E. DES PRIORITÉS CORRECTEMENT ORIENTÉES
Ce
budget consacre plus de la moitié de ses dépenses et de ses
mesures nouvelles à la police.
Or, la sécurité publique correspond, à la fois, à
l'une des fonctions régaliennes les plus essentielles et les moins
contestées de l'Etat et à l'une des préoccupations
majeures (avec l'emploi) de nos concitoyens.
Il s'agit d'une priorité qui fait l'objet d'un large consensus politique.
En outre, l'augmentation des crédits (+ 2,9 %) s'accompagne
d'efforts de gestion et d'économies
4(
*
)
et demeure relativement
modérée -même si elle est deux fois plus forte que celle de
la moyenne des dépenses civiles de l'Etat (+ 1,2 %)- en
comparaison des évolutions d'autres dotations privilégiées
(environnement : + 8,6 % ; emploi et
solidarité : + 4,3 %).
F. LA POURSUITE DE L'ADAPTATION DE LA POLICE AUX CHANGEMENTS AUXQUELS ELLE EST CONFRONTÉE
1. De profondes évolutions
La police est confrontée à trois types de changements susceptibles de poser de nouveaux problèmes de sécurité.
a) Les mutations de notre société et leurs conséquences :
•
urbanisation, mobilité des populations et immigration,
chômage et fractures sociales, éclatement de la structure
familiale, crise des valeurs (civisme...),
• donc, évolution des atteintes à l'ordre
public : concentration dans certaines zones, augmentation des
incivilités, modifications de la délinquance (apparition de
formes nouvelles, internationalisées, informatisées ;
augmentation de celles des mineurs et liées à la toxicomanie,
etc...),
• montée du sentiment d'insécurité.
b) Les modifications prévisibles de la pyramide des âges des policiers
Face à une diversification et à un accroissement de leurs tâches, les forces de l'ordre vont être confrontées, dans les prochaines années, à un véritable choc démographique : remplacement, dans les cinq années à venir, de près de 24.400 fonctionnaires devant partir à la retraite (les " générations Marcellin ") et recrutement de 20.000 adjoints de sécurité (d'autant plus nécessaire qu'il n'y aura plus, du fait de la professionnalisation des armées, d'auxiliaires appelés du contingent). Or, ces derniers étaient près de 10.000 en 1996 et plus de 4.000 encore en 1999.
c) Le progrès scientifique et technique
La police se doit d'exploiter les possibilités que lui offrent les nouvelles techniques d'information et de communication (qui sont à l'origine aussi de nouvelles formes de délinquance) ainsi que la génétique (identification des auteurs de crimes sexuels).
2. Des adaptations souvent appropriées
Les
mesures prévues par ce budget sont de nature à faciliter
l'adaptation de la police aux défis évoqués ci-dessus.
Il s'agit, par une meilleure utilisation des ressources humaines (formation,
redéploiements, repyramidages et requalifications, modernisation des
moyens d'investigation et des équipements), de rendre la police à
la fois plus efficace et plus proche de la population.
a) La formation
La
formation (initiale et continue) des personnels de police constitue, à
juste titre, l'une des priorités du ministère avec une
dépense de 267 millions de francs en 2000, l'ouverture de nouvelles
écoles, la création d'une direction spécifique, la mise en
oeuvre d'un schéma directeur...
De nouvelles formations ciblées sur certaines missions
particulières (lutte contre la toxicomanie, prévention de la
délinquance des mineurs, affectation dans les zones sensibles) ou sur
certains personnels (adjoints de sécurité) ont été
prévues.
b) Les redéploiements d'effectifs
Une
rationalisation du partage des attributions entre la police et la gendarmerie,
à la suite des conclusions de MM. Carraz et Hyest, et de la consultation
menée par M. Fougier devrait permettre le redéploiement
progressif, dans les zones sensibles, de 3.000 policiers.
Une autre possibilité de redéploiement des bureaux vers le
terrain, consiste à libérer les policiers d'un certain nombre de
tâches indues qu'ils doivent accomplir, notamment en raison de la
sous-administration de la police nationale.
Un certain nombre de mesures prévues en 2000 vont dans ce sens :
création, par transformation d'emplois, de 36 postes
d'attachés de police, externalisation de tâches de maintenance du
parc automobile, mais cela ne suffit pas .
1.200 policiers ont déjà été
transférés en 1999 vers les 26 départements les plus
sensibles, 7.000 policiers et gendarmes au total devraient l'être
jusqu'en 2001.
c) Le repyramidage des effectifs
La
nécessité de rééquilibrer la pyramide des effectifs
de la police, d'un point de vue, à la fois démographique et
hiérarchique, présente à la fois des contraintes et des
opportunités :
• contraintes pour freiner les très nombreux départs
anticipés à la retraite (par crainte d'une remise en cause des
avantages acquis pour les futurs partants), pour anticiper les remplacements
inéluctables dès le stade de l'entrée dans les
écoles ;
• mais, d'un point de vue hiérarchique, la déflation
des corps de conception et de direction, et de commandement et d'encadrement,
au profit d'un étoffement du corps de maîtrise et d'application
est financièrement avantageuse.
Ces politiques ont, dans le budget pour 2000, un certain nombre de
conséquences : augmentation du nombre de
bénéficiaires d'échelons exceptionnels (gardiens de la
paix et commandants), création de 469 emplois de gardiens de la
paix (qui dégage une économie de 21,19 millions de francs).
Cependant, les redéploiements et le freinage des départs
anticipés à la retraite ne suffiront pas à suppléer
les recrutement nécessités par la baisse prévisible des
effectifs (24.000 départs en cinq ans).
d) Les autres mesures de réorganisation
Certaines réorganisations (aménagements
d'horaires,
rationalisation de tâches...) peuvent améliorer la
disponibilité des personnels pour des actions de terrain.
La réforme des horaires dans la police, mise en place au début de
1997 (cycle dit " 4/2 "), permettant la constitution de brigades
fixes de nuit, et l'instauration du " service de quart ", assurant la
permanence du commandement opérationnel, ont été, dans ce
sens, bénéfiques.
Pour faire face à de nouveaux besoins, de nouvelles structures ou de
nouveaux types d'emplois peuvent, par ailleurs, être
créés : Direction de la formation de la police nationale
(voir plus haut), OCRIEST (Office central de répression de l'immigration
irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titres), BREC
(Brigades régionales d'enquête et de coordination),
sûretés départementales, agents locaux de médiation
sociale et délégations à l'étranger du service de
coopération technique internationale de police.
e) L'élévation des qualifications et la modernisation des équipements et des moyens d'investigation
•
On constate une élévation du niveau d'études des
personnes recrutées et, parallèlement, de celui des
responsabilités confiées aux agents des différents
corps : en particulier, à ceux du corps de commandement et
d'encadrement qui prennent en charge des fonctions jusqu'ici
réservées aux membres du corps de conception et de direction
(extension à 1.000 agents supplémentaires de l'accès
à la qualité d'officier de police judiciaire, création de
40 emplois " fonctionnels " de commandants de circonscription de
sécurité publiques).
• Deux nouvelles priorités apparaissent, en matière de
personnel, pour adapter la police au progrès scientifique et technique.
Il s'agit :
- de recruter des ingénieurs et techniciens de laboratoires pour
faire face, notamment, à l'augmentation des demandes judiciaires
d'expertises et aux besoins liés à la mise en place du fichier
des empreintes génétiques ;
- de développer une filière informatique et
électronique.
Accessoirement, le développement de la police de proximité
implique celui des moyens des services d'identité judiciaire de terrain
(personnels spécialisés du corps des techniciens et des aides
techniques de laboratoire de la police technique et scientifique).
Le projet de loi de finances pour 2000 a prévu, à ces fins, la
création nette de 100 emplois scientifiques (dont
6 ingénieurs et 10 techniciens en informatique et
électronique).
La mise en place d'un " institut national de police scientifique "
est à l'étude et la création d'une
spécialité " informatique et électronique " dans
les programmes des concours de la filière police technique et
scientifique a été décidée (la police n'emploie,
pour le moment, que des contractuels dans ce domaine).
Il est également envisagé d'instituer un " office central
pour la répression des infractions aux nouvelles technologies de
l'information ".
Mais l'amélioration de l'efficacité de la police passe, non
seulement par une gestion plus efficiente des ressources humaines, mais aussi
par une modernisation des moyens de fonctionnement (laboratoires,
informatique...), de communication et d'investigation. Priorité est
donnée, de ce point de vue, au déploiement du réseau
numérique de communications cryptées ACROPOL (environ
400 millions de francs de dépenses par an) et à la mise en
place d'infrastructures européennes (système d'information
Schengen, système informatique EUROPOL).
Doivent être également poursuivis en 2000, la réalisation
du STIC (système de traitement des infractions constatées), la
numérisation et l'archivage électronique de la documentation
criminelle, la création du fichier des empreintes
génétiques et la généralisation de celui des
empreintes digitales...
Ces différentes orientations et la manière dont elles sont mises
en oeuvre ne prêtent guère à contestation. Elles
s'inscrivent, pour nombre d'entre elles (redéploiement vers les zones
sensibles, repyramidage des effectifs et suppression des tâches
indues...) dans la continuité des politiques précédentes,
et notamment des principes de la loi d'orientation et de programmation relative
à la sécurité du 21 janvier 1995.
Le concept de
police de proximité
complète la notion de
proximité
géographique
(faire coïncider la carte des
implantations de forces de police avec celle de la délinquance) par
celle de proximité
sociologique
5(
*
)
(la police doit être
davantage à l'image de la population) et
relationnelle
(les
relations entre la police et la population doivent s'améliorer).
La priorité donnée à la police de proximité passe
par la "
fidélisation
" (sédentarisation)
d'unités mobiles
6(
*
)
de
la police nationale (CRS) et s'articule avec le partenariat, entre tous les
acteurs concernés, recherché par les
contrats locaux de
sécurité
(CLS) et la politique de recrutement
d'adjoints
de sécurité
et
d'agents locaux de médiation
sociale
.
3. Le problème des adjoints de sécurité
Le
recrutement de 4.150 adjoints de sécurité
supplémentaires constitue l'une des principales mesures nouvelles du
budget de la police pour l'an 2000 (+ 107,6 millions de francs :
encore ne s'agit-il que de 20 % des dépenses correspondantes dont
80 % sont pris en charge par le ministère de l'emploi).
D'ici à la fin 2000, l'effectif réel total devrait atteindre le
chiffre de 20.000. L'ampleur de ces embauches dépasse celle de la
résorption, par suite de la professionnalisation des armées, des
policiers auxiliaires (dont 2.075 postes doivent être maintenus).
Cette politique (comme celle des " emplois-jeunes " en
général) peut être critiquée dans la mesure
où :
- les adjoints, qui ne sont pas autorisés à participer
à des missions, ni de police judiciaire, ni de maintien de l'ordre,
pourraient être considérés comme des " policiers au
rabais " ;
- la solution ainsi employée est susceptible
d'apparaître comme un expédient : les adjoints, qui ne sont
recrutés que pour cinq ans, n'ont pas tous vocation à être
intégrés dans la police nationale. Ils ne peuvent
véritablement prétendre remplacer les 24.400 policiers dont
le départ à la retraite est prévu d'ici à cinq ans.
En revanche, ils peuvent utilement :
- prendre la relève des policiers auxiliaires appelés du
contingent ;
- constituer un vivier pour le recrutement, par concours interne et dans
la limite de 40 % des postes offerts, des remplaçants des policiers de
la " génération Marcellin " ;
- contribuer à diminuer, sinon l'insécurité
réelle, du moins le sentiment d'insécurité en concourant
aux missions d'information, d'accueil, d'îlotage, de patrouille... ;
- permettre, par leur mode de recrutement, de donner de la police une
image plus proche de la population, du moins dans les quartiers sensibles ;
- faciliter enfin l'accès des jeunes concernés à un
emploi stable.
4. Les problèmes de gestion rencontrés
Alors
qu'ils jouent un rôle déterminant dans la globalisation
budgétaire concernant la police, les
SGAP (Secrétariats
généraux pour l'administration de la police)
ne
jouissent pas d'une image très positive en terme d'efficacité.
Concernant les réseaux de la police :
- la limitation à 400 millions de francs de la consommation
des crédits correspondants freine le déploiement d'
ACROPOL
qui ne sera activé qu'en 2008 (d'où un étalement des
réponses qui, en fin de compte, pourrait avoir engendré des
coûts supplémentaires) ;
- l'état de
l'informatique de contrôle
sur les
aéroports
et, en ce qui concerne la brigade des
chemins de
fer
nécessite un renouvellement ;
- la mise en place du fichier des brigades spécialisées se
heurte à des problèmes techniques (sécurité de
l'architecture CHEOPS) ;
- la mise en place du système informatique d'Europol rencontre des
retards et engendre des surcoûts.
Le retour des
coopérations avec les pays du Maghreb
en
matière de sécurité intérieure, sont perfectibles.
L'
achat de véhicules
représente la " variable
d'ajustement " de ce budget. Le dernier rapport du contrôleur
financier du ministère (gestion 1998) notait une forte baisse des achats
de véhicules ayant pour contrepartie une progression des dépenses
d'entretien. Le PEC (programme d'emploi des crédits) de la police
nationale pour 1999 souligne, de son côté, que le montant
alloué pour ce dernier exercice n'a pas permis de rattraper
l'intégralité du vieillissement passé.
Il faut ainsi parfois savoir investir, donc dépenser plus dans un
premier temps, pour dépenser moins, ensuite, en fonctionnement.
Cela revient
in fine
à dépenser mieux.
Cette vérité se confirme dans l'
immobilier
.
• Le déficit structurel des
capacités de logement
des CRS
les oblige à recourir à des solutions
hôtelières ou à des formules locatives
onéreuses ; par ailleurs, l'état de vétusté
d'un grand nombre de bâtiments qui leur sont affectées est
préoccupant.
• Par ailleurs, la
politique de logement des policiers
,
suivie par le ministère (réservation de logements sociaux,
constitution d'un patrimoine, recours à des bailleurs privés) est
intelligente mais privilégie la région parisienne et n'a pas
empêché que 40 % des propositions de locations dans le
secteur privé soient restées sans suite en 1999.
• Le taux d'engagement, en 1998 et 1999, des AP du chapitre 57-40
(art. 13 " logements " et art. 60 " cités
administratives ") semble très faible. Globalement, les
crédits de paiement de la police nationale (dépenses en capital)
paraissent sous-consommés.
• La police judiciaire constate que la trop faible part des
dépenses d'équipement, par rapport aux dépenses de
fonctionnement, dans le total de ses dépenses, ne lui permet pas de
renouveler, comme il conviendrait, certains matériels.
• Concernant enfin les mesures relatives au personnel :
- malgré les nombreuses décisions favorables prises pour
1999 et 2000, le
régime indemnitaire
demeure, dans l'ensemble,
peu incitatif
(les primes représentent moins de 10 % des
rémunérations) ;
- les contraintes budgétaires n'ont pas permis de respecter les
dispositions de la LOPS (loi d'orientation et de programmation relative
à la sécurité) qui prévoyaient la création,
en 5 ans, de 5.000 emplois administratifs (il s'en faut de beaucoup !
1.130 créations d'emplois seulement ont été
réalisées).