II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : GARANTIR L'EFFICACITÉ DE LA COMMISSION NATIONALE DANS LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE
Votre
Commission ne peut que se féliciter de l'accord qui s'est dessiné
entre les deux assemblées sur la plus grande partie du texte.
Elle salue tout particulièrement la décision de
l'Assemblée nationale d'accepter d'inclure
l'administration
pénitentiaire
dans le champ de compétence de la Commission
nationale (
article premier
). Le rapporteur de l'Assemblée
nationale a estimé que les arguments mis en avant par votre rapporteur
à cet égard était pertinents et a fait ressortir que le
souci récemment manifesté par la représentation nationale
d'améliorer les conditions de détention de la population
carcérale plaidait pour l'instauration d'un contrôle
extérieur permanent.
Votre rapporteur insiste, comme il l'a fait en première lecture, pour
que l'inclusion de l'administration pénitentiaire dans le champ de
compétence de la Commission nationale
ne soit pas un frein à
la mise en oeuvre d'un contrôle extérieur spécifique
à l'administration pénitentiaire
, tel que proposé par
la commission présidée par M. Canivet, dans son rapport
remis au garde des Sceaux le 7 mars dernier. Cette commission propose
ainsi l'instauration d'un contrôleur général des prisons
indépendant, assisté d'un corps de contrôleurs des prisons,
l'institution au niveau régional de médiateurs des prisons et
l'installation dans chaque établissement de
délégués bénévoles du médiateur des
prisons.
Il importera cependant que des
passerelles
puissent être mises en
place entre la
Commission nationale de déontologie et les organes
résultant de la réflexion menée par la Chancellerie,
dont les compétences devraient s'étendre, au delà de la
déontologie, au contrôle de l'ensemble des conditions de
détention.
L'Assemblée nationale, tout en admettant le bien fondé de la
position du Sénat, a cependant préféré
éviter dans le texte "
l'écueil d'une
énumération limitative
" préférant
soumettre de manière générale à la Commission
nationale "
l'ensemble des personnes exerçant des
activités de sécurité sur le territoire de la
République
".
D'après l'exposé des motifs du projet initial et les
déclarations du ministre de l'intérieur à
l'Assemblée nationale en première lecture, la notion
d'activité de sécurité visée par le texte se
comprend par la possibilité d'exercer un
pouvoir de contrainte
ou
du moins d'établir une
relation d'autorité avec les
citoyens
.
Compte tenu de la nouvelle rédaction très large adoptée
par l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a tenu,
pour éviter toute contestation, à en éclairer
l'interprétation, déclarant lors de l'examen du texte en
séance publique : "
la Commission aura compétence pour
connaître, lorsqu'ils concourent à une activité de
sécurité, des manquements à la déontologie des
agents et personnes suivants :
" Premièrement, les personnels de la police, de la gendarmerie
nationale et des douanes ;
" Deuxièmement, les agents de l'administration
pénitentiaire ;
" Troisièmement, les gardes forestiers ;
" Quatrièmement, les agents des collectivités territoriales
et des établissements publics ;
" Cinquièmement, les personnes physiques ou morales de droit
privé assurant, à titre permanent ou occasionnel, à titre
principal ou accessoire, y compris bénévolement, des
activités de sécurité
".
Le rapporteur de l'Assemblée nationale s'est déclaré en
accord avec cette déclaration à laquelle votre commission
souscrit également dans la mesure où elle retranscrit les
apports successifs de chaque assemblée
au cours de la navette
à la
détermination du champ de compétence
de la
Commission nationale. Comme l'a indiqué le rapporteur à
l'Assemblée nationale,
cette liste n'est cependant pas
limitative
, d'autres fonctions étant susceptibles de relever de la
compétence de la Commission.
S'agissant des dispositions relatives aux
dénonciations
calomnieuses
, que le Sénat avait introduites à
l'article 8
du projet, le ministre de l'intérieur comme le
rapporteur de l'Assemblée nationale ont tous les deux explicitement
affirmé que de telles dénonciations effectuées
auprès de la Commission tomberaient manifestement sous le coup de
l'article 226-10 du code pénal et que les parlementaires ne
pourraient être poursuivis à ce titre du fait des transmissions
effectuées par eux à la commission. Ils ont ainsi jugé ces
dispositions inutiles.
Votre commission tient à insister sur les conséquences
néfastes que pourront avoir les dénonciations calomnieuses, tant
sur l'image que sur le fonctionnement des services de sécurité.
Elle souhaite que ces dénonciations puissent faire l'objet de
poursuites. Mais compte tenu des déclarations effectuées au cours
des débats, elle estime
qu'il n'y a pas de risque à ne pas
rétablir les dispositions supprimées par l'Assemblée
nationale
, les travaux préparatoires ne laissant aucun doute sur le
fait que des dénonciations calomnieuses effectuées auprès
de la Commission nationale seraient passibles de sanctions pénales.
En revanche, votre commission souhaite apporter des modifications aux
dispositions adoptées par l'Assemblée nationale relatives au
secret ou aux conditions de réalisation des vérifications sur
place.
S'agissant des
secrets
pouvant être opposés à la
Commission nationale, votre commission souhaite qu'il soit
précisé que la Commission ne pourra pas porter atteinte au
secret médical
ou au
secret professionnel applicable aux
relations entre un avocat et son client
, sachant que ces secrets peuvent
être levés à la demande des personnes concernées.
S'agissant de la
vérification sur place
, votre commission admet
que celle-ci puisse intervenir
dans des lieux autres
que ceux
où se sont déroulés les faits
incriminés. La
visite de locaux autres que ceux mêmes où se sont
déroulés les faits peut en effet apporter un éclairage
intéressant à la Commission nationale.
Votre commission s'interroge, en revanche, sur la suppression de
l'obligation de préavis
avant une vérification.
En première lecture, elle avait considéré qu'il convenait
de garder à la procédure un caractère contradictoire, le
préavis devant permettre aux personnes concernées d'être
présentes. L'efficacité de la vérification impose au
demeurant un préavis si la commission veut être certaine de
pouvoir pénétrer dans les locaux. Le rapporteur de
l'Assemblée nationale a d'ailleurs admis qu'un préavis serait le
plus souvent donné pour cette raison.
Souhaitant que le préavis demeure la règle, votre commission
comprend néanmoins l'intérêt qu'il pourrait y avoir, dans
certains cas, à affranchir la Commission nationale de cette
procédure.
En tout état de cause, la Commission ne dispose par elle-même
d'aucun pouvoir de sanction. Les vérifications sur place prévues
par le texte ne sont en outre pas assimilables à des perquisitions. Au
cours de ces vérifications, les membres de la Commission nationale ne
peuvent en effet saisir aucun document et s'ils peuvent poser des questions aux
personnes présentes, celles-ci n'ont pas l'obligation d'y
répondre, la procédure d'audition des témoins devant
respecter les prescriptions posées à l'article 5 du projet
de loi.
Dans ces conditions, il semble qu'il soit possible, tout en maintenant le
principe selon lequel la Commission nationale doit donner un préavis
avant d'effectuer une vérification sur place, d'admettre que la
Commission nationale puisse, à titre exceptionnel, décider
elle-même de ne pas donner de préavis si elle estime que la
présence des agents intéressés n'est pas nécessaire.
Votre commission vous proposera donc
d'adopter le projet de loi
, sous
réserve de l'adoption de
trois amendements
concernant les
secrets
pouvant être opposés à la commission et les
modalités de la
vérification sur place
.