EXAMEN DES ARTICLES
TITRE
I
ER
-
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
TERRITORIAL
CHAPITRE I
ER
-
Fonds communs de placement de
proximité
Article 1
er
-
(Article 22-2 de la loi n°88-1201 du
23 décembre 1988) -
Création de fonds communs de
placement de proximité
Cet
article crée une nouvelle catégorie de fonds communs de
placement, dans l'optique d'organiser une collecte de l'épargne de
proximité au bénéfice des entreprises en création
dans les zones prioritaires de l'aménagement du territoire et de la
politique de la ville.
La difficulté d'accès aux fonds propres des entreprises
est
une particularité française, désormais bien connue. En
dépit d'importants progrès réalisés ces
dernières années, la place du marché des actions dans le
financement de l'économie reste, en France, largement inférieure
à celle observée dans les pays anglo-saxons : en 1998, la
capitalisation boursière représente 64 %
10(
*
)
du PIB, contre 110 % aux
Etats-Unis et 139 % au Royaume-Uni.
Même
si la proportion des ménages actionnaires
est en
hausse depuis douze ans, l'épargnant français est
traditionnellement davantage orienté vers les produits de taux ou les
placements dont la rémunération est réglementée.
Seuls 13,2 %
11(
*
)
des
ménages détiennent ainsi des actions, et 10,8 % des parts
d'OPCVM
12(
*
)
.
La proportion de
ménages détenant des actions non cotées
est
extrêmement faible (1,5 %). Ces chiffres sont à comparer aux
quelque 83,7 % des ménages qui détiennent un livret
d'épargne !
En effet, pour attirer des investisseurs particuliers dans leur capital, les
entreprises non cotées doivent, dans les faits,
" démarcher " elles-mêmes ces personnes, faute
d'instrument financier canalisant les flux latents d'épargne de
proximité.
Les entreprises en création restent, d'ailleurs, majoritairement
tributaires des financements de proximité
: comme le rappelle
l'exposé des motifs de la proposition de loi, sur les 18 milliards
de francs mobilisés en 1997 par les 166.000 entreprises
créées,
58 % provenaient de l'épargne du
créateur ou de ses proches,
22 % des banques et 20 % d'un
financement public, souvent local
13(
*
)
.
Afin d'orienter l'épargne des ménages vers les
sociétés en création dans les zones où les
financements sont les plus difficiles à mobiliser, cet article
prévoit d'instituer
une nouvelle catégorie de fonds communs de
placement à risque,
les fonds communs de placement de
proximité (FCPP).
Par rapport au soutien direct des proches, de la famille ou des amis,
l'intervention d'un fonds commun de placement permet d'assurer une
gestion
professionnelle
des sommes engagées et de
mutualiser
les
risques supportés par le fonds. Soulignons, en outre, que les fonds
communs de placement à risque (FCPR) doivent obtenir un agrément
de la Commission des opérations de Bourse, qui apporte une garantie aux
investisseurs.
D'après le dernier rapport du Conseil des Impôts
14(
*
)
, il existait, en 1998, 124 FCPR,
pour un encours total de 13 milliards de francs. Créés par
la loi du 3 janvier 1983, les fonds communs de placement à risque
(FCPR) constituent le dispositif le plus ancien en faveur des placements
à risques. Ils bénéficient d'un régime fiscal
avantageux, puisqu'en vertu notamment de l'article 92 G et de
l'article 163
quinquies
B du code général des
impôts, les produits distribués par les FCPR et
immédiatement réinvestis dans les fonds et les plus values
réalisées à l'occasion de la cession ou du rachat des
fonds sont exonérés d'impôt sur le revenu.
Les fonds communs de placement de proximité dont la création
est proposée par cet article présentent une double
particularité :
les entreprises bénéficiant des financements du FCPP doivent
être
de jeunes sociétés
(de moins de trois ans) de
petite taille
(moins de cinquante salariés),
indépendantes
(pas de filiales de grands groupes) ;
le FCPP organise une
solidarité territoriale
puisqu'il repose,
dans son principe, sur la collecte de l'épargne de
proximité : le fonds doit définir
son
périmètre d'intervention géographique,
auquel doivent
appartenir tant les souscripteurs de parts que les entreprises constituant son
actif qui doivent, de surcroît être établies dans les
zones les plus fragiles
de ce périmètre (zones rurales
fragiles ou quartiers de la politique de la ville, définis à
l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire).
Cet article avait été introduit par le Sénat sous forme
d'amendement proposé par la commission spéciale au projet de loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire, lors de sa discussion en mars dernier. L'Assemblée nationale
avait toutefois décidé de le supprimer du texte qu'elle avait
définitivement adopté.
L'idée de la mobilisation d'une épargne de proximité est,
au demeurant, partagée par nombre d'acteurs, au-delà même
de la Haute Assemblée. Ainsi, le " livre blanc de la
création d'entreprise ", du Salon des entrepreneurs 1999, en
faisait l'une des 12 mesures d'urgence à prendre pour la
création d'entreprise, dont les auteurs de cette proposition estimaient
qu'elle devait être assortie d'un avantage fiscal pour l'épargne
et de l'utilisation des "
structures de proximité
existantes
" pour administrer ces fonds et sélectionner les
projets bénéficiaires. De son côté, et afin de
faciliter l'émergence d'un marché de gré à
gré des titres de PME, la chambre de commerce et d'industrie de Paris
avait proposé
15(
*
)
la
création de FCPR spécifiquement consacrés aux entreprises
non cotées.
Votre commission, prenant acte de la création, par la loi n°99-532
du 25 juin 1999, d'un chapitre IV ter relatif au fonds communs de placement
à risques bénéficiant d'une procédure
allégée, insérant un article 22-2 à la loi du 23
décembre 1988, vous propose tout d'abord d'insérer le
présent article sous forme de chapitre IV quater et d'article 22-3.
Elle vous propose d'harmoniser la rédaction des premier et
cinquième alinéas de l'article 22-3, et en particulier
de la " clause " d'indépendance en capital des entreprises
concernées, avec celle issue de la loi du 12 juillet 1999 sur
l'innovation et la recherche s'agissant des FCPI.
Votre commission a, en outre, supprimé le critère des
" moins de 3 ans " pour les sociétés
destinées à recevoir les financements des FCPP, tout en laissant
celui des " moins de 50 salariés ". En effet, dans la
" boîte à outils " que constitue la proposition de loi,
il est apparu à votre commission que les FCPP étaient
plutôt destinées au
tissu des PME régionales
qu'aux
seules entreprises en phase de démarrage.
Consciente des difficultés pratiques de mise en oeuvre qu'il serait
susceptible de poser, votre commission vous propose également de
supprimer le septième alinéa de cet article, relatif à
l'impératif de résidence des porteurs de parts de FCPP. Au
demeurant, la philosophie de
l'investissement de proximité
demeure au coeur de ce dispositif puisque le fonds a un périmètre
géographique d'intervention librement défini (par exemple :
une région, ou un périmètre plus vaste comme l'Arc
Atlantique ou le Grand Est...) et qu'il s'investit au sein des zones fragiles
de ce périmètre. Il traduit bien une certaine forme de
solidarité territoriale au profit des territoires les moins
favorisés.
Votre commission vous demande d'adopter l'article 1
er
ainsi
rédigé.
Article 2 -
(Article 199
terdecies
-OA du code
général des impôts) -
Réduction
d'impôt sur le revenu liée à la détention de parts
de FCPP
Cet
article vise à étendre à la détention de parts de
fonds communs de placement de proximité (FCPP) l'avantage fiscal qui
existe pour les parts de sociétés non cotées et de fonds
communs de placement dans l'innovation (réduction d'impôt sur le
revenu égale à 25 % des souscriptions, dans la limite d'un
plafond).
Les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ont été
institués par la loi de finances initiale pour 1997. Destinés au
financement des entreprises innovantes, ils se présentent fiscalement
comme une dérogation au régime des FCPR mentionné
ci-dessus, puisqu'ils offrent de surcroît aux titulaires de parts qui
conservent celles-ci pendant cinq ans
une réduction d'impôt sur
le revenu égale à 25 % des souscriptions dans la limite d'un
plafond annuel
, fixé à l'article 199
terdecies
-OA
VI du code général des impôts (75.000 francs pour
les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et
150.000 francs pour les contribuables mariés soumis à
imposition commune, soit une réduction maximale de respectivement
18.750 francs ou 37.500 francs).
Ce régime fiscal favorable, qui cumule cette réduction
d'impôt sur le revenu avec l'exonération des produits et des
plus-values a permis l'essor des FCPI, qui contribuent désormais
pleinement au drainage des financements vers les sociétés
technologiques créatrices de richesse et d'emplois.
Les 18 FCPI
existant aujourd'hui ont permis de lever, en trois ans à peine,
près de 2,5 milliards de francs de fonds privés investis
dans les fonds propres des entreprises innovantes
.
C'est ce même régime fiscal que cet article de la proposition
de loi propose d'étendre aux fonds communs de placement de
proximité définis à l'article 1
er
, dans
des conditions (de plafond notamment et de dates de versement) identiques.
Par rapport au texte de la proposition de loi n° 254, votre
commission a apporté, outre une coordination avec l'article premier, des
précisions techniques qui renvoient, pour la réduction
d'impôt, aux délais et aux plafonds de versement cités
ci-dessus, qui figurent au 2 du VI de
l'article 199
terdecies
-OA du code général des
impôts. Le Sénat avait d'ailleurs adopté dans cette
rédaction l'amendement de la commission spéciale au projet de la
loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable
du territoire.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
II -
Pôles d'incubation territoriaux et fonds
d'amorçage locaux
Article 3 -
Participation des collectivités
territoriales
aux incubateurs et aux fonds d'amorçage
Cet
article insère trois nouveaux articles au code général des
collectivités territoriales :
- un article permettant aux collectivités territoriales de
participer à la constitution d'" incubateurs " ayant pour
objet d'accompagner des créateurs d'entreprise ;
- un article permettant à ces dernières d'apporter un
soutien financier aux porteurs de projets qui y sont
" incubés " ;
- un article permettant aux collectivités locales de participer
à des fonds d'amorçage.
Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de renuméroter ces
trois articles additionnels, compte-tenu de l'insertion, dans le code
général des collectivités territoriales, d'un nouvel
article L.1511-6 par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999.
Article L.1511-6 du code général des
collectivités territoriales -
Participation des
collectivités territoriales aux incubateurs d'entreprise
L'accompagnement de la création d'entreprise est l'un
des
leviers les plus efficaces du soutien public aux PME et l'un des points faibles
du système français. Aujourd'hui,
seulement 10 % environ
des créateurs sont en contact avec l'un ou l'autre des réseaux
d'appui existants
, à tel point que le récent rapport du
député Eric Besson :
" Pour un plan d'urgence d'aide
à la création des très petites
entreprises
"
16(
*
)
parle
de
" sombre diagnostic "
à propos du système
français d'accueil du créateur. Votre rapporteur en est convaincu
de longue date : dès 1997, son rapport d'information sur la
"
Small Business Administration
" américaine
17(
*
)
avait mis en lumière le
rôle essentiel de l'accompagnement du créateur outre-Atlantique,
se traduisant par un nombre élevé de créations d'emplois.
Les pouvoirs publics français prennent peu à peu conscience de
l'enjeu que représente l'accompagnement de la création
d'entreprise : tel a été récemment le cas dans le
domaine de la recherche.
Les incubateurs technologiques issus de la loi
" Allègre " : un bon début
Les " incubateurs " visent, parmi d'autres outils ou réseaux
d'aide aux PME, à pallier l'insuffisance d'accompagnement du
créateur d'entreprise.
Ces structures d'accompagnement, qui interviennent très en amont de la
création d'entreprise, puisqu'elles accueillent des personnes physiques
ayant un projet de création d'entreprise, ont notamment pour objet :
- la détection et l'évaluation de projets de création
d'entreprises,
- l'hébergement et le soutien logistique des porteurs de projets
d'entreprises et, pour une brève période, des entreprises
nouvellement créées,
- l'accompagnement des créateurs dans l'élaboration de leur
projet d'entreprise, notamment dans les domaines organisationnels, juridiques,
industriels, commerciaux et pour le recrutement de l'équipe de direction,
- l'information et mise en relation entre partenaires industriels,
gestionnaires, financiers et scientifiques pour la création et le
financement d'entreprises,
- la formation des créateurs d'entreprises.
Bien que de création récente, les " incubateurs "
d'entreprises ont vu, dans le domaine de la recherche technologique, leur
existence -à défaut de leur nom- consacrée par la loi
n° 92-587 du 12 juillet 1999 relative à l'innovation
et à la recherche, qui a autorisé les établissements de
recherche et d'enseignement supérieur à participer à de
telles structures et qui a été l'occasion de lancer un vaste
programme gouvernemental d'incitation à leur constitution.
Partant du constat du mauvais rendement technologique de la recherche
française, dressé par le rapport de M. Henri Guillaume en 1998,
ce texte a, en effet, permis de lever les freins notamment juridiques à
" l'essaimage ", c'est-à-dire à la création
d'entreprises à partir des laboratoires publics de recherche.
La loi dispose ainsi que : "
En vue de la valorisation des
résultats de la recherche dans leurs domaines
d'activités
, " les laboratoires "
peuvent, par
convention et pour une durée limitée [...] fournir à des
entreprises ou à des personnes physiques des moyens de fonctionnement,
notamment en mettant à leur disposition des locaux, des
équipements et des matériels
".
Suivie d'un appel à projets " Incubation et capital-amorçage
des entreprises technologiques ", lancé par le ministère de
l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie et le
ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et doté
de
200 millions de francs de crédits
de l'Etat, cette
initiative a connu en peu de temps un vif succès, de nature, sans doute,
à accélérer le processus, jusqu'alors timidement
engagé, de valorisation de la recherche dans notre pays.
L'encadré ci-dessous donne la liste des 18 incubateurs
déjà sélectionnés dans le cadre de cet appel
à projets :
Incubateurs sélectionnés au 25 novembre
1999
dans le cadre de l'appel à projets
" Incubation et
capital-amorçage des entreprises technologiques "
du
Gouvernement
En
Alsace
, l'incubateur de Strasbourg, porté par
l'université Louis Pasteur en partenariat avec les autres
établissements d'enseignement supérieur, le conseil
régional et des structures de développement local ;
en
Aquitaine
, l'incubateur régional d'Aquitaine, qui
fédère tous les établissements d'enseignement
supérieur de la région ;
en
Auvergne
, " BUSI ", qui réunit
l'université d'Auvergne, l'université de Clermont II et la
société régionale de capital-risque (SOFIMAC) ;
en
Bourgogne
, l'incubateur régional de Bourgogne, qui
fédère l'ensemble des établissements d'enseignement
supérieur et de recherche de la région ;
en
Bretagne
, l'incubateur de Rennes/Lannion/Lorient, porté
par les trois technopoles en association avec les établissements
d'enseignement supérieur et de recherche et en associant des
collectivités locales dont la région Bretagne ;
en
Franche-Comté,
l'incubateur régional de
Franche-Comté qui, lui aussi, fédère l'ensemble des
établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la
région ;
en
Ile-de-France
, quatre projets :
"
Ile de France Sud
" dont les fondateurs sont le CNRS,
le CEA et l'université de Paris Sud-Orsay ;
"
Science Pratique Incubateur
" porté par la
filiale de l'Ecole nationale supérieure (ENS) de Cachan en association
avec les universités de Paris 7, Paris 8 et le Cemagref,
l'Inrets et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) ;
l'incubateur technologique "
Paris-Centre
" regroupant
les universités de Paris VI et de Paris IX, l'ENS d'Ulm et Paritech
(groupement des 9 écoles d'ingénieurs de Paris intra muros)
et associant la ville de Paris et la région Ile-de-France ;
"
Paris Biotech
", bio-incubateur dont les membres
fondateurs sont l'université René Descartes (Paris V), avec le
centre hospitalo-universitairede Cochin Port-Royal, l'INSERM, l'Ecole centrale
de Paris et l'ESSEC ;
en
Lorraine
, le projet d'" Incubateur lorrain pour la
création d'activités et d'entreprises ", fondé par
les quatre établissements d'enseignement supérieur de Nancy et
Metz, en association avec les organismes de recherche t les structures de
transfert de technologie de la région ;
en
Midi-Pyrénées
, un incubateur qui réunit
tous les établissements d'enseignement supérieur et de recherche
de la région et qui associe le conseil régional, les conseils
généraux et le district du grand Toulouse ;
en
Nord-Pas-de-Calais
, deux incubateurs :
Eurasanté, dédié aux technologies de la
santé ;
un incubateur généraliste, qui réunit tous les
établissements d'enseignement et de recherche de la région ;
en
Pays de la Loire
, le projet d'incubateur
" Atlanpole ", porté par la technopole de Nantes/Saint-Nazaire
et qui regroupe le district de l'agglomération nantaise, la
région Pays de la Loire, la ville de Saint-Nazaire et
l'université de Nantes ;
en
Poitou-Charentes
, le projet d'incubateur régional,
porté par l'université de Poitiers, le CNRS et l'Ecole nationale
supérieure de mécanique et d'aérotechnique (ENSMA), en
association avec l'université de La Rochelle ;
en
Rhône-Alpes
, deux incubateurs partenaires d'un
dispositif régional d'aide aux entreprises technologiques :
" CREALYS ", qui réunit tous les établissements
de recherche et d'enseignement supérieur de Lyon, de Saint-Etienne et de
l'Ain ;
" Grenoble-Alpes-Incubation ", réunissant les
établissements d'enseignement supérieur et de recherche de
Grenoble et de la Savoie.
Source
: Ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie
Votre commission estime que cette initiative, pour être opportune,
n'est toutefois qu'un " bon début ".
-
Des incubateurs avant tout " technologiques "
Conformément aux orientations définies dans l'appel à
projets du Gouvernement, les projets retenus sont orientés vers
les
technologies de l'information et de la communication, le multimédia, les
biotechnologies et les nouveaux matériaux
.
Pour être acceptés, les dossiers doivent, en outre,
impérativement comporter la participation
d'établissements
publics d'enseignement supérieur ou de recherche
.
Même s'ils s'adressent à un public très ciblé, ces
incubateurs technologiques n'en demeurent pas moins un outil très
intéressant, relativement économe en deniers publics et
permettant d'aboutir à une mixité public/privé de
l'accompagnement du créateur.
-
Une intervention publique ciblée
L'engagement de partenaires publics pour la constitution des incubateurs, si
elle est décisive, n'est pas exclusive. Au contraire, dans l'appel
à projets du ministère de la recherche, la présence de
partenaires privés est requise pour l'octroi du soutien financier de
l'Etat, qui ne peut couvrir plus de 50 % des dépenses pouvant
être rattachées au soutien d'entreprises en création
accueillies au sein de l'incubateur (études de faisabilité
technique, industrielle ou commerciale, prestations de conseil, etc...).
Cette obligation de mixité permet d'associer des partenaires publics
mais aussi privés, dont la présence est particulièrement
importante pour l'avenir de l'entreprise.
En outre, les incubateurs sélectionnés dans le cadre de l'appel
à projets du ministère de la recherche doivent mettre en
évidence leur capacité à fonctionner durablement, la
subvention de l'Etat ne portant que sur une durée de trois ans. Le texte
de l'appel à projets indique que : "
Les projets
d'incubateurs fourniront pour cela leur propre plan de développement qui
devra prévoir un objectif minimum de soutien à 15 projets de
création d'entreprises au cours des trois premières
années. Les projets d'incubateurs fourniront également leur plan
de financement, détaillant les modes de remboursement par les
entreprises créées des prestations dont elles auront
bénéficié en phase d'incubation
. "
Enfin, le versement de la contribution de l'Etat est échelonné et
conditionné à la réalisation d'objectifs de
développement des entreprises soutenues, l'incubateur devant
périodiquement indiquer à l'Etat :
- outre une présentation synthétique de son activité,
les comptes de la période écoulée et des recettes et
dépenses de l'année en cours,
- un état précisant le nombre de projets de création
examinés,
- la liste des projets sous contrat, en cours, abandonnés ou
soldés, indiquant pour chacun d'entre eux le montant des dépenses
effectuées et, à titre indicatif, le montant et les délais
des dépenses restant à payer,
- la liste des entreprises créées, leur chiffre d'affaires
et le nombre d'emplois créés.
Du fait de l'association d'autres partenaires, l'effet de levier de l'argent
public consacré au financement des incubateurs n'est pas
négligeable : d'après les estimations fournies par le
ministère de la recherche, les 105 millions de francs de subvention
de l'Etat engagés, pour les trois années à venir, pour les
18 incubateurs sélectionnés, permettraient l'éclosion
de 589 projets de création d'entreprise.
L'objet de la proposition de loi : sécuriser l'intervention des
collectivités locales et mettre en place des incubateurs territoriaux
à vocation généraliste
-
Les collectivités locales interviennent déjà
dans la mise en place de certains incubateurs : leur action doit
être juridiquement sécurisée.
Votre rapporteur ne s'étendra pas sur un constat, qui, pour être
bien connu depuis le rapport public particulier de la Cour des comptes de
novembre 1996
18(
*
)
, n'en demeure
pas moins préoccupant :
le régime légal des
interventions économiques des collectivités territoriales n'est
aujourd'hui plus adapté aux besoins des entreprises, aux demandes des
collectivités locales, à l'épure du cadre
législatif défini en 1982, non plus qu'aux contraintes du droit
communautaire
.
Le fossé qui s'est, en conséquence, creusé entre le
droit et la pratique fragilise considérablement l'action des
collectivités locales en faveur du développement local et place
les élus locaux dans une position inconfortable face au contrôle
de légalité et à celui des chambres régionales des
comptes.
Le projet de loi précité réformant les articles
concernés du code général des collectivités
locales, annoncé en 1997, est, certes, toujours "
en
préparation
", bien qu'aucun calendrier d'examen ne soit
fixé et qu'il ne soit toujours pas passé en Conseil des ministres.
L'objet de la proposition de loi n° 254 n'est bien entendu pas de
préjuger d'un éventuel débat parlementaire sur ce projet
de loi, ni de réformer l'ensemble des modalités légales
d'intervention des collectivités locales en matière
économique ! Les auteurs de la proposition de loi, déplorant
le retard pris pour son examen, ont simplement voulu sécuriser
l'intervention des collectivités locales dans les incubateurs
d'entreprise en constitution, compte tenu du dynamisme que ces derniers peuvent
apporter à la création d'entreprise sur les territoires, à
partir d'une participation financière relativement modeste par rapport
à d'autres types d'aides, par ailleurs, autorisées par le code
général des collectivités territoriales.
Il s'agit d'une démarche qui prolonge celle de la loi
précitée du 12 juillet 1999 sur l'innovation, qui a
autorisé les universités et établissements publics de
recherche à constituer de tels incubateurs. Votre rapporteur rappelle
que le Gouvernement avait d'ailleurs, à cette occasion, reconnu comme
légitime une intervention des collectivités territoriales, comme
l'a indiqué le ministre de la recherche lors des débats du
Sénat, sans toutefois proposer de cadre juridique adapté à
cette intervention.
Notre collègue Jean-Pierre Raffarin déplorait en ces termes, lors
du débat
19(
*
)
au
Sénat sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, au cours duquel cet article de la
proposition de loi n° 254 avait été proposé par
lui et adopté par la Haute assemblée, sous forme d'amendement
portant article additionnel,
le vide juridique actuel
auquel sont
confrontées les collectivités :
"
J'ai bien noté tout à l'heure qu'il se dégageait
un consensus pour considérer que la création d'entreprises est
une fonction majeure de l'aménagement du territoire, ce à quoi
[...] Mme la ministre nous [a] répondu que nous envisagerions
ultérieurement cet aspect lors de l'examen d'autres textes.
" Je connais au moins un ministre qui ne s'est pas laissé
" verrouiller " et qui a eu l'audace de se lancer à temps. Je
veux parler de M Allègre (...). Il s'agit de créer des
incubateurs en liaison avec les universités. Tant mieux et vive
l'audace, à défaut de dire : " vive
Allègre ! ". "
Propos auxquels le Gouvernement répondait, par la voix de
Mme Dominique Voynet :
"
Vous savez que le Gouvernement prépare un projet de loi
modifiant les conditions de l'intervention économique des
collectivités locales (...). Dans ces conditions,
il me semble
prématuré
d'intégrer dans le projet de loi
d'orientation d'aménagement et de développement durable du
territoire telle ou telle proposition formulée ici par voie
d'amendement.
Cela ne signifie pas que de telles dispositions ne soient pas
intéressantes.
" En effet, le concept d'incubateur en amont de la création
d'entreprises paraît tout à fait intéressant
".
Votre rapporteur estime que, pas plus aujourd'hui qu'en avril dernier,
l'argument de la discussion "
prochaine
" d'un texte à
l'objet certes voisin, mais non identique, n'est suffisant pour justifier d'un
éventuel report de l'adoption de cet article, dont la pertinence ne lui
paraît d'ailleurs pas avoir été contestée au fond.
Cet article vise, en effet, dans une optique de développement local et
d'aménagement du territoire, à étendre la dynamique des
incubateurs, au-delà de la seule sphère technologique.
-
Les incubateurs peuvent devenir un puissant outil de dynamisme
économique local, au-delà de la seule sphère de la
recherche technologique
La philosophie qui sous-tend l'article L.1511-6
20(
*
)
du code général des
collectivités territoriales, dont la création est proposée
par le texte aujourd'hui en discussion, a été
résumée en ces termes
21(
*
)
lors des débats
précités sur l'aménagement du territoire :
"
L'incubateur d'entreprises devient un processus majeur de
l'aménagement du territoire.
J'ai pu assister dans mon propre département, dans des territoires
ruraux, au démarrage d'entreprises de biotechnologie. Par exemple, dans
une petite commune de la Vienne, Celle-Lévescault, située
à une vingtaine kilomètres de Poitiers, un chercheur a
créé une entreprise. Il s'est étendu à
l'échelon international avec un certain nombre de partenaires.
Aujourd'hui, il emploie plus d'une centaine de personnes, son entreprise est
inscrite au nouveau marché, et ce grâce au processus d'incubation.
Il a fallu surmonter des échecs, résoudre des difficultés
avant de constituer le projet final, qui est sur le chemin de la
réussite.
L'incubation d'entreprises nouvelles peut se réaliser sur n'importe
quel territoire -en ce domaine, la Lozère est aussi fertile que le
Bas-Rhin- à condition de permettre aux collectivités
territoriales et à l'Etat de bâtir ce
dispositif
".
L'objectif de cet article est d'une part de sécuriser l'intervention des
collectivités locales et d'autre part de mailler l'ensemble du
territoire d'incubateurs, à vocation technologique ou
généraliste, tout en respectant une certaine échelle,
nécessaire pour obtenir la " taille critique " estimée,
pour ce type de projets, à une quinzaine " d'incubés ".
Votre commission
approuve pleinement le principe de cet article, qu'elle
n'a modifié que dans l'optique d'une amélioration
rédactionnelle, au vu notamment de l'expérience de " mise en
route " des premiers incubateurs technologiques.
Outre le changement de numérotation de cet article, il lui est en effet
apparu nécessaire, dans ses conclusions, de :
- distinguer clairement le cas où la collectivité
territoriale ou le groupement apportent un
financement ou des moyens
(locaux, etc.) à l'incubateur (1
er
alinéa) de celui
où la collectivité participe à la
constitution
même de l'incubateur (3
e
alinéa) ;
- clarifier le rôle, en les identifiant plus
précisément, des différents acteurs du
système :
la collectivité ou le groupement
;
l'incubateur
, qui est une personne morale, à laquelle peut
participer (ou non) la collectivité et
l'incubé
, personne
physique ;
- prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour
l'application de cet article fixant notamment le plafond des concours
financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs
recettes.
Votre commission a laissé à la commission des lois, saisie pour
avis, le soin de préciser, si elle le juge opportun, les
modalités juridiques exactes d'intervention des collectivités et
groupements lorsqu'ils constituent l'incubateur avec d'autres partenaires.
Article L.1511-7 du code général des
collectivités territoriales -
Octroi d'une compensation
financière aux porteurs de projets de création d'entreprise
accueillis par certains incubateurs
L'article 3 de la proposition de loi propose d'insérer
un
nouvel article L.1511-7 au code général des
collectivités territoriales, autorisant, sous certaines conditions, une
collectivité locale ou un groupement à accorder au
créateur d'entreprise une allocation "
destinée à
atténuer, le cas échéant, pour ce dernier, les
conséquences financières, sur sa situation individuelle, de son
projet de création d'entreprise
".
Cet article est repris sous forme d'article L.1511-8 dans les conclusions
de votre commission.
Les conditions posées sont les suivantes :
- l'incubation doit avoir lieu dans un incubateur
" labellisé " par le contrat de plan Etat-région (voir
sur ce point le commentaire de l'article 4 de la proposition de loi) ;
- le soutien financier ne peut excéder deux ans ;
- ni l'octroi ni le montant de l'allocation ne sont systématiques,
mais dépendent du changement de situation financière induit pour
la personne concernée par son acte de création d'entreprise (un
jeune diplômé résidant chez ses parents ou une personne
déjà chargée de famille ne sont, à cet
égard, pas dans des situations équivalentes) ;
Pour la rédaction de cet article, les auteurs de la proposition de loi
sont partis du constat de l'existence, dans notre pays,
d'importants freins
psychologiques à la création d'entreprise
, assimilée
trop souvent, par nombre de nos concitoyens, à une aventure
risquée et, dans bien des cas, pour certains salariés, quasiment
vouée à l'échec avant même d'être
tentée !
Le principe : la création d'entreprise est, en France, un acte
dévalorisé qui doit être
" sécurisé "
Le président du Sénat, M. Christian Poncelet,
a
déjà à plusieurs reprises, fait part de sa
préoccupation face à la mauvaise perception française de
l'acte de création d'entreprise, et lancé plusieurs actions,
destinées notamment à diffuser l'esprit d'entreprise dans notre
pays, comme, par exemple, pour n'en citer qu'une, les rencontres
sénatoriales de l'entreprise, clôturées par une
journée d'échanges au Sénat le 2 février prochain.
Le président de la République
faisait lui-même
récemment état, dans son intervention lors des premiers
" Etats généraux des jeunes entrepreneurs
européens ", devant plusieurs milliers de jeunes étudiants
et créateurs d'entreprises, de sa conviction quant à la
nécessité "
d'encourager l'initiative et la prise de
risque
". Le président de la République
considérait ainsi que :
"
Ceux et celles qui sont prêts à relever le défi
et à se lancer dans l'aventure sont de plus en plus nombreux. Mais ils
ne le sont pas encore assez. Trop souvent, c'est un licenciement, une
période de chômage, qui constituent le déclic.
La création d'entreprise doit désormais s'inscrire dans le
cours normal d'une vie professionnelle (...).
Nous devons inciter les jeunes (...) à se lancer résolument dans
la course.
Aujourd'hui encore, en France, plus on est diplômé,
moins on est entrepreneur. C'est une singularité à laquelle nous
devons remédier
".
C'est, au fond, d'une véritable révolution culturelle face
à la création d'entreprise dont notre pays a besoin.
Le livre blanc de la création d'entreprise, paru à l'occasion du
Salon des entrepreneurs 1999, dressait, lui aussi, le constat de la
régression continue depuis 1989 de la création d'entreprise,
" dommage certain pour la création d'emplois, puisque 170 000
entreprises créées chaque année génèrent
540 000 emplois sur trois ans. Pourtant, ce ne sont pas les idées
qui manquent
puisqu'une étude récente de l'APCE
22(
*
)
chiffre à 2,5 millions les
Français qui auraient l'idée d'entreprendre et à 1,2
million ceux qui ont un projet précis ".
" C'est le passage à l'acte qui ne se concrétise pas "
poursuivait-il
" De toutes les propositions (...) et des nombreux
rapports analysés, ressort une constante majeure :
Nous manquons
d'esprit d'entreprise
".
Allant dans le même sens, le rapport précité du
député Eric Besson estime que le champ économique est le
lieu, comme le champ social, d'une
" reproduction "
, jeu
" partiellement fermé "
qui explique que deux tiers des
créateurs d'entreprises soient issus d'un milieu familial
d'entrepreneurs.
La proposition de loi en examen comporte plusieurs dispositions tendant
à simplifier, rendre plus accessible et " sécuriser "
le statut de créateur d'entreprise, afin de lever ces freins
psychologiques qui peuvent exister.
Tel est également l'objet de l'article L.1551-7 du code des
collectivités territoriales proposé par cet article.
Votre commission comprend et approuve le principe de cet article
, qui
permet d'atténuer la prise de risque financière liée
à l'acte de création, et qui pourrait s'avérer efficace
pour certains publics particuliers, comme les jeunes de moins de 25 ans,
qui savent ne pouvoir compter sur les minima sociaux.
Votre commission vous propose de modifier la rédaction de ce
dispositif :
- en renumérotant cet article additionnel ;
- en coordonnant sa rédaction avec les changements proposés
à l'article additionnel L.1511-6 (devenu L.1511-7 dans les conclusions
de la commission) ;
- en réservant le bénéfice de cette allocation aux
jeunes âgés de 18 à moins de 25 ans ;
- en indiquant que cette allocation prend la forme d'une bourse, terme qui
figure déjà au code général des
collectivités territoriales (par exemple à
l'article L.3214-2 qui définit la compétence du conseil
général pour l'attribution de bourses d'études) ;
- en précisant que le montant de cette allocation dépend des
revenus et des charges familiales du bénéficiaire.
Article L.1511-8 du code général des
collectivités territoriales -
Participation des
collectivités territoriales à des fonds d'amorçage
L'article 3 de la proposition de loi propose d'insérer
au
code général des collectivités territoriales un nouvel
article L.1511-8, autorisant ces dernières à participer à
des fonds " d'amorçage ", destinés à financer
les toutes premières étapes -on parle, au Québec par
exemple, de phase de " prédémarrage "- de la vie de
l'entreprise. Cet article est repris sous la forme d'un article L.1511-9
dans les conclusions de votre commission.
Le capital d'amorçage, principal maillon faible de la chaîne
de financement en fonds propres de l'entreprise.
L'industrie du capital-investissement en France, qui apporte des fonds propres
aux entreprises, a vu son volume d'investissement et sa rentabilité
progresser ces dernières années. Plus particulièrement, on
a assisté à un développement significatif du
capital-risque stricto sensu (plutôt ciblé sur la création
d'entreprise ainsi que sur les jeunes entreprises technologiques), que des
études statistiques de l'AFIC
23(
*
)
distinguent du
capital-développement ou de l'activité de capital-transmission.
L'activité de capital-investissement, rappelons-le, se
caractérise
24(
*
)
par :
- une participation de long terme (5 à 7 ans en moyenne) ;
- une décision d'investissement en fonds propres, prise en fonction
de la qualité de l'équipe dirigeante, des résultats
prévus sur le long terme et des perspectives de développement de
l'entreprise et non des résultats financiers immédiats
(contrairement au financement bancaire) ;
- une rémunération à échéance,
notamment par cession des parts sociales détenues et non par une
éventuelle distribution de dividendes ;
- un taux de sinistralité moyen d'environ 20 % ;
- un rôle actif du financeur dans l'entreprise financée.
Elle a mobilisé, au total, en 1998
25(
*
)
,
11,7 milliards de francs
,
contre 8,2 milliards de francs en 1997. La progression est très sensible
puisque les montants investis s'élevaient à 4,9 milliards de
francs en 1995, soit
un doublement en 3 ans.
Pourtant,
le capital d'amorçage
, c'est à dire l'apport en
fonds propres le plus précoce (on parle, en langue anglaise, de
"
seed-capital
"), alors même que l'entreprise n'a bien
souvent pas encore de revenu et n'a pas même entamé
réellement le développement éventuel de son produit, reste
le maillon faible de cette chaîne de financement. Il s'agit du tout
premier tour de table financier, particulièrement décisif.
Certains analystes
26(
*
)
de ce
déficit français mettent en avant le fait que
" les
sociétés de capital-risque ont eu tendance à se tenir
à l'écart du secteur de l'amorçage au cours des
dernières années, non parce qu'elles le considèrent comme
sans intérêt, mais parce que
l'investissement en temps et en
expertise nécessaire paraît démesuré par rapport
à la taille des dossiers
".
Ainsi, certaines personnalités qualifiées auditionnées par
votre rapporteur ont-elles relevé que, même dans les pays
où les marchés de capitaux et le capital-risque sont nettement
plus développés qu'en France,
une intervention publique reste
courante pour la phase du financement d'amorçage
de la
création d'entreprise, le marché ne prenant pas exclusivement en
charge ce stade de développement.
De fait, les statistiques du dernier rapport annuel de l'AFIC sont
claires : l'amorçage
27(
*
)
n'a représenté en 1998,
pour les adhérents (privés) de cette association, que
15 investissements sur un total de 1500 (soit 1 %) et n'a
mobilisé que 17 millions de francs sur un total de
11,7 milliards de francs, soit 0,1 %,
comme le montrent les
graphiques suivants :
Source
: AFIC
Source
: AFIC
Par ailleurs,
les investisseurs providentiels
(ou "
Business
Angels
"), particuliers qui contribuent, de façon non
négligeable, aux Etats-Unis, par exemple, au financement de
l'amorçage des entreprises, ne sont pas non plus suffisamment nombreux
dans notre pays pour répondre à l'ensemble des besoins.
L'article 9 de la proposition de loi vise d'ailleurs à mettre en
place une incitation fiscale au développement de leur activité.
Il apparaît donc nécessaire d'encourager la constitution de fonds
d'amorçage. L'appel à projets précité du
ministère de la recherche constitue, à cet égard, une
première initiative intéressante, même si elle reste
cantonnée au secteur des nouvelles technologies et de la recherche
publique.
Les fonds d'amorçage de l'appel à projets du ministère
de la recherche : un ciblage uniquement technologique
Comme l'indique expressément le texte même de l'appel à
projets, le soutien financier de l'Etat est réservé à des
projets exclusivement dédiés à la technologie et
liés à la recherche publique.
Il est ainsi précisé :
" L'" amorçage " au sens du présent appel
à projets, peut être défini comme un apport en capitaux
propres à des
entreprises de technologie en création
,
présentant un fort potentiel de croissance, et n'ayant pas encore de
produit commercialisé ou n'ayant pas achevé les phases de
développement ou de qualification de leur technologie.
Sera considéré comme un " fonds d'amorçage "
pour le présent appel à projets tout fonds qui s'engage à
effectuer
plus de 75 % de ses investissements dans des entreprises
liées à la recherche publique
, au stade de l'amorçage,
à l'occasion d'un premier tour de table ou lors d'augmentations de
capital de sociétés pour lesquelles il a participé au
premier tour de table. Le ratio de 75 % sera apprécié par
rapport aux engagements de souscription.
De tels fonds d'amorçage pourront être soutenus par l'Etat, dans
la limite d'une enveloppe de 100 MF. "
Notons que les premiers fonds d'amorçage sélectionnés sont
consacrés aux hautes technologies, comme
"
Bio-amorçage
", par exemple, (biotechnologies).
L'encadré suivant présente les conditions de sélection de
ces fonds par le comité d'engagement du ministère de la
recherche :
Conditions de sélection et mode de fonctionnement
des
fonds d'amorçage de l'appel à projets
gouvernemental
Une thématique technologique (pour 75 % des investissements au moins) et un lien avec la recherche publique ; |
Des investissements caractérisés par : une assiette totale d'au moins 25 millions de francs ; exclusivement dans des PME en création ou lors d'une augmentation de capital, mais sans accroître la part du fonds au capital. Le fonds devra céder ses participations dans les entreprises à l'occasion de l'entrée de nouveaux investisseurs dans leur capital. |
Une organisation sous forme de fonds commun de placement à risque (FCPR), ou sous une autre forme juridique si elle assure l'autonomie de l'équipe de gestion ; son professionnalisme, l'information des porteurs de parts ; le respect des règles de la COB et des règles de déontologie. |
Une durée de vie limitée pour permettre un remboursement de l'avance consentie par l'Etat. |
Une participation du secteur privé : le capital de la société de gestion devra être majoritairement détenu par des personnes privées et les parts des investisseurs privés représenteront au moins 30 % du capital du fonds. |
Une participation indirecte des établissements de recherche , via une filiale de valorisation -qui pourra être un incubateur- et limitée à 40 % des parts du fonds, qui recevra l'avance de l'Etat et la lui remboursera après au plus 12 ans, majorée de 50 % de la quote part des plus-values et produits réalisés grâce à cette avance ou minorée des éventuelles pertes. |
Un soutien de l'Etat , pour une enveloppe totale de 100 millions de francs, qui prend la forme d'une avance en capital, remboursable , à la société de valorisation souhaitant souscrire au fonds, pour au plus 30 % de l'assiette des investissements. |
Source : Ministère de l'Education nationale, de
la
recherche et de la technologie.
Notons que
la forme juridique
retenue préférentiellement
par l'appel à projets pour les fonds d'amorçage est celle du
FCPR
, forme la plus courante pour l'activité de
capital-investisssement, même si l'on rencontre des formes sociales
(société de capital-risque, SCR, constituée en vertu de la
loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 ; société
financière d'innovation, SFI, constituée en vertu de la loi
précitée n° 88-1201 du 23 décembre 1988). Mais
cette condition n'est pas absolument indispensable, notamment pour les fonds
d'amorçage à caractère plus régional, qui se
constitueraient, d'après les informations fournies à votre
rapporteur, sous forme de
sociétés de capital risque (SCR).
Pour une généralisation des fonds d'amorçage, via
un engagement financier des collectivités territoriales
Les fonds d'amorçage apparaissent comme des outils prometteurs, de
nature à combler une lacune du système français de
création d'entreprise. Le groupe de travail "
financement de
l'entreprise
" du Conseil national du crédit et du titre,
présidé par M. Henri Guillaume, en recommandait d'ailleurs
récemment la généralisation.
Les collectivités territoriales ne peuvent donc s'en
désintéresser. Plusieurs ont d'ailleurs manifesté leur
intérêt pour ce type de structures propres à impulser un
nouveau souffle à la création d'entreprise.
Leur cadre
juridique d'intervention doit donc être défini plus clairement,
mais aussi circonscrit, compte tenu de la nature de cette activité, le
code général des collectivités territoriales ne
prévoyant actuellement pas une telle action.
Tel est l'objet du présent article, qui dispose qu'une ou plusieurs
collectivités ou groupements peuvent "
participer
"
à un fonds d'amorçage, défini comme une structure qui
apporte des fonds propres à une entreprise en création. Cette
rédaction souple ne préjuge ni des différentes formes que
peut prendre le fonds d'amorçage ni du mode de participation des
collectivités.
Mais les collectivités ne doivent en aucun cas partir seules
" à l'aventure ". Ces structures ne peuvent être
gérées que par des professionnels de ce type de financement. Bien
plus, la
principale clé du succès
réside dans la
qualité et le professionnalisme de l'équipe gestionnaire
, qui
implique une instruction poussée des dossiers présentés.
En outre, une certaine assiette financière -de l'ordre de plusieurs
dizaines de millions de francs- est nécessaire, pour justifier,
notamment, le recrutement des personnels qualifiés pour la gestion du
fonds et pour mutualiser les risques. Par ailleurs, la participation de
" financeurs " privés est très souhaitable,
particulièrement s'il s'agit, comme c'est souvent le cas,
d'institutionnels de la finance, pour faciliter le désengagement des
collectivités publiques et entraîner une substitution du capital
privé au capital public au fur et à mesure du
développement de l'entreprise.
Votre commission
approuve pleinement le principe de cet article. Elle
vous propose, outre un changement de numérotation, quelques
modifications de rédaction, inspirées par l'exemple de la
constitution actuelle des premières expériences de fonds
d'amorçage régionaux. Ainsi :
- il ne lui a pas paru indispensable de faire figurer dans le texte de loi
le terme d'" amorçage " à partir du moment où
l'objet du fonds est défini de façon suffisamment explicite pour
renvoyer à une activité d'amorçage ;
- elle a jugé nécessaire de distinguer un simple octroi de
subvention d'une collectivité à un fonds d'amorçage d'une
participation juridique de cette dernière à ce fonds. Il est
à noter que si la mention de l'éventuelle prise en charge des
frais d'instruction des dossiers ne figure pas dans les conclusions de votre
commission, c'est bien parce qu'un concours ayant cet objet exclusif entrerait,
le cas échéant, dans la catégorie juridique de la
" subvention " que la collectivité ou le groupement peut
verser au fonds d'amorçage ;
- s'agissant de la mixité des sources de financement, elle a
souhaité faire apparaître au premier alinéa la
nécessité d'un financement privé du fonds à hauteur
de 30 %, qui est la pratique actuelle pour les incubateurs
" technologiques ", qui semble donner satisfaction. En
conséquence, le 3
ème
alinéa de l'article
L.1511-9 de la proposition de loi a été supprimé.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Article 4 -
(Article 12-1 de la loi
n° 82-653 du
12 juillet 1982 modifié
portant réforme de la planification
Article 1464 G du code général des impôts)
-
Labellisation des incubateurs par les contrats de plan
Etat-régions
Cet
article a pour objet de permettre aux contrats de plan Etat-régions
d'octroyer un label à certains incubateurs, ce qui aurait pour effet,
dans la rédaction initiale de la proposition de loi :
- pour l'Etat de s'engager à diriger en priorité vers ces
pôles labellisés les aides qu'il accorde aux entreprises, en vertu
notamment de la politique nationale de l'innovation et de soutien aux PME,
- pour les collectivités qui le souhaitent d'exonérer de
taxe professionnelle pendant trois ans au plus les entreprises issues de ces
pôles labellisés.
Qualification des incubateurs par les contrats de plan Etat-régions
et octroi prioritaire des soutiens de l'Etat
L'article 4 de la proposition de loi propose tout d'abord d'insérer un
article additionnel à la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982
portant réforme de la planification, qui dispose que le contrat de plan
Etat-région peut octroyer un " label " à certains
incubateurs.
L'idée qui animait les rédacteurs de cette proposition, au
premier rang desquels notre collègue Jean-Pierre Raffarin, était
de qualifier, dès la génération de contrats de plans
2000-2006, environ un incubateur par département, pour parsemer le
territoire de véritables catalyseurs du développement local.
Le Sénat avait d'ailleurs adopté cette disposition dès la
discussion de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire,
souhaitant qu'elle soit intégrée aux mandats de
négociation des Préfets pour les contrats de plan
Etat-régions.
Hélas, cette disposition n'a finalement pas été retenue
dans le texte de loi, l'Assemblée nationale et le Gouvernement arguant
de l'intervention, assurément prochaine, faisaient-ils valoir, du projet
de loi sur les interventions économiques des collectivités
locales -dont l'avant-projet ne contient pourtant, à la connaissance de
votre rapporteur, aucune disposition analogue- pour refuser de l'inscrire dans
le texte définitivement adopté. Votre commission regrette ce
choix.
L'économie du nouvel article 12-1 proposé par la proposition de
loi est la suivante :
Les incubateurs
répondant à la définition de
l'article L.1511-7
28(
*
)
du code
général des collectivités territoriales (voir article 3
ci-dessus) peuvent bénéficier de l'octroi d'un
label de
" pôle d'incubation territorial " de la part du contrat de
plan.
Rappelons que l'octroi d'un " label " est un procédé
qui existe déjà en droit français : l'article 2 de la
loi n° 96-90 du 2 juillet 1996 relative à la " Fondation
du patrimoine " autorise par exemple cette dernière à
" attribuer un label au patrimoine non protégé et aux
sites ",
ledit label ayant, s'il est accordé sur avis favorable
du service départemental de l'architecture et du patrimoine, des
conséquences notamment fiscales (déduction du revenu imposable
des charges foncières afférentes aux immeubles concernés,
article 156 II 1
er
ter du code général des
impôts).
L'objectif est ici de qualifier des incubateurs au travers des contrats de
plan, outils particulièrement adaptés pour l'octroi d'une telle
qualification, qui ne doit pas, au sens de votre rapporteur, être
unilatéralement " décrétée " depuis
Paris, suivant un réflexe typiquement français. Cette
démarche n'exclut d'ailleurs pas que, dans un souci de
qualité
29(
*
)
et de partage
d'expérience, des caractéristiques communes soient
élaborées, auxquels devraient correspondre les pôles pour
être labellisés.
La labellisation pourrait s'accompagner d'une priorité pour
l'obtention des aides de l'Etat aux entreprises et à l'innovation
.
Cet article propose que le label s'accompagne d'une priorité
-facultative dans la rédaction de la proposition de loi- d'octroi des
diverses aides de l'Etat aux entreprises incubées. Il s'agit de doter
les incubateurs territoriaux du maximum d'outils et d'éviter
l'éparpillement des interventions de l'Etat -et d'autres partenaires de
la création d'entreprises- en les coordonnant autour des incubateurs.
Cette mesure répond au souci d'efficacité et de lisibilité
de l'action publique en faveur de l'entreprise, qui est une
préoccupation constante de votre rapporteur. Elle devrait permettre une
plus grande synergie entre les différents acteurs de terrain de l'aide
aux entreprises et une meilleure accessibilité des soutiens publics aux
entreprises de petite taille, qui sont parfois paradoxalement
désavantagées par rapport à leurs consoeurs de plus grande
envergure pour l'octroi des aides et financements publics.
L'article 12-1 prévoit, en outre, l'intervention d'un décret en
Conseil d'Etat pour la définition de ses conditions d'application.
Votre commission
approuve pleinement cette proposition, cohérente
avec son souhait d'une rationalisation des soutiens publics et d'une
réorientation de ces derniers vers les petites entreprises. S'agissant
de la rédaction elle-même, elle vous propose deux modifications
tendant à :
- coordonner la rédaction avec celle proposée à
l'article L.1511-7 ci-dessus s'agissant de la définition des
incubateurs ;
- lever une ambiguïté sur les bénéficiaires
prioritaires des aides de l'Etat (de type ANVAR, SOFARIS, etc ...) :
il s'agit, au sens de votre commission, des entreprises incubées et non
de l'incubateur lui-même ;
- rendre automatique l'engagement de l'Etat d'accorder prioritairement ses
aides aux entreprises des pôles labellisés, à partir du
moment où ce dernier décide, avec les partenaires
régionaux et locaux, de l'octroi du label.
Exonération de taxe professionnelle pendant trois ans au plus des
entreprises issues des pôles d'incubation territoriaux
L'article 4 de la proposition de loi propose également
d'insérer un nouvel article 1464 G au code général
des impôts, autorisant les collectivités territoriales et leurs
groupements dotés d'une fiscalité propre à
exonérer, par une délibération de portée
générale, de taxe professionnelle, totalement ou partiellement,
pendant au plus 3 ans, les entreprises issues des incubateurs
labellisés. Cette exonération ferait l'objet d'une compensation
annuelle par l'Etat
.
Plusieurs exonérations de taxe professionnelle sont prévues dans
le droit actuel, qu'il s'agisse d'exonérations s'appliquant aux
personnes (publiques par exemple) ou à certaines professions, ou
d'exonérations liées à certaines zones (ainsi en est-il en
matière d'aménagement du territoire
30(
*
)
et de politique de la ville) ou
à certains redevables dans certaines zones (comme les entreprises
nouvelles, dans des zones fragiles, pour les établissements
créés ou repris, pour 2 années
31(
*
)
). Certaines de ces dispositions
zonées ont une date d'échéance, dont on trouvera un
résumé dans le rapport
32(
*
)
très complet de notre
collègue Roger Besse, rapporteur spécial du budget de
l'aménagement du territoire au nom de la commission des finances, dans
le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.
L'article 1464 G du code général des impôts que
propose la proposition de loi s'adresse quant à lui plus
particulièrement aux entreprises issues des incubateurs
labellisés.
Votre commission n'a finalement pas retenu cette disposition dans ses
conclusions. Elle a en effet considéré que sa mise en oeuvre,
malgré les avantages qu'elle présente, n'apparaissait pas
prioritaire dans le contexte actuel de développement du régime
fiscal de la taxe professionnelle unique. Elle a estimé qu'il convenait
aujourd'hui de réduire les écarts de taux de taxe professionnelle
au sein d'espaces économiques cohérents, de manière
à atténuer les phénomènes de " concurrence
fiscale ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
III -
Incitation à la mise en réseau des entreprises au
sein d'un territoire
Article 5
-
Inclusion de la constitution de
réseaux d'entreprises dans les missions du fonds national de
développement des entreprises
Cet
article vise à inclure, au nombre des missions du fonds national de
développement des entreprises (FNDE) le soutien des
" grappes " d'entreprises, organisées en réseau.
Le FNDE
:
un instrument d'aménagement du territoire
.
Institué par
l'article 43
de la loi précitée
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire de 1995, le FNDE a pour objet de développer l'emploi et de
favoriser le maintien et la création des petites entreprises dans les
zones d'aménagement du territoire, les zones de redynamisation urbaine
(ZRU) et les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP).
Son objectif est d'accroître les fonds propres disponibles pour les
entreprises par la mobilisation de l'épargne de proximité et
l'amélioration de l'accès au crédit
.
LE RÔLE DU FNDE D'APRÈS LA LOI DU 4 FÉVRIER 1995
Le FNDE
intervient :
- en
accordant des prêts
aux personnes qui créent,
reprennent ou développent une entreprise, dans la limite d'un montant
équivalent à leur apport en fonds propres ;
- en
garantissant
directement ou indirectement, des emprunts et
engagements de crédit bail immobilier dans la limite de 50 % de
leur montant ;
-
en garantissant des engagements
pris par les
sociétés de caution, les sociétés de
développement régional, les fonds communs de placement à
risque ou les fonds de garantie créés par les
collectivités locales.
Il s'agissait, pour les Parlementaires qui ont largement porté cet
instrument financier sur les fonts baptismaux, et notamment pour
MM. Jean François-Poncet, président de la Commission
spéciale du Sénat chargée d'examiner ce texte,
Gérard Larcher, Claude Belot et Jean-Marie Girault, rapporteurs,
d'une mesure phare du projet de loi, destinée au développement
économique des zones déshéritées.
Mais, faute de décret d'application et de volonté
gouvernementale, le FNDE n'est aujourd'hui, comme votre commission le
déplore depuis maintenant 5 ans, que le pâle reflet de la
disposition votée par le législateur, malgré les bonnes
intentions parfois affichées par les gouvernements successifs.
Le comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire (CIADT) du 10 avril 1997 avait
certes, prévu la dotation de ce fonds, à hauteur
d'un milliard
de francs
sur deux ans, à partir des recettes de privatisation.
Cette annonce n'a pas été suivie d'effet. Celui du
15 décembre 1997 a annoncé la dotation de ce fonds,
pour un montant de
200 millions de francs,
qui a, quant à
elle, donné lieu à un début d'exécution. Il s'agit
bien sûr d'un progrès, même si le FNDE n'a toujours pas
d'existence budgétaire propre et n'est en réalité qu'un
conglomérat d'actions diverses de l'Etat pour l'aménagement du
territoire, ayant principalement trois objets :
- un soutien au développement des plate-formes d'initiative
locale ;
- un remboursement des frais d'instruction de dossiers de petites
sociétés par les sociétés de capital-risque ;
- le financement d'un fonds de garantie de prêts dans certaines
zones.
Bien qu'il se révèle assez éloigné des intentions
premières du législateur, le FNDE est toutefois l'un des rares
outils dont dispose l'Etat -pour ne pas dire le seul- spécifiquement
destiné au développement économique des zones fragiles. La
loi du 25 juin 1999 d'aménagement du territoire ne l'a
d'ailleurs pas remis en cause.
La solidarité territoriale : une force pour les PME
Alors que la concurrence est désormais mondiale, la solidarité
locale devient de plus en plus nécessaire pour les PME.
L'efficacité économique des
districts industriels
italiens
, composés de petites entreprises aux liens très
étroits, engagés ensemble dans l'innovation, la recherche et
l'exportation montre que l'union fait souvent la force.
Ce modèle italien a d'ailleurs fait école de par le monde.
Le Danemark
, dont l'économie est depuis longtemps constituée
d'une constellation de PME, a lancé un programme de promotion des
réseaux d'entreprises.
Au Québec
, un programme public aide
les projets de coopération et les actions interentreprises
lancées dans le cadre de systèmes productifs locaux
identifiés : les " clusters ".
Au pays de Galles
,
la Welsh Development Agency (WDA) chargée depuis 1976 d'accompagner les
restructurations lourdes du charbon et de l'acier, encourage les PME locales
à s'organiser en réseaux pour constituer une offre de
sous-traitance qualifiée.
En matière de recherche, de formation, d'innovation, d'exportation,
la constitution de partenariats sur un territoire donné doit être
encouragée
,
particulièrement dans les zones
économiquement les plus fragiles. Nos PME doivent avoir un
réflexe de mise en réseau si elles veulent être
armées face à la concurrence mondiale.
Il s'agit pour elles
d'un facteur supplémentaire de réussite.
En France, plusieurs " districts " sont identifiés par la
DATAR, sur la base d'une logique de spécialisation territoriale,
différente de celle de la proposition de loi, parmi lesquels le
Choletais (Maine-et-Loire) pour la chaussure, Thiers (Puy de Dôme) pour
la coutellerie, Oyonnax (Ain) pour la plasturgie, la Vallée de l'Arve
(Haute-Savoie) pour le décolletage et la mécanique de
précision. Ces grappes d'entreprises sont le plus souvent
constituées autour de villes petites à moyennes. Elles sont un
véritable poumon qui oxygène les territoires où elles sont
implantées.
La proposition de loi tend à inscrire, au nombre des missions du fonds
national de développement des entreprises, le soutien des entreprises
qui auront constitué un réseau, sur les territoires
privilégiés d'aménagement du territoire.
Il ne s'agit pas forcément de promouvoir une spécialisation
géographique, qui pourrait fragiliser certains territoires et les rendre
plus sensibles aux chocs sectoriels, mais bien
d'inciter les entreprises
à une plus grande solidarité locale et de rendre les services de
l'Etat sensibles à cette problématique territoriale.
Votre commission
est favorable à cette proposition, que le
Sénat avait d'ailleurs adoptée l'an dernier, lors des
débats sur l'aménagement du territoire, lorsqu'elle lui avait
été présentée, sous forme d'amendement portant
article additionnel, par sa commission spéciale.
Votre rapporteur note, au passage, que le Gouvernement avait, au
Sénat, émis un avis favorable à l'adoption de cet
amendement puis, quelques jours après, pratiquant la palinodie sans
scrupule excessif, approuvé l'amendement de suppression du rapporteur de
l'Assemblée nationale !
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE
IV -
Soutien des collectivités territoriales aux
organismes
distribuant des avances remboursables
Article 6 -
Subventions des collectivités
territoriales
aux organismes distribuant des avances remboursables
Cet
article autorise les collectivités territoriales à subventionner
des organismes d'aide à la création d'entreprise distribuant des
avances remboursables.
Le texte proposé tend à insérer, dans le Titre 1
consacré aux entreprises du Livre V sur les dispositions
économiques de la partie législative du code
général des collectivités territoriales, après
l'article L.1511-2 consacré aux aides directes, un nouvel article
L.1511-2-1 autorisant les collectivités territoriales et leurs
groupements à financer des organismes ayant pour objet exclusif de
participer, par le versement d'une aide remboursable, à la
création ou à la reprise d'entreprises et à ceux
visés au 1°) de l'article 11 de la loi n°84-46 du 24 janvier
1984 relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit qui participent à la
création ou à la reprise d'entreprises.
Ce dispositif a pour objectif de doter cette catégorie d'intervention
économique des collectivités territoriales d'un fondement
législatif indiscutable.
Actuellement, les subventions des collectivités territoriales aux
organismes d'aide à la création d'entreprise distribuant des
prêts d'honneur sont, en effet, dans certains cas, susceptibles de faire
l'objet de recours contentieux.
Comme l'avait souligné la Cour des Comptes dans son rapport de 1996 sur
les interventions économiques des collectivités
territoriales
33(
*
)
,
lorsqu'à partir de subventions qui leur sont globalement versées
ces organismes ne font qu'exécuter des décisions individuelles
qui demeurent prises par la collectivité, ces subventions peuvent
être considérées comme participant d'une gestion occulte
des deniers publics et entraîner la mise en oeuvre de la procédure
de gestion de fait.
Il faut noter, en outre, que dans ce cas la qualification des concours
apportés par la collectivité locale à l'organisme en
question est également une source de difficulté si la subvention
octroyée à l'organisme apparaît en quelque sorte comme
" réutilisée " sous forme de prêt d'honneur
à taux nul. L'organisme bénéficiaire peut s'analyser, dans
ce cas, comme un relais et les prêts, dès lors, comme des aides
directes accordées par la collectivité à des entreprises.
De telles aides peuvent être illégales à un double titre.
Dans certains cas, elles ne respectent, en effet, ni le principe d'intervention
préalable de la région, ni le taux fixé par
l'arrêté du 23 janvier 1996 en application du décret
n°82-808 du 22 septembre 1982 relatif aux conditions d'attribution de
prêts, d'avances et de bonifications d'intérêt par les
régions.
Cette situation a ainsi conduit la DATAR, dans une circulaire du
31 octobre 1996, à mettre en garde les pouvoirs publics afin
que toutes les "
précautions permettant de garantir
l'indépendance des associations concernées à
l'égard des collectivités, soient systématiquement prises
pour éviter, d'une part, toute qualification d'association transparente,
d'autre part, toute qualification d'aide directe
".
De telles pratiques demeurent cependant irrégulières dans
l'hypothèse où l'organisme bénéficiaire de
subventions dispose d'une réelle autonomie dans la définition des
régimes d'aides aux entreprises et la décision d'attribution. La
jurisprudence administrative a en effet rappelé que les textes
n'autorisent pas les assemblées délibérantes à
déléguer à des tiers la définition ou
l'exécution d'une politique d'intervention économique.
Cette insécurité juridique est d'autant plus
préoccupante que les réseaux d'organismes distribuant des avances
remboursables effectuent un travail remarquable en faveur de la création
d'entreprise.
Parmi ces réseaux, on peut notamment citer France Initiative
Réseau et les plates-formes d'initiative locale, l'Association pour le
droit à l'initiative économique (ADIE) et le " réseau
Entreprendre "
France Initiative Réseau est une fédération de
réseaux associatifs dont l'objectif est d'organiser une collaboration
entre les collectivités, les opérateurs institutionnels et les
entreprises pour créer un environnement favorable au
développement de l'initiative économique.
Son réseau est constitué de 152 plates-formes d'initiative
locale (PFIL) -80 plates-formes étant en cours de constitution-
dont le rôle est la
mobilisation de fonds
pour financer, sous
forme de prêts d'honneur, la création d'entreprises, ainsi que
la
mobilisation de compétences économiques locales
pour le
parrainage des créateurs et
l'accompagnement
de l'entreprise en
création.
Associations régies par la loi de 1901, les PFIL prennent appui sur des
institutions déjà existantes qui les hébergent. En 1998,
elles ont aidé 2.000 créateurs à l'aide de
prêts d'honneur dont le montant moyen s'élève à
47.000 francs.
Le positionnement de ces prêts d'honneur par rapport à la palette
des financements disponibles, tel qu'illustré par le graphique
ci-après, montre que ces organismes jouent un rôle indispensable
dans le financement des petits projets :
L'ADIE, créée en 1989, a pour objectif de donner à chacun
le droit à l'initiative économique en lui ouvrant l'accès
au capital et en lui apportant un soutien professionnel.
Son action repose ainsi sur une assistance au montage de projet, l'octroi d'une
aide financière (un prêt d'un montant maximal de
30.000 francs qui peut être complété, dans certains
cas, par des prêts de matériels ou des prêts d'honneur) et
un suivi des entreprises financées.
L'ADIE reçoit près de 10.000 demandes de prêts par an
et couvre 69 départements. En 1998, le nombre de prêts
accordés s'est élevé à 1.629, ce qui porte à
près de 6.000 le nombre de prêts accordés par l'ADIE depuis
sa création, pour un montant total de 120 millions de francs.
Le " Réseau Entreprendre " est une fédération
d'associations de chefs d'entreprises qui a pour objectif de venir en aide aux
" petits projets à potentiel ". Son mode d'intervention repose
sur une évaluation des projets de création, l'octroi, en cas de
validation, d'un prêt d'honneur sans intérêt, une
intégration dans les réseaux économiques locaux et un
accompagnement sur une durée de deux ans.
L'importance de ces organismes tient d'une part à ce qu'ils
répondent à un besoin de financement qui n'est pas pris en charge
par le système bancaire et, d'autre part, à ce qu'ils assurent un
accompagnement qui s'avère décisif pour la
pérennité des entreprises crées.
Comme le souligne le rapport du Conseil national du crédit et du titre
sur le financement de l'entreprise
34(
*
)
, ces réseaux sont, en outre,
susceptibles de faciliter l'accès au crédit d'entreprises
naissantes par deux canaux : "
les aides financières, et
notamment les prêts d'honneur, ainsi que le cautionnement parfois
apporté par les entrepreneurs " parrains " renforcent la
capacité de la jeune firme à mobiliser des concours
bancaires ; surtout, les réseaux se livrent à une
présélection des projets qui bénéficieront de leur
soutien, présélection dont la pertinence des critères au
regard de la réalité économique locale conduit souvent
à accroître significativement les taux de survie des entreprises
éligibles
".
Dans ce contexte, le texte proposé par le premier alinéa de
cet article tend à légaliser les subventions aux organismes
distribuant des avances remboursables et à les encadrer afin de
renforcer la sécurité juridique des interventions
économiques des collectivités territoriales. Il autorise, en
effet, les collectivités territoriales à subventionner deux
catégories d'organisme :
- les organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement
d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise
d'entreprise ;
- les organismes visés au 1°) de l'article 11 de la loi
n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de
crédit qui participent à la création ou à la
reprise d'entreprises.
La première catégorie d'organismes recouvre l'essentiel des
associations et sociétés locales ou nationales
spécialisées dans le soutien et le conseil à la
création ou à la reprise d'entreprise. Elle comprend l'ensemble
des organismes visés par le 6 de l'article 238 bis du code
général des impôts relatif aux organismes
agréés accordant des aides financières à la
création d'entreprise et bénéficiant de dons
défiscalisés, mais également des organismes qui ne
bénéficient pas de l'agrément prévu par cet article
tel que les organismes spécialisés dans l'aide à la
reprise d'entreprise.
La seconde catégorie comprend les établissements non bancaires
autorisés en vertu de la loi du 24 juillet 1964 à
exercer une activité de crédit à vocation sociale telle
que l'ADIE, l'Association pour le Droit à l'Initiative économique.
Dans les deux cas, il est prévu que ces organismes seront
contrôlés par un commissaire aux comptes
, tel que
défini par les articles 218 et suivants de la loi
n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales. Dans la mesure où ces organismes se verront
déléguer la gestion de deniers publics, il était, en
effet, nécessaire de s'assurer que cette gestion fasse l'objet d'un
contrôle.
Votre rapporteur observe que les organismes visés sont identiques
à ceux prévus par le décret n° 98-1228 du
29 décembre 1998 pris par l'application de
l'article L.351-24 du code du travail qui a institué le dispositif
d'Encouragement au Développement d'Entreprises nouvelles (EDEN). Il
s'agit, en conséquence, d'un dispositif éprouvé qui
pourrait être rapidement mis en place. La circulaire
DGEFP n° 99-18 relatif à la création ou à
la reprise d'entreprise qui prévoit les modalités de mise en
oeuvre de suivi de la délégation des avances remboursables
à des organismes de soutien à la création d'entreprises
pourrait, à cet égard, utilement inspirer les textes
d'application du présent article.
Le deuxième et troisième alinéas du texte
proposé par l'article 6 prévoient qu'aucune
collectivité ni groupement ne peut apporter plus de 30 % des fonds
distribués par chaque organisme, l'ensemble des concours publics
à chaque organisme ne pouvant excéder 60 % du total des
fonds distribués.
Ce cadre est destiné à limiter dans un souci de rigueur
budgétaire l'engagement des collectivités territoriales, à
asseoir l'autonomie des organismes subventionnés à l'égard
des collectivités qui les subventionne, et à prévenir les
risques que les organismes subventionnés puissent être
qualifiés d'association transparente.
Pour tenir compte de spécificité des zones prioritaires
d'aménagement du territoire où les financements privés
risquent d'être plus rare, il est cependant prévu que, dans ces
zones, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones
de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la
loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, cette proportion
est de 70 %
que votre commission vous propose de relever à
80 %.
Le quatrième alinéa prévoit qu'une convention conclue avec
l'organisme bénéficiaire de la subvention fixe les obligations de
ce dernier et, notamment, les conditions de reversement des avances pour
création d'entreprise.
Cette convention a vocation à fixer le cadre dans lequel l'organisme
subventionné exercer sa fonction de suivi et de soutien à la
création d'entreprise. Elle devra non seulement déterminer les
conditions d'octroi et de reversement des avances, mais également le
rôle des organismes en matière de diagnostic et d'accompagnement
des projets de création d'entreprise.
Votre rapporteur s'est interrogé sur la nécessité de
prévoir dans la convention la restitution de la subvention des
collectivités en cas de cessation de l'activité de l'organisme.
Il a souhaité laisser à la Commission des lois, si elle le juge
opportun, le soin d'examiner les modalités et les conditions de cette
restitution.
Le dernier alinéa prévoit enfin l'intervention d'un décret
en Conseil d'Etat afin de définir les modalités de mise en oeuvre
du présent article et en particulier le montant maximal des subventions
susceptibles d'être accordées dans le cadre de ce dispositif.
Votre commission vous propose de préciser sur ce point que le
décret fixera un plafond des concours financiers des
collectivités et groupement en pourcentage de leurs recettes
réelles de fonctionnement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
V -
Réduction des droits sur les donations
dans les zones
d'aménagement du territoire
Votre commission vous propose tout d'abord, dans ses conclusions, un intitulé du chapitre V plus conforme avec le contenu qu'elle souhaite lui donner (" réduction des droits sur les donations d'entreprises dans les zones d'aménagement du territoire ").
Article 7
-
(Article 790 du code
général
des impôts) -
Réduction de droits pour les donations
anticipées d'entreprises dans les zones économiquement fragiles
Cet
article vise à favoriser les transmissions anticipées
d'entreprises en augmentant, dans certaines zones d'aménagement du
territoire, les réductions de droits sur les donations, selon
l'âge du donateur.
Les transmissions d'entreprises : un facteur de risque
indéniable pour le maintien du tissu économique
La réussite des transmissions d'entreprises est un enjeu majeur du
maintien des activités économiques, notamment en milieu rural.
Pour les seules PME de plus de 9 salariés
35(
*
)
, 5.000 environ changent de
détenteur chaque année, mettant en jeu directement
près
de 200.000 emplois
. Or, le risque de mortalité est
élevé puisqu'
une transmission sur trois aboutit à un
échec.
Un récent article de la revue d'économie
financière
36(
*
)
,
basé sur dix ans d'expérience de SOFARIS et de la BDPME en
matière d'aide à la transmission (fonds de garantie et
financement), indique que, malgré l'action de ces organismes, le risque
" transmission " reste élevé : près de
30 % des opérations échouent dans les 7 ans suivant la
transmission et plus de 20 % dans les cinq premières années.
Les auteurs de cette étude indiquent :
" le taux de
défaillance reflète un taux de sinistre moyen mesuré sur
dix ans (...) plus de deux fois supérieur au taux constaté pour
les entreprises en développement ".
Ces organismes sont intervenus pour faciliter la transmission de
22.000 entreprises depuis 1984, et, pour la BDPME sur la seule
année 1997, auprès de 3.400 PME, pour un montant de
6,2 milliards de francs de financement.
D'après les chiffres de l'INSEE, la majorité des transmissions
concerne des entreprises de très petite taille. Celles pour lesquelles
intervient la BDPME ont, pour 70 % d'entre elles, un chiffre d'affaire
compris entre 5 et 49 millions de francs ; 27 % environ sont de
très petites entreprises.
Notons qu'une majorité de transmissions (58%) sont liées à
un départ à la retraite des dirigeants, chiffre qui augmente
tendantiellement depuis 1993, et que 9 % sont liées à la
maladie ou au décès du cédant.
Or, l'étude précitée a permis d'établir un lien
entre le contexte de la transmission et ses chances de réussite :
" les transmissions mal, voire pas du tout préparées,
consécutives par exemple à la disparition du dirigeant, sont
1,5 fois plus risquées que celles faisant suite à son
départ en retraite ".
Tous ces chiffres témoignent de l'importance d'inciter à une
préparation de la transmission de l'entreprise par le dirigeant.
De la loi de finances pour 1996 à la loi de finances pour
2000 : la " longue marche " vers l'allégement de la
fiscalité des transmissions d'entreprises
-
l'article 9 de la loi de finances pour 1996
La fiscalité des mutations à titre gratuit joue un rôle
essentiel lors de la transmission familiale des entreprises. En effet, si elle
pèse trop lourdement, surtout dans les cas où l'entreprise
constitue l'essentiel du patrimoine transmis, les droits d'enregistrement ne
peuvent être acquittés par les bénéficiaires que par
prélèvement sur les actifs, ce qui peut compromettre la poursuite
de l'exploitation.
Partant de ce raisonnement, le Gouvernement avait, en 1995, souhaité
privilégier les transmissions anticipées d'entreprises à
caractère familial par l'instauration d'un abattement sur la valeur des
biens professionnels, lorsqu'ils sont transmis à titre gratuit.
Comme le rappelle notre collègue Philippe Marini, Rapporteur
général, dans son rapport
37(
*
)
sur le projet de loi de finances pour
2000,
l'article 9 de la loi de finances pour 1996
tendait ainsi
à exonérer de droits de mutation à titre gratuit, à
concurrence de 50 % de leur valeur et dans la limite de 100 millions
de francs pour chacun des donataires,
les biens considérés
comme des biens professionnels au sens de l'impôt de solidarité
sur la fortune
, lorsque ces biens étaient transmis dans un
même acte, par un ou plusieurs donateurs tous âgés de
moins de 65 ans
, qui eux-mêmes, soit exerçaient leur
activité dans l'entreprise, soit étaient détenteurs des
titres transmis, depuis cinq ans au moins.
En contrepartie, les donataires devaient s'engager à
conserver
pendant cinq ans les biens ainsi transmis
, soit directement, soit par
l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent. Il
n'était toutefois pas exigé que l'un d'entre eux exerce une
fonction dirigeante au sein de l'entreprise transmise, afin de laisser la
possibilité de faire appel à un gestionnaire extérieur,
dans le cas où ce dernier aurait été plus
expérimenté que les héritiers.
Cette exonération était également applicable aux donations
consenties par des personnes âgées de plus de 65 ans en vertu
d'actes passés entre le 1
er
janvier 1996 et le
31 décembre 1997 et aux transmissions par décès
accidentel d'une personne âgée de moins de 65 ans.
Enfin, la rupture de l'engagement de conservation des titres était
lourdement sanctionnée puisqu'au-delà des droits
éludés, le donataire était tenu d'acquitter une
pénalité représentant la moitié de la
réduction d'impôt précédemment consentie.
L'opposition parlementaire d'alors avait refusé de voter un tel
allégement, M. Augustin Bonrepaux, aujourd'hui président de
la commission des finances de l'Assemblée nationale déclarant au
cours de la 3
ème
séance du
Jeudi 19 octobre 1995 :
" Nous ne pouvons imaginer
qu'on puisse accorder en une seule soirée et à un si petit nombre
de privilégiés, un allégement fiscal de cette
taille "
et M. Didier Migaud, aujourd'hui rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, surenchérissant :
" L'article 6
établit (...) un avantage tout à fait inadmissible au
bénéfice d'une catégorie de nos concitoyens, et cela pour
une efficacité fort douteuse. (...). Il s'agit d'un avantage exorbitant
qui peut aller jusqu'à un allégement par donataire de
100 millions de francs ".
Mais cette disposition n'est pas entrée en vigueur, le Conseil
Constitutionnel
38(
*
)
l'ayant
invalidée, estimant notamment qu'en ne prévoyant pas que les
donataires exercent eux-mêmes de fonction dirigeante au sein de
l'entreprise, elle entraînait une rupture de l'égalité
entre les contribuables.
-
l'article 36 de la loi de finances pour 1999
Après cette censure, et souvent à l'initiative du Sénat,
ont été adoptées plusieurs dispositions -dont on trouvera
un excellent résumé dans le rapport précité de
notre collègue Philippe Marini- afin d'alléger les droits de
mutation pesant sur les donations, dans un sens favorable à la
transmission d'entreprises.
L'article 36 de la loi de finances pour 1999 -dont le
bénéfice a été étendu, à l'initiative
du Sénat, aux donateurs âgés de plus de 75 ans- a
ainsi modifié l'article 790 du code général des
impôts et prévu, pour
l'ensemble des donations
, qu'elles
concernent ou non des biens professionnels, des réductions des droits
à acquitter, suivant l'âge du donateur.
Ainsi, comme l'indiquait notre rapporteur général
39(
*
)
lors de la préparation de la
discussion du projet de loi de finances pour 2000 :
" Même
si la législation ne reconnaît jusqu'à présent
aucune spécificité particulière à l'entreprise, au
regard des droits de mutation,
il est possible aujourd'hui de
bénéficier d'une réduction de droits de mutation de
50 % en cas de transmission des titres d'une société ou des
biens d'une entreprise lorsque le donateur est âgé de moins de
65 ans
(article 790 du code général des
impôts),
ou de 35 % lorsque le donateur a 65 ans
révolus et moins de 75 ans,
et après abattement de
300.000 francs sur la valeur des biens et titres transmis lorsque les
héritiers sont des descendants directs ".
-
l'article 7 de la proposition de loi n° 254
C'est dans ce contexte que les auteurs de la proposition de loi ont
proposé, en mars dernier, d'augmenter, dans les zones
d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de
développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine, la
réduction prévue à l'article 790 du code
général des impôts, considérant que
dans ces
zones, la difficulté du renouvellement du tissu économique
justifie une attention accrue de l'Etat en faveur des transmissions
d'entreprise et, partant, une incitation fiscale particulière pour les
donations entre vifs.
Il est ainsi proposé de porter la réduction des droits de
50 % à 70 % lorsque le donateur est âgé de moins
de 65 ans, de 30 % à 50 % lorsque le donateur a entre 65
et 75 ans, et de l'établir à 30 % pour les donateurs
âgés de 75 ans et plus.
Dans la rédaction de la proposition de loi, ce dispositif concerne tous
les biens, quelle que soit leur nature, professionnelle ou non, susceptibles
d'être transmis par donation.
-
l'amendement n° 102 de la commission spéciale du
Sénat lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire
S'inspirant très largement de l'article 7 de la proposition de loi,
le Sénat avait adopté, à l'initiative de sa commission
spéciale, un article additionnel au projet de loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire,
rédigé en ces termes :
AMENDEMENT N° 102 ADOPTÉ PAR LE SÉNAT LORS DES DÉBATS SUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
A-
L'article 790 du code général des impôts est
complété in fine par un II ainsi rédigé :
" II.-1) Pour les établissements situés dans les zones
d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de
développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine,
mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115
du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et
le développement du territoire, cette réduction
s'élève, pour les biens considérés comme des biens
professionnels au sens des articles 885 N à 885 O quinquies et
885 R, à 70% lorsque le donateur est âgé de moins
de soixante-cinq ans, à 50 % lorsque le donateur a soixante-cinq
ans révolus et moins de soixante-quinze ans et à 30 %
lorsque le donateur a soixante-quinze ans révolus ou plus, si les
conditions suivantes sont réunies :
" a) Depuis au moins 5 ans, le donateur exerce l'activité de
l'entreprise individuelle ou détient directement ou par
l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, les
parts ou actions transmises ;
" b) La donation porte :
" - sur la pleine propriété de plus de 50 % de
l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise
individuelle ;
" - sur des parts ou des actions dont la détention
confère de façon irrévocable au donataire, directement ou
indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'il
contrôle, la majorité des droits de vote attachés aux parts
ou actions émises par la société dans toutes les
assemblées générales.
" Pour l'appréciation du seuil de transmission, il est tenu compte
des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société
reçus antérieurement à titre gratuit par le donataire et
qui lui appartiennent au jour de la donation ;
" c) Le donataire prend l'engagement, dans l'acte de donation, d'exercer
personnellement et continûment une fonction dirigeante au sens du 1°
de l'article 885 O bis du code général des impôts au
sein de l'entreprise individuelle ou de la société, pendant 5 ans
au moins.
" 2) Lorsqu'une entreprise individuelle possède plusieurs
établissements qui ne sont pas tous situés dans les zones
mentionnées au 1), la majoration du taux de réduction des droits
de mutation ne s'applique qu'à la valeur de l'entreprise affectée
du rapport entre, d'une part la somme des éléments d'imposition
à la taxe professionnelle définis à l'article 1467,
à l'exception de la valeur locative des moyens de transport,
afférents à l'activité exercée dans les zones
mentionnées au 1) et relatifs à la période d'imposition
des bénéfices, et d'autre part la somme des
éléments d'imposition à la taxe professionnelle
définis au même article pour ladite période.
" 3) La réduction prévue au 1) est limitée à
10 millions de francs. Dans le cas où la donation porte sur des
droits attachés à des parts ou actions, ce montant s'applique
à la valeur des titres en pleine propriété. Pour
l'appréciation de cette limite, il est tenu compte de l'ensemble des
mutations à titre gratuit portant sur une même entreprise ou
société ou de celles consenties par la même personne au
profit d'un même bénéficiaire, y compris celles
passées depuis plus de dix ans lorsque les mutations en cause ont
bénéficié du régime de faveur prévu au 1).
" 4) Un décret fixe les modalités d'application du
présent article. "
B. - En conséquence, l'article790 du code général des
impôts est précédé de la mention :
" I.-
C. - Après l'article 1840 G octies, il est inséré,
dans le code général des impôts, un article 1840 G
nonies ainsi rédigé :
" Art. 1840 G nonies. - En cas de manquement à l'engagement pris
par un donataire dans les conditions prévues au c) du 1) du II de
l'article 790, celui-ci est tenu d'acquitter le complément des
droits de donation ainsi qu'un droit supplémentaire égal à
la moitié de la réduction consentie.
" L'article L.80 D du livre des procédures fiscales est
applicable au droit supplémentaire prévu à l'alinéa
précédent. "
D. - Les dispositions du présent article sont applicables aux donations
consenties à compter du 1er janvier 2000. "
Par rapport à la rédaction de la proposition de loi, cet
amendement :
- restreignait la réduction de droits au seul
patrimoine
professionnel
;
- exigeait un
engagement du donataire
d'exercer pendant au moins
5 ans
une
fonction dirigeante
au sein de l'entreprise transmise
et sanctionnait le non-respect de cet engagement ;
- prévoyait le cas d'une
entreprise à
établissements multiples
;
-
plafonnait
le montant de la réduction à
10 millions de francs
.
L'Assemblée nationale avait toutefois supprimé cette disposition
-de même que toutes celles touchant au développement
économique- du texte finalement adopté.
-
l'article 11 de la loi de finances initiale pour 2000
Outre une prorogation de 2 ans du régime instaurant une
réduction de 30 % sur les donations, sans limite d'âge, la
loi de finances initiale pour 2000 comporte une
disposition favorable
à la transmission par décès d'entreprises
: il
s'agit de son article 11, introduit à l'initiative de la commission
des finances de l'Assemblée nationale et de son rapporteur
général, M. Didier Migaud, au terme d'une évolution -on
serait même tenté de parler de revirement, par rapport aux
débats de 1995 qu'on vient d'évoquer !- dont on ne peut
manquer de saluer l'importance.
Cet article insère trois articles nouveaux dans le code
général des impôts :
- le premier (article 789 A) accorde un abattement de 50 %
au regard des
droits de mutation
sur la valeur des parts ou actions
d'une société industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou
libérale
transmise par décès,
qui remplit certaines
conditions ;
- le deuxième (article 789 B) accorde le même
avantage aux biens
transmis par décès
qui sont
affectés à l'exploitation
d'une entreprise individuelle
(meubles et immeubles, biens corporels ou incorporels) et qui remplissent les
conditions prescrites ;
- enfin, le troisième (article 1840 G nonies)
détermine les pénalités dues en cas de non-respect par les
héritiers, donataires ou légataires de leurs engagements.
Les conditions d'octroi de cette exonération sont très
rigoureuses, en termes notamment d'obligation de conservation des titres et du
patrimoine professionnel transmis.
Comme l'a fait remarquer, dans son rapport précité, votre
Commission des Finances :
" l'allégement d'impôt
proposé par le présent article est le même que celui
qu'obtiendrait pour ses donataires un chef d'entreprise qui transmettrait son
entreprise avant 65 ans et sans conditions particulières, en
application de l'article 790 du CGI. Toutefois, le présent article
présente l'avantage de permettre audit chef d'entreprise de rester
à la tête de sa société jusqu'à son
décès, tout en aménageant sa succession, ce qui est
appréciable pour des entrepreneurs qui ne souhaitent pas se
déposséder de leur principale source de revenus "
.
Notons, en outre, que cet avantage
n'est, contrairement à
l'article 9 de la loi de finances pour 1996 et à l'amendement de la
commission spéciale du Sénat,
pas plafonné
.
En dépit des améliorations récentes du droit fiscal,
votre Commission
considère qu'une incitation particulière
à la donation anticipée de l'entreprise reste nécessaire
dans les zones d'aménagement du territoire
. Les entreprises
transmises par décès ont, comme l'indiquent les chiffres
rappelés ci-dessus, une chance de survie moindre que celles ayant fait
l'objet d'une transmission anticipée dans le cadre d'une donation. Il
convient donc, au sens de votre commission, d'encourager plus
particulièrement les donations anticipées dans les
zones
où le renouvellement spontané du tissu économique ne
suffit pas toujours à maintenir l'activité.
Elle vous propose donc d'adopter, pour cet article, sous réserve de
l'appréciation que pourrait avoir de ce dispositif votre Commission des
Finances, saisie pour avis, une rédaction proche de celle adoptée
par le Sénat lors du projet de loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire, qui n'en
diffère que sur des points mineurs :
- la formulation du 2) du A, afin d'adopter une rédaction plus
claire et mieux harmonisée avec celle de l'article 44
octies
du code général des impôts ;
- la formulation du C, par coordination avec l'adoption, intervenue
depuis, d'un article 1840
nonies
du code général
des impôts ;
- la date d'entrée en vigueur (1
er
juin 2000).
La simulation de l'encadré suivant permet de visualiser les effets que
cette disposition pourrait avoir pour les donataires, par rapport au droit
existant :
SIMULATION SUR LES EFFETS DE L'ARTICLE 7 DE LA PROPOSITION DE LOI PAR RAPPORT AU DROIT EXISTANT
Soit une
entreprise individuelle d'une valeur de 15 millions de francs transmise
par une personne de moins de 65 ans.
1
er
cas : cas général d'une donation
anticipée quel que soit le patrimoine (droit actuel, article 36 de la
loi de finances pour 1999)
Valeur 15.000.000 francs
Base taxable 14.700.000 francs
Droits après application du barème 4.688.750 francs
Réduction des droits 50 % (art. 790 CGI) 2.344.375 francs
Droits à acquitter 2.344.375 francs
Taux d'imposition effectif 15,62 %
2
ème
cas : transmission par décès d'une
entreprise avec engagement préalable de conservation du patrimoine
(droit actuel, amendement " Migaud ")
Valeur 15.000.000 francs
Abattement 50 % (article 11 du projet de loi de finances 2000) 7.500.000
francs
Base taxable 7.200.000 francs
Droits à acquitter 1.888.750 francs
Taux d'imposition effectif 12,59 %
3
ème
cas : donation anticipée d'une entreprise
dans une zone d'aménagement du territoire (proposition de loi)
Valeur 15.000.000 francs
Base taxable 14.700.000 francs
Droits après application du barème 4.688.750 francs
Réduction des droits (70 % art. 7 proposition de loi)
3.282.125 francs
Droits à acquitter 1.406.625 francs
Taux d'imposition effectif 9,37 %
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE II
-
FINANCEMENT DE LA CREATION
ET DU DEVELOPPEMENT D'ENTREPRISE
CHAPITRE Ier -
Avance remboursable aux créateurs
d'entreprises
Article 8 -
Avance remboursable pour création
d'entreprise
Cet
article tend à instituer une avance remboursable destinée aux
créateurs d'entreprises.
Cet article tend à instituer au niveau national une avance remboursable
pour aider les créateurs d'entreprises à financer leur projet.
L'accès au bénéfice de cette avance remboursable en cinq
ans en cas de succès peut-être subordonné à un
accompagnement personnalisé afin de renforcer les chances de
succès des projets financés.
Le texte proposé par cet article constitue une reprise et une
généralisation du dispositif d'Encouragement au
Développement d'Entreprises Nouvelles (EDEN) prévu par
l'article L.351-24 du code du travail tel qu'il résulte de la loi
n° 97-940 relative au développement d'activités pour
l'emploi des jeunes et de la loi n° 98-657 relative à la lutte
contre les exclusions. La rédaction de cet article s'inspire de fait
très largement de l'article L.351-24 du code du travail et du
décret n° 98-1228 pris pour son application.
Le dispositif EDEN est destiné à financer la création ou
la reprise d'une entreprise quel que soit son secteur d'activité ou
quelle que soit sa forme. L'attribution de l'avance remboursable prévue
par l'article L.351-24 est également subordonnée à
l'obtention d'un financement complémentaire par un organisme ou un
établissement bancaire. Enfin, l'octroi de l'aide peut être
subordonnée à l'engagement du bénéficiaire de
suivre une formation à la création ou à la gestion d'une
entreprise.
La principale différence entre les deux dispositifs est la restriction
du dispositif EDEN à une catégorie particulière de
public :
- les jeunes remplissant les critères pour bénéficier
du contrat emploi-jeunes ; il s'agit des jeunes âgés de 18
à moins de 26 ans, y compris ceux titulaires d'un contrat emploi
solidarité ou d'un contrat emploi consolidé ainsi que les
personnes de moins de 30 ans, non susceptibles de percevoir le
chômage ou reconnues handicapées ;
- les bénéficiaires de revenu de solidarité, RMI
(revenu minimum d'insertion), ASS (allocation de solidarité
spécifique), API (allocation de parent isolé) ;
- les salariés repreneurs de leur entreprise en difficulté.
Le dispositif EDEN s'inscrit en conséquence essentiellement dans le
cadre d'une politique sociale, alors que l'article 8 de la proposition de
loi, sans exclure les personnes en difficulté, s'adresse à tous
les publics.
Les auteurs de la proposition de loi ont estimé que le dispositif EDEN
était tout à fait pertinent dans la mesure où il
responsabilisait le créateur en soumettant cette aide à des
critères contractuels et à l'engagement d'un remboursement, mais
qu'il convenait de l'inscrire dans une politique globale en faveur de la
création d'entreprises en se gardant de créer une distorsion de
concurrence entre des catégories de personnes susceptibles d'en
bénéficier ou pas.
Le présent article tend, dans cette perspective, à instituer,
à travers l'avance remboursable, un droit à la création
d'entreprise, de sorte que tout porteur de projet puisse avoir les moyens de
concrétiser son projet d'entreprise.
Votre commission souscrit pleinement à cet objectif. Comme elle l'a
souligné lors de l'examen de l'article 6 de la présente
proposition de loi, les avances remboursables répondent à
l'absence de financements privés des petits projets qui constituent la
très grande majorité des projets de création d'entreprise.
Il faut, en effet, rappeler que plus de 80 % des créations
d'entreprise sont réalisés avec un apport initial du
créateur de moins de 36.000 francs.
Le caractère
remboursable
de ces avances, l'exigence de
financement
complémentaire
et
l'accompagnement
auquel elles sont subordonnées, sont en outre, de nature à
responsabiliser les bénéficiaires du dispositif, évitant
ainsi les effets pervers liés aux subventions, et à
améliorer la pérennité des entreprises crées. Les
avantages d'un tel dispositif sont d'ailleurs largement soulignés par
les récents rapports sur la création d'entreprise. Le livre blanc
sur la création d'entreprise
40(
*
)
, le rapport du Commissariat au Plan
sur les aides à la création d'entreprise
41(
*
)
et le récent rapport du
député Eric Besson sur la création de très petites
entreprises
42(
*
)
, pour ne citer
qu'eux, ont, en effet, invité le Gouvernement à proposer des
dispositifs semblables.
Le premier alinéa du texte proposé par cet article
prévoit que l'avance remboursable est destinée à toutes
les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise
individuelle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre
individuel, soit la forme d'une société à condition d'en
exercer effectivement le contrôle, dans les trois premières
années d'activité de l'entreprise créée ou reprise.
Ce dispositif concerne ainsi l'ensemble des salariés souhaitant
créer ou reprendre une entreprise, quel que soit son secteur
d'activité et quelle que soit sa forme juridique, entreprise
individuelle ou société, à l'exception des associations,
des groupements d'intérêt économique et des groupements
d'employeurs.
L'avance peut être allouée dans les trois premières
années d'activité de l'entreprise créée ou reprise.
Il s'agit ainsi de promouvoir non seulement la création de l'entreprise
mais également son développement pendant les trois
premières années, c'est à dire pendant les années
les plus difficiles où la mortalité des jeunes entreprises est la
plus élevée.
La notion de contrôle effectif doit s'entendre au sens de
l'article R.351-43 du code du travail qui prévoit qu'est
considérée comme remplissant la condition de contrôle
effectif de l'entreprise créée ou reprise :
- une personne qui détient, personnellement ou avec son conjoint,
ses ascendants et descendants, plus de la moitié du capital de la
société, sans que sa part personnelle puisse être
inférieure à 35 % de celui-ci ;
- une personne qui a la qualité de dirigeant de la
société et qui détient, personnellement ou avec son
conjoint, ses ascendants et descendants, au moins un tiers du capital de
celle-ci sans que sa part personnelle puisse être inférieure
à 25 % et sous réserve qu'un autre actionnaire ou porteur de
parts ne détienne pas directement ou indirectement plus de la
moitié du capital.
L'avance remboursable est définie comme :
" un prêt
sans intérêts, financé par l'Etat et remboursable dans un
délai de cinq ans ".
L'aide consentie sur le fondement de ce dispositif est remboursable sur
cinq ans et se distingue ainsi d'une subvention. Il s'agit, d'une part de
responsabiliser le bénéficiaire et, d'autre part, de limiter le
coût du dispositif.
Dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, l'avance est
remboursable en cas de succès du projet. Votre commission vous propose,
pour lever toute ambiguïté, de prévoir en conséquence
qu'en cas de cessation de l'activité créée ou reprise, ou
de cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure judiciaire, le
remboursement de l'avance peut ne pas être exigé
.
Le remboursement de l'avance devrait cependant rester la règle. En cas
de difficulté à rembourser les échéances, le
gestionnaire de l'avance devrait pouvoir accorder son
rééchelonnement, en s'efforçant de respecter le
délai maximum de cinq ans. Le financement par l'Etat devrait donc
couvrir in fine que les avances non remboursées au terme du délai
de cinq ans, ainsi que les frais liés à l'examen des dossiers et
à l'accompagnement des projets.
Il est apparu également nécessaire à votre commission
de préciser que le montant de l'avance remboursable varie selon les
caractéristiques financières du projet et le nombre de personnes
physiques bénéficiaires de l'aide au titre de ce projet.
Il reviendra en revanche aux mesures d'application de cet article de fixer le
montant des avances consenties. L'objectif de la proposition de loi est ici de
viser l'amorçage de petits projets grâce à des avances
d'environ 30.000 à 100.000 francs, de sorte qu'avec les financement
complémentaires, des projets d'entreprises exigeant 60 000 à 200
000 francs puissent être aidés. C'est en effet ce niveau de
financement qui, n'étant pas rentable pour le réseau bancaire ou
pour les capitaux risqueurs, fait, en effet, le plus cruellement défaut.
Le deuxième alinéa du texte proposé prévoit que
l'accès au bénéfice de l'avance remboursable est
subordonné à des conditions définies par décret en
Conseil d'Etat relatives à la viabilité économique des
projets concernés et notamment à :
- l'engagement du ou des bénéficiaires d'intégrer
cette avance remboursable au capital de la société
créée ou reprise, ou le cas échéant à
l'utiliser pour le fonctionnement de l'entreprise individuelle
créée ou reprise ;
- l'obtention d'un financement complémentaire ;
- l'engagement du ou des bénéficiaires à suivre une
formation à la création ou à la gestion d'une entreprise
ou d'accepter un accompagnement personnalisé, financé, le cas
échéant, par l'Etat.
Aux termes de cet article, l'octroi de l'avance remboursable a tout d'abord
pour contrepartie l'engagement d'utiliser ces fonds dans le but pour lequel ils
ont été créées.
Le bénéfice de l'avance devrait en conséquence être
retiré s'il est établi que l'avance n'a pas été
intégrée au capital de la société
créée ou reprise ou utilisée pour le fonctionnement de
l'entreprise individuelle créée ou reprise. Elle devrait
également être retirée lorsqu'il est établi qu'elle
a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou
si les conditions de contrôle effectif de la société
créée ou reprise cessent d'être remplies avant un certain
délai.
L'octroi de cette avance remboursable est ensuite subordonné à
l'obtention d'un financement complémentaire
qui pourrait être
assuré par un établissement de crédit ou par un organisme
délégataire.
Il reviendra aux mesures d'application du présent article de fixer le
montant de ce financement complémentaire qui pourrait s'élever
à la moitié du montant de l'avance. Cette disposition a pour
objet d'assurer un effet de levier financier à l'avance
remboursable ; il convient à cet égard de souligner qu'un
rapport de 50 % entre le montant du financement complémentaire et
celui de l'avance est un minimum, des effets de levier très
supérieurs pouvant être obtenus. Ce dispositif vise
également à s'assurer qu'une analyse du risque, motivée
par des soucis de remboursement effectif de fonds prêtés par des
opérateurs privés, a bien été effectuée.
Enfin, l'octroi de l'avance est subordonné à une formation ou
à un accompagnement personnalisé afin de renforcer la
pérennité des entreprises créées.
S'inspirant du dispositif prévu par l'article L.351-24 du code du
travail,
votre commission a souhaité préciser la
rédaction des modalités d'octroi des avances sur plusieurs
points
.
Elle a tout d'abord souhaité préciser que l'attribution de
l'avance remboursable était soumise à une expertise du projet de
création ou de reprise d'entreprise.
Elle a ensuite souhaité ouvrir la possibilité de
déléguer les décisions d'attribution et la gestion de
l'avance sur recettes à des organismes de soutien à la
création d'entreprises,
comme c'est le cas dans le cadre du
dispositif EDEN. L'article L.351-24 du code du travail prévoit ce type
de délégation. La gestion de l'avance remboursable doit, en
effet, être confiée à des organismes disposant d'un
réel savoir faire en matière d'accueil ou de conseil des
créateurs d'entreprises ainsi qu'une compétence reconnue en
matière financière, tels que, par exemple, les plates-formes
d'initiatives locales ou les association du réseau " France
entreprendre ". La délégation, lorsqu'elle se justifie par
le nombre de projets, apparaît ici comme une garantie de souplesse et
d'efficacité.
Elle vous propose en conséquence de viser comme à l'article 6 de
la proposition de loi :
- les organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement
d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise
d'entreprise ;
- les organismes visés au 1°) de l'article 11 de la loi
n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de
crédit qui participent à la création ou à la
reprise d'entreprises.
Il a semblé également souhaitable de prévoir que
l'engagement du ou des bénéficiaires de suivre une formation
à la création ou à la gestion d'une entreprise, ou
d'accepter un accompagnement personnalisé, ne soit pas
systématique mais fasse l'objet d'une décision au cas par cas.
Le dernier alinéa de cet article dispose que les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent contribuer à la mise en
oeuvre et au financement de l'avance remboursable.
Dans ce cas, une
convention conclue entre l'Etat et les collectivités territoriales
concernée fixe les modalités d'attribution de l'aide et le
montant des engagements financiers de chacune des parties.
Cette disposition permet un cofinancement entre les collectivités
territoriales et l'Etat du dispositif proposé en cohérence avec
l'article 6 de la proposition de loi qui autorise les collectivités
territoriales à subventionner des organismes distribuant des prêts
d'honneur.
Votre commission vous propose enfin de prévoir l'intervention d'un
décret en Conseil d'Etat pour déterminer les mesures
d'application du présent article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
II -
Participation des personnes physiques au capital des
entreprises
en création
Article 9 -
(Article 239 bis AB du code général des
impôts) -
Incitation fiscale à l'apport en fonds propres
des particuliers aux entreprises en création
Cet
article instaure pour les personnes physiques la possibilité de
déduire de leur revenu imposable les déficits de certaines
entreprises dans lesquelles ils ont investi en fonds propres, afin d'encourager
le développement des " investisseurs providentiels " dans
notre pays.
Les " Business Angels " : un développement encore
embryonnaire
Dans notre pays, contrairement à une réalité
observée de longue date en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, par
exemple, les " investisseurs providentiels " ne sont que
marginalement présents au capital des entreprises en création.
Ces investisseurs pourraient pourtant amener aux TPE une valeur ajoutée
d'expertise et de conseil liée à leur connaissance intime du
" métier " d'entrepreneur, ou du secteur d'activité
concerné.
Leur faible développement explique d'ailleurs en partie la relative
rareté du capital d'amorçage dans notre pays. A contrario, les
" Business Angels " américains, seraient, d'après les
estimations de la réserve fédérale de Dallas, au nombre de
250.000, investis à hauteur de 70 milliards de dollars dans
110.000 entreprises, pour un apport annuel de fonds d'environ
20 milliards de dollars dans 30.000 entreprises. L'apport moyen
serait de 80.000 dollars par investisseur et de 660.000 dollars par
entreprise
43(
*
)
.
Par comparaison, l'avantage " Madelin " pour l'apport de capital
à une PME, dispositif qui a montré toute sa pertinence, aurait
permis de mobiliser, dans notre pays, pour l'année 1996, une somme de
2,9 milliards de francs
44(
*
)
.
On retrouve souvent, dans les pays où ces types de financements sont
développés, une
incitation fiscale
: ainsi, au
Canada
45(
*
)
, le code des
impôts autorise-t-il une imputation à d'autres revenus de
75 % des pertes occasionnées par les placements des particuliers
dans les PME. Au Royaume-Uni,
l'Enterprise Investment Scheme
est un
mécanisme de déduction fiscale des sommes investies par les
particuliers dans des entreprises non cotées (l'avantage étant
plafonné à 100.000 livres par an et par personne).
Le droit français a d'ailleurs lui aussi déjà en partie
intégré cette préoccupation, par essentiellement trois
dispositions (déduction des pertes en capital subies par les
créateurs d'entreprises à
l'article 163 octodecies A
du code général des impôts, dans la limite de
100.000 francs en cas de liquidation ; réduction
précitée d'impôt de 25 % au titre de l'ensemble de
souscriptions en numéraire au capital des sociétés non
côtées à
l'article 199 terdecies O A
du
même code ; report d'imposition des plus-values de cessions de
droits sociaux en cas de réemploi dans les PME nouvelles,
article 92 B decies
du même code).
Votre commission estime nécessaire de poursuivre dans cette voie.
Le développement des " Business Angels " via une
exonération fiscale appropriée est d'ailleurs un objectif de plus
en plus partagé.
Outre les propositions -très
intéressantes- formulées par votre commission des finances -et
retenues par le Sénat- dans le cadre, notamment, du projet de loi sur
l'innovation et la recherche,
la commission des finances de
l'Assemblée nationale a récemment publié un rapport
d'information
46(
*
)
dont est
extraite la proposition suivante, proche de celle de la commission des finances
de votre Haute assemblée :
"
Lors de son déplacement aux Etats-Unis, votre rapporteur a
été frappé par l'importance des fonds mobilisés
pour la création d'entreprises, en provenance des investisseurs
individuels. Cette forte contribution s'explique, en partie, par
une
fiscalité avantageuse
, le " Research Development Limited
Partnership ",
qui permet à l'investisseur de déduire de
ses revenus imposables la quasi-totalité de son investissement.
" Cette situation conduit à réfléchir sur les moyens
de sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la
création d'entreprise et de les inciter à investir dans ce
domaine. Une telle incitation pourrait passer par un aménagement de
l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
" Cet aménagement prendrait la forme
d'une exonération du
montant de l'investissement réalisé en faveur d'une entreprise en
création
, à hauteur d'un certain plafond, sur le
modèle de celle applicable aux biens professionnels, qui ne sont pas
pris en compte dans l'assiette de l'ISF.
".
Votre commission laisse à votre commission des finances, saisie pour
avis, le soin de faire, si elle le juge opportun, des propositions
complémentaires, dans une matière qu'elle a souvent
contribué à faire avancer de façon tout à fait
décisive.
La proposition de loi : attirer les " Business Angels "
dans les petites sociétés en permettant une remontée des
pertes de ces dernières sur le revenu de l'investisseur
Dans le système " Madelin ", pour l'actionnaire d'une
société non côtée, outre la réduction
plafonnée d'impôt de 25 %, l'imputation des pertes est
autorisée, mais seulement en cas de liquidation de l'entreprise, dans le
plafond de 100.000 francs.
L'article 9 de la proposition de loi
compléterait ce
système puisqu'il vise globalement
la période de début
de vie de l'entreprise
, au cours de laquelle cette dernière est
susceptible de réaliser des pertes d'exploitation liées au
démarrage et non plus la seule hypothèse de la liquidation de
l'entreprise.
Le système proposé est le suivant :
-
la cible
: la société doit être une
SARL, en début de vie
(trois premières années de sa
création) et
indépendante
(capital majoritairement
détenu par des personnes physiques ou des personnes morales
détenues par des personnes physiques) ;
-
le mécanisme
: la SARL opte -avec l'accord de tous
les associés- pour le régime fiscal des
sociétés
de personnes
, comme c'est déjà possible pour les SARL
à caractère familial
47(
*
)
, ce qui implique que les
associés sont personnellement soumis à
l'impôt sur le
revenu
pour la part des bénéfices sociaux correspondant
à leurs droits dans la société. Il est prévu, au
paragraphe III de cet article de la proposition de loi, que les pertes
éventuelles puissent être
imputées sur le revenu
global
soumis à imposition, à condition que les actionnaires
conservent
pendant au moins cinq ans
leurs droits dans la
société.
Ce dernier point appelle un développement particulier. Rappelons qu'en
principe, l'impôt sur le revenu dû au titre d'une année est
assis, en vertu de l'article 156 du code général des
impôts, sur le revenu net global du foyer fiscal, c'est-à-dire sur
la somme algébrique des différents revenus catégoriels
dont disposent les contribuables
.
Au sein de ces différentes catégories, les
bénéficies industriels et commerciaux (BIC) recouvrent les
résultats retirés par les
personnes physiques ou les
sociétés de personnes
non soumises à l'impôt sur
les sociétés du fait de l'exercice d'une activité
commerciale, industrielle ou artisanale. Compte tenu de la forme juridique des
entreprises auxquelles il s'applique, ce régime s'accompagne donc, en
tout état de cause,
d'une responsabilité personnelle et
indéfinie des exploitants ou associés pour les risques pris au
titre de l'activité exercée
.
L'application stricte de cette règle devrait normalement se traduire par
la possibilité d'imputer, sans limitation, les déficits
constatés au titre d'une catégorie sur les revenus obtenus dans
les autres domaines. Toutefois, sa portée réelle est fortement
atténuée par des dispositions spécifiques.
Le législateur a en effet estimé que l'imputation du
déficit catégoriel sur le revenu global est, dans son principe,
légitime lorsqu'elle trouve sa contrepartie dans un risque
réellement assumé par le contribuable au titre d'une
activité de nature professionnelle, mais qu'en revanche, cette
imputation devient contestable lorsque le déficit provient de
l'utilisation de règles fiscales dérogatoires, dans le seul cadre
d'une opération d'optimisation fiscale ayant l'apparence d'une
activité BIC. Or, l'avantage fiscal peut être significatif, son
importance étant directement fonction du taux marginal d'imposition de
l'investisseur.
Dans de très nombreuses situations, la loi a donc rendu impossible la
prise en compte du déficit catégoriel dans le revenu global, la
législation se contentant de prévoir une
imputation sur
d'éventuels bénéfices de même nature
dégagés au cours de l'année considérée ou
des cinq années suivantes. Cette forme d'encadrement correspond à
ce qu'il est convenu d'appeler la
" tunnelisation " des
déficits catégoriels
.
Ainsi, la loi de finances initiale pour 1996 a-t-elle, par exemple,
restreint les possibilités d'imputation, sur le revenu global, d'un
déficit issu d'une activité relevant de la catégorie des
bénéfices industriels et commerciaux, lorsque cette
activité ne constitue pas pour le contribuable une véritable
profession.
Toutefois, comme le faisait remarquer votre Commission des finances
48(
*
)
à l'époque de la
discussion de cet article, la " tunnelisation " opérée
a constitué une
" réponse sans véritable
nuance "
à certains abus -bien réels
-,
car le
dispositif adopté,
" s'il préserve les entrepreneurs
" actifs ", traite toutefois de façon
indifférenciée les personnes participant à des
opérations contestables et celles qui assument un risque d'entreprise
sans intervenir directement dans la gestion de cette dernière.
Il
ignore ainsi tout un plan de la réalité
économique "
.
La Commission des finances distinguait, en effet, dans le même rapport,
3 " profils " de titulaires de BIC :
Les exploitants individuels ou associés de sociétés de
personnes exerçant eux-mêmes l'activité de
l'entreprise
. C'est à cette catégorie de personnes que la loi
de finances initiale pour 1996 a réservé la possibilité
d'imputation des déficits issus de leurs BIC sur le revenu global. Plus
précisément, l'activité est qualifiée de
professionnelle lorsqu'elle comporte
" la participation personnelle,
continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à
l'accomplissement des actes nécessaires à
l'activité
".
Seuls les déficits suscités par les activités
correspondant à ce critère gardent la possibilité
d'être imputés sur le revenu global.
Toutes les activités relevant des BIC mais pour lesquelles le
contribuable ne satisfait pas aux conditions précédentes sont
considérées comme réalisées à titre non
professionnel. Les déficits qu'elles suscitent
peuvent uniquement
être utilisés pour " apurer " les
bénéfices tirés d'activités de même nature
exercées, dans les mêmes conditions, perçus la même
année ou au cours des cinq années suivantes.
Les opérateurs qui, par le truchement d'une activité
relevant des BIC, réalisent en fait un simple placement financier, sans
intérêt réel pour l'activité dans laquelle ils ont
investi, dans le cadre d'un montage assorti de risques réduits, et ayant
clairement un but d'optimisation fiscale, au moyen de la combinaison de
plusieurs règles fiscales.
Le " dopage " fiscal auquel la loi tendait à remédier,
réside en fait dans le recours simultané à un autre
régime dérogatoire (en 1995, il s'agissait par exemple du
régime d'amortissement dégressif ou des dispositions relatives
aux investissements dans les départements d'Outre-mer
-"loi Pons "-). La Commission des finances indiquait dans le rapport
général précité :
" Organisés
par un établissement financier, et généralement assortis
d'une clause de rachat à prix garanti, ces montages contestables sont
ainsi à l'origine du fort développement du secteur de
l'hôtellerie économique, mais expliquent aussi une partie du
regain d'activité enregistré dans la construction des bateaux de
plaisance. Dans ces situations, l'intérêt de l'opération
réside uniquement dans son cadre structurellement déficitaire,
les règles fiscales utilisées permettant alors de constater des
charges qui n'ont plus aucun rapport avec la réalité
économique de l'opération. De tels schémas permettent de
contourner le taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu
tout en réalisant un placement en principe dépourvu de
risque ".
Ces pratiques sont, sans nul doute, contestables.
Mais une troisième catégorie de titulaires de BIC était
identifiée par la Commission des finances, pour lesquels la contrainte
de la tunnelisation paraît moins pertinente.
Les intervenants que l'on peut qualifier de " passifs ", qui
restent indéfiniment responsables des risques pris par l'entreprise sans
pour autant participer à sa gestion
. Tel est le cas des
associés de sociétés de personnes n'intervenant pas dans
l'exploitation. Ce statut un peu particulier a notamment été
utilisé pour mobiliser des investisseurs en vue de participer au
financement d'activités économiquement saines, mais
caractérisées par un manque de rentabilité durant les
premières années d'exploitation.
La Commission des Finances considérait donc que
" la
" frontière " entre BIC professionnel et non professionnel est
quelque peu arbitraire. Elle n'intègre pas
la notion de risque
d'entreprise
accepté par le contribuable, alors que cet
élément reste fondamental pour justifier l'imputation du
déficit sur le revenu global ".
De ce fait, la Commission des Finances, bien que soucieuse de mettre fin
à des montages fiscaux contestables, exprimait certaines réserves
sur la rédaction de cet article du projet de loi de finances pour 1996
et suggérait plusieurs améliorations. Votre commission souscrit
pleinement à cette analyse, qui s'applique à son sens
particulièrement à la troisième catégorie de
titulaires de BIC, celle des actionnaires impliqués dans l'entreprise
bien que ne participant pas directement à sa gestion.
L'article 9 de la proposition de loi
propose d'ailleurs, en vue
d'encourager les investisseurs providentiels, de lever, dans certaines
conditions, l'encadrement instauré en 1996. Il s'adresse aux
actionnaires des SARL indépendantes (à qui il donne la
possibilité d'opter pour le régime fiscal des
sociétés de personnes pendant les trois premières
années de leur création), qui prennent l'engagement de conserver
leurs parts pendant cinq ans.
Votre commission
estime que cet article fiscal peut s'avérer
utile pour le développement des investisseurs providentiels dans notre
pays et l'accroissement de l'apport en fonds propres à de jeunes
sociétés en création. Elle adhère donc pleinement
à son principe.
Elle est toutefois soucieuse d'éviter qu'une telle disposition ne puisse
constituer une brèche dans le code général des
impôts et un appel d'air pour la mise en place de montages
destinés à la seule optimisation fiscale d'investisseurs peu
préoccupés du devenir de l'entreprise.
Votre commission a souhaité, en particulier, examiner de façon
particulièrement attentive :
- les garanties tenant à la
qualité de l'engagement de
l'investisseur
en termes notamment de durée de conservation des
parts ;
- le plafonnement de l'avantage fiscal consenti, qui semble, en toute
équité, nécessaire.
Votre Commission vous propose donc
de limiter la possibilité d'imputation des déficits sur le revenu
global à 100.000 francs par foyer fiscal ;
- l'équilibre des régimes fiscaux entre les actionnaires
suivant les différentes formes sociales de l'entreprise et en
particulier entre associés de sociétés de personnes (aux
déficits et bénéfices tunnelisés), qui sont, en
outre, indéfiniment responsables du passif et associés des SARL
ayant opté, en vertu de cet article, pour l'impôt sur le revenu,
(aux déficits et bénéfices
détunnélisés et à responsabilité
limitée) ;
- le ciblage du mécanisme : votre commission s'est
interrogée sur l'opportunité de circonscrire cet avantage fiscal
aux actionnaires de sociétés implantées dans des zones
prioritaires d'aménagement du territoire et de politique de la ville.
Compte tenu de sa complexité, elle ne s'est finalement pas
engagée dans cette voie.
Votre commission se montrera, au demeurant, particulièrement attentive
aux suggestions que pourrait être amenée à formuler, sur
ces points, votre commission des finances, saisie pour avis.
Par ailleurs, votre commission a apporté une modification
rédactionnelle au II de cet article.
Votre Commission vous demande d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
III -
Prêts des personnes physiques aux entreprises
individuelles en création
Article 10 -
(Article 199
terdecies
-
OA
du code
général des impôts) -
Extension de
" l'avantage Madelin " aux prêts des personnes physiques aux
entreprises individuelles en création
Cet
article tend à étendre la réduction sur le revenu au titre
des souscriptions au capital de sociétés non cotées aux
prêts de personnes physiques aux entreprises individuelles.
Le texte proposé par cet article tend à modifier
l'article 199
terdecies
OA
du code
général des impôts relatif aux réductions
d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital des
sociétés non cotées.
La loi " Madelin " du 11 février 1994 relative
à l'initiative et à l'entreprise individuelle a institué
un dispositif d'aide à la mobilisation de l'épargne de
proximité en faveur des petites et moyennes entreprises.
Le premier volet de ce dispositif, codifié à
l'article 199
terdecies OA
du code général
des impôts, prévoit une réduction d'impôt sur le
revenu au profit des contribuables souscrivant au capital initial ou aux
augmentations en capital de sociétés non cotées.
Les sociétés concernées doivent satisfaire à quatre
conditions :
- relever de l'impôt sur les sociétés dans les
conditions de droit commun ;
- exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale,
agricole ou libérale ;
- en cas d'augmentation du capital, réaliser un chiffre d'affaires
hors taxes inférieur à 260 millions de francs ou
présenter un total de bilan inférieur à 175 millions
de francs ;
- disposer d'un capital majoritairement détenu par des personnes
physiques ou des " holdings " familiaux
49(
*
)
.
Dans ce cas, la réduction d'impôt est alors égale à
25 % du montant des versements effectués au titre d'une
année, dans la limité d'un plafond de 37.500 francs pour les
contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de
75.000 francs pour les contribuables mariés.
Toutefois, le bénéfice de cette réduction d'impôt
est définitivement acquis si le contribuable conserve ses titres durant
cinq ans. A défaut, il est pratiqué au titre de
l'année de cession, une reprise des réductions dans la limite du
prix de cession.
Le bénéfice de la réduction d'impôt ne peut se
cumuler avec d'autres avantages fiscaux et les actions ou parts qui ont ouvert
droit à la réduction d'impôt ne peuvent figurer dans un
plan d'épargne en actions.
Ce dispositif, qui devait en principe prendre fin le
31 décembre 1998 a été prorogé par la loi
de finances pour 1999 jusqu'en 2001.
Selon le fascicule budgétaire " voies et moyens "
annexé au projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale
résultant pour l'Etat d'une telle réduction d'impôt est
estimée à 360 millions de francs pour 1997 et
évaluée à 380 millions de francs pour 1998.
Le texte proposé par l'article 10 de la proposition de loi tend
à faire bénéficier de la réduction d'impôt
prévue par l'article 199
terdecies
OA du code
général des impôts les prêts des personnes physiques
aux créateurs d'entreprises individuelles.
Le dispositif de la loi " Madelin " ne concerne, en effet, que les
personnes morales. Or, les auteurs de la proposition de loi constatent que
56 % des entreprises créées ces dernières
années sont des entreprises individuelles et que 58 % des fonds
propres mobilisés par la création d'entreprise proviennent de
l'épargne du créateur ou de ses proches.
CRÉATIONS OU REPRISES D'ENTREPRISES EN 1998
SELON
LA
NATURE JURIDIQUE DE L'ENTREPRISE CRÉÉE
|
Nombre |
Pourcentage |
Taux de survie en 1997 |
Entreprise individuelle dont (1) |
49 240 |
56 |
42 |
Personne morale dont |
37 988 |
44 |
59 |
TOTAL |
87 228 |
100 |
49,6 |
Source
: rapport annuel de l'APCE
Ainsi, afin de favoriser le financement de la création d'entreprise
par des proches et d'accroître la portée du dispositif de la loi
" Madelin ", le présent article propose de l'étendre
aux entreprises individuelles
. Comme, par définition, il ne pouvait
s'agir de souscription de capital d'entreprises individuelles, ces entreprises
étant dépourvues de personnalité morale, la proposition
étend le dispositif prévu par
l'article 199
terdecies
OA du code général
des impôts aux prêts consentis pour la création d'une
entreprise individuelle.
Cet article institue ainsi une réduction d'impôt au titres des
prêts des personnes physiques aux entreprises individuelles en
création.
Le texte proposé prévoit que le prêt est consenti
"
pour la création d'une entreprise individuelle et pendant les
trois années suivant le début de son
activité
".
Le prêt doit donc être
effectué au profit d'une personne ayant créé son
entreprise depuis moins de trois ans. Il s'agit comme dans la
majorité des articles de cette proposition de loi de promouvoir non
seulement la création de l'entreprise mais également son
développement pendant les trois premières années, c'est
à dire pendant les années les plus difficiles ou la
mortalité des jeunes entreprises est la plus élevée.
Le bénéfice de cette disposition devra donc être
subordonné à la production par l'entreprise
bénéficiaire d'une déclaration attestant de sa
création depuis moins de trois ans et d'un contrat de prêt
reconnaissant l'existence du prêt.
La proposition de loi soumet le bénéfice de cette
réduction d'impôt au respect de trois séries de
conditions :
1°.
L'entreprise individuelle concernée doit être
nouvelle
au sens de l'article 44
sexies
du code
général des impôts. Au regard de la doctrine administrative
élaborée par les services fiscaux sur cet article, les
entreprises qui entrent dans le champ d'application de
l'article 44
sexies
doivent exercer une activité
réellement nouvelle, ce qui exclut les entreprises constituées
pour la reprise d'une activité préexistante. Par ailleurs, la
date de création de l'entreprise au sens de
l'article 44
sexies
est celle du début de
l'activité de l'entreprise telle que mentionnée sur la
déclaration d'existence que l'entreprise doit souscrire, en application
de l'article 286 du code général des impôts.
Dès lors, le délai des trois premières années
d'activité de l'entreprise précitée court à partir
de cette date ;
2°.
L'entreprise individuelle doit être soumise à
l'impôt sur le revenu
dans la catégorie des
bénéfices industriels et commerciaux visés par
l'article 34 du code général des impôts, des
bénéfices agricoles visés par l'article 63 ou des
bénéfices des professions non commerciales au sens du 1° de
l'article 92 du code général des impôts ;
3°.
Le prêt doit être consenti pour une durée
minimum de cinq ans, il est gratuit ou assorti d'un taux
d'intérêt ne dépassant pas celui de l'intérêt
légal ; il ne fait l'objet d'aucune prise de garantie et il est
assorti d'une clause de créance de dernier rang en cas de
procédure collective
. En contrepartie de l'avantage fiscal consenti,
les personnes qui concèdent le prêt pour création
d'entreprise acceptent ainsi une prise de risque liée à l'absence
de garantie et à l'existence d'une clause de créance de dernier
rang en cas de procédure collective. Cette prise de risque et
l'immobilisation des sommes pendant une durée relativement longue ne
sont pas ou peu rémunérées, le taux d'intérêt
étant nul ou inférieur au taux d'intérêt
légal.
Ce dispositif permet en conséquence aux créateurs d'entreprises
de bénéficier d'un prêt à taux nul ou réduit,
remboursable dans un délai supérieur à cinq ans. Le choix
d'une période de cinq ans correspond à la phase de
développement de l'entreprise et reprend les délais
généralement retenus dans les dispositifs d'aide à la
création d'entreprise. C'est déjà le cas de
" l'avantage Madelin ", c'est également le cas des fonds
communs de placement dans l'innovation, qui n'ouvrent droit à
réduction d'impôt que si les personnes physiques concernées
s'engagent à conserver les parts de fonds pendant cinq ans au moins
à compter de leur souscription.
Le texte proposé par cet article s'insérant dans le texte de
l'article 199
terdecies
-0 A, les dispositions de ce dernier
renvoyant au décret "
La fixation des modalités
d'application du présent article et notamment les obligations
déclaratives incombant aux contribuables
" s'appliquent
également au dispositif proposé.
Il conviendra, dans les mesures d'application du présent article, de
veiller à prévoir des formalités qui permettent de
vérifier la réalité du prêt, éventuellement
par le biais d'un enregistrement des déclarations des contrats de
prêts tel que prévu dans le cadre de l'application de l'article
242 ter du code général des impôts, la
réalité de la création de l'entreprise à travers
une déclaration d'existence, telle que, par exemple, celle prévue
par l'article 206 du même code et de l'affectation de prêt à
la création et au développement de l'entreprise, par le biais, le
cas échéant, de justificatifs a posteriori des
dépenses.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE
IV -
Réserve d'investissement pour les petites et moyennes
entreprises
Article 11 et article 12 -
(Article 219 du code général
des impôts paragraphe I g) nouveau et
article 39
novodecies
nouveau du même code) -
Taxation à taux
réduit (19 %) des résultats des PME incorporés
à un compte de réserve spéciale d'investissement
Ces deux
articles proposent, respectivement pour les entreprises soumises à
l'impôt sur les sociétés (IS) et les entreprises soumises
à l'impôt sur le revenu (IR), d'instituer une taxation au taux
réduit de 19 % des bénéfices incorporés
à un compte de réserve spéciale d'investissement. En vue
d'encourager l'investissement des PME indépendantes, ce
bénéfice leur serait réservé.
L'article 11
de la proposition de loi propose d'insérer un
g) nouveau au paragraphe I de l'article 219 du code
général des impôts, créant, pour les
sociétés soumise à l'IS, la faculté de
n'être taxées qu'au taux réduit
de 19 %
pour la fraction de leurs bénéfices incorporés à un
compte de réserve spéciale, en vue
d'un investissement au
cours de l'exercice suivant
celui de la réalisation dudit
bénéfice. Faute de l'investissement programmé,
l'entreprise acquitterait le différentiel d'impôt par rapport au
taux normal, majoré d'un intérêt de retard.
Cette faculté serait réservée aux
PME
indépendantes
(majoritairement détenues par des personnes
physiques ou des personnes morales détenues par des personnes physiques)
ayant réalisé au cours de l'exercice écoulé
moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires
.
L'article 12
ouvre la même possibilité d'une taxation
à 19 % aux PME qui répondent aux mêmes critères
de taille de chiffre d'affaires et d'indépendance, mais qui sont
soumises à l'impôt sur le revenu.
Votre commission
ne peut qu'être particulièrement attentive
à un dispositif qui vise à stimuler l'investissement de nos PME.
Mais sa responsabilité est aussi d'envisager, le plus
complètement possible, les différents effets prévisibles
de la rédaction soumise à son examen, au plan
macro-économique au regard de la neutralité en matière
d'allocation des facteurs de production, comme sur le plan de sa mise en oeuvre
pratique par nos petites entreprises.
Au plan macro-économique, l'effet potentiellement incitatif à
l'investissement des PME pourrait être amenuisé d'une part par
l'effet d'aubaine de l'application de ce dispositif à des entreprises
qui auraient, de toutes façons, investi, et d'autre part par un effet de
calendrier -négatif pour l'économie en général-,
les entreprises " décalant " dans le temps leur investissement
dans la seule optique de pouvoir bénéficier du taux réduit
d'imposition.
De plus, alors que votre commission propose, par ailleurs, plusieurs
dispositions incitatives à la participation en fonds propres des PME,
elle ne peut, par cohérence, qu'être attentive aux tenants de la
neutralité fiscale entre la distribution des bénéfices en
vue de la rémunération des actionnaires et leur incorporation,
fût-ce en vue d'un investissement.
Votre commission est également consciente du très vaste champ
potentiel d'application de ces deux articles et des problèmes que pose,
plus particulièrement, l'article 12 au regard de la
progressivité du barème de l'impôt sur le revenu et de
l'équilibre de la taxation entre les différentes
catégories de revenus soumises à l'imposition.
La complexité probable de mise en oeuvre de ce dispositif amène
en outre votre commission à s'interroger, surtout s'agissant d'un public
de PME. En effet, l'application qui a été faite du dispositif de
taxation à taux réduit des bénéfices
incorporés aux fonds propres des entreprises réalisant moins de
50 millions de francs de chiffre d'affaires, mesure votée en loi de
finances pour 1996, à la philosophie proche de celle des
articles 11 et 12 de la proposition de loi, s'avère
édifiante, comme en témoigne une question écrite
posée par notre collègue Jean-Jacques Hyest :
COMPLEXITÉ DU CALCUL RELATIF AU TAUX RÉDUIT DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS POUR LES BÉNÉFICES INCORPORÉS AU CAPITAL DES SOCIÉTÉS.
Question
écrite n° 04252 du 13 novembre 1997.
M. Jean-Jacques Hyest attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur le nouveau dispositif
concernant le taux réduit de l'impôt sur les
sociétés. La formule qui permet de déterminer la fraction
maximale du résultat comptable pouvant être incorporée au
capital ou inscrite en réserve pour bénéficier du taux
réduit à 19 %, et que les petites entreprises doivent
appliquer, est extrêmement complexe. "
Soit PVLT r Soit Y r
fraction maximale du résultat comptable pouvant être
incorporée au capital ou inscrite en réserve pour
bénéficier du taux réduit à 19 %. RCP r,
résultat comptable avant participation et avant impôt. C r
capitaux propres (1). S r salaires (1). Va r valeur ajoutée (1). PI r
provision pour investissement. PVLT r plus-value nette à long terme. RI
r résultat imposable. CI r crédits d'impôt. AF r avoirs
fiscaux comptabilisés en produits (2). 6 RCP p 0,15 S C - 2 (S p 1,1) RI
- 1,254 PVLT - 3 S PI p 3 2 - S) (CI p AF) Va Va Va Va Y r 23,054 p 0,43 S Va
(1) Selon la définition retenue pour le calcul de la réserve
spéciale de participation. (2) Si les avoirs fiscaux ne sont pas
comptabilisés, et donc non pris en compte dans le résultat, il
convient de retenir : 2 (2 - S) avoirs fiscaux > au lieu de 3 (2 - S)
avoirs fiscaux dans la Va Va formule de calcul. Toutefois, ce calcul retient
une imputation de l'avoir fiscal à hauteur de 66 2/3 % de son
montant, ce qui suppose un impôt de 33 1/3 % . L'entreprise
bénéficiant, sur une partie de son résultat, d'un
impôt à 19 %, le montant de l'avoir fiscal imputable devrait
logiquement être augmenté, ce qui modifierait alors la formule de
calcul. On attendra donc la position de l'administration sur ce point "
Sources : Revue fiduciaire et comptable, mai 1997.
Donc, au lieu de procéder à une simplification, ce texte
complique au contraire la vie des chefs d'entreprise. De plus, la portée
de cette mesure se limite à une diminution d'impôts relativement
modérée (30.000 francs maximum). Dans ces conditions, la
question se pose de savoir si on ne pourrait pas envisager d'autres moyens pour
appliquer une mesure qui vise à alléger la fiscalité des
PME.
NB : la réponse du ministère de l'économie est
publiée dans le JO Sénat du 16 avril 1998, page 1231.
Encore une preuve de plus, s'il en fallait, que les modalités
d'application d'une disposition législative peuvent contribuer à
atténuer considérablement son efficacité !
D'ailleurs, certaines personnalités entendues par votre rapporteur lors
de la préparation du présent rapport lui ont indiqué que
le bénéfice du taux réduit d'imposition en vue d'un
investissement pourrait lui aussi se trouver, après coup, remis en cause
par sa complexité probable de calcul, sans parler des coûts
inhérents, pour la collectivité comme pour les PME, à la
gestion et au contrôle, par l'administration fiscale, d'un tel dispositif.
Enfin et surtout, votre commission estime que, dans la conjoncture actuelle,
qui n'est ni celle de fin 1995, date de l'adoption du taux d'imposition
réduit pour les bénéfices incorporés, ni celle de
mars 1999, date du dépôt de la proposition de loi,
des
mesures à la fois plus simples et plus radicales sont devenues
envisageables pour alléger la fiscalité pesant sur les
entreprises -on pense, pourquoi pas, avec les recettes supplémentaires
attendues en matière notamment d'IS, à une suppression de la
" surtaxe " d'impôt sur les sociétés-. Cette
proposition dépasse toutefois largement l'objet de la proposition de loi
soumise à l'examen de votre commission.
Votre commission laisse en la matière à votre commission des
finances, saisie pour avis, l'initiative de proposer, si elle le juge utile,
lors de l'examen de cette proposition de loi ou à une autre occasion
qu'elle jugerait plus appropriée, un dispositif adapté pour
alléger la fiscalité des entreprises et, partant, favoriser
l'investissement.
Votre commission n'a, en conséquence, pas repris, dans ses
conclusions, les articles 11 et 12 de la proposition de loi.
CHAPITRE
V -
Taxation des plus-values des options sur actions
Article 13 -
(Article 200A du code général des
impôts) -
Allégement de la taxation des plus
values des options sur actions
Cet
article vise à supprimer la taxation au taux de 30 % de l'avantage
correspondant à la différence entre la valeur réelle de
l'action à la date de levée d'une option et le prix de
souscription ou d'achat de cette action, pour revenir au taux d'imposition de
droit commun (16 %).
Assises de l'innovation en mai 1998, débats budgétaires,
débat sur le projet de loi relatif à l'innovation et à la
recherche, élaboration d'un projet de loi gouvernemental sur
l'épargne salariale : les occasions n'ont pas manqué au
Gouvernement de s'engager à proposer
une réforme d'ensemble
des stock-options
. Jusqu'à présent, sans résultat
tangible, au-delà de la création de bons de souscription de parts
de créateurs d'entreprises -heureusement progressivement élargis-
et la commande d'un rapport abordant notamment le sujet des stocks-options. Il
apparaît, en effet, de plus en plus nécessaire d'en alléger
la taxation, d'en élargir l'attribution et d'en clarifier le mode de
fonctionnement.
Mais le sujet est-il si consensuel au sein de la majorité
plurielle ? Le retrait in extremis d'articles consacrés à ce
thème dans le projet de loi relatif à l'innovation et à la
recherche n'est pas fait pour accréditer cette idée.
Le Sénat n'a, quant à lui, pas attendu pour exprimer une
position claire et cohérente pour réformer et démocratiser
cet outil de motivation des salariés et de rémunération de
la prise de risque.
Les stock-options, un outil de rémunération de la prise de
risque et de motivation des salariés.
Directement inspiré du " stock-options plan " anglo-saxon, le
plan d'options sur actions a été introduit en droit
français par une loi du 31 décembre1970, qui a
complété la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales par les articles 208-1 à 208-8
relatifs aux
options de souscription ou d'achat d'actions.
Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour
1999
50(
*
)
votre commission des
finances a remarquablement décrit ce mécanisme. Votre rapporteur
s'est inspiré, pour les développements qui suivent, de cette
analyse particulièrement claire.
Il s'agit d'une forme mixte d'intéressement et de participation au
capital, dans laquelle l'entreprise consent à son personnel
le droit
d'acquérir ses propres actions à des conditions
privilégiées, lui offrant ainsi l'opportunité de
réaliser une plus-value spécifique.
Comme l'indique le rapport précité, "
son principe est
simple. Le mécanisme s'inscrit dans le temps pour se décomposer
en trois étapes bien distinctes
".
1. L'attribution :
la société attribue au
bénéficiaire le droit, pendant une période donnée,
de se porter acquéreur d'un certain nombre de titres à un prix
déterminé. Ce prix, éventuellement inférieur au
prix du marché, reste fixe pendant toute la période durant
laquelle le droit, ou " option ", est ouvert au
bénéficiaire.
2. La levée :
le bénéficiaire choisit de
" lever " l'option qui lui a été attribuée,
c'est-à-dire d'exercer son droit d'acquisition. Bien entendu, il n'a
intérêt à le faire que si le cours, pour les actions
cotées, ou la valeur, pour les actions non cotées, se sont
maintenus ou ont progressé au-delà du prix invariable
initialement fixé lors de l'attribution de l'option : il
réalise alors une
plus value dite d'acquisition
. Cette
étape implique pour lui une sortie de fonds, puisqu'il doit payer au
prix convenu les actions sur lesquelles portait son option..
3. La cession :
le bénéficiaire revend les actions
qu'il a acquises sur option. Ce n'est qu'à ce stade qu'il rentre dans
ses fonds et que la plus-value d'acquisition, jusque là virtuelle, se
concrétise. Il peut par ailleurs réaliser une
plus-value
supplémentaire, dite de cession
, si la valeur des actions a
continué de s'apprécier depuis la levée de l'option.
Cette troisième et dernière étape constitue le fait
générateur de l'impôt pour l'ensemble du processus.
Votre rapporteur général poursuivait, dans le même
rapport :
"
Ainsi, le gain retiré d'un plan d'options sur actions est
différé, aléatoire et lié à la contribution
des bénéficiaires à la prospérité de
l'entreprise.
Ces trois caractéristiques font du plan d'options sur
actions un instrument remarquablement efficace de motivation et de
fidélisation des cadres supérieurs et dirigeants des
sociétés
".
Ce mécanisme se révèle particulièrement attractif,
comme l'indique une récente enquête d'opinion
51(
*
)
réalisée auprès
des salariés du secteur privé. Deux salariés sur trois
(67 %) se déclarent intéressés par la
détention de stock-options, le niveau d'intérêt
étant majoritaire pour l'ensemble des catégories
étudiées.
Une majorité absolue des salariés interrogés (56 %)
déclarent ne pas disposer aujourd'hui dans leur entreprise
d'éléments de rémunération liés aux
résultats de l'entreprise (primes, intéressement, participation)
suffisamment motivants (contre 42 %). L'absence d'éléments
de rémunération suffisamment motivants est en particulier
soulignée par les femmes (64 %), les employés (70 %) et
les foyers à bas revenus (67 %).
Ce jugement négatif à l'égard des systèmes de
rémunérations actuels contribue au succès des
stock-options. Ainsi, les stock-options sont jugés efficaces pour
renforcer la motivation et l'implication des salariés
qui en
bénéficient par plus des trois quarts des interviewés
(76 %), pour renforcer le sentiment d'appartenance à son entreprise
(72 %) ou encore pour fidéliser les salariés (72 %).
Globalement, neuf salariés sur dix (90 %) déclarent qu'il
serait souhaitable que, dans les années qui viennent,
les
stock-options soient de plus en plus proposées à un plus grand
nombre de salariés
. Ce souhait se révèle
particulièrement fort : près de la moitié des
interviewés (48 %) souhaite un accès plus large de
manière importante.
Enfin, les attentes en matière d'imposition à l'égard des
stock-options s'orientent vers un niveau d'imposition avantageux pour rendre
les stock-options attractives (71 % de citations), contre 20 % les
jugeant déjà suffisamment intéressantes
financièrement.
On ne peut ainsi que se féliciter qu'une grande entreprise
française ait annoncé récemment qu'elle proposerait
à 120.000 de ses salariés de souscrire à un plan
d'options sur actions.
Un régime fiscal et social progressivement durci.
Comme l'indiquait votre commission des finances lors de la discussion du projet
de loi sur l'innovation et la recherche
52(
*
)
: "
Comme les autres
mécanismes d'intéressement et de participation, le plan d'options
sur actions bénéficie d'un régime fiscal et social
avantageux. Ou plutôt, bénéficiait d'un régime
avantageux jusqu'en 1995. Car l'évolution récente de la
législation a beaucoup réduit l'intérêt d'un
dispositif qui reste délicat à gérer pour les
sociétés, et aléatoire pour les
intéressés
".
Un régime initialement avantageux.
Le mécanisme des plans sur options a été conçu pour
être avantageux à la fois pour la société qui
attribue les options et pour le bénéficiaire de ces options.
- Pour la société
Indépendamment de son pouvoir de motivation du personnel, le plan
d'options sur actions était conçu pour être
intéressante pour l'entreprise au regard de l'impôt et des
cotisations sociales.
Tout d'abord, l'avantage représenté par la plus-value
d'acquisition (différence entre le prix de souscription ou d'achat et la
valeur réelle de l'action à la date de la levée de
l'option) était
exonérée des cotisations patronales de
sécurité sociale ainsi que de toutes taxes assises sur les
salaires
.
Toutefois, cette exonération ne suffirait pas à rendre les plans
d'option plus avantageux pour la société que les formes
classiques de rémunération si les coûts correspondants
n'étaient pas fiscalement considérés comme des charges
déductibles du résultat imposable. Tel n'était pas le cas
dans le régime initial des plans d'options sur actions, et cette
possibilité fondamentale de déduction a été
introduite par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de
l'initiative économique. Ainsi, l'article 217 quinquies du code
général des impôts, tel qu'il résulte de cette loi,
dispose que "
pour la détermination de leurs résultats
fiscaux, les sociétés peuvent déduire les charges
exposées du fait de la levée des options de souscription ou
d'achat d'actions consenties à leurs salariés
".
C'est-à-dire :
- les frais de rachat des titres destinés à être remis
au personnel, lorsqu'il s'agit d'options d'achat ;
- les frais d'augmentation de capital, lorsqu'il s'agit d'options de
souscription ;
- les frais de gestion des actions rachetées ou émises
jusqu'à la date de levée de l'option ;
- et surtout, les moins-values résultant pour la
société de la différence entre le prix d'achat et la
valeur réelle des actions.
Le coût des plans d'options sur actions se trouve ainsi fiscalement
neutralisé pour la société qui recours à cet
instrument.
- Pour le bénéficiaire
En principe, la plus-value d'acquisition réalisée par le
bénéficiaire d'une option est considérée comme un
complément de salaire et soumise comme tel à l'impôt sur le
revenu (article 80 bis I du code général des impôts). La
taxation de cet avantage n'a pas lieu lors de la levée de l'option, mais
lors de la cession des actions. Il est alors fait application d'un
système de quotient destiné à atténuer les effets
de la progressivité de l'impôt, qui prend en compte le nombre
d'années entières écoulées entre la date
d'attribution de l'option et la date de cession des titres (article 163 bis C
II du code général des impôts).
Toutefois, l'avantage peut être soumis à un régime
d'imposition plus favorable, sous réserve de deux conditions (article
163 bis C I du code général des impôts) :
- les actions acquises doivent revêtir la forme nominative ;
- elles doivent demeurer indisponibles pendant une période de cinq
années à compter de la date d'attribution de l'option (et non de
sa levée).
Si ces deux conditions sont remplies, la plus-value d'acquisition
était taxée, antérieurement à 1996, toujours lors
de la cession des titres, selon le régime des plus-values
mobilières, au taux de 16 %.
Il est prévu par ailleurs un certain nombre de cas de force majeure
où le possesseur d'actions acquises sur options peut exceptionnellement
disposer de ses titres avant l'expiration du délai
d'indisponibilité de cinq ans, sans perdre pour autant le
bénéficie de ce régime d'imposition
conditionné : licenciement du titulaire, mise à la retraite
du titulaire, invalidité du titulaire, décès du titulaire
(au profit de ses héritiers).
Enfin, l'avantage résultant de la levée d'options était
exonéré, antérieurement à 1997, de toute cotisation
salariale de sécurité sociale. Il est en revanche soumis à
la CSG et à la CRDS, au titre des revenus salariaux ou au titre des
revenus du patrimoine, selon les cas.
Un durcissement progressif mais continu.
Toutes les modifications de ce régime fiscal et social depuis son
instauration par la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 ont
progressivement réduit les avantages qui lui sont attachés,
à l'exception notable, en sens inverse, de l'article 39 de la
première loi de finances rectificative pour 1993, qui a supprimé
le délai de portage d'un an entre la levée de l'option et la
cession des titres, que devait respecter le bénéficiaire pour
avoir droit au traitement fiscal le plus avantageux.
Mais, depuis ce dernier assouplissement, toutes les évolutions de la
législation fiscale et sociale applicable aux options de souscription ou
d'achat d'actions se sont faites dans un sens moins favorable :
- l'article 49 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social du
4 février 1995 a soumis aux cotisations sociales la part
excédant 5 % du rabais consenti sur le prix de l'option par rapport
au prix du marché ;
- l'article 70 de la loi de finances initiale pour 1996 a porté
à 30 % le taux d'imposition applicable à la plus-value
d'acquisition réalisée lors de la levée d'option ;
- l'article 11 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997 a soumis aux cotisations sociales la plus-value d'acquisition
lorsque le délai fiscal d'indisponibilité de cinq ans entre
l'attribution de l'option et la cession des titres n'est pas
respecté ;
- la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a
entraîné un accroissement massif des prélèvements
sociaux sur l'épargne, avec une forte hausse de la CSG et l'extension
des deux prélèvements de 1 % sur les revenus du patrimoine
affectés respectivement à la CNAVTS et à la CNAF. Ceux-ci
atteignent désormais un taux cumulé de 10 % (7,5 % de
CSG + 0,5 % de CRDS + 2 % de prélèvement
spécifique).
Le taux d'imposition total des gains sur options de souscription ou d'achat
d'action est ainsi de 40 %, hors cotisations sociales éventuelles.
Le Sénat : une position claire.
Votre Haute assemblée a, récemment encore, clairement pris
position pour un allégement du régime social et fiscal des
stock-options, accompagné d'un renforcement de la transparence du
mécanisme. Les occasions les plus marquantes ont notamment
été : la discussion du projet de loi de finances pour 1999
où la commission des finances
53(
*
)
avait proposé un amendement
identique à celui de l'article 13 de la proposition de loi en
examen ; la discussion du projet de loi précité sur
l'innovation et la recherche ; la discussion, en décembre dernier
des conclusions de la commission des affaires sociales
54(
*
)
sur les propositions de loi n° 52
tendant à favoriser le développement de l'actionnariat
salarié et n° 87 relative au développement du partenariat
social, aboutissant à l'adoption d'une proposition de loi (n° 53),
tendant à favoriser le partenariat social par le développement de
l'actionnariat salarié.
Un bref rappel des positions de la commission des finances en la
matière, extrait du rapport précité de notre
collègue René Trégouët sur le projet de loi
innovation et recherche, suffira à montrer la cohérence de sa
doctrine, par exemple.
RAPPEL
DES POSITIONS CONSTANTES DE LA COMMISSION DES FINANCES
EN MATIÈRE DE
STOCK-OPTIONS
" En matière de stock-options, la commission des
finances peut se prévaloir d'une constance sans faille dans ses
positions. Toutefois, cette constance ne peut apparaître avec
suffisamment de clarté qu'aux observateurs attentifs des débats
parlementaires. Un bref rappel historique n'est sans doute pas inutile.
1.
Dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour
1995, la commission des finances proposait de rétablir le délai
de portage d'un an supprimé en 1994, afin de prévenir certains
abus qui avaient été portés à sa connaissance. La
commission, après avoir finalement renoncé à cette
proposition d'amendement, décidait alors de créer un groupe de
travail sur les plan d'options.
2.
Le rapport d'information du groupe de travail de la commission,
présenté au printemps 1995 par MM. Arthuis, Loridant et
Marini, comportait une triple conclusion :
-
les abus
du système des plans d'options sur actions sont
réels, même si rien ne permet de dire qu'ils constituent la
pratique majoritaire ;
- les avantages du régime des plans d'options sur actions sont
parfaitement justifiés
, compte tenu à la fois de leur
intérêt pour les entreprises et du contexte de forte pression
fiscale et sociale propre à la France ;
- il est nécessaire et urgent d'introduire
une plus grande
transparence
dans le système des stock-options, pour prévenir
les abus qui risquent de le discréditer.
4.
En septembre 1995, M. Philippe Marini déposait une proposition
de loi tendant à améliorer l'information des actionnaires et
à prévenir les délits d'initiés en matière
d'options de souscription ou d'achat d'actions.
5.
Dans le cadre de la loi de finances pour 1996, le Gouvernement
instaurait un taux de prélèvement libératoire
spécifique de 30 % pour les plus-values d'acquisition sur options,
avec l'avis favorable de la commission des finances.
6.
Dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier du printemps 1996, la commission des finances
proposait d'instaurer, d'une part, une obligation de consolidation de
l'information des actionnaires au sein des groupes de sociétés,
et d'autre part, une interdiction d'attribuer des options pendant certaines
périodes sensibles au regard du délit d'initié. Ces
dispositions ont été votées et figurent désormais
dans la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
7.
Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997, le Sénat, sans que sa commission des finances ait
à se prononcer, décidait d'assujettir les gains sur options aux
cotisations sociales lorsque le délai d'indisponibilité fiscale
de cinq ans n'est pas respecté.
8.
Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1996, la
commission des finances réparait une erreur rédactionnelle de la
disposition récemment votée dans la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997, qui aboutissait à
exonérer de CSG et de CRDS les gains sur options lorsque le délai
d'indisponibilité fiscale est respecté.
9.
Dans le cadre de
la loi de finances pour 1998
, le Gouvernement
proposait la création des bons de souscription de parts de
créateur d'entreprise pour certaines sociétés de moins de
sept ans. La commission des finances, M. Alain Lambert étant rapporteur
général, se déclarait favorable à la mesure tout en
regrettant son caractère restrictif
et proposait par ailleurs au
Sénat de revenir au taux d'imposition de droit commun de 16 % pour
les plans d'options.
10
. Dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier du printemps 1998, la commission des finances de
l'Assemblée nationale proposait de revenir sur le caractère
économiquement rétroactif de l'assujettissement aux cotisations
sociales pour les seules sociétés de moins de quinze ans. Pour sa
part, la commission des finances du Sénat a défendu l'extension
de cette mesure de bon sens à toutes les sociétés,
indépendamment de leur âge.
11.
Dans le cadre de la loi de finances pour 1999, le Gouvernement
proposait d'étendre des bons de souscription de parts de créateur
d'entreprise aux sociétés de moins de quinze ans.
La
commission des finances, M. Philippe Marini étant rapporteur
général, proposait de nouveau au Sénat de revenir au taux
d'imposition de droit commun de 16 % pour les plans d'options.
Ce rappel historique montre la parfaite continuité des positions de la
commission des finances du Sénat en matière de stock-options,
indépendamment des initiatives parfois malencontreuses de la
précédente majorité sur le sujet.
Il est d'ailleurs permis de penser que, si les recommandations de plus grande
transparence formulées dès 1995 par la commission des finances
avait été écoutées en leur temps, le régime
fiscal et social des stock-options n'aurait vraisemblablement pas connu les
déboires récents qui doivent être aujourd'hui
corrigés ".
Source : Rapport n° 210 de M. René Trégouët,
Sénat, 1998-1999
Votre commission considère quant à elle que les arguments en
faveur du mécanisme des stocks-options restent toujours valables :
- il s'agit d'un
instrument taillé sur mesure pour les
sociétés qui se créent ou innovent
, dont le
succès repose tout entier sur la motivation de leur personnel et qui
recèlent un potentiel de valorisation considérable tout en ne
pouvant pas offrir dans l'immédiat des rémunérations
consistantes ;
- il s'agit d'un
instrument particulièrement astucieux et
efficace de fidélisation et de motivation des cadres
d'une
société, pour qui les systèmes classiques
d'intéressement et de participation ne sont pas suffisamment incitatifs.
D'ailleurs, seules certaines dérives -bien réelles- du
mécanisme des stock options expliquent l'érosion récente
des avantages fiscaux et sociaux qui lui sont attachés, érosion
qui est, sans doute, allée trop loin, d'autant qu'elle ne s'est pas
accompagnée d'un renforcement corrélatif de la transparence du
système.
Aussi, votre commission souscrit-elle pleinement aux dispositions
récemment adoptées par le Sénat dans sa proposition de loi
n° 53 précitée, qui lui paraissent
équilibrées en termes d'avantages et de contraintes.
Sans revenir trop longuement sur ces débats récents, rappelons
seulement que les articles 21 bis à 21 octies de cette
proposition de loi ont, sur le fondement d'amendements déjà
adoptés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi
relatif à l'innovation et la recherche :
- supprimé les rabais sur les prix d'attribution des titres,
autorisés par les articles 208-1 et 208-3 de la loi du
24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et
introduit une mesure sur la prévention des délits
d'initiés ;
- abrogé le II de l'article 80 bis du code
général des impôts relatif à l'imposition des
rabais, qui seraient interdits ;
- introduit un dispositif de transparence nominative de façon
à ce que l'assemblée générale soit informée,
chaque année, des attributions nominatives d'options consenties aux
dirigeants, gérants administrateurs de la société ainsi
qu'aux dix salariés les plus avantagés ;
- instauré un délai de portage d'un an entre l'acquisition
et la cession des titres. Ce délai de portage d'un an est inclus dans le
délai d'indisponibilité fiscale, raccourci de cinq à
trois ans à dater de l'attribution. La distinction entre plus
values de cession et plus values d'acquisition subsiste donc, le taux
spécifique de 30 %, relatif à ces dernières,
s'appliquant si le délai de portage n'est pas respecté.
Mais, si les délais proposés d'indisponibilité et de
portage étaient respectés, il y aurait, au total,
un
allégement par rapport au régime fiscal actuel, l'ensemble de la
plus-value réalisée entre l'attribution et la cession
étant taxée au taux de 16 %
;
- enfin, exonéré de cotisations sociales les plus values sur
options de souscriptions ou d'achat d'actions, comme avant la promulgation de
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
Compte tenu des dispositions équilibrées récemment
adoptées par le Sénat en matière tant de transparence que
d'allégement des prélèvements sur les stock-options,
l'article 13 de la proposition de loi ne figure pas dans les conclusions
de votre commission.
TITRE III
-
ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DE LA CREATION D'ENTREPRISE
Votre commission vous propose tout d'abord, dans ses conclusions, un intitulé du titre III plus conforme au contenu qu'elle souhaite lui donner : " Statut du créateur d'entreprise ".
CHAPITRE
I
er
-
Distinction des patrimoines professionnel et
personnel
de l'entrepreneur individuel
Article 14 -
Affectation des biens à une
activité économique
Cet
article tend à insérer dans le code civil la possibilité
pour une personne physique d'affecter tout ou partie de son bien à une
activité économique, commerciale ou non.
Le texte proposé par cet article vise à permettre aux
entrepreneurs individuels de distinguer leur patrimoine personnel d'un
patrimoine professionnel affecté à une activité
économique.
Ce dispositif tend à répondre aux difficultés que
suscite depuis de nombreuses années le statut juridique et fiscal de
l'entrepreneur individuel.
La diminution du nombre de création d'entreprises et le faible taux de
pérennité des entreprises individuelles -le taux de survie
après trois ans et demi d'activité des entreprises individuelles
est de 42,5 % contre 59,1 % pour les entreprises constituées
sous la forme d'une personne morale- ont, en effet, suscité de
nombreuses réflexions sur la nécessité d'une
révision du statut de l'entrepreneur individuel. Ces réflexions
se sont dans l'ensemble orientées vers des solutions tendant à
assurer :
- une meilleure sécurisation de la situation personnelle de
l'entrepreneur individuel en particulier en cas d'échec de
l'entreprise ;
- un plus grand dynamisme et une plus grande pérennité de
l'entreprise individuelle grâce à une meilleure identification des
fonds propres de celle-ci.
Poursuivant ces mêmes objectifs, le texte proposé par cet article
s'inspire des travaux qui, depuis vingt ans, ont porté sur
l'opportunité d'introduire en droit français la création
d'un patrimoine d'affectation.
- Une question débattue :
La mise en place d'un statut du patrimoine professionnel affecté a, en
effet, fait l'objet de nombreux rapports depuis 1978 ; on citera les
principaux présentés depuis cette date :
- le rapport de la " Commission Champaud "
(février 1978), établi par un groupe de travail
interministériel mis en place à cet effet
55(
*
)
;
- l'étude sur " L'entreprise personnelle - Critique et
prospective ", établie en 1981 par le Professeur Sayag, sous
l'égide du CREDA
56(
*
)
;
- le rapport de Maître Jean-Denis Bredin (février 1984)
remis au ministre du commerce, de l'artisanat et du commerce ;
- le rapport de la commission juridique de la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Paris (octobre 1984) intitulé " un statut pour
l'entreprise individuelle "
57(
*
)
;
- les travaux du Congrès des Notaires de France de mai 1987
consacré au Patrimoine professionnel de l'Entrepreneur
58(
*
)
;
- le rapport de Maître Barthélémy au Conseil
économique et social d'avril 1993
59(
*
)
;
- les Travaux de l'ACE 1996 (rapports de Maître Peyramaure et de
Maître Barthélémy)
60(
*
)
.
Parmi les derniers éléments de réflexion en date, le
rapport de notre collègue Philippe Marini au Premier Ministre
déposé le 10 septembre 1996, portant sur la
modernisation du droit des sociétés, consacre à son tour
des développements à la question du patrimoine
d'affectation
61(
*
)
.
Tout récemment enfin, le " Livre blanc de la Création
d'entreprise " d'octobre 1998, place la réalisation de la
" Distinction du patrimoine de l'entreprise de celui de
l'entrepreneur " parmi les douze mesures d'urgence pour favoriser la
création d'entreprise et la création d'emploi.
- Une réforme longtemps écartée au profit de
dispositifs qui n'ont pas pleinement atteint leur objectif :
Avant d'en examiner les dispositions, il convient de rappeler que
l'article
14 de la proposition de loi préconise une réforme qui,
jusqu'à présent, avait été écartée au
profit de l'introduction de l'entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée (EURL), par la loi du
11 juillet 1985 et plus récemment,
au profit d'un
dispositif de protection du
patrimoine individuel, institué par
l'article 47 de la loi du 11 février 1994, dite loi
" Madelin ".
Ces dispositions, pour utiles qu'elles soient, n'ont pas pleinement atteint
leur objectif.
Quinze ans après son introduction dans le droit positif, l'EURL n'a,
auprès des entrepreneurs, qu'un succès limité. Il n'y
aurait, en effet, qu'environ 30.000 EURL créées contre
environ 1,6 million d'entreprises individuelles. Les causes de cet
échec sont sans doute multiples. Les frais et le formalisme de
constitution des EURL, leur modalité de fonctionnement ont, notamment,
pu paraître dissuasives à beaucoup d'entrepreneurs. En outre, le
régime fiscal et social du gérant d'EURL ne semble pas être
jugé suffisamment attrayant. Quant au bénéfice de la
limitation de la responsabilité engendré par la constitution
d'une personne morale, il semble réduit, d'une part, par les
dispositions relatives aux procédures collectives et, d'autre part, par
le fait qu'en cas de crédit, les banques ont presque
systématiquement recours à une caution personnelle.
De même, les dispositions de l'article 47 de la loi Madelin du
11 février 1994 se limitent à instituer un dispositif
de priorité sur les biens pouvant être pris en sûreté
ou saisis par certains créanciers professionnels. L'entrepreneur
individuel reste tenu de ses dettes professionnelles sur l'ensemble de son
patrimoine et les créanciers personnels peuvent toujours, quant à
eux, mettre en oeuvre des voies d'exécution sur les actifs
professionnels sans que les créanciers professionnels ne se voient
reconnaître une priorité de principe sur eux.
Les réformes opérées en 1985 et 1994 ne semblent donc
pas entièrement répondre aux questions soulevées par le
statut de l'entrepreneur individuel
ni rendre inutile l'introduction du
patrimoine d'affectation. Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de
loi ont souhaité proposer à travers cet article les fondements
d'une distinction entre le patrimoine personnel et professionnel des
entrepreneurs.
- Le texte de la proposition de loi :
Le texte proposé par cet article tend à introduire dans le code
civil un titre X bis relatif à l'affectation de biens à
une activité économique, composé de quatre articles.
Le premier d'entre eux, l'article n° 1914-1, dispose que les
personnes physiques ont la possibilité d'affecter tout ou partie de
leurs biens à une activité économique, commerciale ou non.
Cet article ouvre ainsi une faculté aux entrepreneurs individuels qui le
choisissent d'affecter une partie de leur patrimoine à leur
activité professionnelle, ceux-ci restant libres d'avoir recours
à toute autre forme juridique d'exploitation qui leur paraîtrait
préférable.
Les biens concernés peuvent être des biens corporels ou
incorporels. Il pourra s'agir en priorité des biens affectés
initialement à la constitution de l'entreprise, à savoir les
apports en numéraire requis pour l'acquisition des actifs
nécessaires à l'exploitation ou des biens en nature. Il pourra
également s'agir des biens acquis par l'entreprise au cours de son
existence. Le développement du patrimoine affecté pourrait ainsi
se réaliser soit grâce aux résultats non distribués
de l'entreprise, lui permettant un autofinancement, ou, le cas
échéant, grâce à des compléments
d'affectation réalisés par l'entrepreneur.
Le deuxième article, qu'il est proposé d'insérer dans le
code civil,
l'article 1914-2, prévoit que l'affectation de biens
résulte d'une déclaration annuelle effectuée, selon
l'activité exercée, au registre du commerce et des
sociétés
,
au répertoire des métiers ou au
greffe du tribunal de grande instance
, dans des conditions fixées
par décret en Conseil d'Etat, cette déclaration portant sur tous
les éléments actifs et passifs de l'exploitation.
Ces dispositions tendent à assurer
la nécessaire
publicité de l'existence et de la consistance du patrimoine
affecté
afin de garantir les droits des tiers sur les biens
affectés. Cette déclaration devrait être accompagnée
d'un état des sommes et des biens affectés à l'entreprise
indiquant pour ces derniers leur valorisation. La déclaration devrait
identifier de façon précise l'actif mais aussi le passif
professionnel rattaché à l'entreprise. Une comptabilité
appropriée devrait sur ce point permettre de bien distinguer les dettes
rattachées à l'activité professionnelle des dettes
personnelles. Il est, en outre, indiqué que cette déclaration
serait annuelle afin d'assurer une publicité permanente du patrimoine
tout au long de la vie de l'entreprise et d'enregistrer ainsi les variations de
l'actif et du passif du patrimoine affecté.
Le troisième article n° 1914-3 prévoit un engagement
de l'entrepreneur de maintenir le niveau des capitaux propres de
l'exploitation, et un dispositif de sanction en cas de non respect de cet
engagement.
Le premier alinéa de cet article dispose que les biens ainsi
affectés répondent prioritairement au passif de l'exploitation,
nonobstant toute mesure conservatoire.
Cette disposition pose le principe
de la séparation des patrimoines professionnel et personnel puisqu'au
passif de l'exploitation correspondent les biens affectés et non
l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur.
Il faut toutefois noter que la
séparation entre patrimoine professionnel et personnel n'est pas
strictement étanche,
puisqu'il est prévu que les biens
affectés répondent prioritairement au passif de l'exploitation,
ce qui n'exclut pas la responsabilité sur les biens personnels. Le
recours des créanciers sur les biens personnels de l'entrepreneur
demeure donc possible, mais de manière subsidiaire.
Le dispositif proposé n'atteint donc pas pleinement l'objectif de
limitation de la responsabilité de l'entrepreneur individuel sur son
patrimoine personnel qu'il semblait viser.
Force est de reconnaître que la nécessaire préservation des
droits des tiers restreignait, en effet, le champ des possibles. Il faut
rappeler que les règles relatives aux procédures collectives
permettent, d'une manière ou d'une autre, de mettre à la charge
du dirigeant d'une société défaillante, tout ou partie du
passif de celle-ci, malgré la limitation de responsabilité
conférée par la forme de la société. Il en est
ainsi notamment de l'action en comblement de passif prévue par
l'article 180 de la loi de 1985 en cas de faute de gestion des dirigeants.
Ces diverses dispositions, applicables aux dirigeants de sociétés
de capitaux ne pourraient qu'être transposées à
l'exploitant d'une entreprise individuelle de patrimoine affecté. On ne
conçoit pas, en effet, que l'entrepreneur individuel puisse se trouver
mieux traité que le dirigeant d'une EURL.
Un tel dispositif ne pouvait, en outre, avoir pour objectif d'interdire aux
créanciers professionnels d'exiger des garanties personnelles dans la
mesure où il est illusoire de prétendre imposer aux banques de
prêter sans les garanties qu'elles estimeraient suffisantes.
Votre rapporteur constate qu'en définitive, la préservation des
droits des tiers ne pouvait conduire à un cloisonnement total des
patrimoines sinon en mettant en place des contraintes de formation et de
contrôle qui entraîneraient des lourdeurs comparables à
celles du droit des sociétés.
Le deuxième alinéa de cet article prévoit que cette
affectation emporte un engagement de maintenir le niveau des capitaux propres
de l'exploitation.
Ces capitaux sont constitués par les
résultats annuels laissés à l'exploitation
en-deçà d'un délai fixé par décret, par la
dotation initiale de l'exploitant et, le cas échéant, par les
dotations complémentaires, le non respect de cet engagement privant
l'exploitant du bénéfice des dispositions précitées.
La contrepartie de la limitation relative de la responsabilité de
l'entrepreneur est l'engagement de maintenir le niveau des capitaux propres de
l'exploitation au niveau fixé lors de sa constitution. Aucun seuil n'est
cependant fixé concernant le montant de ces fonds propres.
Le quatrième article, n° 1914-4, prévu par le texte
proposé prévoit que l'affectation de biens communs ne peut
être réalisée par un époux sans que son conjoint n'y
ait consenti expressément.
Dans la mesure ou l'affectation concerne
le patrimoine des époux, il convient, en effet de prévoir un
consentement exprès du conjoint.
Le dispositif proposé semble donc dans son ensemble assurer un
équilibre satisfaisant entre le souci de permettre l'identification de
l'entreprise
tant dans son existence propre que dans ses
éléments composants, le nécessaire respect des droits des
tiers et la volonté de proposer un régime d'organisation du
patrimoine suffisamment simple dans son fonctionnement pour être
attrayante pour les entrepreneurs susceptibles d'y avoir recours.
Ce dispositif mérite cependant d'être complété sur
plusieurs points.
- Des questions qui demeurent en suspens :
Tout d'abord, si l'on s'en tient à l'examen du seul dispositif
proposé, plusieurs questions demeurent en suspens. Parmi ces questions,
trois méritent ici d'être évoquées.
La première question est de savoir si un montant minimal de la valeur
du patrimoine affecté doit être exigé.
Le texte
proposé par cet article n'en prévoit pas.
Il faut rappeler que le capital minimum de la SARL et de l'EURL est fixé
à 50.000 francs. Périodiquement des propositions sont faites
tendant à relever ce montant, jugé insuffisant au regard
notamment d'une bonne politique de prévention des défaillances
d'entreprise.
Il semblerait de ce point de vue raisonnable de préconiser un alignement
sur ces règles dans la mesure où l'absence d'un minimum de fonds
propres constituant un gage pour les créanciers, l'entreprise risque de
se voir priver de crédits.
A l'inverse, pour les plus petites micro-entreprises, notamment du type
libéral, dans lesquelles l'entrepreneur prestataire de services
travaille seul sans besoins significatifs d'investissements en matériel
ou en locaux, l'exigence de versement immédiat d'une somme telle que
celle mentionnée ci-dessus peut constituer un frein à la
création de l'entreprise.
La deuxième question concerne l'évaluation du patrimoine
professionnel de l'entrepreneur.
Si l'affectation du patrimoine doit
conférer à l'entrepreneur individuel le bénéfice
d'une quelconque limitation de responsabilité, il ne semble pas possible
de se contenter d'une évaluation affirmée unilatéralement
par le seul entrepreneur.
Une telle évaluation faite sous la seule responsabilité de
l'entrepreneur n'offrirait, en effet, aucune garantie aux tiers, non plus
qu'ultérieurement à l'entrepreneur, dès lors qu'elle
viendrait à être contestée par la suite. C'est pourquoi, il
apparaît qu'un contrôle de l'évaluation lors de la
réalisation de l'affectation s'impose de manière pratique. Le
texte proposé reste cependant muet sur cette question.
Dans le cas de l'apport en nature à une EURL, le contrôle de
l'évaluation des biens apportés est réalisé par un
commissaire aux apports désigné par l'associé unique, sauf
si aucun apport en nature n'a une valeur supérieure à
50.0000 francs et si, en outre, la valeur totale de l'ensemble de ses
apports en nature n'excède pas la moitié du capital social.
Il serait envisageable de s'inspirer de ces dispositions. Le recours à
un commissaire aux comptes risque néanmoins d'être perçu
à juste titre comme coûteux pour de petites entreprises.
La troisième question est celle de la possibilité pour
l'associé en nom collectif de recourir à la technique du
patrimoine d'affectation.
L'utilisation du patrimoine d'affectation par l'associé d'une
société en nom collectif, en vue de limiter sa
responsabilité pour les dettes de ladite société semble a
priori, en l'absence de dispositions contraires, autorisée par le texte
proposé. Or, il semble difficile d'admettre la légitimité
d'une telle utilisation dans la mesure où le recours à la
technique du patrimoine d'affectation doit être envisagé pour
permettre à l'entrepreneur individuel de limiter sa
responsabilité pour les dettes professionnelles, sans avoir pour ce
faire, à constituer une société à cet effet.
Dès lors que dans le cas envisagé, l'entreprise n'est pas une
entreprise individuelle, mais une entreprise déjà
exploitée par une société, la combinaison des deux formes
ne paraît pas opportune et logique.
D'autres questions mériteraient également un examen. Comment
s'articule, par exemple, les droits des créanciers personnels et des
créanciers professionnels d'un entrepreneur ayant affecté une
partie de son patrimoine ? Quelles sont, en matière de liquidation
judiciaire, les conséquences de l'affectation ?
La liste de ces questions est loin d'être exhaustive et leur nombre
laisse penser qu'un tel dispositif mérite une réflexion
approfondie.
Votre rapporteur observe de plus qu'au-delà des réponses
à apporter à ces questions, la réforme proposée
pose les fondements d'une affectation du patrimoine sans en tirer pleinement
les conséquences au regard du droit fiscal, du droit des régimes
matrimoniaux ou en matière de droit social.
Or, il convient naturellement d'assurer la cohérence entre le dispositif
proposé et les différents régimes juridiques
précités. Il apparaît, par exemple, indispensable d'assurer
la conciliation entre l'affectation du patrimoine et les différents
régimes matrimoniaux.
Au-delà d'un légitime souci de cohérence, il semble en
outre que, l'intérêt du patrimoine affecté en
matière de limitation de la responsabilité de l'entrepreneur
étant relatif,
le principal intérêt économique du
dispositif réside dans ses conséquences fiscales et sociales. On
ne saurait donc proposer l'introduction du patrimoine d'affectation sans
l'accompagner d'un volet fiscal.
En matière de taxation des résultats, comme le souligne le
rapport de notre collègue Philippe Marini "
le patrimoine fiscal
d'affectation ayant pour but [...] d'encourager l'autofinancement et de
favoriser le développement d'entreprises viables, une distinction serait
faite entre les bénéfices consommés par l'exploitant et
ceux laissés à la disposition de l'entreprise. L'impôt sur
le revenu et les charges sociales ne seraient calculés que sur la
fraction des résultats prélevés par le professionnel, sauf
requalification en cas d'abus de droit
"
62(
*
)
. Il est également dans cette
perspective envisageable d'ouvrir au entrepreneur individuel ayant
affecté une partie de son patrimoine à son activité la
possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés.
En matière de transmission de l'entreprise, l'introduction du patrimoine
affecté devrait logiquement s'accompagner d'un alignement des droits de
mutation perçus à l'occasion de la cession de l'entreprise sur
ceux applicables aux transmissions de droits sociaux, en vue d'assurer une
meilleure neutralité des règles fiscales.
Ces modifications de notre législation constituent des
réformes importantes, qui mériteraient, à elles seules,
une proposition de loi.
Aussi devant l'ampleur des questions
soulevées par le texte proposé, votre rapporteur s'est
interrogé sur l'opportunité de conserver ce dispositif en
l'état, souhaitant plutôt proposer ultérieurement une
réflexion d'ensemble sur les modifications complémentaires
à envisager pour l'introduction en droit positif du patrimoine
d'affectation.
Il est apparu à la réflexion plus opportun de prendre le temps de
bien mesurer les conséquences juridiques de cette réforme. Aussi,
votre rapporteur, en plein accord avec les rapporteurs pour avis des commission
des lois et des finances, respectivement MM. Paul Girod et Joseph
Ostermann, vous propose-t-il de disjoindre cet article de la proposition de loi.
Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission
n'a pas repris cet article dans ses conclusions.
Article 15 -
Procédures civiles
d'exécution
Cet
article tire les conséquences dans le droit des procédures
civiles d'exécution de l'introduction par l'article 14 dans le code
civil du patrimoine d'affectation
Le texte proposé par cet article insère un article
additionnel 22-2 dans la loi du 9 juillet 1991 portant
réforme des procédures civiles d'exécution.
Il convient de rappeler que l'article 22-1 issu de la loi du
9 juillet 1991 sur les voies d'exécution prévoit que
lorsque le titulaire d'une créance contractuelle ayant sa cause dans
l'activité professionnelle d'un entrepreneur individuel entend
poursuivre l'exécution forcée d'un titre exécutoire sur
les biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, s'il établit que les biens
nécessaires à l'exploitation de l'entreprise sont d'une valeur
suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au
créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur
ces derniers.
Poursuivant la même logique mais prenant acte de la faculté
offerte par l'article précédent de la proposition de loi de
distinguer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel, ce nouvel
article dispose ainsi que lorsqu'une personne physique a affecté des
biens à une entreprise individuelle et a procédé aux
formalités de publicité visées à
l'article 1914-2 du code civil, ces biens répondent prioritairement
au passif d'exploitation, nonobstant toute mesure conservatoire et sous
condition du respect de l'engagement visé au deuxième
alinéa de l'article 1914-3 du code civil, c'est à dire du
maintien de niveau du patrimoine affecté :
Compte tenu de la position adoptée sur l'article
précédent, votre commission n'a pas repris cet article dans ses
conclusions.
CHAPITRE
II -
Temps partiel pour création d'entreprise
Article 16
-
(Articles L.122-32-12 à L.122-32-21 du code du
travail)
Droit à une activité à temps partiel
pour création d'entreprise
Cet
article tend à instituer un droit à une activité à
temps partiel pour création d'entreprise.
Le texte proposé par cet article modifie les articles L.122-32-12
à L.122-32-21 du code du travail relatif aux congés pour
création d'entreprise.
Dans leur rédaction actuelle, ces articles prévoient que les
salariés de toutes les entreprises peuvent, sous certaines conditions,
bénéficier d'un congé pour création d'entreprise et
interrompre pendant plusieurs mois leur activité professionnelle afin de
créer ou reprendre une entreprise. Pendant cette période, le
salarié n'est plus payé par son entreprise, il s'agit en
conséquence d'un droit d'absence non rémunérée.
L'article L.122-32-12 relatif aux conditions d'octroi du congé
prévoit qu'un salarié qui justifie d'une ancienneté dans
l'entreprise d'au moins 36 mois, consécutifs ou non, a droit au
congé pour création d'entreprise s'il se propose de créer
ou de reprendre une entreprise et d'en exercer effectivement le contrôle.
La durée du congé est fixée à un an, renouvelable
une fois. Ce délai ne peut, sauf accord, être réduit.
L'article L.122-32-14 prévoit que le salarié doit informer
son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, au moins trois mois à l'avance, de la date de
départ de congé qu'il a choisie, ainsi que de la durée
envisagée de ce congé. Il doit précisé
l'activité de l'entreprise qu'il doit prévoir de créer ou
de reprendre. S'il souhaite renouveler son congé, il doit en informer
son employeur dans les mêmes formes, trois mois avant le terme de la
première année de congé.
L'employeur peut accepter, différer la date de départ du
salarié, ou refuser le congé. Il doit informer le salarié
de sa réponse par lettre remise en main propre contre décharge ou
par lettre recommandée avec avis de réception, dans un
délai de trente jours à compter de la présentation de la
lettre de demande du salarié. A défaut de réponse dans ce
délai, son accord est réputé acquis.
L'employeur doit communiquer semestriellement au comité d'entreprise, ou
à défaut, aux délégués du personnel, la
liste des demandes de congé pour création d'entreprise et de
congé sabbatique avec indication de la suite qui y a été
donnée.
L'employeur peut reporter le départ en congé du
salarié :
- soit de manière discrétionnaire, dans la limite de six
mois courant à compter de la présentation de la lettre
recommandée de demande du congé ;
- soit pour limiter le nombre d'absences simultanées dans
l'entreprise au titre des congés pour création d'entreprise et
sabbatique.
Ce quota d'absences simultanées est calculé différemment
selon l'effectif de l'entreprise :
- dans les entreprises de 200 salariés et plus au sens de
l'article L.412-5 du code du travail, le départ en congé
peut être différé si le pourcentage des salariés
simultanément absents de l'entreprise au titre des congés pour
création d'entreprise et sabbatique dépasse 2 % de
l'effectif jusqu'à la date à laquelle ce taux n'est plus
atteint. ;
- dans les entreprises employant moins de 200 salariés, le
départ en congé peut être différé par
l'employeur de telle sorte que le nombre de jours d'absence prévu au
titre des congés ne dépasse pas 2 % du nombre total des
jours de travail effectués dans les douze mois précédant
le départ en congé. Pour permettre le départ en
congé d'un salarié, cette période de douze mois est
prolongée dans la limite de quarante-huit mois.
Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur peut, en
outre, s'opposer au départ d'un salarié en congé pour
création d'entreprise s'il estime, après avis du comité
d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du
personnel, que ce congé aura des conséquences
préjudiciables pour l'entreprise.
A l'issue du congé, le salarié retrouve son
précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une
rémunération au moins équivalente ; il peut aussi
décider de rompre son contrat de travail. Dans tous les cas, il doit
informer l'employeur de ses intentions par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception, au moins trois mois avant la fin de son
congé.
Le texte de la proposition de loi modifie ces articles de façon
à prévoir la possibilité pour tout salarié ayant
24 mois d'ancienneté chez son employeur et souhaitant créer
ou reprendre une entreprise :
- soit d'obtenir un congé création d'entreprise
répondant aux critères actuellement définis, sauf pour le
critère d'ancienneté qui est ramené de 36 à
24 mois ;
- soit de bénéficier d'une réduction de la
durée de travail d'au moins un cinquième de celle applicable
à l'établissement.
Dans ce dernier cas, l'employeur serait, si son entreprise emploie plus de
200 salariés, tenu de faire droit à la demande du
salarié si celle-ci remplit des conditions de délai et de
procédure.
Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur pourrait
refuser le passage au temps partiel s'il peut démontrer que le
changement demandé aurait des conséquences préjudiciables
à la production et à la bonne marche de l'entreprise, comme c'est
actuellement le cas pour les congés pour création
d'entreprise.
Dans tous les cas, le chef d'entreprise aurait le droit de différer de
six mois le début de l'activité à temps partiel.
Votre rapporteur estime que ce dispositif est de nature à faciliter
le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur
. Il
permettra de limiter les risques encourus par les salariés souhaitant
créer leur entreprise en leur permettant de conserver une partie de leur
rémunération ainsi que leur protection sociale.
L'équilibre entre les droits du candidat à la création
de son entreprise et ceux de son employeur semble, par ailleurs,
satisfaisant.
Il apparaît, en effet, difficilement envisageable
d'attribuer aux salariés un droit au temps partiel pour création
d'entreprise sans préserver les intérêts des employeurs, en
particulier, des chefs de petites entreprises. C'est pourquoi, la
possibilité de refuser le passage au temps partiel est maintenue dans
les entreprises de moins de deux cents salariés quand le chef
d'entreprise peut démontrer que le production et la bonne marche de son
entreprise est en cause.
Par ailleurs, il convient de souligner que le salarié
bénéficiant du temps partiel pour création d'entreprise
reste tenu par une obligation de loyauté et de non concurrence que son
contrat de travail contienne ou non une clause de non concurrence. L'exercice
d'une concurrence déloyale, c'est-à-dire, selon la jurisprudence,
entraînant " la désorganisation de l'entreprise ",
" un trouble commercial " ou " une confusion créée
dans l'esprit de la clientèle " peut, en effet, faire l'objet
devant le Conseil des Prud'hommes, d'une action en concurrence déloyale
sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil et cela
même en l'absence de clause de non concurrence dans le contrat de travail.
Votre rapporteur observe que le texte proposé s'inscrit dans la
même perspective que la réforme des règles relatives au
travail à temps partiel opérée par le projet de loi
relatif aux trente-cinq heures dont un des objectifs était de faciliter
pour les salariés le passage à un temps partiel
" choisi ".
La nouvelle rédaction de l'article L.212-4-9 qui en résulte
prévoit, en effet, qu'en l'absence d'accord ou de convention collectifs
sur les conditions de mise en place d'horaires à temps partiel à
la demande des salariés plus favorable, une telle demande "
ne
peut être refusée que si le chef d'entreprise justifie de
l'absence d'emploi disponible ressortissant de la catégorie
professionnelle du salarié ou de l'absence d'emploi équivalent ou
s'il peut démontrer que le changement d'emploi demandé aurait des
conséquences préjudiciables à la production et à la
bonne marche de l'entreprise.
". Il convient de souligner qu'aux
termes de ces dispositions, la charge de la preuve du préjudice à
la bonne marche de l'entreprise encourt à l'employeur.
Le texte de la proposition de loi, qui s'applique spécifiquement aux
salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise, va
cependant plus loin puisqu'il prévoit que le temps partiel pour
création d'entreprise ne peut être refusé dans les
entreprises de plus de 200 salariés.
Dans un souci de
cohérence juridique, votre commission vous propose de reprendre, dans le
texte proposé, la rédaction de l'article L.212-4-9 de
façon à prévoir les mêmes motifs pouvant justifier
le refus d'une demande de passage à un temps partiel dans le cas d'un
temps partiel pour création d'entreprise que dans le cas prévu
par l'article L.212-9.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
III -
Allocation chômage des salariés qui
démissionnent
pour créer leur entreprise
Article 17 -
Maintien des allocations d'assurance
chômage par les salariés qui démissionnent pour
créer leur entreprise
Cet
article tend à accorder le bénéfice de l'allocation
chômage aux salariés qui démissionnent pour créer
leur entreprise.
Le texte proposé par cet article tend à insérer dans le
code du travail le principe selon lequel la démission d'un emploi
salarié en vue de la création d'une entreprise constitue un cas
de démission légitime ouvrant droit aux allocations chômage.
Dans leur rédaction actuelle, les articles L.351-1 et suivants du code
du travail prévoient que les anciens salariés ne peuvent
bénéficier des allocations chômage que s'ils peuvent :
- justifier d'une condition d'activité antérieure
dénommée " période d'affiliation " ;
- être inscrits comme demandeurs d'emploi ;
- n'avoir pas quitté volontairement leur dernière
activité professionnelle ;
- être à la recherche d'un emploi ;
- ne pas dépasser un certain âge ;
- être physiquement aptes à l'exercice d'un emploi.
La condition liée à la privation involontaire de l'emploi
implique que la cessation du contrat de travail doit résulter :
- d'un licenciement ;
- d'une fin de contrat de travail à durée
déterminée ;
- d'une rupture de contrat de travail résultant d'une cause
économique.
Ainsi, la démission pour créer une entreprise, pour
n'être pas une privation involontaire d'emploi est naturellement exclue
du bénéfice des allocations chômage.
Il convient cependant de noter que certains cas de démission ouvrent
droit au maintien des allocations chômage
. Les cas de
démissions considérées comme légitimes sont
énumérés limitativement par les
délibérations n°s 10, 10 bis et 40 de l'Unedic. Il
s'agit de :
- changement de résidence du conjoint, en vue d'occuper un nouvel
emploi (notamment à la suite d'une mutation, d'une démission ou
parce qu'il est privé d'emploi) ; démission du
salarié dont le départ s'explique par un prochain mariage
entraînant un changement de son lieu de résidence ;
- départ volontaire d'un titulaire de contrat
emploi-solidarité ou contrat d'orientation motivé par une reprise
d'emploi ou une entrée en formation ;
- non-paiement des salaires pour des périodes de travail
effectuées, à condition que l'intéressé justifie
d'une ordonnance de référé lui allouant une provision de
sommes correspondant à des arriérés de salaires ;
- démission à la suite d'un acte susceptible d'être
délictueux dont le salarié déclare avoir été
victime à l'occasion de l'exécution de contrat de travail ;
- démission au cours d'une période d'essai d'une
durée maximale de 91 jours, d'un emploi repris après un
licenciement ou une fin de contrat à durée
déterminée sans inscription comme demandeur d'emploi ;
- démission du salarié en vue de reprendre un emploi
salarié à durée indéterminée, avec embauche
effective puis rupture de la période d'essai par l'employeur avant
91 jours ;
- cessation du contrat de travail du salarié titulaire d'un contrat
" de couple ou indivisible " comportant une clause de
résiliation automatique ;
- démission du journaliste faisant jouer la clause de conscience,
à condition qu'il y ait eu versement de l'indemnité de
licenciement ;
- démission pour effectuer une ou plusieurs missions de volontariat
pour la solidarité internationale d'une durée minimum d'un an,
même si la mission a été interrompue avant l'expiration de
cette durée pour cas de force majeure ou fait du prince.
La démission pour création d'entreprise ne figure pas parmi
les cas de démission légitime.
Un salarié souhaitant démissionner pour créer une
entreprise perd donc son emploi de salarié et tous ses droits aux
allocations chômage, qu'il ait cotisé aux régimes de
l'Unedic pendant plusieurs années ou non. La perte de ces droits
intervient, en outre, dans la perspective d'une opération dont on sait
qu'elle comporte un risque non négligeable d'échec. Il faut
souligner que dans ce cas, le salarié démissionnaire ne pourra,
une fois son projet échoué ou son entreprise liquidée,
percevoir aucune allocation chômage. Force est donc de constater que le
salarié démissionnaire n'a, dans ces conditions, guère le
droit à l'erreur.
Ces dispositions expliquent que la plupart des salariés porteurs de
projets de création d'entreprise hésitent à
concrétiser leur projet ou négocient avec leur employeur un
licenciement déguisé.
La situation des demandeurs d'emploi indemnisés suite à un
licenciement est, en effet, nettement plus favorable
.
Dans la phase antérieure à l'immatriculation de sa nouvelle
entreprise, le créateur d'emploi bénéficiant du statut de
demandeur d'emploi indemnisé continue à percevoir ses
allocations, la jurisprudence des commission paritaires des ASSEDIC
considérant que les démarches accomplies en vue de la
création d'en entreprise, constituent des actes positifs de recherche
d'emploi. Il peut également prétendre à l'aide aux
demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) qui
consiste en une exonération de cotisations sociales pendant un an et aux
chéquiers-conseil. Il a enfin la qualité d'assuré social.
Dans la phase postérieure à l'immatriculation de l'entreprise
créée, le versement des allocations de chômage cesse en
principe à la date de création de l'entreprise. Toutefois, les
commissions paritaires des ASSEDIC se prononcent, au cas par cas, sur les
demandes de cumul qui lui sont présentées en fonction de
l'importance de l'activité indépendante et de la
disponibilité de l'intéressé pour la recherche d'un emploi.
Enfin, en cas d'échec, le demandeur d'emploi indemnisé peut se
réinscrire au chômage pendant une période démarrant
à la date d'ouverture de ses droits et égale à la
durée des droits ouverts augmentée de trois ans. Il retrouve
alors le solde de ses droits dans le délai de déchéance
prévu par l'article 35 § 2 du règlement annexé
à la convention d'assurance chômage.
Conscient que cette inégalité de traitement conduit soit
à l'abandon du projet de création d'entreprise, soit à un
licenciement de complaisance, certaines ASSEDIC ont, au cas par cas,
concédé une indemnisation aux salariés qui
démissionne pour créer leur entreprise.
Dans cette perspective, il est dans la pratique conseillé au
salarié démissionnaire de s'inscrire à l'ANPE et de
déposer une demande d'allocation chômage, qui lui sera
vraisemblablement refusée pour cause de chômage volontaire. Cette
démarche lui permettra, au bout de quatre mois, de demander à la
commission paritaire une révision de sa situation, s'il peut prouver
qu'il a recherché activement un emploi. Les démarches en vue de
la création d'une entreprise étant aujourd'hui reconnues comme
des démarches de recherche d'emploi, certaines commissions paritaires
accordent l'indemnisation.
Dans ce contexte, il apparaît tout d'abord que l'indemnisation des
salariés démissionnaires pour création d'entreprise peut
être considéré comme tout aussi justifié que les cas
de démission légitime ouvrant droit aux indemnisations
précitées. Il semble ensuite que les ASSEDIC ne soient pas
défavorables au principe du maintien des allocations chômage aux
salariés démissionnaires pour création d'entreprise et le
mettent en pratique, mais qu'à défaut d'un fondement juridique
incontestable, elles imposent aux créateurs d'entreprise un parcours
administratif pour le moins complexe.
Il faut enfin observer que dans la mesure où, d'une part, ce type
d'indemnisation est déjà pratiqué et, d'autre part, la
majorité des projets de création d'entreprise par des
salariés débouchent sur des licenciements déguisés
entraînant des allocations chômage, le coût d'une
création d'une nouvelle catégorie de démission
légitime destinée aux créateurs d'entreprise sera
réduit. Ce coût devrait être d'autant plus limité
qu'il devrait être compensé par les cotisations liées aux
emplois générés par les créations d'entreprises
induites.
D'un coût modeste, l'indemnisation des salariés
démissionnaires pour création d'entreprise devrait permettre de
conforter la situation du créateur d'entreprise qui disposerait ainsi
d'un filet de sécurité. Une telle mesure s'inscrit, en outre,
dans l'effort d'activation des dépenses d'indemnisation que les pouvoirs
publics prônent depuis de nombreuses années.
Pour ces raisons, le texte proposé par cet article prévoit, pour
donner un fondement juridique incontestable au versement des allocations
chômage aux salariés qui démissionnent pour créer
une entreprise, que par dérogation aux dispositions de l'article
L.351-1, les salariés qui démissionnent pour créer ou
reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole,
soit à titre individuel, soit sous forme d'une société,
à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui
entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée, ont droit
aux allocations prévues aux articles L.351-3 et L.351-10 dans des
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Les articles L.351-3 et L.351-10 du code du travail renvoient respectivement
aux allocations chômage d'assurance et de solidarité.
Ce dispositif concernerait ainsi l'ensemble des salariés souhaitant
créer ou reprendre une entreprise, quel que soit son secteur
d'activité et qu'elle que soit sa forme juridique, entreprise
individuelle ou société, à l'exception des associations,
des groupements d'intérêt économique et des groupements
d'employeurs.
Comme pour l'application de l'article L.351-24 du même code, qui institue
le dispositif EDEN d'avance remboursable pour création ou reprise
d'entreprise, la notion de contrôle effectif doit s'entendre au sens de
l'article R 351-43 du même code aux termes duquel est
considérée comme remplissant la condition de contrôle
effectif de l'entreprise créée ou reprise :
- une personne qui détient, personnellement ou avec son conjoint,
ses ascendants et descendants, plus de la moitié du capital de la
société, sans que sa part personnelle puisse être
inférieure à 35 % de celui-ci ;
- une personne qui a la qualité de dirigeant de la
société et qui détient, personnellement ou avec son
conjoint, ses ascendants et descendants, au moins un tiers du capital de
celle-ci, sans que sa part personnelle puisse être inférieure
à 25 % et sous réserve qu'un autre actionnaire ou porteur de
parts ne détienne pas directement ou indirectement plus de la
moitié du capital.
Le principe du droit à l'allocation chômage pour les
salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise
ainsi posé, votre rapporteur s'est interrogé sur
l'opportunité d'inscrire dans le code du travail les mesures
d'application et de contrôle de ce principe.
Il va de soi que le bénéfice de ces allocations doit, dans ce
cadre, être subordonné à la réalité du projet
de création ou de reprise d'entreprise. Les projets concernés
devront donc faire l'objet d'un contrôle et éventuellement d'un
accompagnement de façon à maximiser les chances de
réussite de ces projets. Tout en évitant d'instaurer une
procédure lourde de formalités, il convient de veiller à
ce que les dispositions ne soient pas détournées de leur objet et
ne viennent alourdir inutilement les charges de l'Unedic.
C'est sans doute dans cet état d'esprit, marqué par une
volonté de contrôle et d'accompagnement des projets, que les
auteurs de la proposition de loi ont prévu l'intervention d'un
décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions dans lesquelles les
personnes concernées pourront bénéficier des allocations
en cause. Il est envisageable de prévoir un dispositif qui permette de
déléguer le contrôle de la réalité des
projets à des organismes tiers chargés du suivi de la
création d'entreprise, tels que les organismes intervenant dans le cadre
de l'avance remboursable prévu par le dispositif EDEN. Le contrôle
consisterait ainsi non seulement en une vérification, mais
également en une amorce d'accompagnement dont on pourrait imaginer qu'il
soit, le cas échéant, rendu obligatoire pour obtenir les
allocations.
Votre commission estime cependant qu'il ne revient ni à la loi ni aux
décrets d'organiser la mise en oeuvre de cette disposition mais aux
partenaires sociaux dans le cadre de l'UNEDIC.
S'il revient à la loi
d'introduire une dérogation à un principe qu'elle avait
préalablement fixé, comme c'est ici le cas avec la condition de
perte involontaire d'un emploi, il revient aux partenaires sociaux de
déterminer par voie d'accord, conformément à l'article
L.351-8 du code du travail les mesures d'application des règles et
dispositions législatives relatives à l'assurance chômage.
Ainsi, votre commission vous propose-t-elle de remplacer la
référence au décret en Conseil d'Etat par celle d'un
accord prévu par l'article L.351-8 du code du travail, ainsi de renvoyer
aux partenaires sociaux le soin de définir dans le cadre de l'Unedic les
mesures d'application du présent article.
Elle vous propose également de ne pas faire référence
à l'article L.351-10 qui vise le régime de l'allocation de
solidarité spécifique destinée aux personnes qui ont
épuisé leur droit à l'allocation d'assurance.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE IV
-
PROMOTION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
CHAPITRE I
er
-
Agence de défense et de promotion
des petites et moyennes entreprises
Votre commission vous propose d'intituler ce chapitre " Conseil national de la création d'entreprises ".
Article 18 -
Création et missions de
l'Agence de défense et de promotion
des petites et moyennes
entreprises - Conseil national de la création d'entreprise
Cet
article prévoit la création d'une Agence de défense et de
promotion des petites et moyennes entreprises, dont il définit les
missions.
Le soutien public aux PME : éparpillement et
complexité
Votre rapporteur avait été frappé, lors de la mission
d'information
63(
*
)
qu'il avait
conduite aux Etats-Unis sur les enseignements à tirer pour l'aide aux
PME françaises du rôle joué par la Small business
Administration (SBA), du
contraste entre l'efficacité, outre
Atlantique, d'une structure administrative puissante et unifiée d'aide
aux PME et la faiblesse d'un système français d'accompagnement
relativement éclaté
, qui était d'ailleurs, au sens de
votre commission, le reflet d'une culture administrative et politique
traditionnellement étrangère aux préoccupations des
petites entreprises.
Le rapport précité de votre commission faisait d'ailleurs un
certain nombre de propositions sur la base de cette analyse, dont celle de
créer un " Office de défense " des PME sur le
modèle de " l'Office of advocacy " placé auprès
de la SBA, structure de réflexion qui remplirait le rôle d'un
observatoire des PME, qui serait chargé de simplifier les
procédures administratives et de développer un
" réflexe PME " auprès des décideurs publics.
Le diagnostic de l'éparpillement français n'a pas
été infirmé par le rapport d'information
précité de M. Eric Besson, même si ce dernier en tire
des conséquences différentes de celles de la proposition de
loi
64(
*
)
en matière de
rationalisation des réseaux de soutien existants.
Ce rapport rappelle ainsi : "
qu'environ 3.000 structures
interviennent en soutien des créateurs, chiffre qui n'intègre pas
les interventions, par nature ponctuelles, des professions libérales,
les experts-comptables par exemple.
"
"
Dans la sphère publique
, l'accueil et
l'orientation du créateur d'entreprise sont de plus en plus
intégrés par les
structures de développement local ou
d'expansion économique
dont se dotent régions,
départements, communes (...).
" Etablissements publics ne se percevant pas toujours comme tels, les
" consulaires " (
Chambres de commerce et d'industrie, Chambres de
Métiers
) consacrent une part de leurs activités et de leurs
ressources à l'accompagnement du créateur.
" (...) La France connaît, par ailleurs, un net renforcement des
réseaux associatifs d'aide à la création
d'entreprises
".
Ce rapport juge sévèrement l'efficacité de ce
système, à son sens "
globalement peu
performant
" car "
peu lisible pour le
créateur
" :
"
Interrogés lors de tables rondes organisées pour la
préparation de ce rapport, les créateurs se sont
quasi-unanimement plaints de
l'absence de lisibilité du
dispositif
.
" Si plusieurs indiquent avoir, après tâtonnements
successifs, fini par rencontrer une personne ou une structure efficaces,
beaucoup expliquent avoir perdu beaucoup de temps à réunir la
première information nécessaire, disent avoir été
dans un premier temps mal accueillis, mal orientés, mal
informés
".
Comment s'étonner dès lors qu'un créateur sur dix
seulement soit accompagné ?
Le rapport poursuit en mettant en
avant le fait que la complémentarité entre les réseaux est
"
insuffisante
", la gestion des ressources humaines
"
déficiente
" et le coût du système
croissant en argent public.
Le rapport de conclure : "
la simplification, le regroupement et
la coopération entre les principales structures d'appui apparaissent aux
créateurs comme une nécessité absolue
".
S'il n'y a, dans ces propos, rien de nouveau par rapport aux conclusions de
votre commission en 1997, votre rapporteur relève toutefois l'existence
d'un consensus croissant autour de cet objectif.
L'Agence de défense des PME dans la version de la proposition
de loi
Votre commission est convaincue que la culture juridique et l'organisation
administrative de notre pays ne font pas encore toute la place qui lui revient
à la petite entreprise. Pour intégrer cette préoccupation
à tous les stades de l'action publique, de la conception de la
réglementation à l'action de terrain et à l'organisation
des structures de soutien aux entreprises, la proposition de loi propose de
mettre en place une "
Agence de défense et de promotion des
PME
", inspirée de la Small Business Administration
américaine -et plus précisément de son "
Office of
advocacy
"-, modèle qui a prouvé son efficacité
depuis près de 50 ans et qui a largement fait école de par
le monde.
Cette structure, conçue comme une force de proposition
indépendante, bien que située au coeur de l'Etat, aurait pour
vocation :
- de proposer, dans les six mois à compter de sa
création, des améliorations du
système de soutien
public des PME,
et en particulier de l'organisation centrale et
territoriale de l'Etat et des autres institutions et associations publiques, en
vue d'une meilleure prise en compte des petites entreprises, d'une
rationalisation des structures et de leur mise en réseau ;
- de veiller, en tant que groupe de pression " institutionnel ",
à
l'adaptation permanente de la réglementation
aux besoins
des jeunes entreprises ;
- de faire toutes études, évaluations et propositions
qu'elle estime souhaitables pour l'intérêt des jeunes entreprises
dans notre pays, en particulier au travers
d'un rapport annuel sur l'Etat
des jeunes entreprises
;
- de veiller à l'application de la
"
préférence PME
" pour l'attribution des
marchés publics (voir le commentaire de l'article 20 de la
proposition de loi ci-dessous).
L'Agence de défense et de promotion des PME ne doit en aucun cas, au
sens de votre commission, être un organisme de plus venant alourdir -au
lieu de le simplifier- le paysage français de soutien à la
création d'entreprises.
De l'Agence au Conseil national de la création d'entreprise
Dans cette optique, votre commission estime que cette agence, qu'elle vous
propose de rebaptiser " Conseil national de la création
d'entreprise ", pourrait être constituée à partir de
l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) et du Conseil national de
la création d'entreprise (CNCE) dont elle reprendrait, notamment, les
attributions et, s'agissant de l'APCE, les services et le budget.
Le CNCE
La composition et les missions du CNCE, mis en place par le
précédent ministre des PME, notre collègue Jean-Pierre
Raffarin, sont fixées par un arrêté du 16 mai 1997,
dont on trouvera ci-dessous le texte :
ARRÊTÉ RELATIF AU CNCE
Art.
1
er
. - Il est créé un Conseil national de la
création d'entreprises, présidé par le ministre
chargé des petites et moyennes entreprises.
Art. 2. - Le Conseil national de la création d'entreprises est
chargé d'identifier et de valoriser les voies et moyens de nature
à favoriser la création et le développement d'entreprises
pérennes en France.
Son secrétariat est assuré par l'Agence nationale pour la
création d'entreprises.
Art. 3. - Le Conseil national de la création d'entreprises est
constitué :
de représentants, membres de droit, des ministères
chargés :
- de l'éducation nationale ;
- de la recherche ;
- de l'aménagement du territoire ;
- de la ville ;
- de l'économie ;
- du budget ;
- des affaires étrangères ;
- de la jeunesse et des sports ;
- de l'outre-mer ;
- du travail ;
- du travail ;
- des affaires sociales ;
- de l'industrie ;
- de la justice ;
- des collectivités territoriales.
De chefs d'entreprises et de personnalités qualifiées,
nommés par arrêté du ministre chargé des petites et
moyennes entreprises.
Art. 4 - Le présent arrêté sera publié au Journal
officiel de la République française ".
Le CNCE a un rôle, important, d'instance de réflexion et de
concertation, réunissant un ensemble de personnalités de
l'entreprise, de l'éducation, les principaux organismes territoriaux et
professionnels, les représentants des secteurs ministériels
concernés et des parlementaires.
Il est un lieu où peut s'organiser la complémentarité et
la synergie des principaux acteurs, s'améliorer la connaissance et
s'expérimenter de nouvelles formes d'accompagnement des
créateurs. C'est aussi un lieu privilégié pour proposer
des modifications et des innovations législatives et
réglementaires.
Sa réflexion a d'ailleurs largement enrichi les travaux de votre
commission.
Il paraît donc opportun de lui conférer une existence
législative, tout en étoffant et précisant ses missions,
mais en ne figeant pas, dans la loi, sa composition, votre rapporteur
souhaitant y voir figurer un nombre plus important de personnalités
directement issues du monde de l'entreprise.
L'APCE
L'Agence pour la création d'entreprises est une association dont
l'existence est explicitement mentionnée par l'arrêté
cité ci-dessus, qui a pour mission de :
- faire vivre le CNCE et animer son travail ;
- mettre à sa disposition une banque de données sur tout ce
qui se fait en France et à l'étranger sur la création
d'entreprises ;
- élaborer des guides des aides pour éclairer les
créateurs sur les réseaux qui existent et leur donner les
informations précises dont ils ont besoin.
L'APCE a bien rempli la mission que lui a confiée le Gouvernement
puisqu'à l'heure actuelle, la connaissance de l'univers de la
création d'entreprises repose essentiellement sur son travail :
elle a joué le rôle " d'observatoire des PME " notamment
dévolu à " l'Office of advocacy " de la SBA
américaine.
Elle est présentée dans les termes suivants par la commission
" Accompagnement des créateurs " du CNCE : "
l'ex
ANCE, l'APCE, a été repositionnée par les pouvoirs publics
et a donc abandonné certaines de ses missions opérationnelles
afin de développer son observatoire de la création d'entreprises
en France, d'élaborer des produits multimédias accessibles aux
opérateurs et aux porteurs d'idées et de projets, de promouvoir
la création dans toutes les strates de la société
française, d'être un creuset d'idées, de produits et de
méthodes pour l'Etat et un centre de ressources pour tous les
professionnels de la création et de la reprise d'entreprises, ainsi que
pour les créateurs eux-mêmes
".
C'est dans l'optique de ne pas voir naître une énième
structure concurrente des instances actuelles que
votre commission vous
propose
, à cet article :
- de supprimer la mention à une nouvelle " Agence " et de
mettre en son lieu et place le nom de " Conseil national de la
création d'entreprise ", ce qui peut revenir, en pratique, à
consacrer l'existence du CNCE et à étoffer substantiellement ses
missions ;
- d'alléger quelque peu la rédaction. Ainsi, au
quatrième alinéa, il serait indiqué que les avis de ce
Conseil seraient rendus publics, sans prévoir de formalisme particulier
pour cette publicité. De même, le Conseil serait chargé
d'évaluer, dans son rapport annuel, l'application du système de
" préférence PME " pour les marchés publics, le
dernier alinéa étant, en conséquence, supprimé. En
outre, le troisième alinéa, relatif à la rationalisation
des structures d'aide aux PME, serait supprimé.
Par souci de clarté rédactionnelle, le rapport annuel du Conseil
(5
e
alinéa) serait "
remis
" au
Président de la République et "
transmis
" au
premier ministre et au Parlement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Article 19 -
Composition et fonctionnement de
l'Agence de promotion et de défense des petites et moyennes entreprises
Cet
article de la proposition de loi fixe les règles de composition et de
fonctionnement de l'Agence de promotion et de défense des petites et
moyennes entreprises.
La rédaction de la proposition de loi
Dans la rédaction de la proposition de loi, cet article précise
que l'Agence de promotion et de défense des petites et moyennes
entreprises est composée de 15 membres :
- 5 députés ;
- 5 sénateurs ;
- 5 personnalités qualifiées nommées par
décret pour trois ans en raison de leur expérience du monde
de l'entreprise.
Des règles sont posées pour son mode de fonctionnement :
- la présidence est alternativement exercée pour 3 ans
par un député et un sénateur ;
- le quorum de délibération est de 7 membres sur
15 ;
- l'Agence établit un règlement intérieur ;
- ses membres et agents sont soumis au secret professionnel ;
- les crédits nécessaires à l'Agence sont inscrits au
budget du ministère chargé des PME.
Dans l'optique de ne pas alourdir, comme cela a été
développé dans le commentaire de l'article
précédent, le paysage administratif français,
votre
commission
n'a pas souhaité intégrer cet article à ses
conclusions.
En conséquence, votre commission n'a pas repris, dans ses
conclusions, cet article de la proposition de loi.
CHAPITRE
II -
Marchés publics réservés au petites et
moyennes entreprises
Votre commission vous propose d'adopter un titre plus conforme au contenu de ce chapitre : " Accès des PME aux marchés publics ".
Article 20 -
Institution d'une
" préférence PME " dans les marchés publics
Cet
article tend à instaurer dans les marchés publics une
préférence pour les PME, en cas d'offres équivalentes.
Disposant de moyens plus limités pour accéder à
l'information sur les besoins des acheteurs, pour suivre les différentes
phases de la procédure de passation des marchés et pour
maîtriser les contraintes d'une procédure, par ailleurs, trop
complexe,
les PME accèdent peu aux marchés publics
, et le
plus souvent en tant que sous-traitantes, dans des conditions parfois peu
satisfaisantes.
- Un accès difficile des PME aux marchés publics
Une enquête menée pour le compte de la BDPME montre que les
principales raisons évoquées par les entreprises pour ne pas
travailler ou travailler irrégulièrement avec le secteur public
sont la méconnaissance des offres, la complexité des
procédures et les délais de paiement.
Les principaux résultats de cette étude sont retracés
ci-dessous :
LES
DIFFICULTÉS DES PME FACE AUX MARCHÉS PUBLICS
Fréquence des principales raisons déclarées par les
entreprises pour ne pas travailler ou travailler irrégulièrement
avec le secteur public, en pourcentage
Alors
que les pouvoirs publics s'efforcent de soutenir le développement des
PME, il est paradoxal de constater qu'ils n'utilisent guère, dans cet
objectif, l'achat public, qui pourrait se révéler être un
instrument extrêmement efficace.
Votre rapporteur a pu observer, aux Etats-Unis, combien la politique de la
Small Business Administration, qui a mis en place dans l'ensemble des Etats
américains un dispositif de part réservataire destinée aux
PME
65(
*
)
, était efficace.
S'il eut été sans doute déraisonnable de vouloir
reproduire trait pour trait en France ce système américain d'aide
aux PME,
il paraît nécessaire de faire de l'ouverture des
marchés publics aux PME un objectif prioritaire de la réforme du
code des marchés publics.
Les auteurs de la proposition de loi ont pu constater, lors des travaux du
groupe de travail " Nouvelles entreprises et territoires " que cette
réforme des marchés publiques était attendue avec une
certaine impatience par l'ensemble des acteurs économiques et, en
particulier, les PME. Un premier projet de loi, élaboré à
la suite d'une large concertation et d'un rapport approfondi de M.
Trassy-Paillogues, ancien député de Seine-Maritime, avait
été déposé en mars1997 devant l'Assemblée
nationale, qui n'a pu l'examiner en raison du changement de majorité.
Depuis, le nouveau Gouvernement a annoncé le dépôt d'un
nouveau texte, dont il a rendu publiques les principales orientations. Aucun
calendrier n'est cependant prévu pour l'examen de ce texte, dont il est
probable qu'il ne sera pas examiné avant la fin de la session.
- Des dispositions qui remédient au silence actuel du code des
marchés publics.
Aussi, pour répondre à cette attente, la proposition de loi
prévoit plusieurs dispositions en faveur d'une plus grande ouverture des
marchés publics aux PME, dont l'extension à l'ensemble des PME
des mécanismes d'attribution préférentielle des
marchés publics, en cas d'offre équivalente, existant
actuellement en faveur des sociétés coopératives
ouvrières de production (SCOP).
Le premier paragraphe du texte proposé rappelle les principes
généraux qui président à l'ensemble des
procédures de passation des marchés publics : principes de
libre concurrence et d'égalité de traitement entre les candidats
aux marchés publics. Ces principes, qui constituent des applications des
principes, plus généraux, que sont l'égalité des
citoyens devant les charges publiques et la liberté d'entreprendre, sont
actuellement énumérés par l'article 47 du code des
marchés publics, qui est de nature réglementaire.
Ce rappel, qui tend ainsi à inscrire le dispositif proposé dans
un cadre législatif respectueux de la libre concurrence, n'a cependant
qu'une valeur normative limitée dans la mesure où il se limite
à rappeler le droit existant.
Le second paragraphe du texte proposé par cet article dispose
qu'en-dessous d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, par
dérogation au paragraphe précédent, les marchés
publics doivent être, en cas d'offre équivalente,
réservés aux entreprises qui comptent moins de cinquante
salariés, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50
millions de francs, et dont le capital est détenu majoritairement par
des personnes physiques ou des personnes morales détenues par des
personnes physiques.
Dans sa rédaction actuelle, le code des marchés publics ne
permet pas de privilégier l'accès des PME aux marchés
publics
. Marqué par le double sceau de l'égalité des
chances des candidats et du souci de la libre concurrence, le droit des
marchés publics ne prévoit, en effet, que de très rares
exceptions à ces principes.
Seuls les artisans, les sociétés coopératives d'artisans,
celles d'artistes ainsi que les sociétés coopératives
ouvrières de production bénéficient, aux termes des
articles 61 et suivants et 26 et suivants, d'une situation juridique
privilégiée qui favorise leur accès à la commande
publique. Parmi les discriminations positives dont bénéficient
ces entreprises
, il convient de souligner que les articles 62, 70, 71,
261, 267 et 268 du code des marchés publics instaurent un système
de préférence, à offres équivalentes, en faveur des
sociétés coopératives ouvrières de production
(SCOP).
Ce dispositif n'élude pas toute mise en concurrence puisque
les marchés demeurent ouverts à tous les candidats, la
préférence ne jouant qu'à offre équivalente et la
concurrence étant maintenue entre les sociétés
bénéficiaires de ces dispositifs.
Le code des marchés publics ne permet pas aux acheteurs publics, ne
serait-ce que ponctuellement, de mettre en place un dispositif similaire en
faveur des PME
. Si de nombreuses circulaires
ministérielles
66(
*
)
ont
incité les maîtres d'ouvrage à favoriser l'accès des
PME aux marchés publics, les juridictions administratives n'ont jamais
reconnu la portée réglementaire de ces circulaires et ont le plus
souvent souligné la contradiction entre leur objectif et ceux poursuivis
par le code des marchés publics.
Ainsi, le Conseil d'Etat a-t-il souligné dans les considérants de
l'arrêt du 13 mai 1987 " Société Warmer
Isofi Isolation " que : "
quel que
soit
l'intérêt général qui s'y attache, la
répartition équilibrée des marchés entre les
petites, les moyennes et les grandes entreprises n'est pas au nombre des
objectifs que les dispositions du code des marchés publics visent
à atteindre ".
Il a considéré en
conséquence qu'en recommandant aux responsables des marchés
d'écarter les candidatures de certaines entreprises au seul motif que
leur chiffre d'affaires serait trop important au regard du montant des
marchés, la directive ministérielle du 15 décembre 1977 a
pour effet d'introduire une discrimination qui n'est pas en rapport avec
l'objet de la réglementation des marchés publics, et de porter
ainsi une atteinte injustifiée à l'égalité de
traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates
à la présentation d'une offre.
Les auteurs de la proposition de loi ont, dans ce contexte,
considéré que seule l'inscription dans le droit des
marchés publics du principe d'une préférence, à
offre équivalente, en faveur des PME, permettrait d'ouvrir plus
largement les achats publics à cette catégorie d'entreprises.
Dans cette perspective, il est proposé d'étendre aux PME les
mécanismes d'attribution préférentielle des marchés
publics existant en faveur des coopératives. Le dispositif
proposé présente plusieurs caractéristiques qu'il convient
de souligner.
- Des modalités pratiques qui respectent la législation
communautaire.
Le dispositif proposé se situe, tout d'abord, en deçà
d'un seuil dont la fixation est renvoyée à un décret en
Conseil d'Etat
. Il est apparu, en effet, nécessaire pour ne pas
contrevenir aux différentes directives européennes sur les
marchés publics de se situer en dessous des seuils communautaires.
Depuis 1971, de nombreuses directives sur les marchés publics ont
progressivement réglementé l'ensemble des marchés publics
afin d'éliminer toute discrimination entre candidats susceptible
d'entraver la mise en place du marché unique.
LES SEUILS COMMUNAUTAIRES
MARCHES |
Seuil (en francs hors TVA) |
|
Etat et ses établissements publics à l'exception des EPIC |
|
|
|
Fournitures |
900.000 |
|
Services |
900.000 |
|
Travaux |
32 700.000 |
Collectivités territoriales et leurs établissements publics |
|
|
|
Fournitures |
1 300.000 |
|
Services |
1 300.000 |
|
Travaux |
32 700.000 |
En
offrant la possibilité de se situer au-dessous de ces seuils, par
ailleurs élevés, le texte proposé tend ainsi à
prémunir ce dispositif contre tous risques d'incompatibilité avec
le droit communautaire. Le dispositif étant, en outre, ouvert à
l'ensemble des PME des Etats membres de la Communauté et sans formalisme
particulier susceptible de constituer une entrave indirecte à la
liberté de prestation,
il est également en conformité
avec les principes établis par les traités instituant la
communauté européenne
et en particulier la liberté de
prestation. Il exclut en particulier le recours, comme c'est le cas pour le
régime des SCOP, à une liste des entreprises susceptibles de
bénéficier de cette préférence, les entreprises
n'ayant, en effet, dans le dispositif proposé, qu'à faire valoir
lors de chaque consultation qu'elles remplissent bien les critères
définis par la loi.
Il convient, en outre, d'observer à ce propos que le droit communautaire
apparaît au regard de la jurisprudence de la CJCE plus ouvert que le
droit français à l'introduction de critères d'attribution
additionnels. Dans un important arrêt du 28 septembre 1988 (aff. 31/87
Beentjes BV c/Etat des Pays-Bas), la Cour de Justice des Communautés
européennes a, en effet, décidé que, en dehors même
du cadre des critères de la directive Travaux et en dehors de la
directive elle-même, les pouvoirs adjudicateurs peuvent poser des
conditions supplémentaires de participation. Elle admet notamment
l'introduction de préoccupations d'ordre social dans les marchés
publics dès lors qu'elles ne sont pas génératrices de
discriminations entre soumissionnaires des différents Etats membres et
qu'elles ont été annoncées dans l'avis de marché.
Le mécanisme d'attribution préférentielle aux PME
proposé ne joue ensuite qu'à offre équivalente
. Il ne
peut ainsi avoir pour conséquence de fausser la concurrence et d'imposer
aux acheteurs publics une règle qui pourrait nuire à la
qualité de leur achat ou entraîner des dépenses
supplémentaires. Il se distingue du point de vue du mécanisme dit
du " quart réservataire " qui impose dans certains
marchés, aux acteurs publics, de réserver un quart des lots aux
SCOP.
Il s'inspire, en revanche, largement des dispositions de l'article 62 du
code des marchés publics, qui prévoit que lors de la passation
d'un marché, un " droit de préférence est
attribué, à égalité de prix ou équivalent
d'offres [...] à la soumission de l'offre présentée par
une société coopérative ouvrière de
production ", en les étendant à l'ensemble des PME.
La notion d'offre équivalente s'entend ici aux regards des
critères traditionnels de sélection des offres notamment
visés par les articles 89, 95 et 97 bis, à savoir le
prix des prestations, leur coût d'utilisation, leur valeur technique, et
leur délai d'exécution mais également aux critères
additionnels spécifiés préalablement dans le
règlement de la consultation.
- Un mécanisme ciblé sur les petites entreprises
indépendantes.
Le mécanisme d'attribution préférentielle s'adresse
enfin aux petites PME indépendantes définies à travers
trois critères :
1°.
moins de 50 millions de chiffre d'affaires
;
2°.
moins de 50 salariés
;
3°.
un capital détenu majoritairement par des personnes
physiques ou des personnes morales
.
A travers ces trois critères, le dispositif proposé vise les
petites entreprises indépendantes.
Les trois critères proposés correspondent aux critères
traditionnellement retenus pour définir les PME. Si le critère du
nombre de personnes occupées est certainement l'un des plus
significatifs, l'introduction d'un critère financier est un
complément nécessaire pour appréhender la véritable
importance d'une entreprise, ses performances et sa situation par rapport
à la concurrence. L'indépendance est apparue également
comme un critère fondamental dans la mesure où une PME qui
appartient à un grand groupe dispose de moyens et de soutien que n'ont
pas leur concurrentes de taille équivalente.
Les seuils retenus -50 personnes, 50 millions de chiffre d'affaires-
correspondant, par ailleurs, à une définition assez stricte des
PME. Au niveau communautaire, le seuil retenu pour les PME est, en effet, de
250 salariés et nombreuses statistiques nationales retiennent le
critère de 500 salariés.
Or si l'on s'en tient au seul critère du nombre de salariés, les
PME de moins de 250 salariés - appartenant ou non à des
grands groupes- recueillent 72 % du montant des marchés publics de
travaux, comme l'illustre le tableau suivant.
MONTANT DES TRAVAUX SELON LE MAÎTRE D'OUVRAGE PUBLIC ET LA TRANCHE D'EFFECTIF DE L'ENTREPRISE, SANS PRISE EN COMPTE DU CRITÈRE DE L'INDÉPENDANCE
Unité en millions de francs
Tranches d'effectifs |
Total |
% |
0 salarié |
3.166 |
2 |
1 à 9 salarié(s) |
29.256 |
16 |
10 à 49 salariés |
59.863 |
33 |
50 à 249 salariés |
39.487 |
22 |
Total PME |
131.772 |
72 |
250 salariés |
51.797 |
28 |
TOTAL |
183.569 |
100 |
Source : Enquête annuelle d'entreprise de
construction - 1995 -
SES/DAEI Ministère de l'Equipement, du Transport et du
Logement.
Avec 250 salariés, le seuil en matière de marché public ne
serait pas véritablement sélectif. Considérant qu'il y a
lieu de fixer des seuils assez stricts pour définir les PME
concernées, afin que le dispositif qui leur est destiné profite
véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un
handicap, votre commission a en conséquence approuvé le choix du
seuil de 50 salariés.
A ce seuil correspond en moyenne un chiffre d'affaires de 50 millions qui
apparaît donc un seuil approprié et d'ailleurs repris dans de
nombreux dispositifs.
Le critère de l'indépendance est enfin celui habituellement
retenu par les dispositifs en faveur des PME indépendantes, tel que, par
exemple, celui initialement retenu pour les fonds communs de placement dans
l'innovation issus de la loi du 30 décembre 1996. Il s'agit,
à travers la détention majoritaire par des personnes physiques ou
des personnes morales directement détenues par des personnes physiques
d'écarter ainsi du dispositif les filiales des grands groupes qui,
profitant des moyens et des soutiens d'un grand groupe, n'ont pas vocation
à bénéficier d'un dispositif tendant à compenser le
handicap des petites entreprises indépendantes.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi, sous réserve de deux modifications.
Elle a tout
d'abord estimé que le rappel du droit existant au premier alinéa
n'avait pas de portée normative et l'a, en conséquence,
supprimé.
Afin de lever une ambiguïté
, votre commission a ensuite
souhaité préciser, au dernier alinéa, qu'il s'agit
d'entreprises majoritairement détenues par des personnes physiques ou
par des personnes morales
directement
détenues par des personnes
physiques.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
III -
Allotissement des marchés publics
Article 21 -
Allotissement des marchés publics
Cet
article tend à confirmer dans son principe le recours à
l'allotissement afin de favoriser l'accès des PME aux marchés
publics.
Cet article dispose, après avoir rappelé qu'aucune prestation ni
aucun ouvrage ne peut être scindé en vue d'être soustrait
aux procédures applicables aux marchés publics, que les
prestations et travaux peuvent néanmoins, si leurs
caractéristiques ou les conditions de leur exécution le
permettent, être réparties en lots homogènes donnant lieu
à un marché distinct.
Le texte proposé par cet article consacre ainsi la dévolution
de marchés de travaux ou de prestation par lots
séparés
. L'allotissement consiste, en effet, à
répartir un marché en lots susceptibles de faire l'objet d'une
attribution distincte.
Contrairement à la dévolution à une entreprise
générale qui le plus souvent a recours à une
sous-traitance, l'allotissement permet un accès direct des PME à
la concurrence publique.
Il convient de souligner que le choix entre une
dévolution en lots séparés ou en entreprise
générale entraîne plusieurs conséquences
importantes.
Dans le cas de l'allotissement, le maître de l'ouvrage divise son
opération en lots et passe des contrats avec différents
entrepreneurs et le cas échéant un maître d'oeuvre. La
coordination est assurée par le maître d'oeuvre, le principal
entrepreneur, ou par les services techniques du maître de l'ouvrage.
Dans le cas d'une entreprise générale, le maître de
l'ouvrage signe un seul acte d'engagement avec une entreprise
générale, qui sous-traite une partie de son marché
à d'autres entreprises. L'entreprise générale assure, en
outre, la coordination des opérations.
La répartition des responsabilités est également
différente : en cas de recours à une entreprise
générale, celle-ci devra assumer les conséquences d'une
défaillance de l'un de ses sous-traitants. A contrario, dans le cadre de
l'allotissement, c'est le maître d'ouvrage ou donneur d'ordre qui devra
s'efforcer de trouver une société capable de remplacer dans les
plus brefs délais l'un de ses cocontractants directs défaillant.
Une autre différence doit également être soulignée.
Le recours à une entreprise générale implique la
conclusion d'un contrat à un montant donné, pour une prestation
globale. En pratique, ce n'est qu'une fois le marché conclu que
l'entreprise générale passe un contrat avec les entreprises de
sous-traitance qu'elle doit légalement faire accepter et agréer
par le maître d'ouvrage.
Ce déroulement chronologique a une incidence financière
majeure : l'entreprise générale doit rester dans le cadre du
montant du marché, et ne peut le dépasser. L'offre qui a
motivé le choix du maître de l'ouvrage ne peut pas être
modifiée une fois le marché conclu. Les sous-traitants de
l'entreprise générale, qui par définition sont des
entreprises de petite taille, devront réduire globalement leurs marges
s'ils souhaitent entrer dans la fourchette du titulaire du marché. Le
phénomène est encore plus frappant, en cas de sous-traitance en
chaîne : les sous-traitants de second rang devant tenir compte de la
marge bénéficiaire déjà prise par le sous-traitant
de l'entreprise générale.
L'allotissement permet, dans ce contexte, d'éviter la captation des
marges bénéficiaires par les entreprises générales
et peut limiter les risques d'impayés qu'entraîne le recours
à la sous-traitance en cascade.
Le texte proposé par cet article consacre au niveau législatif le
recours à l'allotissement qui est actuellement visé par les
articles 77 et 274 du code des marchés publics.
Dans leur
rédaction actuelle issue du décret n° 92-1310 du 15
décembre 1992, ces articles n'autorisent le recours à
l'allotissement que "
lorsque le fractionnement est susceptible de
présenter des avantages techniques et financiers
". La
rédaction retenue par les auteurs de la proposition de loi ne soumet le
recours à l'allotissement à aucune condition financière,
considérant que l'accès des PME aux marchés publics
constituait un des objectifs justifiant le recours à ce mode de
dévolution
.
Le texte proposé par cet article laisse, par ailleurs, le
maître d'ouvrage seul juge de l'opportunité de recourir à
l'allotissement
. Il apparaît, en effet, que si l'allotissement
constitue une voie intéressante permettant l'accès direct des
entreprises à l'achat public, il n'est pas adapté à tous
les marchés, ni aux possibilités de tous les maître
d'ouvrages. La gestion d'un marché à lots séparés,
plus lourde que le marché unique, peut, en effet, être
pénalisante pour les petites maître d'ouvrage.
Le recours à l'allotissement est néanmoins soumis à deux
conditions. Il est tout d'abord précisé que les marchés
peuvent être répartis en lots homogènes donnant lieu
à un marché distinct "
si leurs caractéristiques
ou les conditions de leur exécution le permettent
". Cette
précision vise à souligner que l'allotissement ne saurait
s'appliquer à des opérations dont les caractéristiques
techniques n'autorisent logiquement aucun fractionnement par lots.
Ce critère doit être rapprochée d'une seconde condition
figurant au début du texte proposé par cet article qui rappelle
le principe selon lequel aucune prestation ni aucun ouvrage ne peut être
scindé en vue d'être soustrait aux procédures applicables
aux marchés publics afin d'éviter le détournement de ce
dispositif.
Comme l'a observé le Conseil de la Concurrence dans son avis
n° 96-A-08 du 2 juillet 1996 sur l'avant-projet de loi
Galland, qui proposait une disposition similaire, la pratique consistant
à diviser un marché en plusieurs marchés d'un montant
moins élevé, et inférieur aux seuils prévus par le
code des marchés publics, a pu être utilisée en vue de
soustraire à l'appel public à la concurrence des fournitures,
prestations ou travaux. C'est pourquoi il avait proposé que "
la
pratique de l'allotissement soit autorisée lorsque le permettent les
circonstances, la nature des travaux, etc, mais que soient interdits les
procédés visant à éviter les appels à la
concurrence en divisant artificiellement un marché de sorte que le seuil
ne soit pas atteint et préconisé une rédaction dont se
sont inspirés les auteurs de la proposition de loi ".
S'inspirant de ces observations, la proposition de loi tend ainsi à
prévenir tout détournement du dispositif.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE
IV -
Délais de paiement des marchés publics
Article 22 -
Délais de paiement des marchés
publics
Cet
article tend à préciser les modalités de
détermination des délais de mandatement des marchés
publics et à généraliser le règlement par lettre de
change-relevé.
Le texte proposé par cet article tend à préciser les
règles relatives aux délais de paiement des marchés
publics.
Si les délais de paiement des marchés publics sont, pour une part
importante, imputables à des difficultés de trésorerie ou
même de financement des administrations publiques, cette explication
n'est cependant pas exclusive. Pour partie, les retards dans le paiement des
achats publics sont, en effet, liés au fonctionnement des services
chargés de l'exécution de la dépense. Dans ce contexte,
l'article 22 de la proposition de loi tend à travers une modification
des modalités de paiement à contribuer à améliorer
les délais de paiement.
Le premier alinéa du texte proposé par cet article rappelle
l'existence d'un délai maximal pour le mandatement des sommes dues aux
titulaires de marchés.
Ce rappel, nécessaire à
l'économie de l'article, reprend le principe qui figure actuellement
à l'article 178 pour les marchés de l'Etat du code des
marchés publics.
Le code des marchés publics prévoit, en effet, que seul est pris
en considération le délai s'écoulant à partir, soit
de la survenance d'un terme préfixé, soit de la
présentation par le fournisseur de sa demande de paiement jusqu'au
mandatement par l'administration des sommes dont elle se reconnaît
débitrice. Ainsi, ni les délais nécessaires au comptable
pour payer la dépense mandatée, ni ceux qui s'écoulent
avant que le compte du bénéficiaire soit effectivement
crédité ne sont pris en compte.
Le délai de droit commun, déterminé par l'article 178
du Code des marchés publics, s'applique aux acomptes de toutes les
catégories de marchés, ainsi qu'aux règlements partiels
définitifs ou aux soldes, respectivement des marchés de
fournitures courantes et de services et des marchés de prestations
intellectuelles, quelle que soit leur durée d'exécution. Le
délai de droit commun s'applique également aux marchés de
travaux, aux marchés industriels, mais seulement lorsque leur
durée d'exécution est égale ou inférieure à
six mois, ainsi qu'aux travaux sur mémoires et aux achats sur factures.
Pour les marchés de l'Etat, le délai de droit commun, qui
était précédemment de quarante-cinq jours, a
été réduit à trente-cinq jours à compter du
1
er
janvier 1995. Pour les marchés des
collectivités locales
, au terme de l'article 352 du Code des
marchés publics, l'article 178 est applicable aux
collectivités locales. Toutefois, s'agissant du délai de
mandatement,
l'article 352 bis
, inséré dans le Code
des marchés publics par le décret du 7 septembre 1994,
maintient pour leurs marchés ainsi que pour ceux passés par
leurs établissements publics, le délai de quarante-cinq jours
.
Il existe, en outre, des délais spécifiques,
déterminés par un arrêté du 17 janvier 1991,
concernant les marchés de travaux et les marchés industriels dont
la durée d'exécution contractuelle est supérieure à
six mois.
Selon l'enquête annuelle menée par la Direction
générale de la comptabilité publique (DGCP), les
délais moyens de mandatement de l'Etat se situe en 1998 à
34 jours, ceux des collectivités territoriales à
43 jours. Ce délai s'est fortement réduit dans les dix
dernières années. Il ne reflète cependant
qu'imparfaitement la réalité vécue par les entreprises. Il
faut, en effet, à ce délai de mandatement ajouter le délai
de paiement qui repose sur la date du mandatement jusqu'à la date
à laquelle est crédit le compte de l'entreprise. Selon une
étude de l'Association française de crédits
ménagers et conseils (AFCM), ce délai global
s'élève à 69 jours. Ces chiffres masquent, en outre,
la très grande disparité entre collectivité publique.
Ainsi, les délais moyens de règlement relevé par la DGCP
sont de 44 jours pour les HLM et de 64 jours pour les communes de
plus de 10.000 habitants.
Ces moyennes recouvrent, enfin, des délais parfois plus courts mais
aussi nettement plus longs. Il n'est ainsi pas rare que certaines PME attendent
plus d'une centaine de jours pour être payées. Or, les PME ne
disposant pas de trésorerie comparable aux grandes entreprises sont
particulièrement pénalisées par ces retards.
Le dispositif juridique actuel suscite de ce fait de nombreuses
réserves de la part des créanciers de l'administration. Les
entreprises créancières de paiements publics sont, en effet,
majoritairement favorables à la substitution d'un délai limite de
paiement au délai limite de mandatement applicable actuellement.
Aussi, votre rapporteur s'est-il interrogé sur l'opportunité de
proposer une telle substitution dans le cadre de cette proposition de loi. La
mise en place d'un délai global de règlement semble, en effet, de
nature à répondre efficacement aux attentes légitimes des
entreprises. La communauté européenne qui est en cours d'adoption
d'un projet de directive concernant la lutte contre les retards de paiement
dans les transactions commerciales s'oriente, elle-même, vers la mise en
place d'un délai global conventionnel de paiement. Cette réforme
du droit communautaire obligera, à terme, la France à modifier sa
législation, comme le souligne le document d'orientation sur la
réforme du Code des marchés publics rendu public en avril dernier
par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'introduction en droit positif d'un délai de paiement des
marchés publics conduirait à une évolution importante de
l'organisation financière et comptable publique française. Elle
suppose, en effet, une nouvelle organisation du partage des
responsabilités dans le retard de paiement entre ordonnateur et
comptable. Aussi, sur ce point, votre commission a-t-elle souhaité
laisser la commission des lois, si elle le juge opportun, introduire un tel
dispositif.
Le deuxième alinéa de l'article vise les situations dans
lesquelles le donneur d'ordre ne dispose pas d'une date certaine de demande de
paiement qui permette de fixer un point de départ pour la liquidation
éventuelle d'intérêts moratoires.
Par défaut, ce
point de départ est fixé par le texte proposé à la
date de la facture augmentée de deux jours. Cette disposition permettra
en particulier de rendre automatique, pour les entreprises, le versement des
intérêts moratoires exigibles.
L'application d'un délai de mandatement ou la mise en place d'un
délai global de paiement donnant lieu, en cas de dépassement, au
versement d'intérêt moratoire, supposent que l'on connaisse avec
certitude la date du début du mandatement. Actuellement, aux termes de
l'article 180 du Code des marchés publics, à défaut de
stipulations particulières, le délai court à partir de la
réception de la demande de paiement du titulaire ou de la transmission
par celui-ci de la demande de son sous-traitant.
Toutefois, la date de la réception de la demande de paiement fait
elle-même l'objet de contentieux en dépit de l'intervention du
décret n° 85-1143 du 30 octobre 1985 qui instaure une
dispositif visant à rendre incontestable la date de réception de
la demande de paiement. Aux termes de ce décret, celle-ci doit
s'effectuer soit par lettre recommandée avec avis de réception
postal, soit contre délivrance par la collectivité d'un
récépissé dûment daté.
L'absence de recommandé, les contestations sur la date réelle de
réception, ont conduit le ministère des finances à
rappeler dans une circulaire du 22 juillet 1997 sur les modalités
d'amélioration des délais de paiement ou titre d'achats publics
que "
le manque d'information fiable sur la date d'arrivée des
factures dans les services gestionnaires constitue un obstacle majeur au suivi
des délais de paiement. Elle a aussi pour effet de priver les comptables
des moyens de vérifier la correcte application de la
réglementation relative aux intérêts moratoires
".
Dans cette perspective, cette circulaire invite les ordonnateurs à
assurer la certification de la date d'arrivée dans leurs services. Elle
prévoit, en outre, qu'à défaut d'apposition de la date de
réception sur la demande de paiement, le point de départ du
délai de mandatement sera désormais la date d'émission de
la facture augmentée de deux jours.
Cette règle ne vaut cependant que pour les marchés publics
d'Etat. C'est pourquoi, afin de donner à cette règle une valeur
législative et de l'étendre aux collectivités
territoriales, la proposition de loi -reprenant l'ancien projet de
réforme du code des marchés publics, présenté par
M. Galland-, préconise de fixer la date de départ du
délai de mandatement à la date de la facture plus deux jours.
Le troisième alinéa a pour objet d'étendre à
l'ensemble des marchés publics et en conséquence aux
marchés des collectivités territoriales et des
établissements publics locaux, le bénéfice, à
l'initiative du fournisseur, du règlement par lettre de
change-relevé qui existe actuellement pour les marchés de
l'Etat.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 179 bis du Code des
marchés publics prévoit que la lettre de change-relevé est
obligatoirement acceptée comme moyen de paiement des marchés de
l'Etat. Or si en matière de délais de règlement le livre
troisième du Code des marchés publics relatif aux marchés
des collectivités territoriales se borne pour l'essentiel à
renvoyer aux dispositions applicables aux marchés de l'Etat,
l'obligation d'accepter le paiement par lettre de change relevé
introduite en 1994 n'a pas été étendu aux
collectivités territoriales. Le texte proposé par cet article
tend, en conséquence, à étendre cette obligation aux
marchés des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics.
Il convient de rappeler que le lettre de change-relevé est une
adaptation de la lettre de change à des procédés de
traitement informatique ayant pour effet d'accélérer les
règlements et de faire bénéficier un destinataire de
paiements à date certaine.
En adoptant la lettre de change-relevé comme l'un des modes de
règlement des marchés, l'administration a voulu répondre
à une revendication constamment exprimée par ses
créanciers. En effet, plus encore qu'une accélération des
règlements, au demeurant souhaitée, ce qui importe aux titulaires
de marchés, c'est de bénéficier de paiements à date
certaine. Tel est bien le cas avec le lettre de change-relevé. La date
à laquelle le titulaire aura la disposition de ses fonds est
déterminée dès la date d'envoi par l'administration de
l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé.
L'extension aux marchés publics des collectivités territoriales
et des établissements publics locaux de la possibilité pour les
entreprises d'exiger le bénéfice d'un paiement par lettre de
change-relevé porte sur plus de 50 % des marchés publics
recensés. C'est en conséquence une mesure qui peut avoir des
effets importants sur les délais des paiements publics. Il convient,
à ce propos, de souligner que la généralisation dans la
pratique du recours aux lettres de change-relevé permettrait de facto la
mise en place d'un délai conventionnel global de paiement.
Pour que cette généralisation soit effective, votre commission
estime cependant qu'il faudrait, au-delà des dispositions du
présent article, veiller à mieux informer les entreprises, les
ordonnateurs et les comptables des avantages des lettres de
change-relevé et, le cas échéant, à simplifier le
cadre réglementaire définissant leurs modalités de gestion.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi sous réserve d'une modification tendant à
préciser au troisième alinéa que la personne publique est
tenue d'accepter une lettre de change relevé lorsque le mode de
règlement est proposé par un candidat et non par
" l'entreprise ". Il s'agit, en effet, de se situer en amont de la
procédure de sorte qu'un candidat ne puisse être
écarté sur le fondement qu'il propose comme modalité de
paiement une lettre de change relevé et non en aval, une fois le
titulaire du marché désigné .
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE
V -
Incidences sur les recettes de l'Etat et compensation
Article 23 -
Compensation financière de la proposition
de loi
Cet
article constitue le gage financier de la proposition de loi.
Cet article prévoit que les pertes de recettes pour l'Etat
résultant de l'adoption de la proposition de loi seront
compensées par une augmentation à due concurrence de droits sur
les tabacs.
Ce gage a naturellement un caractère très formel. Il serait en
réalité souhaitable que ces diminutions de recettes soient
compensées par des économies sur les dépenses de l'Etat.
En outre, votre commission considère que l'adoption de la proposition de
loi ne pourra qu'avoir un impact globalement positif sur l'équilibre
financier de l'Etat, compte tenu des créations d'entreprises et,
partant, des rentrées fiscales qu'elle est susceptible de
générer.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
*
* *
Votre commission vous demande d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.