Projet de loi relatif à l'archéologie préventive
LEGENDRE (Jacques)
RAPPORT 482 (1999-2000) - commission des affaires culturelles
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Table des matières
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
N°
482
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 29
juin 2000
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 septembre
2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relatif à l' archéologie préventive ,
Par M.
Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Pierre
Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise
Dupont, André Maman, Mme Danièle
Pourtaud,
secrétaires
; MM. François
Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude
Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André
Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont,
Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël
Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi,
Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge
Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-François
Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert,
Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade,
Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
Première lecture :
1575, 2167
et T.A.
453
.
Deuxième lecture :
2303
,
2393
et T.A.
513
.
Sénat
: Première lecture :
239, 276
et
T.A.
110
(1999-2000).
Deuxième lecture :
357
(1999-2000).
Patrimoine. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
L'Assemblée nationale a examiné le 23 mai dernier en
deuxième lecture le projet de loi relatif à l'archéologie
préventive que le Sénat avait adopté le 28 mars en
première lecture.
Avant de présenter les modifications introduites par l'Assemblée
nationale, votre rapporteur rappellera les préoccupations qui avaient
guidé le Sénat lors de la première lecture.
Le projet de loi présenté par le gouvernement, dont
l'Assemblée nationale n'avait pas modifié la logique en
première lecture, poursuivait deux objectifs :
- créer un monopole d'exécution des fouilles
d'archéologie préventive, confié à un nouvel
établissement public administratif issu de la transformation de
l'association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) ;
- instaurer un nouveau mécanisme de financement des
opérations de fouilles fondé sur une redevance perçue par
le nouvel établissement public sur les aménageurs.
Le Sénat n'avait pas contesté la nécessité de
clarifier les règles juridiques applicables aux opérations
d'archéologie préventive, nécessité
soulignée au demeurant tant par les aménageurs que par les
archéologues.
Il convenait en effet, de mettre fin à la fiction juridique selon
laquelle ces fouilles se déroulent dans le cadre du titre II de la loi
du 27 septembre 1941 qui autorise l'Etat à exécuter des fouilles
sur des terrains qui ne lui appartiennent pas alors même qu'il ne les
réalise pas plus qu'il ne les finance.
Une réforme de la loi de 1941 s'imposait à l'évidence.
Le Sénat a souhaité que cette réforme soit l'occasion de
parvenir à un équilibre satisfaisant entre deux objectifs
également légitimes mais qui sur le terrain, apparaissent encore
trop souvent contradictoires : les impératifs de la protection du
patrimoine et de la science historique, d'une part, et les contraintes pesant
sur la réalisation d'équipements nécessaires au
développement économique, d'autre part.
Cet équilibre ne semblait pas aller de soi dans le projet transmis par
l'Assemblée nationale.
• La première préoccupation du Sénat a
consisté à
établir une distinction très claire
entre l'autorité qui prescrit les fouilles et celui qui les
réalise
. La confusion entretenue sur ce point par le projet de loi
créait, en effet, entre les services de l'Etat et
l'établissement, dont l'équilibre financier dépend du
nombre des opérations archéologiques prescrites, une
consanguinité aux conséquences fâcheuses.
Ainsi, constatant que le texte s'en tenait à un rappel très
général des compétences de l'Etat en ce domaine, dont
l'articulation avec la loi de 1941 n'apparaissait pas clairement, le
Sénat avait souhaité réaffirmer à l'article premier
les prérogatives de l'Etat et préciser à l'article
1
er
bis
les conditions dans lesquelles sont prescrites les
opérations archéologiques.
A cette occasion, le Sénat avait tenté de corriger le
déséquilibre, déjà constaté aujourd'hui,
entre des services de l'Etat faiblement dotés et un opérateur de
fouilles disposant de fortes capacités d'expertise. A ce titre, il avait
renforcé les garanties scientifiques dont doivent être
entourées les prescriptions de l'Etat, en introduisant dans la loi une
procédure consultative calquée sur celle qui prévaut
depuis 1994.
Par ailleurs, pour répondre au souhait des aménageurs d'anticiper
le coût et donc la durée des fouilles, le Sénat avait
prévu que celle-ci serait fixé par l'Etat dès la
prescription des opérations archéologiques.
• Le Sénat, également soucieux de garantir
l'efficacité économique mais aussi scientifique de l'organisation
de l'archéologie préventive, avait considéré que
le monopole concédé à l'établissement public
posait plus de problèmes qu'il n'en résolvait
. Il est apparu
que les incertitudes pesant sur le produit de la redevance comme les
rigidités induites par le statut de l'établissement risquaient de
se traduire par des dysfonctionnements préjudiciables au bon
déroulement des opérations d'aménagement.
En effet, en période de forte activité, l'établissement
devra, en raison des droits exclusifs qui lui sont reconnus, faire face
à une demande accrue des aménageurs, ce qui imposera
éventuellement des ajustements en terme d'effectifs. Or, la nature des
ressources de l'établissement pourrait entraîner des
décalages de trésorerie qui rendront délicats ces
ajustements et se traduiront par des délais supplémentaires
imposés aux aménageurs. Ces derniers ne disposeraient plus alors
de la possibilité de se tourner vers d'autres opérateurs pour
exécuter les prescriptions archéologiques que leur impose l'Etat.
Il en résulterait alors des phénomènes de " file
d'attente " fort préjudiciables.
En période de ralentissement économique, l'établissement
public devra faire face à des ruptures de charge qui engendreront une
diminution de ses ressources alors même que ses coûts fixes
demeureront inchangés. La tentation serait alors grande d'alourdir les
prescriptions archéologiques dans le souci d'assurer l'équilibre
financier de l'établissement.
Au-delà, le monopole n'est pas apparu comme le meilleur moyen de
promouvoir l'émergence d'une véritable recherche
archéologique. Outre l'absence de distinction claire entre
l'autorité qui prescrit les fouilles et l'opérateur de terrain,
les incertitudes pesant sur la possibilité de faire intervenir sur les
chantiers de fouilles des archéologues extérieurs à
l'établissement suscitent de légitimes inquiétudes sur la
pérennité de la diversité des approches scientifiques,
pourtant indispensable pour garantir la qualité des opérations
préventives.
Pour ces raisons, le Sénat était donc revenu sur le principe du
monopole sans pour autant remettre en cause le principe de création d'un
établissement public chargé d'exécuter les fouilles,
considérant que la structure associative actuelle était
manifestement devenue insuffisante. Cependant, afin d'accorder à cet
établissement la souplesse de gestion indispensable à
l'accomplissement de sa mission, il lui avait conféré un statut
d'établissement public à caractère industriel et
commercial.
Le refus du monopole apparaissait comme une condition nécessaire pour
permettre le développement des services archéologiques des
collectivités territoriales auxquels l'Assemblée nationale avait
accordé un rôle subsidiaire, méconnaissant leur importance
pour assurer au plus près du territoire l'exploitation des
découvertes mais aussi pour assumer un rôle de conseil
auprès des collectivités territoriales.
• Sans s'opposer au mécanisme de financement proposé
par le projet de loi, qui présentait l'avantage de mettre un terme aux
débats sur la charge du coût de l'archéologie,
le
Sénat avait toutefois modifié le mécanisme de la redevance
afin de satisfaire deux objectifs
.
En premier lieu, afin de tirer les conséquences de la suppression du
monopole, le mécanisme de réduction de la redevance avait
été étendu et son plafonnement supprimé afin que
les aménageurs ne supportent pas deux fois le coût des
opérations de fouilles lorsque l'établissement public ne
procède pas à leur réalisation.
Par ailleurs, le Sénat avait souhaité corriger un effet pervers
du barème de la redevance d'archéologie préventive. En
effet, établi sur des valeurs moyennes, le taux retenu pour les sites
non stratifiés n'apparaissait guère dissuasif pour un
aménageur doté de fortes capacités contributives projetant
une opération située sur des terrains exceptionnellement riches
en vestiges. Afin d'éviter que l'établissement ne soit alors
contraint d'exécuter à ses frais des fouilles coûteuses sur
un terrain qui aurait mérité de ne pas être détruit,
le Sénat avait prévu dans un souci bien compris de protection du
patrimoine un taux majoré lorsque la complexité des vestiges
l'imposait.
Force est de constater qu'en deuxième lecture, l'Assemblée
nationale n'a guère pris en considération les observations
formulées par le Sénat sur le dispositif proposé par le
projet de loi.
I. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE RETOUR AU DISPOSITIF ADOPTÉ EN PREMIÈRE LECTURE
En
deuxième lecture, si elle a pris en considération certaines des
observations qui avaient justifié les modifications introduites par le
Sénat, l'Assemblée nationale est revenue pour l'essentiel au
texte qu'elle avait adopté en première lecture.
Toutefois, elle a modifié assez sensiblement les dispositions de
l'article 4 du projet de loi relatives au calcul de la redevance et a introduit
trois nouveaux articles destinés à combler les lacunes de la loi
de 1941 en matière de propriété des découvertes
archéologiques.
A. LE RETOUR AU TEXTE DE PREMIÈRE LECTURE
•
S'agissant du cadre législatif dans lequel s'exercent les
compétences dévolues à l'Etat pour assurer la protection
du patrimoine archéologique qui figurait aux articles 1er
(définition de l'archéologie préventive), 1er bis
(rôle de l'Etat) et 1er ter (carte archéologique nationale),
l'Assemblée nationale a rétabli pour l'essentiel son texte de
première lecture.
L'Assemblée nationale a notamment supprimé le dispositif
adopté par le Sénat à l'article 1er
bis
qui
précisait les modalités selon lesquelles l'autorité
administrative prescrit des fouilles préventives.
Toutefois, on relèvera que l'Assemblée nationale a apporté
à son texte de première lecture des modifications
destinées à tenir compte des préoccupations
exprimées par le Sénat.
Ainsi, partageant la volonté du Sénat d'assurer une distinction
plus claire entre l'Etat et l'opérateur de fouilles, elle a
substitué au pouvoir de proposition accordé en première
lecture à l'établissement pour la désignation du
responsable de fouilles, un simple pouvoir d'avis.
Tout en supprimant les articles 1er ter A et 1 ter B qui inscrivaient dans la
loi le CNRA et les CIRA au motif que de telles dispositions ne ressortiraient
pas du domaine législatif, l'Assemblée nationale a prévu
à l'article 1
er
bis
, la possibilité pour l'Etat
de consulter des organes scientifiques pour l'exercice de ses missions,
disposition dont le caractère législatif peut également
prêter à interrogation et qui présente
l'inconvénient de prévoir une saisine facultative là
où le Sénat avait prévu une consultation obligatoire.
Par ailleurs, si elle est revenue sur la rédaction de l'article 1er
bis
adoptée par le Sénat, qui prévoyait que
l'autorité administrative fixe les délais de réalisation
des opérations de terrain, l'Assemblée nationale a adopté
un article 2
bis
nouveau destiné à limiter les
aléas qui font peser sur les aménageurs les opérations
archéologiques. Cet article prévoit la conclusion d'une
convention entre l'aménageur et l'établissement public afin de
fixer les modalités de déroulement des opérations de
terrain, et en particulier leurs délais de réalisation et les
conséquences de leur éventuel dépassement.
•
En ce qui concerne la réalisation des opérations
archéologiques préventives, l'Assemblée nationale est
revenue au dispositif adopté en première lecture, qui ne
différait guère de celui proposé par le gouvernement.
Elle a ainsi rétabli à l'article 2 le principe de création
d'un établissement public administratif doté de droits exclusifs.
Par ailleurs, elle a supprimé l'article 1
er
quater
introduit par le Sénat qui définissait les principes
d'organisation et les critères de compétences des services
archéologiques des collectivités territoriales.
B. LES DISPOSITIONS NOUVELLES
•
La modification des modalités de calcul de la redevance
L'Assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, a modifié
à nouveau les règles relatives à l'assiette, au taux et
aux mécanismes de réduction et d'exonération de la
redevance prévues par l'article 4 du projet de loi.
D'après les explications fournies par le gouvernement, le nouveau
dispositif devrait permettre de dégager un produit équivalent
à celui qui résultait du texte adopté en première
lecture mais selon une répartition différente de la charge
fiscale entre opérations de diagnostics et opérations de fouilles.
Le gouvernement a précisé que ce barème présentait
l'avantage d'être "
plus équitable et plus proche de la
réalité du coût des opérations de
terrain
". De tels propos n'ont pu que susciter la perplexité
de votre rapporteur dans la mesure où ces motifs avaient
également, on le rappellera, justifié le dispositif
proposé par le gouvernement en première lecture à
l'Assemblée nationale.
L'assiette de la redevance
a été étendue à
toutes les opérations d'affouillements, que le projet de loi soumet
à déclaration administrative préalable.
Les
taux
retenus par l'Assemblée nationale visent à :
- réduire le montant de la redevance " diagnostics " de
2,58 francs/m2 à 2 francs/m2 ;
- augmenter celui de la redevance " fouilles " en intégrant le
coût de décapage des terres qui ne contiennent pas de vestiges
(terres " stériles ") ;
- et tenir compte de la présence de structures
archéologiques complexes dans le cas de sites non stratifiés.
En ce qui concerne les
mécanismes d'exonération et de
plafonnement
, les modifications adoptées par l'Assemblée
nationale ont principalement pour objet :
- de tirer les conséquences du rétablissement du monopole en
supprimant le mécanisme d'exonération prévu par le
Sénat dans le cas où les opérations archéologiques
ne seraient pas exécutées par l'établissement
public ;
- de restreindre le champ de la réduction à laquelle ouvrent
droit les travaux pris en charge par l'aménageur lui-même aux
seules opérations de déblaiement des terres stériles, ce
qui alourdira la charge de travail de l'établissement, les
aménageurs n'étant plus incités à fournir
eux-mêmes des prestations concourant à la réalisation des
fouilles ;
- et de limiter la portée du plafonnement dont
bénéficient les constructions affectées à
l'habitation.
•
Vers un nouveau régime de propriété pour
les vestiges archéologiques ?
L'Assemblée nationale a adopté trois nouveaux articles relatifs
au régime de propriété des découvertes
archéologiques.
En ce qui concerne les objets mobiliers, les règles posées par la
loi de 1941 si elles demeurent applicables aux découvertes
archéologiques programmées ou fortuites se sont
révélées mal adaptées à la nature des
vestiges exhumés à l'occasion d'opérations
préventives. Dans la pratique, la loi de 1941 n'est pas
appliquée. En effet, les objets, qui pour la plupart n'ont pas ou peu de
valeur marchande, n'excitent guère la convoitise des aménageurs,
essentiellement soucieux de mener à bien leurs projets et, une fois les
fouilles achevées, sont en général conservés dans
des dépôts publics dans des conditions souvent précaires.
Afin de mettre fin à cette situation peu satisfaisante, le Sénat
avait adopté à l'article 2 une disposition prévoyant que
le mobilier archéologique découvert à l'occasion des
fouilles préventives appartient à l'Etat.
L'Assemblée nationale a substitué à cette disposition deux
nouveaux articles 2 ter et 5 bis visant respectivement les fouilles
préventives et les fouilles programmées. La solution retenue
maintient le principe du partage entre l'inventeur et le propriétaire du
terrain prévu à l'article 11 de la loi de 1941
conformément aux règles de l'article 716 du code civil, tout en
ménageant la possibilité, pour une durée qui ne peut
excéder cinq ans, de les confier à l'Etat afin de procéder
à leur étude scientifique.
Au-delà du débat ouvert par le Sénat sur le statut des
objets mobiliers découverts à l'occasion des fouilles
préventives, l'Assemblée nationale a également
souhaité modifier les règles de propriété
applicables aux découvertes immobilières avec le souci de
prévenir des imbroglios juridiques comparables à celui auquel
avait donné lieu la découverte de la grotte dite Chauvet.
La loi de 1941 ne comportait aucune précision sur le régime de
propriété applicable aux découvertes immobilières.
En l'absence de dispositions spécifiques, s'appliquaient les
règles de l'article 552 du code civil attribuant au propriétaire
du fonds la propriété du " dessus et du dessous ".
Toutefois l'Etat disposait de la possibilité de classer le vestige ou
d'exproprier le terrain sur lequel il se trouvait.
L'article 5 ter introduit par l'Assemblée nationale insère dans
le titre IV de la loi de 1941 un article 18-1 qui tend à
régler la question de la propriété des vestiges mais
également à préciser les droits de l'inventeur dans le cas
où un vestige fait l'objet d'une exploitation commerciale.
L'économie de ce dispositif est la suivante.
Le premier alinéa de l'article 18-1 soustrait les vestiges
archéologiques immobiliers du champ d'application de l'article 552 du
code civil. Compte tenu des précisions apportées par le
gouvernement, il semble qu'il faut considérer que s'appliqueront
désormais les dispositions de l'article 539 du code civil relatives
aux biens vacants. Dans ce cadre, l'ensemble des vestiges immobiliers seraient,
sauf preuve contraire, considérés comme propriété
de l'Etat qui bénéficierait sur les propriétés
privées voisines d'un droit d'accès prévu par le
deuxième alinéa de l'article 18-1.
En outre, l'article 18-1 prévoit dans le cas des découvertes
fortuites faisant l'objet d'exploitation commerciale, que la personne qui
assure cette exploitation verse à l'inventeur une
rémunération calculée en fonction de
l'intérêt archéologique du vestige.
II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
En tant
qu'il reprend le texte adopté en première lecture, votre
commission adressera au dispositif transmis par l'Assemblée nationale
les mêmes critiques que celles déjà formulées.
S'agissant des dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, votre commission ne peut
qu'émettre des doutes sur leur capacité à répondre
aux objectifs qu'elles visent.
A. LE DISPOSITIF EXAMINÉ EN PREMIÈRE LECTURE
Il n'est
pas utile de rappeler à nouveau les raisons d'ordre juridique et
pratique qui ont conduit le Sénat lors de la première lecture
à refuser le principe du monopole.
L'Assemblée nationale elle-même semble avoir pris conscience
des dérives que risquait de générer un système
articulé autour d'un établissement public doté de droits
exclusifs.
Ainsi, à l'article 1
er
bis
, la limitation du
rôle de l'établissement public dans la désignation du
responsable de fouilles comme la faculté ouverte à
l'autorité administrative de s'entourer de l'avis d'organes
scientifiques consultatifs traduisent le souci de l'Assemblée nationale
d'éviter que ne se crée une confusion entre les services de
l'Etat et l'établissement public.
De même, l'adoption de l'article 2
bis
prévoyant la
signature d'une convention entre l'établissement public et les
aménageurs, destinée à fixer les modalités de
réalisation des fouilles, procède du souci louable de mieux
prendre en compte les préoccupations des aménageurs.
Cependant, force est de constater que le rétablissement du monopole
prive de portée ces aménagements.
Les risques de consanguinité entre les services de l'Etat et
l'établissement public ne sont pas écartés. Dans ce
contexte les garanties apportées aux aménageurs sur la pertinence
des prescriptions archéologiques ne semblent pas suffisantes.
De même, les dispositions destinées à prendre en compte les
contraintes des aménageurs, notamment en ce qui concerne la durée
des fouilles, ne sont guère de nature à répondre à
la volonté du Sénat de réduire l' " aléa
archéologique ". En effet, on voit mal l'intérêt de
prévoir un mécanisme conventionnel entre les aménageurs et
l'établissement public dans la mesure où les rapports de force
seront très inégaux, les aménageurs ne disposant plus
comme dans le système actuel du recours à l'arme du financement
pour négocier avec l'établissement qui pourra donc imposer ses
propres conditions, notamment en ce qui concerne les délais de
réalisation des opérations de terrain.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas non plus
de nature à apaiser les inquiétudes exprimées par le
Sénat sur l'efficacité économique et scientifique du
système choisi pour la réalisation des opérations de
terrain.
L'établissement public demeure doté de droits exclusifs et libre
de collaborer ou non avec d'autres organismes de recherche. Dans ce cadre, on
peut se demander dans quelles conditions pourra travailler un responsable de
fouilles qui ne serait pas choisi parmi ses personnels.
La diversité des intervenants n'est donc pas garantie.
L'association des services archéologiques des collectivités
territoriales demeure hypothétique. Lors des débats, le
rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Marcel Rogemont, a
précisé que "
ces services sont associés à
l'établissement public et réaliseront des travaux dès lors
qu'ils en seront compétents
". Or, force est de constater que
le texte adopté par l'Assemblée nationale ne définit aucun
critère précis de compétence pour ces services.
Enfin, les inconvénients du maintien du statut d'établissement
public à caractère administratif sont accrus par le renforcement
de l'encadrement réglementaire du statut de ses personnels.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous proposera d'en revenir
sur ces points au texte adopté par le Sénat, dispositif qui
permettait :
- de préciser à l'article 1
er
bis
le cadre
juridique dans lequel interviennent les décisions de l'Etat notamment en
établissant une distinction claire entre la prescription des fouilles et
leur réalisation ;
- de supprimer le monopole prévu par l'article 2 afin d'assurer
l'efficacité des fouilles au regard des contraintes des
aménageurs comme des exigences de la recherche scientifique mais
également de permettre le développement des services
archéologiques des collectivités territoriales dont il importe de
préciser les compétences à l'article 1
er
quater ;
- et d'adapter le statut de l'établissement public
créé par l'article 2 à la spécificité de ses
missions.
Votre rapporteur souligne que la suppression du monopole ne revient pas
à ouvrir l'archéologie à la concurrence ni à
laisser les opérations d'archéologie aux mains d'entreprises peu
scrupuleuses. Il ne s'agit en aucun cas de laisser les aménageurs libre
de choisir leur opérateur des fouilles. C'est à l'Etat qu'il
reviendra de désigner le responsable de fouilles. A ce titre, il
veillera à ce que ce dernier présente toutes les
compétences scientifiques pour conduire les opérations
prescrites.
B. LES DISPOSITIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE
•
Les nouvelles modalités de calcul de la redevance introduites
pour l'essentiel sur proposition du gouvernement suscitent des interrogations
sur la cohérence du dispositif proposé
.
On est en droit de se demander si, à force de modifier les règles
de calcul de la redevance, le gouvernement ne s'éloigne pas de
l'objectif de financement qu'il s'est fixé, soit environ
700 millions de francs.
Faute de données statistiques, votre rapporteur se trouve dans
l'impossibilité de s'assurer que le produit de la redevance correspondra
effectivement au coût que représenteront pour
l'établissement public les opérations qu'il devra assurer.
Conjugué au maintien du monopole, ce nouveau dispositif ne peut donc que
renforcer les interrogations soulevées par le Sénat en
première lecture sur l'efficacité du système.
Si la redevance rapporte plus que le coût réel des fouilles,
pèsera sur les aménageurs une charge fiscale nouvelle et indue.
Dans le cas inverse, l'établissement ne disposera pas des moyens lui
permettant de réaliser les fouilles prescrites par l'Etat, ce qui aura
pour effet de retarder les opérations d'aménagement sauf à
recourir à la sous-traitance, solution qui engendrera une charge
financière pour l'établissement, ou à passer des
conventions avec d'autres organismes publics qui, à la différence
du système actuel, ne seront pas rémunérés par les
aménageurs, la redevance n'étant perçue que par
l'établissement, ce qui ne les incitera guère à
coopérer avec ce dernier.
Toutefois, comme en première lecture, votre commission ne remettra pas
en cause le financement par l'impôt, qui répond à une
demande des aménageurs comme des archéologues, de voir
fixé un barème national des opérations
d'archéologie préventive mais également d'assurer une
mutualisation de son coût.
Cependant, la perplexité que soulève les atermoiements du
gouvernement constituent pour votre commission un nouvel argument pour
s'opposer au monopole.
Refuser d'accorder à l'établissement
public des droits exclusifs constitue le seul moyen de se prémunir
contre le risque d'asphyxie du système.
Votre commission vous proposera donc de rétablir le mécanisme
d'exonération prévu par le Sénat dans le cas où les
fouilles sont réalisées par un opérateur autre que
l'établissement.
Au-delà de ces considérations sur l'économie
générale du système et sa cohérence, votre
rapporteur soulignera deux effets pervers des nouvelles modalités de
calcul de la redevance adoptées par l'Assemblée nationale.
En premier lieu, on peut se demander si la diminution du taux de la redevance
pour diagnostics, légitime dans son principe, ne risque pas de susciter
des prescriptions de fouilles justifiées plus par des
considérations financières que scientifiques. En effet, il faudra
bien parvenir à ce que le produit global de la redevance
équilibre le budget de l'établissement. Votre rapporteur a vu
dans ce risque de dérive un motif supplémentaire pour
établir dans le projet de loi une nette séparation entre et les
services de l'Etat et le prescripteur de fouilles.
En second lieu, si la préoccupation du Sénat de mieux tenir
compte dans le calcul de la redevance du coût des fouilles pour les
terrains renfermant des structures complexes a été prise en
considération, la nouvelle formule de calcul applicable aux terrains non
stratifiés ne confère pas à la redevance dans
l'hypothèse de sites particulièrement riches un caractère
réellement dissuasif. Dans ces cas, l'Etat devra donc choisir entre deux
solutions peu satisfaisantes : soit faire supporter à
l'établissement des fouilles dont le coût ne sera pas couvert par
la redevance soit classer le terrain, ce qui se traduira par le gel du projet
d'aménagement et une dépense pour les finances publiques au titre
de l'indemnisation due au titre de la loi de 1913. Afin d'éviter cette
alternative, votre commission vous proposera de rétablir les formules de
calcul adoptées par le Sénat pour les sites non
stratifiés, sous réserve de l'intégration du coût
d'enlèvement des stériles.
•
Les dispositions introduites en deuxième lecture
relatives à la propriété des vestiges
archéologiques visent à remédier aux lacunes des
dispositions de la loi de 1941. Cependant, on est en droit de s'interroger sur
leur pertinence.
En ce qui concerne les objets mobiliers, le dispositif adopté par
l'Assemblée nationale ne constitue qu'un remède temporaire
à l'inadaptation des règles de la loi de 1941 à la nature
des vestiges découverts lors des fouilles.
En effet, à l'issue de la période pendant laquelle l'Etat pourra
disposer du bien pour procéder à son étude scientifique,
s'appliqueront toujours les règles de l'article 716 du code civil. A cet
égard, on peut se demander légitimement si elles seront alors
mieux appliquées qu'aujourd'hui.
Cependant, cette rédaction présente le mérite de ne pas
remettre en cause des règles de dévolution de
propriété bien admises, plus respectueuses dans leur esprit des
droits du propriétaire du fonds dans lequel est découvert le
vestige.
En ce qui concerne les
vestiges immobiliers
, il apparaît que le
nouvel article 5
ter
nouveau du projet de loi pose plus de
problèmes qu'il n'en résout.
L'opportunité d'un tel dispositif n'apparaît, en effet, pas
clairement.
Si, pour le gouvernement, l'exception créée pour les vestiges
immobiliers par le premier alinéa de l'article 18-1 nouveau de la loi de
1941 doit être analysée comme une simple inversion de la charge de
la preuve de la propriété, elle a bien pour effet
d'espérer un transfert de propriété même si c'est
par le truchement d'une inversion des règles de présomption de
propriété applicables à ces vestiges. Aujourd'hui un
propriétaire qui découvre un vestige immobilier sur son terrain
en est supposé propriétaire en application de l'article 552 du
code civil, les possibilités de preuve contraire étant
quasi-nulles, alors qu'une fois la loi promulguée, la
propriété du vestige reviendra à l'Etat sauf si le
propriétaire avance une preuve contraire qu'il ne pourrait en
réalité détenir que s'il avait eu connaissance du vestige.
De plus, il importe de se demander si cette nouvelle règle ne risque pas
de susciter un important contentieux sur la nature immobilière ou
mobilière du vestige mais aussi si l'Etat doit devenir
propriétaire de tous les vestiges immobiliers mis à jour qu'elle
que soit leur valeur historique ou scientifique.
Il semble plus raisonnable de s'en tenir à l'état actuel du droit
par ailleurs plus respectueux des droits des propriétaires :
lorsque le vestige présentera un intérêt particulier,
l'autorité administrative classera ou expropriera le bien comme cela a
été fait dans l'affaire de la grotte Chauvet. Par ailleurs, les
prérogatives que détient l'Etat pour surveiller ou
exécuter les fouilles en vertu du titre II de la loi de 1941 lui
permettront d'en assurer l'étude scientifique.
La disposition accordant aux inventeurs une indemnisation en cas d'exploitation
du vestige soulève également des interrogations.
Si le dispositif proposé, justifié par des préoccupations
d'équité qui peuvent se comprendre, se rapproche, du moins dans
son fondement, de l'article 716 du code civil, son économie en est
très différente : il s'agit non pas de la reconnaissance
d'un droit de propriété mais d'une indemnisation dont les
modalités de calcul ne sont pas exemptes d'ambiguïtés.
Par ailleurs, il convient de souligner que son champ est limité aux
découvertes fortuites, dont la définition peut être
délicate et qui sont dans les faits très peu fréquentes.
Au-delà, sa constitutionnalité ne va pas de soi dans le cas
où l'exploitant se trouve être le propriétaire, le texte
revient en effet, à priver le propriétaire d'une partie des
fruits de son terrain, ce que voulait précisément éviter
le gouvernement en refusant un amendement qui allait dans ce sens lors de la
première lecture à l'Assemblée nationale.
Le nouvel article 18-1 proposé par l'article 5 ter apparaît donc
à bien des égards inabouti.
Certes, l'application des règles actuellement en vigueur n'est pas
exempte de difficultés et en démontre les lacunes, notamment en
ce qui concerne les droits des inventeurs.
Cependant, compte tenu de l'importance comme du nombre des questions
soulevées, votre commission a souhaité que la réflexion
engagée sur cette question puisse être approfondie.
En ce domaine où les cas de découvertes immobilières
majeures sont en réalité très rares, il semblerait
regrettable de légiférer à la hâte. Votre commission
vous proposera donc de supprimer cet article.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des modifications qu'elle vous soumet, votre commission des affaires culturelles vous proposera d'adopter en deuxième lecture le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Définition de
l'archéologie préventive
•
Le Sénat
avait complété cet article afin de
préciser les responsabilités de l'Etat en matière de
protection du patrimoine archéologique.
Par ailleurs, il avait apporté des modifications à la
définition de l'archéologie préventive adoptée par
l'Assemblée nationale en supprimant des dispositions soit redondantes
soit imprécises.
Enfin, il avait adopté un amendement, avec l'avis favorable du
gouvernement, précisant que chaque opération d'archéologie
préventive fait l'objet d'un rapport établissant son coût
et son intérêt patrimonial et scientifique.
•
L'Assemblée nationale
a rétabli cet article
dans sa rédaction de première lecture en précisant que les
opérations d'archéologie préventive recouvrent
également les fouilles sous-marines qui étaient régies
jusqu'ici par la loi du 27 septembre 1941 et par la loi n° 61-1262 du
24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes. Cette
précision suscite des interrogations sur la possibilité de
conduire de telles opérations comme sur les conditions dans lesquelles
pourraient leur être appliquées les dispositions du projet de loi.
Position de la commission
Votre commission vous proposera de revenir au texte adopté par le
Sénat sous réserve d'une modification visant à limiter
l'objet de cet article à la définition de l'archéologie
préventive, les précisions introduites en première lecture
par le Sénat sur les compétences de l'Etat étant reprises
à l'article 1
er
bis
.
Article premier bis
Rôle de l'Etat
•
Le Sénat
avait adopté une nouvelle rédaction
de cet article afin de préciser les conditions dans lesquelles
s'exercent les compétences de l'Etat en matière
d'archéologie préventive.
- Dans le souci d'opérer une distinction claire entre
l'établissement des prescriptions archéologiques et la
réalisation des opérations de terrain, il était
précisé que la
désignation du responsable de fouilles
incombait à la seule autorité administrative
, selon les cas,
le ministre chargé de l'archéologie ou le préfet de
région. En effet, l'Assemblée nationale avait prévu une
modalité de désignation, qui ne différait guère de
celle prévue par le projet de loi, en accordant à
l'autorité administrative une compétence liée dans la
mesure où cette dernière ne pouvait choisir un responsable de
fouilles qui n'aurait pas été proposé par
l'établissement public, doté par l'article 2 de droits exclusifs.
Cette procédure qui revenait à accorder à
l'établissement public un droit de veto ne permettait pas de garantir
que des organismes extérieurs à cet établissement puissent
se voir confier des opérations archéologiques.
- Afin de renforcer les garanties scientifiques dont doivent être
entourées les décisions de l'autorité administrative
prises en ce domaine,
le Sénat avait introduit une procédure
consultative, étroitement inspirée de celle qui prévaut
actuellement
: l'établissement des prescriptions
archéologiques et la désignation du responsable scientifique des
fouilles étaient précédées, selon les cas, de la
consultation de la commission interrégionale de l'archéologie ou
du conseil national de la recherche archéologique. Par ailleurs, il
avait précisé que l'exploitation scientifique des
opérations de fouilles était réalisée sous le
contrôle de l'Etat.
- Enfin, prenant en considération la nécessité de
limiter les contraintes que font peser les opérations
d'archéologie préventive sur les opérations
d'aménagement, le Sénat avait souhaité, d'une part,
que
la date de début de ces opérations soit arrêtée par
l'Etat en accord avec le responsable des fouilles et la personne qui
exécute les travaux et, d'autre part, que la durée des
opérations -sondages et fouilles- puisse être fixée par
l'administration dès l'établissement des prescriptions
. La
rédaction adoptée par le Sénat prévoyait
également que si au terme de ces délais, susceptibles
d'être prolongés si la protection du patrimoine
archéologique l'exigeait, les fouilles n'étaient pas
achevées, les terrains étaient considérés comme
libres de toute contrainte archéologique.
•
L'Assemblée nationale
a adopté à cet
article un amendement rétablissant sa rédaction de
première lecture, sous réserve de deux modifications :
- en premier lieu, afin de mieux marquer la prérogative de l'Etat
dans la désignation du responsable scientifique des opérations
d'archéologie préventive, a été attribué
à l'établissement public un pouvoir d'avis et non plus de
proposition ;
- en second lieu, a été précisé que, pour
l'exercice de ses missions, l'Etat peut consulter des organismes scientifiques
compétents pour examiner
" toute mesure relative à
l'étude scientifique du patrimoine archéologique et à son
inventaire, à la publication et à la diffusion des
résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la
conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine. "
Par ailleurs, il convient de relever que l'Assemblée nationale tenant
compte de la nécessité d'informer l'aménageur des
délais de réalisation des opérations d'archéologie
préventive qui lui sont imposées a prévu à
l'article 2 bis (nouveau) la signature de conventions entre
l'établissement public et les personnes réalisant des
opérations d'aménagement qui fixeraient notamment les
délais dans lesquels doivent s'effectuer les sondages et les fouilles
ainsi que les conséquences du non-respect de ces délais.
Position de la commission
Le texte adopté par l'Assemblée nationale pour l'article
1
er
bis
encourt les mêmes critiques qu'en
première lecture : il présente l'inconvénient de s'en
tenir à un rappel très général des
compétences de l'Etat en matière d'archéologie
préventive -à l'exception de la disposition relative à la
désignation du responsable scientifique- et de ne pas préciser
dans quelle mesure ces compétences s'articulent avec celles que
détient d'ores et déjà l'autorité administrative en
vertu de la loi de 1941. Par ailleurs, il s'inscrit dans la logique du projet
de loi qui attribue le monopole d'exécution des fouilles à
l'établissement public créé par l'article 2.
Les modifications introduites en deuxième lecture, si elles prennent en
considération certaines des préoccupations exprimées par
le Sénat, ne suffisent pas à y répondre, la logique de
l'octroi du monopole d'exécution des fouilles à un
établissement public les privant en grande partie de portée.
En ce qui concerne la désignation du responsable de fouilles, les droits
exclusifs qui lui sont accordés, comme le poids que
l'établissement public sera amené à prendre dans les
opérations de terrain favoriseront inévitablement un
mélange des genres qui aboutira, comme c'est déjà le cas
dans le système actuel, à privilégier les personnels de
l'établissement.
Dans un tel contexte, la procédure de consultation facultative des
instances scientifiques prévue par l'Assemblée nationale, ne
satisfait qu'imparfaitement la préoccupation de la Haute
Assemblée de lever les soupçons que pourraient susciter les
décisions d'une administration à la fois " juge et
partie ".
De même, le dispositif prévu à l'article 2 bis(nouveau)
pour encadrer les délais de fouilles apparaît largement
inopérant. Les avantages à attendre de ce système, qui ne
présente guère plus de souplesse que la procédure
prévue par le Sénat, sont incertains : compte tenu des
droits exclusifs reconnus à l'établissement public, il y a en
effet à craindre que la négociation entre les parties soient de
ce fait fort déséquilibrée et que l'établissement
public n'impose ses conditions à l'aménageur qui ne disposera
d'aucun recours en cas d'échec de cette négociation.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter
un
amendement
qui rétablit cet article dans la rédaction
adoptée par le Sénat en première lecture sous
réserve de modifications d'ordre rédactionnel visant :
- à reprendre à cet article les dispositions introduites en
première lecture à l'article 1
er
relatives à
l'énoncé général des compétences de l'Etat
en matière de protection du patrimoine archéologique ;
- à renvoyer à un décret la fixation de la
composition et des attributions des instances consultatives.
Articles premier ter A et premier ter B
Conseil
national de la recherche archéologique
•
Ces deux articles nouveaux introduits par
le Sénat
, tout en
élargissant leur composition à des représentants des
collectivités locales, conférait une existence législative
aux organes consultatifs créés en 1994, le conseil national de la
recherche archéologique (CNRA) et les commissions interrégionales
de la recherche archéologique (CIRA), dont la consultation était
prévue à l'article 1
er
bis
.
•
L'Assemblée nationale
a supprimé ces deux
articles par coordination avec la rédaction adoptée pour le
second alinéa de l'article 1
er
bis
qui
renvoie à un décret en Conseil d'Etat la constitution de ces
instances consultatives.
Position de la commission
Compte tenu de la rédaction retenue par votre commission pour l'article
1
er
bis
, elle vous proposera de maintenir la suppression de
ces deux articles.
Article 1
er
ter
Carte
archéologique nationale
•
Le Sénat
avait adopté une nouvelle rédaction
de cet article afin de préciser que :
- les prescriptions de l'Etat s'appuient notamment sur les données
de la carte archéologique, dans le souci d'indiquer que la carte
archéologique avait vocation à devenir un document d'urbanisme
sur lequel une fois achevée pourraient être fondées les
décisions administratives ;
- ce document couvre l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, il avait modifié les modalités de publicité
de la carte en substituant au dispositif adopté par l'Assemblée
nationale qui accordait aux autorités habilitées à
délivrer les autorisations de travaux compétence pour en
communiquer des extraits, une procédure qui garantissait à la
fois l'impératif de transparence administrative et
l'intégrité du patrimoine archéologique : toute
personne qui en fait la demande peut obtenir communication de la carte sous
réserve des exigences liées à la préservation du
patrimoine archéologique.
•
L'Assemblée nationale
, outre un amendement
rédactionnel, a adopté à cet article deux amendements.
Le premier supprime la disposition introduite par le Sénat
précisant que les prescriptions de l'Etat s'appuient sur la carte
archéologique.
Le deuxième, adopté contre l'avis du gouvernement,
rétablit la procédure de communication de la carte
archéologique adoptée en première lecture.
Position de la commission
Un effort doit être accompli afin de réduire les aléas
auxquels sont actuellement confrontés les aménageurs en raison du
" risque archéologique ".
La carte archéologique nationale devrait permettre d'en accroître
la prévisibilité et donc d'assurer une conciliation plus
aisée entre les exigences du développement économique et
celles de la protection du patrimoine. L'élaboration d'un document
exhaustif, seul capable de répondre à ces objectifs, qui a
été engagée en 1991, exigera de l'Etat un effort
budgétaire soutenu afin de doter les services régionaux de
l'archéologie de moyens de fonctionnement suffisants.
La précision introduite par le Sénat, qui n'avait pas pour effet
de rendre la carte opposable aux tiers, avait essentiellement vocation à
souligner l'intérêt que revêtait ce document comme la
nécessité de l'élaborer dans des délais
raisonnables.
En ce qui concerne les modalités de communication de la carte, le texte
adopté par le Sénat présentait l'avantage d'assurer une
large publicité de la carte tout en permettant d'éviter qu'elle
soit utilisée à des fins contraires à la
préservation du patrimoine archéologique.
En effet, à la différence du dispositif de l'Assemblée qui
ne permet la diffusion des données archéologiques que dans le
seul cadre des procédures de délivrance des autorisations de
travaux, la communication par les services de l'Etat prévue par le
Sénat permet d'assurer une publicité plus large de la carte. Par
ailleurs, il est plus logique que ce document soit diffusé par les
services qui l'élaborent plutôt que par des autorités qui,
pour satisfaire les demandes qui leur seront adressées, devront
préalablement solliciter ces mêmes services.
Votre commission vous propose donc d'adopter
deux amendements
rétablissant sur ces points le dispositif adopté par le
Sénat.
Article 1
er
quater
Services
archéologiques des collectivités territoriales
En
dépit des assouplissements apportés au monopole par
l'Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi
aboutit en fait à laisser à la discrétion de
l'établissement public d'archéologie préventive la
décision d'associer ou non à la réalisation des
opérations d'archéologie d'autres intervenants mais
également le choix de ces derniers.
Ce dispositif, conséquence logique du monopole, soulevait notamment des
interrogations sur le rôle dévolu par le projet de loi aux
services archéologiques des collectivités territoriales, pourtant
les plus aptes à assurer une exploitation scientifique et culturelle des
découvertes archéologiques au plus près des territoires et
de leurs habitants.
Certes, l'Assemblée nationale avait précisé à
l'article 2 que pour l'exécution de sa mission,
l'établissement public
" associe "
ces services et,
à l'article 4, que sont exonérés du paiement de la
redevance les travaux de fouilles exécutés par une
collectivité territoriale pour son compte lorsqu'elle est dotée
d'un service archéologique "
agréé par
l'Etat
".
Toutefois, ce dispositif n'était pas satisfaisant dans la mesure
où, compte tenu des droits exclusifs reconnus à
l'établissement public, cette " association " ne pouvait
être effective que si le service local était désigné
en qualité de responsable de fouilles ou s'il signait une convention
avec l'établissement et l'exonération, accordée
qu'à la condition qu'il dispose de l'agrément, agrément
dont on voit mal la justification compte tenu du contrôle scientifique et
technique exercé par l'Etat en vertu des lois de 1983 et
de 1941.
• Afin de consacrer le rôle de ces services et surtout
d'encourager leur développement,
le Sénat
avait
souhaité introduire un nouvel article qui précisait leur
rôle et leur statut tout en garantissant leur participation aux fouilles
qui se déroulent sur le territoire de la collectivité
territoriale dont ils dépendent.
Cet article prévoyait que les personnels de ces services, dont la
création est facultative, sont soumis au contrôle technique de
l'Etat en vertu de l'article 65 de la loi n° 83-663
du 22 juillet 1983
1(
*
)
, et que
leur activité s'exerce dans le cadre défini par la loi
du 27 septembre 1941 et de la présente loi.
En outre, le texte adopté par le Sénat à l'initiative de
votre commission disposait que, dès lors qu'ils existent et que la
collectivité territoriale en fait la demande, ces services participent
de plein droit aux opérations de fouilles qui se déroulent sur le
territoire de celle-ci, quel que soit le responsable de fouilles
désigné par l'Etat.
Le mécanisme d'exonération devait inciter le développement
de tels services, notamment dans le cadre d'établissements publics de
coopération intercommunale.
• En deuxième lecture,
l'Assemblée nationale
,
revenant à son texte de première lecture pour les articles 2 et
4, a supprimé par coordination cet article.
Lors des débats, le rapporteur de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales, M. Marcel Rogemont, a justifié sa
proposition de suppression, en affirmant que
" ces services sont
associés à l'établissement public et réaliseront
des travaux dès lors qu'ils seront compétents ".
Or,
force est de constater que le texte adopté par l'Assemblée
nationale ne définit aucun critère précis de
compétence pour ces services.
La crainte de voir l'établissement public
"
marginalisé
", pour reprendre les propos du
rapporteur, par la création de ces services a justifié cette
position. Cette crainte est infondée compte tenu des moyens dont
disposent dans la pratique ces services. Par ailleurs, on voit mal pourquoi,
alors que la création d'un monopole national a été
parée de toutes les vertus, la possibilité de voir se constituer
des
" monopoles locaux ",
éventualité plus
hypothétique que réaliste, est redoutée.
Position de la commission
Votre commission vous propose de rétablir l'article 1
er
quater
dans la rédaction adoptée par le Sénat.
Article 2
Création d'un
établissement
chargé de la recherche
en archéologie préventive
•
Tout en ne remettant pas en cause le principe de la création d'un
établissement public chargé d'exécuter les fouilles
archéologiques,
le Sénat
avait modifié cet article
afin, d'une part, de supprimer les droits exclusifs reconnus à cet
établissement qui ne se justifiaient pas plus sur le plan de
l'efficacité que de la qualité scientifique des fouilles et,
d'autre part, de le doter du statut d'établissement public à
caractère industriel et commercial, plus adapté aux missions
qu'il aura à assumer que celui d'établissement public à
caractère administratif.
•
L'Assemblée nationale
a rétabli cet article
dans la rédaction qu'elle avait adopté en première lecture
sous réserve de modifications de nature rédactionnelle et d'un
amendement de précision relatif au statut des personnels du futur
établissement public.
Le projet de loi -non modifié sur ce point par l'Assemblée
nationale en première lecture- disposait que, par dérogation aux
dispositions de l'article 3 du statut général de la fonction
publique de l'Etat, les personnels de l'établissement public serait des
agents contractuels.
A été précisé en deuxième lecture que le
statut de ces agents serait régi par le décret n° 86-63
du 17 janvier 1986
2(
*
)
relatif aux dispositions
générales applicables aux agents non-titulaires de l'Etat et par
un décret qui constituera en quelque sorte le " statut
particulier " des agents de l'établissement.
La précision introduite par l'Assemblée nationale vient limiter
l'autonomie de l'établissement et réduit en conséquence
l'intérêt de prévoir un statut contractuel pour les agents
de l'établissement public, sauf à permettre d'éviter un
recrutement par concours difficilement envisageable dans la mesure où
l'établissement public a vocation à employer les salariés
de l'actuelle AFAN.
Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter
deux amendements
visant à
rétablir la rédaction adoptée par le Sénat sous
réserve du maintien de la suppression de la disposition relative au
régime de propriété des découvertes
mobilières qui, à l'issue des travaux en deuxième lecture
de l'Assemblée nationale, est désormais précisé aux
articles 2 ter et 5 bis.
Article 2 bis (nouveau)
Convention entre
l'établissement public et l'aménageur
•
Cet article additionnel a été introduit par
l'Assemblée nationale
afin de préciser les termes de
l'article premier du projet de loi selon lesquels
" l'archéologie préventive a pour objet d'assurer (...)
dans les délais appropriés, la détection, la conservation
ou la sauvegarde par l'étude scientifique, des éléments du
patrimoine archéologique (...) ".
•
Le Sénat
avait en première lecture
souligné le caractère très vague de cette formulation qui
ne permettait pas de limiter les contraintes que font peser les
opérations d'archéologie préventive sur les
opérations d'aménagement. Soucieux de concilier les
impératifs de protection du patrimoine et les légitimes
préoccupations des aménageurs, il avait prévu à
l'article 1
er
bis
qu'il reviendrait à
l'autorité administrative, lors de la prescription des opérations
archéologiques, de fixer la durée des sondages et des fouilles,
durée qui ne pouvait excéder, pour les premières, un mois
et, pour les secondes, six mois à compter d'une date fixée en
accord entre le responsable des fouilles et la personne qui réalisait
les travaux. En cas de non-respect de ces délais, le texte adopté
par le Sénat précisait que les terrains étaient dès
lors considérés comme libres de contrainte archéologique.
L'Assemblée nationale, si elle a pris en considération la
nécessité de limiter le poids des contraintes pesant sur les
aménageurs, a substitué au dispositif adopté par le
Sénat un mécanisme contractuel qui prévoit la conclusion
d'une convention entre l'aménageur et l'établissement public.
Cette convention aurait pour objet de fixer les conditions d'exécution
des fouilles, notamment leurs délais de réalisation, mais
également les conséquences de l'éventuel
dépassement de ces délais.
Ce mécanisme était censé présenter l'avantage
d'adapter la durée des fouilles à la spécificité de
chaque opération. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a, en
effet, considéré que les délais prévus par le
Sénat n'étaient pas réalistes. On ne pourra que
s'étonner de cette appréciation : les statistiques fournies
par le rapporteur lui-même indiquent que, dans la majorité des
cas, les opérations d'archéologie préventive s'effectuent
dans les délais retenus par le Sénat puisque 60 % des
diagnostics nécessitent moins d'un mois et 63 % des fouilles, moins
de six mois.
Par ailleurs, on rappellera que ces délais ne constituaient que des
délais indicatifs, l'autorité administrative pouvant selon la
nature des opérations à entreprendre fixer des durées plus
courtes ou, au contraire, plus longues par décision motivée
lorsque la protection du patrimoine l'exigeait.
Au-delà, on s'interrogera sur l'opportunité de prévoir une
convention pour régler ces questions. En effet, il y a fort à
craindre que l'établissement public ne soit tenté d'imposer ces
conditions, l'aménageur ne disposant d'aucun moyen pour faire
prévaloir ses contraintes, privé de l'arme qui était
jusqu'ici la sienne dans les négociations avec l'AFAN, celle du paiement
des prestations. A l'avenir, l'aménageur devra acquitter la taxe quelles
que soient les conditions de réalisation de l'opération. On voit
donc mal dans ce contexte quel pourra être le contenu des stipulations
contractuelles relatives au non-respect des délais. Enfin, on observera
qu'en l'absence d'accord entre les parties, aucun délai ne sera
prévu.
C'est pour cette raison que le Sénat avait souhaité confier la
fixation des délais à l'autorité administrative,
compétente en vertu de l'article 1
er
bis
pour
veiller à
" la conciliation des exigences respectives de la
recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du
développement économique et social "
.
S'agissant des autres aspects de la négociation (conditions
d'accès au terrain, fourniture de matériels), le silence du
projet de loi n'interdisait en aucune manière à
l'aménageur et au responsable de fouilles de contracter sur ce point.
Position de la commission
Compte tenu de ces observations, votre commission vous proposera, par
coordination avec le rétablissement de l'article 1
er
bis
dans la rédaction du Sénat,
un amendement
de
suppression de cet article.
Article 2 ter (nouveau)
Régime
juridique des
découvertes mobilières
réalisées à
l'occasion de fouilles préventives
•
L'Assemblée nationale
a adopté ce nouvel article
afin de préciser le régime juridique des découvertes
mobilières faites à l'occasion des fouilles préventives.
La loi du 27 septembre 1941 prévoit pour les découvertes faites
à l'occasion de fouilles, qu'elles soient ou non réalisées
par l'Etat (article 11) comme pour les découvertes fortuites
(article 16), que s'appliquent les dispositions de l'article 716 du
code civil qui dispose :
" La propriété d'un
trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre
fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il
appartient pour moitié à celui qui l'a découvert et pour
l'autre moitié au propriétaire du fonds ".
On rappellera
toutefois que l'Etat peut classer ces objets en application de la loi
de 1913 ou les revendiquer moyennant une indemnité fixée
à l'amiable ou à défaut par des experts et répartie
entre l'inventeur et le propriétaire.
Cependant, ces règles se sont révélées peu
adaptées à la nature des objets exhumés à
l'occasion des fouilles préventives, qui n'ont souvent que peu de valeur
et n'intéressent guère les propriétaires des terrains sur
lesquels ils sont découverts. Dans la pratique, la loi de 1941
n'est donc que rarement appliquée, la plupart des objets étant
conservés dans des dépôts gérés par l'Etat ou
par les collectivités territoriales, dans des conditions de
conservation, souvent peu satisfaisantes en raison de la misère des
lieux de stockage, misère qui perdure malgré l'effort consenti
par l'Etat au cours des dernières années pour y remédier.
Une adaptation de la loi à la réalité mais aussi aux
nécessités de la gestion patrimoniale et de la recherche
scientifique paraissait indispensable.
Afin de répondre à cette nécessité, le Sénat
avait inséré à l'article 2 une disposition qui
attribuait à l'Etat la propriété du mobilier
archéologique issu des fouilles préventives. Cette solution,
applicable déjà dans de nombreux pays européens, avait
essentiellement pour objet d'améliorer les conditions d'exploitation
scientifique des découvertes.
Si l'Assemblée nationale a pris acte de la nécessité
d'adapter sur ce point la législation de 1941, elle a toutefois
retenu, sur proposition du gouvernement, une solution différente, qui ne
remet pas en cause l'application des règles prévues par
l'article 716 du code civil mais accorde à l'établissement
public sous le contrôle de l'Etat la possibilité de disposer du
mobilier archéologique durant le temps nécessaire à son
étude scientifique, durée qui ne peut excéder cinq ans. On
soulignera que cette possibilité n'écarte pas les dispositions
reconnaissant à l'Etat la possibilité de classer ou de
revendiquer ces objets.
Position de la commission
Votre rapporteur avait souligné lors des débats au Sénat,
la nécessité d'approfondir et d'améliorer le dispositif
proposé afin notamment "
d'assurer le respect des droits des
propriétaires
".
A cet égard, la possibilité offerte par le nouvel
article 2
ter
de ménager un délai pour
l'étude scientifique des objets avant l'attribution de la
propriété des objets conformément à
l'article 716 du code civil, permet de ne pas remettre en cause des
règles bien établies, même s'il y a fort à craindre
qu'à l'issue du délai nécessaire à leur
étude scientifique, la loi de 1941 ne soit pas plus
appliquée qu'aujourd'hui.
Cependant, par coordination avec la suppression du monopole, il
n'apparaît pas nécessaire de confier systématiquement
à l'établissement public les découvertes
mobilières. C'est à l'Etat qu'il revient de veiller à
désigner l'organisme le plus apte à assurer leur étude
scientifique, qui pourra être ou non l'établissement public.
Outre
un amendement rédactionnel
, votre commission vous proposera
d'adopter
un amendement
visant à confier à l'Etat les
objets découverts lors de fouilles préventives durant le temps
nécessaire à leur étude scientifique.
Article 4
Redevances d'archéologie
préventive
•
Le
Sénat
, s'il en avait souligné les
ambiguïtés et les limites, n'avait remis en cause ni le principe du
financement par l'impôt des opérations d'archéologie
préventive ni les modalités retenues par l'Assemblée
nationale pour le calcul de la redevance.
Cependant, il avait tiré les conséquences de la suppression des
droits exclusifs de l'établissement sur le champ des exonérations
de redevance : dans le cas où l'Etat désignait un
responsable de fouilles distinct de l'établissement créé
par l'article 2, les sommes engagées par les aménageurs pour
réaliser les fouilles viendraient en réduction du montant de la
redevance.
Par ailleurs, il avait souhaité apporter un correctif au
mécanisme de la redevance en fixant un taux majoré lorsque le
terrain est particulièrement riche en vestiges, afin d'exercer un effet
dissuasif sur les aménageurs .
Enfin, il avait prévu l'hypothèse où un projet
d'aménagement est abandonné, en précisant que dans ce cas,
la redevance est remboursée au redevable.
• Outre des amendements d'ordre rédactionnel,
l'Assemblée nationale
a adopté à cet article
plusieurs séries de modifications en deuxième lecture.
Les premières coordonnent la rédaction de l'article 4 avec
celles des articles 1
er
quater et 2 afin de tirer les
conséquences du monopole : rétablissement du paragraphe I
qui détermine l'assiette de la redevance dans la rédaction de
première lecture, suppression du mécanisme d'exonération
prévu par le Sénat dans le cas où l'établissement
ne réalise pas les fouilles et réintroduction de la disposition
relative à l'exonération dont peuvent bénéficier
les collectivités territoriales dotées de services
archéologiques.
Les secondes visent à modifier à nouveau les modalités de
calcul des redevances d'archéologie préventive.
L'assiette de la taxe a été étendue à l'ensemble
des opérations d'affouillement, que l'Assemblée a soumis à
déclaration administrative préalable. A cet égard, s'il se
félicite de la prise en compte de la valeur archéologique des
couches supérieures, votre rapporteur ne pourra qu'attirer l'attention
du gouvernement sur la nécessité d'éviter de créer
par ce biais des obligations par trop contraignantes pour certaines
activités économiques, en particulier agricoles.
Par ailleurs, le barème a été corrigé en vue de
répartir de manière différente le produit de l'impôt
entre la redevance " diagnostics " et la redevance
" fouilles ".
Le taux de la redevance diagnostics a été abaissé pour
être fixé à 2 francs/m
2
, au lieu de
2,58 francs/m², afin d'alléger son poids pour les
opérations en zones rurales.
En contrepartie, les deux taux de la redevance " fouilles " ont
été augmentés en intégrant dans le coût des
opérations le montant correspondant aux travaux de décapage des
terres ne recelant pas de vestiges, c'est-à-dire des terres
stériles au sens archéologique. Le ministre a indiqué,
lors des débats à l'Assemblée nationale, que
"
cette modification permettra de déduire de la redevance le
coût d'enlèvement dans le cas où cette prestation sera
réalisée, sous le contrôle de l'Etat, par
l'aménageur lui-même
". Cette précision peut
surprendre dans la mesure où cette déduction était
déjà prévue dans le dispositif adopté en
première lecture par l'Assemblée.
Par ailleurs, on rappellera que les formules proposées en
première lecture devaient dégager un produit fiscal permettant de
faire face aux besoins de financement de l'établissement, soit environ
700 millions de francs. Cette somme, d'après les informations
communiquées par le gouvernement à votre rapporteur, comprenait
non seulement le chiffre d'affaires de l'AFAN mais incluait également le
coût des prestations prises en charge actuellement par les
aménageurs dont le financement incomberait dans le nouveau
système à l'établissement, prestations qui incluait les
terrassements. Le motif avancé pour majorer la taxe est pour le moins
ténu. L'introduction du coût d'enlèvement des terres
stériles ne constitue donc qu'un moyen d'accroître le taux de la
redevance pour les fouilles afin de compenser la diminution de la redevance
pour les diagnostics.
Par ailleurs, la formule de calcul pour les fouilles sur des structures
archéologiques non stratifiées a été
modifiée afin de se rapprocher au plus près du coût
réel des fouilles en tenant compte de la nature des vestiges et de la
complexité de leur étude archéologique, ce qui
répond à une préoccupation du Sénat. En effet,
votre rapporteur avait souligné que les formules de calcul dans la
mesure où elles reposaient sur des valeurs moyennes privait la redevance
de son caractère dissuasif dans le cas d'opérations
nécessitant la destruction de sites patrimoniaux d'une grande valeur
dont il conviendrait de préserver l'intégrité.
S'agissant des dispositions relatives aux mécanismes de plafonnement,
réduction et exonération, l'Assemblée nationale a
limité le plafonnement de la redevance prévu pour les
constructions affectées de manière prépondérante
à l'habitation aux seuls affouillements imposés par les normes
d'urbanisme. Ainsi, lorsqu'ils dépasseront ces normes, par exemple dans
le cas de la construction de parkings, les aménageurs ne
bénéficieront pas du mécanisme du plafonnement du moins
lorsqu'il s'agira de fouilles stratifiés -ce qui est le cas
habituellement en zone urbaine.
Par ailleurs, le champ de la réduction de redevance à laquelle
ouvre droit la fourniture de prestations par le redevable lui-même a
été limité par rapport au texte adopté en
première lecture à la fourniture de matériels et
d'équipement, la prise en charge de travaux concourant à la
réalisation des sondages et des fouilles en étant
désormais exclu. Son montant a été plafonné, non
plus à 50 % du montant de la redevance, comme cela avait
été prévu en première lecture mais au coût de
l'enlèvement des terres dites " stériles ".
Enfin, l'Assemblée a précisé qu'en cas d'abandon du projet
d'aménagement, seule la redevance pour fouilles pouvait être
remboursée.
Position de la commission
Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur la cohérence du
nouveau système proposé. En effet, à modifier à
nouveau les barèmes, on risque fort de fausser les estimations et
d'aboutir à un impôt qui rapportera soit trop peu soit pas assez.
Dans cette dernière hypothèse, il y aurait fort à craindre
que faute de subventions de fonctionnement du ministère de la culture,
l'établissement public ne puisse faire face à ses engagements
dans des conditions acceptables pour les aménageurs, notamment en termes
de délais. Dans le cas inverse, la redevance constituera une charge
financière indue pesant sur les aménageurs.
L'absence de données statistiques sur plusieurs années interdit
de réaliser des simulations fiables à partir des formules
retenues par le texte adopté par l'Assemblée.
Le caractère aléatoire du produit de la redevance ne peut que
renforcer les craintes résultant de la conjugaison de ce système
de financement à un dispositif monopolistique qui ne présente
aucune garantie d'efficacité en terme de rapidité
d'exécution des fouilles et de légitimité des
prescriptions archéologiques.
Cependant, votre commission n'a pas souhaité remettre en cause pour
autant le principe du financement par l'impôt, qui répond au
souhait des aménageurs et des archéologues de voir fixé un
barème national des opérations d'archéologie
préventive mais également permet d'effectuer à la marge
une mutualisation des coûts, notamment en faveur du logement social et de
la construction individuelle.
Votre commission vous proposera d'adopter toutefois, outre un amendement de
précision rédactionnelle,
cinq
amendements
visant
à
:
- tirer les conséquences de la suppression du monopole sur la
rédaction du paragraphe I qui précise l'assiette de la redevance,
la référence à l'établissement public devenant
inutile ;
- réintroduire un taux majoré dans le cas de sites
renfermant des structures complexes. En effet, si la préoccupation du
Sénat de tenir compte de la complexité des opérations de
fouilles a été prise en considération, la formule de
calcul retenue par l'Assemblée nationale ne permet pas de
conférer à la redevance un caractère réellement
dissuasif. Dans ces cas, l'Etat devra donc choisir entre deux solutions peu
satisfaisantes, faire supporter à l'établissement des fouilles
dont le coût ne sera pas couvert par la redevance ou classer le site, ce
qui se traduira par le gel du projet d'aménagement et une dépense
pour les finances publiques au titre de l'indemnisation due au titre de loi de
1913 ;
- supprimer au paragraphe II bis (nouveau) la disposition relative
à l'exonération dont peuvent bénéficier les
collectivités territoriales, par coordination avec la rédaction
proposée pour l'article 1
er
quater
;
- rétablir à ce paragraphe le mécanisme
d'exonération prévu par le Sénat en première
lecture pour les redevables qui ne recourent pas l'établissement
public ;
- revenir à la rédaction du Sénat pour le dispositif
de remboursement de la redevance en cas d'abandon du projet
d'aménagement.
Article 4 bis
Commission de recours
•
Le Sénat
avait approuvé la création de cette
commission de recours destinée à assurer une meilleure prise en
compte des observations des redevables dans la procédure
d'établissement de la redevance et ainsi à éviter
d'inutiles contentieux. Il avait toutefois précisé la composition
de cette commission afin d'y assurer une représentation équitable
des différents collèges qui la composait(représentants de
l'Etat, des collectivités territoriales, des personnes effectuant des
travaux soumis au paiement de la redevance et personnalités
qualifiés).
• Estimant que la fixation du nombre de représentants des
différents collèges siégeant au sein de la commission
relevait du domaine réglementaire,
l'Assemblée nationale
a
supprimé cette précision.
Position de la commission
Le principe d'une représentation paritaire des différents
collèges, auquel le gouvernement s'était déclaré
favorable lors des débats au Sénat, apparaît comme une
condition du bon fonctionnement de ces commissions.
Votre commission vous propose donc d'adopter
un amendement
rétablissant ce principe.
Article 5
Coordination
•
Cet article avait été introduit
par
l'Assemblée nationale afin d'assurer la coordination entre le projet de
loi et diverses dispositions législatives.
Le Sénat
avait, d'une part, supprimé le paragraphe II de
cet article qui avait pour objet de fixer lors de la délivrance du
permis de construire un délai pour l'accomplissement des fouilles et,
d'autre part, modifié le paragraphe III relatif aux modalités de
constatation des infractions aux prescriptions archéologiques
établies par l'autorité administrative.
En effet, les modifications des articles L. 421-2-4 et L.-480-1 du code de
l'urbanisme proposées respectivement par les paragraphes II et III
procédaient d'une confusion entre la procédure de
délivrance des permis de construire et celle relative aux prescriptions
archéologiques : ces dernières ne figurent pas, en effet,
dans le permis de construire mais font l'objet d'une décision du
préfet de région ou, dans certains cas, du ministre de la culture
prise en application de la loi de 1941, complétée demain par la
loi sur l'archéologie préventive.
Par ailleurs, le Sénat avait refusé d'inclure dans le champ
d'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de l'environnement les
installations qui " présentent des dangers ou des
inconvénients " pour la conservation de sites
archéologiques. Une installation classée est une installation qui
présente en raison de la nature de son activité une menace pour
la santé, l'environnement ou la salubrité publique. Il serait
abusif de considérer qu'une usine non comprise dans la nomenclature des
installations classées doit être une installation classée
au seul motif qu'elle est située sur un terrain renfermant des vestiges
archéologiques.
•
L'Assemblée nationale
a tenu compte des
observations formulées par le Sénat sur la rédaction des
textes proposés par les paragraphes II et III. En revanche, elle a
rétabli le paragraphe IV de cet article dans la rédaction
adoptée en première lecture.
Position de la commission
Compte tenu des observations présentées plus haut, votre
commission vous propose d'adopter
un amendement
supprimant le
paragraphe IV de cet article.
Article 5 bis (nouveau)
Régime des
découvertes mobilières réalisées
à
l'occasion de fouilles exécutées par l'Etat
•
L'Assemblée nationale
, sur proposition du gouvernement, a
adopté ce nouvel article qui a pour objet d'appliquer aux vestiges
mobiliers découverts lors de fouilles programmées
exécutées par l'Etat les mêmes règles que celles
applicables aux objets exhumés dans le cadre de fouilles
préventives sous la réserve qu'elles seront confiées
à l'Etat et non à l'établissement public.
Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve
d'un
amendement
prévoyant des dispositions comparables pour les
découvertes fortuites régies par le titre III de la loi du 27
septembre 1941.
Article 5 ter (nouveau)
Régime des
découvertes immobilières
•
Sur proposition du gouvernement,
l'Assemblée nationale
a
adopté cet article qui insère dans la loi
du 27 septembre 1941 un nouvel article 18-1 relatif aux
découvertes archéologiques immobilières.
Ce dispositif a pour objet d'éviter que ne se reproduisent des
imbroglios juridiques comparables à celui auquel a donné lieu la
découverte de la grotte Chauvet, qui a opposé l'Etat, le
propriétaire du terrain et l'" inventeur " de la grotte.
L'article 18-1 précise en premier lieu que s'agissant des vestiges
archéologiques immobiliers, il est fait exception aux dispositions de
l'article 552 du code civil qui disposent que "
la
propriété du sol emporte la propriété du dessus et
du dessous
" et que "
le propriétaire peut faire
au-dessous toutes les constructions et fouilles qu'il jugera
à
propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu'elles peuvent
fournir
".
Outre cette exception, le nouvel article 18-1 reconnaît à
l'Etat un droit d'accès aux vestiges immobiliers moyennant pour les
propriétaires une indemnisation destinée à compenser le
dommage qui en résulte.
Par ailleurs, pour les découvertes fortuites, le dispositif
prévoit qu'en cas d'exploitation des vestiges, une indemnité est
versée à l'inventeur par l'exploitant des vestiges. Cette
indemnité qui peut être forfaitaire ou proportionnelle au
résultat de l'exploitation est calculée en relation avec
l'intérêt archéologique des vestiges.
Position de la commission
Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de
modifier les règles régissant la propriété des
découvertes immobilières.
Certes, la loi de 1941 ne comporte pas de dispositions spécifiques.
Cependant l'article 552 du code civil s'appliquait, l'Etat disposant lorsque
l'intérêt des vestiges le justifiait de la possibilité de
classer ou d'exproprier les terrains sur lesquels ils se trouvent.
La rédaction elliptique du premier alinéa de l'article 18-1 ne
permet pas avec certitude de savoir quelles règles
générales de propriété s'appliquent aux vestiges
immobiliers ni d'ailleurs quelle est l'étendue exacte de l'exception
à l'article 552, la consistance exacte des vestiges immobiliers
n'étant pas précisée.
Faut-il comprendre que les biens doivent être considérés
comme vacants et qu'ils font partie de ce fait du domaine public en application
de l'article 539 du code civil ? Telle semble être l'intention de
l'Assemblée nationale et du gouvernement
Dans cette hypothèse, les vestiges immobiliers seraient
considérés, sauf preuves contraires, comme
propriété de l'Etat.
Cette nouvelle règle appellerait plusieurs remarques sur ses
conséquences juridiques et pratiques.
On relèvera que cette disposition a un champ d'application très
large dans la mesure où elle a vocation à s'appliquer à
tous les types de fouilles qu'elles soient ou non programmées et
qu'elles soient ou non fortuites.
Certes si le gouvernement considère en théorie que le texte
n'opère pas en modifiant la portée des règles de l'article
552 du code civil un transfert de propriété au profit de l'Etat
mais inverse les règles de preuve en matière de droit de
propriété, il procède par ce biais à un transfert
de propriété. Force est de constater qu'aujourd'hui, un
propriétaire qui découvre un vestige immobilier sur son terrain
en est propriétaire en application de l'article 552 alors
qu'après l'entrée en vigueur de la loi, la
propriété en reviendra à l'Etat sauf si le
propriétaire avance une preuve contraire(acquisition, prescription
trentenaire) qui, en réalité, sera très difficile à
apporter et supposerait qu'il ait eu connaissance du vestige.
Par ailleurs, on peut se demander si cette nouvelle règle ne risque pas
de susciter un important contentieux sur la nature mobilière ou
immobilière des vestiges dans la mesure où selon la nature des
vestiges s'appliqueront des règles de dévolution de
propriété différentes.
Enfin est-il opportun que l'Etat devienne propriétaire de tous les
vestiges immobiliers quelle que soit leur valeur scientifique ou
historique ? C'est une question qui mérite qu'on y
réfléchisse.
La disposition figurant au deuxième alinéa accordant à
l'Etat un droit d'accès sur les propriétés privées
voisines du vestige n'appelle pas de commentaires particuliers. La
législation prévoit de nombreux cas de servitudes de ce genre.
A la différence des deux premiers alinéas, le troisième
alinéa de l'article 18-1 concerne un problème très
spécifique, celui des relations entre l'inventeur d'un vestige
immobilier et la personne qui assure l'exploitation de cette découverte
dans le cas des découvertes fortuites.
Le texte propose un partage des résultats de l'exploitation entre
l'exploitant et l'inventeur.
Le fondement d'une telle disposition ressort de la même logique que celle
qui préside aux dispositions de l'article 716 du code civil en
reconnaissant un droit à l'inventeur d'un vestige immobilier et en
évitant que le propriétaire ne bénéficie seul de
l'effet d'aubaine engendré par la découverte.
Cependant, son économie est sensiblement différente dans la
mesure où il s'agit non pas d'un droit de propriété sur le
vestige ou d'un partage des produits mais seulement d'une
" indemnité " selon le terme retenu par le projet de loi.
L'application du texte proposé par le projet de loi risque de soulever
des difficultés. Au delà des débats liés à
la qualité d'inventeur, les règles présidant au calcul de
cette indemnisation n'est pas exempte d'ambiguïtés. Le projet de
loi prévoit une indemnité qui constitue en quelque sorte un
intéressement à l'exploitation, intéressement qui
paradoxalement est calculé non pas en fonction des recettes
tirées de cette exploitation mais en fonction de
" l'intérêt archéologique " du vestige. Un tel
critère, qui peut donner lieu à des appréciations
scientifiques divergentes, peut constituer une source de contentieux notamment
dans le cas où un site exceptionnel n'occasionne que de faibles profits.
Enfin, votre rapporteur s'est interrogé sur la constitutionnalité
de cette disposition au regard du principe de propriété dans la
mesure où, dans le cas où un propriétaire privé
exploite le vestige, elle a pour effet de priver le propriétaire du
terrain d'une partie de son
fructus
donc en fait d'une partie de son
droit de propriété, situation que le gouvernement voulait
précisément éviter.
Position de la commission
Compte tenu de ses observations, votre commission considère que le
dispositif adopté par l'Assemblée nationale pose plus de
questions qu'il n'en règle.
Il semble plus sage de s'en tenir à l'état actuel du droit, plus
respectueux dans son esprit des droits des propriétaires :
lorsqu'un vestige présentera un véritable intérêt,
l'Etat classera ou expropriera le bien comme cela a été fait dans
le cas de la grotte Chauvet, le problème de l'indemnisation étant
tranché par le juge judiciaire.
Par ailleurs, il convient de préciser qu'en dehors de ces
possibilités, l'Etat bénéficiera pour procéder
à l'étude scientifique des vestiges des prérogatives qui
lui sont conférées par le titre II de la loi de 1941 pour
exécuter d'office des fouilles.
En conséquence, votre commission vous proposera
un amendement
de
suppression de cet article.
Article 6
Rapport au Parlement
•
Le Sénat
avait, avec l'avis favorable du gouvernement,
inséré cet article afin de prévoir le dépôt
d'un rapport au Parlement sur les conditions d'application de la loi.
Parmi les informations fournies par ce rapport, devaient figurer les
indications permettant d'apprécier la situation financière de
l'établissement public, qui apparaissent comme un élément
indispensable au législateur pour apprécier l'efficacité
du dispositif prévu par la loi et les aménagements
éventuels à y apporter.
•
L'Assemblée nationale
a supprimé cet article.
Position de la commission
Sans douter de la bonne volonté de l'administration à fournir au
Parlement les informations dont il demandera communication, votre commission
préfère prévoir une procédure d'information
systématique.
La politique du patrimoine monumental, qui en vertu des lois de programme de
1988 et de 1993, faisait l'objet d'un rapport au Parlement démontre
qu'en l'absence d'obligation légale, l'information fournie par
l'administration est de moindre qualité car moins
régulière et moins exhaustive.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose
un
amendement
visant à rétablir cet article dans la
rédaction du Sénat sous réserve de précisions
relatives à la périodicité du rapport.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une réunion tenue le mercredi 27 septembre 2000 sous la
présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné, sur
le rapport de
M. Jacques Legendre
, le projet de loi
n° 357 (1999-2000), adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à
l'archéologie préventive
.
A l'issue de l'exposé du rapporteur,
M. Philippe Richert
s'est
félicité que le rapporteur accepte les infléchissements
apportés par l'Assemblée nationale à la solution retenue
par le Sénat en matière de propriété des objets
mobiliers et refuse le dispositif relatif à la propriété
des vestiges immobiliers introduit par l'Assemblée nationale, proposant
des solutions raisonnables, très proches dans leur esprit des
dispositions actuellement en vigueur et illustrant ainsi les vertus du
bicamérisme.
Il a regretté toutefois qu'il n'ait pas été
proposé, dans le cadre d'un transfert de compétences de l'Etat en
faveur des départements, d'accroître en ce domaine les
responsabilités des conseils généraux, souvent mieux
à même que l'Etat d'assurer la conservation et la mise en valeur
des découvertes archéologiques.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles au
cours duquel sont intervenus, outre
M. Jacques Legendre, rapporteur, le
président Adrien Gouteyron
et
M. Philippe Richert
.
Après avoir adopté les amendements proposés par son
rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi
modifié.
*
* *
1
Cet article précise que
" l'Etat
exerce un contrôle technique sur l'activité scientifique et
technique des communes, départements et régions afin de
procéder à l'étude, à la conservation et à
la mise en valeur du patrimoine ".
2
Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux
dispositions générales applicables aux agents non-titulaires de
l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique de l'Etat.