d) Le « risque juridictionnel » lié au brevet américain
Le système américain est marqué par un coût très élevé des litiges en propriété industrielle , et ce pour une série de facteurs. Il s'agit d'abord d'une caractéristique générale du système américain, marqué par ses longues procédures et les honoraires élevés des avocats, qui aboutit à des condamnations pécuniaires élevées. Cet aspect sera développé ci-après 36 ( * ) .
En outre, cela a déjà été dit, le caractère secret de la demande et de la procédure d'examen d'un brevet renforce le risque de litiges , de même que l'absence de procédure d'opposition au moment de la délivrance. Dans le système européen, il est possible à un tiers, après la délivrance du brevet, de faire opposition à cette délivrance, dans un délai de 9 mois. Les tiers peuvent ainsi présenter des antériorités que l'examinateur n'aurait pas vues. Cette opposition est traitée dans le cadre d'une procédure contradictoire où déposant et opposant font valoir leurs arguments devant un panel d'examinateurs. Si, malgré l'opposition, la procédure aboutit quand même à la délivrance d'un brevet, il est ensuite possible de demander aux tribunaux nationaux d'annuler le brevet dans le ou les pays concernés. En Europe, 6 % des brevets européens font l'objet d'une opposition et seulement 2 à 3 % feraient l'objet d'un recours, ce qui tend à montrer que l'opposition peut agir, en quelque sorte, comme un filtre préventif à la saisine juridictionnelle dans le cadre d'une contrefaçon ou d'une demande d'annulation.
Aux Etats-Unis, il n'existe pas de procédure d'opposition . Une procédure de réexamen peut théoriquement être initiée par un tiers, mais celui-ci n'aura pas la possibilité de faire valoir son point de vue au cours de cette procédure. Il n'est pas non plus possible, lorsque le brevet a été accordé, de saisir un tribunal pour demander, par voie d'action, sa nullité, sauf si on a été expressément menacé (par lettre d'avertissement) par le titulaire du brevet. En l'absence d'une telle menace expresse, l'industriel qui s'interroge sur la validité d'un brevet octroyé à un concurrent est contraint de prendre le risque industriel et commercial de mettre en oeuvre l'invention , sans certitude sur la validité de ce brevet. Ce n'est qu'après avoir réalisé les investissements correspondants qu'il sera éventuellement assigné par le titulaire du brevet. C'est en quelque sorte au juge qu'il revient, ensuite, de réguler le système.
On comprend dès lors le risque financier que représente cette incertitude , d'autant plus grand que le titulaire du brevet peut sciemment laisser son concurrent réaliser, avant de l'attaquer, de lourds investissements.
Dernier élément, le rapport précité de M. Didier LOMBARD estimait qu'en cas de litige : « Les entreprises non américaines reprochent souvent aux jurys de première instance 37 ( * ) d'être techniquement incompétents et d'avoir une attitude discriminatoire vis-à-vis des étrangers » , ce qui ne facilite sans doute pas la tâche des entreprises étrangères. Cette information a été confirmée à votre rapporteur, lors de ses auditions, par plusieurs industriels interrogés sur ce sujet.
* 36 Voir le chapitre III C consacré spécifiquement aux litiges.
* 37 Une des parties peut requérir que la décision soit rendue par un jury populaire, en vertu du droit fédéral américain.