2. Un effort d'inventaire concret qui reste à entreprendre
Votre rapporteur, de même sans doute que de nombreux élus locaux, a fait, sur le terrain, l'expérience de l'inexistence d'un « cadastre » des équipements et infrastructures de télécommunications qui servent de support aux services de la société de l'information.
Si la construction d'un réseau requiert une autorisation, conformément au code de la voirie routière, si la fourniture de service téléphonique au public nécessite l'octroi d'une licence, conformément au code des postes et télécommunications, (qui peut s'accompagner d'obligations de déploiement du réseau considéré) permettant, à un moment ou à un autre, de « repérer » l'existence de ces infrastructures, force est de constater qu'il n'existe pas de recensement exhaustif et systématique de la totalité de ces investissements.
Or, ils étaient, déjà du temps du monopole, nombreux : outre le réseau déjà très dense de France Télécom, on comptait les réseaux ou infrastructures « alternatifs » des sociétés d'autoroutes, de la SNCF, de Voies navigables de France, d'EDF, de la RATP, d'ADP... ou encore des entreprises privées (banques). Il faut leur ajouter les réseaux câblés, initialement destinés à la télévision, mais susceptibles d'être affectés à de nouveaux usages, et les réseaux dédiés à des groupes fermés d'utilisateurs. Le déploiement des réseaux mobiles a encore élargi le panorama, de même que le foisonnement d'initiatives libéré par l'ouverture du secteur à la concurrence : on compte désormais, d'après les chiffres communiqués par l'ART, 70 opérateurs, disposant d'infrastructures variées (boucle locale radio ; réseaux audiovisuels câblés ; infrastructures locales, nationales ou internationales en fibres optiques ; satellites ; radiomessagerie ; réseaux GSM...). Cette complexité, ce foisonnement, inhérents à l'économie concurrentielle, sont une opportunité pour les territoires.
Si les derniers kilomètres de l'infrastructure, la partie qui touche le domicile du consommateur, appelée, la « boucle locale », -segment le plus coûteux à mettre en place et le moins concurrentiel- restent la clé de la diffusion territoriale de l'accès aux NTIC, on peut au contraire estimer aujourd'hui que le territoire français, quels que soient les départements, est densément maillé en infrastructures dorsales (les « backbones »).
Dans ce contexte, l'aménagement numérique du territoire nécessite un recensement précis de l'existant . Or, les opérateurs sont réticents à communiquer des données qu'ils considèrent comme stratégiques et confidentielles. Il s'ensuit un risque certain, particulièrement pour les collectivités locales désireuses de répondre aux besoins -notamment en hauts débits- des entreprises implantées sur leur territoire, de redondance d'infrastructures et de déperdition d'argent public. Votre rapporteur est convaincu que les collectivités locales ne doivent pas se substituer aux opérateurs, mais peuvent orienter ou accélérer le développement du marché, avoir un rôle d'entraînement, dans une optique de développement économique et social.
Pour ce faire, l'étape de la connaissance des besoins locaux et des réponses existantes est décisive. Le schéma aurait vocation, aux yeux de votre rapporteur, à apporter une aide décisionnelle en ce domaine.
Lors de l'audition du comité de pilotage ayant rédigé le schéma par la Délégation du Sénat à l'aménagement du territoire, le 24 avril dernier, trois des Sénateurs présents étaient également présidents d'exécutifs locaux (un conseil régional et deux conseils généraux). Ils ont tous signalé le besoin actuel de clarification en matière de maillage territorial actuel en infrastructures de télécommunications. Un rapport récent du Conseil économique et social souligne lui aussi ce besoin d'un recensement des équipements en hauts débits et en téléphonie mobile.
Le besoin d'un inventaire territorial a été souligné par nombre d'acteurs interrogés par votre rapporteur :
- AMF 18 ( * ) : « L'accompagnement technique proposé (création de centres de ressources au sein de chaque SGAR avec établissement d'un cadastre des réseaux), qui répond sur le principe à une demande expresse de l'AMF (...) est mis en oeuvre dans des délais inacceptables » ;
- AVICAM 19 ( * ) : « Il faut rendre obligatoire la transparence des données géographiques des services, réseaux et infrastructures, sur une base d'information territoriale normalisée » ;
- AFOPT 20 ( * ) : « les opérateurs privés souhaitent également contribuer à une meilleure connaissance collective du secteur des télécommunications ».
Preuve supplémentaire de la nécessité d'établir un diagnostic en matière cette fois-ci seulement d'infrastructures à haut débit, l'article 37 de la loi de finances pour 2001 a d'ailleurs prévu que « le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 juin 2001 et ensuite tous les deux ans le 30 juin, un rapport retraçant l'évolution de la desserte de l'ensemble du territoire par les réseaux permettant l'échange à haut débit ».
Qui mieux que la DATAR a vocation à réaliser cette synthèse ? Dans quel document autre qu'un schéma d'aménagement du territoire est-on légitimement en droit d'attendre de telles informations ? Dès lors, votre rapporteur s'étonne de ce que le bilan qui constitue la première partie du projet de schéma n'ait pas eu l'ambition de réaliser ce diagnostic dont tous les acteurs locaux ressentent l'urgence . Une telle synthèse aurait à coup sûr constitué un éclairage territorialisé -et non seulement abstrait- et lourd d'enseignements pour l'action publique dans la décennie à venir, en complément des développements spontanés du marché.
Il était également prévu, dans la première version, sous la rubrique « suivi » du projet de schéma, qu'un « observatoire des réseaux des usages et des services [...] rassemble l'information nécessaire à une connaissance fine, sur l'ensemble du territoire, de l'architecture des réseaux et des dispositifs innovants ». La deuxième version du schéma a admis la nécessité de réaliser tous les deux ans un « état des régions » sur le plan des infrastructures et services de télécommunications. Il semble à votre délégation qu'une telle connaissance des réalités territoriales aurait dû être à l'origine du schéma et non conçue comme un volet de sa mise en oeuvre.
* 18 .Association des maires de France.
* 19 Association des villes câblées
* 20 Opérateurs privés de télécommunications.