e) L'animation de réseaux
Les Think Tanks jouent un rôle essentiel d'animation de divers réseaux plus ou moins formalisés.
En premier lieu, les principaux Think Tanks sont membres de réseaux nationaux et internationaux d'institutions de recherche. Par exemple, le Conference Board dispose de relations étroites avec l'institut français REXECODE et avec la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).
Compte tenu de leur dimension, ils en sont d'ailleurs parfois les principaux animateurs. Par exemple, le Center on Budget and Policy Priorities a engagé en 1999 un programme visant à développer des capacités d'expertise budgétaire et fiscale indépendantes du gouvernement dans les pays en développement et dans les nouvelles démocraties, avec pour objectif de promouvoir la transparence des politiques publiques.
De même, compte tenu de leur position d'intermédiaires privilégiés, entre les responsables publics, les dirigeants d'entreprise et la recherche scientifique, les Think Tanks animent souvent des réseaux ou des panels d'experts .
Par exemple, lors des débats relatifs à la mesure de l'inflation, le Conference Board s'est appuyé sur son prestige et sa réputation de neutralité pour constituer un panel d'experts de renom (comme James Tobin), « bipartisan », c'est à dire comportant des experts réputés proches de l'un ou l'autre parti, et rassemblant aussi bien des experts indépendants que des représentants des administrations statistiques concernées. Ce panel a publié un rapport qui a contribué à réduire les controverses politiques sur ce sujet.
En outre, les Think Tanks organisent souvent des échanges entre des chercheurs, des responsables de l'administration et des dirigeants d'entreprise.
Par exemple, le Conference Board a organisé en l'an 2000 une réunion entre des dirigeants d'entreprise du secteur des nouvelles technologies, des journalistes et Robert Gordon, l'un des principaux économistes critiques envers « la nouvelle économie ».
De même, l' American Enterprise Institute a organisé en juillet 2000 à Washington un débat réunissant des chercheurs et des consultants sur le coût de la régulation du prix des produits pharmaceutiques, et l' Economic Policy Institute a co-organisé, avec une fondation privée et avec le ministère du travail un symposium réunissant notamment des chercheurs, des responsables syndicaux et des experts de l'administration pour étudier les politiques susceptibles de permettre une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
Par ailleurs, certains Think Tanks coordonnent des réseaux de personnalités ou d'associations intellectuellement proches.
Par exemple, l' Economic Policy Institute anime un réseau d'associations locales ou nationales concourant à la défense des intérêts des salariés à bas revenus. Il leur apporte son soutien matériel pour la recherche de données statistiques, ainsi que pour l'organisation de manifestations. Il leur donne des conseils en matière de publications scientifiques et il leur fournit des supports documentaires pour la communication avec la presse, par exemple des argumentaires favorables au salaire minimum.
De même, le Center on Budget and Policy Priorities conduit un programme visant à faire émerger dans la plupart des États américains des structures susceptibles d'analyser les enjeux budgétaires et fiscaux locaux et de nourrir ainsi les débats publics locaux.
Pour ce faire, le CBBP apporte son soutien administratif et scientifique à divers projets locaux, qui émanent souvent du tissu associatif. Le CBBP peut notamment co-signer les premiers rapports rédigés par ces institutions locales, leur apportant une caution scientifique et un label médiatique. Vingt-deux États fédérés sont aujourd'hui concernés. Cette initiative est activement soutenue par quatre fondations privées (la fondation Ford, la fondation Annie E. Casey, la fondation Charles Stewart Mott et l' Open Society Institute ), qui contribuent au financement des initiatives locales.
En outre, le CBBP s'efforce, depuis la réforme des régimes fédéraux d'assistance sociale intervenue en 1996, d'apporter son assistance technique, notamment sous la forme de conférences et de sessions de formation, aux organisations sans but lucratif et aux décideurs publics qui souhaitent réformer les politiques locales de protection sociale.
Au total, les études « locales » constituent aujourd'hui près de la moitié de l'activité du CBBP, qui exerce ainsi des missions semblables à celles de l'Observatoire décentralisé de l'action sociale (ODAS) en France, mais avec des moyens techniques plus importants et un rôle plus étendu, puisque le CBBP peut formuler des propositions de réforme détaillées pour les politiques locales.
Ces exemples soulignent que les Think Tanks ne sont pas des institutions isolées.
Au contraire, les Think Tanks sont en interrelation étroite avec le tissu associatif américain, et plus particulièrement avec les grandes associations caritatives ou de promotion d'idées politiques, pour qui ils représentent souvent des centres de ressources et d'expertise et dont ils tirent une partie de leurs ressources et de leur légitimité.
A bien des égards, les Think Tanks se fondent ainsi parmi les quelques 2.000 organisations sans but lucratif qui cherchent à influencer les politiques publiques et ils ne sont que l'une des émanations du génie associatif américain.