LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Votre rapporteur spécial est amené à formuler cinq observations relatives aux crédits alloués à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
LES dépenses de la fonction publique augmentent de façon continue
La progression significative des emplois budgétaires civils depuis 1990
Le
rapport sur les rémunérations de la fonction publique,
déposé à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour
1999 - il est en effet déposé tous les deux ans par le
gouvernement - indique qu'
" à structure constante, le
nombre d'emplois budgétaires s'est accru entre 1990 et 1998 de 39.400
sur les budgets civils ".
Toutefois, hors établissements publics, le nombre d'emplois
budgétaires inscrits au budget de l'Etat est passé de 2.086.940
en 1991 à 2.092.184 en 1998 : 5.244 emplois budgétaires ont
été créés, soit une progression de 0,25 %.
Évolution des emplois budgétaires dans la
fonction
publique de l'Etat
Le
tableau ci-dessous montre que les fonctionnaires titulaires et les militaires
voient leurs effectifs budgétaires légèrement augmenter,
respectivement de 2 % et 4 %. En revanche, les ouvriers d'Etat perdent plus
d'un emploi sur quatre, et le niveau des effectifs de contractuels chute de
16 %.
Par ailleurs, entre 1991 et 1998, la section enseignement supérieur
bénéficie de la plus forte augmentation d'emplois, environ 24.000
emplois supplémentaires.
En 1999, le gouvernement avait affiché un solde nul : 2.358
créations d'emplois civils, pour autant de suppressions.
En 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat croîtra de 247,
9.064 emplois étant supprimés mais 9.311 créés.
Il est cependant possible de diminuer les effectifs nets de la fonction
publique sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics.
Le ministère de l'économie en donne lui-même l'exemple, ses
effectifs budgétaires allant diminuer de 3.000 postes en trois ans,
grâce à des progrès de productivité.
Le coût croissant de la rémunération des fonctionnaires de l'Etat
L'année dernière déjà, votre
rapporteur
spécial indiquait que la rémunération des fonctionnaires
de l'Etat avait, entre 1990 et 1998, progressé de 5 % par an, soit un
gain annuel de pouvoir d'achat de 3,2 %. Ainsi, sur la période
1990-1996, pour les agents de l'Etat, le gain brut de pouvoir d'achat
5(
*
)
est de plus de deux fois celui dont
bénéficient les salariés du secteur privé.
L'accord salarial du 10 février 1998 est à l'origine
d'une forte augmentation des dépenses liées à la
rémunération des fonctionnaires.
En effet, cet accord salarial porte sur les années 1998 et 1999, mais il
a son plein effet en 2000, exercice sur lequel l'ensemble des mesures
adoptées jouera en année pleine.
En 1999, les mesures générales de l'accord salarial,
c'est-à-dire les deux augmentations de la valeur du point et
l'attribution de deux points uniformes, engendrent un coût
supplémentaire de 7,7 milliards de francs, dont 1,9 milliard sur les
pensions. A ce montant vient s'ajouter 1,4 milliard de francs de rebasages au
titre des mesures 1998 de l'accord.
En 2000
, la seule revalorisation du point fonction publique (334,19
francs à la fin de l'année 1999) induit, du fait de l'effet de
report des mesures 1999, un coût de 5,8 milliards de francs, dont 1,7
milliard de francs pour les pensions. Pour l'ensemble des autres mesures
prévues dans l'accord salarial, le coût supplémentaire est
de 2,7 milliards de francs, soit un
total de 8,5 milliards de francs.
Il convient cependant de préciser que ces 8,5 milliards de francs
représentent le coût annuel supplémentaire par rapport
à l'année précédente : le coût annuel
total est, par conséquent plus élevé.
En 2000, exercice
sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en année
pleine, ce coût annuel total s'établira à 23,3 milliards de
francs
, après 5,3 milliards de francs en 1998, et 14,8 milliards de
francs en 1999.
Cette progression des dépenses traduit la très forte inertie des
dépenses de rémunération de la fonction publique.
La part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité
du budget de l'Etat, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances pour 1998.
Elle note, par ailleurs,
la forte concentration de ces dépenses.
Cinq ministères
6(
*
)
représentent 89,4 % de l'ensemble des rémunérations
d'activité versées par l'Etat en 1998. A eux seuls, le budget de
l'enseignement scolaire et celui de l'enseignement supérieur regroupent
plus de 50 % des dépenses salariales du budget général, et
64,7 % de celles des ministères civils.
Deux exemples sont significatifs, non seulement de la croissance des
dépenses de personnel, mais également de la montée en
charge budgétaire des choix gouvernementaux en matière de
fonction publique :
- les dépenses de rémunérations du budget de
l'enseignement supérieur, soit plus de 26 milliards de francs,
continuent de croître sur un rythme relativement rapide de 3,6 % :
cette augmentation est directement liée à celle du nombre
d'emplois, l'année 1998 ne constituant pas une exception puisque 3.979
emplois budgétaires ont été créés ;
- l'augmentation de 4 % des rémunérations et indemnités,
au ministère de l'intérieur, est, à la différence
des années antérieures, supérieure à la moyenne de
celle de l'ensemble des budgets civils, les rémunérations
principales des personnels autres que les titulaires progressant de 38 % :
cette évolution résulte de la création du chapitre 31-96
destiné à servir de base à la rémunération
des adjoints de sécurité embauchés dans le cadre du
dispositif emplois jeunes.
Les premières informations relatives à l'exécution de la
loi de finances initiale de 1999 laissent présager une accentuation de
cette tendance. Au 31 août 1999, les rémunérations,
pensions et charges sociales s'établissaient à 378,4 milliards de
francs, contre 365,1 milliards de francs à la même date de 1998,
et à 353,4 milliards de francs en 1997. En un an, ces dépenses
ont augmenté de 3,6 % ; elles avaient progressé de 3,3 % de
1997 à 1998.
LES incertitudes relatives à la notion de fonctionnaire
Fonctionnaires et agents publics
Au-delà des 2,1 millions d'agents civils de l'Etat
et de
ses établissements publics, il faut en effet comptabiliser dans l'emploi
public :
- les 460.000 agents des exploitants publics de la Poste et de France
Telecom ;
- les 313.000 militaires (hors appelés du contingent) ;
- les 1,323 million d'agents de la fonction publique territoriale ;
- les 650.000 agents de la fonction publique hospitalière (hors
médecins) ;
- ainsi que 146.000 enseignants des établissements privés
sous contrat et 125.000 salariés des établissements de
santé privés à but non lucratif tarifés en dotation
globale.
Au total, on recense donc 5,1 millions d'agents publics
7(
*
)
pour une population active de
22,4 millions,
soit plus d'un actif sur cinq
.
C'est la totalité de cette population qui est concernée par la
négociation salariale dans la fonction publique, même si seule une
partie de ses effets apparaît dans le budget de l'Etat.
L'Etat méconnaît le nombre de ses fonctionnaires
Contrairement à n'importe quel employeur, l'Etat ne
connaît pas avec précision le nombre de ses fonctionnaires, ni
leur position statutaire.
Ce constat, qui a de graves conséquences en termes budgétaires en
raison tant des crédits que des effectifs concernés,
résulte des travaux de la Cour des comptes mais aussi de ceux du
Sénat.
Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée à la
ministre de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de
la Cour des comptes écrivait :
" la Cour a
relevé que les effectifs dont disposait le ministère
étaient éloignés des prévisions et autorisations de
la loi de finances initiale ".
Il poursuivait :
" La
description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule
information dont dispose la représentation nationale en la
matière, ne correspond pas à la réalité ".
Puis il concluait :
" Une amélioration de la gestion
prévisionnelle des effectifs est indispensable ".
Par ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion
des personnels de l'éducation nationale, dont votre rapporteur
spécial était membre, a mis en exergue
la " mal-administration " du système éducatif. Des
surnombres évalués à 10.000 enseignants, un volant
d'heures supplémentaires disproportionné, des décharges
syndicales totales ou partielles mal appréhendées, des personnels
détachés ou mis à disposition avec un certain
arbitraire : autant de dysfonctionnements qui expliquent que des
élèves puissent ne pas avoir de professeurs malgré les
moyens considérables dont dispose l'éducation nationale.
Dans le même temps, l'autorisation budgétaire est vidée de
son sens au cours du processus de transformation des emplois inscrits en loi de
finances en emplois attribués aux établissements scolaires,
tandis que le contrôle des emplois est embryonnaire, en particulier au
niveau local.
Dès lors, votre rapporteur spécial ne peut que s'interroger sur
la validité de l'information que lui a communiquée le
ministère de la fonction publique sur les positions statutaires des
fonctionnaires de l'Etat.
En effet, d'après une enquête réalisée en 1996 par
la direction générale de l'administration et de la fonction
publique, il y avait 5.123 agents titulaires mis à disposition, 32.617
en service détaché, et 39.589 placés en
disponibilité. Les chiffres ne sont-ils pas trop précis eu
égard aux faits mis en exergue par la Cour des comptes et par le
Sénat ?
Le ministère précise d'ailleurs que cette enquête
" ne permet pas de recenser nommément les organismes d'accueil
dans lesquels sont placés les agents "
.
Il y a donc des
fonctionnaires mis à disposition, en service détaché ou
placés en disponibilité, mais l'administration ignore où
ils se trouvent précisément !
Les emplois-jeunes : de futurs fonctionnaires ?
Les
agents employés par l'Etat, les collectivités territoriales et
les établissements hospitaliers ne le sont pas sous le même
statut :
- le " noyau dur " est constitué des
titulaires
, soit
à peu près les quatre cinquièmes des agents publics ;
- le solde, soit environ un million de personnes, est constitué de
non titulaires
: contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur
proportion est beaucoup plus grande dans les établissements publics
(environ 60 %) et dans la fonction publique territoriale (près de
30 %) que dans la fonction publique d'Etat, où ils
représentent toutefois plus de 10 % des effectifs.
-
enfin, un troisième cercle d'agents
est constitué outre
des personnes bénéficiaires de contrats emploi
solidarité
8(
*
)
, dont le
nombre est supérieur à 200.000,
par les
" emplois-jeunes
"
. Ils peuvent être
considérés comme des emplois publics, puisque l'Etat prend en
charge 80 % de leur rémunération
9(
*
)
, et même 100 % pour ceux
recrutés par l'Intérieur ou l'Education nationale.
En juillet 1999, le Premier ministre a signé, à Lille, la
convention du 200.000
ème
emploi jeune, l'objectif
affiché par le gouvernement étant de parvenir à employer
250.000 jeunes dans ce dispositif à la fin de l'année, puis
350.000 en 2000.
Un recrutement aussi volontariste a évidemment fait baisser le niveau du
chômage des jeunes, mais peu d'attention a été
portée à leur avenir à l'issue des cinq années que
doit durer leur contrat de travail. C'est sans doute pour cette raison que
l'éducation nationale, qui recrutera au total 65.000 emplois jeunes,
commence à se désengager du dispositif.
Votre rapporteur spécial s'interroge également sur le
caractère novateur des emplois occupés à grand frais par
ces jeunes, l'innovation se limitant souvent, semble-t-il, à donner de
nouvelles appellations à d'anciens métiers. Par ailleurs,
l'esprit du dispositif est trop souvent détourné, des
collectivités territoriales, notamment, étant incitées
à recruter des emplois jeunes avant de les titulariser à l'issue
du contrat de cinq ans, afin de bénéficier des aides publiques,
non sur des postes nouveaux, mais sur des postes existants
" reprofilés ". On ne saurait d'ailleurs en faire reproche aux
gestionnaires locaux qui optimisent ainsi leur gestion.
Enfin, il s'inquiète de la
probable intégration d'une part
conséquente des emplois jeunes dans la fonction publique.
" L'explosion programmée " du coût des pensions
La
question du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat va se
poser rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de
l'Etat et des militaires a déjà été très
rapide : de 1990 à 1997, ce montant est passé, en francs
constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit
une progression de 20,84 %. Les données budgétaires sur les
pensions des fonctionnaires seront désormais plus complètes,
grâce à un vote du Sénat qui, l'année
dernière, a adopté à l'unanimité, et avec un avis
favorable du gouvernement, un amendement de son rapporteur
général, tendant à donner une base législative aux
informations relatives aux pensions de la fonction publique figurant dans le
rapport sur les rémunérations publiques.
Or, les évolutions démographiques sont très
préoccupantes eu égard à leurs conséquences
budgétaires.
Sur l'ensemble des titulaires des services civils de
l'Etat, les sorties définitives, calculées sur deux années
consécutives, s'élèveraient à 91.000 en 1999-2000,
102.000 en 2001-2002, 112.000 en 2003-2004, 117.000 en 2005-2006, et 124.000 en
2007-2008. Ainsi, en 2009, la génération de l'immédiat
après-guerre, dans sa grande majorité, ne sera plus en
activité.
D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires
partiront à la retraite.
Votre rapporteur spécial estime qu'il faut saisir cette
opportunité pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter
notre pays d'un Etat moins lourd mais plus efficace.
En 1998, le Premier ministre avait chargé le Commissaire
général du Plan, M. Jean-Michel Charpin, d'une étude sur
la situation et les perspectives de notre système de retraite. M.
Charpin a remis au Premier ministre, le 29 avril dernier, son rapport
intitulé
L'avenir de nos retraites
.
Par ailleurs, notre collègue Alain Vasselle a publié, en juin
dernier, un rapport d'information fixant la doctrine de la commission des
affaires sociales du Sénat relative à la réforme des
retraites.
Le rapport Charpin rappelle que les écarts entre les régimes
de retraite du secteur privé et les régimes spéciaux,
c'est-à-dire ceux des fonctionnaires, s'accentuent, les seconds
étant plus avantageux que les premiers.
Or, il convient de rappeler que les régimes des salariés du
secteur privé ont fait l'objet d'une réforme courageuse en 1993,
et que
cette réforme n'a pas concerné les régimes
spéciaux.
Il est donc indispensable d'engager la réforme des régimes
spéciaux, afin qu'ils puissent commencer dès maintenant à
rattraper leur retard, les premières difficultés allant
apparaître en 2005.
Un allongement de la durée de cotisation paraît
inévitable
, le rapport Charpin préconisant de la porter
progressivement à
42,5 ans pour tous, y compris les
fonctionnaires
, d'ici à 2019, au lieu de 40 ans actuellement pour
les salariés du privé, les fonctionnaires ne devant toujours
cotiser que 37,5 années.
Les tergiversations du gouvernement risquent de n'aboutir qu'à des
réformes brutales, et donc bien plus douloureuses pour les actifs comme
pour les retraités.
Les 35 heures dans la fonction publique
En
février dernier, M. Jacques Roché, conseiller maître
honoraire à la Cour des comptes, a remis au ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation un
rapport sur
Le temps de travail dans les trois fonctions publiques.
Ce rapport, très instructif, rappelle que la durée du travail
dans la fonction publique est très contrastée.
S'agissant de la seule fonction publique de l'Etat, la rapport
note :
" Les durées de travail moyennes hebdomadaires
dont sont redevables les agents à temps plein de la fonction publique de
l'Etat varient entre 29 heures et 40 heures. A titre anecdotique, des
écarts bien plus importants ont pu être constatés lors des
enquêtes, traduisant une véritable dérive gestionnaire dans
des cas ponctuels, puisque la Mission a pu relever que quelques agents à
temps plein n'atteignaient pas une durée de 25 heures en moyenne
hebdomadaire ".
Le rapport note ainsi que l'état des lieux fait apparaître
" un environnement réglementaire
[...]
inadapté "
et que
" la durée hebdomadaire du
travail n'est plus qu'une référence théorique ".
Ainsi, pour la Mission conduite par M. Jacques Roché, le
réduction du temps de travail doit-elle
" être une
formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du
temps de travail dans les fonctions publiques ... Ce n'est qu'après
cette mise à plat et cette nouvelle organisation que pourront être
déterminés les ajustements nécessaires, le cas
échéant, dans des secteurs déterminés ".
Votre rapporteur spécial estime qu'il est indispensable que
l'aménagement du temps de travail se traduise non par un accroissement
des effectifs de la fonction publique mais par une plus grande souplesse dans
la gestion des horaires et, partant,
une plus grande efficacité au
service des usagers des services publics.
Or, il s'interroge sur l'application des 35 heures à la fonction
publique.
Le gouvernement semble avoir fixé
trois principes
pour la
réduction du temps de travail dans la fonction publique :
- elle ne concernerait que les personnels dont la durée du travail est
supérieure à 35 heures ;
- l'amélioration du service au public serait la condition indispensable
à la réduction du temps de travail ;
- la création d'emplois ne serait que le résultat de cette
réflexion, et non son objectif.
La négociation engagée avec les syndicats devrait prendre en
considération les besoins locaux, les départs en retraite, la
résorption de l'emploi précaire ou encore la possibilité
de transformer des heures supplémentaires en emplois.
Or, il est vraisemblable que, lors de ces négociations, des pressions
considérables s'exerceront afin d'accroître le nombre de
fonctionnaires, sans compter le " réservoir " des emplois
jeunes. Il convient également de rappeler que de nombreux emplois
publics ont été créés au cours des deux
dernières années, le projet de loi de finances pour 2000
prévoyant 247 emplois publics supplémentaires.
La réforme de L'ÉTAT : une occasion historique perdue
L'attentisme du gouvernement
Les
orientations du gouvernement concernant la réforme de l'Etat
n'apparaissent pas clairement : les " déclarations
d'intention " sont nombreuses, mais les actes peinent à suivre.
L'accord salarial du 13 février 1998
, dont votre rapporteur
spécial a déjà souligné le coût
budgétaire extrêmement lourd,
constitue la principale mesure
concrète
intervenue depuis deux ans dans la fonction publique.
Il faut par ailleurs rappeler la transformation, en 1998, du commissariat
à la réforme de l'Etat en délégation
interministérielle, mais, comme le note lui-même le gouvernement,
" la délégation poursuit l'action engagée par le
commissariat ".
Sur le plan législatif, le projet de loi sur les droits des citoyens
dans leurs relations avec les administrations a été
examiné cette année : le Sénat procédera
à une deuxième lecture du texte cet automne. Ce texte constitue
une avancée certaine, mais son contenu reprend des propositions faites
par le précédent gouvernement.
Enfin, des circulaires sont intervenues, en grand nombre, pour préciser
les modalités de mise en oeuvre des axes de la réforme de l'Etat.
Il convient cependant de noter le
caractère peu opérationnel
de ces textes qui affichent des intentions peu claires, quoique nombreuses.
Ainsi, un document gouvernemental
10(
*
)
relatif aux principaux chantiers de
la réforme de l'Etat n'affiche pas moins de 16 priorités pour
rendre l'Etat plus proche des citoyens et plus efficace. Parmi les plus
importantes, on peut citer : la simplification des démarches
administratives, l'amélioration de la qualité des services rendus
aux citoyens, la poursuite de la déconcentration, la rénovation
de la gestion des ressources humaines, la rénovation de la
procédure budgétaire, l'utilisation des nouvelles technologies...
Par ailleurs, le comité interministériel pour la réforme
de l'Etat s'est réuni le 13 juillet dernier, sous la présidence
du Premier ministre. Un premier comité interministériel
s'était tenu le 26 février 1998, abordant les thèmes des
droits des usagers et de la meilleure organisation des services
déconcentrés.
La réunion du 13 juillet 1999 avait pour objet, selon le
communiqué du gouvernement, de
" tirer les conclusions de ces
travaux et marquer le départ d'une nouvelle étape "
, des
mesures devant être arrêtées afin
" d'améliorer l'efficacité de l'administration
territoriale de l'Etat et la qualité de la gestion publique ".
Trois axes
ont été déterminés :
- l'évaluation des politiques publiques
:
la
prévention et le traitement du sida, le logement social dans les
départements d'outre-mer, les aides à l'emploi dans le secteur
non marchand, les emplois jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports,
et la préservation de la ressource destinée à la
production de l'eau potable sont les politiques choisies pour être
évaluées au cours de l'année 1999, aucune étude sur
le sujet n'ayant cependant été communiquée à votre
rapporteur spécial jusqu'à présent ;
- le fonctionnement des services déconcentrés :
les
services déconcentrés des administrations de l'Etat doivent,
notamment, se doter d'un " projet territorial " afin de prendre en
considération le mieux possible les spécificités
locales ;
- chaque ministère doit élaborer, conformément à la
circulaire du Premier ministre du 3 juin 1999,
un programme pluriannuel de
modernisation
définissant ses objectifs en matière de gestion
des ressources humaines, de management ou de procédures de
travail ; ces programmes ne sont toujours pas connus.
Votre rapporteur spécial ne peut que souscrire, évidemment,
à ces réformes, mais rappelle que l'affichage de priorités
multiples dissimule souvent les vraies priorités ou permet de ne pas
aborder les questions essentielles.
Les vraies priorités de la réforme de l'Etat
Votre rapporteur spécial estime nécessaire de ne définir qu'un nombre limité d'axes pour la réforme de l'Etat, mais de s'y tenir et de les mettre en oeuvre résolument.
La déconcentration
L'enjeu est décisif car les services déconcentrés de l'Etat regroupent 96% des agents de l'Etat, gèrent les 2/3 des crédits et prennent déjà les ¾ des décisions administratives individuelles. Par ailleurs ce retour vers l'administré est souvent le gage d'une meilleure qualité de l'action publique.
La gestion patrimoniale de l'Etat
Les mesures sont d'autant plus urgentes à mettre en oeuvre dans ce domaine qu'un rapport récent, élaboré par M. Jean-Jacques François, directeur de l'agence comptable du Trésor, a dénoncé la méconnaissance, par l'Etat, de son propre patrimoine immobilier, estimé entre 260 et 450 milliards de francs. De même, la réalité de ses établissements publics est mal connue.
La modernisation de la gestion de la fonction publique
Trois
chantiers au moins doivent absolument être poursuivis :
les
fusions
de corps administratifs (il en existe à peu près
1.000), l'enrichissement de la procédure de notation,
l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait
conduire à l'avènement de " métiers " au sein de
la fonction publique.
A cet égard, votre rapporteur spécial considère que la
modernisation de la gestion de la fonction publique constitue une occasion
à saisir, non seulement pour rendre l'Etat plus efficace, mais aussi
pour
enrichir le dialogue social
, les voies de réforme qu'il
propose devant être mises en oeuvre en concertation avec les
organisations syndicales.
La diminution du poids des dépenses de fonctionnement
Il s'agit d'un enjeu majeur, le fardeau des retraites de la fonction publique étant inéluctable.
Le
départ à la retraite de 40 % des fonctionnaires au cours des dix
prochaines années constitue une
occasion historique de
réformer le format et les missions de l'Etat. Le gouvernement est,
assurément, en train de la laisser passer.