G. AUDITION DU PROFESSEUR PIERRE BEY, PRÉSIDENT DU RÉSEAU DE SOINS COORDONNÉS EN CANCÉROLOGIE DE LA RÉGION LORRAINE (ONCOLOR) ET DU DOCTEUR HERVÉ GARIN, RESPONSABLE DU SYSTÈME D'INFORMATION D'ONCOLOR
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Nous allons maintenant entendre le professeur Pierre Bey.
Professeur, pourriez-vous nous présenter l'organisation, le statut juridique, les moyens et les missions du réseau de soins coordonnés ONCOLOR ? Pourriez-vous également nous décrire le système d'informations utilisées dans le cadre du réseau ? Ce système est-il ouvert sur des correspondants extérieurs ? Si oui, lesquels et selon quelles modalités ?
Pr. Pierre BEY - Le réseau ONCOLOR est un réseau inter-établissements (publics, PSPH, privés) ouvert sur la médecine ambulatoire, concernant toute la région Lorraine et tous les établissements ayant une activité en cancérologie. La Lorraine compte 2,3 millions d'habitants et a enregistré en 1995 11.000 nouveaux cas de cancer et 6.000 décès par cancer.
Dès juin 1993, les objectifs ont été définis par un groupe de 6 médecins, dont Mme le professeur Sommelet. Ces médecins appartiennent à des structures hospitalières diverses exerçant en milieu libéral. Les objectifs du réseau sont ceux de tous les réseaux de soins en général, et de cancérologie en particulier. Ils visent d'une part à généraliser une prise en charge de qualité adaptée à chaque patient selon les données acquises de la science, et ce dès la première prise en charge, et d'autre part à fournir une valeur ajoutée par une utilisation optimale des moyens humains et techniques au bénéfice des patients.
Les objectifs du réseau ONCOLOR sont les suivants.
L'aide à l'organisation est le premier objectif qui a consisté à organiser les lieux de prise en charge graduée de manière à permettre une meilleure lisibilité de nos actions. Nous avons alors défini des cahiers des charges, spécifiant :
- des sites hautement spécialisés, ayant tous les moyens techniques et humains pour prendre intégralement en charge les patients ;
- des sites spécialisés, disposant des moyens techniques et humains pour la prise en charge standard en chirurgie, en chimiothérapie et en soins de suite ;
- des sites associés, dotés des moyens techniques et humains suffisants pour la chirurgie standard ou les soins de suite.
Par ailleurs, des conventions et des chartes ont été signées. Entre 1993 et 1998, les établissements ont pu se mettre en conformité avec les cahiers des charges afin qu'ils puissent faire acte de candidature en 1998. Des audits ont eu lieu avec des auditeurs extérieurs à ces sites et à la région en 1998 et en 1999. L'agence régionale de l'hospitalisation a reconnu en 1999 quatre sites hautement spécialisés (deux publics et deux privés). Aucun des établissements de la région n'avait la capacité à lui seul d'être un site hautement spécialisé. 15 sites spécialisés ont été reconnus. 23 sites ont été considérés comme des sites associés, une moitié d'entre eux pratiquant la chirurgie et l'autre moitié pratiquant les soins de suite. Un cinquième et le dernier site hautement spécialisé est prévu en 2001. Situé à Épinal, ce site présente une structure plus complexe que celle des autres établissements dans la mesure où il s'apparente à un mélange public-privé. Une deuxième série d'audits aura lieu en 2002 et concernera les dossiers médicaux, qui constituent un point sur lequel tous les partenaires se sont engagés. L'accréditation ANAES sera peut-être effectuée d'ici la fin 2002.
Vous nous avez demandé de préciser ce que nous souhaitions. À cet égard, je citerai notre volonté de garder une liberté de s'adapter aux particularités régionales : les réseaux ont tous la même finalité, seuls les chemins pour y arriver sont différents. En effet, les actions réalisées en Lorraine ne sont sans doute pas systématiquement applicables dans d'autres régions de France. Ainsi, la répartition des sites est liée à la localisation de la population. Les sites hautement spécialisés se situent sur l'axe nord-sud de la région, alors que les sites spécialisés sont répartis dans toute la région.
La pratique de la chimiothérapie a été un élément déterminant et correspond à une véritable démarche qualité. Nous avons limité la pratique de la chimiothérapie aux sites hautement spécialisés et aux sites spécialisés. Pour ces derniers, elle est limitée à l'hôpital de jour et à deux services par hôpital. Le cahier des charges prévoyait une unité obligatoire de reconstitution centralisée des chimiothérapies qui représente une assurance de la qualité pour la préparation du traitement et pour la protection des personnels. Il n'y avait que sept établissements qui disposaient d'unités de ce type en 1997, contre 28 actuellement sur les 30 qui composent les sites hautement spécialisés et spécialisés. Un programme d'assurance qualité a par ailleurs été mis en place par les pharmaciens, qui ont fourni un travail très important au sein du réseau.
En ce qui concerne les soins continus et la prise en compte de la douleur, des problèmes psychologiques, de la nutrition et des soins palliatifs, un niveau minimum d'exigences par site est inscrit dans le cahier des charges. Une enquête régionale a été prévue pour les soins palliatifs et la prise en compte de la douleur. Dans le domaine de la chimiothérapie, un logiciel commun adapté avec un paramétrage réalisé par mutualisation est opérationnel.
Nous souhaitons un financement spécifique pour les molécules onéreuses. Certes des déclarations ont été faites en ce sens. Nous savons toutefois que la traduction dans les régions est tout à fait variable. Elle sera effective en Lorraine.
En matière de soins continus, il serait souhaitable d'adapter les moyens aux besoins, qui sont importants. Il faut en particulier valoriser la consultation d'ancrage, c'est-à-dire celle au cours de laquelle le patient est informé de ce qu'il a et de la stratégie thérapeutique dont il va bénéficier, des effets secondaires attendus, des conséquences... Cette consultation dure au moins une heure. Or elle n'est actuellement pas valorisée comme elle devrait l'être.
L'aide à la pluridisciplinarité s'appuie d'une part sur les référentiels régionaux de pratique clinique constitués à partir des données acquises de la science (SOR) et de l'expertise régionale. Depuis décembre 1999, 350 médecins se sont impliqués dans des groupes de travail, 50 référentiels ont été validés et 25 sont en cours de finalisation. Il est prévu d'une part que 80 % des référentiels soient accessibles à tous les soignants en juin 2001, et d'autre part que la maintenance et l'actualisation des référentiels soient mises en place avant la fin de l'année. Il est souhaité que soient renforcées la valorisation de la participation des praticiens -du privé et du public- et l'accessibilité à l'ensemble des acteurs de la santé.
Cette aide s'appuie également sur l'organisation des comités de concertation pluridisciplinaire (CCP) pour les cas hors référentiels. Ces comités existent d'ores et déjà dans la plupart des sites hautement spécialisés. Nous sommes en train de finaliser la procédure de recours par tous les acteurs du réseau. Nous avons donc prévu une ouverture formalisée à l'ensemble des sites pour le 1 er septembre 2001. Actuellement, 40 réunions de CCP sont organisées dans les sites hautement spécialisés. Ce travail représente des dizaines d'heures de fonctionnement. Il faut savoir qu'un CCP comporte un radiothérapeute, un oncologue médical, un chirurgien, un anatomopathologiste, un radiologue et un spécialiste d'organe, en réunion physique.
Nous souhaitons une valorisation de la participation aux CCP, et ce aussi bien dans les établissements privés que publics. Dans le centre régional de lutte contre le cancer, dix comités sont organisés chaque semaine. Ce travail représente l'équivalent de deux médecins à temps plein. Or ceci ne fait pour le moment l'objet d'aucune valorisation. De plus, dans le privé, l'acte intellectuel n'est pas valorisé si le patient n'est pas présent ou si aucun geste technique n'est effectué, alors que ce type de travail est tout à fait déterminant pour l'avenir des patients. Cette mesure est urgente, mais nous rencontrons actuellement beaucoup de difficultés pour obtenir cette reconnaissance.
Beaucoup a été fait au cours des dernières années en matière de formation continue de tous les acteurs de la santé, notamment à travers des diplômes d'université pour les médecins. En recherche clinique, deux essais régionaux ont été initiés en 2001. Pour cette même année, nous avons prévu la formation des infirmières -sur cinq jours-, et la formation des pharmaciens et des préparateurs en pharmacie. Ces formations seront renouvelées autant de fois que nécessaire. Il est prévu à long terme une structure régionale facilitante pour la recherche clinique. Nous souhaitons que soient adaptées à la fois les formations initiales aux besoins de demain, mais également les modalités de financement de la recherche clinique, qui représente une source de progrès et de qualité des soins.
Le réseau fonctionne avec une structure de coordination mise en place par l'ARH. Dans cette structure, figure le petit noyau dur de praticiens présents dès le début de cette initiative. En janvier 2000, nous avons créé une association loi 1901, qui a permis de mettre en place un bureau élu et de bénéficier des fonds de l'assurance maladie. Dans la pratique, le réseau et l'association ont une structure commune avec une assemblée générale et un conseil d'administration. L'agrément de la convention constitutive par l'ARH a eu lieu le 28 juin 1998. Le réseau est inscrit dans le SROS 1 et 2.
Le budget 2001 est structuré de la façon suivante :
- 1,5 million de francs de l'ARH, qui a joué un rôle majeur dans la constitution du réseau ;
- 0,2 million de francs des cotisations des établissements ;
- 0,1 million de francs de l'assurance maladie ;
- 0,85 million de francs du FAQSV -uniquement pour 2001- destinés à la rédaction des référentiels.
Actuellement, la logistique est assurée par le centre régional de lutte contre le cancer, qui met à disposition des bureaux sans lesquels le réseau ne pourrait fonctionner. Nous sommes dans une situation difficile puisqu'il y a une double comptabilité. En effet, l'ARH verse l'argent au CRLCC, alors que l'assurance maladie, les membres et le FAQSV versent l'argent à l'association. Cette situation gênante sur le long terme devra évoluer. Nos souhaits portent sur la simplification juridique, sur un engagement de l'assurance maladie, qui fait preuve d'une frilosité gênante et sur le décloisonnement des modes de financement.
Dr Hervé GARIN - Le système d'information a été intégré dans la conception du réseau dès les premiers travaux réalisés en 1993, et plus spécifiquement lors de l'écriture de la convention constitutive. Les systèmes d'informations sont des outils très structurants, tant pour le fonctionnement du réseau que pour son évaluation. Cet outil est à disposition de l'ensemble des partenaires concernés par le réseau, c'est-à-dire les professionnels, les autorités de tutelle, les usagers et les patients.
Le système d'information du réseau a été structuré autour de trois fonctions.
- la fonction éditoriale
Cette fonction vise à transmettre des informations de type statique à l'ensemble des utilisateurs. ONCOLOR s'est appuyé sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il a donc été créé un site Internet, qui met à disposition des utilisateurs des référentiels, des annuaires, une revue de presse et une présentation des membres.
- la fonction conversationnelle
Consistant à transmettre des messages de point à point, cette fonction concerne le patient pris au niveau individuel. Nous sommes encore au stade de la définition du projet. Soutenue par l'ARH, une réflexion régionale a donc été organisée afin d'identifier les principes d'échange de données médicales concernant les patients.
- la fonction transactionnelle
Cette fonction permet de mieux structurer des données, en particulier dans un objectif d'évaluation. Le PMSI a désormais été généralisé aux établissements privés et publics. Un travail d'harmonisation régionale des principes d'analyse de l'activité de cancérologie a été présenté et diffusé dans le cadre notamment des actions réalisées à un niveau national.
En ce qui concerne les projets à venir, des actions sont en cours de réflexion pour chacune des trois fonctions du système d'information.
- la fonction éditoriale
Nous avons prévu d'étendre les fonctionnalités du site Internet, à travers les fonctions plus interactives et un accès plus opérationnel adapté aux professionnels et aux autres utilisateurs. Dans ce domaine, le fait important est que le site, et notamment les référentiels, sera ouvert au public. Une partie du site sera toutefois uniquement accessible aux professionnels.
- la fonction conversationnelle
Nous avons prévu une étiquette standardisée régionale, qui permettra d'appliquer la réflexion théorique. A ce jour, 40 établissements sont prêts à utiliser ce format d'échange. Bien sûr, dans la mesure où il s'agit de données médicalisées, la sécurisation du système doit être mise en place. Nous prévoyons actuellement un système de transmission de point à point. En effet, contrairement à beaucoup de réseaux qui se sont engagés dans une réflexion sur un dossier commun partagér, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une hypothèse valide à l'échelle d'un réseau régional comme ONCOLOR.
- la fonction transactionnelle
D'ores et déjà annoncé par les autorités nationales, nous avons prévu un chaînage PMSI, basé sur une exploitation des numéros de sécurité sociale qui seront rendus anonymes. Il reste néanmoins le problème des champs non couverts, et particulièrement importants en cancérologie, c'est-à-dire les activités ambulatoires et spécifiques qui ne sont pas reconnues, notamment lorsque le malade n'est pas présent. Toutes les activités de coordination de réseau et de participation des professionnels de vie du réseau ne sont bien sûr pas intégralement couvertes par le système d'informations.
Nous avons divers souhaits à formuler :
- la fonction éditoriale
Nous souhaitons qu'une politique active en matière de diffusion d'informations et de formation aux nouvelles technologies permette une réelle accessibilité, tant technique que sociale, et ce à la fois aux médecins et aux professionnels de santé et à l'ensemble des usagers.
- la fonction conversationnelle
Dans ce domaine, tous les réseaux se posent la question de la nécessité d'avoir une approche par patient. Ils s'interrogent donc sur l'existence et la possibilité d'utiliser un éventuel identifiant commun, et ce pourquoi pas à un niveau national. Enfin, nous souhaitons que les nouvelles technologies deviennent une réalité opérationnelle dans les établissements de santé mais également dans les cabinets médicaux et chez les autres professionnels de santé.
Dans le cadre de la fonction transactionnelle, nous souhaitons disposer d'un chaînage au niveau des patients qui permettrait une activité d'analyse conduite par le réseau faisant davantage appel à l'intelligence humaine. En faisant du patient le centre du système d'information, nous espérons mieux connaître l'activité des réseaux.
Pr. Pierre BEY - Vous nous avez demandé comment nous envisagions l'avenir des réseaux en cancérologie. Nous avons résumé notre réponse en quelques mots clés.
Aujourd'hui, marqués par un certain effet de mode, un certain nombre de réseaux voient le jour. Or il ne faut pas oublier que les réseaux ne survivront que s'ils présentent une véritable valeur ajoutée par rapport à l'existant. Le travail actuel porte essentiellement sur l'organisation des soins. Demain, les réseaux pourraient être beaucoup plus globaux, assurant notamment une prise en charge totale des patients.
Si hier les structures hospitalières étaient caractérisées par le cloisonnement et la concurrence, la période actuelle est davantage marquée par la coopération et la complémentarité. Nous sommes toutefois encore loin de véritables mutualisation, coordination, facilitation et communication. Les hôpitaux français sont en effet très en retard dans les possibilités de communication entre eux.
D'acteurs individualistes, nous sommes passés à la bonne volonté et à la participation très largement bénévole. Les réseaux ne perdureront que si nous sommes capables d'aller vers une professionnalisation et une valorisation, qui constituent dans les systèmes privé et public une véritable urgence. Cette démarche suppose bien sûr une évaluation que nous devons mettre en place.
En ce qui concerne les modalités de la pratique médicale partant de l'éminence based medicare, nous entrons désormais dans une médecine basée sur les preuves scientifiques, dont l'utilisation doit être impérativement intelligente si nous ne voulons pas connaître quelques effets pervers de cette orientation. Cette médecine doit être adaptée à chaque patient. Ainsi, les systèmes mis à la disposition des praticiens ne doivent, en aucun cas, être utilisés en l'état et d'une façon dictatoriale automatique.
Quant aux patients, dépendants autrefois, ils sont désormais mieux informés, sans toutefois jouer le rôle de partenaires qui sera le leur dans ces réseaux du futur.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Je vous remercie. Selon vous, les réseaux de soins en cancérologie apportent-ils une réponse aux inquiétudes de la Cour des comptes en ce qui concerne les carences de la politique de lutte contre le cancer dans notre pays, et notamment sur l'orientation opaque et aléatoire du malade, sur l'absence de coordinations des soins, sur le cloisonnement entre, d'une part le secteur public et le secteur privé, et, d'autre part entre la médecine générale et la médecine spécialisée, et enfin sur le manque de cohérence entre la médecine de ville et l'hôpital ?
Pr. Pierre BEY - Un réseau tel que celui que nous avons pu mettre en place dans la région Lorraine ne représente probablement pas une réponse universelle. En effet, notre région est loin d'être représentative de toutes les régions françaises puisque les situations de concurrence sont limitées, le secteur libéral est regroupé autour de deux cliniques importantes et enfin, parmi les quinze sites spécialisés, ne figure aucun établissement privé à but dit lucratif.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Ce dispositif permet toutefois de prendre en compte l'un de vos souhaits, consistant pour les régions à conserver la possibilité de s'adapter à leurs particularités.
Pr. Pierre BEY - Ce point est effectivement important, car je pense que notre réponse n'est pas applicable en Ile-de-France ou en PACA.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Je vais vous poser la même question qu'au représentant du réseau précédent. D'une manière générale, et au regard de votre expérience, quelles modifications conviendrait-il d'apporter, en priorité, aux cadres juridique (ordonnance de 1996, circulaire de 1998), administratif (SROS, rôle de l'ARH) et financier dans lesquels sont actuellement organisés les réseaux de soins coordonnés
Pr. Pierre BEY - Cette question est vaste. Je dirais tout d'abord que pendant un an nous avons fait une tentative auprès de la commission Soubie qui s'est traduite par un véritable échec. En lisant les deux ordonnances, nous avons l'impression que chacun a travaillé de son côté sur la question des réseaux. Ce texte n'est absolument pas adapté. Une modification importante serait le décloisonnement entre le financement de la médecine de ville et celle des établissements hospitaliers. La situation actuelle est particulièrement difficile à vivre en pratique puisque nous nous usons à trouver des financements d'un côté ou de l'autre. Ce système est profondément archaïque.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Pensez-vous à d'autres actions prioritaires dans le domaine de la lutte contre le cancer ?
Pr. Pierre BEY - Elles sont nombreuses. Nous avons tous vécu l'annonce d'un « plan cancer » comme une bonne nouvelle, puisque nous étions nombreux à réclamer une véritable politique de lutte contre le cancer. Il est en effet du ressort de l'Etat de définir des objectifs généraux, qui dans un second temps doivent être appliqués par les différentes structures.
Ces annonces doivent toutefois être suivies des moyens correspondant aux objectifs. Si une enveloppe de 500 millions de francs est allouée à la chimiothérapie, il est important que cette somme soit effectivement utilisée dans ce domaine. Ceci n'est pas toujours le cas actuellement.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Pensez-vous que la nécessité au niveau national d'une agence ou d'un institut de lutte contre le cancer soit réelle ?
Pr. Pierre BEY - Tout dépend de la mission assignée à cet institut. La définition des objectifs est du ressort du Gouvernement. Un institut est probablement nécessaire pour développer la recherche et l'innovation, qui dépendent en grande partie aujourd'hui de fonds non gérés par l'Etat. Je suis favorable à un institut qui aide. Mais je le suis moins pour un institut définissant la mise en oeuvre de la politique nationale au niveau régional.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - La direction de la santé pourrait alors disposer d'une branche et ainsi prendre en main les actions de coordination, qui font actuellement défaut.
Pr. Pierre BEY - Absolument. Il me semble en effet souhaitable qu'une instance nationale soit chargée de ces questions.
M. Claude HURIET, président de la mission - Sur ce point, la réponse de Pierre Bey est tout à fait logique. L'idée d'un institut, qui a été évoquée à plusieurs reprises aujourd'hui et qui sera sans doute évoquée ultérieurement, risque de n'être considérée que comme une sorte de substitut à une DGS qui n'a ni les moyens ni la capacité technique, ni la volonté politique de jouer un rôle de définition de politique.
A propos de la régionalisation, pourrait-on concevoir que le niveau pertinent d'une carte sanitaire des équipements lourds puisse être régional ? A cet égard, l'exemple des Pet-Scan avait été évoqué il y a deux ans. Il nous avait été dit que ces appareils étaient une source d'économie et que pour certaines indications médicales, ils permettaient d'éviter certaines interventions inutiles parce que dépassées. Est-ce que cet argument peut être confirmé ? Une réflexion est-elle conduite sur la capacité d'une région à mieux apprécier qu'au niveau central les coûts et les bénéfices pour les malades ?
L'organisation en Lorraine est de type inter-établissements. Elle est donc sensiblement différente de celle du réseau ONCORA. Ce choix organisationnel correspond-il au choix des fondateurs du réseau ONCOLOR ? Face à un tel dispositif, quelle est la position des médecins généralistes ?
Quelle est l'attribution de l'unité centralisée de reconstitution ? Qu'est-ce qu'une procédure de recours ?
Pr. Pierre BEY - La procédure de recours permet le recours aux comités de concertation pluridisciplinaire, réunions « physiques » de médecins de spécialités différentes étudiant des cas non prévus par les référentiels, et nécessitant par conséquent de mettre en commun des savoirs en temps réel. Actuellement, ces comités fonctionnent essentiellement dans les sites hautement spécialisés pour les patients qui ont été vus dans ces sites. Désormais, ces comités seront ouverts à l'ensemble des sites spécialisés de toute la région. Ce dispositif permet de se rapprocher d'un dossier médical minimum. L'objectif est que l'on consacre le temps nécessaire, mais sans excès, à ces prises de décision.
Jusqu'à récemment, les médicaments anticancéreux étaient préparés extemporanément dans chaque unité où les patients étaient pris en charge pour la chimiothérapie. Cette situation présentait deux inconvénients. Le premier était que l'on gâchait une certaine quantité de produits lorsque la dose nécessaire ne correspondait pas au flaconnage. Le second inconvénient était que le personnel était exposé à des produits à fort pouvoir mutagène. Cette situation explique la généralisation, depuis quelques années, d'unités centralisées dans lesquelles ces médicaments sont préparés pour tout l'hôpital ou pour tout un secteur de celui-ci. Un tel dispositif permet à la fois de prendre des précautions particulières mettant le personnel à l'abri des expositions, d'éviter des erreurs et de réaliser des économies, puisque les flacons sont immédiatement réutilisés. Ce type d'unités constitue donc un grand progrès par rapport à l'existant.
Nous savons que les patients atteints de cancer sont pris en charge dans le système hospitalier, public ou privé. L'égalité des chances suppose une organisation très précise entre les établissements. Le réseau ONCOLOR est donc clairement de type inter-établissements. L'ouverture sur l'extérieur est réelle mais difficile à formaliser. Nous pensons que les médecins généralistes doivent être associés autour de chacun des sites. La relation est donc de proximité, et non pas régionalisée sauf pour l'accès à la connaissance.
Enfin, il me semble que le choix d'implantation des équipements lourds dans une politique concertée du traitement du cancer pourrait être régionalisé. Les autorisations d'accélérateurs, encore du domaine ministériel, pourraient être décentralisées.
L'utilisation du Pet-Scan pour le cancer broncho-pulmonaire représente la meilleure indication de son efficacité, puisque cet appareil permet, à travers une meilleure connaissance de l'extension ganglionnaire dans le médiastin, d'éviter des interventions inutiles et donc de limiter à la fois les coûts de ces opérations et la souffrance des patients. L'organisation et l'implantation de ces appareils sont tributaires des cyclotrons fabriquant le 18FDG à durée de vie courte. Le projet visant à installer un cyclotron dans la région de Nancy a été accepté. Certains établissements des cinq villes de l'inter-région nord-est seront donc équipés en Pet-Scan. Une évaluation de ce projet a été mise en place par l'Ecole de santé publique de Nancy.
M. Lucien NEUWIRTH, rapporteur - Je vous remercie pour cette intéressante démonstration.