B. UNE CONSÉQUENCE : LA RÉDUCTION DES MOYENS DES AGENCES DU CONGRÈS
Le développement de conflits entre la majorité républicaine « de combat » des années 1990, et la volonté des républicains de répondre aux critiques adressés à un Congrès perçu comme tentaculaire et de donner l'exemple en matière de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des effectifs de l'administration, se sont ainsi finalement traduits par des coupes sombres dans le budget des offices du Congrès.
• La principale victime en fut bien sûr l'Office des choix technologiques, l'OTA ( Office of Technological Assesment ), qui employait près de 125 personnes et avait servi de lointain modèle pour la création en France de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) conjoint à l'Assemblée nationale et au Sénat.
En effet, l'OTA fut purement et simplement supprimé en 1995.
• Accusé par la majorité républicaine conduite par Newt Gringrich d'être trop libéral, le CRS vit son budget gelé et ses effectifs réduits : les effectifs actuels du CRS sont ainsi inférieurs de 10 % au niveau atteint au milieu des années 1980.
Ces mesures ont conduit le CRS dans une situation difficile. En effet, compte tenu des vagues de recrutement intervenues au début des années 1970, puis du ralentissement des recrutements au cours des années 1990, la pyramide des âges des fonctionnaires du CRS est fortement déséquilibrée et la moitié de ses effectifs partiront en retraite au cours de la période 1996-2006.
Face à ce constat préoccupant, le CRS put toutefois engager à partir de 1998 un ambitieux programme consistant :
- à réaliser régulièrement des projections de la pyramide des âges de ses effectifs et des domaines de compétences qui risquaient de souffrir le plus des départs massifs à la retraite ;
- à développer des programmes de pré-recrutement pour s'assurer des flux de candidats de haut niveau ;
- à pratiquer des chevauchements entre les départs à la retraite et l'embauche de nouvelles recrues, afin de faciliter les transferts de compétence.
• De même, malgré son prestige et son soutien externes, les effectifs du GAO ont fondu de plus de 5.000 personnes en 1985, à 4.200 en 1994, puis à environ 3.200 aujourd'hui, soit une baisse de plus d'un tiers en quinze ans et de près d'un quart en six ans.
En effet, le Congrès avait drastiquement réduit le budget du GAO, le contraignant ainsi à mettre en oeuvre un programme de « dégagement des cadres ».
Les agents du GAO bénéficiaient a priori d'un statut relativement protecteur, mais ce programme emprunta des voies relativement traumatisantes pour une administration : départs en préretraite plus ou moins volontaires, diminutions ou gels des rémunérations de certains agents afin de les inciter à démissionner, fermeture de bureaux régionaux sans reclassement des personnels, voire licenciements purs et simples de personnels administratifs au siège selon le principe last-in, first-out (« dernier entré, premier sorti »), conduisant à se séparer d'abord des personnels ayant le moins d'ancienneté.
S'il s'agit là d'un réel traumatisme pour le GAO, ce downsizing ne fût d'ailleurs pas sans effets favorables du point de vue du Congrès, puisqu'il a incité le GAO à redéfinir ses procédures afin de se placer davantage au service des parlementaires.
Le pouvoir budgétaire du Congrès lui a donc largement permis de plier le GAO à sa volonté.
• Beaucoup plus réduits, et plus directement au service du Congrès, les effectifs et les moyens du staff de la commission conjointe de la fiscalité et du CBO ont à ce jour échappé aux contraintes budgétaires. Les effectifs du CBO ont même été successivement accrus en 1979, 1983, 1986 et 1996. Entre 1976 et l'an 2000, les effectifs du CBO auront donc progressé de 20 %, de 193 équivalent-temps plein (ETP) à 232 ETP.
Cette hausse paraît toutefois peu en ligne avec le surcroît de missions qui s'est accumulé sur le CBO au cours des dernières années, en raison notamment de la complexité accrue de la procédure budgétaire, de l'extension du champ d'expertise du CBO et de l'allongement de l'horizon de ses projections.
En outre, à mesure que les questions budgétaires prenaient de l'importance, et que s'affirmait le rôle du CBO dans la procédure parlementaire, la nomination de son directeur est devenue un enjeu politique , comme peuvent l'être en France les nominations au Conseil Constitutionnel ou au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Maîtres des deux chambres du Congrès à partir de 1994, les républicains ont notamment nommé comme directeur en février 1999 un homme au profil politique plus marqué que ces prédécesseurs, puisqu'il avait été successivement conseiller économique du leader de la majorité (républicaine) au Sénat entre 1981 et 1985, puis conseiller économique à la Maison blanche sous Ronald Reagan, avant de rejoindre le secteur privé. Cette nomination ne semble toutefois pas avoir altéré l'esprit du CBO, le nouveau directeur s'affirmant aussi indépendant que ses prédécesseurs.
• Les agences du Congrès auront donc connu une véritable tourmente au cours de la dernière décennie : au total, leurs effectifs se sont ainsi réduit d'un tiers en quinze ans : de 6.300 en 1985 à 4.200 environ en l'an 2 000.
Certes, avec le redressement spectaculaire des finances publiques américaines - les États-Unis connaissent depuis 1998 un excédent budgétaire -, le nombre de fonctionnaires n'est plus un véritable enjeu du débat public, et les pressions exercées sur les offices du Congrès se sont réduites : leurs budgets sont désormais relativement stables.
Il est vrai que cette tourmente n'a pas épargné les collaborateurs politiques du Congrès : après leur prise de contrôle de la Chambre en 1994, les républicains ont décidé de réduire d'un tiers le nombre des staffers des commissions.
Cet épisode souligne néanmoins qu'en dépit de leur réputation flatteuse ces offices sont relativement vulnérables .