IV. LES RESTRUCTURATIONS ET LA RECONVERSION
Les
crédits destinés aux restructurations et à la conversion
des secteurs en difficulté s'établissent dans le budget pour 2000
à
1.543 millions de francs
en crédits de paiement
(soit 459,4 millions de francs de plus qu'en 1999) et à 1.592 millions
de francs en autorisations de programme. Ils sont en hausse respectivement de
42 % et 37,8 %. Il faut y ajouter les crédits du
chapitre 46-93 (qui regroupe les prestations à certains retraités
des mines et des industries électriques et gazières) pour un
montant de 400,5 millions de francs.
L'évolution des crédits de paiement depuis 1998 figure dans le
tableau ci-après :
A. L'AIDE AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
1. La très forte augmentation des aides à l'équipement naval
a) Un marché mondial caractérisé par des surcapacités chroniques et des chutes de prix spectaculaires
La
construction de grands navires de commerce constitue un marché mondial
totalement ouvert, sans aucune protection douanière ou
géographique. Soumis lui-même à une vive concurrence
internationale sur la plupart des trafics, l'armateur achète
naturellement son navire au meilleur prix international.
Or, en raison du très bas niveau des prix de vente des navires neufs, la
demande s'est accélérée entre 1994 et 1997 pour atteindre
20,9 millions de TBC (tonneaux bruts compensés, unité
représentative de l'activité des chantiers) en 1997, niveau le
plus élevé depuis 1975. Certaines diminutions de prix ont
été de 15 à 30 % au cours de 1998.
Le très bas niveau des prix résulte de la surcapacité de
l'industrie de la construction navale dans le monde, qui est elle-même
due principalement à l'augmentation importante des capacités en
Corée du sud. Celle-ci, dans le contexte de la crise financière
en Asie du Sud-Est a offert des prix plus bas pour remplir son carnet de
commande qui a dépassé celui du Japon depuis le début de
1998.
La part de marché de l'Europe de l'ouest, qui était de
25,9 % en 1998 est ainsi retombée à 17,9 % au cours du
premier semestre 1999. La part du Japon, qui était de 38 % au cours
de la première moitié de la décennie est passée
à 31,7 % en 1998 et à 28,4 % au premier semestre 1999,
tandis que celle de Corée passait de 18 à 24,3 % en 1998 et
à 28,9 % au premier semestre 1999.
Au 30 juin 1998, les principaux carnets de commandes étaient les
suivants (pour un carnet mondial total de 35,5 millions de TBC) :
Corée du Sud : 9,2 millions de TBC
Japon : 8,4 millions de TBC
Chine : 2,3 millions de TBC
Italie : 2,2 millions de TBC
Allemagne : 1,9 million de TBC
Espagne : 1,1 million de TBC
Pologne : 1,1 million de TBC
France : 1 million de TBC
Pays-Bas : 1 million de TBC
Les prévisions portant sur les besoins annuels moyens de construction
neuve marchande pour la période 1999-2010 sont de 17 millions de TBC par
an selon l'association des constructeurs européens pour des
capacités mondiales de l'ordre de 20 millions de TBC. Il est
prévu que l'écart entre les capacités et la demande
mondiale s'accentue pour atteindre 40 % en 2005, en raison de la
construction de nouvelles capacités en Chine et en Corée, de
l'augmentation de la productivité et de la conversion de chantiers
navals militaires en chantiers civils. La concurrence entre les chantiers
mondiaux devrait donc s'intensifier, même dans le créneau des
navires à plus haute technologie.
En France, le secteur de la construction navale civile (avec la
réparation et les équipementiers) représente plus de
27.000 emplois (hors plaisance) implantés sur l'ensemble du territoire.
Le bleu budgétaire de l'économie, des finances et de l'industrie
fait état d'
une part de marché des chantiers navals
français en baisse depuis 1996
tous secteurs confondus (1,25 %
en 1996, 1,24 % en 1997 et 1,22 % en 1998). La part de marché
augmente en revanche sur le segment du transport de passagers puisqu'elle est
passée de 16 % en 1996 à 20 % en 1997 et à
21,4 % en 1998.
• 30 navires ont été commandés en
1998
:
- Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : 2 paquebots de 349 cabines
pour Renaissance et 4 paquebots de 975 cabines pour RCCL ;
- Constructions mécaniques de Normandie : un navire ravitailleur de
plate-formes pour Surf ;
- GEC Alstom Leroux Naval : 2 transbordeurs rapides pour la Grèce
et pour la SNCM, trois remorqueurs pour la Tunisie et 14 autres remorqueurs
pour les Abeilles, société du groupe Chambon ;
- Piriou (Concarneau) : 2 navires ravitailleurs de plate-formes pour Surf
et 2 thoniers congélateurs de 82 m pour l'Italie.
• 4 navires ont été commandés au cours du
premier semestre 1999
auprès des Chantiers de
l'Atlantique : un paquebot de 366 cabines pour Radisson, un paquebot de
625 cabines pour Festival et 2 paquebots de 349 cabines pour Renaissance.
b) Une politique nationale étroitement encadrée
L'accord
signé à l'OCDE le 19 décembre 1994 en vue de mettre fin
à toutes les aides directes (aux chantiers) et indirectes
15(
*
)
(aux armateurs) n'a toujours pas
été ratifié par les Etats-Unis dont les six principaux
chantiers (80.000 emplois) semblent opposés à cet
accord
16(
*
)
.
Pour faire face à l'éventualité d'une absence de
ratification par les Etats-Unis, la Commission européenne a
présenté fin 1997 un nouveau règlement qui a
été adopté à la majorité qualifiée
lors du conseil industrie du 7 mai 1998. Ce règlement, applicable
du 1
er
janvier 1999 au 31 décembre 2003, autorise les aides
à la commande
jusqu'au 31 décembre 2000
. Il permet
également les aides à la fermeture partielle ou totale. Enfin, il
étend à la construction navale les dispositifs accessibles aux
autres secteurs industriels concernant les aides à la recherche et au
développement, au sauvetage et à la restructuration d'entreprises
en difficulté, aux investissements pour innovation et à la
protection de l'environnement.
Dans ce contexte, la politique française d'aide à la construction
navale repose sur trois outils :
- l'aide à la prise de nouvelles commandes de construction de navires
neufs ou de transformations importantes de navires ;
- les aides à la restructuration pour les chantiers qui doivent
réduire leurs effectifs ;
- les aides à la recherche en faveur, d'une part, des technologiques
nouvelles porteuses de produits nouveaux (navires rapides par exemple) ou de
gains de productivité, et, d'autre part, du développement de
navires à haute valeur ajoutée ou de concepts d'avenir permettant
aux chantiers de construire des navires échappant au moins partiellement
à la concurrence de l'Extrême-Orient.
L'enveloppe de crédits consacrée aux
aides à la
construction navale,
qui constitue cette année les deux tiers des
crédits consacrés à la reconversion et aux
restructurations et un quart de l'agrégat " Accompagnement de
l'activité industrielle ", est
très significativement
accrue
dans le budget pour 2000 compte tenu de la proximité de la
fin du délai au cours duquel le règlement européen de mai
1998 autorise les aides. Elle s'élève ainsi à
1.287 millions de francs
en AP comme en CP contre 850 et
800 millions de francs respectivement l'année dernière, ce
qui représente une hausse de 51 % en AP et de 61 % en CP.
Toutefois, dans la mesure où le projet de loi de finances rectificative
pour 1999 propose d'ouvrir une nouvelle enveloppe d'autorisations de programme
de 2.330 millions de francs ainsi qu'un montant de crédits de
paiement supplémentaire de 325 millions de francs pour 1999, les
1.287 millions de francs d'AP et de CP proposés pour 2000 doivent
se comparer à 3.180 millions de francs d'AP ouvertes en 1999 et
à 1.125 millions de francs de CP.
L'ouverture de nouveaux crédits en loi de finances rectificative pour
1999 semble correspondre aux besoins liés à la fermeture des
Ateliers et Chantiers du Havre. Quant à l'enveloppe de crédits
proposée pour 2000, elle traduit l'engagement pris par le gouvernement
en novembre 1998 d'accompagner le plan CAP 21 mis en oeuvre par les Chantiers
de l'Atlantique.
Rappelons que les
Chantiers de l'Atlantique
, filiale du groupe ALSTOM,
seront les derniers grands chantiers de construction navale, après la
fermeture programmée des Ateliers et Chantiers du Havre qui aura lieu
après la construction des deuxièmes et troisièmes
chimiquiers commandés en 1995 par l'armateur STOLT NIELSEN.
Situés à Saint-Nazaire, les Chantiers de l'Atlantique emploient
3.750 personnes et ont réalisé un chiffre d'affaires de
5.161 millions de francs en 1998. Reconvertis depuis le milieu des
années 1980 dans la construction de navires à haute valeur
ajoutée afin de lutter contre la concurrence asiatique, ils ont
livré 9 paquebots depuis 1995 et 12 autres étaient
commandés au 30 juin 1999.
Il faut toutefois noter l'importance des reports de crédits d'une
année sur l'autre qui traduit certes les très grandes
fluctuations d'activité, mais qui rend bien théorique
l'autorisation de dépense donnée par le Parlement. Au
30 juillet 1999 les crédits engagés s'élevaient
à 1.693,2 millions de francs pour une enveloppe globale d'AP de
3.258 millions de francs compte tenu des reports des années
précédentes.
2. L'insuffisante contraction des crédits de restructuration industrielle
a) Les actions de restructuration industrielle menées par le CIRI
Le
dispositif public de restructuration industrielle repose principalement sur des
comités spécialisés (CIRI
17(
*
)
, CORRI, CODEFI) intervenant
respectivement aux niveaux national, régional et départemental.
Le CIRI et les CORRI sont chargés de traiter les problèmes de
restructuration d'entreprises industrielles, de susciter la mise en oeuvre de
plans de redressement et de s'assurer, à cette occasion, du concours des
partenaires habituels de l'entreprise. Le CIRI traite en principe des
entreprises de plus de 400 personnes et les CORRI de celles dont l'effectif est
compris entre 250 et 400 personnes.
Les CODEFI ont essentiellement une mission de prévention auprès
des entreprises de moins de 250 personnes et s'efforcent de trouver des
solutions avec les partenaires, bancaires notamment, pour les aides à
passer des caps difficiles. Ils peuvent saisir la commission des chefs de
services financiers du département, seule compétente pour
accorder des reports d'échéances de paiement des charges fiscales
et sociales.
Chargés de coordonner l'action des administrations susceptibles
d'intervenir dans le domaine des restructurations industrielles, ces
différents comités n'apportent un soutien financier qu'à
titre exceptionnel et peu significatif au regard des actionnaires et des
créanciers. Cet apport peut prendre la forme de subventions
18(
*
)
, sous forme de crédits de
politique industrielle, ou de prêt du FDES
19(
*
)
, prélevé sur un
compte spécial du Trésor.
Au cours des cinq dernières années, le CIRI a été
saisi de
46 dossiers d'entreprises en difficulté
représentant un nombre de
48.462 emplois
. Le rythme des saisines
de nouveaux dossiers s'est stabilisé depuis trois ans au dessous de la
barre des dix dossiers par an. De façon générale,
l'intervention du comité s'accompagne de moins en moins
fréquemment de concours financiers aux entreprises, ce qui explique la
diminution des crédits ayant fait l'objet d'une
délibération. 25 millions de francs de crédits de
politique industrielle ont été consommés en 1998 soit plus
de deux fois moins que l'année précédente et seulement 1,5
million de francs a été consommé au cours du
1
er
semestre 1999, comme l'indique le tableau ci-après :
Votre rapporteur observe qu'en 1998 , les crédits de paiement
votés en loi de finances initiale ont été
complétés par un report de crédits de 159 millions de
francs. Les crédits ainsi disponibles pour ces actions n'ont
été consommés qu'à 15 %.
Cette année, après avoir été fortement
contractés (- 60 % en AP et - 40 % en CP) dans le
budget pour 1999, les
crédits destinés aux actions de
restructurations industrielles suivies par le CIRI
sont stabilisés
dans le budget pour 2000 : ils s'établissent à
30 millions de francs
en AP comme en CP. Le gouvernement fait en
effet valoir que l'évolution des engagements de crédit par le
CIRI est très variable et impossible à prévoir, ce qui
justifie de continuer à abonder la ligne budgétaire
correspondante. Votre rapporteur reste dubitatif.
b) Les actions de restructuration industrielle menées hors CIRI
La mise
en oeuvre des crédits de politique industrielle hors CIRI obéit
à des besoins très divers dont les principaux ont trait au
financement de mesures de réindustrialisation de sites et
d'accompagnement social. Ces crédits sont destinés à des
secteurs menacés dont le traitement ne fait pas l'objet d'une
coordination interministérielle (habillement-textile,
électronique, construction navale, automobile...).
Au cours des cinq dernières années, la consommation de ces
crédits est également en baisse. En conséquence, les
dotations de l'article 10 du chapitre 64-96 sont ramenées de 85 à
75 millions de francs en AP et de 81 à 68 millions de francs en CP.
Votre rapporteur approuve cet ajustement des crédits aux besoins
réels.