B. LA DIFFICILE NAISSANCE DE LA POLITIQUE COMMUNE DES TRANSPORTS

1. Une politique demeurée longtemps en sommeil

Initialement, les fondateurs de la Communauté économique européenne avaient manifesté leur intérêt pour les transports. Le traité de Rome signé le 25 mars 1957 prévoit, à son article 3, d'instaurer une politique commune des transports, seul secteur expressément mentionné avec l'agriculture.

Le titre V du traité CE est presque entièrement consacré aux transports. Dans sa rédaction initiale, l'article 75, paragraphe 1 (devenu article 71 depuis le traité d'Amsterdam) fait obligation aux institutions de la Communauté d'instaurer une politique commune des transports et stipule :

« Compte tenu des aspects spéciaux des transports, le Conseil statuant à l'unanimité jusqu'à la fin de la deuxième étape et à la majorité qualifiée par la suite, établit sur proposition de la Commission et après consultation du Conseil économique et social et de l'Assemblée :

« a) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ et à destination du territoire des Etats membres ou traversant le territoire de plusieurs Etats membres ;

« b) les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre ;

« c) toute autre disposition utile. »

Les articles 76 à 80 (désormais 72 à 76) portent sur la suppression des discriminations et sur l'interdiction des mesures de protection.

La règle de l'unanimité en matière de transport posée par l'article 75 révèle les réticences des Etats membres, s'agissant d'un domaine de souveraineté, à s'engager véritablement dans une politique commune. Elle explique que la lutte opposant les tenants de la libéralisation à ceux de l'harmonisation ait pu pendant longtemps bloquer toute initiative de la part des instances communautaires pour mettre en place une politique commune des transports, dont le contenu n'est par ailleurs pas précisé par le traité de Rome et qui exclut les transports aériens et maritimes.

Au cours des années 1960 et 1970, la route, qui connaît alors un vif essor, retient toute l'attention de la Communauté. L'objectif est d'organiser le marché européen du transport de marchandises dans un esprit libéral.

La Commission présente en 1961 un mémorandum qui souligne la nécessité d'une double harmonisation, de la concurrence entre les Etats et de la concurrence entre les modes de transport, posant en préalable la transparence des prix. Mais le Conseil n'adopte pas les principes de ce document, jugé trop ambitieux.

Le programme d'action adopté en 1962 repose sur cinq principes : l'égalité de traitement des modes et des entreprises ; la responsabilité financière de ces dernières et leur liberté d'action ; le libre choix du mode et de l'entreprise par les usagers ; la coordination des investissements d'infrastructures par les pouvoirs publics.

L'élargissement de la Communauté en 1973 est l'occasion d'une relance de la politique européenne des transports, à travers de timides avancées. Dans deux communications de 1973 et 1977, la Commission dresse un tableau alarmant de l'état des infrastructures de transport et préconise des mesures pour mettre en place des structures d'entreprises saines, diminuer les coûts, garantir le progrès social et augmenter la sécurité.

Dans son Mémorandum de 1983, intitulé « Progrès sur la voie d'une politique commune des transports », la Commission rappelle vainement ses grands principes : libre circulation des services de transport ; harmonisation des conditions de concurrence entre les modes et à l'intérieur de chacun d'eux ; création d'un marché commun des transports fondé sur l'offre et la demande ; adoption de mesures prenant en compte les autres politiques communautaires.

2. Un réveil brutal avec l'arrêt de la CJCE de 1985

Lassé de ces atermoiements, le Parlement européen finit par saisir la Cour de justice des Communauté européenne d'une action contre le Conseil européen pour carence dans l'application du traité de Rome. En théorie, au terme de la période transitoire qui s'est achevée le 1 er janvier 1970, le cabotage aurait dû exister pour tous les modes. Le cabotage intérieur consiste en un transport de marchandises chargées par une entreprise de transport pour compte d'autrui sur le territoire d'un Etat étranger membre de l'Union européenne pour déchargement à un autre point du territoire de ce même Etat étranger.

L'arrêt rendu par la Cour de justice, le 22 mai 1985, condamne le Conseil et décide que « le transport international de marchandises et de personnes doit être ouvert à toutes les entreprises de la Communauté et ne doit pas faire l'objet de discrimination en raison de la nationalité ou du lieu d'établissement du transporteur ».

En conséquence, le Conseil sort de sa torpeur et décide la même année le libre accès au marché du transport routier de marchandises, par l'introduction progressive du cabotage routier.

L'Acte unique européen adopté en 1986 et entré en vigueur le 1 er juillet 1987 réaffirme le rôle essentiel du marché commun des transports et substitue à la règle de l'unanimité celle de la majorité qualifiée « aux dispositions portant sur l'application du régime des transports et dont l'application serait susceptible d'affecter gravement le niveau de vie et l'emploi dans certaines régions ainsi que l'exploitation des équipements de transport, compte tenu de la nécessité d'une adaptation au développement économique résultant de l'établissement du marché unique ».

3. La consécration des réseaux transeuropéens de transport par le traité de Maastricht

Le traité de Maastricht signé en 1992 dote l'Union européenne des moyens d'une véritable politique commune des transports. Son titre XII (devenu le titre XV depuis le traité d'Amsterdam) intitulé « Réseaux transeuropéens », en crée les instruments programmatiques et financiers.

L'article 154, qui dépasse le seul domaine des transports, dispose que « en vue de contribuer à la réalisation des objectifs visés aux articles 14 (marché intérieur) et 158 (cohésion économique et sociale) et de permettre aux citoyens de l'Union européenne, aux opérateurs économiques, ainsi qu'aux collectivités régionales et locales, de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d'un espace sans frontières intérieures, la Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

« Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté. »

Un Livre blanc sur le développement futur de la politique commune des transports est adopté au mois de décembre 1992 par la Commission, qui définit six axes d'action : achèvement du marché intérieur ; promotion de l'intermodalité ; développement du réseau transeuropéen ; protection de l'environnement ; renforcement de la sécurité ; harmonisation sociale.

En décembre 1993, le Livre blanc sur une stratégie à moyen terme en faveur de la croissance, de la compétitivité, et de l'emploi se donne pour objectif la relance de l'activité économique par une politique de grands travaux, qui annonce les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T).

En 1995, la Commission adopte un programme d'action 1995-2000 relatif à la politique commune des transports, assorti d'une communication intitulée « Mobilité durable : perspectives pour l'avenir ».

La décision 1692/96/CE du 23 juillet 1996 relative aux RTE arrête « les grandes orientations, les objectifs, l'étendue du réseau, les grandes lignes d'action, les priorités, les conditions d'extension aux pays tiers, les obligations vis-à-vis de l'environnement et les caractéristiques des dix catégories de projets : réseaux routier, ferroviaire, des voies navigables et les ports de navigation intérieure, les ports maritimes, les aéroports, le réseau de transport combiné, les réseaux de gestion et d'information du trafic aérien et maritime et le réseau de positionnement et de navigation ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page