AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
« La politique de lutte contre le cancer est victime de l'indifférence de l'opinion publique et de l'apathie des pouvoirs publics. » 1 ( * ) Tel est le diagnostic, sans concession, dressé par l'une des personnalités auditionnées par la mission d'information sur la politique de lutte contre le cancer.
Or, le cancer :
- est le principal défi auquel est confronté notre système de santé publique : avec 146.837 décès en 1997, les cancers représentent la deuxième cause de mortalité en France derrière les affections cardio-vasculaires, soit environ 28 % des décès. Depuis 1989, les cancers sont, dans notre pays, la première cause de mortalité pour les hommes ;
- n'est pas une fatalité : selon les évaluations du Professeur Gérard Dubois 2 ( * ) , 42.000 morts par an seraient évitables par une politique de prévention et de dépistage adaptée.
Malheureusement, les travaux de la mission d'information ont confirmé le constat effectué par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000, en ce qui concerne les insuffisances de la politique de lutte contre le cancer dans notre pays. Trois constatations principales peuvent ainsi être établies, à savoir :
- la volonté affirmée des malades d'être désormais des acteurs « à part entière » de leur propre maladie ;
- une multiplicité d'acteurs, dont les incontestables capacités d'actions et d'initiatives sont, trop souvent, découragées par l'absence d'une volonté politique, seule capable de les coordonner et de les conforter en les inscrivant dans le cadre d'une priorité nationale de santé publique dont la responsabilité incombe à l'Etat ;
- un manque de moyens humains et financiers, qui se traduit, notamment, par une connaissance « brouillée » du mal à combattre, des inégalités dans l'accès aux soins et une insuffisance de l'effort de recherche.
Ce constat est déjà connu de tous.
Plutôt que de procéder à un nouvel inventaire des insuffisances de la politique française de lutte contre le cancer, la mission s'est donc attachée à définir les voies de l'avenir, et à identifier les différentes solutions lui paraissant appropriées pour surmonter ces insuffisances.
La mission estime ainsi que l'amélioration de la lutte contre le cancer dans notre pays passe, nécessairement, par l'augmentation des moyens qui lui sont actuellement consacrés.
Dans un contexte budgétaire nécessairement contraint, ceci ne pourra être obtenu que par un choix conscient et délibéré de la collectivité nationale afin de faire de la lutte contre le cancer La priorité d'une véritable politique de santé publique.
Les moyens supplémentaires ainsi définis devront, notamment, permettre à l'Etat, et, plus particulièrement, au ministère de la santé, d'assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes en ce qui concerne la définition, l'impulsion et la coordination d'une politique nationale de lutte contre le cancer.
Toutefois, la mise en oeuvre, par le ministère de la santé, des objectifs de cette politique devra, pour être efficace :
- s'inscrire dans le cadre d'une démarche contractuelle et décentralisée, afin, d'une part, de pouvoir associer l'ensemble des acteurs concernés et, d'autre part, de s'adapter aux réalités de terrain ;
- s'attacher à la réalisation de priorités nettement identifiées, afin d'éviter une dispersion excessive des moyens et des volontés préjudiciables à l'efficacité ;
- répondre aux interrogations et à l'angoisse du malade.
I. LE PROFIL DU « TUEUR » : LES PRINCIPALES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES SUR LE CANCER
Quelles sont les principales données épidémiologiques sur le cancer en France ? Si l'on se fonde sur ce qu'il serait souhaitable de connaître, tant pour mesurer l'évolution des risques que pour gérer le système de soins, les informations attendues portent évidemment sur la mortalité qui correspond à un effet grave de la maladie. On attend aussi des informations sur l'incidence , c'est-à-dire sur la fréquence de la survenue du cancer. Ces deux notions mortalité et incidence, permettent de surveiller le risque encouru par la population, et cette surveillance a deux objectifs principaux : - réaliser une surveillance au long cours permettant de décrire et d'expliquer les évolutions ; - avoir une fonction d'alerte en cas d'augmentation dans une fraction quelconque de la population. Il est aussi utile d'avoir des informations sur la survie des patients, ce qui permet de juger de l'efficacité globale de la prise en charge. Enfin, une mesure précise de la prévalence permet une approche des besoins en soins. Source : Docteur Pascale Grosclaude - Réseau français des registres de cancer. |
1. La place du cancer en France parmi les causes de mortalité
Avec 146.837 décès en 1997, les cancers représentent la deuxième cause de mortalité en France derrière les affections cardio-vasculaires, soit environ 28 % des décès.
Depuis 1989, les cancers sont en France la première cause de mortalité pour les hommes qui meurent 1,6 fois plus de cancer que les femmes. En 1997, ils représentent 88.703 décès (33 % des décès masculins) et se placent avant les maladies cardio-vasculaires. Chez la femme, les cancers sont responsables de 58.134 décès (23 % des décès féminins) et constituent la seconde cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires.
La répartition des décès par cancer en 1997
Les causes de décès par cancer les plus fréquentes sont par ordre décroissant en 1997 :
- le cancer du poumon avec 24.417 décès,
- le cancer de l'intestin avec 16.409 décès,
- le cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS 3 ( * ) : lèvre-cavité buccale, pharynx, oesophage et larynx) avec 11.448 décès,
- le cancer du sein avec 10.955 décès,
- le cancer de la prostate avec 9.345 décès.
Chez l'homme, le cancer le plus souvent responsable du décès est le cancer du poumon (23 %). Viennent ensuite les cancers des voies aérodigestives supérieures (12 %), le cancer de la prostate (11 %), les cancers colorectaux (10 %).
Chez la femme, le cancer le plus souvent responsable du décès est le cancer du sein (19 %), suivi des cancers colorectaux (13 %), puis du poumon (6 %), de l'ovaire (6 %), de l'utérus (5 %), du pancréas (5 %), de l'estomac (4 %), des leucémies (4 %), du cancer de la vessie (2 %), puis des voies aérodigestives supérieures (2 %).
* 1 Professeur Lucien IZRAEL, chef de service à l'hôpital Tenon (Paris).
* 2 Président du comité national de lutte contre le tabagisme.
* 3 Voies aériennes et digestives supérieures.