w) Direction des affaires civiles et du Sceau du Ministère de la justice - Mercredi 23 mai 2001
- M. Olivier Douvreleur , magistrat, sous-directeur du droit commercial, du droit immobilier et de l'entraide judiciaire internationale en matière civile ;
- Mme Sophie Lecarme-Meunier , magistrat au bureau du droit commercial
M. Francis Grignon -Je vous remercie d'être venus me parler de la difficile question de l'organisation juridictionnelle du contentieux des brevets -en particulier des questions de la durée des procédures, des indemnisations, de la question d'une coplaidoirie éventuelle des Conseils...-
M. Olivier Douvreleur - En ce qui concerne le contentieux des brevets, je puis vous remettre deux séries d'éléments statistiques :
- d'une part, une étude réalisée par l'Institut de Recherche en Propriété Industrielle Henri-Desbois (IRPI) réalisée pour le compte du Ministère de la Justice (Mission de Recherche Droit et Justice) et portant sur la jurisprudence civile et pénale des juridictions parisiennes relative à la contrefaçon ;
- d'autre part, des statistiques émanant des services du Ministère de la justice et réalisées sur la base de la nomenclature des affaires civiles utilisée pour coder les demandes dont sont saisis les tribunaux.
M. Francis Grignon - Leurs résultats semblent correspondre à ceux que nous avons obtenus par ailleurs.
M. Olivier Douvreleur - Quant aux délais de jugement, ils ne semblent pas hors normes par rapport au reste du contentieux civil, surtout si l'on tient compte du fait que les expertises sont fréquentes dans ce domaine.
M. Francis Grignon - Cela ne correspond pas à l'impression qu'en ont les industriels.
M. Olivier Douvreleur - Il est naturellement toujours souhaitable, en cette matière comme dans d'autres, de chercher à améliorer les délais de jugement. Mais il faut rappeler qu'il existe dans le domaine de la contrefaçon des procédures rapides : c'est ainsi qu'une procédure de référé peut être menée en quelques jours, voire en quelques heures, et permet de préserver avec efficacité les droits de la victime.
M. Francis Grignon - Cette procédure est rare. Elle n'est utilisée qu'à coup sûr, et il y a peu de cas évidents.
M. Olivier Douvreleur - Mais l'outil existe. Il est organisé par les textes et est efficace. Il convient de rappeler qu'à côté du référé de droit commun, existe en matière de brevet un référé ad hoc prévu par l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle et qui permet aux victimes de contrefaçon d'un brevet d'obtenir du juge qu'il interdise à titre provisoire mais sous astreinte la poursuite des actes argués de contrefaçon. Il est vrai que, comme en toute matière, devront être rapportés devant le juge des éléments suffisamment probants pour justifier le prononcé d'une telle mesure. Il existe en outre, sur le fondement de l'article L.615-5 de ce même code, la procédure de saisie-contrefaçon diligentée cette fois sur requête et mise en oeuvre par ordonnance du président du tribunal. J'ajoute enfin que le contentieux des brevet jouit d'une autre particularité puisque seuls dix tribunaux de grande instance sont compétents pour en connaître.
M. Francis Grignon, rapporteur - Pensez-vous qu'il serait opportun de réduire leur nombre ?
M. Olivier Douvreleur - Une spécialisation accrue ne peut être envisagée qu'avec prudence. Elle suppose au préalable la démonstration que la spécialisation conséquente à laquelle il a déjà été procédé n'a pas permis de remplir, avec un succès suffisant, les objectifs qui avaient été recherchés.
M. Francis Grignon, rapporteur - Que pensez-vous d'un échevinage des juridictions compétentes en matière de brevets ?
M. Olivier Douvreleur - D'ores et déjà le droit procédural des brevet comporte des dispositifs originaux qui permettent au juge de disposer, si besoin est, de l'information technique la plus complète. Aux mesures de droit commun prévues par le nouveau code de procédure civile (constatation, consultation, expertise), s'ajoutent les dispositions particulières du code de la propriété intellectuelle qui, dans son article L.615-20, permet au juge de désigner un consultant chargé de suivre la procédure dès sa mise en état et d'assister à l'audience, ce consultant pouvant d'ailleurs être autorisé à poser des questions aux parties ou à leurs représentants.
Quant à l'échevinage, s'il est aujourd'hui quelquefois pratiqué par exemple dans les chambres commerciales des tribunaux de grande instance des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, il serait une grande nouveauté dans notre système judiciaire. La question est de savoir si le contentieux des brevets est d'un particularisme tel que cet échevinage serait justifié. A cet égard, d'aucun pourrait rétorquer que, sur le plan de sa technicité, ce contentieux n'est pas, de façon évidente, plus complexe que d'autres contentieux, par exemple celui de la construction ou celui de la responsabilité médicale.
M. Francis Grignon - Que pensez-vous d'une éventuelle confiscation des profits indûment réalisés par le contrefacteur ?
M. Olivier Douvreleur - Le code de la propriété intellectuelle prévoit d'ores et déjà, dans son article L.615-7, la confiscation des objets reconnus contrefaits, cette confiscation étant prononcée par le juge au profit de la personne victime de la contrefaçon. S'agissant d'une éventuelle confiscation des profits indûment réalisés par le contrefacteur, il faut observer que le droit français de la réparation repose sur d'autres bases : cette réparation doit être à la mesure exacte du préjudicie subi.