II. LE TRAITEMENT DES DEUX FOYERS APHTEUX DE FRANCE
A. DES MESURES PRISES AVEC CÉLÉRITÉ
Deux foyers aphteux sont apparus en France. Le premier dans la Mayenne, le 13 mars 2001, puis en Seine-et-Marne, le 23 mars 2001.
Ce nombre limité, au regard de l'expérience britannique doit beaucoup à la célérité et à la rigueur des mesures prises, dont on trouvera la chronologie dans le tableau ci-après :
CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES PAR LES AUTORITÉS FRANÇAISES CONTRE LA FIÈVRE APHTEUSE
21 février 2001 Une note d'information est envoyée aux services vétérinaires, aux transporteurs, aux douanes et aux professionnels. Les DSV reçoivent deux instructions visant à mettre en oeuvre le programme de pré-alerte fièvre aphteuse, à recenser et mettre sous séquestre les animaux des espèces sensibles importés du Royaume-Uni pendant les 30 derniers jours. 27 février 2001 En raison de la multiplication des foyers au Royaume-Uni, le ministre de l'Agriculture décide de procéder à l'abattage et à la destruction préventifs, de 10.000 animaux vivants et de détruire les carcasses des animaux déjà abattus. Des prélèvements sanguins sont réalisés avant l'abattage sur des échantillons d'animaux de chaque lot pour analyse par l'AFSSA. Des enquêtes épidémiologiques sont également réalisées afin d'identifier les exploitations susceptibles d'avoir été en contact avec ces animaux. Ces exploitations resteront sous surveillance. 28 février 2001 Il est décidé de procéder à l'abattage préventif et à la destruction des animaux des espèces sensibles français en contact avec les ovins importés du Royaume-Uni (30.000 ovins supplémentaires environ). 2 mars 2001 En accord avec les autorités irlandaises, interdiction préventive de l'importation des animaux des espèces sensibles en provenance d'Irlande, ainsi que des semences des ovules et des embryons d'animaux. Interdiction préventive, à compter du 6 mars, sur le territoire national du transport des animaux des espèces sensibles vers les centres de rassemblement, les marchés, les foires ou les expositions. 3 mars 2001 En raison de fortes suspicions dans une exploitation porcine belge (à 15 kilomètres de la frontière française), interdiction de tous les animaux des espèces sensibles provenant de Belgique ou ayant transité par ce pays jusqu'au 6 mars. 5 mars 2001 Suite à des résultats positifs sur des prélèvements sanguins effectués sur des ovins britanniques et en attendant une confirmation, des mesures préventives sont prises dans 9 exploitations des départements du Cher, de la Mayenne, de l'Oise, de la Vienne et de la Seine-St-Denis. Les mouvements des animaux sont interdits à titre préventif dans un périmètre de 10 km autour des exploitations concernées, qui sont séquestrées et isolées par des barrières sanitaires. Deux bovins en contact avec des lots d'ovins « positifs » dans le Cher sont euthanasiés et font l'objet de prélèvements (résultats négatifs). Le troupeau auquel appartenaient ces bovins est détruit. Le transport et la circulation des animaux sensibles sont interdits sur le territoire national pendant 15 jours. Le transport et la circulation des chevaux sont autorisés sous certaines conditions (définis par les services vétérinaires concernés). 6 mars 2001 Le Comité vétérinaire permanent réuni à Bruxelles prend de nouvelles mesures pour lutter contre l'épidémie de fièvre aphteuse qui sévit au Royaume-Uni : - interdiction pour deux semaines dans toute l'Union européenne du transport de bétail, sauf pour les transports aux abattoirs ou « de ferme à ferme », sous réserve de l'autorisation des autorités ; - interdiction pour deux semaines de tout rassemblement de bétail et de tous les marchés aux bestiaux dans l'Union européenne ; - prolongation jusqu'au 27 mars de l'embargo sur les animaux d'élevage britanniques et les produits dérivés, dont les produits laitiers. (L'embargo institué le 21 février est prolongé) ; - désinfection des roues de tous les véhicules en provenance du Royaume-Uni lors de leur entrée dans les autres pays de l'Union. 8 mars 2001 Mise sous surveillance de 8 exploitations suite à des résultats sérologiques positifs dans le Pas-de-Calais (4 exploitations), en Isère, en Loire-Atlantique, en Seine-Maritime et l'Aisne. 9 mars 2001 Seul un périmètre de 3 km (zone de protection) est maintenu autour des 18 exploitations concernées (11 départements). 12 mars 2001 Mise sous surveillance d'une nouvelle exploitation suite à des résultats sérologiques positifs dans le département de la Seine-et-Marne. 13 mars 2001 Détection du premier foyer de fièvre aphteuse (Mayenne). Abattage et destruction de 114 bovins. Le CVP prend des mesures concernant : - la Mayenne et l'Orne, où est interdite la sortie des animaux vivants des espèces sensibles, des viandes, des produits à base de viande et des produits laitiers n'ayant pas subi de traitements et élaborés après le 16/02 ; - le territoire national et continental (interdiction de l'exportation des animaux des espèces sensibles). Le CVP avait déjà interdit le 6/03 dans toute l'Union le transport des animaux vivants des espèces sensibles, exception faite des transports aux abattoirs ou de « ferme à ferme » soumis à l'autorisation. 19 mars 2001 Six exploitations dans 5 départements (Cher, Loire Atlantique, Mayenne, Rhône et Oise) demeurent sous surveillance (après levée de mesures suite à des résultats d'analyses complémentaires). 22 mars 2001 Suite à l'annonce de premiers foyers aux Pays-Bas, les animaux néerlandais introduits sur le territoire national depuis le 20 février sont recensés. Les élevages concernés sont placés sous surveillance. Des prélèvements sérologiques sont réalisés sur des animaux importés. Les animaux en provenance des régions à risque (Gelderland, Overijsel, Flevoland et Noord-Brabant), ainsi que ceux ayant été à leur contact sont abattus sur place et détruits. Conformément aux décisions communautaires, l'exportation des animaux des espèces sensibles, des semences, des ovules et des embryons de ces espèces ainsi que l'exportation de fumier et d'engrais organique en provenance des Pays-Bas est interdite depuis le 21 mars. 23 mars 2001 Second foyer de fièvre aphteuse (Seine-et-Marne). Les 100 bovins et 200 ovins de l'exploitation sont abattus et détruits. Une zone de protection et une zone de surveillance sont mises en place autour de l'exploitation. Le ministère de l'Agriculture étend les mesures concernant déjà l'Orne et la Mayenne, dans l'attente du CVP du 27/03, à l'ensemble du territoire national. 27 mars 2001 Le CVP proroge jusqu'au 2 avril l'interdiction d'exporter les animaux vivants et les produits non traités de façon à inactiver le virus aphteux, pour l'ensemble du territoire. A partir du 2 avril ces mesures de restrictions ne s'appliqueront qu'aux départements 77, 93 et 95. L'interdiction d'exporter des animaux vivants des espèces sensibles et leur génétique est maintenue jusqu'au 12 avril pour l'ensemble du territoire. |
Source : Ministère de l'agriculture - DGAl
1. Une étroite collaboration des acteurs intéressés
La récente crise aphteuse a été jugulée grâce à la célérité et à l'efficacité de l'action des institutions et des services intéressés :
- la Direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture (DGAl) qui s'est fortement impliquée dans la gestion des opérations et a créé une cellule de crise ad hoc ;
- le Comité vétérinaire permanent de l'Union Européenne avec lequel la DGAl a entretenu des contacts très étroits tout au long de la crise ;
- les préfectures, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et les directions départementales des services vétérinaires (DSV) ;
- les groupements de défense sanitaire (GDS) ;
- les vétérinaires sanitaires ;
- les représentants des exploitations agricoles.
S'agissant de l'action des GDS, on retiendra, à titre d'exemple, qu'entre février et avril 2001 le GDS de la Mayenne a mis en oeuvre l'équivalent de deux plein-temps annuels (2.900 heures de travail en six semaines), 17 salariés du GDS participant aux opérations, parcourant 33.120 km, utilisant 1.000 litres de formol, 1.500 litres de TH4, 2.000 litres d'acide citrique, 64 tonnes de soude. Le même GDS est intervenu pour :
- l'assistance pour l'abattage et l'incinération des cheptels détruits ;
- le décapage et la désinfection de sept exploitations différentes ;
- la décontamination des personnes et véhicules en sortie de site lors des opérations d'abattage et d'incinération ;
- la décontamination des véhicules sur les deux entrées principales du périmètre rapproché des 3 km) ;
- l'entretien en soude des 21 rotoluves disposés sur les périmètres de protection et de surveillance ;
- des actions d'information des éleveurs (20.000 envois postaux ; 5.000 appels téléphoniques reçus).
Des financements mutualisés destinés aux exploitations situées dans le périmètre sous surveillance (10 km) ont été mis en oeuvre . Le dispositif financier de la FNGDS a permis de débloquer, dès la mi-mars, 4 millions de francs pour la Mayenne, somme créditée sur les comptes des 390 éleveurs mayennais de ce périmètre le 9 avril.
De l'avis unanime des personnes entendues par votre mission d'information, le succès des mesures prises en France résulte très largement de la coopération de l'ensemble de ces acteurs .
Des difficultés ont cependant été signalées à votre mission d'information en ce qui concerne la mobilisation des moyens relevant de l'autorité du ministère de la Défense, qui devraient pouvoir être mis à la disposition des préfets dans les meilleurs délais et disposer des équipements nécessaires si besoin est, notamment pour apporter leur concours lors des abattages. Votre mission constate que la procédure actuelle de « demande de concours » adressée par les préfectures aux services du ministère de la Défense ne semble pas répondre, du fait de sa lourdeur, aux nécessité qui résultent du caractère très urgent des mesures à mettre en oeuvre.
2. Des décisions rapides pour prévenir la diffusion du virus
Dès le lendemain de l'annonce du premier cas de fièvre aphteuse en Grande-Bretagne (20 février) soit le 21 février, le programme de préalerte fièvre aphteuse a été activé tandis que les animaux importés du Royaume-Uni étaient mis sous séquestre. Les programmes d'abattages préventifs des animaux vivants ont été réalisés sans attendre, tandis que des analyses étaient effectuées et que les décisions du Comité vétérinaire permanent de l'Union Européenne étaient mises en oeuvre sans délai. Les principales mesures instituées en cas d'apparition d'un foyer aphteux sont présentées dans le tableau suivant :
MESURES MISES EN OEUVRE EN CAS D'APPARITION D'UN FOYER APHTEUX Dès confirmation par le laboratoire de référence de l'infection par virus aphteux, le préfet prend un arrêté portant déclaration d'infection et déclenche un plan d'intervention du type « plan orsec » : - mise en place d'une cellule de crise au niveau préfectoral ; - arrêté préfectoral définit un périmètre d'interdiction qui comprend 2 zones : 1 zone de protection (rayon 3 km) et 1 zone de surveillance (rayon 10 km). Sur l'exploitation infectée : - abattage d'urgence et destruction du troupeau atteint (animaux des espèces sensibles) ; - destruction des produits présents sur l'exploitation et ne pouvant faire l'objet d'une désinfection ; - nettoyage et première désinfection de l'exploitation : - enquête épidémiologique ; - deuxième désinfection de l'exploitation (15 jours après la 1ère). Dans la zone de surveillance (10 km) : - tous les troupeaux sont recensés, séquestrés et isolés ; - les rassemblements et la circulation (à pied) d'animaux quelque soit l'espèce sont interdits et le transport (par véhicule) d'animaux des espèces sensibles est interdit ; - désinfection de tous les véhicules à risque (véhicules concernés par le transport d'animaux vivants ou morts, de produits animaux, d'aliments ...) ; - interdiction des opérations d'insémination artificielle ; - surveillance des accès par la gendarmerie. Dans la zone de protection (3 km) : Mêmes mesures que dans la zone de surveillance : - interdiction de transport (par véhicule) de tous les animaux, quelle que soit l'espèce ; - décontamination de toute personne entrant ou sortant d'une exploitation située dans cette zone ou d'un pâturage ; - désinfection de tous les véhicules quittant ou traversant la zone. Levée des mesures : - la zone de protection est libérée au plus tôt 14 jours après la 1ère désinfection de l'exploitation infectée. La zone de protection devient zone de surveillance ; - les mesures dans la zone de surveillance sont levées 30 jours après la destruction des animaux et la première désinfection les mesures relatives à la zone de surveillance ; - interdiction d'introduction d'animaux durant 21 jours après la 2ème désinfection. |
Source : Ministère de l'Agriculture, DGAl
Selon les informations transmises à votre mission d'information, des enquêtes vétérinaires ont été menées à compter du 21 février sur les importations d'ovins britanniques, puis, le 21 mars, au sujet des animaux en provenance des Pays-Bas, et enfin le lendemain sur ceux importés d'Islande.
a) Les enquêtes vétérinaires
Des animaux provenant du Royaume-Uni ont été introduits dans 25 départements français .
23 exploitations situées dans 17 départements français ont reçu 19.660 ovins en provenance du Royaume-Uni .
Environ 10.000 animaux ont été abattus avant le 21 février. Leurs carcasses ont été consignées, puis détruites ou renvoyées au Royaume-Uni.
Selon une enquête des services vétérinaires néerlandais, 9.372 ovins ont transité d'Angleterre aux Pays-Bas avant d'être réexpédiés vers 19 exploitations françaises , après le 1 er février 2001.
Des animaux provenant des Pays-Bas ont été dispersés dans 31 départements français .
- 15.787 animaux ont été introduits en France du 20 février au 5 mars 2001, soit :
- 8.938 animaux (7.465 porcs, 1.463 ovins-caprins, 10 bovins) à destination d'abattoirs de 15 départements ;
- 6.849 animaux (4.754 porcs, 1.792 ovins et 303 bovins) à destination d'exploitations de 16 départements.
Des animaux provenant d'Irlande ont été acheminés dans 3 départements .
- 1.254 animaux ont été introduits en France du 20 février au 2 mars 2001 à savoir :
- 984 animaux à destination de 4 exploitations ;
- 270 animaux à destination d'un abattoir .
b) L'abattage des animaux
Si l'abattage des animaux présents sur les foyers relève des mesures prophylactiques traditionnelles, celui des animaux « contact » (ceux qui ont été en contact avec des animaux malades ou en incubation) constitue une première à laquelle la France doit sans doute le succès enregistré dans la lutte contre la maladie .
La décision de supprimer les animaux contacts a été prise le 27 février, au vu de la multiplication des foyers en Grande-Bretagne. Elle concernait initialement 10.000 animaux vivants, en provenance des foyers anglais, et a été étendue le 28 février, aux 30.000 ovins susceptibles d'avoir été en contact sur le territoire français avec des animaux importés de Grande-Bretagne.
Le nombre des animaux abattus se présente comme suit :
- 49.315 animaux (20.621 ovins et 1 porc originaires du Royaume-Uni , 27.507 ovins, 537 bovins, 364 porcins et 197 caprins « contact ») ont été euthanasiés dans 104 exploitations réparties sur 37 départements ;
- 8.653 animaux (131 bovins, 3.477 porcins et 505 petits ruminants originaires des Pays-Bas ainsi que 451 bovins, 2.602 porcins et 1.487 petits ruminants « contact ») ont été euthanasiés dans 13 exploitations situées dans 10 départements.
c) Les analyses sérologiques
Des analyses sérologiques ont été réalisées par le laboratoire de l'AFSSA sur 10 % des animaux soumis à un abattage préventif, dès le 27 février 2001 . Au vu de leurs résultats, la France a décidé, le 5 mars, de prendre des mesures préventives dans divers départements (Ain, Mayenne, Oise, Vienne et Seine-Saint-Denis puis, le 8 mars, en Pas-de-Calais et dans l'Isère, la Loire-Atlantique, la Seine-Maritime et l'Aisne, le 12 mars en Seine-et-Marne.
Selon les éléments communiqués à votre mission d'information, les résultats des enquêtes sérologiques se présentent comme suit :
En ce qui concerne les risques liés aux animaux originaires du Royaume-Uni , on constate que sur 5.076 prélèvements réalisés : 5.048 échantillons se sont révélés négatifs (172 exploitations), tandis que 28 sérologies ELISA étaient positives (elle concernent 6 exploitations qui ont détenu des ovins originaires du Royaume-Uni). Les analyses ont été effectuées par l'AFSSA dans un premier temps en utilisant la séroneutralisation seule, combinée, à partir du 12 mars 2001, avec la méthode ELISA. Cette dernière méthode a permis d'éliminer un certain nombre de réactions faussement positives, ce qui a ramené le nombre des exploitations séropositives à six.
Tous les animaux à risque des espèces sensibles détenus dans ces exploitations ont été euthanasiés . Autour de ces exploitations, des périmètres interdits de 3 km ont été délimités par arrêtés préfectoraux pour une durée de 30 jours.
S'agissant des animaux originaires des Pays-Bas, 328 prélèvements sanguins ont été réalisés. Tous étaient négatifs .
Enfin, à compter de l'institution des mesures de surveillance renforcées, sur 154 « suspicions cliniques » officiellement déclarées aux services vétérinaires dans 51 départements, 121 ont été écartées car les animaux ne présentaient pas de signes cliniques tandis que 33 autres ont nécessité des prélèvements , transmis pour analyse à l'AFSSA. Sur ce chiffre , seuls deux foyers ont été confirmés .
d) Les mesures d'embargo sur les départements
Le 6 mars 2000, le Comité vétérinaire permanent de Bruxelles a édicté des mesures d'embargo consistant en :
- l'interdiction pour deux semaines, dans toute l'Union Européenne du transport de bétail, sauf pour les transports aux abattoirs ou de « ferme à ferme », soumis à l'autorisation des autorités compétentes de chaque Etat membre ;
- l'interdiction pour deux semaines de tout rassemblement de bétail et de tous les marchés aux bestiaux dans l'Union Européenne ;
- la prolongation de l'embargo sur les animaux d'élevage britannique et les produits dérivés institué le 21 février ;
- la désinfection des roues de tous les véhicules en provenance du Royaume-Uni lors de leur entrée dans les autres Etats membres.