Propositions de loi portant diverses mesures fiscales tendant au développement du marché de l'art et à la protection du patrimoine national
GAILLARD (Yann)
RAPPORT 250 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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Table des matières
- INTRODUCTION
- EXAMEN DES ARTICLES
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE
OBJETS MOBILIERS IMPORTANTS CLASSÉS EN 1998 ET 1999 APPARTENANT À DES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS. - TABLEAU COMPARATIF
N°
250
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 1
er
mars 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur :
- la
proposition de loi de MM. Yann GAILLARD, Louis ALTHAPÉ, Pierre
ANDRÉ, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Mme Paulette BRISEPIERRE,
MM. Jacques CHAUMONT, Jean CHÉRIOUX, Charles de CUTTOLI, Xavier
DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Luc DEJOIE, Jacques DELONG, Christian
DEMUYNCK, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Daniel ECKENSPIELLER, Bernard
FOURNIER, Alain GÉRARD, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT,
Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Lucien LANIER,
Gérard LARCHER, René-Georges LAURIN, Jacques LEGENDRE,
Jean-François LE GRAND, Philippe MARINI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly
OLIN, MM. Jacques OUDIN, Victor REUX, Martial TAUGOURDEAU et Jacques VALADE,
tendant à aménager le régime fiscal des
achats
d'oeuvres d'art
par les
entreprises
;
- la proposition de loi de MM. Yann GAILLARD, Louis ALTHAPÉ, Pierre
ANDRÉ, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Mme Paulette BRISEPIERRE,
MM. Jacques CHAUMONT, Jean CHERIOUX, Charles de CUTTOLI, Xavier DARCOS,
Désiré DEBAVELAERE, Luc DEJOIE, Jacques DELONG, Christian
DEMUYNCK, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Daniel ECKENSPIELLER, Bernard
FOURNIER, Alain GÉRARD, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT,
Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Lucien LANIER,
Gérard LARCHER, René-Georges LAURIN, Jacques LEGENDRE,
Jean-François LE GRAND, Philippe MARINI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly
OLIN, MM. Jacques OUDIN, Victor REUX, Martial TAUGOURDEAU et Jacques VALADE,
portant diverses mesures fiscales tendant au
développement du
marché de l'art
et à la
protection du
patrimoine national
,
Par M.
Yann GAILLARD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
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Arts et spectacles. |
INTRODUCTION
L'ordre
du jour réservé du Sénat appelle l'examen de deux
propositions de loi n° 468 et 469 tendant respectivement à
aménager le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les
entreprises et à prévoir diverses mesures fiscales tendant au
développement du marché de l'art et à la protection du
patrimoine national.
Les mesures à caractère essentiellement fiscal contenues dans ces
deux propositions de loi constituaient l'aboutissement de l'étude
entreprise par leur auteur au nom de la commission des finances sur les aspects
fiscaux et budgétaires d'une politique de relance du marché de
l'art en France.
Il a été beaucoup question ces derniers mois du marché de
l'art qui s'est trouvé, une fois n'est pas coutume, au coeur de
l'actualité législative. Il y a d'abord eu le projet de loi
portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques, que le Sénat vient d'adopter en
deuxième lecture et dont on a bon espoir qu'il soit -enfin- voté
définitivement avant la fin de la présente session ; il y a
eu, ensuite, la proposition de loi de M. Serge Lagauche, Mme Dinah Derycke et
les membres du groupe socialiste et apparentés relative à la
protection des trésors nationaux ; il y a eu, enfin, à
l'occasion tant de l'examen de la loi de finances pour 2000 que de la loi de
finances rectificative pour 1999, une série de mesures adoptées
ou proposées intéressant directement le marché de l'art et
les agents économiques qui y interviennent.
L'examen des deux propositions de loi est l'occasion pour le rapporteur
désigné par la commission des finances qui est aussi leur premier
signataire, de faire
la synthèse de ces initiatives en rassemblant en
un seul texte des mesures qui,
sauf en ce qui concerne trois d'entre
elles
, ont déjà été présentées au
Sénat et, pour la plupart, adoptées par lui
:
lors de la loi de finances pour 2000, le Sénat a été
amené à voter deux mesures : le relèvement du seuil
de la taxe forfaitaire dont le projet de loi harmonisait le taux comme cela
était demandé dans la proposition n° 469, ainsi que
l'assouplissement des achats d'oeuvres d'art par les entreprises ;
la proposition de loi de M. Lagauche et les membres du groupe socialiste
relative à la protection des trésors nationaux dont votre
commission s'était saisie pour avis, a donné lieu
également à la discussion par le Sénat de suggestions
contenues dans la proposition de loi n° 469 comme l'exonération de
droits de mutation des objets mobiliers classés qui a été
adoptée par le Sénat ; au cours du débat, votre
rapporteur avait proposé pour les retirer deux mesures
complémentaires articulant les procédures d'attribution de la
qualité de trésor national, de classement et de dation en
paiement ;
enfin, à l'occasion de l'examen en 2
ème
lecture
sur les ventes publiques, votre rapporteur a défendu le principe de
l'extension de l'exonération des catalogues de vente à l'ensemble
des catalogues qu'il s'agisse de ceux des maisons de vente ou des galeries.
Compte tenu de l'importance de la mesure, il a paru utile à votre
rapporteur d'insister à nouveau sur ce point, bien que la disposition
soit encore en navette.
L'intérêt d'une telle initiative est de permettre
de
débattre de ces mesures dans un cadre unique
de nature à
redonner sa cohérence à la politique qu'il préconise pour
le marché de l'art et, surtout, de le
faire avec la ministre de la
culture qui est l'interlocuteur
naturellement
compétent
en la matière.
La nouvelle politique que ces propositions tendent à concrétiser
sur un plan essentiellement fiscal, a surtout pour objet de relancer le
marché de l'art et de sauvegarder le patrimoine national, tout en
s'efforçant de limiter la charge qu'entraîne la réalisation
de ces objectifs pour les finances publiques.
A la base de toutes ces propositions, il y a, ce qui n'est pas une
évidence, l'idée que le marché de l'art est quelque chose
d'important pour la France et pas simplement pour une poignée de
privilégiés.
D'abord, parce que ce marché - qui ne se réduit pas aux seules
ventes aux enchères, car il faut tenir compte des marchands et des
galeries - fait vivre un nombre important de professions connexes dont
certaines perpétuent des savoirs, faisant incontestablement partie du
patrimoine national.
Ensuite, parce qu'au-delà des 40.000 emplois directs qu'il
représente, le marché de l'art est devenu, comme le montre
l'actualité récente, un
secteur stratégique
par ses
liens avec les industries du luxe et ceux qui semblent s'établir avec ce
qu'il est convenu d'appeler " la nouvelle économie " .
La prise de contrôle en mai 1998 de Christie's, par M. François
Pinault, et aujourd'hui de l'étude PIASA, tout comme l'acquisition par
M. Bernard Arnault, en novembre 1999, de la firme anglaise Phillips,
3
ème
maison de vente du monde par le chiffre d'affaires
et tout récemment de l'étude Tajan, sont tout à fait
emblématiques de l'enjeu que représente désormais le
marché de l'art.
Parallèlement, on voit également se faire jour
des synergies
entre les mondes de l'art et Internet
. Tandis que Sotheby's s'est
associé avec Amazon.com, dont la capitalisation oscille entre 25 et
30 milliards de dollars, e.Bay, entreprise elle-même
valorisée à 17 milliards de dollars, a acquis en 1999
la troisième société de ventes aux enchères des
Etats-Unis, Butterfield & Butterfield pour 260 millions de
dollars.
Tous ces exemples montrent que le marché de l'art occupe une position
clé par son caractère très médiatique dans un
domaine, les industries du luxe, qui sont, précisément, un des
points forts de notre pays dans la spécialisation internationale.
On pourrait même généraliser et soutenir que cette
importance du marché de l'art, nouvelle du point de vue des entreprises,
a été, en France, perçue par l'État depuis
longtemps. Notre pays, prolongeant une tradition colbertiste d'encouragement
aux arts, cultive volontiers "
l'État culturel " :
il a, beaucoup plus que d'autres, investi dans la sauvegarde et la mise en
valeur de son patrimoine artistique comme en témoigne toute la politique
de grands travaux menée depuis le début des années 70 et
qui s'est traduite, notamment, hier par la création du Centre Georges
Pompidou, du musée d'Orsay et du Grand Louvre et, aujourd'hui, par celle
du futur musée du quai Branly.
C'est dans ce contexte de libéralisation du marché que votre
commission des finances a voulu intervenir pour présenter une
série de mesures de nature à accompagner les évolutions en
cours et renforcer " l'attractivité " du marché de
l'art français, tout en protégeant un patrimoine national
à caractère mobilier, dont il serait hypocrite de ne pas
reconnaître qu'il est menacé par le processus actuel de
mondialisation du marché de l'art
.
Depuis qu'a été mis en place le nouveau régime de
contrôle à l'exportation des oeuvres d'art par la loi du 31
décembre 1992, la France se vide de son patrimoine. Elle accuse un solde
" positif " dans le domaine des oeuvres d'art de deux milliards de
francs par an, qu'il faudrait pour être juste corriger de cet
exode
invisible
d'oeuvres achetées pour quelques milliers de francs ou
quelques centaines de milliers de francs chez nous et vendues quelques
centaines de milliers de dollars voire quelques millions de dollars aux
Etats-Unis.
Il y a là une hémorragie que la proposition de loi
déposée par M. Lagauche, Mme Derycke et les membres du
groupe socialiste et apparentés, ne saurait permettre de juguler si elle
ne s'accompagne pas d'un effort budgétaire et de mesures fiscales
adaptées.
La conviction de votre rapporteur est que,
faute de pouvoir
, dans le
contexte budgétaire actuel,
augmenter significativement les dotations
budgétaires affectées à l'acquisition d'oeuvres d'art, il
faut mettre en place des incitations fiscales de nature à fixer sur le
territoire national les pièces les plus importantes du patrimoine de la
France.
L'idée directrice qui sous-tend l'ensemble de ces mesures est
simple : il faut cesser
de faire reposer sur l'État et lui
seul, la charge de la défense du patrimoine national
.
Jusqu'à présent, cette défense est toujours passée
par des achats publics, immédiatement coûteux pour l'État
et bien souvent générateurs de coûts de fonctionnement
accrus.
Des incitations fiscales adaptées sont de nature à faire
participer, particuliers et entreprises, à cette politique
d'intérêt général. Il est urgent d'ouvrir le
débat sur la fiscalité des achats que de plus en plus de
parlementaires de tous bords se risquent à appeler de leurs voeux.
Tel est l'objet, à côté des mesures ayant pour but
d'alléger les charges pesant sur le marché de l'art, de
l'essentiel du dispositif de la présente proposition de loi.
I. L'ALLÉGEMENT DES CHARGES PESANT SUR LE MARCHÉ DE L'ART FRANÇAIS
La
proposition de loi n° 469 comportait trois mesures, dont une a
déjà été adoptée :
- l'alignement du taux de la taxe forfaitaire de l'article 150 V bis du
code général des impôts, représentative de la
taxation des plus-values dégagées par les ventes d'oeuvres d'art,
payées par les galeries, sur celui applicable aux ventes publiques ;
- l'actualisation du seuil de cette taxe de 20.000 à
60.000 francs, dans la mesure où ce seuil n'avait jamais
été révisé depuis son instauration en 1976 ;
- l'extension à l'ensemble des catalogues de vente de l'exemption
de droit de reproduction dont bénéficient les
commissaires-priseurs en application de l'article 17 de la loi du 27 mars
1997.
A. ACTUALISER LE SEUIL D'APPLICATION DE LA TAXE FORFAITAIRE SUR LES OEUVRES D'ART
Le
premier point a été réalisé par l'article 42 de la
loi de finances pour 2000. Il s'agit d'une mesure positive pour le
négoce, car il n'y avait pas de raison de conserver une discrimination
préjudiciable aux galeries, dès lors que celles-ci exercent leur
activité dans des conditions vérifiables par l'administration
fiscale.
En revanche, le gouvernement n'a pas accepté l'actualisation du seuil de
l'article 150 V bis proposé par votre rapporteur lors de l'examen de la
loi de finances pour 2000, sans fournir d'argumentation convaincante pour
refuser de procéder à une simple mesure de justice fiscale.
Aussi votre rapporteur souhaite-t-il insister à nouveau sur une mise
à niveau indispensable, non seulement pour les professionnels
eux-mêmes dont il convient de ne pas entraver l'activité pour des
opérations de faible importance, mais également pour les
particuliers qu'il s'agit de préserver de la
montée des
prélèvements rampants
dénoncés par votre
commission des finances du fait de la non actualisation des seuils figurant
dans le code général des impôts.
B. ÉTENDRE L'EXEMPTION DE DROITS DE REPRODUCTION À L'ENSEMBLE DES CATALOGUES DE VENTE
De
même, il a paru opportun à votre rapporteur de reprendre dans le
cadre de cette proposition de loi l'initiative qu'il a prise en deuxième
lecture du projet de loi portant réforme des ventes volontaires de
meubles pour étendre l'exemption dont bénéficient
actuellement les commissaires-priseurs à l'ensemble des ventes,
publiques ou en galeries, dès lors que
l'exemption ne concerne que
les oeuvres effectivement mises en vente.
Il est en effet paradoxal que
l'on puisse percevoir un droit de reproduction sur des oeuvres mises en vente a
priori donnant lieu à la perception du droit de suite.
Le dispositif retenu est celui qui résulte du large débat qui a
eu lieu en commission des Lois à l'occasion de l'examen par cette
dernière des amendements extérieurs en deuxième lecture du
projet de loi relatif aux ventes publiques de meubles aux enchères.
C. FAIRE CLARIFIER LA POSITION DU GOUVERNEMENT SUR LE DOSSIER DES CHARGES PESANT SUR LE MARCHÉ DE L'ART
Votre
rapporteur voudrait saisir l'occasion de cette discussion pour demander
également au gouvernement de faire le point du dossier de ces charges
qu'il s'agisse de la TVA à l'importation ou du droit de suite.
En ce qui concerne la TVA à l'importation, si l'on note avec
satisfaction que
la Grande-Bretagne
s'est pliée à la
règle commune et qu'elle
applique désormais le taux
réduit de TVA
, on attend toujours - après les faux espoirs
suscités par le discours du ministre lors de la première lecture
au Sénat du projet de loi sur les ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques - que le gouvernement se rapproche des Anglais pour
supprimer une imposition qui ne rapporte rien à l'État -on en
reste toujours à l'estimation de 40 millions contenue dans le
rapport de M. Chandernagor -, tout en dissuadant les collectionneurs de mettre
en vente leurs biens en Europe dans l'ignorance dans laquelle ils se trouvent
de la situation fiscale de l'acquéreur au regard de la TVA.
Il conviendrait également que le gouvernement fasse le point des
négociations en cours à Bruxelles au sujet du droit de suite et
de sa position à l'égard du compromis qui, à la
connaissance du rapporteur, serait en cours d'élaboration avec la
Grande-Bretagne.
On peut rappeler que la présidence finlandaise a proposé un texte
de compromis, selon lequel :
- le droit de suite ne devrait être appliqué qu'aux oeuvres d'art
dont le prix serait supérieur à 2.500 euros;
- le taux du droit de suite serait dégressif : 4% sur la tranche du prix
<à 50.000 euros, 3% sur la tranche entre 50.000 et 200.000 etc.,
jusqu'à 0,25% sur la tranche > à 500.000 euros;
- le montant total du droit de suite sur une vente serait plafonné
à 10.000 euros.
Le ralliement anglais pourrait se faire sur des bases minimales :
- pendant 20 ans (en fait bien plus car ce délai ne commencerait
à courir qu'à partir de la transposition), le droit de suite ne
s'appliquerait qu'aux oeuvres d'auteurs vivants,
- une augmentation du seuil proposé par la Finlande, au sujet de
laquelle la Grande-Bretagne trouve un soutien avec auprès des Pays-Bas,
du Luxembourg et de l'Irlande, qui souhaiteraient un seuil d'au moins
5.000 euros ;
- une diminution du plafond, que les Finlandais avaient proposé de fixer
à 10.000 euros.
Votre rapporteur souhaite que l'on profite de cette ouverture pour faire
avancer le dossier et en particulier que notre pays se rallie à
l'idée d'un plafonnement du droit de suite.
*
En tout état de cause, sans négliger l'importance de ces facteurs dans la compétitivité du marché français, votre rapporteur reste persuadé qu'il serait sans doute illusoire d'espérer, compte tenu du poids des facteurs économiques, que leur suppression permette à la France de retrouver une suprématie dont il s'est efforcé de montrer, dans son rapport d'information, qu'elle était toute relative : aujourd'hui, c'est aux Etats-Unis que se trouvent les collectionneurs les plus fortunés et il en résulte une tendance naturelle du marché à se localiser essentiellement là où se trouve la demande la plus importante.
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DE LA
COMMISSION
Hypothèses
:
Valeur du bien : 100
Décote du bien en cas d'interdiction d'exportation : 50%
Tarif des droits de mutation : 40%
|
DROIT EXISTANT |
|
|
propriétaires/entreprises |
Etat |
Droit commun |
•
paye 40 de droits de mutation
|
• perçoit 40 de droits de mutation |
Donation de l'article 1131 du CGI |
•
donne un
bien agréé
de valeur 100
|
•
(renonce à 40 de droits)
|
Achat d'art ancien par une entreprise 238 bis 0A du CGI (dans la limite de 3,25 /000 du chiffre d'affaires) |
•
achète un oeuvre de haute valeur artistique
|
•
diminution du produit de l'impôt sur les sociétés de 38
|
Achat d'art contemporain par une entreprise 238 bis AB du CGI (dans la limite de 3,25 /000 du chiffre d'affaires) |
•
achète une oeuvre d'un artiste vivant
|
• diminution du produit de l'impôt sur les sociétés de 38 |
|
PROPOSITIONS DE LA COMMISSION |
• |
Dation de l'article 1716 bis du CGI |
• peut acheter un bien trésor national et le faire accepter en dation au prix d'expertise contradictoire pour régler sa succession |
• voit sa compétence liée pour les biens auxquels il refuse le certificat de circulation |
Donation de l'article 1131 du CGI avec crédit d'impôt de 33% |
•
donne un
bien agréé
de valeur 100
|
•
(renonce à 40 de droits)
|
Donation avec réduction, d'impôt sur le revenu de l'article 200 du CGI |
• bénéficie d'une réduction d'impôt pour ses dons agréés égale à 50% dans la limite de 6% du revenu imposable |
•
diminution du produit de l'impôt sur le revenu de 50
|
Exonération de droits de mutation : 100%à la
1ère mutation,
|
•
accepte une diminution de la valeur de son bien de 50
|
•
renonce à 40 de droits de mutation immédiatement
|
Achat d'art ancien par une entreprise 238 bis 0A du CGI (dans la limite de 3,25 /000 du chiffre d'affaires) |
•
achète une oeuvre classée
|
• diminution du produit de l'impôt sur les sociétés de 38 |
Achat d'art contemporain par une entreprise 238 bis AB du CGI (dans la limite de 3,25 /000 du chiffre d'affaires) |
•
achète une oeuvre d'un artiste vivant
|
• diminution du produit de l'impôt sur les sociétés de 38 |
II. L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES ET LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE NATIONAL
L'État ne peut pas rester inerte face à une
fuite de
notre patrimoine artistique. S'il n'est pas possible de laisser faire, il ne
peut - à supposer qu'il le doive - tout acheter car l'État ne
peut se substituer à tous les propriétaires privés qui,
particuliers ou marchands, sont naturellement tentés de se tourner vers
le marché international sur lequel les prix sont plus
élevés.
Votre commission des finances estime que, plutôt que de chercher à
augmenter des crédits budgétaires nécessairement
insuffisants,
il convient de mettre en place les mécanismes
correcteurs de nature à éviter que le libre jeu des forces du
marché n'aboutisse à vider la France de son patrimoine
.
Les deux propositions de loi soumises à l'examen de la commission des
finances, s'inspirent de tels principes. Il s'agit
- d'une part, de mettre en place des incitations fiscales aux dons
d'oeuvres à l'État et de renforcer encore l'efficacité de
la dation en paiement ;
- d'autre part, de développer la demande en octroyant des avantages
fiscaux aux oeuvres classées et en assouplissant le régime des
achats d'oeuvres d'art par les entreprises.
Tout l'esprit de ces propositions est moins d'encourager une politique d'achat
systématique que de trouver des mécanismes de nature à
prévenir l'exode des trésors nationaux par une action " en
amont " de nature à fixer les oeuvres majeures sur le territoire
national.
A. FAVORISER L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES
Sans
méconnaître l'apport des mécènes dans
l'enrichissement des collections publiques, il faut bien constater qu'ils
jouent un rôle sensiblement plus faible que dans d'autres pays aussi
différents que les Etats-Unis ou l'Italie. C'est sans doute une question
de culture mais aussi de régime fiscal.
Aussi, votre commission a-t-elle voulu donner suite à certaines
idées exprimées notamment dans le rapport de M. Maurice Aicardi
pour stimuler comme on le fait dans d'autres domaines la
générosité publique.
Votre rapporteur reprend ainsi le projet de crédit d'impôt contenu
dans la proposition de loi n° 469 en lui adjoignant deux mesures
complémentaires dont l'une a déjà été
soumise au Sénat à l'occasion de l'examen en première
lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux.
En l'occurrence, il est proposé :
1 - d'octroyer un crédit d'impôt aux personnes faisant
don d'oeuvres d'art à l'État, comme le préconise le
rapport susmentionné : " l'acquéreur devrait
bénéficier d'un crédit d'impôt (sur le revenu, sur
la fortune, sur les sociétés, droits de mutation) égal
selon les cas à la totalité, si la donation est pure et simple,
ou à une fraction du prix d'acquisition, s'il se réserve un
usufruit limité dans le temps " ; cette mesure contenue dans
la proposition n°469 n'a jamais été soumise au vote du
Sénat ;
2 - d'accorder, sur la lancée de la rationalisation par la
dernière loi de finances de l'article 200 du code
général des impôts, une possibilité de
déduction du revenu imposable des dons d'oeuvres d'art
agréés dans les limites et suivant le régime prévu
pour les dons aux associations d'intérêt général, ce
qui constitue en l'occurrence une mesure entièrement nouvelle, qui n'a
encore jamais été présentée ni dans la proposition
de loi n° 469 ni sous forme d'amendement ;
3 - de donner accès à l'agrément au titre de la
dation en paiement aux oeuvres reconnues comme trésors nationaux. Il
s'agit également tenir compte de la volonté que pourrait
manifester un particulier d'anticiper sur le règlement de sa succession
en achetant un bien dont il aura la certitude qu'il sera accepté en
dation par l'État.
Concrètement, cela signifie qu'un bien ayant fait l'objet d'un refus de
certificat de la loi du 31 décembre 1992 et pour lequel son
propriétaire ou un acquéreur demande le classement est
accepté en dation si les héritiers ou donataires proposent le
bien au prix payé par le défunt ou le donateur, dès lors
que ce prix serait égal à celui fixé par les experts dans
les conditions prévues à l'article 9-1 de la loi modifiée
de 1992 et qu'il n'a pas été refusé par l'autorité
administrative.
Il s'agit également d'une façon d'assurer la cohérence de
l'autorité administrative avec elle-même. On note que cette
articulation, qui peut être critiquée au nom de
l'indépendance des procédures, pourrait tout à fait
être remplacée par une jurisprudence constante de la commission
des dations aboutissant au même résultat. Un engagement du
gouvernement en ce sens aboutirait au même résultat.
Une fois encore, on ne fait que proposer de systématiser une pratique
tentée avec plus ou moins de bonheur par certaines personnes
privées et que la définition d'un cadre juridique serait
susceptible de développer.
B. DÉVELOPPER LA DEMANDE NATIONALE D'oeUVRES D'ART
Votre
commission des finances vous propose, à la suite des deux propositions
de loi, de prévoir un dispositif concernant à la fois les
particuliers et les entreprises.
Pour les particuliers, il est prévu de leur accorder comme cela avait
été préconisé par le rapport Aicardi une
exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les
oeuvres classées. Il s'agit en l'occurrence de s'efforcer
de
compenser le préjudice résultant du classement
qui
empêche les propriétaires des oeuvres de bénéficier
des prix a priori plus élevés en vigueur sur le marché
mondial par une exonération totale pour la première mutation et
égale à 50 % lors des transmissions suivantes.
Il faut souligner que cette défiscalisation
fait jouer des
mécanismes économiques. La création d'un marché
pour des actifs partiellement défiscalisés tend à
augmenter la demande interne pour les oeuvres d'art et donc leurs prix,
diminuant d'autant la pénalisation résultant de l'interdiction
d'exportation consécutive au classement.
Le bénéfice de la défiscalisation
- applicable aux
seules oeuvres classées à compter du 1
er
janvier
2001 -
est limitée aux oeuvres classées avec le consentement
de leur propriétaire, de façon à éviter que l'un
d'entre eux puisse éventuellement cumuler l'indemnisation contentieuse
au titre de la loi de 1913 et l'avantage fiscal.
On note qu'une telle mesure se trouvait déjà dans un avant projet
de loi déjà ancien, tendant à améliorer la
protection des objets et ensembles mobiliers présentant un
intérêt artistique ou historique, que l'on trouve en annexe du
second rapport d'avril 1998 de M. André Chandernagor sur les conditions
du développement du marché de l'art en France.
Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit, on ne voit
pas pourquoi une telle mesure pourrait venir entraver l'efficacité de la
procédure de dation en paiement, sauf dans le cas très
particulier de successions constituées entièrement d'oeuvres
d'art et pour lesquelles l'État aurait eu l'imprudence de classer
systématiquement toutes les oeuvres importantes.
Il y a
complémentarité et non concurrence entre la mesure de
défiscalisation proposée et la dation en paiement.
L'argument selon lequel un tel dispositif susciterait un afflux de demandes de
classement générateur de dépenses
incontrôlées pour l'État méconnaît la nature
même du
classement
qui est une
décision
discrétionnaire
des pouvoirs publics.
L'éventuelle
multiplication des demandes de classement n'entraîne a priori en aucune
façon la multiplication des classements
. Bien au contraire, il est
clair qu'un certain nombre d'oeuvres classées auraient été
vendues et que l'État aurait été obligé d'en
acquérir un certain nombre.
L'autre volet de cette politique de stimulation de la demande consiste
à
développer le mécénat des entreprises
en
assouplissant les conditions dans lesquelles elles peuvent acquérir des
oeuvres d'art et participer à deux tâches d'intérêt
national ; la sauvegarde du patrimoine national et la revitalisation du
marché de l'art contemporain.
On note que pour l'art ancien, on ne fait que calquer le nouveau régime
sur celui déjà applicable à l'art contemporain ce afin
d'inciter les entreprises qui le souhaiteraient à imiter les banques
italiennes, qui ont constitué des collections importantes - on pense
à celle du Monte Paschi di Siena mais aussi à de nombreuses
caisses d'épargnes locales - allégeant d'autant les achats
publics d'oeuvres d'art. Grâce aux achats des entreprises, l'Italie
défend ces dernières années son patrimoine de façon
très efficace avec des crédits d'acquisition publics relativement
modestes.
Les dispositifs existants procèdent de la loi du 23 juillet 1987. Les
précautions tatillonnes dont on avait assorti les possibilités
d'achats et, notamment, les exigences en matière d'exposition au public,
sont, avec une conjoncture moins propice, largement à l'origine du peu
d'effet de ces dispositifs.
Pour l'art ancien, la procédure prévue à l'article 238 bis
OA du code général des impôts, qui résulte de
l'article 6 de la loi de juillet 1987, est un échec flagrant. Cet
article permet à une entreprise d'acheter ou de s'engager à
acheter une oeuvre présentant une "haute valeur artistique ou
historique", dans le but, dix ans après au plus tard, de l'offrir
à l'État, si celui-ci en accepte la proposition. Pendant toute
cette période, l'entreprise est tenue d'exposer l'oeuvre au grand public.
Pour l'art contemporain, l'article 238 bis AB du code général des
impôts, issu de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1987 prévoit
que les entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes
vivants, peuvent déduire dans certaines conditions et limites, une somme
égale au prix d'acquisition des oeuvres concernées.
Le rapporteur n'a pas souhaité changer radicalement de système en
dépit du peu de succès des procédures actuelles. Il lui a
semblé possible dans un esprit pragmatique de se contenter d'assouplir
les régimes existants en proposant des aménagements
limités.
Pour l'art ancien, il a paru souhaitable :
1. de limiter le bénéfice du régime aux seuls biens
classés - avec le consentement de leur propriétaire - ce qui
simplifie la tâche des entreprises qui n'ont pas à demander un
agrément et favorise le maintien sur le territoire français de
biens de nature à constituer des " trésors nationaux "
2.
de substituer au système de donation sous
réserve d'usufruit, un régime d'acquisition en pleine
propriété ;
3. d'alléger la contrainte d'exposition au public pour la
remplacer par une obligation de prêt limitée aux trois
premières années suivant l'acquisition.
Pour l'art contemporain, on se contenterait de conserver le régime
actuel en en assouplissant les modalités, comme pour l'achat d'oeuvres
anciennes :
1. la déduction serait encouragée par un raccourcissement
de la durée de la période de déduction du résultat
qui passerait ainsi de 10 à 5 ans,
2. la contrainte d'exposition serait allégée en
conséquence par simple obligation de prêt d'un an à compter
de l'acquisition de l'oeuvre.
Il s'agit, par ces propositions, de relancer une demande des entreprises, qu'il
n'est pas besoin d'enserrer dans des règles par trop contraignantes dans
la mesure où le risque de voir ces articles être
détournés de leur objet est limité, par les règles
du droit commercial qui sanctionnent l'abus de bien social et l'acte anormal de
gestion.
D'une façon générale, il convient, comme l'a d'ailleurs
reconnu le rapporteur de la commission des affaires culturelles de
l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi relative à la
protection des trésors nationaux au cours du débat de ce texte en
commission, de prendre acte du fait que l'État n'ayant pas " les
moyens d'acquérir la totalité des biens considérés
comme trésors nationaux mis sur le marché, il faut donc donner
à d'autres personnes la possibilité de les acquérir. "
Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer aux
côtés de l'État en particulier pour le maintien sur le
territoire national des oeuvres les plus chères, pour lesquelles le
classement ne semble pas, indépendamment même de la jurisprudence
Walter, une formule adaptée.
C. CLASSER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE FINANCIÈRE
La
jurisprudence " Walter " a rendu quasiment impossible la
procédure de classement prévue par la loi de 1913 sur les
monuments historiques.
On peut rappeler qu'à la suite du refus
d'autorisation d'exportation de juin 1982, le tableau de Vincent Van Gogh
intitulé " Le jardin d'Auvers " a été
classé d'office par un décret du 28 juillet 1989. Le
propriétaire du tableau, M. Jacques Walter, a exercé un recours
contre ce décret rejeté par l'arrêt du Conseil
d'État du 31 juillet 1992.
M. Walter a ensuite demandé à l'État l'indemnisation du
préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la décision de
classement d'office. L'indemnité de 250 millions de francs qu'il
réclamait était fondée sur l'article 16 de la loi du
31 décembre 1913. Cet article 16, tel que modifié par la loi
n° 70-1219 du 23 décembre 1970, prévoit en effet que
" le classement pourra donner lieu au paiement d'une indemnité
représentative du préjudice résultant, pour le
propriétaire, de l'application de la servitude de classement
d'office ".
L'État fut condamné à payer la somme de 422.187.683 francs
en vertu d'une décision du tribunal de grande instance de Paris du
22 mars 1994. Cette indemnité fut réduite en appel
à 145 millions de francs.
Il résulte de cette décision de justice que la procédure
de classement d'office ne peut plus être utilisée sans faire
courir le risque à l'État d'avoir à payer de fortes
indemnités et ce, sans que le montant de celle-ci puisse être
prévue de façon suffisamment précise pour que la
procédure de classement soit engagée en toute connaissance de
cause.
Votre rapporteur, soucieux de permettre aux services du ministère de la
culture d'intervenir de la façon la plus efficace considère que
s'il n'est pas possible de revenir sur le principe de l'indemnisation des
servitudes de classement, ni même de l'aménager comme il avait
songé à le faire dans sa proposition de loi,
il convient de
mettre en place un processus d'expertise parfaitement codifié sur le
modèle de celui mis en place par la proposition de loi relative aux
trésors nationaux
.
La proposition de loi n° 469 préconisait de créer un
régime intermédiaire d'inscription à l'inventaire
supplémentaire pour les objets mobiliers appartenant à des
personnes privées. A côté du classement qui, par sa
durée indéfinie, justifiait une indemnité, on aurait
instauré un nouveau statut, qui par son caractère temporaire, -
l'inscription n'aurait été décidée que pour vingt
cinq ans non renouvelables -, n'aurait justifié qu'un avantage fiscal et
non une indemnisation directe. En fait, une telle idée, qui consistait
à créer une sorte de " purgatoire ", avant
l'accès au " paradis " des objets classés, est trop
éloignée de notre tradition juridique pour pouvoir
s'insérer dans la réglementation en cours. Notre droit public est
trop imprégné de l'idée d'universalité,
d'intangibilité et d'une certaine façon
d'irréversibilité pour que l'on puisse adopter une solution qui
correspondrait à abolir dans un domaine connexe
l'inaliénabilité des objets appartenant aux collections
publiques.
Aussi votre rapporteur a-t-il cherché à aménager le
régime actuel en prévoyant simplement que le classement
définitif n'interviendrait par décret en Conseil d'État
qu'à l'issue d'un processus d'expertise contradictoire sur le montant du
préjudice, calculé en fonction de la différence entre le
prix mondial et celui de l'objet assorti d'une servitude de non exportation
constaté sur le seul marché français.
Toutes ces mesures en elles-mêmes insuffisantes doivent être
combinées si l'on veut leur donner leur pleine efficacité :
le classement qu'il soit assorti d'un avantage fiscal ou d'une indemnité
même maîtrisée ne constitue pas une réponse
adéquate dès lors qu'il existe un écrit trop fort entre
prix national et international.
Augmenter la demande interne d'oeuvres d'art afin de diminuer l'écart
de prix entre prix du marché national et du marché national est
donc une nécessité
.
Si l'écart est trop important, aucune procédure d'indemnisation,
aucune incitation fiscale ne fonctionnera de façon véritablement
efficace : comme dans le cas du " Jardin à Auvers ", la
compensation sera toujours insuffisante pour celui qui la reçoit et
exorbitante pour l'État qui doit la supporter, surtout lorsqu'elle ne
s'accompagne pas de l'accès à l'oeuvre.
L'ensemble de ces mesures ne constituent en aucune façon des
avantages cumulatifs mais une panoplie d'instruments permettant aux
détenteurs d'oeuvres d'art et d'objets de collection celui qui est le
mieux adapté à sa situation ou à ses intentions.
En tout état de cause, le principe commun à toutes ce
propositions consiste à essayer de
combiner initiative privée
et publique pour faire jouer un
effet de levier
en faveur de la
politique de l'État de préservation du patrimoine national.
*
* *
La
plupart de ces mesures consistent en des avantages fiscaux. La proposition de
loi a donc un coût que votre rapporteur ne cherche pas à nier mais
qui lui paraît maîtrisable et gage de moindres dépenses
publiques pour l'avenir. Elle a le mérite
d'ouvrir le
" débat sur la défiscalisation de l'achat d'oeuvres d'art
par les Français ",
souhaité sur de nombreux bancs, et
de permettre de
prendre date
pour des discussions ultérieures que
votre rapporteur espère proches, en proposant des mesures, qui pour la
plupart se trouvent des rapports d'experts déjà remis au
présent gouvernement ou à celui qui l'a
précédé.
En tout état de cause, comme le rappelle le rapport de M. Maurice
Aicardi "
c'est une évidence que de la dire mais on peut la
rappeler : toute grande oeuvre détenue par un résident
français reste dans le patrimoine national et son maintien ne
nécessite pas de la part de l'État une intervention toujours
onéreuse pour les finances publiques. On peut ajouter que la
détention privée d'une oeuvre plutôt que publique,
décharge l'État du soin d'assurer son entretien et sa
surveillance et la transfère au propriétaire qui participe ainsi
à la politique de maintien du patrimoine.
"
Ceci est vrai pour les oeuvres qui se trouvent accessibles au public dans des
lieux ouverts au public et qui méritent une attention toute
particulière de la part de l'État du fait de la contribution
à la vie locale qu'apportent les monuments historiques.
Mais, il faut affirmer que plus généralement
que, tôt ou
tard, une bonne partie des oeuvres dont on favorise ainsi le maintien ou
l'entrée dans le patrimoine des particuliers finiront par le jeu normal
des donations ou de la dation dans les collections publiques.
Les dépenses fiscales qu'il est proposé au Sénat
d'adopter, constituent donc une sorte d'investissement de façon à
desserrer la contrainte pesant sur les musées dont on peut avoir le
sentiment qu'ils mènent une politique d'acquisition constamment sous
pression.
On s'attend à trouver ça et là, comme on a pu le constater
dans le rapport de la commission des affaires culturelles et sociales sur la
proposition de loi relative aux trésors nationaux, des remarques sur
l'absence de chiffrages des dépenses résultant de la
présente proposition.
En fait, des contacts officieux avec les services compétents du
ministère des finances, comme la consultation du fascicule " voies
et moyens " de la loi de finances confirment que de telles mesures ne sont
pas facilement chiffrables en l'état actuel des informations
statistiques disponibles, notamment en ce qui concerne les conséquences
de l'exonération fiscale des objets mobiliers classés en mains
privées lors de leur première mutation.
Ce qui est certain en revanche, c'est que, sauf pour ce qui est de
l'actualisation du seuil d'application de la taxe forfaitaire et de
l'aménagement du régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les
entreprises,
il ne s'agit pas de dépenses mécaniques ou
" à guichet ouvert " mais d'avantages fiscaux
contrôlés parce que subordonnés à une
décision administrative préalable voire à un
agrément fiscal exprès.
Tel est le cas en particulier de l'exonération des droits de mutation
à titre gratuit conférée aux objets mobiliers
classés. Dans le rapport de M. Jean Rouger établi au nom de la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi relative à la
protection des trésors nationaux, on trouve, outre un certain nombre
d'arguments qui méritent par leur singularité qu'il en soit fait
mention
1(
*
)
, développée
l'idée que ce dispositif pourrait remettre en cause par une sorte
d'effet pervers le mécanisme de dation en paiement. Il y est
indiqué que "
la dation en paiement est bien souvent pour les
héritiers d'une collection le seul moyen de s'acquitter des droits de
succession y afférents. Si la taxe à payer est réduite de
moitié, le don d'une ou plusieurs oeuvres à l'État pourra,
dans certains cas, ne plus être nécessaire pour se libérer
de la dette fiscale. Les biens demeureront donc dans les collections
privées et ne seront pas accessibles au public, alors que l'État
aura néanmoins " perdu " la moitié des droits de
mutation correspondants. "
Une telle formulation laisse perplexe. L'attitude de votre rapporteur est tout
autre :
il n'est pas question pas d'obliger systématiquement les
détenteurs d'oeuvres d'art à les vendre et l'État à
les acheter. Ce qu'il faut, c'est inciter les collectionneurs à
conserver les oeuvres qu'ils possèdent
pour ne pas mettre les
pouvoirs publics d'avoir à choisir entre les acquérir et les
laisser sortir
. Bref, il faut laisser le temps faire son oeuvre pour
l'enrichissement des collections publiques par le jeu naturel des donations et
des dations.
Certes, comme beaucoup d'avantages fiscaux ceux qui vous sont proposés
ici, ne sont susceptibles d'agir qu'auprès des personnes relativement
imposées mais c'est sans doute le prix à payer pour la sauvegarde
du patrimoine dans un monde ouvert où la défense du patrimoine
longtemps assurée par des méthodes régaliennes non
dénuées d'arbitraire, doit aujourd'hui être payée
à son juste prix.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Actualisation du seuil
d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art
Commentaire : Cet article a pour objet d'actualiser en
fonction de
l'inflation le seuil d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art
prévue à l'article 150 V bis du code général des
impôts qui n'a pas été modifié depuis 1976. On note
que le nouveau seuil est fixé à la contre-valeur en francs de 10
000 euros.
Déjà votée par le Sénat lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 2000 mais non reprise par l'Assemblée nationale,
cette mesure simple se trouve déjà suggérée dans le
rapport de M. André Chandernagor sur le marché de l'art d'avril
1998.
En effet, si le gouvernement a bien accepté l'alignement du taux de la
taxe payée par les galeries sur celui de 4,5 % en vigueur pour les
ventes publiques, il a refusé sans véritable discussion au fond
d'actualiser le mécanisme.
Le seuil de 20.000 francs -ainsi que celui de 30.000 correspondant à un
mécanisme de décote- n'ont pas été
réévalués depuis 1976, date d'instauration de taxe
forfaitaire représentative de l'imposition des plus-values.
Il s'agit du type même de ces prélèvements rampants
dénoncés par le rapporteur général de votre
commission des finances dans son rapport sur la loi de finances pour 2000
résultant de la non actualisation des seuils du code
général des impôt.
Du point de vue du marché de l'art, la non actualisation signifie non
seulement des prélèvements plus importants mais aussi des
contraintes administratives qui ne sont jamais favorables à la
compétitivité des acteurs du marché, maisons de ventes aux
enchères ou marchands, chargés de collecter la taxe.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 2
Extension de l'exemption de droits de
reproduction à l'ensemble des catalogues de vente
Commentaire : Cet article - déjà adopté
par le
Sénat en deuxième lecture du projet de loi sur les ventes
volontaires de meubles aux enchères et, pour l'instant, encore en
navette - a pour objet d'étendre à l'ensemble des catalogues
de vente, qu'il s'agisse de ceux des futures maisons de vente aux
enchères ou de ceux des galeries, l'exemption de droits de reproduction
dont bénéficient actuellement les seuls catalogues de vente des
officiers ministériels. Cette exemption est limitée aux
reproductions des oeuvres mises en ventes.
Actuellement, les commissaires-priseurs sont en application de
l'article 17
de la loi du 27 mars 1997
exemptés du droit de reproduction que les
auteurs peuvent leur réclamer dès lors que la reproduction ne
peut être considérée comme la " courte citation "
prévue par la loi de 1957. Ce régime de faveur n'était pas
applicable aux galeries.
Bien que la société qui se charge des droits de la plupart des
artistes ait annoncé qu'elle n'entendait pas réclamer à la
fois le droit de suite et le droit de reproduction, il y a là, pour
votre rapporteur, une question de principe qui ne peut venir d'une renonciation
unilatérale, toujours révocable mais qui doit être
tranchée par la loi.
On ne voit pas nettement ce qui distingue, du point de vue de l'artiste, une
vente publique d'une vente judiciaire. Il serait incohérent de faire
dépendre l'application du droit de reproduction du statut juridique de
la vente et la qualité de celui qui l'organise - qu'il soit ou non
commerçant .
En outre, on pourrait assister, compte tenu de la tendance de la jurisprudence,
à l'utilisation par certains ayants-droit de cette position de force
juridique comme un moyen de pression sur les modalités d'organisation de
la vente.
Telle est la raison pour laquelle votre commission des finances vous propose de
ne pas soumettre au droit de reproduction prévu à l'article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, les
reproductions, intégrales ou partielles, d'oeuvres d'art graphiques ou
plastiques destinées à figurer dans le catalogue d'une vente ou
sur une affiche mis à la disposition du public sur les lieux ou à
l'occasion de la vente.
L'exonération est donc limitée aux oeuvres effectivement mises en
vente sans englober celles simplement exposées à l'occasion de la
vente ou dont la reproduction servirait à la description des oeuvres
mises en vente. On note que la mesure est non discriminatoire entre galeries et
maisons de vente.
Il s'agit en quelque sorte d'éviter une redondance en ne soumettant pas
au droit de reproduction des oeuvres entrant dans le cadre du droit de suite.
Le dispositif retenu est celui qui résulte du large débat qui a
eu lieu en commission des Lois à l'occasion de l'examen par cette
dernière des amendements extérieurs en deuxième lecture du
projet de loi relatif aux ventes publiques de meubles aux enchères.
Le
texte
est donc
encore en navette
mais votre rapporteur a cru
bon de le reprendre dans le cadre de cette proposition de loi dans la mesure
où il y a vu l'occasion de débattre de la question avec la
ministre de la Culture.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 3
Octroi d'un crédit
d'impôt
en matière de droits de mutation aux personnes faisant don à
l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de
documents de haute valeur artistique ou historique
Commentaire : La mesure proposée - qui n'a jamais
été présentée au Sénat - a pour objet
d'octroyer à toute personne faisant don à l'État d'une
oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de documents de haute valeur
artistique ou historique dans les conditions prévues à l'article
1131 du code général des impôts, d'un crédit
d'impôt en matière de droits de mutation, égal au tiers de
la valeur du bien fixée par la commission des dations. On note que le
don peut être fait avec réserve d'usufruit, moyennant une
diminution de la valeur du don calculée suivant le barème du code
général des impôts partageant la valeur d'un bien entre
usufruit et nue-propriété en fonction de l'âge de
l'usufruitier.
Il s'agit d'encourager les manifestations de générosité
des personnes privées par l'octroi d'un avantage fiscal suivant un
principe analogue à celui en vigueur depuis longtemps en matière
d'impôt sur le revenu. L'État prend donc à sa charge sous
forme de déduction du revenu imposable ou de crédit d'impôt
une partie du don effectué par le contribuable.
En l'occurrence, le dispositif proposé tend
à rendre plus
incitatif le régime de l'article 1131 du code général des
impôts
en concrétisant une idée contenue dans le
rapport de M. Maurice Aicardi : " l'acquéreur devrait
bénéficier d'un crédit d'impôt (sur le revenu, sur
la fortune, sur les sociétés, droits de mutation) égal
selon les cas à la totalité, si la donation est pure et simple,
ou à une fraction du prix d'acquisition, s'il se réserve un
usufruit limité dans le temps ".
S'agissant d'un mécanisme fiscal novateur, votre commission a
préféré s'en tenir à des paramètres
plutôt restrictifs : limitation du crédit d'impôt aux
seuls droits de mutation, compte tenu des nouvelles possibilités
envisagées en matière d'impôt sur le revenu ; fixation
du crédit d'impôt au niveau relativement modéré du
tiers de la valeur du don, telle qu'agrée par la commission des dations.
L'avantage fiscal se justifie par le fait qu'il fait jouer
un effet de
levier en faveur de l'enrichissement des collections publiques
. Il s'agit
d'un
mécanisme soumis à agrément
et donc au
coût entièrement contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 4
Octroi d'une réduction
d'impôt sur le revenu pour les personnes faisant don à
l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de
documents de haute valeur artistique ou historique
Commentaire : La mesure -qui n'a jamais été
présentée au Sénat ni sous forme d'amendement, ni dans le
cadre de la proposition de loi n°469- a pour objet de permettre aux
contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt
sur le revenu au titre de leurs dons d'oeuvres d'art à l'État -
agréés par la commission des dations - de la même
façon et sous les mêmes limites qu'ils peuvent le faire pour leurs
dons aux associations et organismes d'intérêt
général en application de l'article 200 du code
général des impôts. On note que la réduction
d'impôt résultant d'un même don peut être
répartie en fractions égales sur deux années
consécutives.
On peut rappeler qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, la
loi de finances pour 2000 a réorganisé le régime fiscal
des dons et versements des particuliers à divers organismes
d'intérêt général. Il a été ainsi
décidé de :
• fixer à 6 % du revenu imposable le plafond global des
versements ouvrant droit aux réductions d'impôt, quel que soit le
type et le statut de l'organisme bénéficiaire et, en particulier,
qu'il s'agisse d'oeuvre d'intérêt général et
d'associations de financement des partis politiques ;
• élever à 50 % au lieu de 40 %, la réduction
d'impôt accordée au titre des dons pour le financement des partis
politiques et des campagnes électorales.
Votre commission des finances a considéré que les dons d'oeuvres
d'art à l'État pouvaient être considérés
comme d'intérêt public et donc bénéficier des
réductions d'impôt dont sont assorties les dons et versements aux
organismes d'intérêt général, dans la même
limite de 6 % du revenu imposable.
Elle estime également que devrait être introduit
ultérieurement un élément de souplesse
supplémentaire en prévoyant que la réduction d'impôt
afférente à un même don pouvait être répartie
sur deux ou trois ans, de façon à autoriser des dons relativement
importants.
Un tel mécanisme, qui suppose un agrément préalable de
l'administration des finances dans les conditions prévues à
l'article 1716 bis, c'est-à-dire par la commission des dations, devrait
surtout être adapté aux dons correspondant à des oeuvres
d'un niveau de prix modéré dont on peut rappeler qu'elles
constitue une bonne partie des acquisitions des musées, notamment en
régions.
En outre, il ne serait pas inconcevable que le taux de la réduction
d'impôt soit porté de 50 à 60 % pour les versements
effectués à l'occasion de souscriptions destinées à
retenir sur le territoire national des biens ayant la qualité de
trésor national au sens de la loi modifiée du
31 décembre 1992.
Il faut également souligner qu'il s'agit d'un
mécanisme soumis
à agrément
et donc au
coût entièrement
contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 5
Exonération partielle de
droits de
mutation à titre gratuit des objets mobiliers classés
Commentaire : la mesure -qui a déjà
été présentée au Sénat sous une forme
voisine et adoptée par lui à l'occasion de l'examen en
première lecture de la proposition de loi relative aux trésors
nationaux - a pour objet d'exonérer les objets mobiliers classés
à partir du premier janvier 2001 de droits de mutation à titre
gratuit à raison de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la
première mutation à compter du classement et de 50 % de
cette valeur pour les mutations suivantes. On note qu'il est prévu une
durée minimale de détention pour le bénéfice de
l'exonération.
Il a été amplement montré au cours de l'exposé
général que les crédits publics actuellement
consacrés aux acquisitions d'oeuvres d'art, étaient
structurellement insuffisants pour permettre d'endiguer l'exode du patrimoine
artistique ou historique national.
De même, il est illusoire de croire que, sans incitations fiscales
nouvelles, on puisse espérer rassembler des concours publics ou des
fonds de mécénat à la hauteur des besoins : sur
près de 270 millions de francs qui ont été
consacrés à l'acquisition de trésors nationaux depuis
1993, 107 millions de francs, certes, ont été fournis en
dehors des crédits d'État et des concours des
collectivités locales. Mais cette somme apparaît en fait
éclatée en de multiples petites opérations, hors de
proportion avec les quelque 150 à 200 millions de francs que
coûte un tableau impressionniste majeur.
La seule voie pour atténuer l'hémorragie est donc de s'efforcer
de fixer les oeuvres en amont en accordant des avantages fiscaux aux
propriétaires acceptant de maintenir leur bien sur le territoire
national.
En l'occurrence, il est proposé d'assortir le classement d'une
exonération de droits de mutation à titre gratuit à raison
de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la première mutation
à compter du classement et de 50% de cette valeur pour les mutations
suivantes.
Une exonération totale a paru nécessaire pour augmenter le
caractère incitatif de la mesure et désarmer les critiques de
tous ceux pour qui une telle mesure serait inefficace et donc inutile, parce
que hors de proportion avec l'importance du préjudice financier subi par
les propriétaires acceptant le classement de leur bien.
Il faut souligner que cette défiscalisation fait jouer des
mécanismes économiques. La création d'un marché
pour des actifs partiellement défiscalisés tend à
augmenter la demande interne pour les oeuvres d'art et donc leurs prix,
diminuant d'autant la pénalisation résultant de l'interdiction
d'exportation consécutive au classement.
Toutefois, le bénéfice de la défiscalisation est
limité aux oeuvres classées avec le consentement de leur
propriétaire, de façon à éviter que l'un d'entre
eux puisse éventuellement cumuler l'indemnisation contentieuse au titre
de la loi de 1913 et l'avantage fiscal.
Au surplus, à ceux qui craignent que l'octroi de l'avantage fiscal ne
suscite un afflux de demandes, on peut rappeler que l'administration conserve
son pouvoir discrétionnaire en matière de classement et que
la
mesure n'est proposée que pour les classements opérés
à compter du 1
er
janvier 2001
et donc qu'il ne s'agirait
pas de reprendre le " stock " d'objets mobiliers classés en
mains privées.
Quant aux effets pervers qu'une telle
exonération de droits de
mutation
aurait sur la
dation en paiement
, il faut souligner que
les deux procédures
sont
complémentaires et non
concurrentes
: tandis que l'une tend à fixer des oeuvres dans
le patrimoine national, l'autre permet d'enrichir les collections publiques
à l'occasion de mutations à titre gratuit le plus souvent par
décès.
L'éventualité évoquée par certains de faire
échapper à l'impôt des successions essentiellement
constituées d'oeuvres d'art ne constitue pas une vraie difficulté
dans la mesure où l'administration n'est pas obligée de classer.
Encore une fois,
il ne s'agit pas d'obliger systématiquement les
détenteurs d'oeuvres d'art à les vendre et l'État à
les acheter.
Au contraire l'exonération pourrait permettre aux
familles qui le souhaitent de garder les oeuvres auxquelles elles peuvent
être attachées.
Là encore, on peut remarquer qu'il s'agit d'un
mécanisme
soumis à décision administrative exprès
et donc au
coût entièrement contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 6
Agrément de droit au titre de
la
dation en paiement des oeuvres classées à l'issue d'un refus de
certificat
Commentaire : la mesure -déjà
présentée mais retirée à l'occasion de la
discussion en première lecture de la proposition de loi relative aux
trésors nationaux- a pour objet d'introduire un nouveau
paragraphe II à l'article 1716 bis du code général
des impôts pour prévoir que l'agrément est de droit pour
les oeuvres qui ont été classées à la suite d'un
refus de certificat.
Le bien ayant fait l'objet d'un refus de certificat et classé à
la demande de son propriétaire bénéficierait dans le
régime proposé par votre commission des finances d'un avantage en
matière de droits de mutation à titre gratuit compensant la
diminution de la valeur du bien consécutive à
l'impossibilité de le mettre en vente au prix a priori plus
élevé du marché international.
Mais cela ne correspond pas à tous les cas de figure de nature à
justifier l'acquisition du bien. Il faut tenir compte de la volonté que
pourrait manifester un particulier d'anticiper sur le règlement de sa
succession en achetant un bien dont il sûr qu'il sera accepté en
dation par l'État.
Tel est l'objet du présent article additionnel, qui tend à
prévoir que l'agrément est de droit, à condition que la
valeur libératoire proposée soit égale au prix fixé
dans le cadre de la procédure de l'article 9-1 de la loi du
31 décembre 1992.
Il s'agit également d'une façon d'assurer la coordination de
l'autorité administrative avec elle-même. Cette articulation, qui
peut être critiquée au nom de l'indépendance des
procédures, pourrait tout à fait être remplacée par
une jurisprudence constante de la commission des dations aboutissant au
même résultat. On note d'ailleurs que celle-ci tient
déjà compte des évaluations judiciaires relatives au bien
qui lui est proposé.
En outre, même s'il ne faut pas considérer que
l'intérêt du patrimoine national se confonde toujours avec celui
des collections publiques,
on comprendrait mal qu'un bien retenu en tant que
trésor national ne soit pas jugé digne d'être
présenté dans un musée
, dès lors que le prix
auquel il est proposé soit celui résultant d'une expertise
contradictoire.
Un tel mécanisme apparaît surtout adapté pour les oeuvres
d'un niveau de prix très élevé : il ne serait pas
interdit d'espérer que tel ou tel détenteur de grande fortune
souhaite en acquérant par exemple une oeuvre de l'importance du tableau
de Degas " La duchesse de Montejasi et ses filles Helena et
Camilla ", à la fois profiter de la possession d'un chef-d'oeuvre
et régler commodément à l'avance les droits dus à
l'occasion de la transmission de son patrimoine.
Encore une fois, il s'agit d'une simple mesure de cohérence entre les
différentes mesures de protection du patrimoine national et
d'enrichissement des collections publiques. Un engagement du ministre indiquant
qu'une telle cohérence pourrait être recherchée dans les
faits, permettrait d'aboutir au même résultat.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 7
Instauration d'une procédure
d'expertise contradictoire préalable au classement des objets d'art
mobilier en mains privées
Commentaire : la mesure, entièrement nouvelle mais qui
tend
à se substituer à un dispositif contenu dans la proposition de
loi n°469 tendant à limiter les effets de la jurisprudence
" Walter " - a pour objet d'instituer sur le modèle de ce qui
doit être mis en place pour l'acquisition par l'État de
trésors nationaux, une procédure d'expertise contradictoire sous
contrôle du juge judiciaire du préjudice consécutif au
classement d'office, afin de permettre à l'État de ne prendre de
mesure de classement d'office d'objets d'art mobilier en mains privées
qu'après détermination de l'indemnité due au
propriétaire.
Ainsi qu'on l'a indiqué dans l'exposé général, la
jurisprudence Walter a rendu quasiment caduc la procédure de l'article
16 de la loi de 1913 sur les monuments historique permettant de classer des
objets mobiliers en mains privées sans le consentement de leur
propriétaire.
Il y a là une situation qui n'est pas satisfaisante dans la mesure
où elle abouti à la
paralysie de l'action de l'État
et partant à
l'appauvrissement du patrimoine national
que
celui-ci n'est plus en mesure de défendre efficacement.
Il avait été envisagé de confier aux tribunaux
administratifs traditionnellement mois généreux que
l'autorité judiciaire, la compétence en matière
d'indemnisation. Une telle solution n'était pas acceptable.
Votre commission vous propose d'explorer une autre voie consistant :
• d'une part à mettre en place une procédure
d'évaluation contradictoire du préjudice subi par le
propriétaire de l'objet mobilier classé calquée sur celle
prévue par la proposition de loi en cours de discussion relative aux
trésors nationaux, comportant la désignation d'un expert par
chacune des parties avec en cas de désaccord la désignation
éventuellement après intervention des tribunaux judiciaires d'un
troisième expert ;
• d'autre part, à ne faire intervenir la décision de
classement qu'à l'issue de ce processus d'expertise de façon
à permettre à l'État de ne procéder au classement
qu'en toute connaissance de cause financière et de se retirer de la
procédure s'il apparaissait que le coût du classement était
trop important de la même façon qu'il peut renoncer à
acquérir un trésor national dont le prix s'avérerait trop
élevé.
Ainsi, le classement définitif n'interviendrait par décret en
Conseil d'État qu'à l'issue d'un processus d'expertise
contradictoire sur le montant du préjudice, calculé en fonction
de la différence entre le prix mondial et celui de l'objet assorti d'une
servitude de non exportation constaté sur le seul marché
français.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 8
Assouplissement du régime
fiscal
des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain par les entreprises
Commentaire : Cet article -déjà
présenté au Sénat et voté par lui en
première partie du projet de loi de finances pour 2000- a pour objet
d'assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et
contemporain par les entreprises : suppression de l'obligation de cession
des oeuvres d'art ancien à l'issue d'une période de dix ans, qui
sont donc acquises en pleine propriété ; raccourcissement du
délai de déduction des achats d'oeuvres d'art contemporain de dix
à cinq ans ; substitution à la contrainte d'exposition
permanente au grand public d'une obligation de prêt à un
musée pour une durée comprise selon la nature de l'oeuvre entre 1
et 3 trois ans.
Cet article a pour objet d'assouplir les conditions dans lesquelles les
entreprises peuvent acquérir des oeuvres d'art et participer à
deux tâches d'intérêt national ; la sauvegarde du
patrimoine national et la revitalisation du marché de l'art
contemporain.
Les dispositifs existants procèdent de la loi du 23 juillet 1987. Les
précautions tatillonnes dont on avait assorti les possibilités
d'achats et notamment les exigences en matière d'exposition au public,
sont, avec une conjoncture moins propice, largement à l'origine du peu
d'effets de ces dispositifs.
Pour l'art ancien, la procédure prévue à l'article 238
bis OA du code général des impôts, qui résulte de
l'article 6 de la loi de juillet 1987, est un échec flagrant.
Cet article permet à une entreprise d'acheter en déduction de
leur bénéfice imposable une oeuvre présentant une "haute
valeur artistique ou historique", dans le but, dix ans après au plus
tard, de l'offrir à l'État, si celui-ci en accepte la
proposition. Pendant toute cette période, l'entreprise est tenue
d'exposer l'oeuvre au grand public.
Pour l'art contemporain, l'article 238 bis AB du code général des
impôts, issu de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1987 prévoit
que les entreprises qui achètent des
oeuvres originales d'artistes
vivants
, peuvent déduire de leurs résultats dans certaines
conditions et limites, une somme égale au prix d'acquisition des oeuvres
concernées.
Dans le cas d'achat d'oeuvres d'artistes vivants, le système est presque
identique à celui applicable aux oeuvres d'art ancien, à cela
près que -l'objectif n'étant pas d'enrichir les collections
publiques, mais de favoriser la création contemporaine - l'entreprise
reste propriétaire de l'oeuvre ; en revanche, on retrouve la même
déduction sur dix ans du prix d'achat -sous réserve du plafond -,
en contrepartie de la même obligation d'exposer au grand public.
Le rapporteur n'a pas souhaité changer radicalement de système en
dépit du peu de succès des procédures actuelles. Il lui a
semblé possible dans un esprit pragmatique de se contenter
d'assouplir les régimes existants
en proposant des
aménagements limités :
Pour
l'art ancien
, il a paru souhaitable :
1. de limiter le bénéfice du régime aux seuls
biens classés
- avec le consentement de leur
propriétaire
-
ce qui simplifie la tâche des entreprises
qui n'ont pas à demander un agrément et favorise le maintien sur
le territoire français de biens de nature à constituer des
" trésors nationaux "
2.
de substituer au système de donation sous réserve
d'usufruit, un régime d'acquisition en pleine
propriété
;
3. d'autoriser comme pour les achats d'art contemporain la
déduction du résultat et non du bénéfice
imposable ;
4. d'alléger la contrainte d'exposition au public pour la
remplacer par une
obligation de prêt limitée
:
3 ans sur les dix ans de la période de déduction.
On note que pour l'art ancien, on ne fait que calquer le nouveau régime
sur celui déjà applicable à l'art contemporain ce afin
d'inciter les entreprises qui le souhaiteraient
d'imiter les banques
italiennes
, qui ont constitué des collections importantes -on pense
à celle du Monte Paschi di Siena mais aussi à de nombreuses
caisses d'épargnes locales - allégeant d'autant les achats
publics d'oeuvres d'art.
Grâce aux achats des entreprises, l'Italie
défend ces dernières années son patrimoine de façon
très efficace avec des crédits d'acquisition publics relativement
modestes.
Encore une fois la stratégie préconisée par cet amendement
est de
créer un marché intérieur pour les oeuvres
classées réduisant d'autant la pénalité
résultant
pour les propriétaires qui acceptent le
classement,
de l'impossibilité d'exporter et donc de
bénéficier des hauts prix du marché international.
Pour
l'art contemporain
, on se contenterait de conserver le
régime actuel en en assouplissant les modalités, comme pour
l'achat d'oeuvres anciennes :
1. la déduction serait encouragée par un raccourcissement
de la durée de la période de déduction qui passerait ainsi
de 10 à 5 ans,
2. la contrainte d'exposition serait allégée en
conséquence par simple obligation de prêt d'un an sur la
période de 5 ans.
Il s'agit, par ces propositions, de relancer une demande des entreprises, qu'il
n'est pas besoin d'enserrer dans des règles par trop contraignantes dans
la mesure où les risques de voir ces articles être
détournés de leur objet est limité par les règles
du droit commercial qui sanctionnent l'abus de bien social et l'acte anormal de
gestion.
Le dispositif du code des impôts est resté lettre morte. Au moment
où il est question d'évaluation et où l'on dénonce
régulièrement une surcharge législative, il convient de
faire un choix : supprimer le dispositif ou l'adapter
. Votre
rapporteur vous propose une adaptation à la marge mais peut-être
faudrait-il, après une large consultation des entreprises
intéressées, de changer radicalement de mécanisme fiscal.
On note enfin que la mesure proposée est la seule incitation fiscale de
la présente proposition de loi à ne pas comporter que des mesures
entièrement contrôlables a priori par l'administration : si
tel est bien le cas pour les achats d'art ancien qui supposent un classement et
donc une mesure discrétionnaire préalable de l'administration, il
n'en est pas de même des
achats d'art contemporain,
qui
ne
seront donc limités que par le plafonnement général des
dépenses de
mécénat de 3,25 pour mille du chiffre
d'affaires
.
Il y a là
une souplesse nécessaire à
la relance du marché de l'art contemporain en France
.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 9
Gage
Commentaire : Cet article a pour objet prévoir la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts pour compenser les
pertes de recettes consécutives à la présente proposition
de loi.
On peut noter que pour faire suite aux nouvelles règles d'affectation du
produit des droits sur les tabacs, il est prévu de couvrir les
moins-values de recettes fiscales résultant du dispositif ci-dessus par
la création d'une taxe additionnelle et non par une simple augmentation
de ces droits.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI PORTANT DIVERSES MESURES FISCALES TENDANT
AU
DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DE L'ART ET À LA PROTECTION DU
PATRIMOINE NATIONAL
CHAPITRE 1
ER
DISPOSITIONS RELATIVES À CERTAINES
CHARGES PESANT SUR LE MARCHÉ DE L'ART
Article 1
er
Au I de l'article 150 V bis du code général des impôts, le chiffre " 20.000 " est remplacé par le chiffre " 65.596 " et le chiffre " 30.000 " par le chiffre " 98.394 ".
Article 2
Le
huitième alinéa (d du 3°) de l'article L.122-5 du code
de la propriété intellectuelle est rédigé comme
suit :
" d. Les reproductions, intégrales ou partielles, d'oeuvres d'art
graphiques ou plastiques offertes à la vente, mises à la
disposition du public sur les lieux ou à l'occasion de la vente. "
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES ET À LA SAUVEGARDE DU
PATRIMOINE NATIONAL
Article 3
L'article 1131 du code général des impôts
est
complété par un paragraphe IV ainsi
rédigé :
" IV. - L'acquéreur, le donataire, l'héritier ou le
légataire qui fait un don à l'État dans les conditions
prévues aux paragraphes I à III ci-dessus,
bénéficie d'un crédit d'impôt pour le paiement des
droits de mutation égal au tiers de la valeur du bien fixée par
la décision d'agrément.
" Lorsque le bien donné fait l'objet d'une réserve
d'usufruit, le crédit d'impôt est égal au tiers de sa
valeur en nue-propriété, calculée selon le barème
fixé à l'article 762. "
Article 4
L'article 200 du code général des impôts
est
complété par un paragraphe 6. ainsi
rédigé :
" 6.
Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur
le revenu égale à 50 % de leur montant dans la limite de 6% du
revenu imposable, les dons effectués par les contribuables
domiciliés en France au sens de l'article 4 B, portant sur des oeuvres
d'art, des livres des objets de collection ou de documents de haute valeur
historique et artistique agréés dans les conditions fixées
à l'article 1716 bis.
" La réduction d'impôt n'est pas cumulable pour un même
don avec le crédit d'impôt prévu au IV de l'article
1131. "
Article 5
I.-
L'article 793 du code général des impôts est
complété par un 3. ainsi rédigé :
"
3.
Les objets classés en application du premier
alinéa de l'article 16 de la loi modifiée du 31 décembre
1913 sur les monuments historiques, à concurrence de la totalité
de la valeur du bien, lors de la première transmission à titre
gratuit après le classement, et de la moitié de cette valeur dans
les autres cas. "
II.- Il est inséré dans le code général des
impôts un article 793 bis A ainsi rédigé :
"
Art 793 bis A
. L'exonération partielle prévue au 3. de
l'article 793 est subordonnée à la condition que le bien soit
resté la propriété du défunt ou du donateur pendant
5 ans à la date de la transmission à titre gratuit. "
III.- Le présent article est applicable aux objets classés
à compter du 1
er
janvier 2001.
Article 6
Le II de l'article 1716 bis du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
" II.- L'agrément mentionné au I est de droit pour les biens ayant la qualité de trésor national au sens de la loi modifiée du 31 décembre 1992 , à la condition que la valeur libératoire proposée soit égale au prix d'expertise proposé ou non refusé par l'État dans le cadre de la procédure d'acquisition prévue à l'article 9-1 de ladite loi. "
Article 7
L'article de 16 de la loi modifiée du 31
décembre 1913
sur les monuments historiques est rédigé comme suit :
"
Art.16.-
les objets mobiliers appartenant à toute personne
autre que celles énumérées à l'article
précédent, peuvent être classés avec le consentement
de leur propriétaire par l'autorité administrative.
" L'autorité administrative peut présenter au
propriétaire une proposition de classement assortie d'une
indemnité représentative du préjudice résultant de
l'application de la servitude de classement, fixée en fonction des prix
pratiqués sur les marchés national et international.
" Si le propriétaire n'accepte pas le montant de l'indemnité
proposée dans un délai de trois mois, l'autorité
administrative fait procéder à une expertise pour fixer le
montant de l'indemnisation dans les conditions fixées ci-après.
" L'autorité administrative et le propriétaire
désignent respectivement un expert. En cas de carence, le tribunal
compétent de l'ordre judiciaire procède à la
désignation. Ces experts rendent un rapport conjoint dans un
délai de trois mois à compter de leur désignation.
" En cas de divergence entre ces experts, l'indemnité est
fixée par un expert désigné conjointement par
l'autorité administrative et le propriétaire du bien, ou,
à défaut d'accord, par le tribunal compétent de l'ordre
judiciaire.
" A défaut de consentement du propriétaire,
l'autorité administrative peut faire procéder au classement
d'office de l'objet par un décret en Conseil d'État sur la base
de l'indemnité déterminée dans les conditions
prévues aux quatrième et cinquième alinéas du
présent article. "
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU
MÉCÉNAT D'ENTREPRISE
Article 8
I. -
L'article 238 bis 0-A du code général des impôts est
rédigé comme suit :
"
238 bis 0-A
. Les entreprises qui achètent, à
compter du 1er janvier 2001, des objets mobiliers classés avec le
consentement de leur propriétaire en application de la loi
modifiée du 31 décembre 1913 et les inscrivent à un compte
d'actif immobilisé, peuvent déduire du résultat de
l'exercice d'acquisition et des neuf années suivantes, par fractions
égales, une somme égale au prix d'acquisition.
" La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice
ne peut excéder la limite mentionnée au premier alinéa du
2 de l'article 238 bis, minorée du total des déductions
mentionnées à l'article 238 bis A du code général
des impôts.
" Pour bénéficier de la déduction prévue au
premier alinéa, l'entreprise doit exposer au public le bien qu'elle a
acquis dans un musée national, un musée classé ou
contrôlé ou tout autre établissement agréé
par le ministre chargé de la culture, pendant au moins trois ans
à compter de l'acquisition.
" L'entreprise doit inscrire à un compte de réserve
spéciale au passif du bilan une somme égale à la
déduction opérée en application du premier alinéa.
Cette somme est réintégrée au résultat en cas de
non respect de l'obligation prévue à l'alinéa
précédent, de cession de l'oeuvre ou de prélèvement
sur le compte de réserve. "
II.- Le premier alinéa de l'article 238 bis AB du code
général des impôts est rédigé comme
suit :
" Les entreprises qui achètent, à compter du 1
er
janvier 2001 des oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent
à un compte d'actif immobilisé, peuvent déduire du
résultat de l'exercice d'acquisition et des quatre années
suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix
d'acquisition. "
III. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 238
bis AB du code général des impôts sont
rédigés comme suit :
" Pour bénéficier de la déduction prévue au
premier alinéa, l'entreprise doit exposer au public le bien qu'elle a
acquis, dans un musée national, un musée classé ou
contrôlé ou tout autre établissement agréé
par le ministre chargé de la culture, pendant au moins un an à
compter de l'acquisition.
" L'entreprise doit inscrire à un compte de réserve
spéciale au passif du bilan une somme égale à la
déduction opérée en application du premier alinéa.
Cette somme est réintégrée au résultat en cas de
non respect de l'obligation prévue à l'alinéa
précédent, de cession de l'oeuvre ou de prélèvement
sur le compte de réserve. "
Article 9
La perte de recettes résultant des dispositions de la présente proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 2 mars 2000 sous la
présidence de
M
.
Alain Lambert
, président, la commission a
procédé à
l'examen
des conclusions
de
M. Yann Gaillard
sur les propositions de loi
n° 468 et
469
(1998-1999) tendant respectivement à aménager le
régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises et à
prévoir diverses mesures fiscales tendant au développement du
marché de l'art et à la protection du patrimoine national.
Le rapporteur a tout d'abord indiqué que la plupart des mesures qu'il
allait soumettre à la commission avaient déjà
été présentées au Sénat et le plus souvent
adoptées par lui, lors de l'examen du projet de loi de finances pour
2000, du projet de loi réformant le régime des ventes volontaires
de meubles ou de la proposition de loi relative aux trésors nationaux.
Il a souligné que la reprise de ces propositions dans un texte unique
lui donnait l'occasion d'en débattre avec la ministre de la culture qui
est directement intéressée au développement du
marché de l'art et à la sauvegarde du patrimoine national.
Après avoir rappelé que les mesures proposées ne
s'analysaient pas comme des dépenses mécaniques ou
" à guichet ouvert " car elles supposaient des
décisions administratives préalables voire des agréments
exprès, M. Gaillard a insisté sur l'idée directrice
qui sous-tend l'ensemble de ces propositions : il faut cesser de faire
reposer sur l'Etat et lui seul la charge de la défense du patrimoine
national et inciter les personnes privées, particuliers ou entreprises
à conserver et à acheter des oeuvres d'art.
Passant à l'examen des articles, la commission a, à l'article
premier, adopté un dispositif reprenant un amendement déjà
adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances
pour 2000 tendant à actualiser en fonction de l'inflation le seuil
d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art, régie par
l'article 150 V bis du code général des impôts.
A l'article 2, la commission a adopté un dispositif reprenant un
amendement déjà adopté par le Sénat lors de la
deuxième lecture du projet de loi sur les ventes volontaires de meubles,
tendant à étendre l'exemption de droits de reproduction à
l'ensemble des catalogues de vente, qu'il s'agisse de ceux des maisons de
ventes ou de ceux des galeries.
A l'article 3, la commission a repris une idée contenue dans le rapport
de M. Maurice Aicardi pour prévoir, en matière de droits de
mutation, l'octroi d'un crédit d'impôt aux personnes faisant don
à l'Etat d'oeuvres d'art.
A l'article 4, la commission a adopté un dispositif ne figurant pas dans
les propositions de loi soumises à son examen, tendant à
permettre aux particuliers de bénéficier, lorsqu'ils font don
à l'Etat d'une oeuvre d'art, d'une réduction d'impôt dans
les mêmes conditions que celle dont ils bénéficient pour
les dons aux organismes d'intérêt général.
A l'article 5, la commission a repris l'essentiel du dispositif
d'exonération de droit de mutation à titre gratuit des oeuvres
classées qu'elle avait fait adopter par le Sénat en
première lecture de la proposition de loi relative aux trésors
nationaux.
A l'article 6, la commission a repris le dispositif présenté en
première lecture de la proposition de loi relative aux trésors
nationaux tendant à garantir au propriétaire d'un trésor
national que celui-ci sera agréé par la commission des dations
pour le prix fixé à la suite de l'expertise contradictoire qui
doit être instaurée dans le cadre de la loi modifiée du
31 décembre 1992.
A l'article 7, la commission a adopté un dispositif tendant à
pallier les conséquences paralysantes de la jurisprudence
" Walter " en prévoyant l'instauration d'une procédure
d'expertise préalable au classement des objets d'art mobiliers en mains
privées.
A l'article 8, la commission a repris l'amendement adopté par le
Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2000
tendant à assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art
ancien et contemporain par les entreprises.
A l'article 9, la commission a adopté un dispositif créant une
taxe additionnelle aux droits sur le tabac pour compenser les pertes de
recettes résultant des articles précédents.
Après une intervention de M. Jacques-Richard Delong, la commission a
adopté le texte des conclusions du rapporteur sur les deux propositions
de loi soumises à son examen.
ANNEXE
OBJETS MOBILIERS IMPORTANTS CLASSÉS EN 1998 ET 1999
APPARTENANT À DES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS.
Par décret
- tableau : " Le cercle de la rue Royale " par James Tissot
- 03/09/1998
(contentieux en cours).
Par arrêtés :
Objets d'art
- important ensemble de souvenirs impériaux, dit collection de
Witt à Cendrieux (Dordogne) - 05/11/1998
- mobilier et souvenirs de Champollion dans sa maison de Vif
(Isère) - 21/04/1998
- mobilier - château de Sales (Haute-Savoie) - 16/11/1998
- mobilier - hôtel de Bouetot-Vagniez à Amiens (Somme) -
27/03/1998
- mobilier - château de Sassenage (Isère) - 21/04/1998
- mobilier - hôtel du Puy - Montbrun (Drôme) - 01/12/1998
- portrait du prince de Conti par Hyacinte Rigaud - château de
Ribaute-les-Tavernes (Gard) - 18/10/1999
- tapisserie d'Aubusson - tenture de Pâris et Hélène
5 pièces - château de Louvagny (Calvados) - 01/06/1999
- ensemble de 31 portraits - château de Saint-Aignan
(Sarthe) - 14/04/1999
- deux tapisseries de Bruxelles et mobilier de
chambre - château du Busca-Maniban à Mansencome (Gers) -
09/02/1999
à signaler
: mobilier du château de
Breteuil : arrêté de classement en préparation.
Objets scientifiques et techniques
- ensemble de 96 maquettes de navires et 8 affiches originales
appartenant à l'association French Lines - 11/03/1998
- planeur Weihe aérodrome Angers- Avrillé - 08/09/1998
- bateaux de pêche "Hope" à Saint-Gilles Croix de Vie
(Vendée) - 19/01/1998 et "Côte d'Albatre" à Dieppe
(Seine-Maritime) - 10/06/1998
- locomotive à vapeur - musée associatif de
Froissy (Somme) - 16/06/1998
- matériel servant à la production d'alcool de
genièvre à la distillerie Clacyssens à Wambrechies (Nord)
- 19/01/1999
- avion Morane -Saulnier-Aérodrome de la Ferté-Alais
(Essonne) - 19/01/1999
- 14 machines servant à la production du drap de Bonneval à
Seez - filature Arpin (Savoie) - 19/01/1999
- outillage de la scierie Vincent à Sainte Croix aux Mines
(Haut-Rhin) - 09/07/1999
TABLEAU COMPARATIF
1 . Il y est indiqué que ce type de dispositif est " dénué de justification sur le plan fiscal ". " En effet, les droits de mutation à titre gratuit sont assis sur les valeurs des biens transmis à la date du fait générateur de l'impôt. Dès lors, l'évaluation des objets classés détenus par les particuliers tient nécessairement compte de la moins-value qu'ils subissent du fait de leur classement, qui en limite le nombre d'acquéreurs potentiel. La mesure proposée permettrait donc d'exonérer partiellement certains biens alors que leur valeur vénale tient déjà compte de la moins-value résultant du classement ".