II. UNE FILIÈRE NUCLÉAIRE À CONFORTER
Le
programme nucléaire français a été engagé
pour deux raisons :
- substituer le nucléaire au fioul dans les centrales électriques
pour des raisons de sécurité d'approvisionnement ;
- produire une électricité compétitive. Le
nucléaire était et demeure à cet égard
l'énergie primaire la plus compétitive pour des centrales
fonctionnant en base, plus de 4 000 heures par an.
Le contexte international a beaucoup évolué par rapport à
l'année dernière où la filière nucléaire
française pouvait paraître menacée d'une part, par la
décision allemande de mettre fin à son programme nucléaire
qui risque de remettre en cause la coopération franco-allemande sur
l'EPR (European Pressurized Reactor), et d'autre part, par la concurrence des
énergies fossiles rendues très compétitives par la baisse
des prix des hydrocarbures.
En premier lieu, la hausse continue des prix du pétrole depuis quelques
mois a rétabli le différentiel de compétitivité
dont pouvait bénéficier l'énergie nucléaire. En
second lieu, Siemens et Framatome sont en train de discuter du rapprochement de
leurs activités nucléaires, et envisagent la création
d'une filiale commune. Ce rapprochement fait suite à la signature d'un
accord le 9 juillet dernier entre Framatome, Siemens et EDF en vue de renforcer
leur coopération dans le domaine nucléaire.
Pourtant, votre rapporteur regrette le manque d'empressement mis par le
gouvernement pour lancer une tête de série pour l'EPR. Il regrette
également la stagnation des crédits du Commissariat à
l'énergie atomique et la hausse des charges sur les exploitants
d'installations nucléaires que risque d'induire la nouvelle taxe sur les
installations nucléaires de base, dont le produit devrait augmenter de
55 % par rapport à 1999.
Ces choix sont d'autant plus regrettables que le nucléaire contribue
plus que toute autre énergie primaire - hormis l'hydraulique -
à la lutte contre l'effet de serre.
A. UNE CAPACITÉ POUR L'INSTANT SUFFISANTE MAIS QU'IL CONVIENT DE PRÉSERVER
1. Une capacité suffisante
La
production nucléaire s'est élevée à 368 TWh en
1998 (contre 376 en 1997), ramenant la part de l'électricité
d'origine nucléaire dans la production électrique nationale
à 76 % contre 78,2 % en 1998. Cette moindre performance est
due aux difficultés techniques connues par certaines tranches du parc.
Le taux de disponibilité de l'ensemble des tranches REP 900 et REP
1 300 MW, qui se situait à 81 % en 1996 et 82,6 % en
1997, a été de 81,1 % en 1998 soit une progression de
15 % en 15 ans.
Depuis 1990, six tranches nouvelles du palier REP 1 300,
représentant une puissance continue nette totale de 7 880 MW ont
été mises en service. En 1996 et 1997, trois tranches du palier
N4 de 1 450 MW ont été mises en service (CIVAUX 1, CHOOZ B1 et
B2). Compte tenu de ces mises en service, la puissance installée totale
du parc électronucléaire français d'EDF s'établit
aujourd'hui à 61 500 MW.
Un problème générique sur les circuits de refroidissement
de la tranche CIVAUX 1 au cours du mois de mai 1998 a néanmoins conduit
à l'arrêt pour vérification des trois tranches du palier N4
mises en service (CIVAUX 1, CHOOZ B1 et B2). Les tranches de CHOOZ ont
redémarré pour un cycle de puissance en mars et avril 1999. Celle
de CIVAUX, autorisée à redémarrer le 21 août 1999 a
en revanche été de nouveau stoppée en raison d'un
débit trop important sur le circuit primaire.
On peut relever d'autre part un phénomène de vieillissement
accéléré par rapport aux prévisions d'EDF des
enceintes à double paroi du palier 1 300 Mwe. L'analyse des
résultats des épreuves récentes a montré que neuf
tranches étaient sensibles ou potentiellement sensibles à ce
problème. Un programme d'actions a été défini par
EDF pour y remédier.
L'appréciation selon laquelle la production française
d'électricité serait excédentaire apparaît
excessive. En effet, le système électrique n'est pas
isolé ; le continent européen est le champ d'échanges
importants d'énergie électrique au travers des réseaux
interconnectés. Ainsi, EDF exporte une part de sa production et en
importe également, avec un résultat excédentaire qui
conforte la balance extérieure de la France.
Les études menées par EDF montrent que l'industrie
nucléaire ne peut préserver son outil de production sans une
cadence minimale de commandes de réacteurs neufs et que cette cadence ne
saurait être assurée par le programme d'équipement national
au cours des prochaines années.
Si la nécessité de construire de nouveaux réacteurs ne se
fera pas sentir avant 2010
5(
*
)
,
il convient cependant de poursuivre un certain nombre d'actions pour conserver
les compétences d'étude et les moyens de fabrication les plus
stratégiques. Pour cela, il convient de mener à bien l'EPR et de
conforter les moyens du CEA.
2. Une décision qui s'impose : la construction d'une tête de série du réacteur EPR
Le
fléchissement du marché mondial des centrales nucléaires a
conduit Framatome et Siemens à créer en 1989 une filiale commune
pour commercialiser et fournir sur le marché international les
réacteurs à eau sous pression développés par les
deux constructeurs. Cette alliance commerciale a fait place à une
coopération industrielle lorsqu'en 1991, les deux constructeurs ont
décidé de concevoir en commun un nouveau réacteur pour
répondre aux besoins des marchés à l'export mais aussi en
France et en Allemagne. La phase d'optimisation du projet EPR (European
Pressurized Water Reactor) qui avait pour but d'accroître la
compétitivité de ce réacteur, est désormais
achevée. La phase suivante consiste à construire un prototype
afin de valider la construction d'un tel réacteur à plus grande
échelle.
Votre rapporteur encourage le gouvernement à prendre une décision
rapide sur ce sujet. En effet, quels que soient la sensibilité de
l'opinion publique, le degré de compétitivité des
énergies de substitution, et la durée de vie des centrales
actuelles
6(
*
)
,
l'électricité d'origine nucléaire demeure un
élément indispensable de notre indépendance
énergétique
7(
*
)
,
et, il ne faut pas l'oublier, contribue à la lutte contre l'effet de
serre
8(
*
)
. L'enjeu aujourd'hui
n'est pas de relancer le programme nucléaire mais de disposer des
compétences suffisantes pour pouvoir en temps utile renouveler notre
parc de centrales.
Or, la fiabilité et la sûreté des centrales
nucléaires - ainsi évidemment, que la résolution de
la question des déchets nucléaires - conditionne plus que
jamais l'acceptabilité de cette énergie par les citoyens. A cet
égard, l'EPR semble présenter toutes les garanties de
sûreté souhaitées ; il permet en outre une très
grande souplesse dans l'utilisation de nouveaux combustibles ; il est
enfin moins consommateur de combustibles et capable de fournir un kW à
un prix très compétitif grâce à une optimisation des
systèmes, des composants et des dimensionnements des bâtiments.
Il convient donc de ne plus différer la construction d'une tête de
série afin, d'une part, de disposer du temps nécessaire pour
procéder aux tests et aux études indispensables avant sa
généralisation, d'autre part, de maintenir le niveau de nos
compétences et de notre expertise en ce domaine, et, enfin, comme le
souligne Framatome, de disposer d'une vitrine à l'exportation. Cette
nécessité s'impose d'autant plus que la France a une
responsabilité non seulement hexagonale mais internationale. Elle n'est
en outre pas incompatible avec le renforcement de la part des énergies
renouvelables dans le bilan énergétique de la France, ni avec la
relance de la politique d'utilisation rationnelle de l'énergie.
Rappelons que Siemens et Framatome sont en train de discuter du rapprochement
de leurs activités nucléaires, et envisagent la création
d'une filiale commune. Ce rapprochement fait suite à la signature d'un
accord le 9 juillet dernier entre Framatome, Siemens et EDF en vue de renforcer
leur coopération dans le domaine nucléaire. Siemens a
exprimé sa préférence pour une filiale commune
plutôt que pour l'entrée dans le capital de Framatome, dont
Alcatel s'est retiré fin juillet au profit de Cogema qui est devenue
l'actionnaire de référence du constructeur de chaudières
avec 34 % de son capital. L'Etat détient désormais
indirectement, 80 % du capital de Framatome.