Projet de loi, adopté avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;
JOLIBOIS (Charles)
RAPPORT 283 (1999-2000) - commission des lois
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Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. UN PROJET DE LOI DÉJÀ SIGNIFICATIVEMENT AMÉLIORÉ PAR LE SÉNAT
- II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE : DES INNOVATIONS IMPORTANTES
- III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DE NOUVELLES AVANCÉES AU SERVICE D'UNE MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LES DROITS DE LA DÉFENSE ET LE RESPECT
DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES JUDICIAIRES
EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT
À ÊTRE JUGÉ DANS UN DÉLAI RAISONNABLE -
CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUDIENCES -
CHAPITRE III TER
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE CRIMINELLE -
CHAPITRE III QUINQUIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DEMANDES DE REVISION -
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION -
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION PÉNALE -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE CIVILE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'INDEMNISATION DES VICTIMES -
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
ET DE COORDINATION -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS DIVERSES -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'EXÉCUTION DES PEINES -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION - TABLEAU COMPARATIF
-
ANNEXE 1
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MERCREDI 8 MARS 2000 -
AUDITION DE ME PATRICK MAISONNEUVE,
AVOCAT, RESPONSABLE DE LA COMMISSION PÉNALE
DE L'ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D'APPEL DE PARIS -
AUDITION DE MM. ETIENNE APAIRE,
JEAN-BAPTISTE PARLOS, PHILIPPE COIRRE
ET JEAN-FRANÇOIS RICARD, DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE
DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS -
AUDITION DE MME MIREILLE DELMAS-MARTY,
PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE PARIS I,
RESPONSABLE DE LA COMMISSION " JUSTICE PÉNALE
ET DROITS DE L'HOMME " EN 1988-1990 -
AUDITION DE MM. ANDRÉ-MICHEL VENTRE,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES COMMISSAIRES
ET HAUTS FONCTIONNAIRES DE LA POLICE NATIONALE,
JEAN-MICHEL TOULLEC, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT NATIONAL DES OFFICIERS DE POLICE, BRUNO BESCHIZZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, ET PATRICE BRISSET, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT " SYNERGIE OFFICIERS " -
ANNEXE 2
PROPOSITION DE LOI N° 240
N°
283
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mars 2000
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur :
- le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, renforçant la protection de la
présomption
d'
innocence
et les
droits
des victimes
;
- la proposition de loi de M. Philippe RICHERT tendant à faciliter et
à améliorer l'
indemnisation
des
victimes
de
violences urbaines
,
Par M.
Charles JOLIBOIS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros
:
|
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Justice. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mercredi 22 mars 2000, sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission des Lois a examiné en deuxième lecture, sur le rapport
de M. Charles Jolibois, le projet de loi (n° 222)
renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes.
Le rapporteur a tout d'abord rappelé que ce projet de loi, contenant
à l'origine quelques dispositions importantes telles que la
présence de l'avocat au début de la garde à vue et la
création d'un juge de la détention provisoire, avait
été considérablement enrichi par le travail parlementaire.
Il a fait valoir que le
Sénat avait pris l'initiative d'instaurer un
recours contre les décisions des cours d'assises,
acceptée
par l'Assemblée nationale. Il a souligné que l'Assemblée
nationale avait pour sa part entrepris de
judiciariser les décisions
du juge de l'application des peines
.
Le rapporteur a estimé que, sur un texte de cette nature, les deux
assemblées devaient avoir à coeur de parvenir à un texte
commun.
A la suite du débat, la commission a adopté des amendements
tendant principalement à :
-
réformer la libération conditionnelle
,
conformément aux propositions formulées par la commission
présidée par M. Daniel Farge, en modifiant les
critères permettant l'octroi de cette mesure et en confiant le pouvoir
actuellement détenu par le garde des sceaux à une juridiction
collégiale ;
- créer un véritable
juge des libertés
,
compétent non seulement en matière de détention
provisoire, mais exerçant également les pouvoirs aujourd'hui
reconnus au président du tribunal de grande instance en matière
de liberté ;
- confirmer les dispositions du projet de loi relatives à
l'
appel des décisions de cours d'assises
, en conservant neuf
jurés en premier ressort et en appel, avec une présidence par un
président de chambre en appel, et en ouvrant l'appel au ministère
public et à la victime, sauf en cas d'acquittement ;
-
supprimer la plupart des peines d'emprisonnement prévues en
matière de délits de presse
, pour éviter que leur
survivance dans la législation française ne serve de
justification aux autorités de nombreux Etats étrangers, dans
lesquels les peines d'emprisonnement sont effectivement appliquées,
à la différence de la France où elles ne sont qu'une
scorie d'une législation tombée en désuétude ;
- encadrer les conditions dans lesquelles pourra être
réalisé un
enregistrement sonore des interrogatoires des
personnes gardées à vue
, en précisant, d'une part que
cet enregistrement ne sera réalisé qu'à la demande de la
personne interrogée, son avocat consulté, d'autre part que
l'enregistrement ne pourra être écouté au cours de la
procédure qu'à la demande de la personne interrogée ;
- prévoir un équilibre entre présomption d'innocence
et liberté de l'information en élargissant, comme en
première lecture, le
champ d'application de l'article 9-1 du
code civil
, pour permettre à toute personne présentée
publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou
d'une instruction de saisir le juge, afin de faire cesser l'atteinte à
la présomption d'innocence.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
L'historique de l'examen du présent projet de loi démontre, s'il
en était besoin, que la loi demeure l'oeuvre du Parlement et qu'un
dialogue nourri entre les deux Chambres et avec le Gouvernement permet d'aller
plus loin dans la construction législative.
Le projet de loi (n°222) renforçant la
protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes
, qui contenait,
dans sa version initiale, quelques propositions importantes, en particulier la
création d'un juge de la détention provisoire et la
possibilité pour les personnes gardées à vue de demander
à s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, a
été fortement enrichi au cours de la discussion parlementaire.
Tandis que le Sénat a pris l'initiative de l'appel des décisions
de cour d'assises, qui avait toujours échoué jusqu'à
présent, l'Assemblée nationale a décidé de
réformer l'application des peines, afin de faire des décisions du
juge de l'application des peines de véritables décisions
juridictionnelles. Le projet de loi ne concernait au départ que la phase
préparatoire au procès, il réforme désormais toute
la procédure pénale, de la garde à vue à
l'exécution des peines.
Le présent projet de loi initial comportait 40 articles. Après
deux lectures à l'Assemblée nationale et une lecture au
Sénat, 104 articles demeurent en discussion, compte tenu des
compléments apportés au texte au cours de la navette. 27 articles
ont été adoptés sans modification par le Sénat en
première lecture et 21 par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture.
Votre commission aborde cette deuxième lecture avec le même souci
qu'en première lecture de concilier l'efficacité de la
procédure pénale et le renforcement de la présomption
d'innocence.
Après avoir rappelé le contenu du projet de loi issu des travaux
du Sénat en première lecture, votre rapporteur évoquera
les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture avant de présenter les propositions de votre
commission des lois.
I. UN PROJET DE LOI DÉJÀ SIGNIFICATIVEMENT AMÉLIORÉ PAR LE SÉNAT
A. LE PROJET DE LOI INITIAL : RENFORCER LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PHASE PRÉPARATOIRE AU JUGEMENT
Le
projet de loi déposé par le Gouvernement en septembre 1998,
inspiré pour partie par les travaux de la commission de réflexion
sur la justice présidée par M. Pierre Truche,
prévoyait plusieurs évolutions importantes de notre
procédure pénale dans la phase préparatoire au
jugement :
-
un renforcement du contrôle des mesures de garde à
vue
, avec la possibilité pour une personne placée en garde
à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès la
première heure de la mesure et non plus lorsque vingt heures se sont
écoulées ;
-
la consécration du statut de témoin assisté
,
qui pourrait permettre au juge d'instruction d'entendre en présence d'un
avocat une personne sans la mettre en examen ; le statut de témoin
assisté pourrait permettre d'éviter des mises en examen
prématurées ;
-
le renforcement du caractère contradictoire de la
procédure
, notamment en ce qui concerne les demandes d'actes
formulées pour les parties et les expertises ;
-
la création d'un juge de la détention provisoire
compétent pour ordonner ou prolonger la détention
provisoire ;
-
une modification très limitée des conditions permettant
le placement en détention provisoire
, en particulier des seuils de
peines encourues permettant un tel placement en détention ;
-
l'ouverture de fenêtres de publicité
au cours de
l'instruction, en particulier en ce qui concerne les audiences de la chambre
d'accusation.
Le projet de loi prévoyait par ailleurs de
renforcer les droits des
victimes d'infractions pénales
en améliorant leur information
à tous les stades de la procédure et en facilitant les
constitutions de partie civile.
B. L'APPORT PRINCIPAL DU SÉNAT : L'INSTAURATION D'UN DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION EN MATIÈRE CRIMINELLE
La
discussion parlementaire a permis, dans de nombreux domaines,
d'améliorer de manière significative le contenu du projet de loi.
En première lecture, l'Assemblée nationale a notamment
renforcé les dispositions relatives aux droits des victimes et
adopté plusieurs amendements destinés à limiter la
durée des procédures pénales.
Le Sénat, s'appuyant sur ses travaux antérieurs
1(
*
)
dont il a salué l'intégration de
certains éléments dans le projet initial, a apporté des
amendements essentiels au projet de loi, bien souvent contre l'avis du
Gouvernement.
1. La réforme des cours d'assises
La
décision la plus importante prise par le Sénat au cours de la
première lecture a incontestablement été la mise en place
d'un
recours en matière criminelle
. Votre commission a
estimé impossible que la procédure pénale demeure
marquée par une anomalie aussi grave que l'absence d'appel dans les
matières où peuvent être prononcées les peines les
plus graves prévues par notre droit pénal.
Le Sénat a donc décidé la mise en oeuvre d'un
appel
tournant
permettant le renvoi d'une affaire d'une cour d'assises à
une autre en cas d'appel.
Rappelons qu'au cours du débat devant le Sénat, Mme le garde des
sceaux s'est opposée aux propositions sénatoriales en faisant
valoir : "
(...) je ne pense pas que l'on puisse adopter une telle
réforme au détour d'amendements sur un texte qui concerne un
autre sujet.
".
Votre commission pense, au contraire, que c'était l'honneur du
Parlement de proposer lui même une réforme fondamentale pour la
protection des libertés dans notre pays. Elle constate avec plaisir que
l'Assemblée nationale, de même que la ministre de la justice, se
sont ralliées à cette proposition en lui apportant un certain
nombre d'améliorations.
2. Une réflexion approfondie sur la mise en examen
Parmi
les propositions importantes formulées par le Sénat en
première lecture, figure également la modification des
règles relatives à la mise en examen. Le projet de loi initial ne
contenait aucune disposition sur ce sujet.
Votre commission a estimé que la mise en examen ne devait être
utilisée que lorsque les charges pesant contre une personne
étaient déjà conséquentes. Elle a en outre
considéré qu'il était anormal qu'une personne puisse
être mise en examen par lettre recommandée sans avoir la moindre
chance de s'expliquer devant le juge d'instruction prononçant cette
mesure.
Le Sénat a donc décidé qu'il ne serait plus possible de
mettre en examen une personne qu'en présence d'indices "
graves
ou concordants
" alors que de simples indices sont actuellement
suffisants.
En outre, le Sénat a souhaité qu'
aucune mise en examen ne
puisse plus intervenir par lettre recommandée
sans que la personne
ait une chance de s'expliquer au préalable.
Là encore, votre commission ne peut que se réjouir de constater
que son appel a été entendu et que l'Assemblée nationale a
accepté ses propositions tout en les complétant.
3. Une détention provisoire limitée aux cas strictement nécessaires
En
première lecture, le Sénat a accepté la création
d'un nouveau juge appelé à exercer les compétences
actuelles du juge d'instruction en matière de détention
provisoire tout en s'opposant à ce que ce magistrat reçoive le
titre peu gratifiant de juge de la détention provisoire. Il a donc
décidé de ne pas nommer ce magistrat.
Afin de renforcer encore les garanties destinées à faire en sorte
que le placement en détention provisoire ne soit prononcé que
lorsqu'il est strictement indispensable, le Sénat a décidé
qu'en cas d'
appel de l'ordonnance de placement en détention
provisoire
interjeté le jour même de la décision, la
chambre d'accusation devrait se prononcer dans les quatre jours de l'appel.
Le Sénat a aussi décidé d'
élever les seuils de
peine encourue
permettant le placement en détention provisoire.
Alors que le projet de loi initial était très timide dans ce
domaine et que l'Assemblée nationale ne lui avait pas apporté de
modifications en première lecture, le Sénat a
décidé que la détention provisoire ne serait plus possible
que lorsque la
peine encourue est au moins égale à trois ans
d'emprisonnement
.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté cette
proposition et a même décidé d'aller plus loin dans
certains cas limités, avec l'accord du Gouvernement. Il faut pourtant se
souvenir que Mme le garde des sceaux s'était ainsi prononcée
devant le Sénat sur sa proposition d'augmenter les seuils permettant le
placement en détention provisoire : "
(...) Je ne peux
donner mon accord à cette proposition qui affaiblit la répression
dans de nombreux domaines sensibles.
"
4. Les droits des victimes confortés
En première lecture, le Sénat a également adopté quelques dispositions destinées à renforcer les propositions du projet de loi en ce qui concerne les droits des victimes. Il a ainsi prévu le droit pour la partie civile d'être assistée par un interprète et a modifié le serment prononcé par les jurés de cour d'assises au début d'un procès afin que celui-ci mentionne les intérêts de la victime.
5. Un appel au Gouvernement en ce qui concerne la responsabilité pénale des élus locaux
Le
Sénat, au cours de la première lecture, a adopté plusieurs
amendements relatifs à la
responsabilité pénale des
élus locaux
. Il a en effet souhaité attirer l'attention du
Gouvernement sur une question préoccupante qui n'était alors
évoquée dans aucun des textes législatifs soumis au
Parlement par le Gouvernement.
De nombreux élus locaux sont poursuivis et parfois condamnés pour
des faits non intentionnels, en particulier en matière d'homicides et de
blessures involontaires, alors qu'ils n'avaient aucun moyen d'éviter
l'accident à l'origine des poursuites engagées contre eux.
Depuis le débat sur le présent projet de loi, notre excellent
collègue M. Pierre Fauchon a déposé une
proposition de loi tendant à préciser la définition des
délits non intentionnels, dont l'objet consiste à mieux
préciser les contours des infractions non intentionnelles afin
d'éviter des poursuites injustifiées. Cette proposition tend
à modifier le code pénal et a vocation de s'appliquer à
l'ensemble de nos concitoyens
.
Cette proposition de loi a été reprise par le groupe
d'étude sur la responsabilité pénale des élus
locaux présidé par M. Jean Massot, qui a rendu ses
conclusions en novembre dernier. Le Sénat a adopté la proposition
de loi de M. Pierre Fauchon le 27 janvier dernier. Celle-ci doit
être examinée par l'Assemblée nationale le 6 avril
prochain.
Ainsi, les appels lancés par le Sénat lors du débat en
première lecture sur le présent projet de loi, dans des termes
peut-être excessifs à l'époque, auront permis une prise en
compte de l'importante question qui n'avait pas jusqu'alors fait l'objet de
toute l'attention nécessaire.
II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE : DES INNOVATIONS IMPORTANTES
L'Assemblée nationale a examiné en deuxième lecture le projet de loi les 9 et 10 février derniers. Elle lui a apporté de nombreuses modifications, davantage à vrai dire qu'en première lecture. Certaines de ces modifications constituent des innovations importantes.
A. L'ENREGISTREMENT DES INTERROGATOIRES DE GARDE ÀVUE
L'Assemblée nationale a complété les
dispositions du projet de loi relatives à la garde à vue par
trois nouvelles dispositions :
- elle a prévu que les interrogatoires de l'ensemble des personnes
gardées à vue devraient faire l'objet d'un
enregistrement
sonore
qui pourrait être écouté, sur décision
d'un magistrat, au cours de la procédure ;
- elle a souhaité que les procès-verbaux d'interrogatoires
mentionnent
les heures auxquelles les personnes gardées à vue
ont pu s'alimenter
;
- elle a enfin adopté un article précisant que les personnes
gardées à vue doivent être retenues dans des
conditions
compatibles avec le respect de la dignité humaine
et interdisant les
fouilles portant atteinte à l'intégrité physique de la
personne.
B. MISE EN EXAMEN ET STATUT DU TÉMOIN ASSISTÉ
L'Assemblée nationale a accepté que le statut de
témoin assisté puisse être accordé dans des
conditions plus larges que celles prévues par le projet de loi initial.
Elle a toutefois estimé impossible de contraindre le juge d'instruction
à accorder ce statut à toute personne mise en cause par un
témoin ou contre laquelle existent des indices laissant présumer
qu'elle a commis une infraction.
L'Assemblée nationale a également accepté que les droits
du témoin assisté ne soient pas identiques à ceux des
personnes mises en examen. Elle a cependant prévu que la personne
disposerait, en plus du droit d'être assistée par un avocat ayant
accès au dossier, du droit d'être confrontée à ses
accusateurs.
L'Assemblée nationale, contrairement au Sénat, a souhaité
que le juge d'instruction ne soit pas contraint de mettre en examen un
témoin assisté contre lequel existent des indices graves et
concordants d'avoir commis une infraction, tout en permettant à cette
personne de demander à tout moment à être mise en examen.
En ce qui concerne la mise en examen, l'Assemblée nationale a
partagé les préoccupations du Sénat. Elle a prévu
que la mise en examen ne serait plus possible qu'en présence d'indices
"
précis, graves ou concordants
".
Par ailleurs, aucune mise en examen ne pourrait intervenir sans que la personne
ait été entendue par le juge d'instruction. Le texte de
l'Assemblée nationale va même jusqu'à prévoir que le
juge ne pourrait pas mettre en examen une personne entendue comme témoin
assisté sans l'entendre à nouveau, sauf si la mise en examen
intervient à la fin de l'information.
C. LA DÉTENTION PROVISOIRE
L'Assemblée nationale a refusé les propositions
du
Sénat supprimant le nom du nouveau juge qu'elle a décidé
d'appeler à nouveau juge de la détention provisoire.
Elle a précisé le
déroulement de la procédure
devant le juge de la détention provisoire
et a refusé qu'un
débat contradictoire soit systématiquement organisé devant
ce magistrat, même lorsqu'il n'envisage pas de mettre la personne en
détention. L'Assemblée nationale a également
décidé, contrairement au souhait du Sénat, que seules les
ordonnances du juge de la détention provisoire ordonnant ou prolongeant
une détention provisoire seraient motivées.
L'Assemblée nationale a souhaité que la détention
provisoire puisse s'effectuer sous le
régime du placement sous
surveillance électronique
. Elle a enfin décidé que les
parents de jeunes enfants ne pourraient plus être placés en
détention provisoire sauf en cas d'infractions contre les enfants, en
cas de crimes ou en cas de non-respect du contrôle judiciaire.
L'Assemblée nationale a accepté les propositions du Sénat
en ce qui concerne les
seuils
permettant le placement en
détention provisoire. Elle a décidé de porter le seuil de
peine encourue à cinq ans en cas d'infraction contre les biens. En
revanche, elle a supprimé tous les seuils pour les personnes ayant
déjà été condamnées à une peine
d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an.
Les
durées maximales de détention provisoire
ont
également profondément été modifiées par
rapport à la première lecture. L'Assemblée nationale a en
effet décidé que la durée de détention ne pourrait
en aucun cas excéder deux ans en matière correctionnelle et
quatre ans en matière criminelle.
L'Assemblée nationale a également souhaité réduire
la durée des détentions provisoires en matière de
comparution immédiate en prévoyant que le jugement des personnes
renvoyées devant le tribunal en comparution immédiate et
placées en détention provisoire devrait intervenir dans un
délai d'un mois alors que ce délai est actuellement de deux mois.
Enfin, l'Assemblée nationale a refusé la proposition du
Sénat consistant à
remplacer le référé
liberté par un appel
de la décision de placement en
détention provisoire qui serait examiné par la chambre
d'accusation dans un délai de quatre jours.
D. LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE
L'Assemblée nationale a accepté la proposition du
Sénat consistant à permettre un recours contre les
décisions des cours d'assises qui serait examiné par une autre
cour d'assises.
Elle a complété le dispositif adopté par le Sénat,
notamment pour prévoir l'obligation pour la cour d'assises de
répondre à une question spécifique sur
l'irresponsabilité pénale de l'accusé lorsqu'une cause
d'irresponsabilité est invoquée.
Surtout l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications
au dispositif adopté par le Sénat :
- alors que le Sénat avait prévu que le recours
appartiendrait non seulement à l'accusé mais aussi au procureur
de la République sauf en cas d'acquittement, l'Assemblée
nationale a décidé que
seul l'accusé pourrait faire
appel
, le ministère public ne disposant pas d'un droit d'appel
incident ;
- alors que le Sénat avait prévu que le recours serait
examiné par une autre cour d'assises comportant le même nombre de
jurés et de magistrats, l'Assemblée nationale a
décidé de
modifier la composition de la cour d'assises
appelée à statuer en première instance. Celle-ci
comporterait sept jurés et trois magistrats, la cour d'assises d'appel
conservant la composition actuelle de neuf jurés et trois
magistrats ;
- l'Assemblée nationale a précisé les
conséquences de la décision prise par le Sénat de
supprimer l'obligation pour l'accusé de se constituer prisonnier la
veille du procès ; elle a prévu que le président de
la cour d'assises pourra mettre à exécution l'ordonnance de prise
de corps si l'accusé ne se présente pas à l'interrogatoire
prévu avant le début du procès ; en outre, la cour
pourrait mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps
pendant le déroulement de l'audience.
E. LA JURIDICTIONNALISATION DE L'APPLICATION DES PEINES
L'Assemblée nationale a décidé lors de la
deuxième lecture d'entreprendre une
réforme importante de
l'application des peines
. Alors que les décisions que peut prendre
le juge de l'application des peines en matière de libération
conditionnelle, de semi-liberté, de réduction de peine, de
permission de sortie ou de placement à l'extérieur sont
actuellement des mesures d'administration judiciaire, l'Assemblée
nationale a décidé d'en faire des
décisions
juridictionnelles
.
Ainsi, pour de nombreuses mesures, contrairement au droit actuel, le juge de
l'application des peines serait tenu d'entendre le condamné,
assisté le cas échéant de son conseil et les
décisions prises pourraient faire l'objet d'un appel devant la chambre
des appels correctionnels. Actuellement, seul le ministère public
dispose du droit d'appel contre les décisions du juge de l'application
des peines.
Les décisions prises par l'Assemblée nationale constituent une
mise en oeuvre d'une partie des propositions récemment formulées
par une commission sur la libération conditionnelle mise en place par
Mme le Garde des Sceaux et présidée par M. Daniel Farge,
conseiller à la Cour de cassation.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DE NOUVELLES AVANCÉES AU SERVICE D'UNE MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE
La
présente réforme doit permettre d'apporter des
améliorations significatives à la procédure pénale.
Votre commission, qui a regretté en première lecture que
l'ensemble de la procédure ne soit pas entièrement
réexaminé en vue de l'élaboration d'un nouveau code
définissant une procédure pénale véritablement
modernisée, souhaite néanmoins que les deux assemblées
parviennent à un accord sur un projet de loi dont l'ambition a
été considérablement renforcée au cours de la
navette parlementaire.
Elle souhaite que cette deuxième lecture soit l'occasion de nouvelles
avancées permettant une amélioration substantielle du droit
actuel.
A. RÉFORMER LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE
L'Assemblée nationale a décidé de
réformer partiellement l'application des peines en donnant un
caractère juridictionnel aux décisions prises par le juge de
l'application des peines.
Votre commission vous propose d'aller plus loin en procédant à
une réforme complète de la libération conditionnelle. Tout
démontre en effet que la libération conditionnelle permet, dans
de nombreux cas, d'éviter la récidive des condamnés. Or,
cette mesure, qu'elle soit prononcée par le juge de l'application des
peines ou par le ministre de la justice, connaît un déclin
préoccupant depuis quelques années.
Ainsi, en vingt-six ans, le taux d'admission à la libération
conditionnelle des condamnés relevant de la compétence des juges
de l'application des peines est passé de 29,3 % en 1973 à
14 % en 1998.
De même, en trente ans, le taux d'admission à la libération
conditionnelle par rapport au nombre de dossiers relevant de la
compétence du garde des sceaux a pratiquement diminué de
moitié : de 1970 à 1999, ce taux est passé de
64,16 % à 30,5 %.
Depuis vingt ans, de très nombreuses propositions ont été
faites pour réformer la libération conditionnelle. Dès
1983, notre excellent collègue M. Robert Badinter, alors garde des
sceaux, avait proposé de supprimer la compétence du ministre de
la justice en matière de libération conditionnelle et de
créer un tribunal de l'application des peines. Cette réforme n'a
jamais été à son terme.
Très récemment, une commission mise en place par Mme le Garde des
Sceaux et présidée par M. Daniel Farge, président du
Comité consultatif de libération conditionnelle, a proposé
une réforme complète de la libération conditionnelle
impliquant à la fois une redéfinition des critères
permettant la libération conditionnelle et une modification de la
procédure applicable.
Cette commission a proposé que le juge de l'application des peines,
actuellement compétent pour prononcer la libération
conditionnelle lorsque la peine du condamné est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement, devienne compétent pour les peines
inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement. La
commission a en outre souhaité que le pouvoir, actuellement
exercé par le garde des sceaux lorsque la peine est supérieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement, soit désormais
confié à une juridiction collégiale.
Votre commission vous propose de mettre en oeuvre cette réforme, que
l'Assemblée nationale a déjà commencé à
entreprendre en juridictionnalisant les décisions du juge de
l'application des peines. Votre commission vous propose qu'un
tribunal de
l'application des peines
soit compétent pour prononcer les
libérations conditionnelles pour les condamnés à une peine
supérieure à dix ans d'emprisonnement. Les décisions de ce
tribunal pourraient faire l'objet d'un recours devant une
juridiction
nationale de la libération conditionnelle placée près de
la Cour de cassation
.
Votre commission vous propose également de préciser les
critères permettant la libération conditionnelle, sans toutefois
procéder à une énumération exhaustive.
Actuellement, la libération conditionnelle peut être
accordée aux condamnés présentant des gages sérieux
de réadaptation sociale. Or, il semble que ce critère donne lieu
à une interprétation très restrictive de la part des
autorités chargées de prononcer la libération
conditionnelle. Celles-ci considèrent trop souvent que l'exercice d'un
emploi est nécessaire pour que les gages de réadaptation sociale
soient effectivement réunis.
En proposant cette réforme, votre commission forme l'espoir qu'elle
facilitera la réinsertion dans notre société de nombreux
condamnés.
Le Sénat, en prenant une telle initiative, fait preuve d'une belle
continuité. Rappelons en effet que la libération conditionnelle
date de 1885 et que la loi qui lui a donné naissance est issue d'une
proposition d'un sénateur, M. René Bérenger.
B. METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE JUGE DES LIBERTÉS
Le
Sénat a accepté en première lecture que le pouvoir
d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire soit retiré
au juge d'instruction pour être confié à un magistrat
distinct. Il s'est en revanche opposé à ce que ce magistrat
puisse recevoir le titre de juge de la détention provisoire, alors
même que son institution a pour objectif de limiter la détention
provisoire aux cas strictement nécessaires.
L'Assemblée nationale, tout en gardant la qualification de juge de la
détention provisoire, a prévu la possibilité que lui
soient confiées un grand nombre d'attributions actuellement
exercées par le président du tribunal de grande instance. Cette
possibilité concerne la prolongation des gardes à vue en
matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le
contrôle des perquisitions dans les mêmes matières, la
prolongation du maintien en rétention ou en zone d'attente des
étrangers, le contrôle des perquisitions en matière fiscale
et douanière...
Votre commission vous propose d'aller jusqu'au bout de cette logique en
attribuant, de manière pleine et entière, ces prérogatives
au nouveau juge créé par le projet de loi. Dès lors,
celui-ci deviendrait un véritable
juge des libertés
et
votre commission vous propose de lui donner cette dénomination.
C. SUPPRIMER LES PEINES D'EMPRISONNEMENT EN MATIÈRE DE DÉLITS DE PRESSE
•
La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la
presse est une loi très protectrice de la liberté de la presse.
Pour autant, adoptée il y a plus d'un siècle et fort peu
modifiée depuis, elle comporte de nombreuses infractions passibles de
peines d'emprisonnement, qui paraissent aujourd'hui inadaptées.
Dans la plupart des cas, les peines de prison ne sont jamais prononcées
et il serait possible d'en déduire que leur maintien dans la loi de 1881
ne présente guère d'inconvénients. Toutefois, de nombreux
pays semblent avoir adopté une législation empruntant beaucoup
à la législation française. Dans ces pays, les
journalistes sont malheureusement beaucoup trop fréquemment
emprisonnés. Les autorités de ces Etats arguent parfois, pour
justifier ces emprisonnements, des dispositions de la loi française qui
permettent elles aussi l'emprisonnement des journalistes.
Votre commission propose la suppression de la plupart des peines
d'emprisonnement prévues par la loi du 29 juillet 1881
. Cela
concernerait en particulier les délits de diffamation et d'injures
envers les particuliers ou envers les ministres, les parlementaires ou les
dépositaires de l'autorité publique, ainsi que les offenses ou
outrages commis envers des dignitaires, nationaux ou étrangers qui
resteraient passibles d'amendes.
En revanche, une telle suppression paraît inopportune en ce qui concerne
l'incitation à commettre certaines infractions graves ou la provocation
à la haine raciale (article 24 de la loi de 1881).
Le 2 mars dernier, la commission nationale consultative des droits de
l'homme a estimé que "
le texte de la loi de 1881 conserve des
sanctions qui peuvent apparaître aujourd'hui disproportionnées et
qui, surtout, transposées à la lettre dans d'autres pays, sont de
nature à porter atteinte au principe même de la liberté
d'expression
".
La France s'est dotée en 1881 d'une législation en matière
de presse qui l'a placée parmi les pays défendant le mieux cette
liberté essentielle. Votre commission propose aujourd'hui une
modernisation de ce droit allant dans le sens d'un renforcement de la
liberté de la presse
.
D. PARFAIRE TECHNIQUEMENT LE PROJET DE LOI
En ce qui concerne les principales dispositions du projet de loi, votre commission souhaite poursuivre le dialogue, déjà fructueux, avec l'Assemblée nationale.
1. Réforme de la procédure criminelle
Après en avoir débattu, votre commission, outre
des
précisions et des améliorations rédactionnelles, a
apporté trois modifications importantes au texte proposé en ce
qui concerne le recours contre les décisions des cours d'assises :
- elle a décidé de permettre un
appel du ministère
public
, sauf en cas d'acquittement. Il lui est apparu que l'absence d'appel
du ministère public pouvait présenter des inconvénients
sérieux dans certaines situations. Ainsi, en cas de procès
impliquant plusieurs coaccusés, la cour d'assises statuant en appel ne
serait plus en mesure de connaître l'ensemble de l'affaire si certains
des coaccusés seulement faisaient appel. Par ailleurs, il n'est pas
exclu que les cour d'assises prononcent plus facilement des condamnations
élevées dès lors que la faculté d'appel
n'appartiendrait qu'à l'accusé ;
- votre commission a par ailleurs décidé de
ne pas
prévoir un nombre de jurés différent au sein de la cour
d'assises statuant en premier ressort et au sein de la cour d'assises statuant
en appel
. L'abaissement de neuf à sept du nombre de jurés en
première instance aurait pour effet de diminuer la proportion de
jurés par rapport au nombre de magistrats. En outre, la composition
actuelle des cours d'assises fonctionne de manière efficace et il
n'existe guère de raison décisive de la modifier. Afin que la
cour d'assises statuant en appel soit néanmoins une juridiction
supérieure à la cour d'assises ayant statué en premier
ressort, votre commission propose que la cour d'assises statuant en appel soit
obligatoirement présidée par un président de chambre
à la cour d'appel ;
- enfin, votre commission a estimé, après réflexion,
qu'il était
normal que la victime puisse faire appel quant à
ses intérêts civils
, sans que cette possibilité soit
subordonnée à un appel préalable de l'accusé. Elle
a décidé, dans un souci d'efficacité, qu'en cas d'appel
portant exclusivement sur les intérêts civils, cet appel serait
porté devant la chambre des appels correctionnels.
2. Garde à vue
Votre
commission estime tout à fait bienvenue la disposition imposant aux
enquêteurs de faire figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire
les
heures auxquelles la personne gardée à vue a pu
s'alimenter
.
En revanche, votre commission considère que l'article 2 DA du
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, qui
prévoit que les personnes gardées à vue doivent être
retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité
humaine et interdit les fouilles portant atteinte à
l'intégrité physique, est beaucoup trop imprécis pour
avoir une portée normative. Elle vous propose donc sa suppression. Le
principe du respect de la dignité humaine sera en tout état de
cause inscrit dans le futur article préliminaire du code de
procédure pénale.
En ce qui concerne l'
enregistrement des interrogatoires de garde à
vue
, votre commission, après en avoir longuement débattu, a
estimé qu'une telle mesure pourrait présenter un
intérêt en cas de contestation du contenu du procès-verbal
d'interrogatoire.
A l'initiative du Sénat au cours de la première lecture, les
procès-verbaux d'interrogatoire devront être beaucoup plus
précis que par le passé puisqu'ils comprendront désormais
les questions posées à la personne interrogée.
Votre commission s'est demandé si l'enregistrement des interrogatoires
ne risquait pas d'avoir des conséquences défavorables à la
personne mise en garde à vue s'il était possible d'écouter
à tout moment de la procédure et sans réserves le document
sonore.
Elle propose donc que l'enregistrement des interrogatoires ne puisse être
écouté au cours de la procédure qu'en cas de contestation
par la personne gardée à vue du contenu du procès-verbal
d'interrogatoire. Par ailleurs, elle propose également que cet
enregistrement ne soit pas systématique, mais qu'il soit
réalisé à la demande de la personne, son avocat
préalablement consulté.
Ces propositions paraissent réaliser un équilibre satisfaisant
entre la nécessité d'éviter que l'enquête soit
entravée et la volonté de renforcer la protection de la
présomption d'innocence.
3. Autorité judiciaire et police judiciaire
Votre
commission propose d'insérer dans le projet de loi quelques dispositions
tendant à renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire. Il s'agirait notamment de permettre au procureur de
fixer un délai pour la durée des enquêtes
préliminaires.
Surtout, votre commission propose que les enquêtes concernant les
officiers et les agents de police judiciaire agissant en cette qualité
associent l'Inspection générale des services judiciaires au
service d'enquête compétent.
4. Détention provisoire
Votre
commission propose d'accepter la proposition de l'Assemblée nationale
prévoyant
l'impossibilité de mettre en détention
provisoire une personne encourant moins de cinq ans d'emprisonnement
pour
un délit prévu au livre III du code pénal (atteintes
contre les biens).
En revanche, votre commission ne peut accepter la
disparition de tous les
seuils de peine encourue
pour les personnes déjà
condamnées à une peine d'emprisonnement d'un an. Une telle
solution pourrait permettre le placement en détention provisoire d'une
personne qui n'encourrait qu'une peine d'amende, sous prétexte qu'elle
aurait déjà été condamnée.
En ce qui concerne les
durées maximales de la détention
provisoire
, votre commission accepte les durées maximales de deux
ans en matière correctionnelle et de quatre ans en matière
criminelle prévues par l'Assemblée nationale, mais persiste
à penser que pour certaines infractions très graves et complexes,
telles que le terrorisme ou le trafic de stupéfiants, il est
indispensable qu'une certaine souplesse soit possible. Elle propose donc que
dans ces domaines la chambre d'accusation, qu'elle propose de dénommer
chambre de l'instruction
, puisse, à titre exceptionnel, prolonger
la durée de la détention provisoire pour une durée
maximale supplémentaire d'un an.
Par ailleurs, votre commission ne peut accepter, malgré la
générosité des intentions qui ont animé les auteurs
de cet amendement, la disposition interdisant le
placement en
détention provisoire de parents de jeunes enfants
sauf en cas
d'infraction contre les enfants, de crime ou de non respect du contrôle
judiciaire. Une telle mesure porterait atteinte au principe
d'égalité devant la justice et paraît en outre inapplicable
telle qu'elle a été définie par l'Assemblée
nationale.
Enfin, votre commission accepte la proposition de
décentralisation
des décisions prises en matière d'indemnisation des
détentions provisoires
injustifiées
. Ces
indemnisations seraient donc accordées par le Premier président
de la cour d'appel dont les décisions pourraient faire l'objet d'un
appel devant la commission nationale d'indemnisation des détentions
provisoires placée auprès de la Cour de cassation.
5. Liberté de l'information et présomption d'innocence
Afin
d'améliorer l'équilibre entre présomption d'innocence et
liberté de la presse, votre commission vous propose, comme en
première lecture, d'élargir le champ d'application de l'article
9-1 du code civil, qui permet à toute personne mise en examen,
placée en garde à vue ou faisant l'objet d'un réquisitoire
du procureur de la République, de saisir le tribunal aux fins de faire
cesser une atteinte à la présomption d'innocence, lorsqu'elle est
présentée avant toute condamnation comme coupable de faits
faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction.
Votre commission estime paradoxal qu'une personne mise en examen puisse faire
cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, alors que ce
droit n'est pas reconnu à une personne présentée
publiquement comme coupable d'une infraction et qui ne fait elle-même
l'objet d'aucune poursuite judiciaire.
Elle vous propose que l'article 9-1
puisse être utilisé par toute personne présentée
comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une
instruction.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(article préliminaire nouveau
du
code de procédure pénale)
Principes
généraux
Cet
article tend à énoncer en tête du code de procédure
pénale les
principes fondamentaux qui doivent s'appliquer à
cette procédure
, et en premier lieu le principe de la
présomption d'innocence et ses conséquences en ce qui concerne
les mesures de contrainte qui peuvent être prises à l'encontre
d'une personne suspectée ou poursuivie.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture comme en
première lecture, a souhaité rappeler en tête du code de
nombreux principes qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial.
En première lecture, le Sénat a, pour sa part, adopté un
texte plus proche du projet de loi initial, en considérant que cet
article devait s'adresser au juge pour
faciliter l'interprétation et
l'application du code de procédure pénale
.
En conséquence, le Sénat a supprimé les principes qui
s'adressaient au législateur lui-même. Il serait en effet
paradoxal que le législateur inscrive en tête du code de
procédure pénale des principes qu'il lui revient de mettre en
oeuvre.
Votre commission vous propose de suivre à nouveau ce raisonnement. Il
lui paraît en effet singulier que le législateur inscrive, par
exemple, en tête du code de procédure pénale que celle-ci
"
doit être juste et équitable
".
Il est de la responsabilité du Parlement de faire en sorte que la
procédure pénale soit juste et équitable. Le
présent projet de loi doit d'ailleurs contribuer à faire en sorte
qu'il en soit ainsi.
Votre commission vous propose donc, par
un amendement
, de modifier cet
article, pour en resserrer la rédaction, afin qu'il mentionne
réellement des principes essentiels susceptibles de guider le juge,
à savoir :
- le
respect de la présomption d'innocence
d'une personne
tant que sa culpabilité n'a pas été établie dans le
respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de
la procédure et de l'équilibre des droits des parties ;
- le droit pour la personne suspectée ou poursuivie d'être
informée des charges retenues contre elle et d'être
assistée d'un défenseur
;
- l'obligation que les
mesures de contrainte
contre une personne
soient prises sur décision ou sous le contrôle effectif de
l'autorité judiciaire, qu'elles soient strictement limitées aux
nécessités de la procédure et proportionnées
à la gravité de l'infraction, qu'enfin elles ne portent pas
atteinte à la dignité de la personne;
- l'obligation de statuer sur l'accusation dont une personne fait l'objet
dans un
délai raisonnable
;
- la
prévention, la limitation, la réparation et la
répression des atteintes à la présomption d'innocence
selon les dispositions prévues par la loi ;
- la garantie des
droits des victimes
au cours de toute
procédure pénale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LES DROITS DE LA
DÉFENSE ET LE RESPECT
DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA
PROCÉDURE
SECTION 1
Dispositions relatives à la garde
à vue
Article 2 DA
(art. 63 du code de procédure
pénale)
Respect de la dignité de la personne
au cours
de la garde à vue
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale lors de la deuxième lecture, tend à compléter
l'article 63 du code de procédure pénale, relatif aux
conditions dans lesquelles des personnes peuvent être placées en
garde à vue, pour prévoir que les personnes gardées
à vue doivent être retenues dans des
conditions compatibles
avec le respect de la dignité humaine auquel chacun a droit
.
Cet article prévoit également qu'il ne peut être
procédé à des fouilles portant atteinte à
l'intégrité physique des personnes, que celles-ci doivent
bénéficier d'un temps de repos raisonnable et être
alimentées de manière à conserver toutes leurs
capacités physiques et mentales.
S'il est aisé de comprendre la motivation de ces dispositions, il faut
néanmoins constater qu'elles paraissent dépourvues de toute
portée normative. Par ailleurs, le futur article préliminaire du
code de procédure pénale prévoira, quelle que soit la
rédaction retenue à l'issue de la navette parlementaire, que
les mesures de contrainte auxquelles peut être soumise une personne
doivent être proportionnées à la gravité de
l'infraction reprochée, ne pas porter atteinte à la
dignité de la personne et être strictement limitées aux
nécessités de la procédure
.
Dans ces conditions, votre commission vous propose la
suppression
de cet
article.
Article 2 D
(art. 63-1 du code de procédure
pénale)
Notification de ses droits à la personne
gardée à vue
Cet
article prévoit, dans son premier paragraphe, que la personne
placée en garde à vue doit être informée de la
nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. En première
lecture, le Sénat avait souhaité que soient employées les
termes mêmes de la convention européenne des droits de l'homme et
a décidé que la personne devait être informée
"
des raisons de son arrestation et des accusations portées
contre elle
".
Il apparaît toutefois que le terme " accusations " a un sens
bien précis dans la procédure pénale française et
ne concerne que la procédure criminelle. Il paraît donc
préférable de prévoir que la personne sera informée
de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ce qui
constituera un progrès par rapport au droit actuel.
Le second paragraphe de cet article prévoit que la personne
placée en garde à vue doit être informée, au
début de la mesure, du fait qu'elle pourra, six mois après la
garde à vue, interroger le procureur sur la suite donnée à
la procédure en l'absence de poursuites ou de classement. Comme en
première lecture, votre commission considère qu'il est
surréaliste d'informer d'un tel droit une personne au moment de son
placement en garde à vue. En conséquence, elle vous soumet
un
amendement
de suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 2 G
(art. 716 du code de procédure
pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les
prévenus
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la première lecture, prévoit que les personnes en
détention provisoire doivent être placées au régime
de
l'emprisonnement individuel de jour et de nuit
, sans qu'il soit
possible de déroger à cette règle en raison de la
distribution des maisons d'arrêt ou de leur encombrement.
L'Assemblée nationale a décidé de reporter l'application
de cette mesure trois ans après la publication de la loi. En
première lecture, le Sénat, à la demande du Gouvernement,
a porté ce délai à cinq ans.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
de revenir au texte qu'elle avait adopté en première lecture,
tout en déplaçant cet article qui n'a effectivement aucune raison
de figurer parmi les dispositions relatives à la garde à vue.
Elle a donc supprimé à juste titre le présent article. Les
dispositions relatives à l'emprisonnement individuel des prévenus
seront donc examinées à l'article 18 septies du projet.
En conséquence, votre commission vous propose de
maintenir la
suppression
de cet article.
Article 2 bis A
(art. 63-5 nouveau du code de
procédure pénale)
Enregistrement des interrogatoires de
garde à vue
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, tend à introduire dans le code de procédure
pénale un article 63-5 pour prévoir que les interrogatoires
des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un
enregistrement sonore. L'enregistrement original serait placé sous
scellés fermés et sa copie versée au dossier.
Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original pourrait
être écouté au cours de la procédure.
• L'enregistrement des interrogatoires de garde à vue existe
déjà dans d'autres pays :
- au Royaume-Uni, l'enregistrement est obligatoire depuis 1984 ;
- en Allemagne, l'interrogatoire précédant l'accusation,
conduit par un procureur ou par la police, fait l'objet d'un
enregistrement ;
- en Espagne, aucun interrogatoire de garde à vue ne peut se faire
sans la présence d'un avocat. L'enregistrement audiovisuel est possible,
à la demande du gardé à vue ou à l'initiative de
l'enquêteur, sous réserve de l'accord du gardé à vue.
Il est tout à fait légitime que les progrès techniques
soient utilisés dans les procédures judiciaires lorsqu'ils
peuvent contribuer à l'efficacité de l'enquête ou à
la protection de la présomption d'innocence.
• En France, le premier exemple d'utilisation de la technique
d'enregistrement en matière de procédures judiciaires
résulte de la loi n° 94-468 du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles. Depuis l'adoption de cette loi, l'article 706-52 du code
procédure pénale prévoit qu'au cours de l'enquête et
de l'information, l'audition d'un mineur
victime
d'une infraction
sexuelle fait, avec son consentement ou celui de son représentant
légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
Cette disposition a pour objet d'éviter au mineur d'avoir à
répéter à de nombreuses reprises les faits traumatisants
dont il a été victime.
Les modalités d'application de cet article ont fait l'objet de
discussions très approfondies entre les deux assemblées,
notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'enregistrement
pourrait être visionné. Il a été prévu que
cet enregistrement pourrait être visionné au cours de la
procédure d'instruction dans des conditions très
encadrées. La circulaire du 20 avril 1999 relative à
l'enregistrement audiovisuel ou sonore de l'audition des mineurs victimes
d'infractions sexuelles précise de manière très
détaillée les conditions de réalisation, d'utilisation et
de conservation des enregistrements.
Les questions posées par le présent article sont
différentes de celles que soulevait l'enregistrement des auditions des
mineurs victimes. En effet, il ne s'agit pas ici d'éviter à la
personne gardée à vue de répéter à plusieurs
reprises certains faits.
Le débat à l'Assemblée nationale sur ce sujet a
été relativement bref, de sorte qu'il est difficile de savoir
l'objectif prioritaire de cette mesure. Mme le garde des sceaux s'est
interrogée à ce sujet : "
S'agit-il de renforcer le
contrôle des gardes à vue alors que seuls les interrogatoires sont
enregistrés, et uniquement sous forme sonore ? S'agit-il de
garantir la sincérité des déclarations figurant sur le
procès-verbal, ce qui ne coïncide pas avec le caractère
écrit de notre procédure pénale ?
".
De fait, il est essentiel de clarifier le but recherché par cette
disposition si l'on souhaite en préciser utilement les modalités.
La commission de réflexion sur la justice, présidée par
M. Pierre Truche, a proposé l'enregistrement des
interrogatoires en assignant clairement à ce dispositif le but de
permettre la vérification du contenu du procès-verbal :
"
La commission estime enfin indispensable l'enregistrement par
magnétophone des interrogatoires et confrontations en cours de garde
à vue, les bandes immédiatement placées sous
scellés étant écoutées en cas de divergence entre
les propos rapportés par procès-verbal et les déclarations
ultérieures
".
Au cours du débat à l'Assemblée nationale, Mme
Frédérique Bredin, auteur de l'amendement, a fait valoir que
l'enregistrement sonore des interrogatoires de garde à vue
entraînerait une "
modification des rapports entre la personne
qui interroge et celle qui est interrogée ".
Il semble
toutefois que, si l'objectif est de changer les relations entre la personne qui
interroge et celle qui est interrogée, à supposer que ces
relations soient marquées par des comportements contestables, un
enregistrement audiovisuel serait plus adapté.
Le principal intérêt de la mesure paraît donc être la
possibilité de vérifier les propos transcrits sur le
procès-verbal d'interrogatoire. Celui-ci est en effet une
synthèse qui résume, parfois en quelques paragraphes, plusieurs
heures d'interrogatoire.
Dès lors que l'on admet que l'enregistrement est destiné à
vérifier l'exactitude sur le fond des propos rapportés par le
procès-verbal, plusieurs questions se posent. Le procès-verbal ne
risque-t-il pas de perdre toute valeur face au document sonore ?
L'enregistrement peut-il être réalisé sans l'accord de la
personne interrogée, alors que, dans de nombreux cas, il s'agit de
personnes illettrées, s'exprimant médiocrement en français
et que l'enregistrement pourra être écouté au cours de la
procédure sur décision d'un magistrat ?
Votre commission craint que cette disposition, si elle n'est pas
précisée, manque son objectif. Il paraît souhaitable, en
premier lieu, que l'enregistrement ne puisse avoir lieu qu'à la demande
de la personne, après qu'elle se sera entretenue avec son avocat,
désormais contacté à la première heure. Par
ailleurs, l'enregistrement risque d'avoir des effets totalement contraires
à ceux recherchés si un magistrat peut décider, de sa
propre initiative, et à n'importe quel stade de la procédure, de
procéder à l'écoute du document. Il paraît
nécessaire que seule la personne interrogée puisse demander
l'écoute du document sonore si elle conteste les propos qui lui sont
prêtés dans le procès-verbal.
Ces conditions paraissent nécessaires pour que l'enregistrement des
interrogatoires constitue effectivement un progrès dans la protection de
la présomption d'innocence.
Compte tenu des précautions qui paraissent nécessaires, votre
commission s'est demandé s'il était réellement souhaitable
de mettre en oeuvre une mesure aussi coûteuse pour une utilisation qui
sera sans doute rare, les procès-verbaux de police n'étant pas
systématiquement contestés, loin s'en faut. M. Jean-Pierre
Chevènement, ministre de l'Intérieur, a estimé que cette
mesure mobiliserait 2.500 policiers à temps plein.
Elle vous propose néanmoins d'accepter cette disposition en
précisant par un
amendement
que l'enregistrement ne pourra
être réalisé qu'à la demande de la personne
gardée à vue, après que celle-ci aura pu consulter son
avocat. Elle vous propose en outre que l'enregistrement ne puisse être
écouté qu'à la demande de la personne placée en
garde à vue.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis A
ainsi modifié
.
Article 2 bis B
(art. 64 du code de procédure
pénale)
Mentions devant figurer sur le procès-verbal
d'interrogatoire
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 64 du code de procédure
pénale prévoit notamment que les officiers de police judiciaire
doivent mentionner sur le procès-verbal d'interrogatoire d'une personne
gardée à vue la durée des interrogatoires auxquelles elle
a été soumise et des repos qui ont séparé ces
interrogatoires, le jour et l'heure à partir desquels elle a
été gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure
à laquelle elle a été soit libérée, soit
amenée devant le magistrat compétent.
Le présent article, introduit dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit
que les
heures auxquelles la personne a pu s'alimenter
devront
également figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire. Il
s'agit d'une mesure bienvenue, même si elle ne garantira en rien qu'une
personne gardée à vue aura pu s'alimenter convenablement pendant
la durée de la garde à vue.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 ter
(art. 4 de l'ordonnance n° 45-174
du 2
février 1945)
Enregistrement des interrogatoires de mineurs
Cet
article tend à modifier l'ordonnance du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante pour prévoir
l'enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde
à vue
.
Comme elle l'a fait pour les autres personnes placées en garde à
vue (article 2 bis A), votre commission vous propose, par un
amendement
, que l'enregistrement ne puisse être effectué
qu'à la demande de la personne gardée à vue, son avocat
consulté, et qu'il ne puisse être écouté au cours de
la procédure qu'à la demande de la personne interrogée.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
SECTION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 2
TER
Dispositions relatives au contrôle de l'autorité
judiciaire
sur la police judiciaire
Votre commission propose de compléter les dispositions relatives à la garde à vue par quelques dispositions ayant pour objectif de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire .
Article additionnel après l'article 2 ter
(art.
75-1 et 75-2 nouveaux du code de procédure pénale)
Fixation
d'un délai en matière d'enquête
préliminaire
Information du procureur en cas d'identification d'un
suspect
Votre
commission propose, par cet article additionnel, d'insérer dans le code
de procédure pénale deux nouveaux articles. Le texte
proposé pour l'article 75-1 tend à prévoir que le
procureur de la République fixe le délai dans lequel une
enquête préliminaire doit se dérouler. Le procureur
pourrait proroger ce délai au vu des justifications fournies par les
enquêteurs.
Le texte proposé pour l'article 75-2 du code de procédure
pénale tend à imposer aux officiers de police judiciaire qui
mènent une enquête préliminaire concernant un crime ou un
délit d'aviser le procureur de la République dès qu'une
personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant
présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction
est identifiée. Cette disposition sera surtout utile dans le cas
où les officiers de police judiciaire entreprennent d'office des
enquêtes préliminaires.
Ces dispositions figurent dans le projet de loi relatif à l'action
publique en matière pénale, mais votre commission
considère qu'elles méritent d'être adoptées
rapidement et qu'elles ont un lien direct avec le présent projet de loi,
qui tend notamment à renforcer le contrôle des magistrats sur les
mesures de garde à vue.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 2 ter.
Article additionnel après l'article 2
ter
(art. 227
du code de procédure pénale)
Application immédiate
des décisions prises
par la chambre d'accusation en matière
disciplinaire
En vertu
de l'article 224 du code de procédure pénale, la chambre
d'accusation est chargée d'exercer un contrôle sur
l'activité des fonctionnaires civils et militaires, officiers et agents
de police judiciaire, pris en cette qualité. Conformément
à l'article 227 du code de procédure pénale, la
chambre d'accusation peut adresser des observations à l'officier ou
agent de police judiciaire ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou
définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d'appel, soit
sur l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de police judiciaire et
de délégué du juge d'instruction ou ses fonctions d'agent
de police judiciaire.
Dans une affaire récente, la cour de cassation a estimé que le
recours contre la décision de la chambre d'accusation avait un effet
suspensif, contrairement aux décisions de retrait ou de suspension de
l'habilitation des officiers de police judiciaire par le procureur
général.
Le présent article additionnel tend à mettre fin à cette
contradiction, en prévoyant l'application immédiate des
décisions de la chambre d'accusation en cette matière. Cette
disposition figure dans le projet de loi relatif à l'action publique en
matière pénale, mais a toute sa place dans le présent
projet de loi, qui modifie la procédure pénale de la garde
à vue à l'exécution des peines.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 2 ter.
Article 2 quater
Participation de l'inspection
générale des services judiciaires
aux enquêtes
administratives concernant les officiers de police judiciaire
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la
première lecture, prévoit la création d'une inspection
générale de la police judiciaire, chargée d'enquêter
sur les infractions commises par les officiers de police judiciaire dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, estimant
qu'elle relevait davantage du projet de loi relatif à l'action publique
en matière pénale. De fait, le Sénat a adopté, lors
de la discussion de ce projet de loi, un amendement qui, sans créer une
nouvelle structure, prévoit que les enquêtes concernant les
officiers et agents de police judiciaire associent l'inspection
générale des services judiciaires au service d'enquête
compétent.
Votre commission vous propose, par
un amendement
, d'introduire cette
disposition, acceptée par le Gouvernement, lors du débat relatif
à l'action publique en matière pénale, dans le
présent projet de loi.
En effet, dès lors que ce projet de loi tend à modifier le
déroulement de la garde à vue, il est normal que soit
abordée la question du contrôle des officiers et agents de police
judiciaire.
L'association de l'inspection générale des services judiciaires
au service d'enquête compétent doit permettre un renforcement du
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire sans
faire peser aucune suspicion sur la manière dont les policiers et les
gendarmes exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très
difficiles.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux
modalités de mise en examen
Le
projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la
mise en examen
. En première lecture, l'Assemblée nationale
a simplement proposé que le juge d'instruction ne puisse plus mettre en
examen une personne qu'en présence d'indices
" précis ". Le Sénat a souhaité mener une
réflexion approfondie sur cette question et a proposé, lors de la
première lecture, que la mise en examen ne soit possible qu'en
présence d'indices graves ou concordants et qu'une personne ne puisse
plus être mise en examen par lettre recommandée sans avoir eu la
possibilité de s'expliquer devant le juge d'instruction.
En deuxième lecture, ces propositions ont été
acceptées et complétées par l'Assemblée
nationale.
Article 3 bis
(art. 80-1 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices permettant la mise en
examen
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 80-1 du code de procédure
pénale prévoit que le juge d'instruction peut mettre en examen
"
toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices
laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice,
aux faits dont il est saisi
". L'article 80-1 définit les
modalités de la mise en examen et prévoit que celle-ci peut
résulter de l'interrogatoire de première comparution, être
faite par l'envoi d'une lettre recommandée ou notifiée par un
officier de police judiciaire.
En première lecture, l'Assemblée nationale a estimé que
les indices permettant la mise en examen devaient être
" précis ". Votre commission a observé que la
frontière entre des " indices " et des " indices
précis " était pour le moins imprécise. Elle a
proposé que la mise en examen n'intervienne qu'en présence
d'indices "
graves et concordants
", ces termes étant
déjà employés dans le code de procédure
pénale et bien connus des praticiens.
Toutefois, le débat en séance publique a permis d'affiner cette
question. Il apparaît en effet qu'en vertu de l'article 105 du code
de procédure pénale, le juge d'instruction est
obligé
de mettre en examen une personne en présence
d'indices graves et concordants. Il paraissait donc difficile d'employer les
mêmes termes pour définir le moment à partir duquel la mise
en examen est
possible
. Prévoir que le juge ne peut mettre en
examen tant qu'il n'a pas d'indices graves et concordants et qu'il est
obligé de mettre en examen dès qu'il dispose de tels indices
aurait pu susciter des difficultés juridiques importantes. Le
Sénat a donc prévu que la mise en examen serait
possible en
cas d'indices " graves ou concordants " et obligatoire en cas
d'indices " graves et concordants "
.
Par ailleurs, le Sénat, dans l'article 3 ter du projet de loi,
a apporté une autre modification à l'article 80-1 du code de
procédure pénale. Il a décidé qu'il ne serait plus
possible de mettre en examen une personne par lettre recommandée sans
lui donner la possibilité de s'expliquer au préalable devant le
juge d'instruction.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a
procédé, sur proposition du Gouvernement, sous-amendée par
la rapporteuse de la commission des Lois, à une réécriture
complète de l'article 80-1.
Le premier alinéa du texte proposé prévoit qu'à
peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
"
précis, graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles
aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des
infractions
" dont il est saisi. Ainsi, ce texte évoque des
indices " rendant vraisemblable " la participation à
l'infraction et non plus des indices " laissant présumer "
cette participation. La nouvelle définition paraît plus exigeante
pour le juge d'instruction et plus protectrice de la présomption
d'innocence.
En revanche, l'ajout du terme " précis " pour qualifier les
indices permettant la mise en examen ne paraît guère
présenter d'intérêt. Au contraire, la formule
employée par l'Assemblée nationale laisse davantage de marge au
juge d'instruction puisque
les différents qualificatifs sont
alternatifs et non cumulatifs
. Il suffirait donc que les indices soient
précis ou graves ou concordants pour que la mise en examen puisse
intervenir.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, de prévoir
à nouveau que la mise en examen est possible en présence
d'indices graves ou concordants, ces termes étant déjà
employés dans le code de procédure pénale.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit
que le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen
qu'après avoir préalablement entendu les observations de la
personne et l'avoir mise en mesure de les faire, en étant
assistée par son avocat, soit au cours de l'interrogatoire de
première comparution, soit en tant que témoin assisté.
Cette disposition est directement issue des travaux du Sénat, qui
s'était opposé aux mises en examen faites par lettre
recommandée sans que la personne ait la possibilité de
s'expliquer. Le Gouvernement, suivi par l'Assemblée nationale, a
proposé qu'aucune mise en examen ne puisse intervenir sans une audition
préalable par le juge d'instruction, qu'il s'agisse d'une audition en
tant que témoin assisté ou d'un interrogatoire de première
comparution.
Enfin, le troisième alinéa du texte proposé pour
l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit
que le juge ne peut procéder à la mise en examen de la personne
que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de
témoin assisté. Cette disposition paraît peu normative,
mais constitue un encouragement à recourir à la procédure
de témoin assisté.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 3 ter A
(art. 105 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices rendant obligatoire la mise
en examen
L'article 105 du code de procédure pénale
prévoit notamment qu'une personne à l'encontre de laquelle il
existe des indices graves
et
concordants d'avoir participé aux
faits dont le juge d'instruction est saisi ne peut être entendue comme
témoin. Le juge est donc tenu, sous réserve des dispositions du
présent projet relatives au témoin assisté, de mettre en
examen cette personne. A défaut, la procédure peut être
annulée.
L'Assemblée nationale, par coordination avec les décisions prises
à l'article 3 bis, a souhaité que les indices rendant
obligatoires la mise en examen soient " précis, graves et
concordants ". Votre commission ne perçoit guère
l'intérêt de l'ajout du terme " précis ". Les
termes " graves et concordants " n'ont pas posé jusqu'à
présent de difficultés d'application et sont bien connus des
praticiens, ayant donné lieu à une jurisprudence importante.
Votre commission, par coordination avec les décisions prises à
l'article 3 bis, propose la
suppression
de cet article.
Article 3 ter
(article 80-2 du code de
procédure pénale)
Procédure préalable
à l'interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au
cours de la première lecture, tendait à modifier
l'article 80-1 du code de procédure pénale pour
prévoir qu'une personne devait avoir la possibilité de
s'expliquer devant le juge avant qu'intervienne une éventuelle mise en
examen par lettre recommandée.
Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a
décidé qu'
aucune mise en examen ne pourrait intervenir sans
audition préalable
.
Elle a modifié le présent article, qui tend désormais
à rétablir l'article 80-2 du code de procédure
pénale pour définir la procédure applicable avant
l'interrogatoire de première comparution.
• Le texte proposé par le
premier paragraphe
de cet
article pour l'article 80-2 du code de procédure pénale
prévoit que le juge d'instruction peut convoquer, par lettre
recommandée, une personne pour qu'il soit procédé à
sa première comparution, dans un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. Cette
lettre devrait donner connaissance à la personne de chacun des faits
dont est saisi le juge d'instruction et pour lesquels la mise en examen est
envisagée tout en précisant leur qualification juridique.
La lettre devrait également faire connaître à la personne
qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit
désigné un d'office. Le texte prévoit que la lettre doit
préciser que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue
de la première comparution.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 80-2 du
code de procédure pénale prévoit que la convocation peut
également être notifiée par un officier de police
judiciaire.
Enfin, le troisième alinéa du texte proposé prévoit
que l'avocat choisi ou désigné est convoqué dans les
conditions prévues par l'article 114 du code de procédure
pénale, relatif aux interrogatoires ou confrontations.
En pratique, ces dispositions sont plus précises que celles
adoptées par le Sénat au cours de la première lecture. Le
Sénat avait prévu qu'une première lettre
recommandée faisant part de l'intention du juge de mettre en examen une
personne devait permettre à celle-ci de demander à être
entendue. A défaut d'une telle demande, la mise en examen pouvait
intervenir par lettre recommandée.
Le texte proposé par le Gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale doit permettre à toute personne de
s'expliquer avant sa mise en examen, en présence d'un avocat. La
personne serait informée avant l'entretien, des faits dont est saisi le
juge d'instruction et de leur qualification juridique, ce qui constitue un
progrès incontestable.
Votre commission vous propose un
amendement
tendant à porter d'un
mois à deux mois le délai maximal dans lequel doit intervenir la
première comparution après l'envoi de la lettre
recommandée. En effet, après avoir reçu la lettre
recommandée, la personne devra faire connaître le nom de son
avocat, qui devra à son tour être convoqué. Il paraît
donc plus prudent de prévoir un délai un peu plus long.
L'allongement du délai n'a aucune conséquence
préjudiciable pour la personne mise en cause, dans la mesure où
elle sera informée des faits dont est saisi le juge d'instruction et
pourra préparer dans des conditions satisfaisantes l'interrogatoire de
première comparution.
• Le
second paragraphe
de cet article tend à abroger
l'article 116-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit que le juge d'instruction est tenu de faire droit à la
demande de première comparution d'une personne mise en examen. Cette
disposition perd de fait toute signification, dans la mesure où la mise
en examen ne pourra plus intervenir sans audition de la personne par le juge.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 3
Dispositions étendant les droits
des
parties au cours de l'instruction
Article 4 ter A
(article 116 du code de procédure
pénale)
Interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale. Lors de la deuxième lecture, tend à modifier
l'article 116 du code de procédure pénale relatif au
déroulement de l'
interrogatoire de première comparution
.
Le déroulement de l'interrogatoire de première comparution doit
en effet être modifié pour tenir compte des améliorations
apportées à la procédure de mise en examen par le projet
de loi. Cinq articles du projet de loi ont pour objet de modifier
l'article 116 du code de procédure pénale, dont un article
adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, de
sorte qu'il devient très difficile d'avoir une vision claire de la
procédure qui sera applicable après l'adoption du projet de loi.
Votre commission propose, par un
amendement
, de rassembler dans le
présent article l'ensemble des modifications apportées à
l'article 116 par les articles 4 ter A, 4 ter,
4 quater A, 21 et 33, afin d'opérer une
réécriture complète de cet article.
Les principales modifications apportées à cet article par le
projet de loi sont les suivantes :
- toutes les références à "
la personne mise
en examen
" sont remplacées par des références
à "
la personne
", ce qui est logique, dans la mesure
où l'interrogatoire de première comparution ne pourra plus
intervenir après la mise en examen et ne débouchera plus
nécessairement sur la mise en examen ;
- le juge d'instruction devra, au début de l'interrogatoire, faire
connaître à la personne chacun des faits dont il est saisi et leur
qualification juridique ;
- le juge d'instruction devra avertir la personne qu'elle a le choix soit
de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être
interrogée ; comme actuellement, l'accord pour être
interrogé ne pourra être recueilli qu'en présence d'un
avocat ;
- après avoir recueilli les déclarations de la personne ou
procédé à son interrogatoire, le juge d'instruction devra
notifier à la personne, soit qu'elle n'est pas mise en examen et qu'elle
bénéficie des droits du témoin assisté, soit
qu'elle est mise en examen. Dans ce dernier cas, le juge devra porter à
la connaissance de la personne les faits ou la qualification juridique des
faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications
diffèrent de ceux qui lui ont déjà été
notifiés. Le juge d'instruction devra informer la personne de ses droits
de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation.
En effet, en vertu de l'article 81 du code de procédure
pénale, les parties peuvent demander certains examens
médicaux ; en vertu de l'article 82-1 du code de
procédure pénale, que le projet de loi tend à modifier,
les parties pourront demander à ce qu'il soit procédé
à tous actes qui leur paraissent nécessaires à la
manifestation de la vérité ; conformément au texte
proposé pour l'article 82-2 que le projet de loi tend à
insérer dans le code de procédure pénale, la personne mise
en examen pourra demander que certains actes soient effectués en
présence de son avocat. L'article 156 du code de procédure
pénale permet, pour sa part, aux parties de demander une expertise.
Enfin, l'article 173 permet aux parties de saisir la chambre d'accusation
lorsqu'elles estiment qu'une nullité a été commise ;
- enfin, le juge d'instruction devra informer la personne de son droit de
demander la clôture de l'information au bout d'un an de
procédure ; sur ce point, votre commission vous propose de
rétablir le texte initial du projet de loi, l'Assemblée nationale
ayant proposé une rédaction qui paraît trop contraignante
puisqu'elle prévoit la saisine presque automatique du président
de la chambre d'accusation après une année d'information en
matière correctionnelle et dix-huit mois en matière criminelle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 4 ter B
(art. 134 du code de procédure
pénale)
Conséquence de l'impossibilité
d'exécuter
un mandat d'amener ou d'arrêt
Conformément aux articles 3 bis et 3 ter
du
projet de loi, le juge d'instruction ne pourra plus, après l'adoption du
texte, procéder à la mise en examen d'une personne sans l'avoir
au préalable entendue, soit en tant que témoin assisté
soit au cours d'un interrogatoire de première comparution. Il convenait
de prévoir l'hypothèse dans laquelle une personne ne
répondrait pas à la convocation qui lui serait adressée en
vue d'un interrogatoire de première comparution.
Le présent article tend à compléter l'article 134 du
code de procédure pénale, relatif à l'exécution
d'un mandat d'amener ou d'arrêt. Cet article prévoit notamment que
si la personne ne peut être saisie, un procès-verbal de
perquisition et de recherches infructueuses est adressé au magistrat qui
a délivré le mandat. Cet article serait complété
pour prévoir que la personne recherchée est alors
considérée comme mise en examen pour l'application de
l'article 176, qui prévoit que le juge d'instruction examine s'il
existe contre la personne mise en examen des charges constitutives
d'infraction, dont il détermine la qualification juridique. A la suite
de cet examen, le juge d'instruction décide ou non le renvoi de la
personne devant le tribunal. Or, le renvoi devant le tribunal ne peut concerner
qu'une personne mise en examen.
Il est donc nécessaire de prévoir que les personnes qui ne
répondent pas à une convocation en vue d'un interrogatoire de
première comparution et qui ne sont pas retrouvées après
délivrance d'un mandat d'amener ou d'un mandat d'arrêt sont
considérées comme mise en examen pour le règlement de
l'information.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 ter
[Pour coordination]
(art. 116 du
code de
procédure pénale)
Interrogatoire de première
comparution
Cet
article, adopté dans les mêmes termes par les deux
assemblées, tend à modifier l'article 116 du code de
procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution, afin de prévoir que le juge d'instruction
doit informer la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire
des déclarations, soit d'être interrogée.
Dans un souci de clarté, votre commission a décidé de
procéder, à l'article 4 ter A du projet, à
une réécriture complète de l'article 116 du code de
procédure pénale, que cinq articles du projet de loi tendent
à modifier.
Par coordination, elle vous propose la
suppression
du présent
article.
Article 4 quater A
(art. 116 du code de
procédure
pénale)
Interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier
l'article 116 du code de procédure pénale, notamment pour
tenir compte du fait qu'il ne sera plus possible de mettre en examen une
personne sans qu'elle ait été préalablement entendue par
le juge d'instruction.
Votre commission approuve les modifications proposées.
Néanmoins, cinq articles du projet de loi modifiant l'article 116
du code de procédure pénale, elle a décidé de
procéder à une réécriture complète de cet
article à l'article 4 ter A, ce qui rend inutile le
présent article.
En conséquence, votre commission vous propose la
suppression
de
cet article.
Article 5
(art. 156, 164 et 167 du code de
procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en
matière d'expertise
Cet
article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les
expertises organisées au cours de l'instruction. Il prévoit
notamment que le ministère public ou la partie demandant une expertise
pourra préciser lors de sa demande les questions qu'il voudrait voir
poser à l'expert.
En première lecture, sur la proposition de notre excellent
collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a
modifié cet article pour prévoir que "
sauf dispositions
particulières, les mesures d'instruction ordonnées par le juge
pénal obéissent aux règles de procédure
civile
".
L'article 16 du code de procédure civile prévoit
actuellement que "
le juge doit, en toutes circonstances, faire
observer et observer lui-même le principe de la contradiction
".
Il dispose en outre que le juge "
ne peut retenir, dans sa
décision, les moyens, les explications et les documents invoqués
ou produits par les parties que si celles-ci ont été à
même d'en débattre contradictoirement
".
Ainsi, les expertises civiles ne sont opposables à une partie que si
elle a été présente ou dûment appelée.
L'article 162 du code de procédure civile permet à la
personne qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui
a ordonné la mesure d'instruction d'en suivre l'exécution, quel
que soit le lieu, et de formuler des observations.
L'Assemblée nationale s'est opposée à l'application au
procès pénal des règles de la procédure civile. La
rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a notamment
avancé les arguments suivants pour justifier la suppression de cette
disposition :
" (...)
si un procès civil oppose le plus souvent deux parties,
le demandeur et le défendeur, les procédures pénales
concernent parfois plusieurs dizaines de personnes, mises en examen ou parties
civiles, notamment dans les affaires de terrorisme ou de trafic de
stupéfiants. L'internationalisation de la criminalité, dont on
constate chaque jour les effets, risque d'accentuer ce
phénomène.
"
De manière plus générale, l'application
systématique du principe du contradictoire semble difficilement
conciliable avec les spécificités du droit pénal :
ainsi, il paraît impossible d'obliger la victime d'une agression sexuelle
à subir une expertise en présence de l'auteur des faits ou de son
avocat
".
Votre commission estime elle aussi qu'il est difficile d'appliquer les
règles de la procédure civile aux expertises pénales,
malgré le caractère séduisant d'une telle disposition.
Rappelons que les parties, en matière civile, doivent déposer une
provision au greffe de la juridiction avant une expertise.
Votre commission vous propose donc d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 5 bis A
(art. 217 du code de procédure
pénale)
Transmission aux avocats des parties
des arrêts
de la chambre d'accusation
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 217 du code de procédure
pénale prévoit notamment que les dispositifs des arrêts des
chambres d'accusation sont portés, dans les trois jours, à la
connaissance des avocats des parties. Il dispose également que les
dispositifs des arrêts de non-lieu sont portés à la
connaissance des personnes mises en examen et que les dispositifs des
arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police sont
portés à la connaissance des parties. Les arrêts complets
ne sont transmis aux parties que lorsqu'elles peuvent former un pourvoi en
cassation.
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit
la transmission, dans tous les cas, des arrêts eux-mêmes et non des
dispositifs. Les avocats des parties pourront ainsi avoir connaissance de
l'intégralité des arrêts, ce qui paraît être
une évolution utile, qui ne devrait pas entraîner de contrainte
importante pour les chambres d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 5 bis
(art. 89-1, 116, 173 et 173-1 nouveau du
code de procédure pénale)
Délai de
recevabilité de certaines requêtes en nullité
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat lors de la
première lecture, tend à insérer un article 173-1
dans le code de procédure pénale fixant aux parties
un
délai pour faire état de la nullité de certains actes
.
La personne mise en examen devrait faire état des moyens pris de la
nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première
comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six
mois à compter de la notification de sa mise en examen. Il en irait de
même pour la partie civile en ce qui concerne sa première audition.
L'Assemblée nationale a accepté cet article, tout en supprimant
une référence appelée à figurer dans
l'article 116 du code de procédure pénale.
L'Assemblée a intégré cette référence
à l'article 4 quater A du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 5 ter A
(art. 174-1 nouveau du code de
procédure pénal)
Conséquence de la nullité de
la mise en examen
A
l'article 3 bis du projet de loi, l'Assemblée nationale a
prévu, lors de la deuxième lecture du projet de loi, que,
"
à peine de nullité
", le juge d'instruction ne
pourra mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il
existe des indices "
précis, graves ou concordants rendant
vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice,
à la commission des infractions dont il est saisi
".
Le présent article a été introduit dans le projet de loi
par l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, afin de
prévoir les conséquences de l'annulation d'une mise en examen par
la chambre d'accusation. Il prévoit l'insertion d'un article 174-1
dans le code de procédure pénale, disposant qu'en cas
d'annulation d'une mise en examen,
la personne est considérée
comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de
première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires
ultérieurs
, jusqu'à l'issue de l'information. Naturellement,
cette disposition ne s'appliquerait pas si la personne demandait
elle-même à être mise en examen. Le juge d'instruction
pourrait procéder à une nouvelle mise en examen si les conditions
prévues par l'article 80-1 du code de procédure
pénale étaient réunies.
L'Assemblée nationale a décidé, dans le cadre des
dispositions relatives à la réforme de la procédure
criminelle, qui figurent aux articles 21 octies et suivants du
projet, de qualifier la chambre d'accusation de chambre d'appel de
l'instruction. Elle n'a cependant pas prévu l'application de ce
changement de nom dans le projet de loi lui-même. Votre commission vous
soumet un
amendement
tendant à réparer cet oubli. Pour des
raisons qui seront expliquées à
l'article 21 decies A, elle vous propose que la chambre
d'accusation devienne la
chambre de l'instruction
.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 3 bis
Dispositions relatives à la
responsabilité pénale des élus
En
première lecture, le Sénat a adopté plusieurs amendements
destinés à mettre l'accent sur une question alors totalement
absente des réflexions du Gouvernement, à savoir la situation des
élus locaux et singulièrement des maires, de plus en plus souvent
mis en cause pour des faits non intentionnels. Le Sénat a adopté
plusieurs dispositions tendant en particulier à prévoir la
saisine d'un tribunal administratif en cas de plainte contre un élu
local, afin de déterminer le caractère détachable ou non
de la faute reprochée à l'élu.
Le débat ouvert par le Sénat a permis à chacun et en
particulier au Gouvernement de prendre enfin conscience de l'importance de
cette question. En octobre dernier, notre excellent collègue,
M. Pierre Fauchon, a déposé une proposition de loi
tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels, qui a été adoptée par le Sénat le
27 janvier et doit être discutée prochainement par
l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a supprimé l'ensemble des dispositions
concernant la situation des élus locaux que le Sénat avait
inscrites dans le projet de loi. La rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges, a estimé que "
l'ensemble de
ces dispositions n'avaient qu'un lointain rapport avec l'objet du
texte
".
Votre commission ne partage par cette appréciation. En effet, la
présomption d'innocence a vocation à s'appliquer à tous.
Or, les élus locaux, de même que d'autres décideurs publics
sont parfois mis en cause à la suite d'accidents qu'ils n'avaient aucun
moyen d'éviter.
Le problème de la responsabilité pour des faits non intentionnels
faisant désormais l'objet d'un texte spécifique en cours de
discussion par les assemblées, votre commission ne propose pas de
rétablir des dispositions concernant les élus locaux dans le
présent projet de loi.
Articles 5 ter et 5 quater
(art. 11 de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983,
art. L. 2123-34, L. 3123-28, L.
4135-28
du code général des collectivités
territoriales)
Saisine d'un tribunal administratif en cas de mise en
cause pénale
d'un élu local ou d'un fonctionnaire
L'article 5 quater du projet de loi, introduit dans
le
texte par le Sénat au cours de la première lecture à
l'initiative de notre excellent collègue M. Alain Vasselle, tendait
à modifier le code général des collectivités
territoriales pour prévoir, en cas de mise en cause d'un maire, d'un
président de conseil général ou d'un président de
conseil régional, la saisine, par le procureur de la République,
du Conseil d'Etat, afin qu'il désigne un tribunal administratif
appelé à déterminer si l'élu a commis une faute
détachable de l'exercice de ses fonctions. Si le tribunal concluait
à l'existence d'une faute détachable, l'élu pourrait
être mis en cause pénalement dans les conditions de droit commun.
Dans le cas contraire, le tribunal administratif serait seul compétent
pour connaître de la faute commise.
L'article 5 ter, également inséré dans le projet
de loi à l'initiative de M. Alain Vasselle, tendait à appliquer
ce dispositif aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public et
aux anciens fonctionnaires. L'Assemblée nationale a supprimé ce
dispositif, en rappelant que le Sénat avait adopté une
proposition de loi destinée à résoudre le problème
posé sans pour autant créer un régime spécifique de
responsabilité pour les élus.
De fait, le Sénat a adopté, le 27 janvier dernier, la
proposition de loi de notre collègue, M. Pierre Fauchon, qui
vise à mieux préciser la définition des délits non
intentionnels. Actuellement, une personne peut être mise en cause pour
homicide ou blessures involontaires à la suite de la moindre imprudence
ou négligence. La proposition adoptée par le Sénat
prévoit que la responsabilité pénale peut être
engagée pour la moindre imprudence lorsque le lien entre la faute et le
dommage est direct, mais que, lorsque le lien entre la faute et le dommage
n'est qu'indirect, la responsabilité pénale d'une personne
physique ne peut être engagée qu'en cas de violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de
sécurité ou de prudence.
Compte tenu de la discussion en cours de cette proposition de loi, qui pourrait
apporter une solution aux difficultés rencontrées par les
élus locaux mis en cause pénalement pour des faits non
intentionnels, votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de ces articles.
Article 5 quinquies
(art. 11 de la loi
n° 83-634
du 13 juillet 1983)
Protection accordée aux maires
agissant
en qualité d'agents de l'Etat
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au
cours de la première lecture à l'initiative de notre excellent
collègue M. Michel Charasse, tend à compléter
l'article 11 de la loi n° 83-634 du
13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires.
Actuellement, en cas de poursuite d'un agent public devant la juridiction
judiciaire, lorsqu'il n'y a pas de faute personnelle détachable de la
fonction exercée et que le conflit d'attribution n'a pas
été élevé, la collectivité publique doit
couvrir les amendes prononcées. Elle doit, de plus, protéger les
agents publics contre les menaces, violences, voies de fait, injures,
diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à
l'occasion de leurs fonctions et de réparer le préjudice subi.
La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au
fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait
l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas
le caractère d'une faute personnelle.
Enfin, la collectivité est subrogée aux droits de la victime pour
obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes
versées au fonctionnaire intéressé.
A l'initiative de notre excellent collègue,
M. Michel Charasse, le Sénat a décidé, lors de
la première lecture du projet de loi, de prévoir l'obligation
pour l'Etat d'accorder aux maires une protection identique à celle
prévue pour les fonctionnaires lorsqu'ils agissent en qualité
d'agents de l'Etat. Cet amendement a été adopté avec
l'accord du Gouvernement.
L'Assemblée nationale a décidé de supprimer cet article.
De fait, il paraît avoir davantage sa place dans la proposition de loi
tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels. Celle-ci contient d'ores et déjà les dispositions
relatives à la protection des élus locaux par leurs
collectivités respectives. Par ailleurs, il semble que la jurisprudence
admette d'ores et déjà que les élus locaux sont des agents
publics auxquels la collectivité doit une protection au titre de
l'article 11 du statut des fonctionnaires
2(
*
)
.
En conséquence, votre commission vous propose de
maintenir la
suppression
de cet article.
SECTION 4
Dispositions relatives au
témoin
et
au témoin assisté
Article 6 bis
(art. 109 du code de procédure
pénale,
art. 434-15-1 nouveau du code pénal)
Sanction du
refus de comparaître des témoins
En
première lecture, le Sénat, sur proposition des membres du groupe
socialiste et apparentés, a décidé de supprimer la
possibilité pour le juge d'instruction de prononcer lui-même une
amende contre les témoins refusant de comparaître devant lui. Il a
en conséquence prévu l'insertion dans le code pénal d'un
délit de non-comparution de témoin passible de 25.000 F
d'amende.
L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif. A la
réflexion, votre commission estime qu'il n'est pas sain que le juge
d'instruction condamne lui-même les témoins qui refuseraient de
comparaître.
Votre commission propose en conséquence, par
un amendement
de
rétablir cet article, afin que le refus de comparaître d'un
témoin soit sanctionné par le tribunal plutôt que par un
juge d'instruction, nécessairement partial à l'égard dudit
témoin.
Votre commission vous soumet cet article
ainsi modifié
.
Article 7
(art. 113-1 à 113-8 nouveaux du code
de
procédure pénale)
Témoin assisté
Rappelons qu'actuellement le régime du témoin
assisté peut être accordé aux
personnes faisant l'objet
d'une plainte avec constitution de partie civile
et aux
personnes
nommément visées par un réquisitoire du procureur de la
République
. Dans le premier cas, elles bénéficient de
tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Dans le second
cas, elle bénéficient du droit d'avoir un avocat ayant
accès au dossier.
Le présent article tend à prévoir un véritable
statut de témoin assisté
et à faciliter le recours
à cette procédure. La mission d'information de votre commission
des Lois sur la présomption d'innocence avait formulé cette
proposition dès 1995
3(
*
)
.
Le texte initial proposé par le Gouvernement prévoyait un
régime assez timide en ce qui concerne le champ d'application du statut
de témoin assisté.
• Le texte proposé pour les
articles 113-1 et 113-2
nouveaux du code de procédure pénale
prévoyait que les
personnes visées par un réquisitoire ne pourraient qu'être
entendues comme témoins assistés ou mises en examen,
conformément au droit actuel. Le texte prévoyait également
que les personnes visées par une plainte avec constitution de partie
civile pourraient être entendues comme témoin assisté et
bénéficieraient obligatoirement de ce régime si elles en
faisaient la demande. Enfin, le projet de loi initial prévoyait qu'une
personne nommément visée par une plainte ou une
dénonciation, non mise en examen, pourrait également être
entendue comme témoin assisté, sur décision du juge
d'instruction.
En première lecture, le Sénat a complété ce
dispositif. Il a en effet proposé que le statut de témoin
assisté puisse être accordé à
toute personne mise
en cause par un témoin ou par la victime
au cours de l'instruction
ainsi qu'aux
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction
. Il a en
outre souhaité que le statut de témoin assisté soit
automatiquement reconnu à ces personnes si elles en faisaient la demande.
Examinant le projet de loi en deuxième lecture, l'Assemblée
nationale, qui n'avait pas modifié cette partie du texte en
première lecture, a tenté de concilier le projet de loi initial
et les propositions du Sénat. Le texte qu'elle a adopté
prévoit qu'une personne nommément visée par une plainte ou
mise en cause par la victime pourra être entendue comme témoin
assisté et le sera obligatoirement à sa demande. Par ailleurs,
une personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe
des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer à la
commission d'infractions, pourrait être entendue comme témoin
assisté, mais ne le serait pas obligatoirement à sa demande.
De fait, il paraît difficile de permettre à toute personne
prétendant qu'il existe des indices contre elle dans une affaire de
bénéficier des droits du témoin assisté, et
notamment d'avoir accès au dossier.
Dans ces conditions, l'équilibre issu des travaux de l'Assemblée
nationale paraît pouvoir être retenu.
• Le texte proposé pour l'
article 113-3 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que le témoin assisté bénéficiait de
tous les droits reconnus à la personne mise en examen. En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Robert Badinter, a souhaité,
pour que
les statuts de témoin assisté et de mis en examen soient bien
distingués
, que les droits du témoin assisté soit
limités au droit d'être assisté par un avocat et à
l'accès au dossier.
Cette proposition a été entendue par l'Assemblée
nationale, qui a accepté que les droits du témoin assisté
ne soient pas identiques à ceux de la personne mise en examen tout en
souhaitant que le témoin assisté ait non seulement le droit
d'être assisté par un avocat ayant accès au dossier de la
procédure, mais également le droit de demander à
être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause.
Cette demande pourrait être refusée par le juge d'instruction.
L'équilibre atteint en ce qui concerne les droits du témoin
assisté paraît satisfaisant.
Votre commission vous soumet
un amendement
pour prévoir que le
témoin assisté pourra choisir un avocat ou demander qu'il lui en
soit commis un d'office.
• Le texte proposé pour les
articles 113-4 et 113-5
nouveaux du code de procédure pénale
concerne le
déroulement de la première audition du témoin
assisté et prévoit que le témoin assisté ne peut
être placé sous contrôle judiciaire ou en détention.
Ces dispositions ont été approuvées par les deux
assemblées.
• Le texte proposé pour l'
article 113-6 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que les dispositions de l'article 105 du code de
procédure pénale, qui prévoit qu'une personne contre
laquelle existent des indices graves et concordants d'avoir commis une
infraction ne peut être entendue comme témoin, ne s'appliquaient
pas au témoin assisté. Sur proposition de notre collègue
M. Robert Badinter, le Sénat a supprimé cette
disposition.
Au cours du débat, notre collègue avait notamment avancé
les arguments suivants : " (...)
il est un principe fondamental de
la procédure pénale qui veut que, lorsque se trouvent
réunis contre une personne des indices graves et concordants, le juge
d'instruction doit l'inculper ou, selon la nouvelle terminologie, le mettre en
examen.
"
Il s'agit précisément de faire en sorte que cette
personne bénéficie de tous les droits de la défense. C'est
pourquoi on a toujours considéré que devaient être
frappés de nullité les actes de procédure pris à
l'encontre d'un justiciable qui, au lieu d'être mis en examen comme il
aurait dû l'être, a continué à être
traité en simple témoin.
"
Dans la mesure où nous voulons que le témoin
assisté n'ait droit qu'à l'assistance d'un avocat et à la
connaissance du dossier (...) il n'est pas possible au juge d'instruction,
même si cela l'arrange, de laisser dans la situation de témoin
assisté celui contre lequel il existe des charges suffisamment graves
pour qu'il soit mis en examen et accède ainsi à la
totalité des droits de la défense (...)
".
L'application de l'article 105 du code de procédure
pénale au témoin assisté est une question difficile.
Obliger le magistrat instructeur à mettre en examen un témoin
assisté dès qu'il existe des indices graves et concordants contre
lui risque d'empêcher l'utilisation du statut de témoin
assisté et de conduire le juge à procéder le plus
tôt possible à la mise en examen, malgré les dispositions
du projet de loi en cette matière.
A l'inverse, si l'on permet au juge d'instruction de continuer à
entendre comme témoin assisté une personne contre laquelle il
existe des charges importantes, cette personne ne bénéficiera pas
de l'ensemble des droits reconnus à la personne mise en examen, ce qui
pourrait l'empêcher d'assurer sa défense dans de bonnes
conditions.
Le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale, qui a
accepté cette solution, qu'un témoin assisté puisse
conserver ce statut même lorsqu'il existe contre lui des indices graves
et concordants tout en prévoyant que ce témoin pourra le demander
à tout moment de la procédure, lors de son audition ou par lettre
recommandée. Dans un tel cas, la personne serait
considérée comme mise en examen dès sa demande ou l'envoi
de la lettre recommandée.
L'équilibre atteint avec cette rédaction paraît concilier
la nécessité d'encourager le juge d'instruction à utiliser
le statut de témoin assisté et la préservation
indispensable des droits de la défense. Votre commission vous soumet un
amendement
rédactionnel.
• Le texte proposé pour l'
article 113-7 nouveau du
code de procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne prête pas serment. Il n'a pas été
modifié au cours de la discussion parlementaire.
• Le texte proposé pour l'
article 113-8 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que le juge d'instruction pourrait, à tout moment, mettre
en examen le témoin assisté dans les conditions prévues
par l'article 80-1 du code de procédure pénale, notamment
par lettre recommandée. Pour tenir compte des modifications
apportées au régime de la mise en examen, l'Assemblée
nationale a modifié le texte proposé pour cet article. Il
prévoit désormais que le juge, lorsqu'il envisage de mettre en
examen un témoin assisté doit, au préalable, informer la
personne de son intention, le cas échéant par lettre
recommandée, et la mettre en mesure de faire connaître ses
observations au cours d'un interrogatoire de première comparution. Le
juge pourrait également procéder à la mise en examen en
adressant à la personne, en même temps que l'avis de fin
d'information, une lettre recommandée précisant les faits
reprochés et leur qualification juridique. La personne serait
informée que, si elle demandait à être à nouveau
entendue par le juge, celui-ci serait tenu de procéder à son
interrogatoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 8 bis
(art. 652 du code de procédure
pénale)
Membres du Gouvernement entendus comme témoins
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure
pénale prévoit que le Premier ministre et les autres membres du
Gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après
autorisation du conseil des ministres sur le rapport du garde des sceaux.
L'Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteuse de la
commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a décidé
que cette disposition ne s'appliquerait pas aux membres du Gouvernement
entendus comme témoin assisté.
Cet amendement mérite d'être approuvé. Il convient en effet
de distinguer deux situations très différentes. Bien souvent, des
ministres sont cités comme témoins devant un tribunal pour des
affaires qui ne les concernent pas directement, la juridiction souhaitant les
entendre au titre des fonctions qu'ils exercent. Dans de tels cas, il est
parfaitement normal que le Conseil des ministres donne son accord, pour
éviter que des ministres soient continuellement appelés à
témoigner dans des procédures judiciaires.
En revanche, dans certaines situations, la demande d'audition peut porter sur
une affaire concernant directement le ministre en tant que personne. Dans un
tel cas, actuellement, le ministre ne peut être entendu comme
témoin sans l'accord du Conseil des ministres, mais il peut parfaitement
être mis en examen sans que le juge d'instruction ait besoin d'un
quelconque accord. Il serait donc utile que les membres du Gouvernement
puissent bénéficier, comme les autres citoyens, des droits du
témoin assisté sans que le Conseil des ministres soit
appelé à donner son autorisation.
Faute d'une telle
disposition, les magistrats instructeurs recourront de manière
prématurée à la mise en examen.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 9 ter A
(art. 429 du code de procédure
pénale)
Contenu des procès-verbaux d'interrogatoire
Au cours
de la première lecture, le Sénat a inséré dans le
projet de loi, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Charasse, un article 21 septies modifiant
l'article 419 du code de procédure pénale pour
prévoir que tout procès-verbal d'interrogatoire doit comporter
les
questions auxquelles il est répondu
.
L'Assemblée nationale a, à juste titre, supprimé
l'article 21 septies pour introduire cette disposition parmi les
articles du projet de loi relatifs aux droits des parties. Elle a
proposé que les procès-verbaux d'interrogatoire ne comportent les
questions auxquelles il est répondu que lorsque les parties ou leurs
avocats en font la demande.
Votre commission estime préférable que, dans tous les cas et
à tous les stades de la procédure, les procès-verbaux
comportent les questions auxquelles il est répondu. Elle vous soumet
donc un
amendement
en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 ter
(art. 500-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Appel en matière
correctionnelle
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Pierre Fauchon, a adopté un amendement
modifiant l'article 498 du code de procédure pénale pour
porter de dix jours à un mois le délai d'appel en
matière correctionnelle
. Notre collègue avait notamment
exposé que le délai de dix jours ne laissait guère la
place à la réflexion et que les parties faisaient souvent appel
à titre conservatoire, enclenchant ainsi une mécanique impossible
à arrêter par la suite, le parquet faisant souvent un appel
incident.
Les députés ont estimé que la disposition adoptée
par le Sénat risquait d'accroître l'incertitude juridique des
parties. Sur proposition de la rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges, ils ont inséré un
article 500-1 dans le code de procédure pénale pour
faciliter le désistement
. Ainsi, le désistement par le
prévenu ou la partie civile de son appel principal dans le délai
d'un mois à compter de l'appel entraînerait la
caducité
des appels incidents
, y compris celui du ministère public. Le texte
prévoit également que le ministère public peut toujours se
désister de son appel formé après celui du prévenu
en cas de désistement de celui-ci.
La solution proposée par l'Assemblée nationale paraissant
répondre aux objectifs poursuivis par le Sénat en première
lecture, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 9 quater
(art. 513 du code de procédure
pénale)
Ordre des interventions lors de l'audience d'appel
L'article 460 du code de procédure pénale
définit l'ordre des interventions devant le tribunal correctionnel. Il
prévoit que la partie civile est d'abord entendue, que le
ministère public prend ses réquisitions, que le prévenu
et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur
défense ; la partie civile et le ministère public peuvent
alors répliquer, le prévenu ou son avocat ayant toujours la
parole en dernier.
Devant la chambre des appels correctionnels, l'ordre des interventions est
différent : les parties appelantes interviennent d'abord, puis les
parties intimées, dans l'ordre fixé par le président, le
prévenu ou son avocat reprenant toujours la parole en dernier.
En première lecture, le Sénat a adopté, sur proposition de
notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, un amendement
modifiant l'ordre des interventions devant la chambre des appels
correctionnels. Notre collègue avait fait valoir que le prévenu
faisant appel intervenait le premier, de sorte qu'il était rare qu'il
reprenne la parole après le ministère public et la partie civile.
Le Sénat a donc modifié l'article 513 du code de
procédure pénale pour prévoir que l'ordre des
interventions devant la chambre des appels correctionnels est le même que
devant le tribunal correctionnel, l'appelant ou son représentant devant
au préalable sommairement indiquer les motifs de son appel.
Cette modification a été approuvée par l'Assemblée
nationale. Celle-ci a complété cet article par un nouveau
paragraphe (paragraphe I) qui modifie lui aussi l'article 513 pour
prévoir que les témoins à décharge cités par
le prévenu peuvent être entendus par la chambre des appels
correctionnels. Le ministère public pourrait s'opposer à ces
auditions dans le cas où ces témoins auraient déjà
été entendus par le tribunal correctionnel. La cour devrait
trancher avant tout débat au fond. Actuellement, l'article 513
prévoit seulement que les témoins ne sont entendus que si la cour
a ordonné leur audition. Lors du débat à
l'Assemblée nationale, Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la
commission des Lois, a fait valoir qu'il s'agissait "
de permettre
à la défense de présenter les mêmes moyens de
défense en appel qu'en première instance
".
Votre commission approuve cette modification. Elle vous soumet toutefois
un
amendement
, tendant à supprimer la référence aux
témoins " à décharge ". Elle estime que les
témoins ne peuvent être qualifiés ainsi dans notre
procédure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 quinquies
(art. 652 du code de
procédure
pénale)
Ministres entendus comme témoin
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure
pénale prévoit que les membres du Gouvernement ne peuvent
comparaître comme témoins qu'après autorisation du conseil
des ministres. Au cours de la première lecture, sur proposition de notre
collègue M. Michel Charasse, le Sénat a profondément
modifié cet article pour prévoir que les membres et anciens
membres du Gouvernement ne pourraient plus comparaître comme
témoins que sur des faits détachables de leurs fonctions, sauf
dans les cas de procédures ouvertes devant la cour de justice de la
République.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, tout en
prévoyant à l'article 8 bis que les membres du
Gouvernement pourront être entendus comme témoins assistés
sans autorisation du conseil des ministres. Au cours du débat devant le
Sénat, Mme le garde des sceaux a rappelé que la cour de justice
n'était compétente que pour les
actes commis par les
ministres
et non, par exemple, pour les faits commis par leurs
collaborateurs. Elle en a déduit que l'amendement interdirait toute
audition d'un ministre en qualité de témoin sur le comportement
de ses collaborateurs.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 9 sexies
(art. 665 du code de procédure
pénale)
Renvoi d'une juridiction à une autre
Cet
article, introduit par le Sénat en première lecture sur
proposition de notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, tendait
à modifier les dispositions de l'article 665 du code de
procédure pénale relatives au renvoi d'une affaire d'une
juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice. Actuellement, le renvoi peut être
ordonné par la chambre criminelle de la Cour de cassation, soit sur
requête du procureur général près la Cour de
cassation, soit sur requête du procureur général
près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a
son siège, de sa propre initiative ou à la demande des parties.
L'amendement adopté par le Sénat permettait aux parties de saisir
elles-mêmes la chambre criminelle de la Cour de cassation.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Devant le
Sénat, Mme le garde des sceaux avait souligné que le renvoi
dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice a
"
pour finalité la justice elle-même, la manière
dont elle est rendue, et donc sa crédibilité et la confiance que
les citoyens ont en elle
". Il s'agit d'un cas de renvoi très
différent du renvoi pour suspicion légitime qui, lui, peut
être demandé par les parties. La bonne administration de la
justice, contrairement à la suspicion légitime, ne paraît
pas devoir relever de l'appréciation des parties. En outre, la
modification du système actuel pourrait conduire à une
multiplication des saisines de la chambre criminelle de la Cour de cassation,
ce qui ne manquerait pas de nuire à la bonne administration de la
justice.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 9 septies
(art. 679 à 686 du code de
procédure pénale,
art. L. 341-3 du code
forestier)
Délocalisation de certaines affaires
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la
première lecture à l'initiative de notre excellent
collègue M. Michel Charasse, tendait à rétablir les
articles 679 à 686 du code de procédure pénale,
abrogés en 1993, qui prévoyaient l'
obligation de saisir la
chambre criminelle de la Cour de cassation pour qu'elle désigne la
juridiction d'instruction et de jugement
lorsque certaines personnes
étaient pénalement mises en cause. Ces dispositions concernaient
notamment les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour
des comptes, les préfets, les magistrats, pour tous les crimes et
délits commis dans l'exercice des fonctions ou hors de l'exercice des
fonctions. Elles concernaient également les maires, adjoints ou
présidents de communautés urbaines pour les crimes et
délits commis dans l'exercice des fonctions. Le Sénat, lors de la
première lecture du présent projet de loi, a prévu
l'application de ces dispositions aux présidents de conseils
généraux et de conseils régionaux.
Les articles 679 à 686 du code de procédure pénale ne
prévoyaient pas seulement le renvoi d'une juridiction à une autre
pour certaines personnes, mais instauraient une procédure d'instruction
particulière confiée à une chambre d'accusation.
L'Assemblée nationale a supprimé cet article.
En pratique, ces dispositions complexes ont entraîné, avant leur
abrogation, de nombreuses annulations de procédure et peuvent
difficilement être rétablies en l'état. Pour autant, votre
rapporteur s'élève contre le qualificatif de
"
privilèges de juridictions
" attribué à
ces dispositions. Il ne s'agissait en rien d'un privilège de
juridiction. Ces dispositions devaient permettre d'éviter que des
notables soient jugés par la juridiction de leur lieu de
résidence.
Une telle précaution n'avait pas vocation à protéger ces
notables, mais à éviter que leur position soit prise en
considération, que ce soit en leur faveur ou en leur défaveur.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
SECTION 6
Dispositions assurant l'exercice des
droits
de la défense par les avocats
Article 9 octies
(art. 56-1 du code de procédure
pénale)
Perquisitions dans les cabinets d'avocat
En
première lecture, le Sénat a adopté, à la suite de
propositions émanant de nos excellents collègues MM. Robert
Badinter et Hubert Haenel, un amendement modifiant l'article 97 du code de
procédure pénale pour préciser les conditions des
perquisitions dans les cabinets d'avocat. Logiquement, l'Assemblée
nationale a déplacé cette disposition en créant une
nouvelle section dans le projet de loi, relative à l'exercice des droits
de la défense par les avocats.
L'Assemblée nationale a en outre préféré modifier
l'article 56-1 du code de procédure pénale, relatif aux
perquisitions dans les cabinets d'avocats et dans les cabinets de
médecins, de notaires, d'avoués ou d'huissiers, plutôt que
l'article 97, qui concerne les perquisitions en général. Le
texte adopté par l'Assemblée nationale est, pour le reste,
très proche de celui proposé par le Sénat et s'inspire des
propositions formulées dans ce domaine par un groupe de travail
présidé par M. Guy Canivet, alors premier
président de la cour d'appel de Paris sur les conditions de la
perquisition dans les cabinets d'avocats.
Les conditions de perquisition dans les cabinets d'avocats et l'étendue
du secret professionnel de l'avocat ont en effet donné lieu à de
nombreux débats. Rappelons que l'article 66-5 de la loi du
31 décembre 1971 relative à la profession d'avocats,
modifié en 1997, précise actuellement : "
en toutes
matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la
défense, les consultations adressées par un avocat à son
client ou destinées à celui-ci, les correspondances
échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses
confrères, les notes d'entretien et, plus généralement,
toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret
professionnel
".
Toutefois, la Cour de cassation estime que le juge d'instruction tient de
l'article 97 du code de procédure pénale le pouvoir de
saisir des documents couverts par le secret professionnel. Elle a
récemment considéré qu' "
il résulte
des articles 97 et 99 du code de procédure pénale et de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme que le juge d'instruction peut s'opposer à la restitution de
documents saisis dans le cabinet d'un avocat et couverts par le secret
professionnel, dès lors que leur maintien sous la main de la justice en
vue de déterminer l'existence d'infractions pénales est
nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'il
ne porte pas atteinte aux droits de la défense
"
4(
*
)
.
En revanche, la Cour de cassation considère que les documents couverts
par le secret professionnel sont insaisissables dès lors qu'ils
concernent les droits de la défense.
Il paraissait donc utile de préciser les conditions dans lesquelles se
déroulent les perquisitions ainsi que les règles applicables pour
la saisie de documents.
Le texte proposé prévoit tout d'abord que les perquisitions dans
le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être
effectuées que
par un magistrat et en présence du
bâtonnier ou de son délégué
. Ces dispositions
résultent déjà du droit actuel. Le nouveau texte
précise que seuls le magistrat et le bâtonnier ont le droit de
prendre connaissance des documents découverts préalablement
à leur saisie éventuelle.
Surtout, le bâtonnier ou son délégué pourrait
s'opposer à la saisie d'un document
si celle-ci lui paraissait
irrégulière. Dans un tel cas, le document devrait être
placé sous scellé fermé. Ces opérations feraient
l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du
bâtonnier. Le procès-verbal et le document placé sous
scellé devraient être transmis au président du tribunal de
grande instance ou au magistrat le remplaçant.
Dans les cinq jours, le président du tribunal devrait statuer sur la
contestation par ordonnance motivée non susceptible d'appel. Pour ce
faire, il entendrait le magistrat ayant procédé à la
perquisition, le procureur de la République, l'avocat au cabinet duquel
a eu lieu la perquisition, enfin le bâtonnier ou son représentant.
Le président du tribunal pourrait ordonner, s'il estimait qu'il n'y
avait pas lieu à saisir le document, sa restitution immédiate
ainsi que la destruction du procès-verbal et la cancellation de toute
référence à ce document ou à son contenu qui
figurait dans le dossier.
Au contraire, s'il estimait que la saisie était justifiée, le
président pourrait ordonner le versement du scellé et du
procès-verbal au dossier. Le texte proposé dans cet article
prévoit
in fine
que les dispositions relatives aux perquisitions
dans les cabinets de médecins, d'avoués, de notaires et
d'huissiers sont insérées dans un article 56-3 nouveau du
code de procédure pénale. Enfin, l'article 96 du code de
procédure pénale, spécifiquement relatif aux perquisitions
effectuées par le juge d'instruction, serait complété pour
prévoir que les nouvelles dispositions de l'article 56-1 seraient
applicables à ces perquisitions.
Ces dispositions, très proches du texte voté par le Sénat
en première lecture, clarifient donc les règles applicables et
méritent d'être approuvées.
Votre commission, qui souhaite l'émergence d'un véritable juge
des libertés, qui ne serait pas simplement chargé du contentieux
de la détention provisoire, vous soumet
un amendement
visant
à confier à ce juge ce contentieux. L'Assemblée nationale
a prévu cette possibilité, mais seulement à titre
facultatif et par délégation du président du tribunal.
Votre commission vous propose de franchir un pas supplémentaire dans la
mise en oeuvre d'un juge des libertés.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 nonies
(art. 139-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats
Lors de
la première lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale a,
dans l'article 31 ter du projet de loi, modifié l'article 138
du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire
pour préciser que seul le conseil de l'ordre des avocats est
habilité à statuer en ce qui concerne l'interdiction pour un
avocat d'exercer sa profession.
Actuellement, l'article 138 précise simplement que "
le
juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue
(...)
". La Cour de cassation a, à plusieurs reprises,
estimé que cette disposition ne retirait pas au juge d'instruction le
pouvoir d'interdire à un avocat d'exercer sa profession.
L'Assemblée nationale a donc souhaité qu'il soit clairement
précisé que le juge d'instruction ne pouvait en aucun cas
interdire à un avocat d'exercer sa profession.
Le Sénat a adopté cette disposition, tout en la
déplaçant à l'article 33 bis, afin qu'elle ne
figure pas dans le chapitre du projet de loi relatif aux victimes.
L'Assemblée nationale a une nouvelle fois modifié l'emplacement
de cette disposition, pour la faire figurer dans une nouvelle section relative
à l'exercice des droits de la défense par les avocats. Surtout,
elle a, sur proposition du Gouvernement, profondément modifié
cette disposition à la suite d'un long débat.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a contesté en ces termes la
solution consistant à retirer purement et simplement au juge
d'instruction le droit d'interdire à un avocat d'exercer sa profession
dans le cadre d'un contrôle judiciaire :
"
Même si la profession d'avocat justifie des garanties
particulières pour éviter de porter atteinte aux droits de la
défense, une telle règle est contraire au principe
d'égalité des citoyens devant la loi. Un ordre professionnel,
aussi estimable qu'il puisse être, ne peut pas se substituer à
l'autorité judiciaire en matière pénale.
"
Cette solution présente également de graves effets
pervers en risquant d'inciter les autorités judiciaires à placer
un avocat en détention provisoire, si cette détention
paraît la seule solution possible pour éviter le renouvellement
d'une infraction, du moins tant qu'une interdiction d'exercer n'aura pas
été prononcée par le conseil de l'ordre
".
L'Assemblée nationale a alors accepté un amendement
insérant dans le code de procédure pénale un
article 139-1 prévoyant que, lorsque le juge d'instruction prononce
une interdiction d'exercer sa profession à l'encontre d'un avocat dans
le cadre d'un contrôle judiciaire, l'avocat peut, dans le jour suivant
cette décision, la contester devant le président du tribunal de
grande instance, qui se verrait transmettre le dossier de la procédure.
La contestation suspendrait l'exécution de l'interdiction d'exercice.
Dans les cinq jours, le président statuerait par ordonnance
motivée non susceptible d'appel après avoir entendu, au cours
d'un débat contradictoire, les observations du procureur de la
République et de l'avocat. Le bâtonnier de l'ordre pourrait
présenter des observations devant le président.
Ce recours devant le président du tribunal n'empêcherait en rien
que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise par le juge
d'instruction fasse elle-même l'objet d'un recours devant la chambre
d'accusation, qui suspendrait elle aussi l'exécution de l'interdiction
d'exercice.
Ainsi, la décision du juge d'instruction pourrait être
annulée par le président du tribunal, sans que cette
décision soit susceptible de recours. En l'absence d'une telle
annulation, la décision pourrait également être remise en
cause par la chambre d'accusation statuant sur l'ordonnance de placement sous
contrôle judiciaire.
Votre commission estime que le système retenu en première lecture
par l'Assemblée nationale et accepté par le Sénat
était plus simple, puisqu'il confiait au Conseil de l'ordre des avocats
le soin de prendre la décision, celle-ci étant susceptible
d'appel devant la Cour d'appel. Elle vous propose, par un
amendement
, de
revenir à ce mécanisme accepté par les deux
assemblées en première lecture. Afin d'éviter tout risque
de blocage, elle vous propose que le Conseil de l'Ordre statue dans les quinze
jours.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES JUDICIAIRES
EN
MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE
SECTION I A
Dispositions générales
Article 10 A
(art. 137 du code de procédure
pénale)
Détention provisoire
L'article 137 du code de procédure pénale
énonce la possibilité de mettre en détention provisoire
certaines personnes, tout en affirmant le caractère exceptionnel de
cette mesure. Il prévoit, en effet, que les personnes mises en examen
restent libres, sauf, à raison des nécessités de
l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à
être soumises au contrôle judiciaire ou, à titre
exceptionnel, placées en détention provisoire.
L'article 10 A, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale au cours de la première lecture, tend
à réinscrire l'article 137 pour préciser que la
personne mise en examen est présumée innocente.
En première lecture, le Sénat a supprimé cette disposition
considérant que ce rappel n'apportait rien au droit existant. Dans un
souci de conciliation, votre commission vous propose de ne pas supprimer une
nouvelle fois cette disposition, dont l'intérêt paraît
pourtant singulièrement limité.
Elle vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 10 B
(art. L. 611-1 du code de
l'organisation judiciaire)
Suppression de l'obligation de présence
d'au moins
un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance
L'article L. 611-1 du code de l'organisation
judiciaire
dispose qu'il y a dans chaque tribunal de grande instance un ou plusieurs juges
d'instruction.
L'Assemblée nationale a décidé, lors de la première
lecture, de supprimer cette disposition. La rapporteuse de la commission des
Lois, Mme Christine Lazerges, avait notamment fait valoir que le
regroupement des juges d'instruction faciliterait une rationalisation de la
carte judiciaire.
Le Sénat a supprimé l'article adopté par
l'Assemblée nationale et celle-ci l'a rétabli en deuxième
lecture.
Votre commission n'est pas hostile au regroupement des juges d'instruction et
à l'idée qu'il n'y ait pas dans chaque tribunal de grande
instance un juge d'instruction. Elle constate simplement que l'instrument
choisi par l'Assemblée nationale pour opérer cette réforme
est inopérant.
Il ne suffit pas en effet de supprimer l'obligation qu'il y ait un juge
d'instruction dans chaque tribunal pour que le regroupement des juges
d'instruction puisse être opéré.
Ainsi, actuellement, il n'existe pas de tribunal pour enfants dans tous les
tribunaux de grande instance. Le code de l'organisation judiciaire
prévoit donc que "
le siège et le ressort des tribunaux
pour enfants sont fixés par voie réglementaire
". De la
même manière, il conviendrait, pour les juges d'instruction, de
prévoir qu'un décret détermine la liste des tribunaux
où sont présents un ou plusieurs juges d'instruction.
Par ailleurs, il conviendrait de préciser si, lorsqu'une affaire est du
ressort d'un tribunal où il n'y a pas de juge d'instruction, la saisine
du juge d'instruction d'un autre tribunal est faite par le procureur du lieu de
l'infraction ou par le procureur du tribunal où sont présents des
juges d'instruction.
Aucune de ces questions n'a été abordée lors des
débats à l'Assemblée nationale. Votre commission persiste
à penser que le présent article ne peut avoir aucun effet
pratique s'il n'est pas accompagné de mesures de coordination permettant
sa mise en oeuvre.
Dans ces conditions, elle vous propose à nouveau la
disjonction
de cet article.
SECTION I
Dispositions relatives au juge
chargé
de la détention provisoire
Cette
section a pour objet de créer un juge de la détention provisoire
distinct du juge d'instruction. En première lecture, le Sénat
s'est opposé à ce qu'un juge soit qualifié de juge de la
détention provisoire, rappelant que l'autorité judiciaire est
gardienne de la liberté individuelle. Il a décidé de ne
pas nommer ce magistrat. L'Assemblée nationale est revenue à
l'appellation de juge de la détention provisoire, tout en proposant que
ce magistrat puisse se voir confier de nombreuses prérogatives n'ayant
aucun lien avec la détention provisoire.
Votre commission vous propose, suivant la logique de l'Assemblée
nationale, d'étendre les attributions de ce magistrat en lui confiant
les prérogatives actuellement exercées par le président du
tribunal de grande instance en matière de libertés. Elle estime
qu'un tel accroissement de ses attributions permet désormais de faire de
ce magistrat un véritable
juge des libertés
et propose,
par un
amendement
, de lui donner cette appellation dans
l'intitulé de la présente section.
Article 10
(art. 137-1 à 137-5 nouveaux du
code de
procédure pénale)
Création d'un juge de la
détention provisoire
Cet
article tend à créer un juge de la détention provisoire
chargé de contentieux de la détention provisoire.
• Le texte proposé pour
l'article 137-1 du code de
procédure
prévoit que ce juge doit avoir rang de
président, de premier vice-président ou de vice-président
et qu'il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des
affaires pénales dont il a connu.
Il serait saisi par une ordonnance
motivée du juge d'instruction
. Votre commission vous soumet
un
amendement
tendant à modifier la dénomination du juge de la
détention provisoire pour en faire un juge des libertés.
En première lecture, le Sénat a souhaité que le juge de la
détention provisoire statue dans tous les cas à l'issue d'un
débat contradictoire, alors que le texte initial ne prévoyait le
débat contradictoire que lorsque le juge de la détention
envisageait le placement en détention ou la prolongation de cette
détention.
L'Assemblée nationale s'est opposée à cette modification,
la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges,
observant que le débat contradictoire n'avait guère
d'intérêt en cas de décision favorable à la personne
mise en examen. A la réflexion, votre commission vous propose d'accepter
que le débat contradictoire n'ait lieu que lorsque le juge envisage le
placement en détention. Actuellement, le juge d'instruction n'organise
pas de débat contradictoire lorsqu'il n'envisage pas de placer la
personne en détention.
Votre commission vous soumet un
amendement
de cohérence
rédactionnelle.
• Le texte proposé pour l'
article 137-2 du code de
procédure pénale
dispose que le juge d'instruction conserve
le droit d'ordonner un contrôle judiciaire. Le juge de la
détention provisoire pourrait lui aussi prononcer un contrôle
judiciaire s'il opposait au placement en détention provisoire.
• Le texte initial proposé pour l'
article 137-3 du
code de procédure pénale
prévoyait que le juge de la
détention provisoire n'était pas tenu de statuer par une
ordonnance lorsqu'il ne décidait ni le placement en détention ou
la prolongation de celle-ci, ni la prescription d'une mesure de contrôle
judiciaire. Au contraire, d'autres articles du projet de loi prévoyaient
que le juge de la détention devait statuer par ordonnance motivée
en cas de placement en détention ou de prolongation de la
détention.
En première lecture, le
Sénat a souhaité que le juge
statue toujours par ordonnance motivée
. Il a en effet
considéré que cette motivation serait utile à la personne,
même en l'absence de décision de placement en détention,
dans le cas d'un appel du parquet.
L'Assemblée nationale s'est opposée à cette proposition du
Sénat, les députés considérant que la
liberté ne se motive pas. Elle a cependant modifié le texte
proposé pour l'article 137-3, afin d'en clarifier les termes. Il
prévoit désormais que le juge statue par une ordonnance
spécialement motivée lorsqu'il ordonne ou prolonge une
détention provisoire ou qu'il regrette une demande de mise en
liberté. Cette ordonnance devrait comporter l'énoncé des
considérations de droit et de fait sur le caractère suffisant des
obligations du contrôle judiciaire ainsi que le motif de la
détention pour référence aux articles 143-1 et 144 du
code de procédure pénale, qui définissent les
critères permettant le placement en détention provisoire.
En revanche, le juge de la détention provisoire statuerait par une
ordonnance non motivée, dans les cas où il refuserait d'ordonner
ou de prolonger une détention provisoire. Votre commission persiste
à penser qu'il est préférable que l'ordonnance soit
motivée dans tous les cas, même s'il est normal de prévoir
une motivation plus conséquente en cas de décision de placement
en détention provisoire. Elle vous soumet donc un
amendement
pour
rétablir le principe de la motivation des ordonnances refusant
d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 10 bis AA
(art. 52-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Exercice des pouvoirs du président
par le juge de la détention
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la deuxième lecture, tend à insérer dans le code
de procédure pénale un article 52-1, afin de prévoir
la possibilité pour le président du tribunal de grande instance
de déléguer au juge de la détention provisoire, lorsqu'il
n'exerce pas lui-même cette fonction, tous ses pouvoirs en matière
de libertés. Cette délégation concernerait :
- le contrôle des perquisitions dans les cabinets d'avocat
(art. 56-1 du code de procédure pénale) ;
- le contrôle de l'interdiction faite à un avocat d'exercer
sa profession (art. 139-1 nouveau du code de procédure
pénale) ;
- le placement en détention provisoire en matière de
comparution immédiate (art. 396 du code de procédure
pénale) ;
- la prolongation des gardes à vue en matière de terrorisme
(art. 706-23 du code de procédure pénale) ;
- l'autorisation des perquisitions en matière de terrorisme
(art. 706-24 du code de procédure pénale) ;
- l'autorisation des perquisitions en matière de trafic de
stupéfiants (art. 706-28 du code de procédure
pénale) ;
- la prolongation des gardes à vue en matière de trafic de
stupéfiants (art. 706-29 du code de procédure
pénale) ;
- l'autorisation des perquisitions fiscales (art. L. 16 B
du livre des procédures fiscales) ;
- l'autorisation des perquisitions en matière de douane
(art. 64 du code des douanes) ;
- la prolongation des rétentions d'étrangers
(art. 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945) ;
- la prolongation du maintien d'étrangers en zone d'attente
(art. 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945) ;
- l'autorisation des perquisitions en matière de concurrence
(art. 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du
1
er
décembre 1986) ;
- la contestation d'une hospitalisation sans le consentement de la
personne concernée (art. L. 351 du code de la santé
publique).
Ainsi, l'Assemblée nationale a souhaité étendre les
prérogatives du juge de la détention provisoire. Paradoxalement,
elle n'a pas pour autant changé son nom, même si le présent
article fait référence au "
magistrat
désigné en application de l'article 137-1
",
dénomination qu'avait choisie le Sénat en première lecture.
Votre commission vous propose d'aller plus loin dans la logique poursuivie par
l'Assemblée nationale. Elle estime souhaitable que le juge des
libertés se voie effectivement confier les prérogatives du
président du tribunal en matière de libertés, sans que
cela ne demeure qu'une possibilité. Cette extension ne concernerait
cependant pas la question du contrôle judiciaire des avocats, votre
commission ayant décidé qu'il devait revenir au Conseil de
l'Ordre de statuer sur cette question.
Dans les petits tribunaux, le président du tribunal exercera
lui-même les fonctions de juge des libertés et la situation
actuelle ne sera pas modifiée. Dans les autres cas, le nouveau juge
chargé du contentieux de la détention provisoire sera le mieux
à même de statuer également sur d'autres contentieux
mettant en jeu les libertés, tels que certaines perquisitions ou
prolongations de garde à vue. Il paraît tout à fait
souhaitable qu'un magistrat de haut rang se spécialise dans ces
questions de libertés au sein des tribunaux.
Votre commission vous soumet
un amendement
tendant à
transférer au nouveau juge l'ensemble des pouvoirs du président
du tribunal, ce qui justifie pleinement que ce juge soit désormais
qualifié de
juge des libertés
. Cette proposition a
notamment été formulée devant votre commission par
Mme Mireille Delmas-Marty, responsable en 1988-1990 de la commission
" Justice pénale et droits de l'homme ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 10 bis A
(art. 81 et 138 du code de
procédure pénale)
Organismes participant au respect des
obligations
du contrôle judiciaire
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 138 du code de procédure
pénale prévoit, parmi les obligations qui peuvent être
imposées à une personne dans le cadre d'un contrôle
judiciaire :
- l'obligation de se présenter aux services ou autorités
désignés par le juge d'instruction ;
- l'obligation de répondre aux convocations de toute
autorité ou de toute personne qualifiée désignée
par le juge d'instruction et de se soumettre, le cas échéant, aux
mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou
sur son assiduité à un enseignement.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue, M. Michel Dreyfus-Schmidt, a proposé de
compléter les références aux services ou autorités
visés à l'article 138 du code de procédure
pénale par des références aux associations
habilitées.
D'ores et déjà, de nombreuses associations participent au
contrôle du respect des obligations du contrôle judiciaire et il
était normal de codifier cette pratique.
L'Assemblée nationale a accepté cette modification. Elle a
complété cet article par une modification de l'article 81 du
code de procédure pénale. Celui-ci prévoit notamment que
le juge d'instruction peut commettre le comité de probation et
d'assistance aux libérés, le service compétent de
l'éducation surveillée ou toute personne habilitée
à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale
et social d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures
propres favoriser l'insertion sociale de cette personne.
L'Assemblée nationale a souhaité que les associations
habilitées soient mentionnées dans la liste des personnes ou
organes qui peuvent être commis pour vérifier la situation
matérielle, familiale et sociale d'une personne.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à remplacer,
dans l'article 81 du code de procédure pénale, la
référence à l'éducation surveillée par une
référence à la protection judiciaire de la jeunesse et la
référence au comité de probation et d'assistance aux
libérés par une référence au service
pénitentiaire d'insertion et de probation. L'Assemblée nationale
avait inséré ces dispositions dans d'autres articles, qui
pourront ainsi être supprimés.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 10 bis B
(art. 81 du code de procédure
pénale)
Protection judiciaire de la jeunesse
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à remplacer dans
l'article 81 du code de procédure pénale la
référence à l'éducation surveillée par une
référence à la protection judiciaire de la jeunesse. Il
s'agit d'une actualisation tout à fait bienvenue.
Votre commission ayant décidé d'opérer cette modification
à l'article 10 bis A, elle vous propose, par
coordination, la
suppression
de cet article.
Article 10 bis
(art. 138, 142, 142-2 et 142-3 du code
de
procédure pénale
Cautionnement
En
première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un
amendement modifiant les règles du
cautionnement
que le juge
d'instruction peut imposer à une personne de fournir dans le cadre d'un
contrôle judiciaire.
Cet amendement prévoyait notamment que la personne pourrait s'acquitter
du cautionnement dans les conditions fixées par
l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, qui permet
à un contribuable contestant le bien-fondé du montant des
impositions mises à sa charge de demander à être
autorisé à différer le paiement de la partie
contestée de ces impositions. Ce sursis ne peut lui être
refusé s'il a constitué auprès du comptable les garanties
propres à assurer le recouvrement, telles que les hypothèques,
les garanties bancaires...
Le Sénat, soulignant les incertitudes qui entouraient le dispositif
proposé par l'Assemblée nationale, a supprimé cette
disposition.
L'Assemblée a, en deuxième lecture, souhaité modifier le
régime du cautionnement sans toutefois faire référence au
livre des procédures fiscales.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 138 du code de procédure pénale, qui
prévoit actuellement que le montant du cautionnement est fixé en
tenant compte notamment des ressources de la personne. L'Assemblée
nationale a souhaité que cet article fasse également
référence aux charges de la personne.
• Le
deuxième paragraphe
tend à supprimer dans
l'article 138 du code de procédure pénale, la mention selon
laquelle la constitution de sûretés, qui peut être
exigée d'une personne sous contrôle judiciaire est destinée
à garantir les droits des victimes. En fait, il s'agit simplement de
transférer cette précision à l'article 142 du code de
procédure pénale.
• Le
troisième paragraphe
tend
précisément à modifier l'article 142 du code de
procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, celui-ci
prévoit la destination du cautionnement lorsque celui-ci est
exigé d'une personne sous contrôle judiciaire. Le cautionnement
est notamment destiné à garantir la représentation de la
personne, le paiement de la réparation des dommages causés par
l'infraction, le paiement des amendes. Cet article serait modifié pour
prévoir que les
sûretés
, qui peuvent être
exigées de la personne placée sous contrôle judiciaire,
pourraient avoir le
même usage que le cautionnement
.
L'objectif est clairement d'inciter le juge d'instruction à utiliser
plus fréquemment la possibilité d'exiger de la personne la
constitution de sûretés, de préférence à la
fourniture d'un cautionnement, qui peut avoir des conséquences beaucoup
plus dramatiques.
• Les
paragraphes IV, V, VI et VII
de cet article
tendent à apporter des coordinations dans les articles 142, 142-2
et 142-3 du code de procédure pénale pour appliquer aux
sûretés les mêmes règles qu'au cautionnement.
Dès lors que des sûretés peuvent garantir notamment la
représentation de la personne, il convient en effet de prévoir la
levée de la première partie de ces sûretés lorsque
la personne a satisfait à toutes les obligations du contrôle
judiciaire, comme cela est prévu pour la première partie du
cautionnement. A l'inverse, il convient également de prévoir que,
si la personne ne satisfait pas à ses obligations, il est
procédé au recouvrement de la créance garantie par la
première partie des sûretés.
De la même manière, le paragraphe VII tend à
prévoir le sort de la deuxième partie des sûretés,
selon que la personne a été condamnée ou non et selon que
les sûretés excèdent ou non les sommes nécessaires
à l'indemnisation de la victime et au paiement des amendes.
Le dispositif proposé apparaît beaucoup plus satisfaisant que
celui que l'Assemblée nationale avait adopté en première
lecture. Il devrait en effet permettre d'éviter des situations
dramatiques dans lesquelles une personne est par exemple obligée de
vendre son logement pour satisfaire à l'obligation de fournir un
cautionnement imposée dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 10 ter
(art. 145 du code de procédure
pénale)
Procédure avant la décision en
matière
de détention provisoire
En
première lecture, le Sénat a eu un débat approfondi
à propos de la nécessité éventuelle qu'un
débat contradictoire soit systématiquement organisé devant
le juge appelé à connaître de la détention
provisoire. Le Sénat a finalement souhaité qu'un tel débat
ait lieu dans tous les cas.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue au texte
initial, qui ne prévoyait l'organisation d'un débat
contradictoire que lorsque le juge envisageait le placement en détention
provisoire. Elle a toutefois, dans le présent article, modifié
l'article 145 du code de procédure pénale pour
préciser de manière très claire le déroulement de
la procédure.
Ainsi, le juge de la détention devrait, dans tous les cas, faire
comparaître devant lui la personne mise en examen, assistée de son
avocat si celui-ci a été désigné.
Le juge, après avoir pris connaissance des éléments du
dossier et entendu, s'il l'estime utile, les observations de la personne lui
ferait connaître s'il envisage ou non de la placer en détention
provisoire :
- dans le premier cas, le juge devrait informer la personne que la
décision ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat
contradictoire et qu'elle a le droit de demander un délai pour
préparer sa défense ;
- dans le second cas, le juge pourrait ordonner le placement sous
surveillance judiciaire de la personne et devrait lui faire déclarer son
adresse conformément aux dispositions de l'article 116 du code de
procédure pénale relatif à l'interrogatoire de
première comparution.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 12
(art. 146 du code de procédure
pénale)
Conséquence d'une requalification en
matière
de détention provisoire
Cet
article tend à modifier l'article 146 du code de procédure
pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit
que, lorsqu'il apparaît au cours d'une information, que la qualification
criminelle ne peut pas être retenue, le juge d'instruction peut ordonner
le maintien de la personne en détention ou ordonner sa mise en
liberté. Le présent article tend simplement à prendre en
compte la création d'un juge chargé de la détention
provisoire en prévoyant que le juge d'instruction doit saisir ce juge
s'il souhaite le maintien de la personne en détention lorsque la
qualification criminelle ne peut être retenue.
Cet article n'est encore en navette que pour la dénomination du juge
responsable de la détention provisoire.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 13
(art. 147 du code de procédure
pénale)
Mise en liberté d'office ou sur demande du
procureur
Comme le
précédent, cet article n'est soumis au Sénat en
deuxième lecture que parce que les assemblées ne sont pas encore
parvenues à un accord sur la dénomination du nouveau juge
créé par le projet de loi.
Cet article tend à modifier l'article 147 du code de
procédure pénale relatif aux conditions dans lesquelles une
personne mise en détention provisoire peut être mise en
liberté. Il prévoit que, lorsque le procureur requiert la mise en
liberté, le juge d'instruction peut faire droit à la demande ou
transmettre, dans les cinq jours, le dossier, assorti de son avis
motivé, au juge de la détention provisoire, ce dernier devant
statuer dans un délai de trois jours ouvrables.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter l'article 13
ainsi modifié
.
Article 14
(art. 148 du code de procédure
pénale)
Demande de mise en liberté par la personne ou son
avocat
Comme
les précédents, cet article tend à tirer les
conséquences de la création d'un juge chargé de la
détention provisoire et n'a été modifié, au cours
de la navette, qu'en ce qui concerne le nom du nouveau juge.
Il s'agit de prévoir que les demandes de mise en liberté,
aujourd'hui adressées au juge d'instruction qui statue, continueraient
à lui être transmises, mais que celui-ci ne pourrait que faire
droit à la demande ou la transmettre, avec son avis motivé au
juge de la détention provisoire, qui statuerait dans les trois jours.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
SECTION 2
Dispositions limitant les conditions
ou
la
durée de la détention provisoire
Article 15
(art. 143-1 nouveau, 144 et 144-1-A nouveau du code de
procédure pénale)
Conditions de la détention
provisoire
Cet
article très important du projet de loi concerne les
seuils de peine
encourue
à partir desquels la détention provisoire est
possible, ainsi que les
motifs
susceptibles de justifier la
détention provisoire.
Actuellement, en vertu de l'article 144 du code de procédure
pénale, la détention est possible lorsque la personne encourt une
peine criminelle
ou une
peine correctionnelle égale ou
supérieure à un an d'emprisonnement en cas de délit
flagrant, à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas
.
L'article 144 prévoit également les motifs susceptibles de
justifier le placement en détention provisoire. Il s'agit des
nécessités de l'instruction, de la nécessité de
protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à
la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de
prévenir son renouvellement, enfin de la nécessité de
mettre fin au trouble exceptionnel et persistant qu'a causé l'infraction
à l'ordre public.
L'article 15 prévoit d'inscrire dans deux articles
différents les conditions de mise en détention liées aux
seuils de peine et les motifs de détention.
• Le texte proposé pour l'
article 143-1 du code de
procédure pénale
prévoyait, dans le projet de loi
initial, non modifié par l'Assemblée nationale, un système
de seuils de peine très complexe, qui ne modifiait qu'à la marge
le droit actuel.
Ainsi, la détention aurait été possible lorsqu'une peine
de trois ans d'emprisonnement aurait été encourue, compte tenu de
l'aggravation de la peine encourue en cas de récidive. Mais la
détention aurait été possible dès lors qu'une peine
de deux ans d'emprisonnement avait été encourue pour des
infractions contre les personnes ou contre l'Etat, la Nation et la paix
publique. Enfin, la détention aurait également été
possible en cas de peine encourue de deux années d'emprisonnement pour
une atteinte contre les biens, mais seulement si la personne avait
déjà été condamnée.
Votre commission a estimé à la fois trop timorées et
trop complexes ces dispositions. Le Sénat a décidé que la
détention provisoire ne serait plus possible qu'en cas de peine encourue
égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement. Mme le
garde des sceaux s'est alors clairement opposée à cette
modification.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a
décidé, cette fois avec l'accord de Mme le garde des sceaux,
d'accepter que la détention provisoire ne soit possible que lorsqu'est
encourue une peine égale ou supérieure à trois ans
d'emprisonnement
.
L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin en ce qui
concerne les infractions contre les biens. Elle a prévu que la
détention provisoire ne serait plus possible lorsque la peine encourue
serait inférieure à cinq ans pour un délit prévu au
livre III du code pénal, relatif aux atteintes aux biens.
Ainsi,
les délits contre les biens, punis de trois ans d'emprisonnement, en
particulier le vol simple, ne pourraient plus justifier le placement en
détention provisoire.
En revanche, l'Assemblée nationale a décidé de
supprimer tous les seuils
pour les personnes poursuivies alors qu'elles
ont déjà été condamnées à une peine
privative de liberté sans sursis supérieure à un an. Une
telle disposition constitue un retour en arrière par rapport au droit
actuel.
Ne serait-il pas singulier de permettre la mise en détention provisoire
d'une personne qui encourrait une simple amende correctionnelle, sous
prétexte qu'elle a déjà été condamnée
auparavant ? Votre commission n'estime pas possible de retenir une telle
disposition, dont elle propose, par un
amendement
, la suppression.
En revanche, votre commission propose, par un
amendement
, que le nouveau
seuil de cinq ans instauré pour les délits contre les biens ne
soit pas applicable quand la personne a déjà été
condamnée à une peine d'emprisonnement sans sursis
supérieure à un an. Dans un tel cas, s'appliquera le
seuil
général de trois ans
. Le tableau suivant résume la
différence entre le droit actuel, la position de l'Assemblée
nationale en deuxième lecture et la proposition de votre commission.
Tableau des seuils de peine d'emprisonnement
permettant le
placement en détention provisoire
|
|
Texte
adopté par le Sénat
|
Texte adopté par l'Assemblée nationale |
|
Régime général |
2 ans minimum |
3 ans minimum |
3 ans minimum |
3 ans minimum |
Régimes spéciaux |
1 an en cas de flagrance |
|
- 5
ans en cas de délit figurant au livre III du code pénal
(atteintes aux biens)
|
- 5 ans en cas de délits figurant au livre III du code pénal, sauf si la personne a déjà été condamnée à une peine d' emprisonnement supérieure à un an |
•
Le texte proposé pour l'
article 144 du code de
procédure pénale
tend à réécrire les
dispositions actuelles de cet article relatives aux motifs de placement en
détention provisoire, sans les modifier.
Toutefois, le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi initial, que
le
trouble à l'ordre public
ne puisse plus justifier, à
lui seul, la prolongation de la détention provisoire lorsque la peine
encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement.
L'Assemblée nationale, en première lecture, a souhaité que
le motif d'ordre public ne puisse plus justifier la prolongation de la
détention provisoire qu'en matière criminelle. Le Sénat a
alors décidé de rétablir le texte initial du Gouvernement,
mais l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a rétabli
le texte qu'elle avait adopté en première lecture.
Votre commission, consciente que le critère du trouble à l'ordre
public est parfois utilisé de manière abusive, propose
néanmoins par un
amendement
, de revenir au texte initial du
projet de loi, considérant qu'il peut exister des cas, même en
matière correctionnelle, dans lesquels ce motif peut justifier un
placement en détention et une prolongation de celle-ci. Le recours
à un juge différent de celui qui instruit le dossier devrait
permettre d'éviter les abus.
• Le texte proposé pour l'
article 144-1 A du
code de procédure pénale
a été introduit dans
le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième
lecture, à l'initiative de la rapporteuse de la commission des lois, Mme
Christine Lazerges et de M. Alain Touret. Il tend à interdire, sauf en
matière criminelle, en cas de poursuites relatives aux infractions
commises envers les enfants et en cas de violation des obligations du
contrôle judiciaire, le placement en détention provisoire des
pères et mères d'enfants de moins de dix ans
, ayant chez
le parent concerné leur résidence habituelle et à
l'égard desquels ce parent exerce l'autorité parentale. Le texte
adopté par l'Assemblée nationale précise que le juge des
enfants peut s'opposer à cette mesure.
L'objectif poursuivi par cette disposition ne peut qu'être
approuvé. Trop souvent, la détention provisoire a des
conséquences dramatiques sur la structure familiale, et notamment pour
les jeunes enfants.
Pour autant, l'adoption d'un tel article suscite de nombreuses
difficultés. L'intervention du juge des enfants est prévue sans
que les conditions de cette intervention soient définies. Le texte
précise simplement qu'il peut s'opposer à la
" mesure ". Qu'adviendrait-il si le juge des enfants s'opposait
à la mesure ? La personne devrait-elle être obligatoirement
placée en détention provisoire ou bien la procédure
normale s'appliquerait-elle ? La rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale donne le sentiment que le juge des enfants
pourrait s'opposer au placement en détention provisoire, alors qu'il
semble que l'intention des députés soit de permettre au juge des
enfants de s'opposer à l'interdiction de toute détention
provisoire pour les parents de jeunes enfants.
De manière plus générale, il ne paraît pas
possible d'opérer une distinction entre les prévenus selon leur
situation de famille, même dans un souci légitime de protection de
l'enfance.
Votre commission veut croire que la création d'un juge chargé de
la détention provisoire, le relèvement des seuils permettant le
placement en détention provisoire, les modifications apportées
aux règles du cautionnement en matière de contrôle
judiciaire permettront d'éviter dans bien des cas que des enfants soient
les premières victimes du recours à la détention
provisoire. Elle considère en outre que
la possibilité
prévue par le projet de loi d'exécution de la détention
provisoire sous le régime du placement sous surveillance
électronique pourrait constituer un moyen utile d'éviter la
rupture des liens familiaux.
Elle vous soumet donc un
amendement
de
suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 16
(art. 145-1 du code de procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière correctionnelle
Cet
article concerne les durées maximales de détention provisoire en
matière correctionnelle.
• Le droit actuel
Actuellement, la durée de la détention provisoire ne peut
excéder :
-
six mois
lorsque la peine encourue est inférieure à
cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas déjà
été condamnée pour crime ou pour délit à une
peine d'emprisonnement supérieure à un an avec sursis ;
-
un an
lorsque la peine encourue est inférieure à
cinq ans d'emprisonnement et que la personne a déjà
été condamnée pour crime ou délit à une
peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;
-
deux ans
lorsque la peine encourue est comprise entre cinq ans et
dix ans d'emprisonnement ;
- une
durée raisonnable
lorsque la peine encourue est
égale à dix d'emprisonnement.
• Le projet de loi
Le projet de loi initial prévoyait de maintenir les durées de
détention provisoire actuelles tout en limitant les cas ou la
durée de détention ne comporte aucune limite.
L'Assemblée nationale, en première lecture, a
procédé à une réécriture complète de
l'article 145-1 du code de procédure pénale. Elle a
prévu que la détention ne pourrait excéder :
-
quatre mois
lorsque la peine encourue est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement ;
-
un an
lorsque la peine encourue est supérieure à
cinq ans d'emprisonnement ;
-
deux ans
lorsque la peine encourue est supérieure à
cinq ans et qu'une commission rogatoire internationale est
délivrée par le juge d'instruction ;
-
une durée raisonnable
lorsque la peine encourue est
égale à dix ans d'emprisonnement et que la personne est
poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de
malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou infractions
commises en bande organisée.
En première lecture, le Sénat a accepté les durées
proposées par l'Assemblée nationale. Il s'est toutefois
opposé à la possibilité de faire dépendre la
durée de détention de la délivrance d'une commission
rogatoire internationale. Il a prévu que la durée maximale d'un
an de détention pourrait être prolongée à titre
exceptionnel par la chambre d'accusation et non plus par le juge de la
détention provisoire, pendant une durée maximale d'un an.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ses
propositions initiales. Elle a en effet prévu que la détention ne
pourrait excéder :
-
quatre mois
lorsque la peine encourue est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas
déjà été condamnée à une peine
d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an ;
-
un an
dans les autres cas ;
-
deux ans
lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a
été commis à l'étranger ou lorsque la personne est
poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, associations de
malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une
infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine
égale à dix ans d'emprisonnement.
La durée de la détention provisoire ne pourrait donc en aucun cas
dépasser deux ans en matière correctionnelle.
Votre commission accepte que la durée de la détention puisse
être accrue lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a
été commis à l'étranger. Ce critère lui
paraît en effet plus objectif que celui de la délivrance d'une
commission rogatoire internationale par le juge d'instruction
.
En revanche, elle persiste à penser que pour certaines infractions
graves et complexes, la durée de détention provisoire
proposée par l'Assemblée nationale pourrait, dans certaines
circonstances, être insuffisante. Elle propose donc, par un
amendement
, qu'un allongement de la durée maximale de
détention soit possible lorsque la personne encourt dix ans
d'emprisonnement et qu'elle est poursuivie pour trafic de stupéfiants,
terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion
de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée. Elle propose
que, pour ces infractions, la prolongation de la détention
au-delà de deux ans ne puisse être autorisée qu'à
titre exceptionnel par la chambre d'accusation pour une durée de six
mois, la prolongation pouvant être renouvelée une fois.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 17
(art. 145-2 du code de procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière criminelle
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 145-2 du code de procédure
pénale prévoit une durée maximale de détention
provisoire d'un an en matière criminelle. Cette durée peut
être prolongée pour une durée de six mois, sans que le
nombre de prolongations soit limité.
Le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi initial, d'instaurer
des délais butoirs à la détention provisoire en
matière criminelle. Le texte prévoyait que la durée de
détention ne pourrait excéder :
-
deux ans
en cas de peine encourue inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
en cas de peine encourue inférieure à
trente ans de réclusion ou de détention criminelles.
Aucun butoir
n'était prévu en cas de peine encourue
supérieure à trente ans d'emprisonnement ou en cas de crimes
multiples reprochés à une personne.
En première lecture, l'Assemblée nationale a modifié ce
dispositif pour prévoir que la détention ne pourrait
excéder :
-
deux ans
en cas de peine encourue inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
en cas de peine encourue supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles ainsi que lorsque la peine encourue est inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et que le juge
d'instruction a délivré une commission rogatoire
internationale ;
-
quatre ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission
rogatoire internationale.
Enfin, l'Assemblée nationale n'avait prévu aucun délai
butoir pour les personnes prévenues pour trafic de stupéfiants,
terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime
commis en bande organisée. De même, elle n'avait prévu
aucun délai butoir lorsque plusieurs crimes contre les personnes ou
contre l'Etat, la Nation et la paix publique sont reprochés à la
personne.
En première lecture, le Sénat a accepté les durées
proposées par l'Assemblée nationale tout en refusant de faire
dépendre la durée de détention de la délivrance
d'une commission rogatoire ou de la multiplicité des crimes. Il a en
outre prévu la possibilité que les durées maximales de
deux ou trois ans puissent, à titre exceptionnel, être
prolongées par la chambre d'accusation pendant une durée maximale
d'un an.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ses
propositions initiales. Elle a prévu que la durée de
détention provisoire ne pourrait excéder :
-
deux ans
lorsque la peine encourue est inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles ou lorsque la peine encourue est inférieure à vingt
ans de réclusion ou de détention, mais que l'un des faits
constitutifs de l'infraction a été commis à
l'étranger ;
-
quatre ans
lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs
crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal, lorsque
la peine encourue est supérieure à vingt ans d'emprisonnement et
que l'un des fais constitutifs de l'infraction a été commis hors
du territoire nationale, enfin lorsque la personne est poursuivie pour trafic
de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de
fonds ou pour crime commis en bande organisée.
Ainsi
, aucune détention provisoire ne pourrait excéder une
durée de quatre ans
. Votre commission propose d'accepter que la
multiplicité des crimes ou la commission hors du territoire national
d'un des faits constitutifs de l'infraction puissent justifier un allongement
de la durée de détention.
En revanche, elle persiste à penser que, pour quelques infractions
graves et complexes, le délai proposé par l'Assemblée
nationale peut présenter des inconvénients. Elle propose donc,
par
un amendement
, de prévoir que la détention pourra
prolongée, à titre exceptionnel, par la chambre d'accusation,
au-delà de quatre ans, en matière de terrorisme, de trafic de
stupéfiants, de proxénétisme, d'extorsion de fonds ou pour
un crime commis en bande organisée. La prolongation serait faite pour
une durée de six mois et pourrait être renouvelée une fois.
En deuxième lecture, la rapporteuse de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale a estimé que ce système,
déjà proposé de manière plus large par le
Sénat en première lecture, était trop complexe.
Ce
système de prolongation exceptionnelle par la chambre d'accusation est
pourtant celui qu'a retenu l'Assemblée nationale en matière de
délai d'audiencement des affaires à l'article 21 quinquies.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 17 bis A
(art. 145-5 nouveau du code de
procédure pénale)
Consultation de services d'insertion
avant toute prolongation
de la durée de la détention
provisoire
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, tend à insérer dans le code de
procédure pénale un article 145-5 pour prévoir que le
juge d'instruction devra consulter le service pénitentiaire d'insertion
ou de probation, les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou un
autre organisme habilité à faire des propositions en
matière d'insertion avant toute demande de prolongation de la
détention provisoire. Ces personnes ou organes devront proposer les
mesures socio-éducatives propres à se substituer à la
détention de la personne mise en examen, à favoriser sa
réinsertion sociale et à prévenir la récidive.
Une telle mesure, destinée à limiter autant qu'il est possible
les prolongations de détention, paraît cependant trop
contraignante. Le projet de loi contient déjà de nombreuses
dispositions destinées à limiter le placement et le maintien en
détention provisoire. Il convient de ne pas multiplier les
formalités nouvelles.
Surtout, on voit mal, compte tenu des motifs qui peuvent justifier le
placement en détention provisoire (risque de disparition des preuves,
risque de fuite de la personne, trouble exceptionnel à l'ordre
public...) comment des mesures socio-éducatives pourraient se substituer
à la détention provisoire.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article
17 bis
(art. 207-2 nouveau du code de procédure
pénale)
Prolongation exceptionnelle de la durée
de
détention par la chambre d'accusation
En
première lecture, le Sénat a souhaité que les
durées maximales de détention provisoire puissent être
prolongées, à titre exceptionnel, par la chambre d'accusation
lorsque les investigations du juge d'instruction indispensables à la
manifestation de la vérité doivent être
impérativement poursuivies et que la mise en liberté de la
personne causerait, pour la sécurité des personnes et des biens,
un risque d'une particulière gravité. Le texte adopté par
le Sénat prévoyait que la prolongation pourrait intervenir pour
une durée de quatre mois et que la décision pourrait être
renouvelée deux fois.
L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif . La rapporteuse
de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a
évoqué, à l'appui de cette décision, les risques
d'alourdissement de la procédure et d'encombrement des chambres
d'accusation.
Votre commission a proposé de rétablir ce dispositif, tout en
limitant sa portée, dans les articles 16 et 17 du projet de loi, de
telle sorte que le présent article n'a plus d'objet.
Votre commission vous propose en conséquence de
maintenir la
suppression
de cet article.
Article 18 bis A
(art. 144-2 nouveau du code de
procédure pénale)
Placement sous surveillance
électronique
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture à l'initiative de la
rapporteuse de la commission des lois Mme Christine Lazerges, et de M. Jacques
Floch et Mme Frédérique Bredin, tend à insérer dans
le code de procédure pénale un article 144-2, pour
prévoir que la détention provisoire peut être
effectuée, sur décision du juge de la détention
provisoire, avec l'accord de l'intéressé, sous le régime
de placement sous surveillance électronique.
Votre commission ne peut que se réjouir de l'intérêt
aujourd'hui porté au placement sous surveillance électronique. Le
Sénat, et en particulier notre excellent collègue,
M. Guy-Pierre Cabanel, est en effet à l'origine de la loi du
19 décembre 1997, qui permet l'utilisation du placement sous
surveillance électronique comme modalité d'exécution des
courtes peines ou des fins de peine d'emprisonnement.
Cette loi a été adoptée il y a plus de deux ans et n'a
toujours pas reçu le moindre début d'application, même
à titre expérimental. Votre commission ne peut donc que
renouveler son appel au Gouvernement, afin qu'il mette rapidement en oeuvre les
dispositions de cette loi, susceptible de faciliter la réinsertion
sociale des condamnés.
En ce qui concerne l'application du placement sous surveillance
électronique en matière de détention provisoire, la
décision prise par l'Assemblée nationale mérite
d'être examinée de près.
En 1995, dans son rapport au Premier ministre sur la prévention de la
récidive
5(
*
)
, notre collège,
M. Guy Cabanel, tout en proposant l'utilisation du placement sous
surveillance électronique comme modalité d'exécution de
certaines peines, avait émis des réserves en ce qui concerne
l'usage de ce dispositif en matière de détention provisoire. Il
avait notamment formulé les remarques suivantes :
"
La transposition d'un tel dispositif en France risquerait
néanmoins de se révéler d'une portée limitée
dans la mesure où les critères de placement en détention
provisoire demeureraient inchangés.
"
Il est en effet difficilement concevable que le recours à la
surveillance électronique soit appliqué à une personne
dont le maintien en liberté, même surveillée, est de nature
à nuire à l'ordre public, à conduire à une
disparition des preuves ou à constituer une menace pour les
témoins, les victimes ou pour la personne mise en examen
elle-même.
"
En outre, dans la mesure où une période d'assignation
à domicile s'imputerait sur la peine prononcée, les juges
risqueraient de se montrer réticents à appliquer ce dispositif.
En effet, la personne mise en examen pourrait chercher à faire durer
l'application de cette mesure, et donc l'instruction elle-même.
"
Ces différentes raisons avaient conduit notre collègue à
ne pas proposer l'utilisation du placement sous surveillance
électronique en matière de détention provisoire.
A l'Assemblée nationale, Mme le garde des sceaux, tout en acceptant la
mesure proposée, a exprimé la crainte que le placement sous
surveillance électronique devienne une alternative au contrôle
judiciaire plutôt qu'une alternative à l'emprisonnement.
Votre commission vous soumet un
amendement
destiné à mieux
montrer encore que le placement sous surveillance électronique ne peut
être qu'une modalité d'exécution de la détention
provisoire et en aucun cas un substitut au contrôle judiciaire. Elle
propose en outre que la personne puisse demander elle-même à
exécuter sa détention provisoire sous le régime de
placement sous surveillance électronique.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 18 ter
(art. 187-1 et 194 du code de
procédure
pénale)
Référé-liberté
En
première lecture, sur proposition de notre excellent collègue,
M. Pierre Fauchon, le Sénat a décidé de
remplacer le mécanisme du référé-liberté par
un système d'appel à très bref délai devant la
chambre d'accusation.
Actuellement, l'article 187-1 du code de procédure pénale
prévoit qu'en cas d'appel d'une ordonnance de placement en
détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la
République peuvent, lorsque l'appel est interjeté au plus tard le
jour suivant la décision de placement en détention, demander au
président de la chambre d'accusation d'examiner immédiatement
l'appel. Le président de la chambre d'accusation doit statuer le
troisième jour ouvrable suivant la demande. Lorsque le président
de la chambre d'accusation infirme l'ordonnance du juge d'instruction, la
personne est remise en liberté et la chambre d'accusation dessaisie.
Dans le cas contraire, la chambre d'accusation doit statuer dans les quinze
jours suivant l'appel, conformément à l'article 194 du code
de procédure pénale.
Le Sénat, constatant que la procédure de
référé-liberté était peu utilisée et
qu'elle n'aboutissait que rarement à des remises en liberté, a
proposé de remplacer ce système par un appel à très
bref délai devant la chambre d'accusation, contraignant celle-ci
à se prononcer
dans les quatre jours de l'appel
lorsque celui-ci
intervient le jour même de la décision de placement en
détention.
L'avantage de ce système serait de permettre
l'intervention d'une collégialité avant le placement en
détention provisoire.
En effet, le Sénat a prévu que
la personne serait, dans l'attente de la décision,
incarcérée, sans que cette incarcération soit un placement
en détention provisoire.
L'Assemblée nationale s'est opposée au système
proposé par le Sénat. Les députés ont
remplacé ce dispositif par deux dispositions nouvelles. En premier lieu,
dans le cadre d'une procédure de
référé-liberté, le président de la chambre
d'accusation pourrait ordonner la comparution de la personne au cours de
l'audience de cabinet qu'il est tenu d'organiser. Une telle mesure paraît
bienvenue, mais il faut craindre qu'elle ne soit guère utilisée,
le président devant statuer au plus tard le troisième jour
suivant l'appel.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a décidé d'abaisser de
quinze jours à dix jours le délai dans lequel une chambre
d'accusation doit se prononcer sur les ordonnances de placement en
détention provisoire.
Votre commission persiste à penser qu'un appel à très bref
délai des décisions de placement en détention, et non des
décisions de prolongation, peut permettre un réel progrès
dans le contrôle de la détention provisoire.
Tout en acceptant la proposition de l'Assemblée nationale abaissant de
quinze à dix jours le délai donné à la chambre
d'accusation pour statuer, elle propose à nouveau, par
un
amendement
, qu'un appel interjeté le jour même du placement en
détention doive être examiné dans les quatre jours
ouvrables par la chambre d'accusation.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 18 quater
(art. 219 du code de
procédure pénale)
Pouvoirs propres du président de
la chambre d'accusation
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la deuxième lecture, à l'initiative du Gouvernement,
tend à modifier l'article 219 du code de procédure
pénale, relatif aux pouvoirs propres du président de la chambre
d'accusation, pour supprimer la possibilité pour le président de
la chambre d'accusation de déléguer tout ou partie de ses
pouvoirs à un premier vice-président du tribunal de grande
instance désigné par le président de ce tribunal.
Devant l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a
expliqué qu'il s'agissait "
de renforcer le contrôle de
l'instruction par la chambre d'accusation et par son président
(...)
".
De fait, compte tenu du rôle de la chambre d'accusation en matière
de contrôle de l'instruction, il ne paraît pas souhaitable que les
pouvoirs du président de la chambre d'accusation puissent être
délégués à un magistrat du tribunal de grande
instance.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Articles 18 quinquies et 18 sexies
(art. 397-3 et
397-4 du code de procédure pénale)
Comparution
immédiate
Ces deux
articles, introduits dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture à l'initiative de
Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des Lois,
tendent à modifier les
délais de jugement en matière de
comparution immédiate lorsque la personne est en détention
provisoire
.
Actuellement, le procureur peut traduire sur le champ des prévenus
encourant entre un an et sept ans d'emprisonnement devant le tribunal
correctionnel dans le cadre de la procédure de comparution
immédiate. Si l'affaire ne paraît pas en état d'être
jugée ou si la personne demande un délai, le tribunal peut placer
ou maintenir en détention provisoire cette personne. Dans un tel cas, en
vertu de l'article 397-3 du code de procédure pénale, le
jugement au fond doit être rendu dans les
deux mois
qui suivent le
jour de la première comparution de la personne. Par ailleurs,
l'article 397-4 du code de procédure pénale prévoit
que la cour d'appel doit statuer dans les
quatre mois
de l'appel lorsque
la personne est condamnée et maintenue ou placée en
détention dans le cadre de la procédure de comparution
immédiate.
L'Assemblée nationale, dans l'article 18 quinquies du projet,
a abaissé de deux à un mois le délai dans lequel doit
intervenir le jugement des personnes placées en détention
provisoire dans le cadre d'une procédure de comparution
immédiate. Elle a de même abaissé de quatre à deux
mois le délai donné à la cour d'appel pour statuer.
Ces mesures paraissent tout à fait bienvenues. En effet, en
matière de comparution immédiate, les seuils de peine encourue
permettant le placement en détention provisoire seront différents
de ceux qui existent lorsqu'une information est ouverte, après
l'adoption du projet de loi. Actuellement, la procédure de comparution
immédiate, et donc le placement en détention provisoire, est
possible lorsque la personne encourt une peine de deux ans d'emprisonnement au
moins, ou d'un an d'emprisonnement en cas de flagrant délit.
S'il ne paraît pas souhaitable de modifier ces seuils en matière
de comparution immédiate, compte tenu de la nature des affaires soumises
au tribunal selon cette procédure et du caractère très
rapide de ce mode de jugement, il est souhaitable que la durée de la
détention provisoire soit aussi courte que possible. L'abaissement de la
durée maximale de détention de deux à un mois est donc une
heureuse initiative.
Toutefois, cet amendement pourrait avoir des conséquences
préjudiciables dans certaines circonstances. Rappelons que la
procédure de comparution immédiate peut être
utilisée pour les infractions passibles d'une peine inférieure ou
égale à sept ans d'emprisonnement. Or, certaines infractions
punies de cinq ans ou de sept ans d'emprisonnement, en particulier des
infractions sexuelles, peuvent nécessiter des expertises et, dans un tel
cas, le délai d'un mois pour être jugé ne pourra en aucun
cas être tenu. Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, que le nouveau délai d'un mois pour juger une
personne en comparution immédiate ne soit applicable que lorsque la
peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 18 septies
(art. 716 du code de
procédure pénale)
Emprisonnement individuel des
prévenus
En
première lecture, l'Assemblée nationale a inséré un
article 2 G dans le projet de loi modifiant l'article 716 du
code de procédure pénale pour prévoir que la distribution
intérieure des maisons d'arrêt et leur encombrement temporaire ne
pourront plus justifier, comme aujourd'hui, que les prévenus ne soient
pas emprisonnés individuellement. L'Assemblée nationale a
reporté l'application de cette disposition trois ans après
l'entrée en vigueur de la loi.
Le Sénat a accepté cette mesure. Toutefois, à la demande
du Gouvernement, il a décidé que cette disposition entrerait en
vigueur
cinq ans
après la publication de la loi.
L'Assemblée nationale, tout en modifiant la place de cet article dans le
projet, a rétabli le texte qu'elle avait adopté en
première lecture.
Pourtant, Mme le garde des sceaux a émis de sérieux doutes sur la
capacité du Gouvernement à fournir à chaque prévenu
une cellule individuelle dans un délai de trois ans :
"
Comme vous le savez, j'ai engagé un programme de construction
de sept nouveaux établissements, que j'ai souhaité concentrer
essentiellement sur les maisons d'arrêt. Il permettra compte tenu de la
fermeture de places vétustes, de réduire à 12.500 le
déficit du nombre de cellules. Ce programme représente 18 %
des ouvertures de places et 26 % des fermetures réalisées
depuis 1981.
" Pour parvenir à l'encellulement individuel, il faudrait donc
12.500 cellules de plus. Ce qui signifie qu'outre les 5,5 milliards
que nous avons engagés pour la construction de sept nouveaux
établissements et la rénovation de cinq autres, 10 milliards
de francs supplémentaires seraient nécessaires
".
Votre commission espère que le présent projet de loi
entraînera une diminution sensible du nombre de prévenus et
facilitera donc la réalisation de l'objectif d'emprisonnement individuel
des prévenus. Elle estime que l'emprisonnement individuel des
prévenus doit absolument être réalisé à
brève échéance. Rappelons que l'encellulement individuel a
été proposé par une commission d'enquête
parlementaire présidée par le vicomte d'Haussonville en...1873.
Il est désormais temps que cette règle soit enfin
appliquée.
Elle vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 18 octies
(art. 716-4 du code de
procédure pénale)
Imputation de la détention
provisoire sur la peine
L'article 716-4 du code de procédure pénale
prévoit notamment qu'en cas de détention provisoire, cette
détention est intégralement déduite de la durée de
la peine prononcée ou de la durée totale de la peine à
subir après confusion.
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend
à compléter l'article 716-4 pour prévoir qu'en cas
d'annulation d'une procédure, la détention provisoire
ordonnée dans le cadre de cette procédure s'impute sur la peine
éventuellement prononcée. Actuellement, on considère que
l'annulation de la procédure fait disparaître la détention
provisoire, même si une personne est par la suite condamnée pour
les mêmes faits, de sorte que la détention provisoire ne s'impute
pas sur la peine prononcée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 3
Dispositions relatives à
l'indemnisation
des détentions provisoires
Article 19
(art. 149 à 149-2 du code de procédure
pénale)
Indemnisation des détentions provisoires
Cet
article tend à améliorer les conditions d'indemnisation des
détentions provisoires injustifiées. Actuellement,
l'indemnisation est facultative, la décision rendue par la commission
compétente n'est pas motivée et n'est susceptible d'aucun recours.
• Le
premier paragraphe
de cet article tend à modifier
l'article 149 du code de procédure pénale.
En première lecture, l'Assemblée nationale a rendu
l'indemnisation obligatoire, tout en définissant certaines exceptions.
Elle a ainsi prévu que l'indemnisation serait impossible si la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement résultait de la
reconnaissance de l'irresponsabilité d'une personne atteinte d'un
trouble psychique, de la prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne
a été placée en détention provisoire après
s'être librement et volontairement laissée accuser à tort.
Le Sénat a précisé le contenu de ces exceptions, notamment
pour prévoir que l'indemnisation n'est pas due lorsque la
décision de non-lieu de relaxe ou d'acquittement a
pour seul
fondement
l'irresponsabilité de la personne. En outre, le
Sénat a souhaité que l'indemnisation ne soit
écartée, lorsqu'une personne s'est librement et volontairement
accusée à tort, que si elle a agi en vue de faire échapper
l'auteur des faits aux poursuites.
L'Assemblée nationale a accepté ces modifications.
• Le
second paragraphe
tend à modifier
l'article 149-2 du code de procédure pénale, relatif aux
conditions dans lesquelles la commission placée auprès de la cour
de cassation, compétente en matière d'indemnisation des
détentions provisoires, rend ses décisions. Il prévoit que
les décisions de cette commission seront désormais
motivées, que les débats auront lieu en séance publique,
sauf opposition du requérant et que celui-ci sera, s'il le souhaite,
entendu personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Michel Charasse, a supprimé ces
dispositions, pour transférer la compétence en matière
d'indemnisation des détentions provisoires au Conseil d'Etat.
L'Assemblée nationale a rétabli le texte qu'elle avait
adopté en première lecture. Votre commission considère que
si, jusqu'à présent, les indemnités versées pour
détentions provisoires abusives ont été insuffisantes,
c'est moins parce que la juridiction judiciaire n'accepte pas de
reconnaître ses erreurs, que parce que les conditions d'attribution des
indemnités sont définies de manière trop restrictive.
La modification des conditions d'indemnisation prévue par le projet de
loi devrait permettre une amélioration sensible de la situation,
d'autant plus que l'Assemblée nationale a décidé, lors de
la deuxième lecture du projet de loi, de mettre en place un double
degré de juridiction, en décentralisant les décisions en
matière d'indemnisation des détentions provisoires (voir article
suivant).
Votre commission considère donc que le système prévu par
le projet de loi est équilibré et que le transfert du contentieux
de l'indemnisation à la juridiction administrative ne constituerait pas
un progrès évident par rapport à la situation actuelle.
Elle vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 19 bis A
(art. 149-1 du code de
procédure pénale)
Décentralisation des
décisions d'indemnisation
•
Le
premier paragraphe
de cet article, inséré dans le
projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième
lecture, à l'initiative du Gouvernement, tend à modifier
l'article 149-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit la compétence d'une commission placée
auprès de la Cour de cassation en matière d'indemnisation des
détentions provisoires et définit sa composition.
Le texte proposé prévoit la compétence du
premier
président de la cour d'appel
dans le ressort de laquelle a
été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. Cette décentralisation des décisions en
matière d'indemnisation des détentions provisoires
injustifiées a été souhaitée par la Cour de
cassation, notamment parce que le nombre de dossiers en attente tend à
augmenter fortement. Elle permettra l'instauration d'un double degré de
juridiction dans cette matière, ce qui ne pourra qu'être favorable
aux droits des personnes demandant une indemnisation.
• Les
deuxième et troisième paragraphes
tendent à opérer des coordinations dans l'article 149-2,
relatif aux conditions dans lesquelles statue la commission d'indemnisation.
• Enfin, le
quatrième paragraphe
tend à
insérer dans le code de procédure pénale deux articles,
149-3 et 149-4, relatifs à l'appel des décisions prises en
matière d'indemnisation des détentions provisoires
injustifiées par le premier président de la cour d'appel. Le
texte proposé pour l'article 149-3 nouveau du code de
procédure pénale prévoit que l'appel pourra être
formé dans les dix jours auprès de la commission nationale
d'indemnisation des détentions provisoires placée auprès
de la Cour de cassation.
Les règles relatives à la composition de la commission ne
seraient pas modifiées. Elle statuerait dans les mêmes conditions
que le premier président de la cour d'appel, c'est-à-dire, sauf
exception, en séance publique, et rendrait des décisions
motivées.
Le texte proposé pour l'article 149-4 du code de procédure
pénale renvoie à un décret en Conseil d'Etat la
définition de la procédure devant le premier président de
la cour d'appel et la commission nationale d'indemnisation des
détentions provisoires.
• Le
paragraphe V
prévoit que la modification
des règles de compétence en matière d'indemnisation des
détentions provisoires entrera en vigueur six mois après la
publication de la loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 19 bis
Commission de suivi de la
détention provisoire
En
première lecture, l'Assemblée nationale a prévu la
création d'une commission de suivi de la détention provisoire
placée auprès du ministre de la justice, qui serait
chargée "
de réunir les données juridiques,
statistiques et pénitentiaires concernant la détention
provisoire, en France et à l'étranger
". La commission
serait composée de deux représentants du Parlement, d'un
magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un,
professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un représentant d'un
organisme de recherche judiciaire.
En première lecture, le Sénat a supprimé cet article, en
observant que la création d'un organe de ce type ne paraissait pas
indispensable et qu'une telle commission pourrait être
créée sans recourir à la loi. Il revient en particulier
aux assemblées, et notamment à leurs commissions des lois,
d'exercer un contrôle sur le système pénitentiaire et
notamment sur la question de la détention provisoire. En outre, la Cour
de cassation dresse , pour sa part, un bilan annuel des décisions
rendues par la commission nationale d'indemnisation des détentions
provisoires.
L'Assemblée nationale a rétabli cet article à l'initiative
de la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges.
Votre commission vous propose à nouveau la
disjonction
de cet
article.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT
À ÊTRE
JUGÉ DANS UN DÉLAI RAISONNABLE
Article 20
(art. 77-2 et 77-3 nouveaux du code de
procédure pénale)
Possibilité d'interroger le
procureur
sur la suite donnée à une enquête
Cet
article tend à insérer deux articles dans le code de
procédure pénale, afin de permettre à une personne
placée en garde à vue au cours d'une enquête
préliminaire ou de flagrance d'interroger le procureur sur la suite
donnée à la procédure à l'issue d'un délai
de six mois, si elle n'a pas fait l'objet de poursuites.
Le procureur devrait alors soit classer la procédure, soit engager les
poursuites ou une mesure alternative aux poursuites, soit saisir le
président du tribunal de grande instance s'il estimait que
l'enquête devait se poursuivre. Le président du tribunal devrait
organiser un débat contradictoire, qui pourrait être public si la
personne en faisait la demande et que la publicité n'était pas de
nature à nuire au bon déroulement de l'enquête, à
l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux
intérêts d'un tiers. Le président pourrait ordonner la
prolongation de l'enquête pour six mois ou contraindre le procureur soit
à classer l'affaire soit à engager des poursuites.
L'Assemblée nationale a souhaité mieux encadrer les conditions
dans lesquelles la publicité du débat contradictoire pourra
être refusée. Alors que le texte initial prévoyait que la
publicité pourrait être refusée si elle était de
nature à nuire au bon déroulement de l'enquête,
l'Assemblée nationale a remplacé cette expression par une
référence aux " investigations nécessitées par
l'enquête ". Elle a en outre supprimé la
référence à l'ordre public comme motif permettant de
refuser la publicité du débat.
Votre commission, conformément aux décisions prises
précédemment, vous propose par un
amendement
, que le juge
des libertés soit chargé d'exercer ce contrôle sur la
durée des enquêtes préliminaires. Elle rappelle que le juge
ne sera en aucun cas obligé d'organiser un débat public. Un
débat public systématique pourrait avoir pour effet d'entraver
gravement l'efficacité de la procédure pénale.
Votre commission vous soumet
un amendement
rédactionnel et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 20 bis
(art. 84 du code de procédure
pénale)
Demande de dessaisissement du juge d'instruction
L'article 84 du code de procédure pénale
prévoit notamment que le dessaisissement du juge d'instruction au profit
d'un autre juge d'instruction peut être demandé au
président du tribunal, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice, par requête motivée du procureur de
la République, agissant soit spontanément, soit à la
demande des parties.
En première lecture, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a décidé de
permettre aux parties de saisir directement le président du tribunal de
grande instance d'une demande de dessaisissement du juge d'instruction.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, il
n'est pas certain que les parties soient les mieux à même
d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la
justice qui, seule peut justifier, selon cet article, la demande de
dessaisissement du juge d'instruction. En outre, permettre aux parties de
demander le dessaisissement du juge d'instruction risquerait d'entraîner
une multiplication des demandes susceptible de retarder le déroulement
des informations.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 21
(art. 89-1, 116, 175-1, 186-1
et 207-1
nouveau du code de procédure pénale)
" Contrat de
procédure " et " droit au cri "
Cet
article a pour objet de renforcer le caractère prévisible de la
durée d'une information judiciaire et de limiter cette durée.
• Les
deux premiers paragraphes
tendaient à
prévoir l'obligation pour le juge d'instruction d'informer la partie
civile et la personne mise en examen, lorsqu'il estime que le délai
prévisible de l'achèvement de la procédure est
inférieur à un an, qu'elles pourront à l'issue de ce
délai, demander la clôture de la procédure. En tout
état de cause, la partie civile et la personne mise en examen pourraient
formuler cette demande même si le juge estimait le délai
d'achèvement de la procédure supérieur à un an.
L'Assemblée nationale a modifié en deuxième lecture le
dispositif en prévoyant qu'après un délai de douze mois en
matière correctionnelle et de dix-huit mois en matière
criminelle, la personne pourra demander la transmission du dossier au
président de la chambre d'accusation sans que cette transmission puisse
être refusée.
•
Le paragraphe III
prévoyait dans sa rédaction
initiale, une amélioration des possibilités pour les personnes
mises en examen ou parties civiles de demander la clôture de
l'information. Dans la rédaction initiale du projet de loi, la
clôture de l'information pouvait être demandée au juge
d'instruction après un an d'instruction et éventuellement avant
dans le cas où le juge avait fixé un délai
prévisible d'achèvement de la procédure. La demande
pouvait également être formulée en l'absence d'actes
d'instruction pendant quatre mois. A défaut de réponse, ou en cas
de réponse négative, le texte prévoyait que la personne
pouvait saisir le président de la chambre d'accusation. La personne
pouvait de nouveau demander la clôture de l'information six mois
après la première demande.
En première lecture, le Sénat a accepté ce dispositif tout
en prévoyant que la personne formulant une demande de clôture
pourrait invoquer dans sa demande la possibilité d'une disjonction. En
outre, le Sénat a complété, sur proposition de notre
excellent collègue M. Jean-Jacques Hyest, le dispositif
proposé pour prévoir qu'en tout état de cause, à
l'issue d'une période de deux ans d'instruction, le dossier était
nécessairement transmis au président de la chambre d'accusation,
qui pourrait alors soit renvoyer le dossier au juge d'instruction, soit le
remettre à la chambre d'accusation, afin qu'elle statue sur la suite de
la procédure. La chambre d'accusation aurait pu décider le renvoi
à la juridiction de jugement.
L'Assemblée nationale a entièrement modifié le dispositif,
qu'elle avait pourtant accepté en première lecture. Ainsi, le
nouveau texte proposé pour l'article 175-1 ouvre le droit, non
seulement à la personne mise en examen et à la partie civile,
mais aussi au témoin assisté, de demander après douze mois
d'instruction en matière correctionnelle, et dix huit mois en
matière criminelle,
non pas la clôture de l'information, mais
la transmission du dossier au président de la chambre d'accusation
.
Le juge d'instruction serait tenu de procéder à cette
transmission. Le président de la chambre d'accusation pourrait alors
autoriser le juge à poursuivre l'information pour six mois. Il pourrait
également remettre le dossier au procureur général qui le
soumettrait à la chambre d'accusation. Celle-ci pourrait notamment
ordonner le renvoi devant la juridiction, ou renvoyer le dossier au même
juge d'instruction ou à un autre.
Votre commission considère que le dispositif proposé est trop
contraignant. Il entraînera en effet systématiquement la saisine
du président de la chambre d'accusation au bout d'un an en
matière correctionnelle, ce qui paraît peu souhaitable.
Votre commission estime que le texte qu'elle a adopté en première
lecture prévoyant la possibilité d'une demande de clôture
au bout d'un an et un renvoi automatique du dossier au président de la
chambre d'accusation au bout de deux ans était à la fois
contraignant et réaliste. Le Gouvernement a proposé, devant
l'Assemblée nationale, un amendement très proche de la
rédaction retenue par le Sénat en première lecture.
Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, de
rétablir le texte adopté par le Sénat en première
lecture, tout en le complétant par les propositions faites à
l'Assemblée nationale par le Gouvernement, qui visent notamment à
rappeler, conformément à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en
toute matière, la durée de l'instruction ne peut excéder
un délai raisonnable au regard de la gravité des faits
reprochés à la personne mise en examen, de la complexité
des investigations nécessaires à la manifestation de la
vérité et de l'exercice des droits de la défense.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 21 bis A
(art. 425 et 437 de
la loi
n°66-537 du 24 juillet 1966)
Prescription en
matière d'abus de bien social
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre
collègue M. Michel Charasse, a adopté un amendement
tendant à codifier dans la loi de 1966 sur les sociétés
commerciales la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de
prescription de l'abus de bien social. La Cour de Cassation fait partir du jour
de la constatation des faits dans des conditions permettant l'exercice de
l'action publique le délai de prescription de trois ans prévu en
matière délictuelle. L'amendement de M. Michel Charasse
avait pour objet d'inscrire ce principe dans la loi.
Devant le Sénat, Mme le Garde des sceaux a déclaré :
"
Je ne vois pas l'intérêt de consacrer cette
jurisprudence, d'autant qu'elle ne se limite pas aux délits d'abus de
biens sociaux (...)
".
Singulièrement, devant l'Assemblée nationale, la ministre a
approuvé la suppression de cet article en indiquant : "
Il
n'est absolument pas question pour ce Gouvernement -et j'espère pour
cette majorité- de modifier les règles en matière de
prescription d'abus de bien social, ici ou ailleurs "
.
De même, la rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges a fait valoir : "
Nous regrettons
beaucoup que le Sénat ait désiré, dans ce texte,
créer de nouveaux délais de prescription pour l'abus de bien
social
".
Votre rapporteur veut croire que seule l'ampleur du projet de loi en
discussion a pu susciter un instant d'inattention de la ministre et de la
rapporteuse en ce qui concerne le contenu du texte adopté par le
Sénat, qui tendait à inscrire mot pour mot dans la loi la
jurisprudence de la Cour de cassation.
Votre commission vous propose le
maintien de la suppression
de cet
article.
Article 21 bis B
(art. 432-14 du code
pénal)
Délit de favoritisme
En
première lecture, le Sénat a adopté un amendement
modifiant l'article 432-14 du code pénal, relatif au délit
de favoritisme, pour prévoir que les violations des dispositions du code
des marchés publics ne peuvent donner lieu qu'à
réparations civiles quand elles n'ont pas été commises
intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou
de leurs bénéficiaires.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, le
présent projet de loi ne tend pas à modifier le code
pénal, mais le code de procédure pénale et le
présent article n'a guère sa place dans le texte.
Néanmoins, le problème soulevé est réel. Dans
certaines petites communes, certains élus sont condamnés pour
non-respect des règles posées par le code des marchés
publics, simplement parce que ces règles sont trop complexes.
Le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des
décideurs publics présidé par M. Jean Massot a,
lui aussi, proposé de modifier le délit de favoritisme en faisant
du non-respect des règles d'attribution des marchés une
contravention lorsque sont en cause des marchés peu importants. Il
conviendra donc qu'une réflexion complète soit conduite sur ce
sujet, la solution passant peut-être par une refonte du code des
marchés publics lui-même.
Votre commission vous propose de
maintenir la disjonction
de cet
article.
Article 21 ter
(art. 175-2 nouveau du
code
de procédure pénale)
Information de la partie civile sur
l'avancement de l'instruction
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale en première lecture, tend à prévoir que le juge
d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de
l'instruction. Il a été supprimé par le Sénat en
première lecture et rétabli par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture.
Comme en première lecture, votre commission est sceptique quant à
l'intérêt de cet article. Cette disposition paraît en effet
beaucoup trop générale pour apporter un progrès à
la situation actuelle. En outre, l'avocat d'une partie civile a accès au
dossier de la procédure à tout moment. L'article 21 du
projet de loi permet à la partie civile de demander la clôture de
l'information au bout d'une année, ce qui doit lui permettre d'obtenir
des informations sur l'état de la procédure. Enfin, il serait
singulier de prévoir une information de la partie civile tous les six
mois sans prévoir une disposition identique en faveur de la personne
mise en examen.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 21 quinquies
(art. 215-2
nouveau du
code de procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire
soit audiencée en matière criminelle
Cet
article, déjà adopté dans les mêmes termes par les
deux assemblées, prévoit qu'une personne mise en accusation et
placée en détention provisoire doit comparaître devant la
Cour d'assises dans le délai d'un an à compter de la date
à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu
définitif. La chambre d'accusation pourrait prolonger à deux
reprises l'ordonnance de prise de corps, de sorte que l'accusé serait
remis en liberté s'il ne comparaissait pas devant la Cour d'assises
à l'issue d'un délai maximal de deux ans.
L'Assemblée nationale a modifié, par coordination, cet article en
remplaçant la référence à l'arrêt de mise en
accusation par une référence à la décision de mise
en accusation. Il s'agissait de tenir compte des modifications apportées
à la procédure d'instruction en matière criminelle dans le
cadre de la mise en place d'un appel des décisions de la Cour d'assises.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUDIENCES
Article 21 sexies
(art. L. 311-15-1 nouveau du
code
de
l'organisation judiciaire)
Audiencement
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale
à l'occasion de la première lecture, tend à
compléter le code de l'organisation judiciaire pour prévoir que
"
la composition prévisionnelle des audiences pénales est
déterminée par une commission paritaire composée de
magistrats du siège et du parquet
". Il s'agissait selon la
rapporteuse de la commission des Lois de l'Assemblée nationale de
"
répondre aux dysfonctionnements constatés
"
dans les juridictions.
Actuellement, l'article 398 du code de procédure pénale
prévoit que le nombre et le jour des audiences correctionnelles sont
fixés à la fin de l'année judiciaire pour l'année
judiciaire suivante par une ordonnance du président du tribunal de
grande instance prise après avis de l'assemblée
générale du tribunal. La nature des affaires portées aux
audiences est largement déterminée par le parquet.
En première lecture, le Sénat a supprimé cet article, en
estimant qu'il n'était pas nécessaire de créer, par voie
législative, une commission paritaire afin de développer la
concertation entre magistrats du siège et magistrats du parquet.
L'Assemblée nationale a néanmoins rétabli cette
disposition afin de "
favoriser la concertation et le dialogue entre
les magistrats
". Votre commission persiste à estimer que la
concertation peut être encouragée sans instaurer de nouvelles
procédures contraignantes.
Elle vous propose à nouveau la
suppression
de cet article.
Article 21 septies
(art. 429 du code de
procédure
pénale)
Mention des questions posées lors
des
procès-verbaux d'interrogatoires
En
première lecture, sur proposition de M. Michel Charasse, le
Sénat a décidé de modifier l'article 429 du code de
procédure pénale pour prévoir que le texte des questions
posées au cours d'un interrogatoire doit figurer dans le
procès-verbal.
L'Assemblée nationale a accepté, tout en l'aménageant,
cette disposition, mais l'a inscrite dans la section du projet de loi
consacrée aux "
dispositions renforçant les droits des
parties au cours de l'audience de jugement
"
(article 9 ter A). Elle a en conséquence supprimé
le présent article.
Votre commission vous propose le
maintien de cette suppression
.
Elle vous propose également la
suppression
du présent
chapitre, les deux articles le composant étant eux-mêmes
supprimés.
CHAPITRE III TER
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE
CRIMINELLE
L'instauration d'un recours en matière criminelle a
été la décision la plus importante prise par le
Sénat à propos du présent projet de loi lors de la
première lecture
. Votre rapporteur, lors de la première
lecture, avait en effet estimé que "
le législateur peut
bien renforcer les droits de la défense à l'instruction,
prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la
détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure
pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de
conséquences qu'est l'absence de recours en matière
criminelle
".
Votre commission se félicite que le Sénat ait été
entendu et suivi sur cette question. L'Assemblée nationale a en effet
approuvé la proposition du Sénat d'instaurer un recours contre
une décision de cour d'assises devant une autre cour d'assises,
s'attachant à en préciser utilement les modalités.
Article 21 octies
(art. 231, 296, 298, 359, 360, 362
du
code de procédure pénale)
Composition de la cour
d'assises
L'Assemblée nationale, tout en approuvant le principe du
recours contre les décisions des cours d'assises a adopté
plusieurs articles sur ce sujet.
Le présent article tend pour l'essentiel à différencier de
la composition de la cour d'assises statuant en première instance et
celle de la cour d'assises statuant en appel.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 231 du code de procédure pénale, qui
prévoit que la cour d'assises a plénitude de juridiction pour
juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en
accusation. Il s'agit de prévoir que la cour d'assises a
plénitude de juridiction en premier ressort ou en appel pour juger les
personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en
accusation.
• Le
deuxième paragraphe
tend à modifier
l'article 236 du code de procédure pénale, qui fixe à
neuf le nombre de jurés et définit les règles de
remplacement des jurés.
Le texte proposé prévoit que le jury est composé de
sept jurés
lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et
de
neuf jurés
lorsqu'elle statue en appel. Cette modification,
que le Sénat n'avait pas proposée en première lecture, a
pour objet de répondre à certaines critiques formulées
contre le système de renvoi de l'affaire devant une autre cour d'assises
composée de la même manière que la
précédente. Il paraissait difficile à certains qu'un jury
populaire voit sa décision remise en cause par un autre jury populaire
comportant le même nombre de personnes.
Par ailleurs, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
entré en vigueur à l'égard de la France en 1981,
prévoit que "
toute personne déclarée coupable
d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction
supérieure la déclaration de culpabilité et la
condamnation, conformément à la loi
".
• Le
troisième paragraphe
tend à modifier
l'article 268 du code de procédure pénale, relatif aux
récusations de jurés. Actuellement, l'accusé ne peut
récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de
quatre. Ces règles seraient maintenues en appel où le nombre de
jurés serait de neuf comme actuellement. En revanche, le texte
prévoit que lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et
qu'elle ne comporte donc que sept jurés, l'accusé ne peut en
récuser plus de trois et le ministère public plus de deux.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier
l'article 359 du code de procédure pénale, relatif aux
règles de majorité applicables pour les
délibérations de la cour d'assises. Actuellement, les
décisions défavorables à l'accusé doivent
être prises à la majorité de huit voix sur douze. Cette
règle serait maintenue lorsque la cour d'assises statue en appel. En
premier ressort, la majorité requise pour prendre une décision
défavorable à l'accusé serait de sept voix sur dix.
• Le
cinquième paragraphe
tend à opérer
une coordination dans l'article 360 du code de procédure
pénale, qui prévoit que la déclaration de la cour,
lorsqu'elle est affirmative, doit constater que la majorité requise a
été atteinte.
• Le
sixième paragraphe
tend à modifier
l'article 362 du code de procédure pénale, qui
prévoit notamment les règles de majorité applicables
lorsque la cour d'assises statue sur la peine. Le texte prévoit
notamment que le maximum de la peine privative de liberté encourue ne
peut être prononcé qu'à la
majorité de huit voix
sur douze
au moins. Cette règle serait conservée lorsque la
cour d'assises statue en appel ; en revanche, la majorité
nécessaire serait de
sept voix sur dix
lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort.
Votre commission, après en avoir longuement
délibéré, a décidé
d'écarter la
fixation d'un nombre de jurés différent en premier ressort et en
appel
. Certes, cette proposition peut paraître juridiquement plus
solide que le maintien du nombre actuel de jurés dans tous les cas. En
effet, si une décision d'appel devait être très
différente de la décision prise en premier ressort, il
paraîtrait souhaitable que la cour d'assises d'appel soit composée
de telle manière que sa décision ait une autorité
supérieure à la décision de la cour d'assises de premier
ressort.
Cependant, l'abaissement du nombre de jurés lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort aurait pour effet de diminuer le " poids "
du jury populaire au sein de la cour d'assises. Votre commission n'a pas
souhaité une telle évolution. Elle proposera, dans l'article
suivant, que la supériorité de la juridiction d'appel soit
obtenue en prévoyant que la cour d'assises d'appel sera
nécessairement présidée par un président de chambre
de la cour d'appel.
Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, la suppression
des paragraphes II à VI de cet article, relatifs au changement du
nombre de jurés.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après l'article 21
octies
(art.
244 du code de procédure pénale)
Présidence de la
cour d'assises statuant en appel
Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de jurés au sein de la cour d'assises, que celle-ci statue en premier ressort ou en appel, elle vous propose, par un article additionnel, afin de donner à la décision de la cour d'assises statuant en appel une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises appelée à statuer en premier ressort, que la cour d'assises d'appel soit nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel. Actuellement, en effet, aux termes de l'article 244 du code de procédure pénale, la cour d'assises est présidée par un président de chambre ou par un conseiller de la cour d'appel.
Article 21 nonies A
(art. 349-1 nouveau, 356, 361-1
nouveau
du code de procédure pénale)
Questions relatives
à l'irresponsabilité pénale de l'accusé
Cet
article tend à préciser les conditions dans lesquelles la cour
d'assises est conduite à se prononcer sur l'irresponsabilité
pénale d'un accusé.
• Le
premier paragraphe
tend à insérer dans le
code de procédure pénale un article 349-1. Le texte
proposé pour cet article prévoit que lorsque l'existence d'une
cause d'irresponsabilité (trouble psychique, personne sous l'empire
d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister, acte prescrit
par la loi, légitime défense...) est invoquée comme moyen
de défense, chaque fait spécifié dans le dispositif de la
décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions distinctes.
La première a pour objet de
savoir si l'accusé a commis le
fait
en question. La seconde a pour objet de
savoir s'il
bénéficie pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité
pénale
. Avec l'accord des parties, le président pourrait ne
poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité
prévue pour l'ensemble des faits reprochés à
l'accusé.
Ce dispositif doit permettre d'améliorer la situation actuelle. En
effet, aucune question n'est actuellement posée en ce qui concerne la
reconnaissance d'une cause d'irresponsabilité.
Dans ces conditions, lorsqu'une cour d'assises estime qu'il existe une cause
d'irresponsabilité de l'accusé, elle se contente de
répondre "
non
" à la question sur la
culpabilité, ce qui est pour le moins réducteur. Il est
souhaitable que la cour réponde d'abord à la question de la
commission des faits pour se prononcer ensuite sur l'irresponsabilité
éventuelle.
• Le
deuxième paragraphe
tend à opérer une
coordination dans l'article 365 du code de procédure pénale,
relatif au vote de la cour et du jury.
• Le
troisième paragraphe
tend à
insérer dans le code de procédure pénale un
article 361-1, pour prévoir que, en cas de réponse positive
aux questions posées sur l'éventuelle irresponsabilité
pénale de l'accusé, la cour d'assises déclare celui-ci non
coupable.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 21 nonies B
(art. 380-1 à 380-14
nouveaux
du code de procédure pénale)
Recours contre les
décisions rendues par la cour d'assises
Cet
article tend à instaurer un recours contre les décisions rendues
par les cours d'assises. Il s'agit d'insérer un chapitre VIII
relatif à
l'appel des décisions rendues par la cour d'assises
en premier ressort
dans le titre premier (De la cour d'assises) du livre
deuxième (Des juridictions de jugement) du code de procédure
pénale. Ce chapitre comporterait quatorze articles
numérotés 380-1 à 380-14.
La première section de ce chapitre comporte des
dispositions
générales
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-1 du code de
procédure pénale
pose le principe de l'appel contre les
arrêts de condamnation
rendus par la cour d'assises. Il
prévoit que l'affaire est portée devant une autre cour d'assises
désignée par le président de la chambre criminelle de la
cour de cassation.
Les principes définis par le Sénat en première lecture
ont donc été approuvés par l'Assemblée nationale.
Seuls les arrêts de condamnation peuvent donner lieu à appel, les
décisions d'acquittement étant insusceptibles de recours.
• Le texte proposé pour l'
article 380-2 du code de
procédure pénale
pose un principe selon lequel la
faculté d'appeler n'appartiendrait qu'à l'accusé. En cas
d'appel de l'accusé la faculté d'appeler appartiendrait
également :
- au procureur de la République ou au procureur
général près la cour d'appel ;
- à la personne civilement responsable quant aux
intérêts civils seulement ;
- à la partie civile, quant à ses intérêts
civils seulement ;
- aux administrations publiques, dans le cas où celles-ci exercent
l'action publique.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'apporter des
modifications importantes au texte proposé. Votre commission estime
nécessaire de prévoir une possibilité d'appel du
ministère public.
Autant il paraît souhaitable qu'une décision d'acquittement
prononcée par un jury populaire ne puisse être remise en cause,
autant il peut paraître logique que la contestation relative au quantum
de la peine appartienne au ministère public dès lors qu'elle
appartient à l'accusé.
Dans certaines situations, l'appel du procureur pourrait s'avérer
indispensable.
Ainsi, dans un procès comportant plusieurs
accusés, si certains d'entre eux seulement font appel, il peut
paraître souhaitable que le procureur fasse appel, afin que l'ensemble de
l'affaire puisse être réexaminée. Dans le cas contraire,
les débats d'appel risqueraient d'être tronqués, ne
permettant pas dans ces conditions l'émergence de la
vérité
. Il est en effet tout à fait imaginable qu'un
coaccusé n'ayant pas fait appel, entendu comme témoin par la cour
d'assises d'appel, fasse des déclarations très différentes
de celles qu'il avait faites devant la première cour d'assises.
Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire que la
victime
puisse faire appel de la décision sur l'action civile, en
l'absence même de tout appel de l'accusé ou du ministère
public. En première lecture, le Sénat a certes proposé que
l'appel de la partie civile ne soit qu'incident. Il lui apparaît,
à la réflexion, que, dès lors qu'est instauré un
appel en matière criminelle, la victime doit pouvoir en
bénéficier.
• Le texte proposé pour l'
article 380-3 du code de
procédure pénale
prévoit que la cour d'assises
statuant en appel ne peut aggraver, sur son seul appel, le sort de
l'accusé. Il s'agit d'un principe général,
déjà posé par l'article 515 du code de
procédure pénale en matière correctionnelle.
• Le texte proposé pour l'
article 380-4 du code de
procédure pénale
prévoit qu'il est sursis à
l'exécution de l'arrêt sur l'action publique pendant les
délais d'appel et durant l'instance d'appel. L'ordonnance de prise en
corps continuerait cependant à produire ses effets à l'encontre
d'une personne condamnée à une peine privative de liberté.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'insérer un
article additionnel après l'article 380-4 du code de procédure
pénale, pour prévoir qu'en cas d'appel portant exclusivement sur
l'action civile, l'appel est examiné par la chambre des appels
correctionnels. Cette disposition, qui figurait dans le projet de loi portant
réforme de la procédure criminelle, présenté en
1996 par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, permettra d'éviter
l'organisation d'un nouveau procès d'assises lorsque seuls les
intérêts civils font l'objet d'un appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-5 du code de
procédure pénale
prévoit que le sort de l'appelant ne
peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la
partie civile, être aggravé. Le même principe est
posé en matière correctionnelle par l'article 515 du code de
procédure pénale.
Le texte proposé prévoit en outre que la partie civile ne peut,
en cause d'appel, former aucune demande nouvelle, mais qu'elle peut demander
une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice
souffert depuis la première décision.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, qu'il soit
précisé dans cet article que la partie civile, même en
l'absence d'appel de la décision sur l'action civile, peut exercer
devant la cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la
partie civile. Elle pourrait en outre demander des dommages et
intérêts pour le préjudice souffert depuis la
première décision ainsi que le remboursement des frais d'avocat.
Il paraît normal que la partie civile puisse présenter ses
observations au cours du procès d'appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-6 du code de
procédure pénale
prévoit qu'il est sursis à
l'exécution de l'arrêt sur l'action civile pendant les
délais d'appel et durant l'instance d'appel. Néanmoins, la cour
pourrait ordonner l'exécution provisoire de sa décision selon le
texte proposé à l'article 21 decies du projet de loi
pour l'article 374 du code de procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 380-7 du code de
procédure pénale
prévoit que lorsque la cour d'assises
statuant en premier ressort sur l'action civile a ordonné le versement
provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts
alloués, l'exécution provisoire peut être
arrêtée par le premier président de la cour d'appel
statuant en référé si elle risque d'entraîner des
conséquences manifestement excessives. Le président de la cour
d'appel pourrait subordonner la suspension de l'exécution provisoire
à la constitution d'une garantie.
Par ailleurs, le président de la cour d'appel, en cas d'appel contre la
décision de la cour d'assises, pourrait, en statuant en
référé, accorder l'exécution provisoire lorsque
celle-ci a été refusée par la cour d'assises statuant en
premier ressort sur l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire
n'a pas été demandée à la cour d'assises ou
celle-ci a omis de statuer. Ce régime est celui, actuellement
prévu en matière correctionnelle par l'article 515-1 du code
de procédure pénale.
Pour l'application de cet article, serait compétent le premier
président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la
cour d'assises désignée pour connaître de l'affaire en
appel. Votre commission soumet un
amendement
tendant à rectifier
une erreur matérielle.
La seconde section du nouveau chapitre du code de procédure
pénale que tend à insérer le présent article
concerne les
délais et formes de l'appel
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-8 du code de
procédure pénale
prévoit que l'appel est
interjeté dans le délai de dix jours à compter du
prononcé de l'arrêt.
Le texte prévoit également que le délai ne court
qu'à compter de la signification de l'arrêt pour la partie qui
n'était pas présente ou représentée à
l'audience où le jugement a été prononcé, mais
seulement dans le cas où elle-même ou son représentant
n'auraient pas été informés du jour où
l'arrêt serait prononcé.
• Le texte proposé pour l'
article 380-9 du code de
procédure pénale
donne un délai supplémentaire
de cinq jours aux autres parties lorsque l'accusé a fait appel pendant
le délai de dix jours prévu dans le texte proposé pour
l'article 380-8 du code de procédure pénale.
Votre commission vous soumet un
amendement
destiné à
prendre en compte le fait que le ministère public et la victime
pourront, hors les cas d'acquittement, interjeter appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-10 du code de
procédure pénale
permet à l'accusé de se
désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le
président lors du procès d'appel. Ce désistement rendrait
caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les
autres parties.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'apporter dans cet
article une précision indispensable. Il est souhaitable que l'appel
puisse être considéré caduc si l'accusé prend la
fuite entre la décision de première instance et le procès
d'appel. Dans le cas contraire, la personne ne pourrait jamais être
jugée définitivement.
• Le texte proposé pour l'
article 380-11 du code de
procédure pénale
concerne les formes de l'appel. La
déclaration devrait être faite au greffe de la cour d'assises
ayant rendu la décision attaquée. Elle devrait être
signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un avocat,
par un avoué près la cour d'appel ou par un fondé de
pouvoir spécial. Ces formalités sont les mêmes que celles
prévues en matière correctionnelle par l'article 502 du code
de procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 380-12 du code de
procédure pénale
prévoit que l'appel peut être
fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de
l'administration pénitentiaire lorsque l'appelant est détenu.
La troisième section du nouveau chapitre du code de procédure
pénale serait consacrée à la
désignation de la
cour d'assises statuant en appel
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-13 du code de
procédure pénale
prévoit que, dès
l'enregistrement de l'appel, la décision attaquée et, le cas
échéant, le dossier de la procédure sont adressés
au greffe de la chambre criminelle de la cour de cassation par le
ministère public, avec ses observations éventuelles. Le
président de la chambre criminelle de la cour de cassation devrait
désigner dans le mois suivant la réception de l'appel la cour
d'assises chargée de statuer en appel.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
prévoir que la décision sera prise par la chambre criminelle
elle-même, après qu'elle aura recueilli les observations
écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats.
Il convient d'éviter que la décision de désignation de la
cour d'assises d'appel puisse être critiquée comme émanant
d'une personne seule.
Votre commission vous soumet en outre un
amendement
destiné
à prendre en compte la situation particulière des
départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et de la
Polynésie française. Ces territoires ne comptent qu'une cour
d'assises et il est souhaitable de prévoir que la même cour
d'assises, composée différemment, pourra juger les affaires en
appel, faute de quoi le procès devrait se tenir dans un autre
territoire, ce qui impliquerait des modalités d'organisation très
complexes. Le même régime doit naturellement être
prévu pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui disposent d'une
juridiction spécifique, la cour criminelle à Mayotte et le
tribunal criminel à Saint-Pierre-et-Miquelon.
• Le texte proposé pour l'
article 380-14 du code de
procédure pénale
prévoit que le président de la
chambre criminelle de la cour de cassation dit qu'il n'y a pas lieu à la
désignation d'une cour d'assises d'appel lorsque l'appel n'a pas
été formé dans les délais prévus par la loi
ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel. Votre commission
vous soumet un
amendement
de coordination.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21 nonies
(art. 181, 186, 186-2 nouveau, 214,
215,
215-1,
272, 272-1 nouveau du code de procédure
pénale)
Mise en accusation
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en
première lecture, tend à mettre fin à l'examen obligatoire
du dossier par la chambre d'accusation en matière criminelle. Cet examen
obligatoire du dossier par la chambre d'accusation, seule compétente
pour ordonner la mise en accusation d'une personne devant la cour d'assises,
présente en effet moins d'intérêt dès lors qu'est
instauré un double degré de juridiction.
Le texte a été modifié par l'Assemblée nationale,
qui n'en a cependant pas changé l'esprit.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 181 du code de procédure pénale, qui
prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le juge d'instruction,
lorsqu'il estime que les faits constituent un crime, ordonne la transmission du
dossier de la procédure au procureur général près
la cour d'appel, lequel doit saisir la chambre d'accusation.
Le texte proposé pour l'article 181 donne au
juge
d'instruction
le pouvoir d'
ordonner lui-même la mise en accusation
devant la cour d'assises
lorsqu'il estime que les faits retenus à la
charge des personnes mises en examen constituent des crimes.
L'ordonnance de mise en accusation devrait contenir l'exposé et la
qualification légale des faits et préciser l'identité de
l'accusé. Une fois définitive, cette ordonnance couvrirait les
vices de la procédure.
Le texte prévoit que le mandat d'arrêt ou de dépôt
délivré contre l'accusé au cours de l'information conserve
sa force exécutoire jusqu'à la comparution devant la cour
d'assises, sous réserve des délais d'audiencement que le
présent projet de loi tend à instituer dans son
article 21 quinquies.
Votre commission vous soumet un
amendement
de supression de cette
précision. En effet, le texte proposé prévoit que
l'ordonnance de mise en accusation ordonne prise de corps contre
l'accusé. Dans ces conditions, l'ordonnance de prise de corps se
substituera au mandat d'arrêt ou de dépôt qui n'a donc pas
à organiser sa force exécutoire.
Le texte prévoit également que l'ordonnance de mise en accusation
met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire
des personnes renvoyées devant la cour d'assises pour des délits
connexes aux faits reprochés aux accusés. Tel est
déjà le cas de l'arrêt de mise en accusation de la chambre
d'accusation. Néanmoins, le juge d'instruction pourrait maintenir en
détention ou sous contrôle judiciaire les personnes
concernées, notamment pour éviter une pression sur les
témoins, conformément aux règles posées par
l'article 179 du code de procédure pénale.
L'ordonnance serait transmise avec le dossier au procureur de la
République, qui serait tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la
cour d'assises.
• Le
deuxième paragraphe
tend à faire figurer
l'ordonnance de mise en accusation parmi celles dont la personne mise en examen
peut faire appel devant la chambre d'accusation.
• Le
troisième paragraphe
tend à
insérer, dans le code de procédure pénale, un
article 186-2 pour prévoir que la chambre d'accusation doit statuer
dans les quatre mois en cas d'appel contre une ordonnance de mise en
accusation, faute de quoi la personne, si elle est détenue, est remise
en liberté.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier
l'article 214 du code de procédure pénale qui prévoit
que la chambre d'accusation prononce la mise en accusation devant la cour
d'assises lorsque les faits retenus à la charge des personnes
constituent une infraction qualifiée crime par la loi. Il s'agit de
supprimer la disposition de cet article qui prévoit que la chambre
d'accusation statue par un arrêt rendu dans les deux mois de l'ordonnance
de transmission des pièces. Dorénavant, la chambre d'accusation
statuera en cas d'appel de l'ordonnance de mise en accusation du juge
d'instruction et disposera d'un délai de quatre mois pour se prononcer,
conformément au texte proposé pour le nouvel article 186-2.
• Le
cinquième paragraphe
concerne le contenu de
l'arrêt de mise en accusation que pourrait prendre la chambre
d'accusation saisie d'un appel contre l'ordonnance de mise en accusation du
juge d'instruction. Cet arrêt devrait contenir l'exposé et la
qualification légale des faits. Il décernerait ordonnance de
prise de corps contre l'accusé et contre les personnes renvoyées
pour délit connexe devant la cour d'assises.
• Le
sixième paragraphe
tend à supprimer,
conformément à la décision prise par le Sénat en
première lecture, l'article 215-1 du code de procédure
pénale, qui prévoit l'obligation pour l'accusé de se
constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience de la cour d'assises.
• Le
septième paragraphe
tend à
opérer une coordination dans l'article 272 du code de
procédure pénale relatif à l'interrogatoire que fait subir
le président de la cour d'assises à l'accusé dans le plus
bref délai après l'arrivée de ce dernier à la
maison d'arrêt. Il s'agit de tenir compte du fait que l'accusé ne
serait plus tenu de se constituer prisonnier la veille de l'audience.
• Le
huitième paragraphe
tend à insérer
dans le code de procédure pénale un article 272-1 pour tenir
compte du fait que l'accusé ne sera plus contraint de se constituer
prisonnier la veille de l'audience. Le texte proposé prévoit que
le président de la cour d'assises fixe un jour pour interroger
l'accusé. Si l'accusé ne se présentait pas, le
président pourrait mettre à exécution l'ordonnance de
prise de corps.
Il en irait de même, y compris pendant le déroulement de
l'audience de la cour d'assises, si l'accusé se soustrayait aux
obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaissait que sa
détention était l'unique moyen d'assurer sa présence lors
des débats ou du prononcé de l'arrêt. La personne pourrait,
à tout moment, demander sa mise en liberté devant la cour.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, de préciser
que, au cours de l'audience, la mise à exécution de l'ordonnance
de prise de corps est décidée par la cour et non par le seul
président. Il convient en outre que cette décision, soit prise
sur réquisitions du procureur ;. Il ne paraît en effet pas
souhaitable que le président prenne cette décision de sa propre
initiative. Enfin, il paraît nécessaire que l'incarcération
puisse être ordonnée non seulement en cas de violation du
contrôle judiciaire ou de risque de fuite, mais aussi en cas de pression
sur les témoins ou les victimes. L'amendement tend également
à permettre à la cour d'ordonner, si nécessaire, le
placement de l'accusé sous contrôle judiciaire au début de
l'audience.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
Article 21 decies A
Transformation de la chambre
d'accusation
en chambre d'appel de l'instruction
Pour
tenir compte du fait que la mise en accusation relèvera, après
l'adoption du présent projet de loi, de la compétence du juge
d'instruction et non plus de celle de la chambre d'accusation,
l'Assemblée nationale a décidé de donner à cette
dernière l'appellation de
chambre d'appel de l'instruction
.
En 1995, la mission d'information de votre commission des Lois sur la
présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de
l'instruction avait formulé de nombreuses propositions destinées
à renforcer le rôle de la chambre d'accusation en particulier
l'ouverture de fenêtres de publicité au cours de
l'instruction
6(
*
)
. Elle avait souhaité que
ce nouveau rôle de la chambre d'accusation appelée à
devenir "
une véritable chambre régulatrice et un organe
de transparence de l'instruction
" s'accompagne d'une modification de
son appellation et avait proposé de l'appeler chambre de l'instruction.
La chambre d'accusation est davantage qu'une chambre d'appel. Elle est la
juridiction de contrôle de l'instruction, notamment par
l'intermédiaire de son président. Elle est appelée
à intervenir lorsque le juge d'instruction ne répond pas à
des demandes des parties, elle peut dans certains cas évoquer l'affaire
elle-même.
Surtout, elle est appelée à examiner les requêtes
concernant les nullités éventuelles de la procédure et ne
statue pas, dans ce cas, en tant que chambre d'appel.
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
,
de retenir la dénomination de
chambre de l'instruction
.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21 decies B
(art. 183 du code de
procédure
pénale)
Notification
L'article 183 du code de procédure pénale
concerne les règles de notification de certains actes, en particulier
les ordonnances de règlement et les ordonnances de renvoi ou de
transmission des pièces au procureur général. Le
présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, a pour objet de remplacer la
référence à l'ordonnance de transmission des pièces
au procureur général par une référence à
l'ordonnance de mise en accusation conformément aux décisions
prises à l'article 21 nonies.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 21 decies
(art. 367 et 374 du code de
procédure pénale)
Mandat de dépôt
décerné par une cour d'assises
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre
collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a adopté un amendement
modifiant l'article 362 du code de procédure pénale pour
permettre à la cour d'assises, s'il a été fait droit
à une demande de mise en liberté formée par un
accusé, de décerner contre lui mandat de dépôt
lorsqu'elle prononce à son encontre une peine d'emprisonnement sans
sursis.
L'Assemblée nationale a adopté un dispositif différent.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 367 du code de procédure pénale. Dans sa
rédaction actuelle, cet article prévoit que si l'accusé
est exempté de peine ou acquitté, il est immédiatement
remis en liberté s'il n'est retenu pour autre cause. L'Assemblée
nationale a complété ce dispositif pour prévoir que
l'accusé doit également être remis en liberté
lorsqu'il est condamné à une peine ferme autre qu'une peine
privative de liberté ou lorsqu'il est condamné à une peine
ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire.
L'Assemblée nationale a complété l'article 367 par
trois nouveaux alinéas.
Le texte prévoit ainsi que, dans les autres cas que ceux visés
précédemment, l'ordonnance de prise de corps est mise à
exécution ou continue de produire ses effets jusqu'à ce que la
durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée.
L'Assemblée nationale a en outre prévu que l'accusé doit
être
remis en liberté si la cour d'assises saisie en appel n'a
pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration d'un
délai d'un an à compter de la date à laquelle a
été interjeté l'appel
. Votre commission
considère qu'une telle disposition n'est guère prudente. Les
cours d'assises sont actuellement surchargées et il ne paraît
guère raisonnable de prévoir que les appels devront être
examinés dans le délai d'un an. En outre, des précautions
sont prises par le projet de loi : l'accusé sera
libéré si la peine prononcée est couverte par la
durée de détention provisoire déjà accomplie, aucun
appel ne sera possible en cas d'acquittement. Dans ces conditions, votre
commission vous propose, par un
amendement
, que la chambre d'accusation
puisse prolonger à deux reprises, pendant six mois, le délai
d'un an prévu par le présent article. Un
dispositif identique
a déjà été adopté dans les mêmes
termes par les deux assemblées en ce qui concerne les délais
d'audiencement devant la cour d'assises statuant en premier ressort
. Votre
commission propose en outre que le délai d'un an parte à compter
de la désignation de la cour d'assises d'appel et non à compter
de la décision de la première cour d'assises.
Le texte proposé pour l'article 367 prévoit la
possibilité pour la cour d'assises de décider la mise à
exécution de l'ordonnance de prise de corps contre la personne
renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au
moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est
supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et que les
circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de
sûreté.
Enfin, le texte proposé permet à la cour d'assises de
déclarer exécutoires par provision certaines sanctions
pénales telles que la suspension de permis de conduire, la confiscation
des armes, le travail d'intérêt général.
• Le
second paragraphe
tend à rétablir
l'article 374 du code de procédure pénale pour
prévoir que la cour d'assises peut ordonner l'exécution
provisoire de sa décision, si celle-ci a été
demandée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
Article 21 undecies A
(art. 9 et 24 de l'ordonnance
n° 45-174 du 2 février 1945)
Application aux
mineurs du recours en matière criminelle
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à opérer
des coordinations dans l'ordonnance n° 45-174 du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour
tenir compte de l'instauration d'un recours en matière criminelle.
Il s'agit principalement de compléter l'article 24 de l'ordonnance,
qui énumère les dispositions du code de procédure
pénale applicables aux mineurs pour prévoir que l'ensemble des
règles sur l'appel résultant des dispositions du code de
procédure pénale sont applicables aux jugements du juge des
enfants et du tribunal pour enfants et aux arrêts de la cour d'assises
des mineurs rendus en premier ressort.
Il s'agit en outre de tenir compte, dans l'article 9 de l'ordonnance de
1945, du fait que le juge d'instruction exercera à l'avenir les
compétences de la chambre d'accusation en matière de mise en
accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
CHAPITRE III QUINQUIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DEMANDES DE REVISION
Article 21 terdecies
(art. 622 du code de
procédure
pénale)
Révision après une condamnation de la
France
par la Cour européenne des droits de l'homme
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la deuxième lecture, à l'initiative de M. Jack Lang, a
pour objet de prévoir un nouveau cas de révision des
décisions pénales en cas de condamnation de la France par la Cour
européenne des droits de l'homme.
Le contrôle exercé par la Cour européenne des droits de
l'homme sur le respect par les Etats membres du Conseil de l'Europe des
principes posés par la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales a pris une importance
croissante au cours des dernières années.
La France se conforme aux principes posés par la Convention
européenne et tire les conséquences des condamnations qu'elle
subit au titre de la violation de cette convention, notamment en accordant une
compensation pécuniaire à la personne dont les
intérêts ont été lésés par la
violation de la Convention. En outre, de nombreuses modifications de notre
législation ont eu pour origine la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme.
Cependant, le droit français ne permet pas le réexamen d'une
affaire à la suite d'une condamnation par la Cour européenne des
droits de l'homme.
Dans une recommandation du 19 janvier 2000, le comité des
ministres du Conseil de l'Europe a encouragé les Etats membres
"
à examiner leurs systèmes juridiques nationaux en vue
d'assurer qu'il existe des possibilités appropriées pour le
réexamen d'une affaire, y compris la réouverture d'une
procédure, dans les cas où la Cour a constaté une
violation de la Convention, en particulier lorsque :
" (i) la partie lésée continue de souffrir des
conséquences négatives très graves à la suite de la
décision nationale, conséquences qui ne peuvent être
effacées par la satisfaction équitable et qui ne peuvent
être modifiées que par le réexamen ou la
réouverture, et
" (ii) il résulte de l'arrêt de la Cour que :
" (a) la décision interne attaquée est contraire sur le
fond à la Convention, ou
" (b) la violation constatée est causée par des erreurs ou
des défaillances de procédure d'une gravité telle qu'un
doute sérieux est jeté sur le résultat de la
procédure interne attaquée
".
Au cours de la discussion du présent projet de loi en deuxième
lecture à l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté un
amendement faisant d'une condamnation de la France par la Cour
européenne des droits de l'homme un nouveau cas de révision d'une
affaire pénale.
Rappelons qu'actuellement l'article 622 du code de procédure
pénale prévoit la possibilité de demander la
révision d'une décision pénale définitive lorsque
des pièces propres à faire naître des indices sur
l'existence de la victime de l'homicide pour lequel une personne a
été condamnée sont produites, lorsque, par un nouvel
arrêt ou jugement, un autre accusé ou prévenu a
été condamné pour les mêmes faits et que les deux
condamnations ne peuvent se concilier, lorsqu'un témoin a
été condamné, après le procès, pour faux
témoignage contre l'accusé ou le prévenu, enfin lorsqu'un
fait nouveau est de nature à faire naître un doute sur la
culpabilité du condamné.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit qu'une
demande en révision pourra être formée après un
arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant une
violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, "
lorsque la condamnation
continue de produire ses effets et qu'une réparation équitable du
préjudice causé par cette violation ne peut être obtenue
que par la voie de la révision
".
Votre commission estime souhaitable que, dans certains cas, les condamnations
prononcées contre la France par la Cour européenne des droits de
l'homme puissent conduire à une révision de la décision.
Elle estime toutefois que le critère de la continuation des effets de la
condamnation n'est pas le plus adapté.
Par un
amendement
, votre commission propose que la révision soit
possible lorsque la violation de la convention a été de nature
à modifier la décision devenue définitive dans un sens
défavorable au prévenu ou à l'accusé. Votre
commission propose, en outre, que les violations concernant les conditions dans
lesquelles a été examiné un pourvoi en cassation ne
permettent qu'une demande de réexamen de ce pourvoi. Il n'existe en
effet aucune raison, dans un tel cas, que le procès doive être
entièrement recommencé.
Enfin, votre commission propose que la demande de révision soit
formulée dans le délai d'un an suivant la condamnation par la
Cour européenne des droits de l'homme, afin d'éviter le
prolongement d'une incertitude juridique.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION
Article additionnel avant
l'article 22 A
(art.
14, 26, 27, 30, 32, 33, 36 et 37 de
la loi du
29 juillet 1881)
Suppression des peines de prison
en
matière de délits de presse
Par un
article additionnel, votre commission propose de supprimer la plupart des
peines de prison prévues par la loi du 29 juillet 1881
relative à la liberté de la presse.
La loi du 29 juillet 1881 est une loi très protectrice de la
liberté de la presse, mais qui, plus de cent ans après son
adoption, comporte des dispositions obsolètes. Les peines de prison
prévues par cette loi ne sont qu'exceptionnellement prononcées et
ne présenteraient guère d'inconvénients si de nombreux
Etats ne s'étaient pas inspirés de la législation
française pour définir leurs propres règles en
matière de liberté de la presse. Il semble que, dans certains
Etats, les journalistes soient fréquemment emprisonnés à
cause de leurs prises de position. Les responsables de ces Etats font parfois
remarquer que leur législation ressemble en tous points à la
législation française.
Votre commission a estimé qu'il était temps de mettre fin
à un archaïsme de la loi du 29 juillet 1881. Elle vous
propose donc la suppression des peines d'emprisonnement pour les délits
suivants :
- la violation de l'interdiction de circulation, distribution ou mise en
vente en France des journaux ou écrits, rédigés en langue
étrangère ; la violation de la même interdiction
prononcée à l'encontre des journaux et écrits de
provenance étrangère rédigés en langue
française (article 14 de la loi du 29 juillet 1881) ;
- l'offense au Président de la République ou à celui
qui en exerce les prérogatives (article 26) ;
- la publication, la diffusion ou la reproduction de fausse nouvelle faite
de mauvaise foi et qui trouble la paix publique ou est susceptible de la
troubler (article 27) ;
- la diffamation envers les cours, les tribunaux, les armées, les
corps constitués et les administrations publiques
(article 30) ;
- la diffamation envers les ministres, les parlementaires, les
fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l'autorité
publique, les ministres des cultes... (article 31) ;
- la diffamation envers les particuliers (article 32) ;
- l'injure contre les corps et personnes désignés aux
articles 30 et 31 (article 33) ;
- les diffamations et injures contre la mémoire des morts dans le
cas où leurs auteurs ont eu l'intention de porter atteinte à
l'honneur ou à la considération des héritiers,
légataires, époux ;
- l'offense commise envers les chefs d'Etat étrangers et les
ministres des affaires étrangères d'un Gouvernement
étranger (article 36) ;
- l'outrage commis publiquement envers les ambassades et ministres
plénipotentiaires... (article 37).
En revanche, votre commission propose de
maintenir les peines
d'emprisonnement dans les cas de provocation à commettre des infractions
graves ou de provocation à la haine raciale
(article 24 de la
loi du 29 juillet 1881) ainsi qu'en cas
d'injure à raison
de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou
une religion
(article 33).
Par le présent article, votre commission souhaite participer à la
fois à la défense de la liberté de la presse en France et
dans le monde et mettre un frein, partout où cela est possible, à
la pénalisation excessive de notre société.
Article 22 A
(art. 9-1 du code civil)
Actions
aux
fins de faire cesser une atteinte
à la présomption
d'innocence
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 9-1 du code civil permet à une
personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet
d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire
du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de
partie civile, de saisir le juge lorsqu'elle est, avant toute condamnation,
présentée publiquement comme étant coupable de faits
faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.
Dans un tel cas, le juge peut, même en référé,
ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un
communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence aux frais de la personne physique ou morale
responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence.
En première lecture, le Sénat a souhaité étendre la
protection de l'article 9-1 du code civil à toutes les
personnes
présentées publiquement comme coupables de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire
. Il s'agissait en fait
d'un retour au texte de la loi du 4 janvier 1993
proposé
par la commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche.
L'Assemblée nationale a refusé cette modification et a simplement
ajouté le témoin assisté à la liste des personnes
pouvant bénéficier de la protection de l'article 9-1 du code
civil.
Votre commission vous propose, à nouveau, par un
amendement
,
d'élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil
à l'ensemble des personnes présentées publiquement encore
coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction
judiciaire. Elle estime en effet que la présomption d'innocence doit
protéger l'ensemble de nos concitoyens tant que n'est pas intervenue une
condamnation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 22
(art. 35 ter de la loi du 29 juillet
1881)
Interdiction de la publication de l'image de personnes
menottées
Interdiction des sondages sur la culpabilité d'une
personne
Cet
article tend à punir d'une peine de 100.000 F d'amende le fait de
diffuser l'image d'une personne identifiée ou identifiable, n'ayant pas
fait l'objet d'un jugement de condamnation, faisant apparaître que cette
personne porte des menottes ou des entraves.
La rédaction ou la publication de sondages d'opinion portant sur la
culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une
procédure pénale ou sur les peines susceptibles d'être
prononcées serait punie des mêmes peines.
En première lecture, le Sénat a apporté à cet
article, sur proposition de M. Louis de Broissia, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, un certain nombre
d'améliorations. Il a notamment décidé d'inclure parmi les
comportements punissables le fait de publier des indications permettant d'avoir
accès à des sondages ou consultations. Il a en outre
souhaité que soit également réprimée la publication
d'images de personnes placées en détention provisoire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
d'insérer cet article dans la loi de 1881 relative à la
liberté de la presse plutôt que dans le code pénal, ce dont
le Sénat ne peut que se féliciter, puisqu'il a lui-même
proposé, en première lecture, l'insertion dans la loi de 1881 de
dispositions que le Gouvernement entendait faire figurer dans le code
pénal.
L'Assemblée nationale a surtout prévu que la diffusion de l'image
de personnes portant des menottes ou des entraves ne soit pénalement
punissable que si elle est réalisée
sans l'accord de
l'intéressé
.
Elle a enfin refusé d'étendre l'application de cet article aux
images de personnes placées en détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 25
(art. 11, 145, 177-1, 199 et 212-1 du code
de
procédure pénale)
Communiqués du parquet -
Fenêtres de communication
Cet
article tend, d'une part, à consacrer la pratique des communiqués
du parquet dans l'article 11 du code de procédure pénale,
d'autre part, à instaurer des fenêtres de communication à
différents stades de la procédure. Ainsi, le débat
contradictoire devant le juge de la détention provisoire pourrait
être public. De même, la publicité deviendrait
systématiquement possible devant la chambre d'accusation. Ces
propositions avaient déjà été formulées par
la mission d'information de votre commission des lois sur la présomption
d'innocence en 1995.
En première lecture, l'Assemblée nationale s'est opposée
à ce que la publicité, tant lors du débat contradictoire
devant le juge de la détention provisoire que lors des audiences de la
chambre d'accusation, puisse être refusée lorsqu'elle est
susceptible de nuire au bon déroulement de l'information. Le
Sénat a toutefois rétabli cette disposition.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
que la publicité pourrait être refusée lorsqu'elle est
"
de nature à entraver les investigations spécifiques
nécessitées par l'instruction
". Cette expression est
plus précise que la référence au "
bon
déroulement de l'information
", mais permet néanmoins
que les contraintes de l'instruction soient prises en considération au
moment de la décision sur le caractère public ou non de
l'audience.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 25 bis
(art. 31 et 32 de la loi du 29 juillet
1881)
Diffamation envers des dépositaires de l'autorité
publique
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en
première lecture, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Charasse, tend en premier lieu à supprimer
l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, qui punit d'un an
d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende la diffamation envers certaines
personnes à raison de leurs fonctions, en particulier les
"
membres du ministère, les parlementaires et les fonctionnaires
publics
".
Cet article prévoit en second lieu le rétablissement des
dispositions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 dans
l'article 32 de la même loi, qui concerne la diffamation commise
envers les particuliers.
Au cours du débat devant le Sénat, notre collègue a
expliqué qu'il arrivait fréquemment qu'un tribunal reconnaisse la
diffamation tout en estimant que le plaignant n'avait pas fondé sa
plainte sur la disposition pertinente de la loi de 1881. En effet, les
personnes dépositaires de l'autorité publique ne sont
protégées par l'article 31 qu'en cas de diffamation à
raison de leurs fonctions. Lorsque la diffamation est relative à leur
vie privée, la plainte doit être fondée sur
l'article 32.
L'Assemblée nationale a refusé la modification proposée,
la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges,
observant notamment dans son rapport "
que cette modification
n'apportait rien sur le fond et risquait de susciter des interrogations
infondées chez les magistrats chargés de l'appliquer
".
De fait, l'intérêt de cette modification paraît tout
à fait limité.
L'introduction des dispositions de l'article 31
dans l'article 32 ne changera rien, dès lors que les peines
visées par les deux alinéas sont différentes. Le plaignant
devra viser l'alinéa pertinent pour obtenir gain de cause.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 25 ter
(art. 65 et 65-1 de la loi du 29
juillet
1881)
Délai de prescription en matière
d'infractions
à la loi sur la presse
L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881
relative
à la liberté de la presse fixe à trois mois le
délai de prescription de l'action publique et de l'action civile pour
les infractions commises par voie de presse. Le même délai est
prévu pour les actions fondées sur une atteinte au respect de la
présomption d'innocence, conformément à
l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue, M. Michel Charasse, a décidé de porter
de trois mois à trois ans le délai de prescription en
matière d'infractions commises par voie de presse.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. La
rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a fait
valoir que "
l'allongement de ce délai de prescription est (...)
contradictoire, dans sa philosophie, avec les décisions
antérieures des sénateurs, qui ont notamment réduit d'un
an à trois mois le délai d'exercice du droit de
réponse
".
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'ATTEINTE À LA
DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION PÉNALE
Article 26
(art. 35 quater de la loi du
29 juillet 1881)
Atteinte à la dignité d'une
victime d'un crime ou d'un délit
L'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 punit
de
25.000 F d'amende la publication de photos, dossiers, gravures, portraits
ayant pour objet la reproduction des circonstances de certains crimes ou
délits. A la suite d'une plainte fondée sur cet article, la cour
d'appel de Paris a prononcé la relaxe des personnes poursuivies en
estimant que l'incrimination ne respectait pas, compte tenu de son
imprécision, le principe de légalité et la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
Le présent article tend donc à redéfinir cette
incrimination, pour punir de 100.000 F d'amende la
diffusion de la
reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit lorsque cette
reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une
victime
.
Dans le projet de loi initial, le Gouvernement a proposé
d'insérer dans le code pénal cette disposition.
L'Assemblée nationale a, pour sa part, en première lecture,
souhaité transférer dans le code pénal l'infraction de
diffusion de renseignements concernant une victime d'une agression ou d'une
atteinte sexuelle, actuellement inscrite dans la loi du
29 juillet 1881. Elle a en outre proposé une nouvelle
rédaction de cette incrimination.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de votre
commission des Lois,
a refusé de transférer dans le code
pénal des dispositions de la loi relative à la liberté de
la presse
, rappelant que cette loi était très protectrice
pour la liberté de la presse et équilibrée en ce qui
concerne les limites qui peuvent être apportées à la
liberté de l'information. Il a en revanche accepté la nouvelle
rédaction de l'infraction de diffusion de renseignements sur
l'identité d'une victime d'atteintes sexuelles.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté que
les infractions modifiées par le projet de loi demeurent dans la loi du
29 juillet 1881. Elle a néanmoins décidé
d'insérer l'infraction de diffusion de la reproduction des circonstances
d'un crime ou d'un délit dans un nouvel article 39 quater de cette
loi, plutôt que de la maintenir dans l'article 38 de cette loi, dont
les troisième et quatrième alinéas seraient
supprimés. De fait, la première partie de l'article 38 concerne
la publication des pièces de l'instruction et il n'est pas illogique que
l'infraction relative à la diffusion de la reproduction des
circonstances d'un crime ou d'un délit portant atteinte à la
dignité de la victime figure dans un article spécifique.
Surtout, l'article précise désormais que la diffusion de la
reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit ne sera
punissable que si elle est
réalisée sans l'accord de la
victime
. L'Assemblée nationale a en outre prévu à
l'article 26 bis du présent projet de loi que seule la victime
pourrait engager les poursuites. Votre commission approuve ces modifications,
qui limitent le champ d'application de l'infraction et devraient éviter
par exemple que la diffusion d'images de crimes contre l'humanité,
indispensable pour perpétuer le souvenir et la réprobation de ces
crimes, ne soient pénalement punissables.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 26 bis
(art. 48 de la loi du
29 juillet 1881)
Mise en mouvement de l'action publique
en
matière d'infractions commises par voie de presse
En
première lecture, le Sénat a modifié l'article 48 de
la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la
presse. Cet article définit les conditions de mise en mouvement de
l'action publique pour certaines infractions commises par voie de presse.
Le Sénat a souhaité que, contrairement à la situation
actuelle, l'action publique, en cas de reproduction des circonstances d'un
crime ou d'un délit, puisse être mise en mouvement non seulement
par le procureur, mais également par la personne lésée.
L'Assemblée nationale a décidé d'aller plus loin dans
cette logique. Le texte qu'elle a adopté prévoit que
seule la
partie lésée
pourra mettre en mouvement l'action publique en
ce qui concerne :
- la diffusion de l'image d'une personne menottée ou
entravée ;
- la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un
délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la
dignité d'une victime.
Un tel choix est cohérent avec l'article 26 du projet de loi tel
que l'a modifié l'Assemblée nationale, puisque la diffusion de
l'image de personnes menottées et la diffusion de la reproduction des
circonstances d'un crime ou d'un délit ne seront punissables que si
elles sont réalisées sans l'accord de la personne menottée
ou de la victime.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 27
(art. 39 bis de la loi du
29 juillet 1881)
Interdiction de la diffusion de
renseignements
concernant l'identité d'un mineur victime
Cet
article tend à créer une infraction de diffusion de
renseignements concernant l'identité d'un mineur victime d'une
infraction ou l'image de ce mineur.
Dans le projet de loi initial, le Gouvernement proposait d'intégrer
cette infraction dans le code pénal. En première lecture,
l'Assemblée nationale a accepté cette disposition et a par
ailleurs décidé, dans un autre article du projet de loi,
d'insérer dans le code pénal des infractions qui figurent
actuellement à l'article 39 bis de la loi de 1881 relative
à la liberté de la presse :
- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur
ayant quitté ses parents ;
- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur
délaissé ;
- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur
qui s'est suicidé.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Louis de Brossia, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, a décidé de faire figurer la
nouvelle infraction de diffusion de renseignements concernant l'identité
d'un mineur victime d'infractions dans l'article 39 bis de la loi du
29 juillet 1881, tout en améliorant la rédaction de cet
article.
L'Assemblée nationale a accepté cette solution, adoptant
simplement un amendement rédactionnel.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES
ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE CIVILE
SECTION 1
Dispositions relatives aux associations
d'aide aux victimes
Article 28
(art. 41 du code de procédure
pénale)
Recours par le procureur à des associations d'aide
aux victimes
Cet
article, déjà adopté dans les mêmes termes par les
deux assemblées a pour objet de consacrer l'existence des associations
d'aide aux victimes dans l'article 41 du code de procédure
pénale. Le texte adopté par l'Assemblée nationale puis par
le Sénat prévoyait que le procureur pouvait recourir à une
association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la
part des chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide et
assistance à la victime de l'infraction.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a supprimé le
terme " assistance ", afin que le rôle des associations ne soit
pas confondu avec celui de l'avocat. Votre commission vous propose d'accepter
cette modification, même s'il ne s'agit pas, à proprement parler,
d'une coordination.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 28 ter
(art. 53-1 nouveau et 75 du
code
de procédure pénale)
Information des victimes par les
officiers
et agents de police judiciaire
Cet
article tend à insérer un article 53-1 dans le code de
procédure pénale et à modifier l'article 75 du
même code, pour prévoir qu'en cours d'enquête de flagrance
ou d'enquête préliminaire, les officiers et agents de police
judiciaire doivent informer les victimes de leur droit d'obtenir
réparation du préjudice subi et d'être aidées et
assistées par un service ou une association d'aide aux victimes.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a complété
ces dispositions afin de préciser les services et les associations
concernées. Il a en outre souhaité que les officiers et agents de
police judiciaire indiquent aux victimes qu'elles ont le droit d'être
assistés par un avocat.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a estimé
préférable que les associations d'aide aux victimes orientent
elles-mêmes les victimes vers un avocat, observant que les fonctionnaires
de police n'étaient pas nécessairement les mieux placés
pour remplir ce rôle.
Votre commission vous proposer d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 28 quinquies
(art. 2-18 nouveau du code de
procédure pénale)
Droit pour les associations combattant
les discriminations
fondées sur le sexe ou les moeurs
d'exercer
les droits reconnus à la partie civile
Au cours
de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, l'Assemblée
nationale a adopté, sur proposition de M. Jean-Pierre Michel, un
amendement tendant à insérer un article 2-18 dans le code de
procédure pénale pour permettre aux associations se proposant de
combattre les discriminations fondées sur le sexe ou les moeurs
d'exercer les droits reconnus à la partie civile.
Les droits reconnus à la partie civile pourraient être
exercés par ces associations en ce qui concerne les discriminations
(articles 225-21 et 432-7 du code pénal), les atteintes volontaires
à la vie (articles 221-1 à 222-18 du code pénal), les
menaces de commettre une destruction ou une dégradation
(article 322-13 du code pénal), lorsque ces infractions sont
commises en raison du sexe, de la situation de famille ou des moeurs de la
victime. Les droits reconnus à la partie civile pourraient
également être exercés par les associations luttant contre
les discriminations en ce qui concerne les discriminations en fonction du sexe
exercées dans le cadre professionnel (article L. 123-1 du code
du travail).
Comme l'a indiqué M. Jean-Pierre Michel au cours des débats
à l'Assemblée nationale, ce texte vise en fait à lutter
contre l'homophobie. Deux propositions de loi ayant le même objet ont
été déposées à l'Assemblée nationale
avant l'adoption de cet amendement, respectivement par M. François
Léotard
7(
*
)
et par les membres du groupe
communiste et apparentés
8(
*
)
. La
proposition de loi de M. Léotard tend à créer un
délit de discrimination fondée sur les pratiques sexuelles non
réprimées par la loi et à modifier la loi du
29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. La
proposition de loi présentée par les membres du groupe communiste
de l'Assemblée nationale tend également à modifier la loi
du 29 juillet 1881, ainsi que l'article 225-1 du code
pénal relatif aux discriminations et l'article 2-6 du code de
procédure pénale sur l'exercice des droits reconnus à la
partie civile par certaines associations.
En pratique, la création d'un nouvel article dans le code de
procédure pénale destiné à permettre aux
associations luttant contre les discriminations d'exercer les droits reconnus
à la partie civile ne paraît pas nécessaire pour atteindre
l'objectif recherché par les auteurs de l'amendement. En effet, d'ores
et déjà, l'
article 2-6 du code de procédure
pénale permet à ces associations d'exercer les droits reconnus
à la partie civile en ce qui concerne les discriminations
réprimées par le code pénal
(articles 225-2 et
432-7 du code pénal)
et les discriminations dans le cadre
professionnel
(article L. 123-1 du code du travail).
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
,
de
compléter le premier alinéa de l'article 2-6
du
code de procédure pénale afin de permettre aux associations
luttant contre les discriminations d'exercer les droits reconnus à la
partie civile
en matière d'atteintes à la vie et à
l'intégrité de la personne, lorsqu'elles sont commises en raison
du sexe ou des moeurs.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 28 sexies
(art. 2-19 nouveau du code de
procédure pénale)
Droit pour les associations
défendant les victimes d'accidents du travail ou de maladies
professionnelles d'exercer
les droits reconnus à la partie civile
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale
à l'occasion de la deuxième lecture, tend à permettre aux
associations se proposant, par leurs statuts, de défendre ou d'assister
les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles d'exercer
les droits reconnus à la partie civile en matière d'homicide et
de blessures involontaires commis à l'occasion d'une activité
professionnelle. Toutefois, ces associations ne pourraient exercer les droits
reconnus à la partie civile, que dans les hypothèses où
l'action publique aurait été mise en mouvement par le
ministère public ou la partie lésée.
Au cours du débat à l'Assemblée nationale, M. Pierre
Albertini auteur, au nom de l'office d'évaluation de la
législation, d'un rapport sur l'exercice de l'action publique par les
associations, a formulé les observations suivantes : "
Des
régimes très disparates sont définis, dans
différents codes spécialisés et dans diverses lois,
concernent une quarantaine d'associations. Les dispositions varient selon
l'ancienneté, l'agrément, la reconnaissance d'utilité
publique ; certaines associations peuvent mettre en oeuvre l'action civile
uniquement pour telle catégorie d'infractions et d'autres, au contraire,
pour toute une série d'infractions. Bref, il faudra mettre de l'ordre
dans ce qui commence à ressembler à un labyrinthe
"
9(
*
)
.
De fait, il serait souhaitable qu'une harmonisation soit opérée
en ce qui concerne les conditions qui permettent aux associations d'exercer les
droits reconnus à la partie civile. Ainsi, le présent article
subordonne cette possibilité à la mise en oeuvre de l'action
publique par le ministère public ou la victime. Or, une telle condition
n'est pas exigée pour d'autres associations.
En première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat ont
approuvé un article permettant aux associations luttant contre les
mouvements sectaires d'exercer les droits reconnus à la partie civile.
Au cours de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale,
Mme le Garde des Sceaux a fait part de son intention de proposer
ultérieurement une modification de ce texte, afin de limiter la
possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux
seules associations reconnues d'utilité publique. Il est possible de se
demander si une telle condition ne devrait pas être exigée pour
d'autres associations que les associations luttant contre les dérives
sectaires.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à subordonner
la recevabilité de l'action de l'association au consentement de la
victime et vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 28
sexies
(ar. 2-20 du code de procédure pénale)
Droit pour les associations départementales de maires d'exercer les
droits reconnus à la partie civile
Par un
article additionnel, votre commission vous propose de permettre aux
associations départementales des maires affiliées à
l'Association des maires de France d'exercer les droits reconnus à la
partie civile dans toutes les instances introduites par des élus
municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et
blessures à raison de leurs fonctions.
Cet article figure dans le projet de loi relatif à l'action publique en
matière pénale, mais il a davantage sa place dans le
présent projet de loi, qui prévoit de nouveaux cas d'exercice par
les associations des droits reconnus à la partie civile.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
insérant dans le projet de loi un article additionnel ainsi
rédigé.
Article 29 A
(art. 80-3 du code de procédure
pénale)
Information de la victime par le juge d'instruction
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la première lecture, tend à obliger le juge
d'instruction, dès le début d'une information, à avertir
la victime d'une infraction de l'ouverture d'une procédure, de son droit
de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit.
En présence d'une victime mineure, l'avis serait donné à
ses représentants légaux.
En première lecture, l'Assemblée nationale n'avait prévu
cette information de la victime que pour les infractions mentionnées au
livre II du code pénal, c'est-à-dire les infractions contre
les personnes. Le Sénat a estimé qu'une telle distinction
n'était pas conforme au principe d'égalité devant la
justice et a souhaité que cette information soit donnée à
toutes les victimes. L'Assemblée nationale a accepté cette
modification. Elle a en outre modifié la numérotation de
l'article du code de procédure pénale visé dans cet
article, par coordination avec les décisions qu'elle a prises à
l'article 3 ter du projet de loi.
Par ailleurs, sur proposition de MM. Bret, Duffour et les membres du
groupe communiste, républicain et citoyen, le Sénat a
décidé, en première lecture, de compléter cet
article en prévoyant que le juge d'instruction devrait informer la
victime de son droit d'être assistée par un avocat
désigné par elle ou commis d'office. Il a également
prévu que le juge d'instruction devrait informer la victime mineure de
la possibilité de se faire assister d'un avocat d'office, quels que
soient les revenus de ses parents.
L'Assemblée nationale n'a pas retenu cette disposition.
Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des Lois, a en
effet fait valoir que les victimes ne bénéficiaient pas d'avocats
commis d'office, mais qu'elles pouvaient obtenir une aide juridictionnelle
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'INDEMNISATION DES VICTIMES
Article 31 septies
(art. 706-5 du code de
procédure pénale)
Délai pour les demandes
d'indemnité devant les CIVI
En
première lecture, l'Assemblée nationale a prévu, à
l'article 31sexies du projet de loi, adopté sans modification par le
Sénat, que les juridictions devraient informer la partie civile de la
possibilité de saisir la commission d'indemnisation les victimes
d'infractions (CIVI). Le présent article, également introduit
dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la
première lecture, tend à modifier l'article 706-5 du code de
procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article
prévoit que la demande d'indemnité doit être
présentée à la CIVI dans le délai de trois ans
après l'infraction ou, lorsque des poursuites sont engagées, dans
le délai d'un an après la décision de la juridiction qui a
statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action
civile engagée devant la juridiction répressive.
L'Assemblée nationale a remplacé, en première lecture, la
référence à la date de la décision de la
juridiction par une référence à la date à laquelle
la personne a été informée de son droit de saisir la CIVI.
Ainsi, en l'absence d'avis, aucun délai n'existerait plus pour former la
demande d'indemnisation.
En première lecture, le Sénat a supprimé cet article.
Votre rapporteur a en effet observé que l'avis à la victime
n'était prévu que dans les cas où la juridiction allouait
des dommages-intérêts. Or, la saisine de la CIVI est possible
même en l'absence d'une telle décision.
Aussi, le système retenu par l'Assemblée nationale en
première lecture risquait de permettre à une personne n'ayant pu
obtenir des dommages-intérêts de la part de la juridiction de
pouvoir saisir à n'importe quel moment la CIVI.
L'Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteuse de la
commission des Lois, a rétabli cet article tout en prévoyant que
la suppression de tout délai pour saisir la CIVI ne serait applicable
que dans les cas où la victime ne serait pas informée de son
droit de saisir la CIVI alors même qu'elle avait obtenu des
dommages-intérêts.
Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 31 octies A
(art. 706-14 du code de
procédure pénale)
Indemnisation des victimes d'extorsions
de fonds et de dégradations
Actuellement, toute personne ayant subi un préjudice
résultant de faits ayant entraîné la mort, une
incapacité permanente ou une incapacité totale de travail
permanente égale ou supérieure à un mois ou ayant
été victime d'une atteinte ou d'une agression sexuelle peut
obtenir
réparation intégrale de son préjudice
par
les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), en vertu de
l'article 706-3 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, un
système subsidiaire d'indemnisation
plafonnée
est prévu, sous certaines conditions, pour les
victimes de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, ainsi que pour les
victimes d'atteintes corporelles ayant entraîné une
incapacité totale de travail inférieure à un mois (article
706-14 du code de procédure pénale).
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend
à compléter l'article 706-14 du code de procédure
pénale pour permettre aux
victimes d'extorsions de fonds ou de
dégradations
de pouvoir obtenir une indemnisation par les CIVI.
Notre excellent collègue, M. Philippe Richert a
déposé en février 1999 une proposition de loi
10(
*
)
, que votre commission des Lois a décidé
d'examiner conjointement avec le présent projet de loi. Dans
l'exposé des motifs de sa proposition de loi, notre collègue
indique que
" (...) la multiplication des incendies de
véhicules est source de nombreuses complications pour leurs
propriétaires, pour qui ils constituent, dans des quartiers parfois mal
desservis par les transports publics et frappés par un chômage
massif, un atout primordial pour conserver leur emploi ou en trouver un.
" Ainsi, les victimes de violences urbaines rencontrent, à un
degré plus élevé, les difficultés d'indemnisation
auxquelles sont exposées toutes les victimes d'infractions
pénales ".
M. Philippe Richert a donc proposé que les
victimes de destructions,
de dégradations ou de détériorations de
véhicule
puissent recevoir une indemnisation par les CIVI. Cette
proposition est bienvenue. Comment justifier en effet que le vol d'un
véhicule donne lieu à indemnisation par les CIVI, mais non
l'incendie du même véhicule ?
En pratique, la proposition de loi est satisfaite par le présent
article, qui tend à permettre une indemnisation par les CIVI pour toutes
les
dégradations
, qu'elles concernent ou non un véhicule.
Il s'agit d'un progrès incontestable, même si, comme l'a
indiqué Mme le Garde des Sceaux devant l'Assemblée nationale
"
Le coût d'une telle extension
(...)
ne sera pas de
nature à améliorer la situation du fonds de garantie
(...) ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
ET DE COORDINATION
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 32 A
(art. 35 bis de l'ordonnance du 2
novembre
1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France)
Visite des locaux de rétention
administrative
par le procureur de la République
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale à l'occasion de la deuxième lecture, sur proposition de
Mme Christine Lazerges, , tend à compléter les articles 35 bis et
35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France.
L'article 35 bis de l'ordonnance concerne les
conditions de rétention
de personnes étrangères
, en particulier des personnes qui
font l'objet d'un arrêté d'expulsion mais ne peuvent quitter
immédiatement le territoire français. Le texte prévoit
notamment que le procureur de la République est immédiatement
informé de la rétention des personnes concernées. Le
premier paragraphe du présent article tend à prévoir que
le procureur de la République visite les locaux de rétention une
fois par an.
Une telle mesure est naturellement bienvenue et mérite d'être
approuvée. Il faut seulement souhaiter qu'elle puisse être
appliquée dans de bonnes conditions. Rappelons que le procureur de la
République, aux termes de l'article D. 178 du code de procédure
pénale, doit se rendre dans chaque prison une fois par trimestre et plus
souvent s'il y a lieu. En outre, le présent projet de loi prévoit
que le procureur de la République devra visiter les locaux de garde
à vue au moins une fois par trimestre.
Le second paragraphe du présent article tend à compléter
l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatif aux
zones d'attente
dans lesquelles peuvent être retenus les
étrangers qui arrivent en France par la voie ferroviaire, maritime ou
aérienne et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le
territoire français ou demandent leur admission au titre de l'asile.
L'Assemblée nationale a complété cet article pour imposer
au procureur de la République de visiter les zones d'attente au moins
une fois par an.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 32 B
(art. 583 et 583-1 du code de
procédure pénale)
Obligation de mise en état avant
l'examen d'un pourvoi
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative du
Gouvernement d'une part, de Mme Christine Lazerges et M. Alain Touret d'autre
part, tend à supprimer les articles 583 et 583-1 du code de
procédure pénale.
Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi n°99-515 du
23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure
pénale, l'article 583 du code de procédure pénale
prévoit que les condamnés à une peine privative de
liberté pour une durée de plus d'un an (six mois avant l'adoption
de cette loi), qui ne sont pas en état ou n'ont pas obtenu dispense de
se mettre en état, sont déchus de leur pourvoi en cassation.
L'article 583-1 est issu de la loi du 23 juin 1999 renforçant
l'efficacité de la procédure pénale. Il permet à
une personne de se pourvoir en cassation lorsqu'elle a été
jugée en son absence et que la juridiction concernée ne lui a pas
reconnu d'excuse valable ou lui a refusé d'être jugée en
son absence son défenseur entendu. Dans ce cas, le pourvoi ne peut
porter que sur la légalité de la décision par laquelle la
juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse fournie par
l'intéressé.
L'introduction de cet article dans le code de procédure pénale
visait à répondre partiellement à un arrêt Poitrimol
du 23 novembre 1993 de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans
cet arrêt, la Cour avait notamment critiqué l'absence de tout
contrôle juridique des motifs pour lesquels une Cour d'appel n'avait pas
reconnu valables les excuses présentées par un accusé pour
justifier son absence à l'audience.
Le présent article, par la suppression des articles 583 et 583-1 du code
de procédure pénale, tend à supprimer purement et
simplement toute obligation de se mettre en état pour voir son pourvoi
en cassation examiné. Le Gouvernement a accepté cette proposition
de l'Assemblée nationale. Portant dans l'exposé des motifs du
projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure
pénale, il avait estimé que "
la rigueur de la
règle actuelle
" était "
nécessaire pour
éviter l'encombrement de la Chambre criminelle par des pourvois
intentés par des condamnés en fuite
".
De fait, l'arrêt Poitrimol, qui a conduit le Gouvernement à
proposer l'insertion d'un article 583-1 dans le code de procédure
pénale ne critiquait pas seulement l'impossibilité d'un
contrôle juridique sur le caractère valable des excuses fournies
par un accusé pour ne pas comparaître. L'arrêt remettait en
cause le principe même de la déchéance du pourvoi en
l'absence de mise en état. La Cour européenne a en effet
estimé "
que l'irrecevabilité du pourvoi, pour des
raisons liées à la fuite du requérant, s'analysait elle
aussi en une sanction disproportionnée, eu égard à la
place primordiale que les droits de la défense et le principe de la
prééminence du droit occupent dans une société
démocratique
".
Votre commission approuve la suppression de l'obligation de se mettre en
état pour voir son pourvoi examiné. Elle constate toutefois que
la séparation de la réforme de la justice en plusieurs textes
peut conduire à des résultats fâcheux, le Parlement
étant conduit à supprimer un texte adopté moins d'un an
auparavant.
Elle vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'EXÉCUTION DES
PEINES
Article 32 C
(art. 729-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Libération conditionnelle des
parents
d'enfants de moins dix ans
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative de Mme
Christine Lazerges et de M. Alain Touret, tend à insérer un
article 729-3 dans le code de procédure pénale pour
prévoir que les condamnés à une peine inférieure
à quatre années d'emprisonnement ou auxquels il reste à
effectuer quatre années d'emprisonnement, exécutent cette peine
sous le régime de la libération conditionnelle lorsqu'ils sont
père ou mère d'un enfant de moins de dix ans à
l'égard duquel ils exercent l'autorité parentale et qui a sa
résidence habituelle chez eux. Le juge de l'application des peines
pourrait s'opposer à cette mesure dans l'intérêt de
l'enfant.
Les motivations de cet amendement sont très aisées à
comprendre. Dans bien des cas, l'emprisonnement d'un père ou d'une
mère a des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la famille
et notamment pour les jeunes enfants. Il peut donc paraître souhaitable
de rechercher des solutions pour limiter les conséquences de la
condamnation pénale sur les relations familiales.
Pour autant, le présent article présente des inconvénients
sérieux. Il est en effet contestable de prévoir un cas de
libération conditionnelle automatique pour une catégorie de
condamnés. Par ailleurs, la notion de " résidence
habituelle " chez le parent emprisonné n'a plus beaucoup de
signification après plusieurs années d'emprisonnement du parent
concerné. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale
prévoit en outre que la libération conditionnelle est
prononcée lorsque le condamné exerce l'autorité parentale,
sans qu'il soit distingué selon que l'autre parent exerce ou non
également l'autorité parentale. Enfin, il n'est pas certain que
le juge de l'application des peines soit le mieux à même
d'apprécier l'intérêt de l'enfant.
Dans ces conditions, votre commission ne peut accepter cet article, même
si elle partage les préoccupations qui ont animé
l'Assemblée nationale en l'adoptant.
Le
placement sous surveillance électronique
peut constituer une
solution pour favoriser le maintien des relations familiales puisqu'il pourrait
être appliqué aux personnes condamnées à moins d'un
an d'emprisonnement ou auxquelles il reste un an d'emprisonnement à
effectuer. Par ailleurs, votre commission proposera, dans un article
ultérieur, une modification des critères permettant la
libération conditionnelle
, afin de mentionner expressément
la
participation à la vie familiale
parmi les raisons pouvant
justifier une mesure de libération conditionnelle.
Dans ces conditions, votre commission vous propose la
suppression
de cet
article.
Article 32 D
(art. 709-1, 731, 732 et 733 du code de
procédure pénale)
Service pénitentiaire d'insertion
et de probation
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier
plusieurs articles du code de procédure pénale pour tenir compte
de la disparition des comités de probation et d'assistance aux
libérés qui ont été remplacés par le service
pénitentiaire d'insertion et de probation. Cette réforme,
entamée en 1996, a pour objet de mieux coordonner les actions
d'insertion conduites au plan départemental. Il s'agit de renforcer le
lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert en développant une
continuité de la prise en charge des personnes au moment de leur sortie.
• Le
premier paragraphe
tend à supprimer le dernier
alinéa de l'article 709-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit l'institution de comités de probation et d'assistance aux
libérés auprès des tribunaux.
• Le
deuxième paragraphe
tend à modifier l'article
731 du code de procédure pénale, relatif aux conditions
particulières dont peut être assorti le bénéfice de
la libération conditionnelle. Il s'agit de remplacer une
référence aux comités de probation et d'assistance aux
libérés par une référence au service
pénitentiaire d'insertion et de probation. Il s'agit en outre de
supprimer une référence à la composition et aux
attributions des comités de probation et d'assistance aux
libérés.
• Le
troisième paragraphe
tend à modifier l'article
732 du code de procédure pénale, relatif aux mesures d'assistance
et de contrôle qui peuvent accompagner la mise en oeuvre d'une
libération conditionnelle. Il s'agit une nouvelle fois de remplacer une
référence aux comités de probation et d'assistance aux
libérés par une référence au service
pénitentiaire d'insertion et de probation, appelé à donner
un avis sur la modification des dispositions de la décision de
libération conditionnelle, lorsqu'elle est prise par le juge de
l'application des peines.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier l'article
733 du code de procédure pénale, relatif à la
révocation de la décision de libération conditionnelle. Le
présent paragraphe tend à remplacer la référence au
comité de probation et d'assistance aux libérés,
appelé à rendre un avis sur la révocation lorsque la
décision relève du juge de l'application des peines, par une
référence au service pénitentiaire d'insertion et de
probation.
Par un
amendement
, votre commission vous propose de compléter cet
article, afin de procéder à des coordinations dans les
articles 41, 763-1 et 763-8 du code de procédure pénale.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 32 E
(art. 132-44 et 132-55 du code
pénal)
Service pénitentiaire d'insertion et de probation
Cet
article, comme le précédent, tend à prendre en
considération la réforme du service pénitentiaire
d'insertion et de probation. Il s'agit de remplacer des
références à l'agent de probation par des
références au travailleur social.
• Le
premier paragraphe
tend à substituer l'expression
"
travailleur social
" à celle d'"
agent de
probation
" dans l'article 132-44 du code pénal, relatif aux
mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre en
cas de sursis avec mise à l'épreuve. L'agent de probation
(désormais le travailleur social) joue en effet un rôle important
dans ce domaine : il doit être prévenu des changements de
résidence et d'emploi du condamné et exerce un contrôle sur
les moyens d'existence du condamné ainsi que sur l'exécution de
ses obligations.
• Le
second paragraphe
tend à substituer l'expression
" travailleur social " à l'expression " agent de
probation " dans l'article 132-55 du code pénal, relatif aux
mesures de contrôle auxquelles doit satisfaire un condamné en cas
de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt
général.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 32 F
(art. 722, 722-1 nouveau, 730,
733,
733-1 du code de procédure pénale)
Juridictionnalisation
des décisions du juge de l'application des peines
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, à l'initiative de la rapporteuse
de la commission des lois, Mme Christine Lazerges, a pour objet de
réformer de manière importante l'application des peines.
Actuellement, le
juge de l'application des peines
, sous certaines
réserves, est compétent pour accorder les placements à
l'extérieur, la semi-liberté, les réductions,
fractionnements et suspensions de peines, les autorisations de sortie sous
escorte, les permissions de sortir, les libérations conditionnelles, le
placement sous surveillance électronique.
En vertu de l'article 733-1 du code de procédure pénale,
"
Les décisions du juge de l'application des peines sont des
mesures d'administration judiciaire
". Ainsi, le juge de
l'application des peines n'est pas tenu d'entendre le condamné, celui-ci
n'est pas assisté d'un avocat, les décisions du juge de
l'application des peines ne sont susceptibles d'aucun recours de la part du
condamné. Au contraire, le procureur de la République peut
déférer certaines décisions du juge de l'application des
peines, en particulier les décisions prises en matière de
libération conditionnelle, devant le tribunal correctionnel statuant en
chambre du conseil.
Le récent rapport de la commission sur la libération
conditionnelle, présidée par M. Daniel Farge, conseiller
à la Cour de cassation, a préconisé une
juridictionnalisation complète de l'application des peines, impliquant
la mise en place d'une procédure plus contradictoire, ainsi que de
recours.
Le présent article tend à mettre en oeuvre une partie des
recommandations du rapport de la commission sur la libération
conditionnelle.
• Le
paragraphe I
tend à modifier l'article 722 du code de
procédure pénale, relatif aux compétences du juge de
l'application des peines, pour prévoir que les mesures qu'il peut
accorder, à l'exception des réductions de peine et des
autorisations de sortie sous escorte, font l'objet d'une décision
motivée, rendue à l'issue d'un débat contradictoire, le
condamné pouvant être assisté d'un conseil. La
décision pourrait être attaquée par la voie de l'appel par
le condamné, par le procureur de la République et par le
procureur général près la cour d'appel dans les dix jours
suivant la notification de la décision. L'appel serait porté
devant la chambre des appels correctionnels. L'appel du ministère public
formé dans les vingt-quatre heures de la notification suspendrait
l'exécution de la décision jusqu'à ce que la cour d'appel
ait statué.
Il s'agit d'une réforme très importante, attendue depuis
longtemps et qui pourrait favoriser des attitudes plus constructives de la part
des condamnés, désormais susceptibles de voir leurs demandes de
libération conditionnelle examinées dans des conditions plus
satisfaisantes.
Votre commission estime cependant qu'eu égard à l'importance de
cette question, il convient d'aller plus loin dans cette réforme en
modifiant en profondeur les règles de la libération
conditionnelle, afin de mettre fin à l'intervention du Garde des Sceaux
dans une matière qui relève à l'évidence de
l'autorité judiciaire. Votre commission formulera, après le
présent article, des propositions importantes à ce sujet.
• Le
paragraphe II
tend à insérer dans le code de
procédure pénale un article 722-1 pour prévoir qu'en
cas d'inobservation des obligations ou d'inexécution des mesures de
contrôle qui peuvent être imposées au condamné
bénéficiant d'un aménagement de sa peine, le juge de
l'application des peines pourra délivrer un mandat d'amener ou un mandat
d'arrêt contre la personne.
• Le
paragraphe III
tend à opérer une coordination
avec l'article 730 du code de procédure pénale, relatif
à la libération conditionnelle. Votre commission vous propose,
par un
amendement
, la suppression de ce paragraphe, par coordination
avec les amendements présentés après le présent
article.
• Le
paragraphe IV
tend à opérer une coordination
dans l'article 733 du code de procédure pénale relatif
à la révocation de la décision de renvoi en liberté
conditionnelle.
• Le
paragraphe V
tend à opérer des coordinations
dans l'article 733-1 du code de procédure pénale. Il s'agit de
supprimer la disposition énonçant que les décisions du
juge de l'application des peines sont des décisions d'administration
judiciaire. Seules conserveraient ce caractère les réductions de
peine ou les autorisations de sortie sous escorte.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Articles additionnels après l'article 32
F
(art.
729, 730, 730-1 nouveau du code de procédure pénale, art.143-1,
143-2, 630-2 nouveaux du code de l'organisation
judiciaire)
Réforme de la libération conditionnelle
L'article 32 F du projet de loi opère une
juridictionnalisation très heureuse de l'application des peines.
Toutefois, il demeure très en retrait des ambitieuses perspectives
formulées dans le rapport de la commission sur la libération
conditionnelle présidée par M. Daniel Farge.
Ce rapport préconise notamment la disparition des prérogatives du
garde des sceaux en matière de libération conditionnelle. Au
sujet du pouvoir du garde des sceaux, la commission présidée par
M. Farge a notamment précisé : "
(...) la
tentation est grande pour le garde des sceaux de méconnaître
l'évolution favorable d'un condamné plutôt que de prendre
le risque d'une libération anticipée qui ne serait pas comprise
par l'opinion publique en cas de nouveau crime ou délit.
"
(...) il est difficilement concevable, dans un état de droit,
qu'un ministre, membre du pouvoir exécutif, intervienne dans
l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par
l'autorité judiciaire à propos de la mesure qui provoque les plus
grands bouleversements dans l'accomplissement de la peine
".
La réforme de la libération conditionnelle a été
proposée à de multiples reprises au cours des vingt
dernières années sans jamais aboutir.
Votre commission, qui souhaite que le rapport Farge soit mis en oeuvre vous
propose, par cinq articles additionnels, de procéder dès à
présent à cette réforme ambitieuse qui pourrait enfin
permettre une relance de la libération conditionnelle.
Votre commission vous propose en premier lieu, conformément aux
recommandations de la commission Farge, de modifier les
critères
permettant l'octroi de la libération conditionnelle. L'article 729
du code de procédure pénale fait seulement allusion à des
gages sérieux de réinsertion sociale
et cette disposition
paraît trop souvent interprétée comme impliquant que le
condamné ait un emploi certain à sa sortie de prison. Votre
commission vous propose de prévoir une liste non exhaustive
d'éléments devant être pris en considération pour
l'octroi d'une mesure de libération conditionnelle.
Elle vous propose que la libération conditionnelle puisse être
accordée aux condamnés manifestant des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils justifient soit de l'exercice
d'une activité professionnelle, soit de leur assiduité à
un enseignement ou à une formation, soit de leur participation
essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de
subir un traitement.
Par ailleurs, votre commission vous propose de modifier les règles
d'octroi de la libération conditionnelle. Actuellement, le
juge de
l'application des peines est compétent en matière de
libération conditionnelle lorsque la peine est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement. Au-delà, la compétence
appartient au ministre de la justice
. Votre commission, suivant là
encore les recommandations de la commission Farge, propose que le juge
d'application des peines soit désormais compétent pour les
peines inférieures ou égales à dix ans
d'emprisonnement
et qu'au-delà, la compétence en
matière de libération conditionnelle soit confiée à
une
juridiction collégiale
.
Votre commission propose la création d'un
tribunal de l'application
des peines
dans le ressort de chaque cour d'appel. L'appel des
décisions de ce tribunal serait porté devant une
juridiction
nationale de la libération conditionnelle
, placée
auprès de la Cour de cassation et composée de trois magistrats,
d'un représentant d'une association de réinsertion des
condamnés et d'une personne s'étant signalée par son
intérêt pour les victimes. Cette composition est proche de celle
du comité consultatif de libération conditionnelle, qui donne
actuellement des avis avant les décisions du ministre de la justice en
matière de libération conditionnelle. Le système
proposé doit permettre la mise en oeuvre complète d'une
réforme qui n'a été que trop longtemps retardée
dans le temps.
Article additionnel après l'article 32 F
(art.
720-1-A du code de procédure pénale)
Visite par les
parlementaire des établissements pénitentiaires
L'Assemblée nationale a inséré à
la fin
du présent projet de loi un article 42 permettant aux parlementaires de
visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de
leur département. Cette disposition mérite d'être
acceptée mais n'a pas à figurer parmi les dispositions finales du
projet de loi.
Votre commission vous propose, par un article additionnel, de
l'insérer parmi les dispositions relatives à l'exécution
des peines.
Article additionnel après l'article 32 F
(art.
723-7 du code de procédure pénale)
Placement sous
surveillance électronique
Par un
article additionnel, votre commission vous propose de compléter les
dispositions du code de procédure pénale relatives au placement
sous surveillance électronique.
Il s'agit tout d'abord de prévoir que la décision de placement
sous surveillance électronique d'un mineur non émancipé ne
peut être prise qu'avec les titulaires de l'exercice de l'autorité
parentale. Il s'agit en outre de préciser que lorsque le lieu
désigné par le juge de l'application des peines n'est pas le
domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance
électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du maître
des lieux.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
insérant
dans le projet de loi un article additionnel ainsi rédigé.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION
Article 33
(articles 83, 116, 122, 135, 136, 138,
141-2,
144-1, 145, 145-2,
185, 187-1, 207 du code de procédure
pénale)
Coordination - Juge de la détention
Cet
article a pour objet de prendre en considération dans le code de
procédure pénale la création d'un juge chargé de la
détention provisoire en remplaçant, partout où cela est
nécessaire, la référence au juge d'instruction par une
référence au juge de la détention provisoire.
Cet article a subi des modifications au cours de la procédure
parlementaire, d'une part en raison de l'absence d'accord entre les deux
assemblées sur la dénomination du nouveau juge, d'autre part
parce que l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture,
décidé de réécrire intégralement certains
articles du code de procédure pénale dans le projet de loi
plutôt que d'opérer des coordinations rédactionnelles en
fin de texte. Votre commission vous propose, dans cet article comme dans les
précédents, de remplacer la référence au juge de la
détention provisoire par une référence au juge des
libertés.
Votre commission vous soumet trois
amendements
de coordination et vous
propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 33 bis
(art. 158 du code de procédure
pénale)
Contrôle judiciaire des avocats
En
première lecture, le Sénat avait inséré dans le
présent article les dispositions adoptées par l'Assemblée
nationale en matière de contrôle judiciaire des avocats. En
deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ces
dispositions et les a fait figurer à l'article 9 nonies. Elle
a en conséquence décidé à juste titre la
suppression de cet article.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de l'article
33 bis.
Article 37 bis
(art. 141-2, 148-1, 256, 268, 269, 273,
316, 327, 348, 349, 351, 370, 594, 599, 698-6, 706-25, 885,
888)
Coordination - Recours en matière criminelle
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la deuxième lecture, tend à modifier de très
nombreux articles du code de procédure pénale, pour tenir compte
de l'instauration d'un recours en matière criminelle.
• Le
paragraphe I
tend à modifier
l'article 141-2 du code de procédure pénale, relatif aux
règles applicables lorsqu'une personne mise en examen se soustrait
volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. Il s'agit de
prévoir que, en ce qui concerne les accusés, le président
de la chambre d'accusation est compétent pour ordonner
l'exécution de l'ordonnance de prise de corps, sauf pendant la session
d'assises au cours de laquelle la personne doit être jugée.
Pendant cette session, le président de la cour d'assises serait
compétent pour ordonner l'exécution de l'ordonnance de prise de
corps.
• Le
paragraphe II
tend à modifier
l'article 148-1 du code de procédure pénale, relatif aux
demandes de mise en liberté formulées par les personnes mises en
examen, les prévenus ou les accusés. Cet article dispose
notamment que lorsqu'une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient
de statuer sur la liberté provisoire. Le présent paragraphe
prévoit qu'en matière criminelle, la cour d'assises n'est
compétente que lorsque la demande est formée devant la session au
cours de laquelle elle doit juger l'accusé. Il dispose en outre que,
dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre d'accusation.
• Le
paragraphe III
tend à modifier
l'article 256 du code de procédure pénale, relatif aux
incapacités empêchant d'exercer les fonctions de juré.
Actuellement, ces incapacités concernent notamment les personnes en
état d'accusation ou de contumace, les fonctionnaires et agents de
l'Etat révoqués de leurs fonctions, les officiers
ministériels destitués, les personnes déclarées en
état de faillite et non réhabilitées... Le présent
paragraphe tend à introduire un nouveau cas d'incapacité de
l'article 256. Les personnes dont le casier judiciaire mentionnerait une
condamnation pour crime ou une condamnation pour délit à une
peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement
ne pourraient exercer les fonctions de juré. Il est quelque peu
surprenant qu'une telle modification de fond figure parmi les dispositions de
coordination du projet de loi.
• Le
paragraphe IV
tend à modifier
l'article 268 du code de procédure pénale, relatif à
l'arrêt de renvoi, pour tenir compte du fait qu'après l'adoption
du projet de loi, le juge d'instruction prendra lui-même une ordonnance
de mise en accusation ; la chambre d'accusation ne sera plus
appelée à rendre éventuellement un arrêt de mise en
accusation qu'en cas de contestation de l'ordonnance de mise en accusation.
• Le
paragraphe V
tend à modifier
l'article 269 du code de procédure pénale, relatif au
transfert dans la maison d'arrêt du lieu où se tiennent les
assises, d'un accusé après l'arrêt du renvoi. Il s'agit
à nouveau de tenir compte du fait qu'à l'avenir, le juge
d'instruction rendra lui-même l'ordonnance de mise en accusation.
• Le
paragraphe VI
tend à modifier
l'article 273 du code de procédure pénale relatif à
l'interrogatoire d'identité de l'accusé mené par le
président de la cour d'assises. Il s'agit là encore de tenir
compte de la modification des règles relatives au renvoi devant la cour
d'assises.
• Le
paragraphe VII
tend à modifier
l'article 316 du code de procédure pénale relatif aux
incidents contentieux pendant les procès d'assises. Actuellement, cet
article prévoit que les arrêts de la cour en matière
d'incidents contentieux ne peuvent être attaqués par la voie du
recours en cassation qu'en même temps que l'arrêt sur le fond. Ce
principe serait conservé lorsque la cour d'assises statue en appel. En
revanche, les arrêts sur les incidents contentieux intervenus lors de
l'examen de l'affaire en premier ressort ne pourraient faire l'objet d'aucun
recours, mais n'auraient pas autorité de chose jugée en cas
d'appel de l'arrêt sur le fond et de réexamen de l'affaire devant
une autre cour d'assises.
• Le
paragraphe VIII
a pour objet de modifier
l'article 327 du code de procédure pénale relatif à
la lecture de l'arrêt de renvoi au cours du procès. Il s'agit de
prévoir que la lecture de la décision de renvoi s'accompagne,
lorsque la cour d'assises statuera en appel, de la lecture des questions
posées à la cour d'assises ayant statué en premier
ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de
la condamnation prononcée.
• Le
paragraphe IX
tend à modifier les
articles 348 et 349 du code de procédure pénale relatifs
à la lecture des questions auxquelles la cour et le jury doivent
répondre. Il s'agit de prendre en considération la modification
de la procédure de mise en accusation prévue par le projet de loi.
• Le
paragraphe X
tend à la même
modification dans l'article 351 du code de procédure pénale,
relatif au cas dans lequel il résulte des débats de la cour
d'assises que le fait comporte une qualification légale autre que celle
donnée par l'arrêt de renvoi.
• Le
paragraphe XI
tend à modifier
l'article 370 du code de procédure pénale, relatif à
l'avertissement donné à l'accusé de son droit de se
pourvoir en cassation. Il s'agit de tenir compte du droit qui sera
désormais reconnu aux accusés d'interjeter appel.
• Le
paragraphe XII
tend à la suppression de
l'article 594 du code de procédure pénale qui prévoit
que l'arrêt de renvoi couvre les vices de procédure
antérieurs. Cet article n'est plus nécessaire, dans la mesure
où le texte proposé par l'article 21 nonies pour
l'article 181 du code de procédure pénal prévoit que
l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction couvre les
vices de la procédure lorsqu'elle est devenue définitive.
• Le
paragraphe XIII
tend à prendre en compte
l'instauration d'un recours en matière criminelle dans
l'article 599 du code de procédure pénale, relatif aux
nullités qu'il n'est pas possible de soulever comme moyen de cassation
lorsqu'elles n'ont pas été soulevées devant la cour
d'assises.
• Le
paragraphe XIV
tend à modifier
l'article 698-6 du code de procédure pénale relatif à
la composition de la cour d'assises compétente pour le jugement des
crimes militaires et des crimes et délits commis par les militaires dans
l'exécution du service. Actuellement, cette cour est composée
d'un président et de six assesseurs. Le présent paragraphe tend
à prévoir que cette cour continuera à comporter six
assesseurs en première instance et en comportera huit en appel.
Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de
jurés des cours d'assises vous propose, par un
amendement
, de
supprimer cette disposition.
• Le
paragraphe XV
tend à modifier
l'article 706-25 relatif aux règles du jugement des actes de
terrorisme. Il s'agit de prendre en compte le fait que la mise en accusation
sera désormais ordonnée par le juge d'instruction.
• Le
paragraphe XVI
tend à modifier
l'article 885 du code de procédure pénale relatif à
la cour criminelle de Mayotte, afin de prévoir que cette cour sera
composée différemment lorsqu'elle statue en premier ressort ou
lorsqu'elle statue en appel. Votre commission vous propose, par coordination,
la suppression de cette disposition.
• Enfin, le
paragraphe XVII
tend à modifier
l'article 888 du code de procédure pénale, relatif aux
règles de majorité applicables lorsque la cour criminelle de
Mayotte statue, pour tenir compte du nombre différent d'assesseurs en
premier ressort et en appel. Votre commission vous propose, par coordination,
la suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, de compléter
cet article pour modifier l'article 354 du code de procédure
pénale, relatif au déroulement du délibéré.
Pour tenir compte du fait que, plus fréquemment que par le passé,
des accusés comparaîtront libres, il paraît
nécessaire de prévoir que l'accusé ne doit pas quitter le
palais de justice pendant la durée du délibéré.
Faute d'une telle disposition, certains accusés pourraient quitter le
palais de justice pendant le délibéré pour n'y plus
revenir, ce qui empêcherait que l'arrêt soit prononcé.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 38
(art. 4 et 11 de l'ordonnance du
2 février 1945)
Garde à vue et détention
provisoire des mineurs délinquants
Cet
article tend à opérer des modifications dans l'ordonnance du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante
pour tenir compte des modifications apportées au droit positif par le
projet de loi en matière de garde à vue et de détention
provisoire.
Cet article a été complété par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose
d'adopter cet article
ainsi
modifié.
Article 38 bis
(art. 689-9 nouveau du code de
procédure pénale)
Compétence universelle des
juridictions françaises
L'article 113-2 du code pénal prévoit que
"
la loi pénale française est applicable à toutes
les infractions commises sur le territoire de la République
".
En principe, les infractions commises hors du territoire de la
République échappent aux juridictions françaises.
Toutefois, l'article 113-6 du code pénal prévoit que la loi
française est applicable pour les crimes et les délits commis
à l'étranger par un Français. En ce qui concerne les
délits, la loi pénale française ne s'applique que
"
si les faits sont punis par la législation du pays où
ils ont été commis
". Par ailleurs, selon
l'article 113-7 du code pénal "
la loi pénale
française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout
délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un
étranger hors du territoire de la République lorsque la victime
est de nationalité française au moment de l'infraction
".
En outre, certaines infractions portant atteinte à des
intérêts supérieurs sont également soumises à
la loi pénale française, même lorsqu'elles sont commises
à l'étranger (article 113-10 du code pénal).
Enfin, dans certains cas, les juridictions françaises
bénéficient d'une compétence universelle par l'effet des
conventions internationales. Le système de la compétence
universelle "
donne vocation à juger une infraction aux
tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le délinquant a
été arrêté ou se trouve même
passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l'infraction et
quelles que soient les nationalités de l'auteur et de la
victime
". Les articles 689-2 à 689-7 du code de
procédure pénale prévoient déjà des cas de
compétence universelle des juridictions françaises, par exemple
pour l'application de la convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le présent article tend à introduire un nouveau cas de
compétence universelle pour l'application de la
convention
internationale pour la répression des attentats terroristes
, ouverte
à la signature à New-York le 12 janvier 1998.
Cet engagement impose aux Etats parties d'établir leur compétence
dans des cas où l'application des principes généraux du
droit pénal français ne permet pas d'être sûr de la
compétence des juridictions françaises.
Cet article permet donc d'établir la compétence des juridictions
françaises en-dehors de toute condition de réciprocité en
ce qui concerne les actes de terrorisme. Il permettra aux juridictions
françaises de poursuivre et de juger toute personne se trouvant en
France, qui a commis hors le territoire français des actes visés
par la convention sur la répression des attentats terroristes à
l'explosif.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 38 ter
(art. 22 de la loi
n° 71-1130 du
31 décembre 1971
portant réforme de certaines
professions judiciaires et juridiques)
Correction d'une erreur
matérielle
Le
Parlement a adopté le 22 novembre 1999 une loi portant sur
diverses professions relevant du ministère de la justice, la
procédure et le droit comptable.
Cette loi a notamment pour objet d'adapter la composition des formations
disciplinaires des barreaux comprenant au moins cinq cents avocats disposant du
droit de vote. Elle permet à d'anciens membres du conseil de l'ordre de
siéger dans ces formations disciplinaires. Or, à la suite d'une
erreur matérielle dans la proposition de loi initiale, le texte dispose
que les anciens membres du conseil de l'ordre doivent avoir quitté leurs
fonctions depuis
au moins
huit ans, alors que les rédacteurs de
la proposition souhaitaient, ce qui est aisément compréhensible,
que ces personnes aient quitté leurs fonctions depuis
moins de
huit ans pour pouvoir siéger dans les formations disciplinaires. Le
présent article, sans rapport avec le projet de loi, tend à
corriger cette erreur matérielle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 39
Délai d'entrée en vigueur
de
certaines dispositions
Cet
article concerne les délais d'entrée en vigueur de certaines
dispositions et prévoit une disposition transitoire en ce qui concerne
le recours en matière criminelle.
Les délais d'entrée en vigueur proposés sont
résumés dans le tableau suivant.
Délai |
Dispositions concernées |
• premier jour du deuxième mois suivant la publication de la loi |
-
dispositions relatives à la garde à vue
|
• premier jour du quatrième mois suivant la publication de la loi |
- dispositions relatives au juge chargé de la détention provisoire et aux conditions de placement en détention provisoire |
• premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi |
- recours en matière criminelle |
• un an après la publication de la loi |
- délai d'audiencement en matière criminelle |
En ce
qui concerne le recours en matière criminelle, le présent article
prévoit l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions six mois
après la publication de la loi, mais précise que
les personnes
condamnées par une cour d'assises après la publication de la loi
et dont la condamnation ne serait pas définitive le premier jour du
sixième mois suivant cette publication, pourront, dans les dix jours
suivant cette date, former appel de leur condamnation
.
Par ailleurs, en ce qui concerne le délai d'audiencement en
matière criminelle, le présent article repousse l'entrée
en vigueur des dispositions du projet de loi à un an après la
publication de la loi. Or, l'article 21 nonies du projet de loi, qui
confie au juge d'instruction le soin d'ordonner la mise en accusation d'une
personne prévoit que le mandat de dépôt ou d'arrêt
décerné au cours de l'information conserve sa force
exécutoire jusqu'à la comparution de celui-ci devant la cour
d'assises, sous réserve des délais butoirs prévus en
matière d'audiencement. Il convient, comme le prévoit le
présent article, que cette réserve ne s'applique que lorsque les
délais butoirs entreront en vigueur, c'est-à-dire un an
après la publication de la loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 41
(art. 97 du code de procédure
pénale)
Perquisitions dans les cabinets d'avocats
En
première lecture, le Sénat a adopté un amendement
destiné à préciser les conditions dans lesquelles peuvent
se dérouler des perquisitions dans les cabinets d'avocat.
L'Assemblée nationale, tout en préconisant ces dispositions, les
a, à juste titre, insérées à
l'article 9 octies du projet, dans une section comportant des
"
dispositions assurant l'exercice des droits de la défense par
les avocats
". Elle a donc supprimé le présent article.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de l'article
41.
Article 42
(art. 720-1-A nouveau du code de
procédure pénale)
Visites d'établissements
pénitentiaires par les parlementaires
Cet
article inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à permettre aux
députés et sénateurs de visiter à tout moment tout
établissement de l'administration pénitentiaire situé dans
leur département.
L'Assemblée nationale a d'abord adopté la même disposition
dans le projet de loi relation à l'action publique en matière
pénale, sur proposition de M. Jean-Luc Warsmann. Encore sur
proposition de M. Warsmann, elle a décidé d'inscrire cette
disposition dans le présent projet de loi.
Tout en acceptant cette disposition, votre commission a décidé de
l'insérer parmi les articles relatifs à l'exécution des
peines.
Votre commission vous propose en conséquence
la suppression
du
présent article.
Article 43
Visite des établissements
pénitentiaires par
la commission départementale de
sécurité et d'accessibilité
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, prévoit que tout
établissement pénitentiaire est visité au moins une fois
par an par la commission départementale de sécurité et
d'accessibilité.
Une telle disposition paraît pour le moins prématurée. Les
établissements pénitentiaires ne répondent à
l'évidence pas, pour beaucoup d'entre eux, aux normes définies
pour les établissements appelés à recevoir du public.
Cette situation doit naturellement évoluer. Toutefois, il n'est pas
certain que la commission départementale de sécurité et
d'accessibilité soit l'organe le mieux placé pour visiter des
établissements présentant des caractéristiques très
particulières.
La commission sur l'amélioration du contrôle extérieur des
établissements pénitentiaires présidée par M.
Guy Canivet vient de formuler des propositions très ambitieuses en
matière de contrôle externe des établissements
pénitentiaires. Elle a notamment proposé la création d'une
autorité qualifiée de "
contrôle
général des prisons
".
La commission a précisé : "
le champ de
contrôle doit (...) comprendre les conditions générales de
détention, les rapports entre l'Administration et les détenus,
les relations entre co-détenus, la mise en oeuvre du statut de ceux-ci,
mais aussi l'état des bâtiments et des cellules
, les
activités proposées
".
Votre commission estime préférable d'attendre la mise en place
d'un contrôle spécifique aux établissements
pénitentiaires plutôt que de décider, dans la
précipitation d'imposer à la commission départementale de
sécurité et d'accessibilité de visiter les
établissements pénitentiaires. Il est souhaitable que le
Gouvernement dépose très rapidement un projet de loi relatif au
contrôle de l'administration pénitentiaire.
Votre commission rappelle en outre, qu'à l'initiative du Sénat,
la commission nationale de déontologie de la sécurité sera
compétente à l'égard de l'administration
pénitentiaire. Par ailleurs, le Sénat a récemment mis en
place une commission d'enquête sur les conditions de détention
dans les établissements pénitentiaires, qui pourra formuler des
propositions à l'issue d'un travail approfondi d'auditions, de visites
d'établissements et de comparaisons internationales.
Votre commission vous propose, dans cette attente, la
suppression
de cet
article.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.
TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE 1
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MERCREDI 8 MARS
2000
_____
AUDITION DE ME PATRICK MAISONNEUVE,
AVOCAT, RESPONSABLE DE LA
COMMISSION PÉNALE
DE L'ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D'APPEL DE
PARIS
_______
M. Jacques Larché, président, a
noté
que l'Assemblée nationale avait tiré parti des
améliorations apportées par le Sénat en première
lecture, en particulier l'appel devant les cours d'assises, que le Gouvernement
n'avait pas voulu proposer initialement.
Me Patrick Maisonneuve a estimé que les travaux parlementaires
allaient dans la bonne direction en renforçant le principe du
contradictoire, l'égalité des armes entre les parties et la
séparation entre les fonctions de jugement et de poursuite.
S'agissant de la garde à vue, il a remarqué que les arguments
avancés lors de l'institution de la présence de l'avocat à
la vingtième heure, selon lesquels l'efficacité de
l'enquête serait battue en brèche, n'avaient pas été
vérifiés dans la pratique. Il a fait part de plusieurs
propositions tendant à affirmer le principe de la nécessaire
compatibilité des conditions de la garde à vue avec le respect du
droit à la dignité de toute personne, tout en reconnaissant qu'il
était très difficile d'énumérer de façon
exhaustive ces conditions. Il a estimé que les temps de repos ne
s'effectuaient pas conformément aux règles d'hygiène et de
sécurité, la garde à vue plaçant la personne en
position de faiblesse physique et psychologique. Il a ajouté que
l'intégrité et l'intimité des personnes n'étaient
pas respectées et qu'il était faux d'affirmer que les fouilles
à corps étaient toujours effectuées par des
médecins.
Me Patrick Maisonneuve a jugé important d'informer la personne
gardée à vue des raisons de son arrestation et des accusations
portées contre elle, conformément à l'article 5-2 de
la Convention européenne des droits de l'homme. Il a estimé que
l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue, facteur de
transparence, était aussi une garantie pour les fonctionnaires de
police. Il s'est déclaré favorable à l'enregistrement
vidéo, mais a craint que cette solution ne soit trop difficile à
mettre en oeuvre, et ne soit finalement pas appliquée. En
conséquence, il a proposé que l'avocat puisse assister aux
auditions lors de la garde à vue. Il a ensuite insisté sur la
nécessité de retranscrire, dans les procès-verbaux, les
questions posées à la personne gardée à vue. Enfin,
il a attiré l'attention sur les pratiques de conditionnement et de
déstabilisation dans la première phase de la garde à vue.
Interrogé par M. Jacques Larché, président,
Me Patrick Maisonneuve a considéré que la
présence de l'avocat pouvait être envisagée comme une
alternative à l'enregistrement de la garde à vue. Il a
regretté certaines dérives par lesquelles des policiers
orientaient le choix d'un avocat par la personne gardée à vue. Il
a souhaité qu'en cas de contestation, la transcription de
l'enregistrement ou son écoute par le magistrat soit de droit et non une
simple faculté laissée à l'appréciation du juge.
Constatant que la garde à vue était utilisée comme moyen
de pression, M. Henri de Richemont a marqué
l'intérêt d'informer la personne gardée à vue de son
droit de garder le silence.
Me Patrick Maisonneuve a approuvé l'information sur le droit
au silence, mais a ajouté qu'elle ne devait pas mettre en cause le
principe du contradictoire. En particulier, il a estimé que certains
comportements des officiers de police judiciaire pouvaient, en pratique, faire
échec au droit au silence.
M. Charles Jolibois, rapporteur, a précisé que
l'information sur le droit de garder le silence avait d'ores et
déjà été adoptée par les deux
assemblées.
M. Jacques Larché, président, a insisté sur
l'intérêt de formuler les questions posées dans les
procès-verbaux de garde à vue.
M. Henri de Richemont s'est demandé s'il ne convenait pas
de prévenir la personne gardée à vue que toutes ses
déclarations pourraient être utilisées contre elle.
M. Charles Jolibois, rapporteur, a fait part des critiques sur
l'enregistrement audiovisuel des déclarations des mineurs victimes,
avancées lors de l'adoption de la loi relative aux infractions
sexuelles, l'utilisation de l'enregistrement à tout moment de
l'instruction ou à l'audience pouvant nuire à la personne mise en
examen. Il a ajouté que la question de l'admissibilité en preuve
de l'enregistrement et de son utilisation éventuelle devant la Cour
était d'autant plus sensible que la phase de garde à vue se
déroulait sans la présence de l'avocat ni du juge.
Me Patrick Maisonneuve a réfuté l'argument selon lequel
les policiers manipuleraient les bandes sonores. Il a estimé que
l'objectif principal des enregistrements était de rendre plus
transparentes les gardes à vue et d'éviter les pressions sur la
personne.
M. Jacques Larché, président, a remarqué que
certains magnétophones permettaient un enregistrement
sécurisé, toute manipulation de la bande sonore étant
immédiatement décelable. M. Nicolas About a
précisé que tel n'était pas le cas avec les
enregistrements numériques.
Constatant les incertitudes sur la fiabilité de l'enregistrement,
Me Patrick Maisonneuve a indiqué sa préférence
pour la présence de l'avocat lors des auditions en garde à vue. A
défaut, il lui a semblé que l'enregistrement constituait un
progrès.
Interrogé sur la capacité des barreaux d'assurer la
présence effective de l'avocat à la vingtième heure, il a
fait part de la régionalisation en cours des barreaux.
Me Patrick Maisonneuve a jugé très important que l'attribution du
statut de témoin assisté aux personnes visées par une
plainte ou mises en cause par la victime, en application de
l'article 113-2 du code de procédure pénale, s'exerce
à peine de nullité.
Il a ajouté que le statut de témoin assisté devait
être appliqué dans le cadre d'une enquête
préliminaire, cette procédure intéressant 80 à
90 % des affaires pénales.
S'agissant de l'appel devant les cours d'assises,
Me Patrick Maisonneuve a indiqué que la commission
pénale du barreau de Paris était favorable depuis longtemps
à la " deuxième chance ". Il a souligné
l'intérêt de maintenir le jury populaire afin d'associer les
citoyens au jugement des affaires pénales les plus graves.
Me Patrick Maisonneuve s'est déclaré très hostile à
la motivation des arrêts de cour d'assises. En pratique, il a
précisé que les plaidoiries devant les cours d'assises visaient
très rarement l'acquittement et portaient majoritairement sur le quantum
de la peine. Il a donc estimé qu'il y aurait très peu de
contestation des arrêts d'assises, remettant ainsi en cause l'argument de
l'encombrement des juridictions.
M. Jacques Larché, président, s'est interrogé
sur une alternative à l'appel tournant qui aurait consisté
à introduire la notion d'" erreur manifeste
d'appréciation " utilisée par la justice administrative,
afin de permettre à la Cour de cassation, dans les circonstances de
l'espèce, de casser une affaire si elle l'estime nécessaire.
Interrogé par M. Charles Jolibois, rapporteur, Me Patrick
Maisonneuve a approuvé la disposition permettant au seul accusé
de faire appel d'un jugement d'assises. M. Pierre Fauchon a
estimé que l'appel ne devait bénéficier qu'à
l'accusé, l'objectif de la deuxième chance étant
d'éviter la condamnation d'un innocent.
S'agissant du juge de la détention, Me Patrick Maisonneuve a
considéré que la séparation des fonctions de jugement et
d'instruction constituait un progrès, dans la mesure où les
magistrats instructeurs utilisaient très fréquemment la mise en
détention provisoire comme moyen de pression. Il a estimé que la
garde à vue constituait un moyen de pression très efficace contre
les personnes qui n'avaient encore jamais eu affaire au système
judiciaire.
Enfin, il a insisté sur la nécessité de préserver
la possibilité pour le juge d'instruction de prononcer un contrôle
judiciaire afin de limiter le nombre de mises en détention provisoire.
M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que les deux
assemblées avaient adopté cette disposition à
l'article 10 du projet de loi.
M. Pierre Fauchon s'est demandé si l'introduction du
" plaider coupable " n'était pas de nature à simplifier
le traitement des affaires pénales. M. Jacques Larché,
président, a noté que la composition pénale, introduite
par la loi améliorant l'efficacité de la procédure
pénale, constituait une amorce du " plaider coupable ".
Me Patrick Maisonneuve a remarqué que le " plaider
coupable ", bien qu'existant en fait sur le terrain, ne faisait pas partie
de notre culture juridique.
AUDITION DE MM. ETIENNE APAIRE,
JEAN-BAPTISTE PARLOS, PHILIPPE COIRRE
ET JEAN-FRANÇOIS RICARD, DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE
DES
MAGISTRATS INSTRUCTEURS
_______
Après avoir noté que depuis 1980, plus de dix
réformes de la procédure pénale avaient été
adoptées, M. Jean-Baptiste Parlos, considérant que la
définition de la jurisprudence demandait environ sept ans après
l'entrée en vigueur de la loi, a craint un certain désordre
juridique. Il a insisté sur la nécessité d'accompagner la
nouvelle réforme des moyens suffisants.
Il a estimé que la réforme proposée n'était ni
cohérente, ni complète, dans la mesure où la distinction
n'avait pas clairement été effectuée entre les missions
juridictionnelles du juge et ses missions d'enquête et d'instruction. Il
a relevé que la réforme ne concernait que 5 à 7 % des
affaires pénales, puisque les procédures de comparution
immédiate, de citation directe et de convocation par officier de police
judiciaire dans le domaine correctionnel demeuraient hors du champ
d'application du projet de loi.
S'agissant de la détention provisoire, M. Jean-Baptiste Parlos a
noté que les magistrats instructeurs approuveraient de ne plus se voir
confier le contentieux de la détention. Cependant, il n'a pas
jugé bon que le juge de la détention provisoire soit saisi par le
juge d'instruction, et non par le procureur de la République.
Il a souligné les difficultés d'application de la disposition,
adoptée par l'Assemblée nationale, interdisant la mise en
détention provisoire des parents qui exercent l'autorité
parentale sur des enfants de moins de dix ans, indiquant qu'à la maison
d'arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, 50 des
78 détenues exerçaient seules l'autorité parentale.
S'agissant de la garde à vue, M. Etienne Apaire a attiré
l'attention sur les trois innovations du projet de loi, à savoir la
présence de l'avocat dès la première heure,
l'enregistrement des auditions et l'interdiction de la garde à vue des
témoins.
Tout en soulignant l'approbation par les magistrats instructeurs du principe de
la présence de l'avocat dès la première heure de garde
à vue, M. Etienne Apaire a rappelé qu'il revenait en
premier lieu au parquet de s'assurer de la bonne conduite des gardes à
vue par les officiers de police judiciaire.
Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences de la
présence de l'avocat dès la première heure lorsque des
actes urgents seraient nécessaires. Il a souhaité que la loi
précise les mesures d'investigation que pourront accomplir les policiers
pendant la période de garde à vue et indiqué que l'absence
de l'avocat, avisé dès la première heure, ne devait pas
empêcher les investigations.
M. Etienne Apaire a noté que plusieurs mesures adoptées au cours
des dernières années, à savoir le raccourcissement de la
durée de la garde à vue, portée à 24 heures
renouvelables une fois dans les conditions de droit commun, la
possibilité de trois entretiens avec l'avocat en cas de prolongation de
la garde à vue et la visite médicale, étaient de nature
à amputer considérablement la période effective de garde
à vue. Considérant que la durée de 48 heures avait
été instituée à une époque où les
obligations prévues en faveur des personnes gardées à vue
n'offraient pas les mêmes garanties, il a souhaité que la
durée de garde à vue soit augmentée de douze heures.
S'agissant de l'enregistrement sonore des auditions de garde à vue, il a
rappelé que le rôle des magistrats instructeurs était de
contrôler les policiers et de les renvoyer éventuellement devant
les tribunaux en cas de violences illégitimes. Il a estimé que
l'enregistrement vidéo pourrait être un bon outil, à
condition de s'appliquer dans l'ensemble des locaux, cette mesure étant
seule de nature à limiter le soupçon pesant sur les policiers.
M. Etienne Apaire a estimé que joindre l'enregistrement sonore à
la procédure excédait très largement l'objectif
d'éviter les violences illégitimes. Il a jugé que la
possibilité pour le juge d'écouter l'enregistrement pouvait
engendrer de multiples contentieux.
M. Etienne Apaire a regretté qu'aucune mesure ne soit prévue pour
obliger le témoin récalcitrant à rester à la
disposition de la police le temps nécessaire à son audition. Il a
proposé de créer un délit d'opposition à la justice
permettant de sanctionner le refus de coopérer.
Considérant que la garde à vue permettait souvent la
résolution des affaires, notamment en cas d'aveux, il a regretté
que le projet de loi multiplie les sources de contentieux, alors que la
délinquance ne cessait d'augmenter.
Interrogé par M. Henri de Richemont, M. Etienne Apaire a
distingué le droit pour la personne gardée à vue de garder
le silence afin de ne pas s'incriminer elle-même, du devoir pour le
témoin de collaborer avec la justice.
M. Philippe Coirre a souhaité que les policiers intervenant sur les
lieux d'un crime aient les moyens d'enquêter sur place. Il a
regretté que l'effet mécanique du projet de loi soit l'ouverture
systématique d'informations, en particulier du fait des articles 113-2
et 77-2 du code de procédure pénale.
Il a estimé que le statut de témoin assisté allait
favoriser les ouvertures immédiates d'informations, seul le juge
d'instruction étant habilité à entendre une personne mise
en cause en qualité de témoin assisté. Il lui a
semblé que même si cette disposition ne concernait que les
informations déjà ouvertes, les juges d'instruction, contraints
d'effectuer le travail de " défrichage " actuellement
réalisé en garde à vue, allaient rapidement être
débordés.
M. Philippe Coirre a ensuite critiqué la disposition
permettant à la personne gardée à vue dans le cadre d'une
enquête préliminaire de flagrance, de demander au bout de six mois
au procureur de la République, qui envisage de prolonger
l'enquête, de se justifier dans le cadre d'un débat public. Il a
jugé que les enquêtes deviendraient inefficaces, faute de
confidentialité, et a regretté l'institution d'un débat
public. Il lui a semblé que le procureur de la République aurait
intérêt à ouvrir une information dès le début
de l'enquête afin de bénéficier d'une année
d'investigations confidentielles, cette pratique conduisant à augmenter
le nombre des affaires " en friche ".
M. Philippe Coirre a marqué son opposition à l'appel de la
décision de mise en examen et à la contestation d'une mise en
examen au moyen d'une requête en nullité, cette procédure
instaurant un contentieux dilatoire supplémentaire.
S'agissant des délais butoirs, M. Philippe Coirre a indiqué que
les juges d'instruction ne seraient absolument pas en mesure de les tenir. Il a
insisté sur le caractère peu précis de ces délais,
le projet de loi n'indiquant pas s'ils incluaient les délais
d'audiencement, ni dans quelles conditions ils pourraient être suspendus.
Il lui a semblé nécessaire de suspendre les délais butoirs
en cas de contentieux lié à une nullité de
procédure.
M. Philippe Coirre a estimé qu'à moins de recruter 450 magistrats
supplémentaires, le projet de loi allait provoquer un blocage de la
justice pénale en quelques semaines.
M. Jean-François Ricard a noté que le métier de juge
d'instruction avait considérablement changé depuis 18 ans
afin d'améliorer l'équilibre entre les droits de la
défense, la présomption d'innocence et l'efficacité de la
répression. Il a attiré l'attention sur les périls de ce
projet de loi.
Devant le risque de blocage des investigations et de neutralisation du
rôle de la garde à vue, il a souhaité le maintien de la
présence de l'avocat à la seule vingtième heure en
matière criminelle.
M. Jean-François Ricard a souligné l'importance de limiter aux
informations déjà ouvertes l'octroi du statut de témoin
assisté à la personne qui en fait la demande.
Il a craint le blocage des procédures pour les infractions les plus
graves, en particulier en matière de terrorisme, la clôture de
l'investigation ne pouvant pas intervenir, dans de nombreux cas, avant un
délai de trois ans.
M. Jean-François Ricard a mis en garde contre un ralentissement massif
du traitement des affaires pénales, les contrats de procédure ne
pouvant être tenus que si des moyens réels de fonctionnement
étaient prévus. Il a estimé que la disposition selon
laquelle le juge de la détention provisoire devait avoir rang de
président ou de vice-président allait conduire à
solliciter l'intervention des juges civils en tant que juges de la
détention, alors que leur intérêt pour cette matière
n'était pas avéré.
Constatant le déplacement de la procédure pénale de
l'inquisitoire vers le contradictoire, M. Henri de Richemont s'est
demandé si un policier pouvait enquêter à charge et
à décharge, si les questions posées par la défense
étaient de nature à intimider le témoin, enfin si
l'expertise pouvait être contradictoire.
M. Jean-François Ricard a indiqué que le juge d'instruction
déléguait aux policiers une partie de ses attributions au moyen
d'une commission rogatoire très précisément définie
et qu'il lui appartenait d'exiger un compte rendu au jour le jour et la
communication des actes.
Interrogé par M. Jacques Larché, président, M.
Jean-François Ricard a estimé que les pratiques consistant pour
un policier à orienter le choix d'un avocat par la personne
interrogée n'avaient plus cours. Il a ajouté que le juge devait
entretenir un contact régulier avec les officiers de police judiciaire
et sanctionner les comportements répréhensibles par le retrait de
la délégation.
M. Philippe Coirre a considéré que dans un système
où le parquet n'était pas indépendant et où
prévalait le principe d'opportunité des poursuites, il
était nécessaire que le juge d'instruction conserve la
maîtrise de l'enquête pénale.
M. Jean-François Ricard a regretté la disposition pouvant
conduire un témoin à s'exprimer face au juge en présence
de l'avocat de la personne mise en examen, cette disposition pouvant être
à l'origine de la peur de témoigner, en particulier dans les
affaires de violences urbaines.
M. Jean-François Ricard a rappelé que les avocats avaient la
possibilité de demander des expertises en énonçant
très précisément leurs attentes. Il n'a pas jugé
nécessaire que l'avocat soit présent pour poser directement des
questions à l'expert. M. Jean Baptiste Parlos a noté que
l'expertise contradictoire dans la procédure civile allongeait
considérablement les délais.
M. Jean-Baptiste Parlos a ajouté que les juges d'instruction
auraient préféré, à l'institution d'un juge de la
détention provisoire, la création d'un tribunal de la
détention. M. Etienne Apaire a précisé que, dans
l'idéal, le procureur devrait saisir une chambre collégiale
décidant le placement en détention. En tout état de cause,
il a refusé que le juge d'instruction saisisse un autre magistrat. M.
Philippe Coirre a indiqué que les juges d'instruction étaient
favorables à la " collégialité à la
carte ", moins coûteuse en termes d'effectifs que le juge de la
détention provisoire.
M. Etienne Apaire a estimé que l'appel des jugements d'assises
institué par le projet de loi ne respecterait pas le droit
européen s'il ne s'exerçait pas devant une cour
supérieure. Il a fait part de l'encombrement actuel des juridictions et
a considéré que l'absence de moyens budgétaires
supplémentaires allait aboutir à un déni de justice, la
Chancellerie ne semblant pas avoir prévu les recrutements
nécessaires pour les assesseurs.
M. Jacques Larché, président, a indiqué que la
Cour de cassation devrait renvoyer les affaires aux cours d'assises les moins
chargées.
AUDITION DE MME MIREILLE DELMAS-MARTY,
PROFESSEUR À
L'UNIVERSITÉ DE PARIS I,
RESPONSABLE DE LA COMMISSION " JUSTICE
PÉNALE
ET DROITS DE L'HOMME " EN 1988-1990
_______
Mme
Mireille Delmas-Marty a tout d'abord précisé que le projet de
loi, dans sa dernière version, améliorait de manière
importante la procédure pénale. Elle a toutefois noté que,
paradoxalement, s'agissant d'un texte sur la présomption d'innocence,
les principaux progrès ne concernaient pas la phase préparatoire
au procès. Parmi les avancées les plus importantes contenues dans
le projet de loi, elle a cité l'appel en matière criminelle
initié par le Sénat, la juridictionnalisation de l'application
des peines, la possibilité de révision d'un procès
pénal après une condamnation de la France par la Cour
européenne des droits de l'homme, enfin la possibilité pour les
parlementaires de visiter à tout moment les établissements
pénitentiaires de leur département.
Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite rappelé que la phase
préparatoire au jugement pouvait prendre la forme soit d'une
instruction, soit d'une enquête préliminaire aboutissant à
une citation directe devant le tribunal. Elle a estimé que le projet de
loi apportait des progrès incontestables dans le déroulement de
l'instruction et s'est déclarée favorable aux dispositions
précisant les motifs permettant la détention provisoire, ainsi
qu'à la limitation de la durée de la détention provisoire,
à la séparation de l'enquête et de la décision de
placement en détention provisoire, enfin à la création
d'une commission de suivi de la détention provisoire. Elle a en revanche
regretté qu'aucune amélioration substantielle des
procédures autres que l'instruction, qui représentent plus de
90 % des affaires pénales, ne soit prévue. Elle a
noté que, outre les quelques avancées en matière de garde
à vue, la seule disposition concernant les affaires ne faisant pas
l'objet d'une instruction préparatoire était la mise en place
d'un contrôle de la durée des enquêtes.
Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite souligné que le dispositif
proposé était trop complexe et a regretté que le
législateur modifie périodiquement la procédure
pénale en ajoutant constamment de nouvelles formalités, situation
déjà dénoncée par la commission " Justice
pénale et droits de l'homme " dès 1990. Elle a
exprimé la crainte que les difficultés d'application de la
nouvelle loi n'imposent au législateur de remettre en chantier un
nouveau projet à bref délai.
Mme Mireille Delmas-Marty, prenant acte de la marginalisation probable du juge
d'instruction, a estimé toutefois que le projet de loi renforçait
la confusion dans les rôles respectifs des acteurs de la procédure
pénale. Rappelant que le juge d'instruction jouait un rôle de
policier par ses pouvoirs d'enquête, un rôle d'accusateur par son
pouvoir de mise en examen et un rôle de juge par ses pouvoirs en
matière de privation de liberté, elle a estimé que le
projet de loi ne clarifiait pas la situation et ajoutait au contraire de
nouvelles confusions entre le juge et le ministère public.
Elle a ainsi noté qu'en matière de contrôle de la
durée de l'enquête préliminaire, le président du
tribunal pourrait imposer au procureur de classer une affaire après un
débat contradictoire en présence d'un avocat. Elle a en outre
souligné que le juge d'instruction devrait lui-même, tel un
accusateur, saisir le juge de la détention provisoire d'une demande de
mise en détention et s'est demandée si une telle procédure
était conforme au principe d'impartialité du juge posé par
la Convention européenne des droits de l'homme.
De la même manière, elle a fait valoir que, pour éviter
tout " préjugement ", la mise en examen devrait relever de
l'accusation et non d'un juge. Elle a estimé que la mise en examen
pourrait d'ailleurs utilement être supprimée, les personnes mises
en cause pouvant bénéficier du statut de témoin
assisté. Elle a fait valoir que le principal intérêt de la
mise en examen était de permettre le placement en détention
provisoire.
M. Jacques Larché, président, a rappelé que le passage de
la notion d'inculpation à la notion de mise en examen n'avait eu aucun
effet sur la perception de cette mesure par l'opinion publique.
Mme Mireille Delmas-Marty a alors observé que le fait que des indices
graves et concordants soient constatés par un juge impartial
était lourd de conséquences et que l'attribution du statut de
témoin assisté à une personne faisant l'objet d'un
réquisitoire ou d'une plainte ou contre laquelle il existe de simples
indices n'avait pas la même portée.
Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite souligné qu'une procédure
d'instruction comportait différentes phases -témoin
assisté (simples indices), mise en examen (indices graves et
concordants), mise en détention (conditions spécifiques
liées à la protection des preuves), renvoi en jugement (charges
suffisantes), jugement (véritables preuves)- caractérisées
par des droits clairement définis, mais qu'en l'absence d'instruction,
la procédure était beaucoup plus sommaire et reposait
entièrement sur le procureur, seul compétent pour
apprécier si les charges étaient suffisantes pour que l'affaire
soit renvoyée devant le tribunal.
M. Charles Jolibois, rapporteur, a estimé que la suppression de la mise
en examen risquait, quelles que soient les précautions prises, de rendre
le statut de témoin assisté aussi infâmant que celui de mis
en examen. Il a rappelé que le projet de loi, notamment à la
suite des travaux du Sénat, prévoyait une gradation subtile entre
les statuts de témoin, de témoin assisté et de mis en
examen. Il s'est demandé s'il était possible d'attribuer au
témoin assisté, dont le champ d'application a été
fortement étendu pendant la navette parlementaire, tous les droits de la
personne mise en examen.
Il a en outre considéré qu'il serait trop lourd de prévoir
que la demande de mise en détention provisoire devrait être faite
par le procureur, observant que le dossier passerait successivement entre les
mains du juge d'instruction, du procureur et du juge de la détention
provisoire.
Mme Mireille Delmas-Marty a rappelé que le juge d'instruction
était supposé indépendant et impartial et que sa demande
de placement en détention provisoire risquait de mettre davantage en
lumière l'ambiguïté de son rôle que la situation
actuelle. Elle a indiqué que la suppression de la mise en examen serait
assurément plus cohérente dans un système où
disparaîtrait le juge d'instruction responsable de l'enquête.
Elle a ensuite estimé qu'il serait utile d'étendre les
prérogatives du juge de la détention provisoire pour en faire un
juge de la phase préliminaire ou un juge des libertés,
l'extension facultative de ses compétences prévue par l'article
10 bis AA du projet pouvant devenir obligatoire, par exemple à
échéance de trois ans.
M. Jacques Larché, président, a demandé s'il ne serait pas
préférable que le juge d'instruction conserve ses pouvoirs de
placement en détention, tout en prévoyant la possibilité
pour la personne de demander que la décision soit prise par une
collégialité.
Mme Mireille Delmas-Marty s'est déclarée fermement convaincue que
la personne chargée de l'enquête ne pouvait pas prendre une
décision de mise en détention sans que ses hypothèses
d'enquête aient une influence déterminante sur cette
décision. Elle a en outre estimé que, pour les décisions
de ce type, la collégialité ne présentait qu'un
intérêt limité.
Concluant son propos, Mme Mireille Delmas-Marty a observé que la
procédure pénale française tendait à devenir une
exception en Europe, peu de pays (principalement l'Espagne) conservant un
système comparable. Elle a rappelé que le statut du tribunal
pénal pour l'ex-Yougoslavie et celui de la Cour pénale
internationale prévoyaient tous deux un système dans lequel
l'enquête est confiée au procureur sous le contrôle d'un
juge de la mise en état ou d'une chambre préliminaire. Elle a
noté que ce système était également proposé
au niveau de l'Union européenne en matière de fraudes au budget
communautaire. Elle en a conclu que le projet de loi sur la présomption
d'innocence ne constituait vraisemblablement qu'une nouvelle étape dans
la réforme de la procédure pénale.
AUDITION DE MM. ANDRÉ-MICHEL VENTRE,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES COMMISSAIRES
ET HAUTS FONCTIONNAIRES
DE LA POLICE NATIONALE,
JEAN-MICHEL TOULLEC, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT NATIONAL DES OFFICIERS DE POLICE,
BRUNO BESCHIZZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, ET PATRICE BRISSET,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT " SYNERGIE
OFFICIERS "
_______
M. Jean-Michel Toullec, a fait part de
l'inquiétude de
l'ensemble des représentants des officiers de police judiciaire
provoquée par les dispositions du projet de loi sur la
présomption d'innocence, notamment par celles sur la garde à vue
qui auraient des répercussions importantes sur les conditions de travail
des policiers, le taux d'élucidation des affaires et les relations avec
les victimes.
Il a rappelé que la présence de l'avocat à la
vingtième heure de la garde à vue, désormais entrée
dans les moeurs, avait à la fois pour objet d'assurer au témoin
un soutien psychologique et moral et de lui permettre de
bénéficier de conseils avant sa présentation devant le
procureur de la République. Il a cependant estimé qu'un bilan de
l'intervention des avocats à la vingtième heure pourrait faire
ressortir le désintérêt de certains avocats pour cette
procédure.
Il a indiqué que le projet de présence de l'avocat à la
première heure était ressenti par les policiers comme une marque
de suspicion à leur égard et qu'il introduisait de manière
illogique des éléments accusatoires dans une procédure
restant inquisitoire.
Il a craint que des imprécisions du texte ne conduisent à la
multiplication des nullités de procédure, s'interrogeant
notamment sur l'étendue des pouvoirs de l'enquêteur avant
l'arrivée d'un avocat n'ayant pu être joint rapidement ou ayant
des délais de route.
M. Bruno Beschizza a considéré que plusieurs dispositions du
projet de loi étaient de nature à paralyser l'exercice de la
police judiciaire, opinion également partagée par les magistrats
instructeurs. Il a regretté que l'équilibre soit rompu entre le
système inquisitoire et le système accusatoire, estimant que la
réforme s'était arrêtée au milieu du gué.
Il a observé que plusieurs dispositions du projet de loi tendaient
à faire porter aux policiers les conséquences du mauvais
état des locaux de garde à vue et l'insuffisance des moyens
d'accueil du public, à un moment où les policiers avaient
eux-mêmes accompli un important effort d'adaptation.
Il a considéré que ce texte ne pouvait que conduire à
décourager les policiers et à organiser une impunité
généralisée sans toutefois atteindre son objectif premier
de protection de la présomption d'innocence. Il a craint en effet que
l'intervention de l'avocat à la première heure ne puisse
réellement bénéficier qu'aux délinquants
organisés, déjà en relation avec un avocat. Evoquant
l'usage que des délinquants, notamment des terroristes, pourraient faire
du droit de demander l'état du dossier d'enquête et le classement
de l'affaire au bout de six mois, et craignant de rencontrer de
l'incompréhension de la part des victimes, il a indiqué que les
policiers ne voulaient pas être des boucs émissaires.
M. André-Michel Ventre a indiqué que les policiers vivaient
très mal la suspicion que faisaient peser sur eux les dispositions du
texte en dépit de l'important effort de modernisation accompli par la
police.
Il a considéré que le texte entraverait l'action des policiers de
base.
S'agissant de l'intervention de l'avocat à la première heure de
la garde à vue, il s'est inquiété des nullités de
procédure éventuelles résultant de l'impossibilité
de contacter un avocat et la famille d'une personne gardée à vue,
par exemple en cas d'ébriété de cette dernière la
mettant dans l'incapacité de communiquer les informations
nécessaires.
Il a également critiqué la procédure de témoin
assisté soulignant les difficultés qu'elle pourrait
entraîner en cas d'inceste ou de violence sexuelle en relation avec
l'application de l'article 105 du code de procédure pénale.
S'agissant de l'enregistrement des auditions lors des gardes à vue, il a
observé qu'il redonnerait à l'aveu une importance actuellement
sur le déclin. Il s'est inquiété de la force probante
qu'aurait un procès-verbal d'audition par rapport à
l'enregistrement sonore, sauf à être la transcription exacte de ce
dernier. Constatant qu'un simple enregistrement sonore ne permettrait pas au
policier de se prémunir contre des simulateurs, il a estimé que,
seul, un enregistrement vidéo serait de nature à éviter
toute contestation.
Il a insisté sur le coût budgétaire des mesures
proposées, soulignant que risquaient d'être réduits
à néant, faute de moyens, les espoirs mis dans la politique de
proximité. Il a indiqué à cet égard que la ville de
New York employait 40.000 policiers pour 7 millions d'habitants, alors que
Paris n'en n'employait que 28.000, dont 80 % assuraient des tâches
d'ordre public.
Il s'est enfin déclaré partisan d'un réel système
accusatoire permettant à la police d'assurer la sécurité
des citoyens.
M. Charles Jolibois, rapporteur, s'est inquiété des discordances
risquant de se produire entre les procès-verbaux d'auditions et les
enregistrements sonores et a indiqué que certains de ses interlocuteurs
constataient que ces derniers pourraient se retourner contre les personnes
ayant effectué des aveux.
M. Nicolas About, tout en indiquant qu'il n'était pas
favorable à l'intervention de l'avocat dès la première
heure de garde à vue, a considéré que celle-ci ne
protégerait pas plus les grands délinquants que les
délinquants occasionnels, les premiers étant familiers des
procédures et pouvant attendre la vingtième heure pour
bénéficier des conseils de l'avocat. Il a considéré
que le risque d'utilisation de la bande sonore au détriment de la
personne gardée à vue était réel et qu'il fallait
prendre en compte les questions de manipulation de bandes. Il s'est
demandé s'il ne serait pas plus judicieux de prévoir la signature
des procès-verbaux, à la vingtième heure, en
présence de l'avocat.
M. Jean-Michel Toullec a souligné que la garde à vue était
une véritable confrontation psychologique pouvant conduire à des
aveux ultérieurement étayés par des preuves. Il a
considéré que les dispositions du texte en modifieraient la
nature et que des aveux enregistrés porteraient gravement atteinte
à la présomption d'innocence. Il a estimé que, seul, un
enregistrement vidéo pourrait apporter les garanties nécessaires,
ce qui rendrait obligatoire la mise en place d'une véritable logistique
et l'intervention de personnels à l'abri de tout soupçon de
collusion avec la police.
Il a regretté que les débats parlementaires
révèlent une véritable suspicion à l'égard
de la police, en donnant pour exemple la sévère mise en cause
opérée à l'Assemblée nationale des fouilles
à corps effectuées dans les commissariats, alors même que
ces fouilles, ayant pour objet de rechercher des preuves et d'assurer la
sécurité tant des policiers que de la personne gardée
à vue ou de ses co-détenus, étaient
réalisées par des personnels médicaux.
M. André-Michel Ventre a considéré que les
dispositions du texte créeraient un véritable parcours du
combattant pour les enquêteurs de terrain. Il a craint que son
application n'entraîne une baisse du taux d'élucidation des
infractions, actuellement de 28 % en moyenne.
M. Bruno Beschizza a donné un exemple, validé par
l'association des magistrats instructeurs, dans lequel un agresseur connu
pourrait échapper à toute condamnation en exploitant les
nouvelles procédures envisagées.
ANNEXE 2
PROPOSITION DE LOI N° 240
_____
N° 240
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 18
février 1999
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25
février 1999
PROPOSITION DE LOI
tendant à faciliter et à améliorer
l'
indemnisation
des
victimes de violences
urbaines
,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe RICHERT,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)
Action sociale et solidarité nationale.
-
Délinquance - Fonds d'indemnisation véhicules - Ville - Code
de procédure
|
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Depuis
plusieurs années, la violence se manifeste de plus en plus
fréquemment dans certains de nos quartiers urbains.
Périodiquement des individus, plus souvent des groupes, s'en prennent
délibérément aux biens, parfois même aux personnes,
témoignant là d'une totale absence de conscience des
impératifs de la vie sociale et d'un mépris affiché pour
les lois de notre République.
La banalisation de tels comportements, qui doit être combattue, n'est pas
seulement préjudiciable à notre cohésion sociale. Elle
emporte également de graves conséquences pour leurs victimes
directes qui sont souvent, étant donné les quartiers en cause,
des personnes de condition modeste.
En particulier, la multiplication des incendies de véhicules est source
de nombreuses complications pour leurs propriétaires, pour qui ils
constituent, dans des quartiers parfois mal desservis par les transports
publics et frappés par un chômage massif, un atout primordial pour
conserver leur emploi ou en trouver un.
Ainsi, les victimes de violences urbaines rencontrent, à un degré
plus élevé, les difficultés d'indemnisation auxquelles
sont exposées toutes les victimes d'infractions pénales.
En principe, c'est l'auteur de l'infraction qui voit sa responsabilité
engagée. Celle-ci peut être recherchée au moyen de l'action
civile devant les juridictions civiles ou, plus souvent, devant les tribunaux
répressifs, à l'occasion des poursuites engagées à
l'encontre des délinquants, par voie de constitution de partie civile.
Comme il est normal, la victime se voit alors indemnisée de
l'intégralité du préjudice subi.
Cependant, la victime peut avoir du mal à être ainsi effectivement
indemnisée. Deux obstacles principaux peuvent se dresser. D'abord, il
est possible que l'auteur de l'infraction ne soit jamais identifié. En
outre, et dans l'hypothèse contraire, l'exécution du jugement
peut se heurter à l'insolvabilité du débiteur.
C'est précisément pour ne pas avoir à subir ces
désagréments que nombre de propriétaires choisissent
d'assurer leur véhicule, laissant ainsi à leur assureur le souci
de rechercher la responsabilité de l'auteur des dommages ou de sa
compagnie d'assurance, par la voie amiable ou par l'exercice d'une action
récursoire devant les tribunaux.
Mais l'indemnisation dans le cadre d'un contrat d'assurance de biens est
variable. Elle dépend des conditions retenues dans ce dernier pour
l'évaluation du bien assuré. Souvent, les propriétaires de
véhicules se voient remboursés sur la base de la valeur
vénale, ou la valeur d'usage, de leur automobile alors que, compte tenu
de la vétusté, celle-ci est fréquemment inférieure
à la somme qu'il leur faut débourser pour la remplacer.
Ainsi, les victimes se retrouvent parfois dans l'impossibilité d'obtenir
de qui que ce soit une quelconque indemnité, y compris de l'Etat. La
responsabilité de l'Etat ne peut en effet être recherchée
pour défaut de maintien de l'ordre public que sur le fondement de la
faute lourde, toujours difficile à établir devant les
juridictions administratives. Il existe bien un régime de
responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements et
rassemblements, institué par l'article 92 d'une loi du 7 janvier 1983,
mais celui-ci laisse entier le problème des infractions commises lors de
"violences urbaines" dans des conditions telles qu'il ne soit pas possible de
parler d'attroupements.
Le premier devoir à rendre aux victimes est de mettre fin à
l'impunité dont peuvent parfois jouir les auteurs d'actes de violence.
Le second d'étendre aux victimes de ces agissements le
bénéfice du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme
et d'autres infractions. Ce fonds, créé en 1983, et dont le champ
a déjà été étendu en 1990, constitue souvent
l'ultime expression de la solidarité nationale envers les victimes
d'infractions pénales. A titre subsidiaire, il indemnise, dans les
limites d'un plafond, celles d'entre elles dont les ressources sont faibles et
que l'infraction place, en l'absence de toute faute de leur part, dans une
situation matérielle grave. Les sommes versées ayant le
caractère non de dommages-intérêts mais de secours, le
Fonds est évidemment subrogé dans les droits des victimes pour
obtenir le remboursement des frais par les responsables.
L'application du dispositif concernerait notamment les atteintes touchant les
véhicules. Il est proposé que l'article 705-14 du code de
procédure pénale soit modifié en conséquence. Le
supplément de charges en résultant pour le Fonds, après
récupération des sommes auprès des responsables du dommage
ou de la victime, si celle-ci perçoit postérieurement des
indemnités au titre du dommage subi, serait financé par une
majoration des droits de consommation sur les tabacs qui l'alimente
déjà.
Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous prions de bien vouloir
adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Dans le premier alinéa de l'article 705-14 du code de procédure pénale, les mots "ou d'un abus de confiance" sont remplacés par les mots "d'un abus de confiance ou de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration de leur véhicule, au sens des articles 322-1 et 322-5 du code pénal".
Article 2
Les dépenses entraînées pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions par l'application des dispositions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts dont le produit lui est affecté.
1
Justice et Transparence, Rapport
n°247
(1994-1995)
2
Cour administrative d'appel de Bordeaux, arrêt du 5 mars
1998.
3
Justice et transparence, rapport n° 248 (1994-1995).
4
Cass. Crim. 30 juin 1999.
5
" Pour une meilleure prévention de la
récidive ", La documentation française - 1996.
6
Justice et transparence, rapport n° 247 (1994-1995).
7
Proposition de loi (n° 1893) relative à la lutte
contre la provocation à la discrimination, à la haine ou à
la violence à l'égard de personnes à raison de leurs
pratiques sexuelles non réprimées par la loi.
8
Proposition de loi (n° 2150) visant à combattre
l'incitation à la haine homophobe.
9
JOAN, 2
ème
séance du 10 février
2000, p. 1023.
10
Proposition de loi (n° 240, 1998-1999) tendant à
faciliter et à améliorer l'indemnisation des victimes de
violences urbaines.