II. UN PROJET DONT LE CONTEXTE ET L'AMBITION DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉS
La
démarche de modernisation entreprise s'inscrit dans un contexte
particulier qu'il faut rappeler et témoigne d'une dynamique
principalement assise sur des réorganisations internes et un
environnement facilitant.
Le contenu du contrat d'objectifs et de moyens atteste une ambition dont les
résultats, loin d'être négligeables, restent pourtant
modérés. Cette caractéristique s'explique à son
tour par le choix, provisoire, de placer le contrat d'objectifs et de moyens
dans un environnement presque sans changements.
A. LE CONTEXTE ADMINISTRATIF ET LA DYNAMIQUE DU CONTRAT
La
démarche entreprise se situe dans le cadre d'une réflexion sur le
coût de notre système fiscal dont un rapport récent de
l'Inspection générale des finances, inusuellement diffusé,
a tenté une évaluation comparative.
Elle s'appuie essentiellement sur des réorganisations internes
même si elle compte sur un environnement facilitant dont elle fait
à divers titres une condition de succès.
1. Les conclusions du rapport sur la comparaison des coûts de gestion de l'impôt
La
principale conclusion de la mission dite Lépine porte sur le niveau
relativement élevé du coût d'administration des
impôts en France.
Recettes prises en compte : impôts et cotisations sociales, sauf
pour l'Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni (impôts seulement)
/ France : DGI + CP (ACOSS exclue)
11(
*
)
Source
: IGF - Ministère de l'économie, des finances
et de l'industrie
Avec un rapport coûts de gestion / recettes fiscales nettes
encaissées de 1,6 %, la France se situerait à
l'avant-dernier rang en matière de productivité de son
administration fiscale.
Le diagnostic qui est posé attribue cette médiocre performance
à :
- la fonction de recouvrement dont l'analyse permettrait d'identifier un
écart de 0,3 % entre les administrations françaises et leurs
homologues (les coûts du recouvrement représentent 0,5 % des
recettes nettes en France, contre 0,2 % en moyenne dans
l'échantillon) ,
- aux modes de gestion de l'impôt (la retenue à la source pour
l'impôt sur le revenu existe dans tous les pays sauf la France) ;
- au nombre d'administrations fiscales qui induit des coûts de
liaison ;
- à la densité des réseaux ;
- à une répartition différente des coûts entre les
dépenses de personnel et les investissements de modernisation
(informatique et formation notamment) : les dépenses de personnel
représentent ainsi en France 81 % des dépenses totales, soit
13 points de plus que la moyenne de l'échantillon
(68 %) ; en sens contraire, les dépenses informatiques
représentent souvent 20 % du budget total, soit plus du double de
ce qu'on trouve en France.
En revanche, la prise en charge d'impôts locaux, très complexes
et donc à gestion coûteuse, par les administrations fiscales
françaises ne contribuerait qu'à hauteur de 0,08 % au taux
d'intervention de 1,60 %.
Il faut accorder toute son importance à cette observation compte tenu
des termes du discours habituel sur le sujet qui imputent au volet
" collectivités locales " de l'activité des
administrations fiscales la moitié de leurs coûts.
D'autres conclusions, plus qualitatives, doivent être
mentionnées
.
Le rapport note ainsi d'abord l'émergence d'un modèle
rénové d'administration fiscale dans les pays
étudiés.
Il serait centré autour de :
- la transformation rapide du périmètre des administrations
fiscales, et notamment le passage à l'administration fiscale unique,
- la transformation des missions des administrations fiscales, de plus en plus
centrées sur les seules tâches de gestion,
- la progression du modèle de l'agence,
- la recomposition des réseaux,
- une accélération des transformations internes des
administrations fiscales,
- l'accent de plus en plus porté sur les processus de travail des
administrations fiscales et non leur organisation interne.
La France ferait exception.
Il identifie aussi plusieurs éléments de rénovation de
l'organisation interne des services chargés des missions fiscales
.
Parmi ces derniers, il relève une évolution vers davantage de
spécialisation, trois stades d'organisation des administrations fiscales
se succédant :
l'organisation initiale par impôt, phase jugée assez
largement dépassée pour la plupart des administrations
fiscales ;
l'organisation par compétence géographique, qui constitue
à ce jour le modèle dominant ;
l'organisation par groupe de contribuables, qui pourrait bien constituer
le modèle générique de demain pour la plupart des
administrations fiscales.
La centralisation des administrations fiscales serait une autre tendance
visant à corriger les effets du modèle d'implantation
géographique encore dominant.
Elle a pour premier résultat une réduction importante du nombre
des bureaux locaux dans les administrations fiscales à
l'étranger, le caractère exceptionnel de la situation de la
France se renforçant au terme de ce processus.
Densité du réseau d'unités locales généralistes
|
France |
Allemagne |
Canada |
Espagne |
Etats-Unis |
Irlande |
Italie |
Pays-Bas |
Royaume-Uni |
Suède |
nombre d'unités généralistes |
3.840 |
645 |
60 |
206 |
33 |
130 |
950 |
66 |
500 |
120 |
population |
58,6 |
81,9 |
30,3 |
39,3 |
267,2 |
3,6 |
57,4 |
41,5 |
59 |
8,9 |
superficie |
551 |
357 |
9971 |
505 |
9973 |
71 |
302 |
15,6 |
244,1 |
450 |
nombre d'unités pour 1 million d'habitants |
65,5 |
7,9 |
2 |
5,2 |
0,1 |
36,1 |
16,6 |
1,6 |
8,5 |
13,5 |
nombre d'unités pour 100.000 km2 |
696,9 |
180,7 |
0,6 |
40,8 |
0,3 |
183,1 |
314,6 |
423,1 |
204,8 |
26,7 |
Pour la
France, les 3.840 unités généralistes prises en
compte sont les 840 centres des impôts et les 3.000 postes de
recouvrement de la direction générale de la comptabilité
publique.
Même en ne prenant pas en compte le réseau des Douanes et celui de
la branche recouvrement de la sécurité sociale, la densité
du réseau français est 6,5 fois supérieure à
la moyenne de l'échantillon.
Enfin, l'externalisation des tâches progresserait
, les
administrations fiscales étudiées confiant, plus que
l'administration française, de nombreuses tâches
nécessaires à l'administration de l'impôt à des
tiers.
C'est principalement le cas dans le domaine du recouvrement et même,
à la marge, de l'assiette avec la retenue à la source ou la
gestion du recouvrement spontané -v. infra- par le système
bancaire.
Mais ce l'est aussi dans certains cas pour la gestion des moyens mêmes
des organismes fiscaux comme l'informatique sur une base, le plus souvent,
expérimentale.
2. Des conclusions à nuancer
La
principale conclusion du rapport qui consiste à relever le coût
comparatif élevé de l'administration fiscale française
peut faire l'objet de quelques réserves.
Tout d'abord, on doit remarquer combien est relative la signification de
l'indicateur utilisé pour mesurer le coût de notre administration
fiscale. La réintégration des cotisations sociales qui sont
gérées par les services fiscaux dans plusieurs pays de
l'échantillon conduirait à elle seule à diminuer la valeur
du ratio français à 1,13 % soit à un niveau
équivalent à celui de la moyenne de l'échantillon.
En outre, la significativité du dénominateur -les recettes nettes
encaissées- n'est pas entière puisqu'elles n'intègrent pas
une partie importante des charges que supportent les services fiscaux et qui
sont susceptibles de varier beaucoup d'un pays à l'autre. Il faut en
particulier souligner un point très important. L'on sait que le
contrôle fiscal consomme une part significative des moyens de
l'administration mais que le recouvrement des droits constatés à
sa suite est particulièrement difficile. Dans ces conditions, les pays
dans lesquels le contrôle fiscal est peu développé
disposent mécaniquement d'une situation avantageuse au regard de
l'indicateur de performance utilisé dans le rapport. Doit-on pour autant
les juger plus performants ? Conclure en ce sens n'apparaîtrait
guère raisonnable.
Il apparaît surtout que les écarts de coûts tenant aux modes
de gestion des impôts sont appréhendés sur une base qui
mériterait d'être enrichie. Ces écarts reposent
principalement sur le degré d'externalisation de la gestion des
impôts (retenue à la source mais aussi gestion des encaissements,
voire sous-traitance de certaines tâches, informatiques en particulier).
Ces solutions ne font pas s'évaporer les charges d'administration de
l'impôt. Simplement
une partie des coûts liés à
ces tâches est assumée directement par des tiers dans les pays
où elles sont externalisées
.
Dès lors, il est
essentiel d'évaluer ces transferts de charges et d'en comparer les
coûts pour les tiers avec ceux qu'ils supportent quand l'administration
fiscale les prend directement à son compte.
Cependant, ces réserves ne conduisent pas à contester le constat
posé par le rapport de l'existence de gisements de gains
d'efficacité non plus que ses conclusions sur la nécessité
d'améliorer les relations entre l'administration fiscale et les
contribuables.
3. Le contrat d'objectifs et de moyens s'appuie essentiellement sur des réorganisations internes et un environnement facilitant
Pour
l'essentiel, les progrès d'efficacité sont attendus de
réorganisations internes
.
Les unes concernent les missions
foncières
. Elles
comportent un développement de la dématérialisation
à travers :
- le projet FIDJI d'informatisation des conservations des hypothèques,
qui aboutir à la dématérialisation de la plupart des
données contenues dans les actes déposés à la
conservation ;
- les projets de mise en place de serveurs d'informations en matière de
données cadastrales littérales et graphiques et de
délivrance de renseignements hypothécaires.
Viennent ensuite les réformes à apporter aux conditions
d'exercice des missions.
Elles portent d'abord sur l'accélération du processus
d'informatisation et de dématérialisation.
La décision de mettre en oeuvre la déclaration 2042
" express " pour 2001 ne remet pas en cause la réalisation des
priorités définies dans le cadre du schéma directeur de
l'informatique.
Il s'agit de regrouper l'ensemble des données concernant les redevables
professionnels dans une base unique utilisant les identifiants SIREN/SIRET
(projet BDRP), de poursuivre la dématérialisation dans le domaine
fiscal, avec notamment le développement des échanges avec
l'extérieur par téléprocédure (TDFC,
télédéclaration, télépaiement) et la
dématérialisation du dossier fiscal individuel
(dossier 2004), d'accélérer la modernisation des moyens de
paiement, grâce à l'extension des moyens de paiement à
distance (virement, études sur la mise en place du
prélèvement automatique) et par carte bancaire, et de
développer de nouveaux outils de communication interne (messagerie
électronique inter-services MEDIA, réseau intranet...).
Un volet important concerne l'adoption de nouvelles méthodes de
travail.
Elle concerne d'abord la rénovation de la gestion des ressources
humaines avec la mise en place de commissions administratives paritaires
locales, la déconcentration des actes de gestion du personnel ainsi que
différentes mesures destinées à réduire la
mobilité excessive des agents en région Ile-de-France. Au titre
de ces dernières mesures, il est notamment envisagé de
créer des concours nationaux à affectation régionale et de
mettre en place une bonification d'ancienneté en contrepartie d'une
stabilité de cinq ans dans une même résidence en
région Ile-de-France.
Ces mesures avaient été évoquées par votre
rapporteur l'année dernière comme autant de moyens
nécessaires pour remédier à l'excessive instabilité
des personnels en Ile-de-France.
Elle porte aussi sur la modernisation du management des services et le
développement du contrôle de gestion. Ils passent par une
amélioration des outils de mesure de performance des actions, notamment
sur le plan qualitatif, de connaissance et de maîtrise des coûts,
au plan national comme au plan local, de gestion participative par objectif et
de contractualisation interne.
La réorganisation des centres régionaux d'informatique
(CRI) contribuerait à une part importante des gains d'efficacité.
Elle suppose sur cinq ans la suppression de 800 emplois dans les CRI et la
reconversion des 800 agents concernés.
Enfin, des évolutions de structures et d'organisation doivent
être mentionnées
avec la suppression des directions
régionales des impôts moyennant la mise en place de
" délégués " interrégionaux et la
restructuration de la fiscalité professionnelle.
L'allégement des tâches et la dématérialisation des
procédures devraient engendrer en ce domaine des gains
d'efficacité significatifs dans les recettes, estimés à
quelque 325 emplois.
Le contrat d'objectifs et de moyens suppose aussi, à
côté de ces réformes internes, un environnement
facilitant.
Il s'agit, en particulier, du succès qui n'est pas acquis de la
" déclaration express " qui suppose la pré-impression
des salaires et pensions principalement ainsi que, si possible, des revenus de
capitaux mobiliers.
Sa mise en oeuvre n'interviendrait qu'à partir de la campagne 2001, avec
une montée en charge progressive qui laisse prévoir une
concrétisation de tous les effets positifs en matière
d'allégements de charge à partir de 2003 seulement.
Mais, il s'agit aussi d'autres mesures de simplification législatives ou
organisationnelles qui seraient proposées à l'initiative du
comité de stratégie fiscale et concerneraient notamment la taxe
d'habitation.