b) Des incitations financières directes
Par ailleurs, les universitaires américains disposent d'incitations financières directes à s'investir dans les débats publics.
En effet, compte tenu de la taille et du rayonnement des États-Unis, les essais d'économie politique bénéficient de débouchés potentiels beaucoup plus importants qu'en France : les économistes peuvent donc espérer devenir millionnaires (en dollars) avec leurs seuls droits d'auteur.
De même, les économistes les plus connus peuvent être bien rémunérés (jusqu'à 5.000 à 10.000 dollars par article) par les grands journaux pour la rédaction d'articles.
Par surcroît, la culture américaine valorise les démarches pragmatiques, les exemples concrets, et la volonté de mettre les connaissances les plus pointues à la portée du plus grand nombre.
Au total, les économistes universitaires sont ainsi largement incités à prendre part aux débats publics, soit par des travaux de recherche appliquée, soit par des travaux de vulgarisation.
c) Des débouchés dans l'administration
Enfin, les économistes universitaires qui s'investissent dans l'économie d'entreprise, dans l'économie financière, dans l'étude des problèmes sociaux d'actualité (notamment les inégalités, les minorités, l'éducation), dans les débats prospectifs (par exemple sur les conséquences du développement des nouvelles technologies de l'information ou de la communication) ou dans l'analyse des politiques économiques (politique monétaire, politique budgétaire, politiques de la concurrence, politiques de régulation et de dérégulation) disposent de débouchés professionnels très importants :
- dans le secteur privé, notamment dans les Think Tanks et les grandes institutions financières, mais aussi comme consultants. A titre d'exemple, on peut souligner que le procès intenté contre Microsoft pour abus de position dominante mobilise de part et d'autres de nombreux économistes experts en matière de concurrence. Il existe d'ailleurs aux États-Unis des cabinets de consultants spécialisés dans l'expertise économique en appui de procédures judiciaires, notamment en matière d'environnement, de marchés publics, d'évaluation des dommages, de législation anti-trust ou de concurrence ;
- à la Réserve fédérale, ainsi que dans les administrations locales, au Trésor, au département du commerce et à l'Office of Management and Budget , mais aussi dans la plupart des agences et départements ministériels. Par exemple, le ministère de la justice emploie de nombreux économistes ;
- dans les offices du Congrès ou auprès de responsables politiques. A titre d'exemple, le Conseil des conseillers économiques ( Council of Economic Advisers ) du Président des États-Unis est entièrement composé d'universitaires en congé temporaire qui souhaitent mettre leurs idées en pratique.
Le Congrès et les administrations publiques sont ainsi toujours prêts à accueillir pour quelques années les meilleurs universitaires, dès lors que ceux-ci souhaitent s'investir dans les affaires publiques.
Ces périodes d'engagement dans l'administration sont en outre relativement valorisantes pour les universitaires concernés : leur carrière universitaire n'en est pas affectée, bien au contraire. Par exemple, le fait d'avoir appartenu au Council of Economic Advisers constitue un label prestigieux pour l'accès aux chaires des plus grandes universités.
Au total, les universités constituent un vivier d'idées et d'expertise économique pour les entreprises et pour les institutions publiques.
Il s'agit là encore d'une différence majeure avec la France.
En effet, des freins statutaires et culturels y entravent l'accès des économistes universitaires aux cabinets ministériels et aux principaux postes de la haute fonction publique. En outre, d'éventuels passages dans l'administration sont d'une faible utilité pour les carrières universitaires, de sorte que les économistes d'université ne participent guère aux débats de politique économique, si ce n'est au travers de certaines associations ou de tribunes de presse.