2. Le rôle de l'Agence française de développement
Sur l'ensemble des instruments d'aide publique au développement actuellement mis en oeuvre au Maroc, les interventions de l'Agence française de développement semblent les plus conformes à la notion d'aide publique au développement, et aux besoins réels du Maroc contemporain.
Votre rapporteur estime en outre qu'elles sont menées avec une compétence, un professionnalisme et une économie de moyens 48 ( * ) qu'il convient de saluer. En particulier, c'est le seul " service " français qui ait donné le sentiment d'avoir défini, et d'être en mesure d'appliquer, une véritable " stratégie-pays " 49 ( * ) .
a) Activités pour compte propre
Pour la période 1992-1998, le Maroc constitue le premier portefeuille de l'Agence Française de Développement, avec environ 10 % du total de ses concours financiers dans le monde, et 20 % de ces mêmes concours dans les seuls pays à revenu intermédiaire.
La montée en puissance des engagements de l'Agence Française de Développement depuis 1992 en fait désormais l'instrument d'intervention principal en matière économique et financière, qui apparaît le plus ciblé et le plus opérationnel en matière d'aide au développement. On peut toutefois déplorer la relative faiblesse, ou lenteur, des taux de décaissement.
Depuis 1992, l'Agence française de développement a engagé au Maroc un total de près de 3.600 millions de francs, répartis entre développement rural et infrastructures de base. En juillet 2000, elle n'avait toutefois décaissé que 1.110 millions de francs, soit moins du tiers du total des engagements. Ce taux de décaissement apparaît faible, en particulier dans le secteur des infrastructures de base. Là, comme ailleurs, les capacités d'absorption du partenaire semblent inférieures aux demandes qu'il formule, ou à la bonne volonté de ses partenaires.
Pour augmenter les capacités d'engagements de l'Agence française de développement sur le Maroc, compte tenu des contraintes prudentielles, les fonds propres ont été portés à 5,8 milliards de francs. Deux milliards de francs d'engagements supplémentaires sont ainsi susceptibles d'être pris sur le Maroc entre 1999 et 2001. Compte tenu de la capacité d'absorption du partenaire, votre rapporteur s'interroge sur le bien-fondé de cette décision. Certes, il est vrai que le non-engagement de l'Union européenne et le désengagement progressif de la Banque Mondiale sont susceptibles de fournir une " marge " supplémentaire...
La stratégie retenue par l'Agence Française de Développement privilégie trois grands domaines d'intervention, dans le cadre d'une logique de forte concentration sur quelques secteurs-clés :
- L'eau et l'environnement, qui incluent aussi bien l'eau potable que l'irrigation avec, en amont, la conservation des ressources hydriques (barrages moyens), et, en aval le retraitement des eaux usées et l'assainissement.
- L'amélioration des conditions de vie des populations et le développement social et régional, qui comprennent les interventions en faveur du monde rural (agriculture pluviale, crédit agricole, électrification) et des agglomérations secondaires et tertiaires, et en direction des milieux urbains défavorisés (habitat insalubre). L'effort régional spécifique fait en faveur des provinces défavorisées du Nord s'inscrit dans cette perspective.
- Enfin, la " mise à niveau " et l'appui au secteur privé regroupent, outre l'action de PROPARCO, une assistance à la transition économique et à l'investissement (restructuration d'entreprises publiques, privatisations, formation professionnelle, zones industrielles) et la promotion de la gestion privée des services publics marchands (concessions).
S'agissant du financement d'investissements publics, la logique de concentration a joué à plein. Ainsi, les engagements 1992-1999 se répartissent de la manière suivante :
Secteurs d'activité |
Domaines d'interventions stratégiques |
||
Développement rural |
36 % |
Eau et environnement |
63 % |
Infrastructures |
61 % |
Amélioration conditions vie population |
32 % |
Divers |
3 % |
" Mise à niveau " et secteur privé |
5 % |
Au total, près du tiers des actions de l'Agence française de développement sont concentrées sur les provinces pauvres du Nord, par l'intermédiaire d'une vingtaine de projets .
Ces interventions s'inscrivent dans le cadre des stratégies nationales, et sont généralement cofinancées par la Banque mondiale, la KfW allemande, le JBIC japonais et l'Union européenne.
S'agissant enfin du financement du secteur privé productif, PROPARCO s'est engagé entre 1992 et 1999 à hauteur de 1,1 milliard de francs pour les prêts et de 119 millions de francs pour les participations, dans une dizaine de sociétés. Elle développe actuellement une politique active de prise de participation dans des fonds d'investissement. Le niveau des impayés en cours en juillet 2000 est apparu faible.
Engagements en cours sur prêts à
conditions ordinaires (PCO)
Le total des engagements effectués depuis 1992 s'élève à 3 517 MF pour 31 projets ; sur ce total, 1 120,6 MF seulement ont été décaissés, soit 31 % du total. Ceci correspond à un taux de décaissement voisin de celui de la Tunisie, qui peut être considéré comme faible. • Sept projets ont été achevés en pleine conformité avec les engagements • Cinq projets ont fait l'objet d'une annulation totale pour un montant global de 463 millions de francs : un sur quatre en 1999 (4,5MF), trois sur cinq en 1999 (205 MF au total), et un en date de 1996 (252 MF pour le projet irrigation de El Guerdane " première manière "). Un deuxième projet identique, mais affecté à un bénéficiaire différent, n'est pas davantage engagé. • Six projets ont fait l'objet d'une annulation partielle, pour un montant total de 217 MF. • Dix-huit projets (sur 31) restent en exécution dont trois seulement ont été octroyés il y a plus de cinq ans (ce qui est mieux qu'en Tunisie). Toutefois, aucun des projets engagés à compter de 1998 n'a reçu un début de décaissement. Sont actuellement en cours d'exécution les projets suivants : - 1 de 1994 - 3 de 1998 - 3 de 1995 - 3 de 1999 - 3 de 1996 - 2 de 2000 - 3 de 1997 • Quelques projets, engagés depuis plus deux ans, présentent un taux de décaissement suffisamment faible pour susciter au moins l'attention. - 7 % pour le projet " Petite et moyenne hydraulique provinces du Nord " de 73 MF octroyés en 1995 ; - 3% pour le projet " Participation au programme d'assainissement de Fès " de 125 MF octroyés en 1996 ; - 8 % pour le projet " Approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales " de 75 MF octroyés en 1997 ; - 5 % pour le projet " Agence nationale de lutte contre l'habitat insalubre " de 100 MF octroyés en 1998. |
b) Activités pour compte d'autrui
Comme en Tunisie, la diversité des activités menées pour compte d'autrui, selon des chaînes de décisions pas toujours claires et des responsabilités nécessairement diluées, n'apparaît ni souhaitable pour la lisibilité de l'action publique, ni nécessairement conforme au bon emploi des deniers publics.
(1) Pour le ministère de l'Economie et des finances
Au Maroc, comme en Tunisie, mais de façon plus claire, l'Agence française de développement assure la gestion des interventions financées sur le FASEP, notamment la gestion du nouveau Fonds de garantie spécifique en faveur du Maroc et celle de la ligne protocolaire PME-PMI.
Dans le cadre d'un mandat de comptable-payeur, elle administre également les prêts du Trésor associés à des crédits bancaires garantis par la COFACE, les imputations étant décidées par la DREE.
Elle assure enfin le secrétariat du Fonds français pour l'environnement mondial 50 ( * ) .
(2) Pour le ministère des Affaires étrangères
Pour le compte du ministère des Affaires étrangères, l'Agence française de développement gère d'une part, sur crédits délégués, des opérations de coopération technique dans les secteurs du développement rural et urbain et, d'autre part, les subventions du Fonds d'études Maghreb, sur lequel, comme en Tunisie, elle semble avoir peu d'informations et peu de maîtrise.
Sur la ligne de crédits délégués par le ministère des Affaires étrangères, quatre projets étaient en cours de réalisation, au 1 er juillet 2000, pour un montant total de 11,6 millions de francs. Leur mise en oeuvre n'appelle pas d'observations particulières.
En revanche, la mise en oeuvre du Fonds d'études Maghreb , qui comporte une " ligne environnement " pourvue de 9,5 millions de francs et une " ligne développement régional " pourvue de 11,1 millions de francs, censée " valoriser les acquis de la coopération scientifique et technique, tout en permettant de renforcer les capacités maghrébines de maîtrise d'ouvrage " , appelle des réserves.
Sur chacune des quatre dernières années, le niveau d'engagement des études ou des missions d'appui technique n'a jamais dépassé 4 millions de francs par an, pour une quinzaine d'études par an.
De fait, le dernier Comité technique ministère des Affaires étrangères/Trésor/Agence française de développement, en date du 13 juin 2000, n'a pas validé les nouvelles demandes d'études formulées, les renvoyant aux résultats d'une négociation à venir entre le ministère des Affaires étrangères et l'Agence française de développement sur les principes de délégation de fonds en général, qui méritent certainement une remise à plat.
* 48 Pour l'AFD, 16 agents contre 103 pour le SCAC, 41 pour la MEF, 40 pour la seule Trésorerie, 25 pour la Coopération militaire et 21 pour la Mission militaire...
* 49 Le SCAC a franchi des étapes considérables dans la définition de cette stratégie, mais le dispositif en place n'est pas, en l'état actuel, en mesure de la mettre en oeuvre.
* 50 Quatre projets concernent actuellement le Maroc :
- Conservation d'espaces littoraux - actions dans le bassin méditerranéen ;
- Économie et gestion des bioénergies ;
- Aménagement et protection des massifs forestiers d'Ifrane ;
- Électrification décentralisée.