travaux nécessitant une concentration et un investissement
incompatibles avec le harcèlement quotidien des charges d'enseignement
et d'administration.