N° 405

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) par la mission d'information (2) sur la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse ,

Par M. Jean-Paul ÉMORINE,

Sénateur.

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Émorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

(2) Cette mission d'information est composée de : MM. Philippe Arnaud, président ; Gérard César, Paul Raoult, vice-présidents ; Bernard Joly, Gérard Le Cam, secrétaires ; Dominique Braye, Mme Yolande Boyer, MM. Gérard Cornu, Roland Courteau, Michel Doublet, Jean-Paul Émorine, Louis Grillot, Louis Moinard, Bernard Piras.

Agriculture.

RÉSUMÉ DU RAPPORT
ET
CONCLUSIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

I - CONSTAT

La fièvre aphteuse est une maladie animale sans conséquences sur la santé humaine , mais dont l' incidence est catastrophique , notamment sur les cheptels bovin, porcin ovin et caprin, du fait de son extrême contagiosité . Véhiculée par les échanges et favorisée par la fraude, elle est endémique dans la plupart des Etats du monde. Elle s'est manifestée récemment dans plusieurs pays qui en étaient indemnes depuis des dizaines d'années, à l'instar du Royaume-Uni.

Deux stratégies de lutte sont mises en oeuvre contre la fièvre aphteuse : d'une part, dans les zones où la fièvre aphteuse est endémique, une vaccination préventive des bovins (les porcins et les ovins ne sont pas vaccinés car leur durée de vie est trop courte et leur valeur économique trop modeste) qui, associée à des abattages ponctuels, permet d'éradiquer la maladie ; d'autre part, une fois la maladie éradiquée, une politique d'abattage du cheptel infecté exclusivement , si un foyer survient.

Par l'ampleur qu'elle a revêtue, -plus de trois millions d'animaux étant d'ores et déjà abattus-, l'épizootie britannique de fièvre aphteuse conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur l'opportunité de revenir sur l'interdiction de la vaccination préventive décidée en 1990 au sein de l'Union européenne.

L'ampleur respective de la crise en Grande-Bretagne et en France

Quatre mois après le début de l'épizootie britannique , nul ne connaît son origine exacte . En revanche, on sait que la Grande-Bretagne a subi plus de 1.700 foyers aphteux et abattu plus de 3 millions d'animaux. Le coût total de cette épizootie s'élèverait à plus de 50 milliards de francs , dont 12 milliards de compensations versées aux éleveurs au titre de la destruction de leur cheptel.

La France n'a, quant à elle, connu que deux foyers aphteux et a abattu près de 58.000 animaux en provenance ou en contact avec des animaux du Royaume-Uni ou des Pays-Bas. C'est l'abattage préventif des animaux ayant été au voisinage des bêtes importées qui a permis de juguler l'épizootie en France . Grâce à ces mesures, notre pays recouvrera le statut de zone indemne de fièvre aphteuse le 23 juin 2001.

Les modalités de lutte contre la fièvre aphteuse entraînent de lourds préjudices

Les départements dans lesquels les foyers aphteux sont apparus ont vu leur activité économique totalement bloquée . Tous les secteurs économiques s'en sont ressentis , de l'agriculture au tourisme, en passant par les activités agroalimentaires. L'ensemble des autres départements français ont également subi les conséquences des mesures nationales d'interdiction de transport des animaux . En outre, certains secteurs, tels que ceux de l'abattage et de la production de fromage au lait cru ont subi de très graves préjudices, car ils ont été contraints de détruire leur production. Or, il s'avère que si les préjudices directs occasionnés par l'abattage des animaux ont été bien compensés, les préjudices indirects n'ont pas fait l'objet d'une compensation intégrale, voire même pour certains, d'aucune compensation.

La problématique de la vaccination

La décision de vacciner le cheptel dans l'Union européenne relève de la compétence partagée de la Commission européenne et du Conseil des ministres. Ceux-ci ont décidé, en 1990, d'interdire la vaccination, considérant que la fièvre aphteuse était éradiquée du territoire européen. Depuis lors, il n'est plus possible de vacciner qu'en cas d'urgence, si une épizootie devient incontrôlable.

Le principal argument qui motivait, en 1990, la suspension de la vaccination, était que son coût actualisé sur dix ans était supérieur à celui d'une politique de non-vaccination. En outre, la vaccination limitait les exportations vers les pays indemnes de fièvre aphteuse, qui se refusent à importer des cheptels vaccinés, craignant qu'ils véhiculent la maladie .

Les techniques vaccinales ont, cependant, évolué puisque des vaccins permettent désormais de distinguer , par des tests sérologiques, les animaux infectés de ceux vaccinés . Il serait, par conséquent, nécessaire de refaire le bilan coût/avantages du rétablissement de la vaccination (qu'elle soit préventive ou effectuée en urgence). Dans cette balance, il convient notamment de retenir qu'entre 35 milliards de francs d'exportation, pour la France, et 50 milliards de francs pour l'Union européenne sont susceptibles de pâtir d'une reprise de la vaccination, d'une part, et que, d'autre part, il apparaîtrait insoutenable de subir une crise analogue à celle survenue en Grande-Bretagne.

Dès lors, il convient de distinguer entre les mesures à prendre dans le court terme pour se protéger d'une épizootie, et celles susceptibles d'être négociées avec nos partenaires internationaux pour modifier, à moyen terme, les textes applicables aux échanges de produits en provenance de zones où est pratiquée la vaccination contre la fièvre aphteuse. La réussite de ces négociations est le préalable à toute politique de vaccination médicale du cheptel.

II - PROPOSITIONS

Observations relatives à la gestion de la récente crise en France

La mission recommande pour l'avenir :

- de délimiter plus précisément le périmètre des zones soumises à embargo ;

- de renforcer le contrôle des rassemblements et des mouvements d'animaux en recourant à des systèmes d'identification individuelle performants -en particulier pour les ovins- et en procédant à des examens sérologiques réguliers et préventifs ;

- d'effectuer des exercices périodiques, car la lutte contre la fièvre aphteuse nécessite une vigilance de tous les instants .

Lutter contre l'immobilisme au plan international

La France et la Commission européenne doivent intervenir avec vigueur auprès des instances compétentes en matière de fièvre aphteuse.

A l' Office International des Epizooties (OIE), notre pays doit :

- d'une part, revendiquer la création d'un nouveau statut applicable aux zones « indemnes de fièvre aphteuse pratiquant une surveillance sérologique » , et d'autre part, exiger que TOUS les Etats qui s'y sont engagés déclarent rapidement les foyers aphteux observés sur leur territoire . L'expérience prouve, en effet, que certains pays dissimulent l'existence de foyers aphteux pour continuer à exporter ;

- demander la modification des dispositions du code zoosanitaire international qui interdisent, en pratique, la fabrication de fromages au lait cru , alors même que le processus d'élaboration de certains d'entre eux permet l'inactivation du virus (du fait de l'acidification du pH).

Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il est urgent de lutter contre les mesures non concurrentielles prises à l'encontre des exportations européennes, à l'instar de leur mise sous embargo avant même que l'épizootie ne soit avérée.

Au sein du Conseil européen , il est temps de réévaluer la stratégie collective de lutte contre la fièvre aphteuse , et, au vu des progrès réalisés en matière vaccinale, et de ceux accomplis à l'OIE sur le plan réglementaire, d'envisager la possibilité de procéder de façon durable à une vaccination accompagnée de contrôles sérologiques des troupeaux . Quelle que soit la stratégie retenue, les Etats européens doivent prévoir de contribuer , tant individuellement que par le biais des financements communautaires, à la réparation des préjudices subis à l'occasion d'une épizootie aphteuse , surtout s'ils s'en tiennent à la stratégie de non-vaccination qui, l'exemple britannique le prouve, s'avère extrêmement coûteuse.

La Commission européenne doit également interdire de façon stricte l'entrée en Europe de produits provenant de pays tiers où sévit la fièvre aphteuse.

Renforcer la prévention

Compte tenu de l'accroissement des échanges internationaux et du développement du risque de fraude qui est son corollaire, des contrôles vétérinaires doivent s'exercer :

- aux frontières avec les pays tiers et notamment dans les aéroports où des denrées alimentaires contaminées sont susceptibles d'être introduites par des passagers ;

- de façon ponctuelle , et dans le cadre du principe de confiance mutuelle lors des échanges intra-européens , notamment sur les mouvements d'ovins , d'autant plus que leur origine est mal identifiée (car ces animaux véhiculent la maladie sans en manifester les signes cliniques).

Sur le territoire national, rien ne remplacera l'action conjuguée des services vétérinaires, des groupements de défense sanitaire et des vétérinaires sanitaires. A ce titre, l'affaiblissement progressif du remarquable réseau de surveillance épidémiologique que constituent les vétérinaires sanitaires installés en zone rurale est une source de vives préoccupations pour l'évolution de l'état sanitaire du cheptel français .

Se mobiliser très rapidement en cas de crise

La vitesse de réaction face à un foyer aphteux étant une condition essentielle du succès contre celui-ci, il est souhaitable de :

- disposer d'une « force de frappe » pour procéder à des abattages d'autant plus limités qu'ils sont effectués de façon précoce ;

- devancer le virus en recourant à l'abattage préventif des animaux suspects ;

- éliminer les animaux dans des conditions dignes et détruire leurs cadavres dans des conditions sanitaires et environnementales satisfaisantes (pour éviter l'accumulation de carcasses observée en Grande-Bretagne) ;

- faire en sorte que l'Union européenne dispose de réserves suffisantes pour procéder à une vaccination d'urgence si les services vétérinaires sont en passe de perdre le contrôle de l'épizootie ;

- rembourser dans les meilleurs délais les préjudices - directs et indirects - occasionnés par la stratégie de lutte mise en oeuvre, quelle qu'elle soit.

Réactiver une recherche assoupie

A moyen terme enfin, il convient de :

- relancer les recherches sur de nouveaux vaccins ;

- favoriser l'établissement de protocoles harmonisés en matière de prélèvements sérologiques (pour éviter d'abattre des animaux qui seraient de « faux positifs ») ;

- mener des campagnes de vaccination pour éradiquer la maladie à l'échelle mondiale et pour constituer des « zones-tampon » aux frontières de l'Union européenne ;

- modifier la réglementation pour permettre de vacciner les espèces rares ou constituant un patrimoine génétique de grande valeur.

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