I. LA RECONSTITUTION D'UN « VIVIER » : UNE RÉUSSITE QUI S'ESSOUFFLE
Si la faiblesse du rôle de pilotage du ministère de l'éducation nationale vis-à-vis du système universitaire est visible à plusieurs niveaux, une exception de taille concerne la politique mise en oeuvre par l'Etat afin de créer les conditions de réapparition d'un vivier pour l'enseignement supérieur à la fin des années 1980 35( * ) , lorsque se produisit le gonflement brutal du nombre d'étudiants engendré par la volonté politique de porter 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac. Votre rapporteur tient à replacer l'émergence de cette politique dans son contexte historique, car elle illustre une difficulté permanente de fonctionnement du système français de recherche.
A. LE TARISSEMENT DU VIVIER À LA FIN DES ANNÉES 1970 ET LE PROBLÈME DES « HORS-STATUT »
1. La pénurie d'universitaires...
Le
« ticket d'entrée » dans l'enseignement
supérieur est la thèse de doctorat
35(
*
)
qui doit démontrer l'aptitude
du candidat à mener un travail personnel de recherche. Cette
thèse est fréquemment préparée dans le cadre d'un
laboratoire universitaire et soutenue en toute hypothèse devant un jury
universitaire, l'université ayant le monopole de la collation des
grades, même si ce droit a été récemment ouvert
à une quarantaine d'autres établissements.
C'est donc au sein
des universités et d'elles seules que sont formés à la
recherche et par la recherche les futurs enseignants et chercheurs.
Deux
problèmes sont alors à résoudre si l'on veut que ce
système de formation soit attractif pour les meilleurs.
Le premier est celui d'une rémunération minimale pour le
thésard. Mais si cette rémunération est assurée sur
fonds publics,
comment éviter qu'elle ne se transforme en un droit
automatique à devenir fonctionnaire à vie
? Plus la
durée de préparation de la thèse et des concours
d'entrée dans l'enseignement supérieur est longue, plus ce risque
s'accroît.
Le second est celui d'élargir le recrutement des troisièmes
cycles universitaires dans un système dual d'enseignement
supérieur, partagé en France entre des universités
ouvertes en principe à tous, et des grandes écoles ayant le droit
de sélectionner leurs étudiants Dans la pratique, les bons
étudiants de 3
ème
cycle des grandes universités
scientifiques proviennent plus souvent des grandes écoles que des
1
ers
et 2
èmes
cycles de ces universités...
Or, lors de la période des grands recrutements des années
1965-1975, le vivier était formé d'assistants de faculté
recrutés après seulement une année de 3
e
cycle.
En droit, les aspirants à l'enseignement supérieur étaient
nommés assistants contractuels de faculté pour une durée
d'un an renouvelable quatre ou cinq fois, soit pour la durée moyenne de
la thèse. En lettres, le vivier était constitué
essentiellement par des agrégés du second degré se
lançant dans la longue préparation d'une thèse de doctorat
d'Etat en dix ans et plus, et accueillis le cas échéant sur des
postes d'assistants de faculté ou d'attachés du CNRS. En
sciences, enfin la pénurie d'enseignants était telle que de
jeunes licenciés furent directement nommés sur des postes
d'assistants titulaires !