B. LES FAIBLESSES DES RÉSEAUX TRANSEUROPÉENS

1. Une juxtaposition de schémas nationaux

Précurseur des réseaux transeuropéens de transport, le rapport publié en décembre 1990 par un groupe à haut niveau sur le réseau ferroviaire à grande vitesse préconise la construction, d'ici 2010, de 9.000 kilomètres de lignes nouvelles et l'aménagement de 15.000 kilomètres de lignes existantes, répartis en quinze maillons clés.

Depuis le traité de Maastricht signé en 1992, les réseaux transeuropéens font l'objet d'un titre XV du traité sur l'Union européenne.

L'article 154 stipule que, « en vue (...) de permettre aux citoyens de l'Union européenne, aux opérateurs économiques, ainsi qu'aux collectivités régionales et locales, de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d'un espace sans frontières intérieures, la Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

« Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté. »

L'article 155 du traité UE précise les moyens de réaliser les objectifs visés à l'article précédent :

- établissement d'un ensemble d'orientations, de priorités et de projets d'intérêt commun ;

- mise en oeuvre d'actions assurant l'interopérabilité des réseaux, en particulier dans le domaine de l'harmonisation des normes techniques ;

- appui financier de la Communauté aux projets d'intérêt commun, en particulier sous forme d'études de faisabilité, de garanties d'emprunt ou de bonifications d'intérêts.

La même disposition prévoit que les Etats membres coordonnent entre eux, en liaison avec la Commission, leurs politiques nationales et que celle-ci peut décider de coopérer avec des pays tiers pour promouvoir des projets d'intérêt commun et assurer l'interopérabilité des réseaux.

Le Livre blanc de 1993 sur une stratégie à moyen terme en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi met l'accent sur le développement des réseaux transeuropéens. Un groupe de travail dirigé par M. Christophersen, vice-président de la Commission, est alors mis en place, qui établit une liste de plus de trente projets.

Les orientations communautaires pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ont été arrêtées par la décision n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996. Ce document se présente comme « un cadre général de référence destiné à encourager les actions des Etats membres et, le cas échéant, de la Communauté visant à réaliser des projets d'intérêts commun ayant pour objet d'assurer la cohérence, l'interconnexion et l'interopérabilité de réseau transeuropéen de transport ainsi que l'accès à ce réseau ». Dans les faits, les cartes annexées à la décision semblent résulter de la simple juxtaposition des schémas nationaux de transport.

Le réseau routier de base de l'Union européenne se compose d'environ 280.000 kilomètres d'autoroutes et de routes interurbaines principales. Le réseau routier transeuropéen comprend approximativement 74.500 kilomètres, dont 27.000 kilomètres identifiés comme planifiés devraient être achevés d'ici 2010. Les réseaux ferroviaires des quinze Etats membres ont une longueur totale de 156.000 kilomètres, dont 78.600 kilomètres font partie du réseau ferroviaire transeuropéen. Le réseau transeuropéen supporte 40 % du trafic routier de marchandises et plus de 50 % du trafic ferroviaire.

2. Un financement difficile

La décision du 23 juillet 1996 sur les réseaux transeuropéens de transports a un caractère clairement facultatif, puisque son article premier précise que « ces projets constituent un objectif commun dont la réalisation dépend de leur degré de maturité et de la disponibilité de ressources financières, sans préjuger de l'engagement financier d'un Etat membre ou de la Communauté ». A l'échéance de 2010, le coût total du RTE-T est estimé à 400 milliards d'euros.

Au sommet d'Essen des 9 et 10 décembre 1994, avant même que l'ensemble du RTE-T ne soit arrêté et sur la base des travaux du groupe Christophersen, il est décidé de concentrer les financements sur quatorze projets déclarés hautement prioritaires.

La plupart appartiennent au réseau de transport ferroviaire à grande vitesse : liaison Berlin-Nuremberg et axe du Brenner ; liaison PBKAL (Paris, Bruxelles, Cologne, Amsterdam, Londres) ; liaison Sud vers Madrid par la voie atlantique et par la voie méditerranéenne ; liaison Est Paris-Allemagne ; liaison Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste ; liaison Cork-Dublin-Belfast-Larne-Stranraer ; liaison fixe Danemark-Suède ; triangle nordique ; ligne principale de la côte occidentale du Royaume-Uni.

Les autres projets d'Essen concernent : la ligne ferroviaire de transport combiné Betuwe ; la desserte autoroutière de la Grèce ; la liaison routière Irlande-Royaume-Uni-Bénélux ; la liaison multimodale du Portugal et de l'Espagne avec le reste de l'Europe ; l'aéroport de Malpensa.

Le coût des quatorze projets d'Essen est estimé à 103 milliards d'euros, alors que les Etats membres, engagés dans la réduction de leurs déficits budgétaires afin de réaliser l'Union économique et monétaire, ne peuvent y consacrer que de faibles moyens financiers.

La contribution de la Communauté est également modeste. Sa participation spécifique aux études de faisabilité, à hauteur de 10 % du coût des projets, s'est élevé à 2,4 milliards d'euros entre 1993 et 1999. Ce budget RTE-T a été porté à 4,2 milliards d'euros sur la période 2000-2006. Il convient toutefois d'y ajouter une fraction significative, de 50 % à 60 %, du fonds de cohésion qui est consacrée aux infrastructures de transport. Mais seuls quatre Etats membres en sont bénéficiaires. Au total, les apports financiers de la Communauté devraient s'élever à 18 milliards d'euros sur la période 2000-2006.

Les apports de la Communauté sont complétés par les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui se sont élevés à 30,4 milliards d'euros sur la période 1993-2000.

Le manque de financements publics a retardé la réalisation de la plupart des projets inscrits dans le RTE-T, y compris ceux déclarés prioritaires. A ce jour, seulement 46 % du financement total des quatorze projets d'Essen est assuré, soit 48 milliards d'euros, et 56 milliards d'euros restent à trouver. Seuls trois projets sont en voie d'achèvement : l'aéroport de Malpensa, le lien fixe de Danemark-Suède, et la liaison ferroviaire classique Cork-Dublin-Belfast-Larne. Six autres projets devraient s'achever d'ici 2005 et cinq autres projets ont des calendriers s'étendant largement au-delà de cette date, notamment les liaisons transalpines.

Le retard est particulièrement marqué pour les projets ferroviaires. En 1999, seuls 2.700 kilomètres de lignes à grandes vitesse étaient en service, et 4.400 kilomètres devraient l'être en 2006. A ce rythme, il faudrait 40 ans pour réaliser le réseau de 12.600 kilomètres prévu par le schéma existant. Par contraste, plus de 1.000 kilomètres de routes nouvelles ou aménagées sont mises en service chaque année. A ce rythme, les trois quarts des liaisons programmées devraient être réalisés d'ici 2010.

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