II. Audition de M. Pierre
Vieu,
Directeur des ressources humaines de la SNCF
M. Pierre Vieu a présenté tout d'abord les caractéristiques de la mise en oeuvre du programme " Nouveaux services - Emplois-jeunes " à la SNCF telles qu'elles ressortent de l'accord cadre du 16 décembre 1997 conclu entre la SNCF, Mme la Ministre de l'Emploi et de la solidarité et M. le Ministre de l'Equipement, des transports et du logement.
Tout d'abord, les emplois-jeunes ont constitué un sujet de dialogue social constructif au sein de la SNCF : les propositions de l'entreprise issues de ce dialogue, exprimées dans un projet de cahier des charges, ont obtenu le 5 novembre 1997 un vote favorable du comité central d'entreprise de la SNCF, ce qui mérite d'être signalé.
La mission des emplois-jeunes a été définie de manière " ouverte " : ainsi, doivent-elles venir s'ajouter à celles des agents statutaires de la SNCF pour les compléter. Il s'agit, sans créer véritablement de nouveaux métiers, ni se substituer à des services déjà offerts par les agents statutaires, d'offrir des services complémentaires : animation dans les gares et les trains, intervention sur les sites et matériels mis à disposition des usagers, accompagnement de la clientèle de voyage.
L'organisation du travail appliquée aux emplois-jeunes diffère de celle des agents statutaires afin de correspondre à la spécificité des nouveaux services. Les emplois-jeunes sont regroupés dans des équipes d'une dizaine de personnes " polycompétentes " dont les membres peuvent exercer différentes missions (animation, entretien ou accompagnement) au cours de la journée.
Les emplois-jeunes de la SNCF, au nombre de 1.589 au 31 décembre 1999, sont des salariés à part entière de la SNCF : le contrat de travail conclu avec la SNCF prévoit l'application complète des dispositions propres à l'entreprise en matière de temps de travail et de rémunération mensuelle minimale ou de primes en cas de travail de nuit, de dimanche ou de jour férié. Les emplois-jeunes bénéficient en outre des mêmes facilités d'utilisation des trains que les agents statutaires.
Le recrutement a été limité aux jeunes de niveau " bac " ou inférieur et n'a pas écarté les jeunes issus des quartiers difficiles ou les jeunes à faible qualification. Des tests de sélection ont été adaptés à partir de ceux auxquels les cheminots sont soumis pour les recrutements classiques. Ceci a permis de sélectionner des jeunes ayant de bonnes chances d'intégration ultérieure sur des emplois statutaires de l'entreprise, tout en tenant compte de l'existence d'une période de plusieurs années permettant d'accroître leurs capacités.
L'objectif initial d'embauche de 1.400 emplois-jeunes a été porté à 1.800 à la fin de 1998 afin d'améliorer la présence humaine auprès des voyageurs, cette dernière étant perçue comme un facteur de confort et de sécurisation.
M. Pierre Vieu a ensuite évoqué les difficultés que rencontrait la SNCF dans la gestion des emplois-jeunes.
Les charges entraînées par l'insertion et la formation de plusieurs centaines de jeunes apparaissent lourdes, d'autant que l'entreprise assume en même temps la charge de l'intégration des personnels recrutés à titre permanent (7.200 recrutements en 1999).
La définition des tâches et l'organisation du travail des emplois-jeunes ont demandé un effort de la part du personnel d'encadrement, déjà très sollicité par les conséquences de la mise en place des 35 heures qui a nécessité une refonte des organisations et horaires de travail.
Les cheminots ont perçu parfois de manière peu positive la présence des emplois-jeunes qu'ils ont ressentie comme une remise en cause possible des " contours " de leur emploi ; cette appréhension s'est atténuée à mesure qu'il apparaissait que les recrutements sur les emplois traditionnels de la SNCF ne se réduisait pas.
Le flux important de recrutement sur les postes d'agents statutaires a pu être vécu de manière frustrante par les emplois-jeunes qui ne comprenaient pas pourquoi ces emplois ne leur étaient pas réservés en priorité (d'autant plus que des emplois-jeunes issus d'autres secteurs, principalement de l'Education nationale, plus qualifiés, postulaient parfois avec succès à ces emplois).
Consciente du problème ainsi posé, la SNCF a conclu en avril 2000 un " accord sur l'intégration et la professionnalisation des jeunes en emplois-jeunes " .
Cet accord prévoit trois types de dispositions :
Tout d'abord, la SNCF décide de réserver 500 postes d'ici fin 2001, au titre de ses recrutements sur des emplois permanents, à des titulaires d'un contrat emplois-jeunes depuis plus de deux ans et demi à la SNCF. Les emplois-jeunes devront satisfaire aux critères de sélection normalement appliqués à tout candidat à un emploi existant. L'ancienneté en emplois-jeunes sera prise en compte lors de l'admission sur l'emploi permanent.
Ensuite, la SNCF prévoit, toujours d'ici fin 2001, d'admettre 500 emplois-jeunes au statut pour l'exercice des activités et services nouveaux développés dans le cadre du programme " Nouveaux services - Emplois-jeunes ". Les jeunes concernés devront également être titulaires d'un contrat emplois-jeunes SNCF depuis deux ans et demi.
C'est donc au total 1.000 emplois-jeunes qui, d'ici fin 2001, verront leur contrat de travail avec la SNCF transformé en contrat de travail au statut et qui accéderont ainsi au cadre permanent de l'entreprise.
Enfin, des dispositions sont prises pour permettre l'intégration de jeunes sans formation : les agents sans diplôme admis sur un poste dit de qualification A pourront suivre un programme de formation à un diplôme de niveau CAP afin d'obtenir une qualification dite de niveau B mieux rémunérée. La SNCF consacrera 2 millions de francs à la formation.
Lorsqu'un emploi-jeune sera recruté dans un emploi permanent, il sera mis fin à son CDD, ce qui ne donnera pas lieu systématiquement à un nouveau recrutement. L'emploi-jeune pourra être remplacé s'il apparaît que le poste d'emploi-jeune ne peut être supprimé sans dommage et bénéficie ainsi d'un pronostic favorable quant à la pérennisation de ses activités.
En tout état de cause, M. Pierre Vieu souligne que la pérennisation des services nouveaux au terme de la période de cinq ans sera décidée à partir d'une appréciation globale des services rendus à la clientèle intégrant l'apport des emplois-jeunes, la solvabilité isolée de ces derniers ne pouvant être aisément évaluée. La pérennisation de certains de ces services conduira sans doute alors l'entreprise à repenser le contenu de certains postes pour y introduire les activités des emplois-jeunes actuellement en fonction.