Projet de loi sur l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique
DURAND-CHASTEL (Hubert)
RAPPORT 14 (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. PERSPECTIVES POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES DU MEXIQUE À LA VEILLE DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE L'AN 2000
- II. DES RELATIONS BILATÉRALES À DÉVELOPPER
- III. L'ACCORD SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 14
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l' encouragement et la protection réciproques des investissements ,
Par M.
Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme
Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de
Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte,
Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat,
Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat :
479
(1998-1999).
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de
l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements entre la France et le Mexique signé à Mexico le
12 novembre 1998.
Cet accord constitue un maillon supplémentaire dans la chaîne des
accords de ce type conclu avec plus de 80 Etats dans le monde. Son enjeu est
important : il s'agit pour notre pays de conforter le statut des
investissements français dans un pays au potentiel économique
fort et où la France se doit de développer sa présence
économique.
Cet accord n'a pas été conclu sans difficultés, car Les
contraintes du Mexique sont spécifiques. C'est un pays qui a
été soumis à d'importantes difficultés
économiques depuis 20 ans. Deux crises importantes ont marqué les
deux dernières décennies : celle de la dette dans les
années 1980 et celle de 1994 qui a été provoquée
par la perte de confiance des investisseurs étrangers qui se sont
massivement retirés du Mexique provoquant une importante
dévaluation du peso, et surtout une importante récession
économique. Le Mexique est aussi un pays où le rôle de
l'Etat dirigé depuis 70 ans par le PRI (Parti révolutionnaire
institutionnel) était traditionnellement fort et où
l'indépendance nationale était symbolisée par la
nationalisation des ressources pétrolières.
Mais ces caractéristiques ne font qu'accroître pour la France et
ses entreprises l'intérêt de cet accord d'investissements qui vise
à permettre aux sociétés françaises d'y investir et
d'en retirer des revenus dans les meilleures conditions de
sécurité.
Cet accord, qui doit être ratifié par le Mexique avec d'autres
conventions conclues avec d'autres pays européens, est également
le signe de la volonté réciproque du Mexique et des pays
européens de développer leurs relations, comme l'avait
déjà montré la conclusion de l'accord de partenariat
économique, de coordination politique et de coopération entre la
Communauté européennes et le Mexique le 8 décembre 1997
(rapport fait par M. André Rouvière, n°55, session ordinaire
1998-1999). En effet, l'économie mexicaine est très
étroitement liée à l'économie américaine qui
représente l'essentiel de ses débouchés, il est donc
souhaitable que le Mexique développe son commerce avec d'autres
régions et qu'en particulier les pays européens puissent
développer leur présence au Mexique.
Cet accord intervient enfin dans une période de profonde mutation
économique et politique au Mexique. Economiquement d'importantes
évolutions sont en cours et, politiquement, le pays se prépare
à élire son nouveau Président. Cette élection est
essentielle. Pour la première fois depuis 70 ans, il n'est pas exclu
qu'un candidat de l'opposition soit élu, ce qui pourrait modifier
profondément le paysage politique mexicain.
Dans la mesure où la commission a effectué l'an passé sa
principale mission dans ce pays (Collection "
Les rapports du
Sénat " :
Le Mexique de l'an 2000
: entre
transformation politique, modernisation économique et poids du
passé
, n°309, 1998-1999), votre rapporteur concentrera son
étude sur les évolutions les plus récentes du Mexique dans
la perspective de l'élection présidentielle de l'an 2000. Puis il
s'attachera à analyser les principales dispositions de
l'accord.
I. PERSPECTIVES POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES DU MEXIQUE À LA VEILLE DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE L'AN 2000
La vie économique et politique du Mexique est aujourd'hui dominée par la préparation de l'élection présidentielle de l'an 2000 qui sera la première élection présidentielle réellement démocratique depuis 70 ans. Il n'est pas exclu qu'elle entraîne l'alternance au sommet de l'Etat. Jusqu'à présent au Mexique, l'élection présidentielle a souvent provoqué une crise de confiance et donc une crise économique et financière, dont la dernière date de 1994. Pour la prévenir, le gouvernement mexicain a conclu cet été un accord avec le FMI car l'économie reste fragile.
A. LA VIE POLITIQUE MEXICAINE EST DOMINÉE PAR LA PRÉPARATION DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Depuis 1990, le Mexique a engagé la démocratisation de ses institutions, permettant à l'opposition de prendre une place croissante dans la vie politique. L'élection présidentielle doit être le couronnement de ce mouvement.
1. Le processus de démocratisation
. Les
institutions et la vie politique mexicaines
sont sous la double influence
des Etats-Unis d'Amérique et de la culture politique
latino-américaine.
Etat fédéral composé de 31 Etats
fédérés, dirigés par des gouverneurs élus,
et du district fédéral de Mexico, les Etats-Unis mexicains sont
régis par la Constitution de 1917 qui a établi un régime
présidentiel. Le Président de la République est élu
pour six ans au suffrage universel et n'est pas rééligible. Le
Congrès fédéral se compose d'un Sénat de 128
membres et d'une Chambre des députés de 500 membres, tous
élus pour trois ans.
Depuis 1929, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) a toujours
été au pouvoir en gardant le contrôle de la
présidence et du Congrès. La compétition au sein du PRI
commandait l'issue des élections. Mais la règle de non
réélection du Président, tempérée par la
coutume du " dedazo " c'est-à-dire de la désignation du
candidat par le Président sortant, a permis un renouvellement du
personnel politique au sommet de l'Etat.
. La modernisation des institutions
a été amorcée
par le Président Salinas de Gortari puis poursuivie par son successeur,
élu en 1994, le Président Ernesto Zedillo.
Une étape fondamentale a été franchie lors des
élections du 6 juillet 1997
, qui se sont déroulées
sous le nouveau régime électoral mis en place en 1996.
Le PRI
a perdu la majorité absolue à la Chambre des
députés
. Jusque là, le groupe parlementaire du PRI
rassemblait plus de 72 % des députés. Il n'en regroupe plus que
47,6 % (239 sièges sur 500) depuis 1997 et les deux principaux partis
d'opposition représentent chacun un quart environ de la
représentation parlementaire. A gauche, le Parti de la révolution
démocratique (PRD) est fort de 125 députés, il est
dirigé par M.Cuauthemoc Cardenas, fils d'un ancien Président
(1934-1940). A droite le Parti d'action nationale (PAN) détient 121
sièges. Deux petits partis, le Parti écologiste et le Parti du
travail, permettent à l'opposition de détenir la majorité
absolue à la Chambre, mais en raison de divergences d'opinions, elle ne
s'unit que pour revendiquer un fonctionnement plus démocratique des
institutions. Le gouvernement doit désormais composer avec le
Congrès, d'importantes concessions ont été
nécessaires pour permettre l'adoption du budget pour 1999.
De même, jusqu'en 1998, le
Sénat
était
composé de 100 % de membres du PRI. Après une première
ouverture en 1988, puis en 1994 et enfin en 1997, le PRI ne conserve plus qu'un
peu moins de 60 % des Sénateurs. Le
PRI ne dispose plus de la
majorité des deux tiers dans les deux chambres nécessaire pour
permettre une révision de la Constitution
.
Le même mouvement de démocratisation et de partage du pouvoir
s'est fait sentir
au niveau local
. Jusqu'en 1989, l'ensemble des partis
autres que le PRI administrait moins de 50 municipalités. En 1990, ce
chiffre a triplé, en 1994 les principaux partis d'opposition en
contrôlaient environ 200, depuis 1994 ils en administrent plus de 500,
dont M. Cuauthemoc Cardenas à la tête de la ville de Mexico.
Aujourd'hui plus de 40 % de la population vit dans des communes
gérées par l'opposition. De même, au niveau des Etats
fédérés, le nombre des gouverneurs d'opposition
s'élève aujourd'hui à 10 sur 32.
L'importance prise aujourd'hui par les partis d'opposition à divers
niveaux du pouvoir local et national a permis à ceux-ci
d'acquérir une culture de gouvernement, en même temps qu'elle a
banalisé l'alternance à un certain niveau de
responsabilité. Le PRI n'est plus le seul vecteur possible pour une
carrière politique nationale. Il s'est progressivement normalisé
et doit se soumettre au jeu politique pluraliste, ce qui bouleverse les
habitudes dans la préparation de l'élection
présidentielle.
2. La préparation de l'élection présidentielle
Les
partis politiques mexicains ont commencé les préparatifs pour
l'élection présidentielle, le PRI en modifiant radicalement le
mode de désignation de son candidat et l'opposition en examinant la
possibilité d'une alliance.
a)
Le principal parti, le PRI,
a connu depuis le début de
l'année 1999 d'importants changements dans sa direction et dans le mode
de désignation de son candidat. Le PRI s'est engagé, au moins
formellement, dans un processus de démocratisation interne en organisant
l'élection du président et du secrétaire
général du parti par vote direct et secret des membres du conseil
national, et ce pour la première fois, le Président de la
République ne le désignant plus directement. Le changement de la
direction est intervenu au moment où le parti devait organiser un
nouveau mode de désignation de son candidat pour l'élection
présidentielle et a marqué le début de la
compétition électorale, mettant à jour les jeux
d'influence entre le Président sortant et les différents courants
et candidats du PRI.
C'est en
mai 1999
que le PRI a décidé de modifier
radicalement le mode de désignation du candidat à
l'élection présidentielle. Le
candidat du PRI sera choisi
après consultation populaire, sous forme de primaires à
l'américaine
. Cette décision se veut historique et marque un
tournant spectaculaire dans les méthodes du PRI. Mais comme lors de
l'élection des instances dirigeantes du PRI, des analystes politiques
soulignent que les règles définies devraient permettre au
Président sortant de jouer un rôle essentiel et de faire triompher
son candidat. Ainsi, pour les primaires, le vote est ouvert aux non-militants,
la comptabilisation des résultats se fera par district, alors que 7 des
32 Etats concentrent 151 des 300 districts, et la personnalité qui doit
veiller au bon déroulement du processus est un proche du
Président Zedillo.
Il y a actuellement quatre précandidats au sein du PRI qui se disputent
l'investiture. Le plus important, qui semble avoir la faveur du
Président sortant et des Etats-Unis, paraît être l'ancien
ministre de l'Intérieur M.Francisco Labatisda. Mais sont
également candidats :
- M. Manuel Bartlett, ancien gouverneur de Puebla, à qui on donne peu de
chances de l'emporter ;
- M. Humberto Roque Villanueva, qui ne bénéficie pas d'un fort
soutien populaire ;
- et, surtout, M. Roberto Madrazo, ancien gouverneur de Tabasco, qui est pour
l'instant en tête des sondages.
Deux des opposants internes au P.R.I., M. Esteban Moctezuma, ministre du
développement social, et M. Miguel Aleman, gouverneur de l'Etat de
Veracruz, qui aurait pu être le principal " challenger " de
M.Labatisda, ont renoncé à se présenter.
Aujourd'hui, et après le premier débat
télévisé de l'histoire du Mexique entre les candidats ,
MM. Labatisda et Madrazo semblent les mieux placés pour l'emporter. Tous
les candidats revendiquent le changement et aucun n'a repris à son
compte le bilan du Président sortant. M. Madrazo se veut l'homme du vrai
changement, tandis que M. Labatisda met en valeur le fait qu'il est un homme
d'Etat d'expérience. Les élections primaires sont prévus
le 7 novembre.
b) Face au PRI,
les partis d'opposition semblent divisés
. Le PRD,
le principal parti d'opposition, sort à peine d'une crise interne
provoquée par le renouvellement des instances dirigeantes du parti. Le
PAN reste réticent à toute candidature commune. Les deux partis
d'opposition ont d'importantes divergences idéologiques et ont de
grandes difficultés à s'entendre sur le mode de
désignation et éventuellement sur le nom d'un candidat commun. Le
candidat du PAN, M. Vicente Fox, ancien gouverneur de l'Etat de Guanajunto,
actuellement en tête des sondages, reste peut enclin à
céder la place à M. Cuauthemoc Cardenas. Ils ont tous les deux
été investis par leurs partis et se sont déclarés
prêts à se présenter séparément. La
constitution d'une alliance est par ailleurs rendue plus difficile après
le refus du Sénat de modifier la loi sur le financement des campagnes
électorales : une coalition n'est plus considérée que
comme un seul parti et voit en conséquence ses subsides diminuer.
Or les résultats des dernières élections locales pour les
postes de gouverneur des Etats de Mexico et de Nayarit ont paru constituer un
test des scénarios possibles pour la prochaine élection
présidentielle. Dans l'Etat de Mexico, qui est le plus peuplé du
pays avec 13 millions d'habitants, le PRI l'a emporté face à une
opposition divisée mais qui totalise plus de voix que lui. Par contre,
dans l'Etat de Nayarit, qui est un petit Etat sur la côte pacifique,
c'est le candidat de " l'Alliance pour le changement ", rassemblant
l'opposition qui l'a emporté. Une telle coalition avait
déjà remporté les élections en Californie du sud et
pourrait être organisée au Coahuila et au Chiapas.
A un an de l'élection présidentielle du 2 juillet 2000, le
résultat semble devoir dépendre beaucoup de l'attitude de
l'opposition qui, selon les sondages, l'emporterait si elle s'unissait mais
qui, divisée, serait défaite. Le résultat dépendra
aussi de la cohésion du PRI avant et après les primaires. Il
n'est pas à l'abri d'une scission qui, comme dans le passé,
pourrait considérablement modifier les données de
l'élection.
B. L'ÉCONOMIE MEXICAINE, UNE ÉCONOMIE AU FORT POTENTIEL
Cinq ans après la crise majeure de 1994, l'économie mexicaine a repris le chemin de la croissance. Les fondamentaux de l'économie mexicaine se sont sensiblement améliorés tout en laissant subsister d'importants points d'ombre. Des réformes structurelles d'envergure seront encore nécessaires pour conduire le pays sur la voie d'une croissance forte et équilibrée nécessaire à son développement économique et social.
1. Le plan de consolidation de l'économie mexicaine
La
crainte que ne se reproduise la crise de confiance habituelle lors d'un
changement de Président, qui avait pris des proportions catastrophiques
en 1994, a conduit l'administration Zedillo a conclure un plan de
" blindage " de l'économie mexicaine avec les principaux
partenaires financiers du Mexique. Ce plan a un
but préventif
et
psychologique alors que le Mexique connaît une situation
financière et commerciale satisfaisante.
Le plan annoncé le 15 juin 1999 est d'une ampleur tout à fait
inhabituelle :
23,7 milliards de dollars
. Ce plan établi en
concertation avec le FMI (Fonds monétaire international), la Banque
mondiale, la Banque interaméricaine de développement (BID),
l'Eximbank des Etats-Unis et les banques centrales nord-américaines se
décompose ainsi :
- l'accord de confirmation avec le FMI consiste en l'octroi d'un montant de
3,103 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS), soit 120 % de la
quote part payée par le Mexique au Fonds. Ce montant est prévu
pour être disponible jusqu'à la fin novembre 2000.
- La Banque mondiale doit accorder 5,2 milliards de dollars de prêts
principalement destinés, d'une part à financer des programmes
d'amélioration des conditions de vie de la population disposant des
revenus les plus faibles et d'autre part à appuyer les mesures de
préservation de la stabilité économique.
- Pour la période 1999-2001, la BID a également convenu avec le
gouvernement mexicain d'un programme de prêts de l'ordre de 3,5 milliards
de dollars.
- L'Eximbank des Etats-Unis a mis à disposition du Mexique des lignes de
crédits commerciaux pour un montant de 4 milliards de dollars pour
financer les importations de biens et services en provenance des Etats-Unis et
du Canada.
- Les banques centrales des Etats-Unis et du Canada ont renouvelé la
couverture de crédits d'urgence à hauteur de 6,8 milliards de
dollars, disponibles en cas de situation financière périlleuse.
En fait, beaucoup des éléments de ce plan sont la poursuite
normale des relations financières du Mexique avec ces institutions, mais
par son ampleur et son caractère préventif et coordonné,
il prend un aspect exceptionnel. Il est environ du même montant que
celui, curatif cette fois, qui avait été accordé lors de
la crise de 1994. Ce plan est pour le Mexique une sécurité
supplémentaire avant une période de fragilité. Il dispose,
en effet, déjà d'importantes réserves de change : 7%
du PIB, soit plus de 30 milliards de dollars et l'équivalent de trois
mois d'importations.
2. Une économie en pleine croissance mais encore fragile
La crise
financière provoquée en décembre 1994 par la chute du peso
avait entraîné une sévère récession
économique, le PIB reculant de 6 % alors que le taux d'inflation
dépassait 50 %. Mais le Mexique avait réussi à renouer
rapidement avec la croissance (+ 5 % en 1996 et 7 % en 1997). Dans le
même temps une gestion plus seine avait permis de ramener l'inflation
à 15 % en 1997 et le déficit budgétaire à 0,3 % du
PIB. Le déficit extérieur était passé de 29
milliards de dollars en 1994 à 7 milliards en 1997.
Cette reprise, qui souligne le dynamisme et les atouts de l'économie
mexicaine
, reste néanmoins fragile et dépendante de la
conjoncture. Le mandat du Président Zedillo semble s'achever dans un
contexte favorable. Les perspectives de croissance s'améliorent en 1999
et les premiers résultats économiques permettent de penser que
l'objectif de 3 % de croissance sera atteint cette année. L'inflation
est également moins importante qu'en 1998 où elle avait atteint
18,5 % en raison de la dépréciation du peso. En 1999, le
phénomène inverse, c'est à dire l'appréciation du
peso, a permis de réduire l'inflation importée. Sur les huit
premiers mois, l'inflation n'est que de 8,5 % et l'objectif de 13 % sur
l'année pourrait être atteint. Le déficit public, qui est
très dépendant du cours du pétrole puisque son
exploitation représente environ un tiers des ressources public, profite
de la hausse des cours en 1999. Le phénomène inverse en 1998
avait obligé le gouvernement à opérer des coupes
budgétaires pour contenir le déficit public à 1,42 % du
PIB. La réduction du déficit public à 1,25 % du PIB est
donc plausible en 1999.
La situation des comptes extérieurs est également en voie
d'amélioration en 1999
. Sur les six premiers mois de l'année,
le déficit commercial s'est réduit de 900 millions de dollars par
rapport à 1998. Cette bonne performance s'explique par
l'appréciation du peso et la progression des exportations mexicaines en
direction des Etats-Unis dont la conjoncture est restée favorable. Elles
ont progressé de 10 %. Ce sont les " maquiladoras " qui ont le
plus profité de cette conjoncture. Elles représentent 45 % des
exportations mexicaines et leurs exportations ont progressé de 16,2 %.
Les importations progressent un peu moins vite, + 8,4 %. Cette progression est
surtout due à la demande des industries exportatrices et se compose
essentiellement de biens de consommation intermédiaire et
d'équipement. Mais l'amélioration du solde commercial cache un
déséquilibre croissant entre l'excédent qui est
dégagé avec les Etats-Unis (+ 6,666 milliards de dollars) et le
déficit enregistré avec les pays asiatiques (- 5,643 milliards de
dollars). Enfin, le déficit courant est entièrement couvert par
le flux des investissements directs étrangers qui reste important et
atteint 5,468 milliards de dollars.
Mais
plusieurs éléments conduisent à tempérer
ces bons résultats
. La croissance de l'économie est
importante mais est juste suffisante pour un pays dont la population
s'accroît de 2 % par an. Cette croissante est également
très dépendante de l'économie américaine. Les
Etats-Unis représentent en effet 88 % des exportations du Mexique et un
renversement de la conjoncture américaine provoquerait une crise au
Mexique. Il faut ajouter que si les exportations tirent la croissance, la
demande intérieure, consommation et investissements, reste faible. En
outre, les bons résultats budgétaires s'expliquent par la hausse
des prix du pétrole plus que par toute autre mesure. Enfin le peso s'est
apprécié d'environ 20 % par rapport au dollar depuis le
début de l'année de telle sorte que beaucoup d'analystes le juge
surévalué et pourrait dans un contexte d'incertitude marquer leur
défiance à l'égard du Mexique. Une baisse du peso
entraînerait mécaniquement la dégradation du compte courant
et une hausse de l'inflation.
3. D'indispensables réformes structurelles
Dans son
rapport d'août 1999,
Regulatory reform in Mexico
, l'OCDE
(Organisation de coopération et de développement
économique) soulignait à la fois les progrès
énormes accomplis par le Mexique depuis 10 ans et les réformes
structurelles qui restent à accomplir.
Pour l'OCDE,
l'économie mexicaine s'est considérablement
ouverte
. D'une économie réglementée et
protégée, le Mexique est passé à une
économie où l'activité du secteur privé est l'une
des plus élevée de l'OCDE, car le principe de l'économie
de marché a été adopté comme élément
moteur du développement. Ce rapport met notamment en valeur l'adoption
en 1993 d'une très importante loi sur la concurrence et la
création de la Commission fédérale de la concurrence, ou
encore le fait que depuis 1998 le contrôle des prix soit levé sur
presque tous les biens. Surtout, l'adhésion du Mexique au Gatt (OMC) et
à l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) a
conduit le Mexique à ouvrir son économie sur l'extérieur.
De 1990 à 1997, les échanges commerciaux et les investissements
directs étrangers ont quadruplé. D'importantes privatisations ont
été entreprises. Les services publics sont progressivement
ouverts à la concurrence, comme le service du téléphone.
La libéralisation dans ce secteur a, par exemple, provoqué la
baisse de moitié du prix des communications sur longue distance.
Mais d'importantes réformes structurelles doivent encore être
mises en oeuvre
notamment pour régler les difficultés du
système bancaire et pour réformer la fiscalité.
Les difficultés du secteur bancaire
grèvent
l'économie mexicaine depuis la crise de 1994 qui a provoqué une
importante augmentation des créances douteuses. La reprise de ces
créances par un fonds de protection de l'épargne, le FOBAPROA
devenu IPAB, n'a pas permis de trouver une solution satisfaisante. Aujourd'hui,
le coût du sauvetage des banques est estimé entre 19,3 % et 21,3 %
du PIB. Les ventes effectuées jusqu'à présent par l'IPAB
pour réaliser ces créances douteuses ne représentent
qu'environ 3,1 % du PIB. Le montant qui reste à financer est donc
extrêmement important. Il vient en réalité s'ajouter
à la dette du secteur public mexicain. Même si celle-ci reste
modeste comme aime à le rappeler le Mexique au regard des autre pays de
l'OCDE car elle ne s'élève qu'à 25,4 % du PIB, son service
n'est pas sans poser d'importantes difficultés à un Etat dont les
recettes fiscales sont faibles et fluctuantes.
La crise du secteur bancaire, combinée à la
nécessité de poursuivre une
politique monétaire
restrictive
pour contrôler l'inflation et pour maintenir la confiance
dans le peso, provoque des
taux d'intérêt très
élevés
. Cela entraîne une contraction du crédit
(-14 % en glissement annuel à la fin juin 1999) aux particuliers et aux
entreprises.
L'Etat mexicain est également confronté à la
nécessité d'opérer une
réforme fiscale
lui
permettant d'
accroître ses recettes
et de les stabiliser.
Aujourd'hui, les revenus pétroliers fournissent plus d'un tiers des
recettes fiscales. Mais ces revenus fluctuent énormément d'une
année sur l'autre en fonction du taux de change, du prix du
pétrole et du niveau de la production. Cette variabilité ne
permet pas une bonne gestion du budget de l'Etat. Dans les bonnes
années, l'excédent des recettes est dépensé sans
cohérence pluriannuelle, alors que dans les mauvaises années la
diminution des ressources conduit comme en 1998 à opérer des
coupes dans les dépenses pour contenir le déficit public.
Cette méthode de gestion des finances publiques est d'ailleurs
macroéconomiquement contestable. Elle conduit à mener une
politique budgétaire pro-cyclique et non pas contra-cyclique en faisant
jouer les stabilisateurs automatiques. C'est-à-dire que lorsque les
revenus pétroliers et fiscaux sont bons, ce qui correspond le plus
souvent à des années où la conjoncture est favorable, la
dépense publique augmente et a un effet inflationniste. Par contre,
quand la conjoncture s'inverse et que les revenus pétroliers sont moins
favorables, les dépenses publiques sont réduites, ce qui a
tendance à ralentir l'activité économique. La bonne
politique budgétaire serait plutôt de laisser se
détériorer le solde budgétaire primaire pour
atténuer le ralentissement conjoncturel et soutenir l'activité.
L'augmentation des ressources doit également permettre de financer des
projets de développement à long terme dans les secteurs de
l'éducation et de la santé. Aujourd'hui, le manque de recettes
rend difficile leur réalisation car la pression fiscale au Mexique est
trop faible, la plus faible de l'OCDE. Des réformes devraient être
entreprises pour élargir l'assiette des impôts et simplifier leur
recouvrement par l'administration. Cela permettrait de considérablement
diminuer la fraude.
*
* *
II. DES RELATIONS BILATÉRALES À DÉVELOPPER
La
France et le Mexique entretiennent depuis de nombreuses années des
relations soutenues. Les visites à haut niveau se succèdent
à un rythme régulier depuis la visite historique du
général de Gaulle en 1964 et celle du Président Echeverria
en 1973. Tous les Présidents de la Ve République, sauf Georges
Pompidou à cause de sa maladie, se sont rendus au Mexique. Ce fut le
cas de M. Jacques Chirac en novembre 1998.
Les relations bilatérales et la coopération se sont
développés dans tous les domaines. S'il est important pour la
France d'être présente au Mexique qui représente un
marché en développement de presque 100 millions de consommateurs
et qui est un pays pivot entre l'Amérique du Nord et les pays
d'Amérique latine, le Mexique, lui, y voit l'occasion de
rééquilibrer en faveur de l'Europe et de la France ses relations
diplomatiques et économiques.
A. UNE COOPÉRATION TRADITIONNELLEMENT IMPORTANTE
Pour
notre coopération, le Mexique revêt une importance toute
particulière. Il s'agit de
notre deuxième partenaire dans la
région,
derrière le Brésil.
96 millions de
francs
sont attribués chaque année dans le cadre de la
coopération. Ses grandes orientations sont fixées par des
commissions mixtes franco-mexicaines. Elle repose sur un
véritable
partenariat
et sur le recours systématique à des
cofinancements qui permettent d'obtenir un effet multiplicateur, une plus
grande visibilité de l'action de la France et une grande implication de
la partie mexicaine. La coopération franco-mexicaine est aujourd'hui
régie par
l'accord-cadre de coopération signé le 18
février 1992 et entré en vigueur en 1994
.
En matière
scientifique et technique
, les échanges sont
essentiellement universitaires. 300 boursiers mexicains suivent leurs
études en France. De nombreux partenariats existent avec des grandes
écoles comme l'ENA, HEC ou l'IEP ; des programmes scientifiques
permettent également à de nombreux chercheurs et à des
ingénieurs de venir en France.
La coopération avec la France s'est aussi développée dans
les secteurs de la santé, des télécommunications, de la
police, de la coopération judiciaire, de l'urbanisme ou de la recherche
agricole. Le Centre français d'études mexicaines et
centraméricaines (CEMCA) est le vecteur privilégié de
notre coopération en matière de sciences sociales et humaines.
Le français demeure assez présent au Mexique. Son enseignement se
développe, surtout dans l'enseignement supérieur, car c'est la
langue qui peut faire la différence entre les étudiants qui
parlent déjà l'anglais. Sur
120 000 Mexicains
qui
apprennent le français
, la moitié sont des étudiants.
Le dispositif français s'appuie sur le Centre culturel et de
coopération qui regroupe l'Institut français d'Amérique
latine et une grande partie des activités du service culturel et de
coopération, sur les lycées franco-mexicains, sur le
réseau des Alliances françaises et sur le Centre de ressources
sur la France contemporaine, la " Casa de Francia " qui a
été inaugurée par le Président Jacques Chirac. Ces
organisations sont également le support d'échanges culturels et
artistiques qui rencontrent un vif succès au Mexique.
B. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES BILATÉRALES QUE LES DEUX PARTIES ONT INTÉRÊT À DÉVELOPPER
1. Malgré des exportations en forte hausse, la France a perdu des parts de marché
Les
pays européens représentent une faible part des échanges
commerciaux du Mexique
comparés aux Etats-Unis. Leurs parts de
marché ont même régressé depuis l'entrée en
vigueur de l'ALENA. Ils n'en possèdent plus que 8,8 % au lieu de 14 % en
1990. Parmi les pays européens, l'Allemagne reste le deuxième
fournisseur du Mexique avec 3,6 % de part de marché et l'Italie est
septième avec 1,2 %.
La
France
, elle, se classe au
neuvième rang alors qu'elle se
situait au sixième en 1996
. Notre part de marché est un peu
inférieur à 1,2 %. Nos
échanges
avec le Mexique
restent structurellement
excédentaires
avec un taux de couverture
de 223 % et
des exportations qui atteignent 7,4 milliards de francs en 1998,
soit une progression de +18 %.
Nos exportations sont constituées
pour prés de la moitié de biens d'équipement professionnel
et pour un cinquième de biens intermédiaires (électrique,
électronique, chimie..).
Elles ont quadruplé en valeur entre
1986 et 1998.
2. Une position à renforcer en matière d'investissements
La
France se classe au
sixième rang des investisseurs
étrangers
au Mexique en matière de
stocks avec 2 milliards
de dollars
,
soit 3 % du total.
En termes de flux, l'investissement
physique total est en progression. Mais ces chiffres ne donnent qu'une
idée partielle de l'investissement total des entreprises
françaises au Mexique puisqu'une grande partie de ces investissements
sont effectuées par des filiales nord-américaines
. Si on
cherche à évaluer la part totale des entreprises française
au Mexique dans les actifs totaux, elle pourrait s'élever de 2,3
à 3,3 %.
Les entreprises françaises ont multiplié leurs investissements et
leurs implantations au Mexique depuis l'engagement des privatisations et de la
signature de l'ALENA. France Télécom a acquis 7 % de
l'opérateur mexicain Telmex. Gaz de France a investi 100 millions de
dollars pour la distribution de gaz naturel dans la vallée de Mexico.
Carrefour a installé une vingtaine d'hypermarchés. Thomson
emploie plus de 15 000 personnes au Mexique et Alstom 6 000 dans 6 usines.
D'autres grandes entreprises, tels les groupes Accor, Elf-Totalfina,
Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, Alcatel, Schlumberger, sont présentes
au Mexique.
D'importantes privatisations sont encore à effectuer au Mexique
et pourraient constituer
de très intéressantes
opportunités
pour les entreprises françaises notamment
dans les services publics
(transport, eau, déchets, ports,
aéroports et courriers rapides)
et le secteur de l'énergie
(pétrole, électricité, gaz et
pétrochimie).
3. Une législation économique et financière favorable au développement des investissements
L'adhésion du Mexique à des organisations
économiques (OMC, OCDE) et à des accords de libre échange
(ALENA ou APEC) a rendu nécessaires d'importantes réformes de la
législation économique et financière.
Ainsi, le droit des sociétés organisé à l'origine
par le code de commerce de 1887 a fait l'objet d'une importante adaptation. Un
nouveau cadre légal du droit de l'environnement, axé sur les
risques du développement industriel, a été adopté
en 1996. En 1993, c'est la loi encadrant la concurrence, inspirée du
Sherman Act américain, qui est entrée en vigueur. En 1994 a
été votée une loi sur la protection de la
propriété intellectuelle qui met en place un institut mexicain de
la propriété industrielle qui est lié depuis 1998 par un
accord de coopération à l'INPI (Institut national de la
propriété intellectuelle français).
En outre, en matière d'investissements, le Mexique a beaucoup
libéralisé sa législation. Les investissements
étrangers sont désormais régis par la loi de 1996. Cette
loi autorise une participation étrangère dans tous les secteurs
de l'économie mexicaine, à l'exception de ceux
réservés de manière exclusive ou partielle aux
investissements mexicains privés ou publics (énergie
nucléaire, pétrochimie, distribution d'essence et de gaz).
*
* *
III. L'ACCORD SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
Cet accord renforce le cadre juridique des investissements français au Mexique et, par là même, l'égalité des chances entre les exportateurs français et certains de leurs concurrents. Il facilitera la mobilité des investissements directs et indirects tout en garantissant leur sécurité sur le plan juridique grâce à l'application des principes du droit international au lieu de la réglementation mexicaine qui peut être modifiée unilatéralement.
A. DE LONGUES NÉGOCIATIONS
Les
négociations avec la partie mexicaine ont été
engagées dès 1987, mais n'ont véritablement
démarré qu'en 1995, pour ne s'achever qu'après cinq tours
de négociations. Deux types d'écueils expliquent le retard pris
dans la conclusion de l'accord bilatéral :
* l'interruption de la négociation entre 1996 et 1998, dans l'attente de
l'issue de la négociation d'un accord multilatéral sur
l'investissement (AMI) dans le cadre de l'OCDE ;
* certaines restrictions demandées par la partie mexicaine et qui
dérogeaient aux dispositions des accords bilatéraux
déjà signés par la France avec près de 80 autres
Etats. Ces restrictions tenaient principalement :
- au champ couvert par l'accord : la partie mexicaine s'appuyant sur
l'accord ALENA, souhaitait exclure les créances liées à
des transactions commerciales, l'ensemble de la dette publique ainsi que les
biens qui ne sont pas directement liés à une activité
économique, ce qui pouvait conduire à limiter de façon
substantielle la portée de l'accord. Elle revendiquait par ailleurs que
l'accord ne s'applique pas aux investissements effectués avant son
entrée en vigueur, dérogeant en cela au principe constant selon
lequel les protections offertes aux investisseurs sont valables pour les
investissements passés et à venir. Enfin, elle entendait limiter
l'accord aux seuls investissements directs, ce qui aurait
considérablement limité la portée de l'accord, la plupart
des investissements d'origine française au Mexique étant
réalisées à travers des filiales implantées dans
les pays tiers ;
- à une définition commune des restrictions au principe du libre
transfert, elle était souhaitée par le Mexique et devait
être compatible avec l'article 73 F du Traité sur l'Union
européenne (exception et limitation dans le temps) ;
- à la définition commune d'un dispositif de règlement des
différends en raison des contraintes constitutionnelles
mexicaines.
B. PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD FRANCO-MÉXICAIN DU 12 NOVEMBRE 1998
1. Un champ d'application relativement étendu
La
partie française a obtenu satisfaction sur le champ d'application de
l'accord qui est aussi large que les accords habituellement conclu par notre
pays.
Les investissements concernés par le présent accord sont les
" biens, droits et intérêts de toutes natures ".
L'article 1er fournit une liste indicative (et non exhaustive) comportant,
entre autres exemples, les biens meubles et immeubles et, de manière
générale, les droits réels, les actions et autres formes
de participation, les obligations, les droits d'auteur et les droits de
propriété industrielle, ainsi que les concessions.
L'accord franco-mexicain s'applique aux avoirs investis avant ou après
l'entrée en vigueur du présent accord, à condition qu'ils
l'aient été conformément au droit du pays d'accueil
(art.2-1).
Les investisseurs sont les " nationaux " des Etats contractants,
c'est-à-dire les personnes physiques possédant la
nationalité de l'une des parties, ou les sociétés,
c'est-à-dire les personnes morales constituées sur le territoire
de l'une des parties contractantes et y possédant son siège
social (art.1-2).
Le terme de revenus renvoie à " toutes les sommes produites par un
investissement " : bénéfices, redevances et
intérêts (art.1-3).
S'agissant de la zone d'application géographique, l'accord s'applique
à l'ensemble du territoire de chacune des parties, y compris les zones
maritimes.
2. Les engagements souscrits par les parties
Ils sont
naturellement destinés à favoriser le développement des
investissements français au Mexique et mexicains en France.
De manière générale, la convention prescrit aux parties
d'admettre et d'encourager les investissements effectués par les
nationaux et les sociétés de l'autre partie (art.3).
Le principe du traitement juste et équitable résulte de l'article
4 du présent accord. De manière classique, il réserve aux
investissements de l'autre partie un traitement non moins favorable que celui
accordé aux nations ou sociétés du pays d'accueil, ou le
traitement accordé aux investisseurs de la nation la plus
favorisée si celui-ci est plus avantageux.
Conformément à la plupart des accords de même objet,
l'article 4 exclut l'extension à l'autre partie des privilèges
accordés en vertu d'un accord de libre échange, d'une union
douanière ou d'un marché commun.
L'article 4-3 garantit la protection et la sécurité
" pleines et entières " des investissements d'une partie sur
le territoire de l'autre partie. L'article 5 interdit toutes mesures de
dépossession (expropriation ou nationalisation) à des motifs
d'utilité publique. Est exclue toute décision discriminatoire ou
contraire à un engagement particulier. L'article 5 (§ 2 et 3) pose
le principe du paiement d'une indemnité prompte et adéquate.
Librement transférable, cette indemnité produit, jusqu'à
son versement, des intérêts calculés aux taux du
marché.
Les investisseurs lésés par une guerre ou par tout
événement analogue (révolution, état d'urgence
national...) bénéficieront, en vertu de l'article 6, d'un
traitement non moins favorable que celui de la partie concernée à
ses propres nationaux ou à ceux de la Nation la plus favorisée.
Le principe de la liberté des transferts, posé par l'article
7
, garantit l'investisseur contre le risque de suspension ou d'interdiction
des transferts de capitaux, des revenus de l'investissement
(intérêts d'emprunt, redevances...), des produits d'une
liquidation partielle ou totale de l'investissement, ainsi que des
indemnités de dépossession et de perte. Le principe du libre
transfert concerne également les gains et autres
rémunérations du personnel engagé à
l'étranger pour les besoins d'un investissement.
Toutefois, sur les instances de la partie mexicaine,
une restriction
exceptionnelle et temporaire à ce principe est admise
au dernier
alinéa de l'article 7 : "
En cas de grave
déséquilibre, ou de menace de déséquilibre, de la
balance des paiements
, chacune des parties contractantes peut
temporairement appliquer des restrictions aux transferts, à condition
que la partie contractante concernée mette en oeuvre des mesures ou un
programme satisfaisant aux critères du Fonds monétaire
international. Ces restrictions sont imposées sur une base
équitable, non-discriminatoire et de bonne foi. "
3. Une procédure classique de règlement des différends entre Etats mais spécifique entre un investisseur et un Etat.
Les
différends susceptibles d'opposer les deux Etats parties sont
réglés, si possible, par la voie diplomatique et, en cas
d'échec, sont soumis à un tribunal d'arbitrage, relayé
éventuellement par le Secrétaire général de l'ONU
(art.11).
L'article 9 organise une procédure spécifique de
règlement des différends entre un investisseur et un Etat
partie
. Cette procédure offre toutes les garanties habituelles en
matière de droit du commerce international et de l'arbitrage.
Traditionnellement un tel différend, s'il ne trouve pas de solution
amiable, peut être soumis au bout de 6 mois à l'arbitrage du
Centre international pour le règlement des différents relatifs
aux investissements (CIRDI), créé par la Convention de Washington
du 18 mars 1965.
Cette procédure spécifique ne s'applique qu'aux différends
liés à une perte ou un dommage subi par un investisseur et
provoqué par un manquement allégué à une partie
contractante (art.9-1). Cet investisseur ne peut avoir recours à un
arbitrage lorsqu'il est déjà engagé dans une
procédure judiciaire contre cet état (art.9-2). L'arbitrage ne
peut ensuite être demandé que dans certaines conditions de
délai et de forme. Le différend peut être soumis au CIRDI,
comme à l'accoutumée, mais également à des
tribunaux ad hoc constitués selon les règles de la CNUDCI
(Commission des Nations unies pour le droit commercial international) ou
auprès de la Chambre de commerce internationale (art.9-4). Les
règles de composition du tribunal arbitral sont énoncées
à l'article 9-6. En cas d'échec, il est fait appel au
Secrétaire général du CIRDI. Le tribunal arbitral se
prononce à la majorité des voix. Ses pouvoirs sont définis
à l'article 9-7. Il peut décider de condamner l'une des parties
au versement d'indemnités ou à une restitution en nature et avec
l'accord des parties à toute autre forme de réparation (art.9-8).
*
* *
Le
Mexique vit aujourd'hui une période d'incertitude. L'élection
présidentielle de l'an 2000
focalise l'attention. Il est vrai que
son issue est importante. Elle pourrait conduire à l'alternance
politique si l'opposition parvient à s'unir autour d'un candidat commun.
Dans tous les cas, cette élection, après les élections
législatives de 1997, marquera une étape très importante
dans la démocratisation des institutions et de la vie politique
mexicaine.
Au plan économique, l'incertitude est aussi de rigueur.
L'économie mexicaine reste fragilisée
par la crise de
1994. D'importantes réformes structurelles sont encore
nécessaires pour assainir l'économie. Le Mexique doit chercher
à équilibrer sa croissance en se détachant de la rente
pétrolière et de la dépendance à l'égard des
Etats-Unis. Une croissance forte à long terme est absolument
indispensable à un pays dont la population s'accroît rapidement.
Mais malgré ces incertitudes,
le Mexique reste un pays à fort
potentiel qui présente un grand intérêt pour la France.
C'est un marché
de 100 millions d'habitants dont le niveau des
revenus augmente. Par la participation du Mexique à de nombreux accords
de libre-échange avec le nord et le sud du continent américain,
il constitue une
plaque tournante
pour
des investisseurs qui
souhaitent
développer leurs activités soit aux Etats-Unis et
au Canada soit vers l'Amérique latine.
Or
la France reste trop peu présente au Mexique
. Bien que
très dynamique, elle y a perdu des parts de marché. Les
entreprises françaises pourraient profiter des opportunités
offertes notamment lors des privatisations.
Il est donc essentiel
pour nos entreprises
d'avoir un cadre
juridique
plus sûr et plus protecteur
qui les garantisse des
fluctuations de la législation locale.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose l'approbation du présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent projet de loi au cours
de sa réunion du 13 octobre 1999.
A l'issue de l'exposé du rapporteur,
M. André Boyer
a
demandé des précisions sur le déroulement des
élections primaires. Il a souhaité savoir comment serait
désigné le candidat du PRI parmi les quatre postulants en lice.
M. Hubert Durand-Chastel
a précisé qu'il s'agirait d'une
" préélection " à un tour où celui qui
arriverait en tête l'emporterait sur les trois autres qui se sont
engagés, à l'avance, à se retirer dans ce cas de figure.
Il a insisté sur le fait que ces élections primaires
étaient ouvertes à tous, adhérents ou non au PRI, et
qu'elles étaient entièrement prises en charge par ce parti.
M. Xavier de Villepin, président,
a ensuite souligné que
le Mexique était le pays d'Amérique latine qui
bénéficiait de la meilleure croissance économique, avec
sans doute un taux de l'ordre de 3 % pour l'année 1999. C'est -a-t-il
relevé- le pays qui connaît la situation économique la plus
favorable, alors que le reste du sous-continent est confronté à
de sérieuses difficultés. La Colombie, le Venezuela et l'Equateur
connaissent ainsi à divers degrés, des crises aussi bien
politiques qu'économiques. Le Mercosur a été fortement
ébranlé par la dévaluation du real et l'incertitude
politique est forte quant aux successions de MM. Cardoso, au Brésil, et
Menem en Argentine.
Dans cette conjoncture,
M. Xavier de Villepin, président,
a
insisté sur le fait que la France, qui ne représente que 1,2 % du
marché mexicain, devait y être plus présente et mieux
affronter la concurrence des Etats-Unis qui y détiennent -a-t-il
rappelé- 80 % des parts de marché. L'accord d'investissements
proposé devrait y contribuer.
En conclusion,
M. Hubert Durand-Chastel
a souhaité que cet accord
permette à la France de mieux profiter de l'essor de l'économie
mexicaine et des possibilités qu'elle offre pour pénétrer
le marché américain.
La commission a alors
approuvé le présent projet de
loi
.
PROJET DE LOI
(Texte
proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Mexico le 12 novembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1( * )
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances :
sans objet
- Bénéfices escomptés en termes :
* d'emploi :
impossible à quantifier.
* d'intérêt général
:
enrichissement de nos relations diplomatiques ; cet accord encouragera
nos investisseurs à venir s'implanter dans ce pays, dans la mesure
où ils bénéficieront de garanties juridiques
appropriées (liberté de transfert, protection contre les
expropriations et droit inconditionnel à l'arbitrage international).
* financiers
:
l'accord permettra au Gouvernement
d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs français,
conformément à la loi de finances rectificative pour 1971 ;
l'accord ouvre par ailleurs la possibilité à la Coface d'exercer
un recours subrogatoire contre l'Etat d'accueil en cas d'indemnisation.
* de simplification des formalités administratives
:
aucune.
* de complexité de l'ordonnancement juridique
: sans
objet.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 479.
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.