N° 64
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Hubert HAENEL sur la proposition de règlement du Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l' accord de commerce, de développement et de coopération entre la Communauté et la République d' Afrique du Sud (E-1303) ,
Par M.
Gérard CÉSAR,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.
Voir
les numéros :
Sénat
:
35
(1999-2000).
Union européenne . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La proposition de résolution n° 35, présentée
par M. Hubert Haenel au nom de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne, porte sur la proposition de règlement (CE) du
Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de
l'accord entre la Communauté et la République d'Afrique du Sud
(COM (1999) 402 final).
Le texte n °E 1303, déposé le 21 septembre dernier au
Sénat, a trait à l'ouverture et à la gestion de
contingents tarifaires pour les fleurs, les fruits, les fromages, la
caillebotte et les vins -avec notamment un quota annuel d'entrée sur le
territoire de l'Union à droits nuls pour 320.000 hectolitres de
vins sud-africains- ainsi qu'aux modalités de calcul des droits
préférentiels et à la surveillance des importations
préférentielles.
Cette proposition de règlement communautaire est le troisième
document déposé sur le Bureau des Assemblées en moins de
six mois relatif à l'accord de libre échange entre la
Communauté et la République d'Afrique du Sud (RAS).
La complexité de ce dossier, tant sur la forme que sur le fonds,
nécessite, avant d'examiner la proposition de résolution de M.
Hubert Haenel, Président de la délégation du Sénat
pour l'Union européenne, de présenter brièvement
l'état des relations commerciales entre l'Union européenne, la
France et l'Afrique du Sud, d'analyser en détail l'accord de libre
échange finalisé le 24 mars dernier et enfin de
" décortiquer " le processus de négociation qui a
conduit, à juste titre, la Délégation du Sénat pour
l'Union européenne à alerter la Commission des Affaires
économiques sur les difficultés que soulèvent ce
dossier.
I. L'ÉCONOMIE SUD-AFRICAINE : UNE CROISSANCE PROMETTEUSE OFFRANT D'IMPORTANTES OPPORTUNITÉS
A. DONNÉES GÉNÉRALES SUR L'ÉCONOMIE SUD-AFRICAINE
1. Une réalité contrastée
Avec
environ 25 % du PIB du continent africain et 80 % du PIB de l'Afrique
australe,
l'Afrique du Sud
, composé de 43 millions
d'habitants, est souvent
présentée comme " le
géant de l'Afrique "
1(
*
)
.
Néanmoins, l'économie de la République d'Afrique du Sud
soulève une difficulté permanente de classement pour les experts,
puisqu'elle est à la fois une économie industrialisée dans
certains secteurs (équipements collectifs, technologies modernes,
production et distribution d'électricité, liquéfaction du
charbon, maîtrise de l'énergie nucléaire) et en même
temps un pays celle d'un pays en développement lorsqu'on examine le
revenu de la population.
Placée sous le signe de la continuité après les
élections du 2 juin 1999, l'Afrique du Sud a maintenu une certaine
rigueur budgétaire, a poursuivi la restructuration des engagements de la
Reserve Bank et maîtrisé durablement les fondamentaux
macro-économiques intérieurs (inflation à 3,2 %,
réduction du déficit budgétaire...).
Ainsi,
malgré des problèmes structurels importants - pauvreté
endémique, économie vulnérable aux tensions
internationales, emploi déstructuré-, les performances
macro-économiques de ce grand pays sont globalement satisfaisantes.
2. Une ouverture progressive
L'ouverture de l'économie sud-africaine s'est
soldée
par une augmentation très rapide des exportations, mais aussi des
importations.
Le commerce extérieur représente une
activité essentielle de l'économie sud-africaine, les
exportations constituant en 1997 32,8 % du PIB.
L'Afrique du Sud
, ayant choisi d'intégrer les grandes organisations
mondiales du commerce,
conduit un scénario de
démantèlement progressif des barrières douanières
et tarifaires
. Les industries sud-africaines sont néanmoins encore
insuffisamment concurrentielles au niveau international. Les industries du
textile, de l'habillement et de l'automobile doivent donc s'adapter et se
trouvent dans l'obligation, depuis 1995, de se moderniser sous l'effet du
retrait progressif des protections douanières. Des aides
gouvernementales tentent de faciliter l'ouverture du marché, mais les
coûts sociaux sont très élevés.
Les barrières douanières sont progressivement levées dans
la zone de la South African Development Community (SADC) ; près de
70 % des échanges au sein de cette zone étant aujourd'hui
soumis à des tarifs douaniers inférieurs à 5 %.
L'orientation des activités économiques vers l'exportation est
avantagée par la dépréciation constante du rand (la
monnaie sud-africaine), qui devrait se poursuivre en 1998.
Enfin,
l'ouverture sur l'extérieur se traduit par l'appel aux
investisseurs étrangers
. De 1985 à 1994, le pays avait
enregistré un départ important de capitaux (51,7 milliards
de rands) que commence à compenser le flux qu'il reçoit depuis
l'élection du nouveau gouvernement en 1994 (35 milliards de rands).
Pour atteindre la croissance espérée de 6 % en l'an 2000 et
afin de financer ses besoins en investissements, compte tenu de la faiblesse
actuelle de l'épargne intérieur (16 % du PIB),
l'économie sud-africaine a besoin d'un montant d'investissements
extérieurs nets égal à 4-5 % de son PIB, soit environ
22 à 28 milliards de rands en 1997
. Jusqu'à
présent, elle a réussi à attirer des investissements
directs en quantité significative mais encore insuffisante.
L'assouplissement du contrôle des changes, encore accru dans le budget
1998-1999 devrait faciliter l'entrée de ces investissements, d'autant
que les privatisations envisagées vont offrir de nouvelles
opportunités aux investisseurs étrangers.
3. L'agriculture sud-africaine : un secteur fortement exportateur
Le
secteur agricole, qui représente en 1996 5,73 % du PIB et emploie
10 % de la population, est structurellement excédentaire
. Il
fournit un complément
d'exportations important
, notamment en
maïs, sucre, laine, bois à tanins, pâte à papier et
élevage.
L'agro-alimentaire constitue en 1996 plus de 10 % des exportations
sud-africaines et 8 % des importations.
ÉVOLUTION DU POIDS DU SECTEUR AGRICOLE DANS LE PIB
SUD-AFRICAIN
(EN %)
Source
: d'après South African Reserve
Bank,
décembre 1997.
Dans le secteur plus spécifique des vins, la production sud-africaine
est la suivante :
Vins |
Vins 1993 |
Vins 1994 |
(en hectolitres) |
9.183.098 hl |
9.124.086 hl |
Spiritueux |
1993/1994 |
1994/1995 |
|
1.024.900 hl |
1.027.000 hl |
Cidres |
1993/1994 |
1994/1995 |
|
564.000 hl |
890.000 hl |
L'Afrique du Sud
, avec trois siècles d'histoire
viticole,
est le huitième plus grand producteur de vin au monde.
La consommation
en 1994 était de
8,78 de litres de vins par
an et par habitant,
0,85 litres de spiritueux et 54 litres de
bières.
Le commerce extérieur constitue, dans ce secteur, une activité
essentielle :
|
IMPORTATIONS
|
VALEUR
|
EXPORTATIONS
|
VALEUR (en ZAR) |
Vins
mousseux
|
200.331
|
10.614.840 |
1.568.660
|
20.607.588 |
Vins
|
19.496.487
|
55.631.842 |
100.457.532
|
846.973.044 |
Vermouth
& vins aromatisés
|
98.909 |
966.146 |
55.919 |
137.527 |
Autres
boissons fermentées
|
4.469.538
|
23.101.629 |
2.515.907
|
6.731.669 |
Alcool
Éthylique (80 %)
|
51.799.970
|
110.956.168 |
406.525.908
|
444.153.840 |
Spiritueux de raisin ou marc
|
417 242
|
15.607.245 |
580.004
|
9.734.712 |
Whisky
|
19.338.436
|
384.759.653 |
2.052.959
|
9.734.712 |
Rhum et
Tafia
|
1.572.608
|
29.945.356 |
66.414 |
1.063.316 |
Gin et
Genièvre
|
102.968 |
1.055.504 |
537.227 |
8.209.031 |
Vodka
|
228.154 |
2.331.816 |
230.124 |
2.805.492 |
Liqueurs
et Cordials
|
64.021 |
1.552.372 |
276.212 |
1.692.896 |
Divers
|
2.784.747 |
43.647.004 |
1.883.913 |
29.788.139 |
Source
: CFCE
Principaux pays destinataires ou fournisseurs :
JP : Japon, GB : Grande-Bretagne, NL : Pays-Bas, DE :
Allemagne, TW : Taiwan, US : Etats-Unis, IT : Italie, CL :
Chili, AR : Argentine, JM : Jamaïque, CA : Canada,
PT : Portugal.
B. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA FRANCE ET L'AFRIQUE DU SUD
Au
cours des 9 premiers mois de 1998,
la France était le
5
ème
fournisseur
(4,12 % des importations) et
11
ème
client
(1,9 % des exportations avec plus de
6 milliards de francs) de l'Afrique du Sud.
La France n'est donc encore qu'un partenaire économique de second
rang de la République d'Afrique du Sud
2(
*
)
.
Les investissements français sont estimés
, en
République d'Afrique du Sud, à
9 milliards de francs
,
la France se plaçant derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne et les
Etats-Unis. La présence française reste relativement modeste avec
125 implantations par rapport aux 200 à 300 du Royaume-Uni ou de
l'Allemagne.
Dans le secteur agricole et agro-alimentaire, la France occupe une place
intéressante
malgré l'absence de véritables
" locomotives ". L'entreprise Danone est néanmoins
présente dans le secteur de la grande consommation puisqu'elle
détient environ la moitié du marché des produits laits
frais.
Ce marché agro-alimentaire n'est pas réservé aux
multinationales, la moitié des exportations françaises vers
l'Afrique du Sud étant réalisée par des PME.
C. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'AFRIQUE DU SUD
Actuellement, l'Union européenne
fournit les 2/3 de l'aide totale
extérieure que reçoit l'Afrique du Sud,
soit environ
2 milliards de francs
(304 millions d'euros)
par an
.
L'Europe occupe aussi le premier rang dans les relations commerciales
sud-africaines
(avec 40 % du total) et dans
le volume des
investissements
(78 % des investissements en RAS).
L'Europe est donc le premier partenaire de la République d'Afrique du
Sud
.
Les relations
entre ces deux partenaires
se développent
,
notamment dans le
secteur agricole
. Le vin reste, néanmoins, peu
représentatif de ces échanges puisqu'il constitue 0,1 % de
l'ensemble des exportations de l'Union européenne vers la
République d'Afrique du Sud et 0,5 % du total des exportations de
l'Afrique du Sud vers le marché communautaire.
COMMERCE DE L'UNION EUROPÉENNE AVEC L'AFRIQUE DU SUD DANS LE DOMAINE AGRICOLE
|
1994 |
1997 |
IMPORTATIONS |
(en millions d'euros) |
|
Total |
8 751,2 |
9 088,6 |
Agriculture |
827,7 |
1 158,5 |
dont : |
|
|
Fruits frais |
427,3 |
596,9 |
Vins et spiritueux |
42,9 |
144,2 |
Fruits transformés |
78,5 |
95,4 |
Laine |
106,5 |
89,6 |
Cuirs et Peaux |
44,1 |
70,5 |
EXPORTATIONS |
|
|
Total |
7 097,2 |
9 745,5 |
Agriculture |
273,9 |
425,7 |
dont : |
|
|
Vins et spiritueux |
69,9 |
118,5 |
Viande |
70,3 |
64,3 |
Produits laitiers |
8,9 |
35,5 |
Farines |
22,1 |
31,3 |
Préparations de céréales |
8,1 |
23,4 |
Céréales |
0,8 |
22,9 |
Source
: Eurostat
.
La République d'Afrique du Sud, avec laquelle l'Europe a signé,
dès le 10 octobre 1994, un accord de coopération,
représente 1,5 % des exportations et des importations de l'Union
européenne.
Ces deux partenaires ont souhaité, parallèlement avec
l'adhésion de l'Afrique du Sud à la Convention de Lomé
effective en avril 1997, engager des négociations pour aboutir à
un accord plus vaste.