B. METTRE EN PLACE DES RÈGLES SOUPLES ET RESPECTUEUSES DES DROITS DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS
Votre
commission vous propose l'adoption d'un texte de vingt-six articles, auxquels
viendront s'ajouter les règles prudentielles, définies par votre
commission des finances qui s'est saisie pour avis des conclusions de votre
commission des Affaires sociales.
Ce texte s'articule autour de six objectifs :
1. Donner toute sa chance au dialogue social
Votre
commission souhaite que l'accord collectif soit "
la porte
d'entrée principale "
dans le dispositif, pour reprendre
l'expression de M. Jacques Barrot.
Si la négociation n'a pas abouti au bout d'un an (la période de
six mois étant trop courte), l'employeur gardera la possibilité
de souscrire de son propre chef un plan de retraite auquel les salariés
seront naturellement libres d'adhérer ou de ne pas adhérer.
Les règles ne seront alors pas complètement identiques. Votre
commission souhaite qu'il y ait le plus possible de " grain à
moudre " dans l'accord collectif : détermination des
abondements, composition du conseil de surveillance, modalités de choix
du fonds de retraite.
Si l'employeur souscrit de manière individuelle, les règles
législatives et réglementaires seront davantage
contraignantes ; par exemple, l'abondement sera à due concurrence
du versement des salariés (art. 7, paragraphe I).
Afin de favoriser le dialogue social, même dans les entreprises où
n'existent pas de représentants syndicaux, votre commission souhaite que
s'appliquent les règles de mandatement et de délégation
aux représentants du personnel (délégués du
personnel, comités d'entreprises) posées par la loi du
12 novembre 1996, qui entérine un accord conclu entre les
partenaires sociaux pour une durée de trois ans. Cet accord venait
à échéance et a été renouvelé pour
trois ans, en mai 1999, mais attend une consécration législative.
L'épargne retraite, mécanisme non obligatoire, peut être un
moyen de relancer le dialogue social.
2. Prévoir un système souple pour l'entreprise et le salarié
L'employeur, de même que le salarié, est libre de
souscrire ou non à des plans de retraite, soit dans le cadre de l'accord
collectif, soit de manière unilatérale à compter d'un an
après le début de la négociation (art. 5 des
conclusions). On notera que ce système de souscription
unilatérale est comparable à la mise en place de plans
d'épargne entreprise (PEE), qui ne sont pas soumis à la
conclusion d'un accord collectif.
L'employeur n'est donc pas tenu par un accord de branche.
Le salarié n'est pas obligé de verser tous les mois, ni
même chaque année.
A partir du moment où le salarié, après souscription par
l'entreprise et adhésion individuelle de sa part, effectue un versement,
l'abondement de l'entreprise est alors obligatoire, afin d'assurer une certaine
garantie au salarié (art. 7 des conclusions).
Le salarié se trouvant dans une entreprise où ne sont pas
proposés de plans de retraite peut adhérer à un plan
souscrit au niveau de la branche, d'un groupement d'employeurs ou d'une autre
entreprise. Cette disposition -qui vise notamment les salariés des PME-
permet d'assurer l'égalité de tous les salariés. En
revanche, il ne bénéficiera pas de l'abondement de son entreprise.
Le salarié doit voir garantir ses droits de transfert et de
portabilité d'un plan de retraite vers un autre, en cas de licenciement.
Il peut également, tous les dix ans, changer de plan de retraite.
A l'échéance de ses droits, l'adhérent
bénéficiera d'une rente viagère qui est en quelque sorte
" la porte de sortie principale ". Il pourra toutefois effectuer,
s'il le souhaite, une sortie en capital (art. 4 des conclusions de votre
commission des Affaires sociales) dans la limite de 30 % de la provision
mathématique représentative de ses droits.
Les possibilités de réversion sont de deux ordres :
- premièrement, s'il décède avant l'âge de la
retraite, ses proches peuvent récupérer tout ou partie du capital
investi ;
- deuxièmement, il pourra prévoir une réversion de
tout ou partie de sa rente d'origine après son décès.
Ces " options " doivent naturellement relever d'un libre choix
dès lors qu'elles diminuent d'autant la rente de base servie.
3. Rassurer définitivement les régimes de retraite par répartition
Afin
d'éviter un débat stérile entre répartition et
capitalisation, votre commission vous propose de soumettre l'abondement de
l'employeur aux cotisations d'assurance vieillesse (régime de base et
régimes complémentaires).
Comme l'écrit M. Jacques Barrot
25(
*
)
:
" Votre Rapporteur estime qu'il faut raisonner selon que l'on se trouve
dans l'une ou l'autre phase du plan de prévoyance retraite : à
l'entrée, l'exonération des versements de l'ensemble des
cotisations, hormis les cotisations vieillesse, se justifie par
l'assujettissement de la rente, à la sortie, à l'ensemble des
cotisations, hormis, bien évidemment, les cotisations vieillesse. Seule
cette symétrie permet d'assurer un niveau de ressources stable aux
régimes par répartition.
" Moyennant l'amendement proposé par votre Rapporteur, la retraite
supplémentaire, bien loin de menacer les assurances sociales, viendra
même renforcer les régimes obligatoires existants, l'assiette de
leurs cotisations étant ainsi élargie. "
L'abondement de l'employeur sera également soumis, dans les conditions
de droit commun, à la CSG et à la CRDS.
L'article 10 des conclusions de votre commission des Affaires sociales
précise que seul le versement sur salaire des adhérents dont le
salaire est inférieur à 1,5 SMIC sera exonéré
de toute cotisation sociale, ce mécanisme étant le seul moyen de
donner aux salaires les moins élevés un équivalent des
avantages fiscaux perçus par les salariés payant un impôt
sur le revenu.
Ce versement restera soumis à la CSG et à la CRDS.
4. Rattraper le temps perdu
Les
opposants aux fonds de pension -évoquant les années
nécessaires pour se constituer une provision mathématique
permettant une rente décente- se contentent souvent d'expliquer que leur
mise en place serait trop tardive pour permettre aux salariés de
bénéficier d'un complément de retraite par capitalisation.
Pour les salariés ayant aujourd'hui de plus de quarante-cinq ans, la
mise en place de plans de retraite risque effectivement d'intervenir trop
tardivement. C'est pour cette raison que votre commission vous propose
d'adopter deux dispositions permettant de " rattraper le temps
perdu " :
- premièrement, une incitation fiscale progressive en fonction de
l'âge ; l'incitation fiscale sera d'autant plus élevée que
le salarié se rapprochera de la retraite puisque le salarié
pourra déduire de l'assiette de l'impôt sur le revenu
jusqu'à 5 % de sa rémunération brute pour les moins
de quarante ans, 10 % pour les quarante-cinquante ans, 15 % pour les
plus de cinquante ans (art. 8) ;
- deuxièmement, une possibilité de " racheter "
des années au titre desquelles le salarié n'a pas cotisé,
grâce à des versements exceptionnels, " hors salaire ".
Cette possibilité de rachat, d'environ 26.000 francs par
année, ne donnera pas lieu à déduction fiscale
(art. 7, paragraphe V).
5. Assurer la transparence
Afin
d'assurer une transparence optimale, trois éléments doivent
particulièrement être pris en compte :
- votre commission souhaite que les fonds de retraite soient choisis par
l'entreprise, à l'issue d'une véritable concurrence
(art. 17) ; le choix d'un fonds de retraite doit pouvoir
être réexaminé (art. 18) ;
- votre commission souhaite que les fonds de retraite soient soumis
à un contrôle efficace. Plutôt que de mettre en place une
nouvelle commission, votre commission vous propose de reprendre -
grosso
modo
- le système institué par la loi du 25 mars 1997,
à savoir une commission comprenant la commission de contrôle des
assurances, la commission de contrôle des institutions de
prévoyance et deux membres de la commission des opérations de
bourse ; cette commission prendra le nom de " commission de
contrôle des fonds de retraite " (art. 16) ;
- votre commission souhaite que les plans de retraite soient l'objet d'un
suivi éclairé, grâce aux conseils de surveillance
(art. 24 et 25).
Un conseil de surveillance, composé principalement des responsables des
adhérents et des employeurs, mais également des
représentants des organisations syndicales et des retraités,
déterminera les orientations de gestion des plans de retraite, sera
destinataire d'un rapport de gestion annuel et émettra deux avis par an
sur la gestion du plan par le fonds.
6. Ne pas mélanger l'objet et les effets des fonds de retraite
La
détermination des règles prudentielles relève plus
particulièrement de la compétence de votre commission des
finances.
Votre rapporteur n'abordera pas cette question, qui sera traitée par
notre excellent collègue M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.
Certaines dispositions de la loi Thomas seront certainement, là aussi
reprises.
Néanmoins, votre rapporteur tient à rappeler, à la suite
de M. Philippe Marini dans son introduction au rapport en première
lecture de la loi créant les plans d'épargne retraite
26(
*
)
, qu'il convient de ne pas
mélanger l'objet et l'effet des fonds de retraite.
L'objet
des
fonds de retraite est social : leur institution doit permettre aux
salariés de leur assurer un complément de retraite par
capitalisation.
L'effet
des fonds de retraite sera de dynamiser la place
financière de Paris, de développer le marché en actions.
Fixer une règle dans un texte législatif sur la
répartition actions/obligations n'est pas souhaitable.
Le paradoxe des garanties : on ne doit pas exiger a priori une garantie qu'une gestion dans la durée permet d'obtenir a posteriori
Tout
investissement sur les marchés financiers comporte des risques. Aussi,
la tentation est-elle forte, pour ceux qui préconisent des
mécanismes d'épargne-retraite, de souhaiter que ceux-ci
s'accompagnent obligatoirement de l'octroi à leurs
bénéficiaires de garanties
ex-ante
. Il peut s'agir de
garanties du capital, de promesses de rendement minimum ou d'une indexation sur
l'inflation.
Les professionnels de la gestion financière appellent l'attention des
décideurs publics sur le caractère contre-productif que pourrait
revêtir une telle décision.
L'agent qui accepterait de porter ce risque pour le compte des futurs
retraités serait en effet conduit en contrepartie à demander une
rémunération qui viendrait grever le rendement des
investissements, toute assurance ayant son coût. Le problème est
le calcul de l'ampleur du coût d'opportunité. C'est que les
actions étant à court terme plus volatiles que les obligations,
les fonds d'épargne retraite seraient,
nolens volens
, conduits
à surpondérer ces dernières dans leurs placements. Les
épargnants se verraient, du coup, privés de la superformance
avérée en tous lieux et en tous temps (pourvu que celui-ci soit
suffisamment long) des actions sur les titres de taux.
Car là est bien le paradoxe : la meilleure certitude de rendement
et la meilleure sécurité
a posteriori
ne peuvent
résulter que d'un refus de toute garantie obligatoire
a priori
.
Ce qui importe en définitive c'est la qualité de la gestion
financière, qui peut bien entendu intégrer des techniques
d'immunisation contre les variations brutales des marchés.
Source : AFG-ASFFI, rapport 1998, p. 29
Votre
rapporteur avait souhaité préciser une telle disposition dans sa
proposition de loi (à l'article 14). Elle semble, en fait,
contraire au droit communautaire. Après mûre réflexion,
elle n'est même pas utile ; elle pourrait avoir des
conséquences à l'inverse de l'objectif recherché.
Le marché -et lui seul- décidera de l'effet des fonds de retraite
sur la place financière de Paris et du comportement de gestion de ces
fonds.
C'est pour cette raison que votre commission des Affaires sociales a
souhaité marquer
l'objet
de cette proposition de loi, en
choisissant pour titre
" proposition de loi visant à
améliorer la protection sociale par le développement de
l'épargne retraite ".