EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Création et champ de
compétence de la
Commission nationale de déontologie de la
sécurité
Cet
article institue une
nouvelle autorité administrative
indépendante
, dénommée initialement " Conseil
supérieur de la déontologie de la sécurité ",
dont il définit la mission et le champ de compétence.
Ce conseil est chargé de
veiller au respect de la
déontologie
dans les services et organismes, aussi bien de
caractère
public que privé
, exerçant des
activités de sécurité en France.
Le
champ de compétence
du Conseil était initialement
défini à la fois par un critère matériel,
consistant en l'exercice d'une activité de sécurité, et
par un critère organique, les personnes concernées, notamment les
personnes publiques, étant énumérées de
manière limitative.
Le texte initial énonçait ainsi que seraient concernés,
lorsqu'ils concourent à une activité de sécurité,
les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la
douane et des polices municipales. Il visait également les gardes
champêtres, les gardes-chasse et les gardes-pêche.
Concernant les
personnes privées
, seules étaient
concernées les personnes physiques et morales exerçant une
activité de sécurité ou de protection pour le compte
d'autrui, que ce soit à titre permanent ou occasionnel.
En première lecture, l'Assemblée nationale
avait tout
d'abord remplacé l'appellation de "
Conseil supérieur de
la déontologie de la sécurité
" prévue par
le texte initial par celle de "
Commission nationale de
déontologie de la sécurité
".
Elle avait de plus
notablement
étendu le champ d'application
du texte,
aussi bien concernant les personnes publiques que les personnes
privées.
S'agissant des agents publics, elle avait visé tous les agents des
collectivités territoriales
et des
établissements
publics
alors
que le texte initial ne mentionnait que les agents de
police municipale et les gardes champêtres et n'incluait pas les agents
des établissements publics.
En plus des gardes-chasse et des gardes-pêche, l'Assemblée
nationale avait souhaité inclure les
gardes forestiers
.
Concernant les
personnes privées
, elle avait visé les
services internes de sécurité
des entreprises.
Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale
énumérait donc de
façon limitative les agents de
l'État
entrant dans le champ de compétence de la Commission
nationale, alors qu'il incluait
l'ensemble des agents des
collectivités locales et des établissements publics
,
lorsqu'ils exercent une activité de sécurité, et
l'ensemble des personnes physiques ou morales
assurant une
activité de sécurité privée.
D'après l'exposé des motifs et les déclarations du
ministre de l'intérieur à l'Assemblée nationale, la notion
d'activité de sécurité visée par le texte se
comprend par la possibilité d'exercer un
pouvoir de contrainte
ou
du moins d'établir une
relation d'autorité avec les
citoyens
. Cette relation d'autorité doit intervenir dans le cadre
d'une mission de protection des personnes et des biens.
Étaient donc exclus du champ de compétence de la Commission les
agents chargés de tâches uniquement administratives ou
d'intendance, telle l'entretien des véhicules.
Étaient également exclues les activités de défense
nationale dont la vocation est distincte de la sécurité publique
ainsi que les activités de sécurité civile.
De manière plus étonnante, était exclue l'activité
des
agents de l'administration pénitentiaire
.
Considérant que la prison était certainement l'endroit où
la relation d'autorité pèse le plus fortement sur les citoyens,
et celui où ce dernier était le plus démuni pour faire
valoir ses droits, le
Sénat
a
inclus l'administration
pénitentiaire dans le champ de compétence de la Commission
nationale
.
Il a en outre supprimé la mention des
gardes-chasse et des
gardes-pêche
l'estimant redondante avec celle des agents des
collectivités territoriales et des établissements publics.
Il a enfin précisé explicitement que les personnes
exerçant des fonctions de sécurité à titre
bénévole
entraient dans le champ de compétence de la
Commission.
En
deuxième lecture, l'Assemblée nationale
a
entériné les modifications introduites par le Sénat.
Une fois l'hypothèque de l'inclusion de l'administration
pénitentiaire levée, elle a cependant
préféré abandonner l'énumération limitative
des personnes publiques pour s'en tenir à une définition
matérielle du champ de compétence de la Commission nationale
visant "
les personnes exerçant des activités de
sécurité sur le territoire de la République
".
Compte tenu du caractère très large de la délimitation
opérée, le ministre de l'intérieur a tenu à
préciser explicitement les personnes visée par le texte.
Reprenant
l'apport de chaque assemblée au cours de la navette,
il
a ainsi indiqué lors de l'examen du projet en séance
publique : "
la Commission aura compétence pour
connaître, lorsqu'ils concourent à une activité de
sécurité, des manquements à la déontologie des
agents et personnes suivants :
" Premièrement, les personnels de la police, de la gendarmerie
nationale et des douanes ;
" Deuxièmement, les agents de l'administration
pénitentiaire ;
" Troisièmement, les gardes forestiers ;
" Quatrièmement, les agents des collectivités territoriales
et des établissements publics ;
" Cinquièmement, les personnes physiques ou morales de droit
privé assurant, à titre permanent ou occasionnel, à titre
principal ou accessoire, y compris bénévolement, des
activités de sécurité
".
Votre commission des Lois est en accord avec la définition du champ de
compétence de la Commission nationale donnée par
l'Assemblée nationale et avec l'interprétation qu'en a faite le
ministre, sachant que celle-ci n'est pas strictement limitative, d'autres
personnes pouvant être amenées à être soumises au
contrôle de la Commission nationale.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article premier sans
modification
.
Article 5
Pouvoirs d'investigation de la
Commission nationale
Cet
article définit les pouvoirs d'investigation de la Commission nationale.
La Commission dispose de la possibilité de
convoquer
tout agent
public ou privé et
d'obtenir communication
de toute information
ou pièce utile à l'exercice de sa mission.
En première lecture, l'Assemblée nationale
a
supprimé l'obligation pour la Commission nationale
de motiver ses
demandes de communication
d'informations et pièces adressées
à des autorités publiques ou à des personnes
privées.
Elle a également prévu que les seuls secrets pouvant être
opposés à la Commission s'agissant de la communication de
pièces ou d'informations seraient les secrets concernant la
défense nationale
, la
sûreté de l'État
ou la
politique extérieure
.
Le
Sénat
a estimé en premier lieu qu'à partir du
moment où la non-communication des pièces était
sanctionnée pénalement, il importait que la demande de
communication soit motivée.
Il a donc
rétabli l'obligation de motivation des demandes de
communication de documents
adressées tant aux personnes publiques
qu'aux personnes privées
.
Il a de plus étendu le secret pouvant être opposé à
la Commission à
l'ensemble des secrets protégés par la
loi,
expression apparaissant à l'article 6 de la loi
n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le public.
En
deuxième lecture, l'Assemblée nationale
a
accepté de garder l'obligation de motivation des demandes de
communication de documents mais, contre l'avis du Gouvernement, elle est
revenue à sa rédaction de première lecture concernant le
secret. Le rapporteur a fait valoir qu'une définition trop extensive des
secrets opposables à ses demandes viderait de leur substance les
pouvoirs d'investigation de la Commission nationale.
Votre commission considère qu'il ne serait pas souhaitable d'affranchir
la Commission nationale du secret médical ou du secret professionnel
applicable aux relations entre un avocat et son client, sachant que les
personnes intéressées peuvent demander la levée du secret
les concernant. Elle admet que, sous cette limite, la rédaction
extensive adoptée par le Sénat en première lecture puisse
être affinée.
Votre commission vous proposera donc un
amendement
permettant que soit
opposé à la Commission, outre les secrets concernant la
défense nationale, la sûreté de l'État ou la
politique extérieure, visés par l'Assemblée nationale, le
secret médical
et le
secret professionnel applicable aux
relations entre un avocat et son client
.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article 5 ainsi
modifié.
Article 6
Vérifications sur place
Cet
article autorise les membres de la Commission à procéder à
des vérifications sur place dans les locaux professionnels.
Le texte initial ne permettait d'opérer une vérification que dans
les lieux où se sont déroulés les faits et exigeait un
préavis et la présence des agents intéressés.
L'Assemblée nationale
a durci, sur proposition de sa commission
des lois et contre l'avis du Gouvernement, les conditions de réalisation
de cette vérification.
Elle a en effet :
-
supprimé l'obligation de préavis
avant une
vérification ;
- rendu celle-ci possible
hors la présence de la personne mise en
cause
;
- précisé qu'elle peut s'exercer dans les
lieux publics
et
les
locaux professionnels
et non plus seulement dans les lieux où
se sont déroulés les faits.
Le
Sénat,
se montrant attaché au respect de la
procédure contradictoire,
a rétabli
l'obligation
de
préavis
de manière à permettre aux personnes
concernées d'être présentes
et n'a autorisé
les vérifications que dans les
lieux où se sont
déroulés les faits.
En
deuxième lecture
,
l'Assemblée nationale
a,
contre l'avis du Gouvernement, rétabli son texte de première
lecture.
Le rapporteur a en effet estimé, d'une part, qu'il serait regrettable de
limiter les visites aux lieux où se sont déroulés les
faits et, d'autre part, que la garantie d'un préavis ne semblait pas
nécessaire compte tenu de l'absence de pouvoirs répressifs de la
Commission nationale. Il a d'ailleurs fait ressortir que le dispositif
proposé s'inspirait de celui en vigueur pour la Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL).
Votre commission estime en premier lieu que la vérification sur place
dans des lieux autres que ceux où se sont déroulés les
faits incriminés peut être utile. Elle se ralliera donc sur ce
point à la position de l'Assemblée nationale.
S'agissant du préavis, elle persiste à penser que celui-ci doit
être la règle pour préserver le principe de la
procédure contradictoire. Elle comprend cependant que, dans certains
cas, la Commission nationale puisse souhaiter s'en affranchir.
Dans la mesure où la vérification sur place n'est pas assimilable
à une perquisition et où la Commission nationale ne dispose pas
du pouvoir de prononcer elle-même des sanctions, il semble admissible
à votre commission de permettre à la Commission nationale de
prendre elle-même, à titre exceptionnel, la décision
d'effectuer une vérification sans préavis si elle estime que la
présence des agents intéressés n'est pas nécessaire.
Dans cette hypothèse, il semble que les dispositions de
l'article 13 bis relatives au délit d'entrave ne seraient pas
susceptibles de s'appliquer.
Votre commission vous présentera donc un
amendement
rétablissant le principe selon lequel la Commission nationale doit
donner un préavis avant d'effectuer une vérification sur place
mais prévoyant que la Commission nationale pourra elle-même
prendre la décision de ne pas donner de préavis.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article 6 ainsi
modifié.
Article 7
Suites de la saisine
Cet
article reconnaît à la Commission nationale un pouvoir
d'avis
et de recommandation
tant à l'égard des autorités
publiques que des dirigeants des personnes privées soumises à son
contrôle.
Les personnes destinataires de ces avis ou recommandations sont tenues de
rendre compte à la Commission, dans un délai
déterminé par celle-ci, des suites qui leur sont données.
Ce pouvoir de recommandation est sanctionné par la possibilité
donné à la Commission de publier un
rapport spécial au
Journal Officiel
si elle estime que les suites données ne
sont pas satisfaisantes ou si elles n'ont pas été portées
à sa connaissance dans le délai déterminé.
Il était enfin précisé dans le texte initial que la
Commission était elle-même tenue d'informer l'auteur de la saisine
des suites de celle-ci.
En première lecture, l'Assemblée nationale
n'a pas
modifié cet article.
Le Sénat,
quant à lui, a supprimé la disposition
prévoyant l'information par la Commission nationale de l'auteur de la
saisine afin de la reporter dans un article additionnel après
l'article 8 prescrivant l'information de l'auteur de la saisine sur
l'ensemble des suites données à la réclamation, y compris
en cas de transmission effectuée à la justice ou au pouvoir
disciplinaire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale
n'a
apporté à cet article qu'une simple modification
rédactionnelle de coordination avec son texte de l'article premier.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article 7 sans
modification.
Article 8
Rapports avec la justice
Cet
article règle les rapports de la Commission nationale avec
l'autorité judiciaire.
Le texte initial
interdisait à la Commission nationale de
connaître des faits donnant lieu à poursuite judiciaire
, que
ces faits fassent l'objet d'une enquête de flagrance, d'une enquête
préliminaire, d'une information judiciaire ou qu'ils soient en attente
de jugement.
Il était indiqué en outre que, dans le cas où la
Commission estimerait que des faits dont elle a été saisie
seraient susceptibles de constituer une infraction pénale, elle serait
tenue de saisir le procureur de la République de ces faits en
application de l'article 40 du code de procédure pénale, le
procureur ayant l'obligation d'informer la Commission des suites de cette
transmission.
En première lecture, l'Assemblée nationale
a
profondément modifié
l'économie de cet article en
permettant à la Commission nationale de
poursuivre ses investigations
dans les cas où la
justice est saisie
.
Elle a simplement précisé, s'inspirant de la rédaction
retenue pour le Médiateur de la République par l'article 11
de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, que la Commission ne pouvait
intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction.
Cette formulation est comprise s'agissant du Médiateur comme lui
interdisant d'intervenir directement auprès des juridictions pour
influer sur leurs décisions.
L'Assemblée nationale a cependant apporté quelques
tempéraments à la poursuite des investigations par la Commission
nationale en cas de poursuites judiciaires. Elle a précisé que la
Commission devait recueillir l'accord des juridictions saisies ou du Procureur
de la République pour obtenir communication de pièces ou
accéder aux lieux où se sont déroulés les faits.
Les auditions de témoins restent quant à elles possibles dans
tous les cas sans autorisation.
Le Sénat
n'avait pas remis en cause les modifications
apportées par l'Assemblée nationale.
Mais pour répondre à la crainte de voir se multiplier les
dénonciations calomnieuses, il avait prévu explicitement dans le
texte que les
dénonciations calomnieuses
portées devant la
Commission nationale pourraient être poursuivies en application de
l'article 226-10 du code pénal et que la Commission serait en
conséquence tenue, en application de l'article 40 du code de
procédure pénale, de
saisir le procureur de la
République
de telles dénonciations.
Il avait également précisé que les
poursuites pour
dénonciation calomnieuse ne pourraient viser que le
réclamant
initial
et
non le parlementaire
ayant transmis la réclamation
à la Commission.
En
deuxième lecture, l'Assemblée nationale
a
supprimé ces dispositions relatives aux dénonciations
calomnieuses, le rapporteur ayant déclaré comprendre le souci du
Sénat mais ayant jugé ces précisions inutiles dans la
mesure où rien ne s'opposerait à ce que la commission saisisse le
procureur d'une réclamation abusive, l'élément
intentionnel exigé pour une dénonciation calomnieuse mettant
à l'évidence les parlementaires à l'abri de toute
poursuite de ce chef.
Le ministre de l'intérieur avait développé la même
interprétation devant le Sénat : "
le code
pénal a vocation à s'appliquer et toute dénonciation
calomnieuse tombe sous le coup du code pénal. Bien entendu, les
parlementaires n'ont pas à craindre de se voir reprocher ce
délit. Comme le délit de dénonciation calomnieuse exige la
connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, un
parlementaire qui transmettrait une plainte en ignorant que les faits
rapportés sont inexacts ne serait ni l'auteur ni complice de ce
délit
".
A partir du moment où les travaux préparatoires ne laissent aucun
doute, votre commission pense qu'il est possible de ne pas rétablir la
disposition en cause.
Par ailleurs, cet article exige l'autorisation de la juridiction saisie pour
les vérifications "
dans les
lieux où se sont
déroulés les faits
"
.
Il convient néanmoins de tenir compte de la possibilité
désormais donnée à la Commission nationale, par
l'article 6 du projet de loi, de procéder à des
vérifications sur place dans des lieux autres que ceux où se sont
déroulés les faits.
Votre commission vous proposera donc à cet article un simple
amendement de
coordination
.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article 8 ainsi
modifié.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.