Propositions de loi visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et à instituer des plans d'épargne retraite
DESCOURS (Charles)
RAPPORT 8 (1999-2000) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
- TRAVAUX DE COMMISSION
-
AVANT-PROPOS
-
I. DÉVELOPPER L'ÉPARGNE RETRAITE EN FRANCE : UNE
NÉCESSITÉ IMPÉRIEUSE
- A. LES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION VONT CONNAÎTRE DES BESOINS DE FINANCEMENT TRÈS IMPORTANTS
- B. LES MÉCANISMES AUJOURD'HUI PROPOSÉS AUX FRANÇAIS SONT INSUFFISANTS
- C. LA LOI SUR LES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE DU 25 MARS 1997 TEND À FACILITER LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE RETRAITE
- II. LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE RETRAITES : UN DOUBLE ATTENTISME AUX CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
- A. DONNER À TOUS LES FRANÇAIS LA POSSIBILITÉ DE SE CONSTITUER UNE ÉPARGNE RETRAITE
- B. METTRE EN PLACE DES RÈGLES SOUPLES ET RESPECTUEUSES DES DROITS DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS
-
I. DÉVELOPPER L'ÉPARGNE RETRAITE EN FRANCE : UNE
NÉCESSITÉ IMPÉRIEUSE
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
-
LES PLANS DE RETRAITE -
TITRE II
-
LES FONDS DE RETRAITE -
TITRE III
-
L'INFORMATION DES ADHÉRENTS
ET LES CONSEILS DE SURVEILLANCE - TABLEAU COMPARATIF
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
N° 8
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Affaires sociales (1) sur :
- la proposition de loi de MM. Charles DESCOURS, Louis ALTHAPÉ, Pierre
ANDRÉ, Roger BESSE, Paul BLANC, Gérard BRAUN, Mme Paulette
BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Jean BERNARD, Robert CALMEJANE, Auguste
CAZALET, Gérard CÉSAR, Désiré DEBAVELAERE,
Jacques-Richard DELONG, Robert DEL PICCHIA, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT,
Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Bernard FOURNIER, Patrice GÉLARD,
Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis
GIRAUD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Georges GRUILLOT, Emmanuel HAMEL, Hubert
HAENEL, Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Lucien LANIER,
Patrick LASSOURD, Robert LAUFOAULU, Dominique LECLERC, Jean-François
LE GRAND, Paul MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Bernard MURAT, Paul NATALI,
Mme Nelly OLIN, MM. Paul d'ORNANO, Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Victor
REUX, Henri de RICHEMONT, Michel RUFIN, Louis SOUVET, René
TRÉGOUËT, Alain VASSELLE et Jacques VALADE, visant à
améliorer la protection sociale des
salariés
et
créant des
fonds de retraite
(n° 187,
1998-1999) ;
- et la proposition de loi de M. Jean ARTHUIS et les membres du groupe de
l'Union centriste, visant à instituer des
plans
d'épargne retraite
(n° 218, 1998-1999),
Par M.
Charles DESCOURS,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Sénat :
187
,
218
(1998-1999)
Retraites. |
TRAVAUX DE COMMISSION
I. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le
jeudi 7 octobre 1999
sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
M. Charles
Descours
sur la
proposition de loi n° 187
(1998-1999) visant
à améliorer la
protection sociale des salariés
et
créant des
fonds de retraite
et sur la
proposition de loi
n° 218
(1998-1999) visant à instituer des
plans
d'épargne retraite
(cf. exposé général)
.
M. Jean Chérioux
a souscrit aux propos du rapporteur visant à
établir le caractère social du dispositif. Il s'est
félicité que la souscription d'un plan de retraite repose sur un
accord collectif, et a souhaité connaître toutefois les
conséquences d'une absence d'un tel accord collectif. Tout en partageant
l'opinion de ne pas confondre épargne salariale et épargne
retraite, il s'est interrogé sur la possibilité d'un versement de
sommes issues d'un plan d'épargne entreprise vers un plan
d'épargne retraite.
M. Alain Vasselle
a insisté sur l'inertie du Gouvernement pour
sauvegarder les régimes de retraite par répartition. Il a
considéré que la France était le seul pays à ne pas
avoir engagé les réformes nécessaires. Evoquant les
critiques adressées à la loi du 25 mars 1997, il a demandé
si l'assujettissement des versements et des abondements aux cotisations
d'assurance vieillesse était suffisant pour y répondre.
M. Guy Fischer
a relevé que l'assujettissement aux cotisations
d'assurance vieillesse était la principale différence entre la
proposition de loi de M. Charles Descours et la proposition de loi de M. Jean
Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste. Il a estimé que
les perspectives de financement de la retraite étaient au coeur des
préoccupations de la société française. Il a
déclaré ne pas souscrire aux options retenues par les deux
propositions de loi.
M. Dominique Leclerc
a évoqué le cas des salariés
des petites et moyennes entreprises, en souhaitant qu'ils puissent avoir
également accès à l'épargne retraite.
Répondant à M. Jean Chérioux,
M. Charles Descours,
rapporteur,
a expliqué que la loi fixait des règles plus
précises dans le cas de l'absence d'accord collectif. Il a noté
que rien n'empêchait des versements des salariés constitués
de sommes accumulées dans le cadre d'un plan d'épargne entreprise.
Répondant à M. Alain Vasselle, il a noté qu'il
était nécessaire de prévoir des exonérations
fiscales et sociales, afin d'inciter à l'épargne retraite, mais
que les versements et les abondements restaient assujettis à la CSG.
Partageant l'opinion émise par M. Dominique Leclerc, il a
considéré qu'il était tout à fait fondamental que
les salariés des petites et moyennes entreprises (PME) puissent avoir
accès aux plans de retraite, d'où la référence aux
groupements d'employeurs et la nécessité de prévoir une
adhésion individuelle.
Répondant à M. Guy Fischer, il a estimé que son opposition
était due à une différence d'analyse sur le niveau des
prélèvements obligatoires. Il a estimé que leur
augmentation aurait des conséquences dramatiques en matière
d'évasion fiscale et de délocalisations.
La commission a ensuite examiné les articles des conclusions du
rapporteur.
Elle a adopté
l'article premier
, affirmant les principes
généraux de la proposition de loi.
Abordant l'examen du
titre premier
(les plans de retraite), elle a
adopté
l'article 2
, visant à définir les plans de
retraite, sous réserve d'une modification demandée par M. Jean
Chérioux, souhaitant que l'on fasse référence, dans cet
article, à l'article 5.
Elle a adopté
l'article 3
, précisant les
bénéficiaires potentiels des plans de retraite, en
l'espèce les salariés relevant du régime
général et des régimes complémentaires
obligatoires ;
l'article 4
, définissant les droits ouverts
au moment de la retraite ;
l'article 5
, déterminant les
modalités de souscription des plans de retraite par les employeurs et
l'article 6
, visant à donner la possibilité à
un salarié d'adhérer à un plan de retraite, à
défaut d'un accord collectif et si l'employeur n'a pas souscrit à
un plan de retraite un an après le début de la négociation
collective. Elle a adopté
l'article 7
, déterminant les
conditions dans lesquelles les plans de retraite sont alimentés par les
versements du salarié et les abondements de l'employeur,
M. Jean
Chérioux
ayant fait part de son souhait d'amender cet article, ou
d'insérer un article additionnel, afin de préciser les conditions
de basculement d'un plan d'épargne entreprise vers un plan
d'épargne retraite.
Elle a adopté
l'article 8
, visant à prévoir une
déduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu des versements et
des abondements aux plans de retraite, dans la limite d'un pourcentage du
montant brut de la rémunération ;
l'article 9
,
tendant à prévoir la déductibilité des abondements
à l'impôt sur les sociétés ;
l'article
10
, précisant le régime d'exonération de cotisations
sociales des versements et des abondements ;
l'article 11
, tendant
à aligner le régime fiscal des rentes sur le droit commun des
pensions et prévoyant une disposition spécifique pour les sorties
partielles en capital ;
l'article 12
, visant à permettre la
" portabilité " des droits d'un plan de retraite vers un
autre, en cas de rupture du contrat de travail et
l'article 13
, tendant
à permettre à chaque salarié de changer de plan de
retraite tous les dix ans.
Abordant l'examen du
titre II
(les fonds de retraite), elle a
adopté
l'article 14
, visant à définir les fonds de
retraite ;
l'article 15
, décrivant les conditions
générales d'agrément des fonds de retraite et
l'article
16
, déterminant les conditions d'exercice du contrôle de
l'Etat en instituant une commission de contrôle des fonds de retraite.
Après une intervention de
M. Jean Chérioux
, visant
à apporter une modification rédactionnelle, elle a adopté
les
articles 17
(mise en concurrence du choix du fonds de retraite) et
18
(modalités de réexamen du choix du fonds de retraite).
Elle a adopté
l'article 19
, visant à prévoir les
conditions de réexamen du choix des entreprises d'investissement
gérant les actifs des fonds de retraite,
l'article 20
, tendant
à garantir la protection des intérêts des adhérents
vis-à-vis des actionnaires et des dirigeants des fonds de retraite et
l'article 21
, assujettissant les fonds de retraite à l'imposition
sur les sociétés dans les conditions de droit commun.
Abordant l'examen du
titre III
(l'information des adhérents et
les conseils de surveillance), la commission a adopté
l'article
22
, visant à déterminer les obligations des souscripteurs
pour assurer l'information des adhérents,
l'article 23
,
précisant les obligations pesant sur les fonds de retraite en
matière d'information des adhérents,
l'article 24
,
définissant les missions et la composition des conseils de surveillance,
l'article 25
, tendant à prévoir des pouvoirs particuliers
pour les conseils de surveillance et
l'article 26
, opérant un
renvoi général à des décrets d'application.
La commission a enfin
adopté l'ensemble de la proposition de
loi
.
II. AUDITIONS
A. AUDITIONS DU MARDI 21 SEPTEMBRE 1999
Réunie le
mardi 21 septembre 1999
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président
, la commission a
entamé son programme
d'auditions
sur la
proposition de loi
n° 187
(1998-1999) présentée par M. Charles
Descours, visant à améliorer la protection sociale des
salariés et créant des
fonds de retraite,
et sur la
proposition de loi n° 218
(1998-1999) présentée
par M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, visant
à instituer des
plans d'épargne retraite
.
M. Jean Delaneau, président
, a rappelé l'importance du
programme de travail de la commission avait conduit à prévoir un
certain nombre de réunions avant même l'ouverture de la session
sans pour autant interférer avec les différentes journées
parlementaires des groupes.
Il a indiqué, par ailleurs, que deux syndicats, la CFDT et la CFE-CGC,
n'avaient pu se libérer aux dates qui leur avaient été
proposées dès la mi-juillet ; il a précisé que
ces syndicats seraient entendus par le rapporteur et que la teneur de leurs
positions figurerait dans le rapport.
La commission a tout d'abord entendu
M. Roger-Paul Cottereau
,
secrétaire général de l'Union des cadres de la
Confédération française des travailleurs
chrétiens
.
M. Roger-Paul Cottereau
s'est interrogé sur la finalité
exacte de ces deux propositions de loi. Il a indiqué qu'il ne discernait
pas clairement quelle préoccupation primait entre le souci d'assurer un
complément de retraite et la volonté de créer un nouvel
instrument d'épargne.
Après s'être interrogé sur la nécessité et
l'opportunité de créer des fonds d'épargne retraite,
M.
Roger-Paul Cottereau
a rappelé que la France disposait
déjà d'un large éventail de produits d'épargne
collectifs et individuels. Il a jugé que la création d'un nouveau
produit d'épargne concurrencerait les produits existants, sans
nécessairement augmenter le volume total d'épargne.
Commentant les deux propositions de loi,
M. Roger-Paul Cottereau
a
souligné que ces dernières s'inspiraient des textes
précédents et comportaient les mêmes insuffisances. Il a
considéré que le système de retraite par capitalisation
ainsi créé ne conforterait en rien le système de retraite
par répartition.
Evoquant la proposition de loi n° 218 (1998-1999)
présentée par M. Jean Arthuis et les membres du groupe de
l'Union centriste, visant à instituer des plans d'épargne
retraite,
M. Roger-Paul Cottereau
a jugé difficilement
conciliables l'idée d'un supplément de retraite pour tous et le
caractère facultatif, à la fois pour l'employeur et les
salariés, du dispositif proposé. Il a considéré
qu'un dispositif véritablement facultatif était trop fragile pour
être pérenne.
M. Roger-Paul Cottereau
a estimé que le dispositif proposé
relevait de la logique de l'assurance puisqu'il prévoyait un tarif
identique pour tous, quelles que soient les situations individuelles. Il a
regretté que rien n'ait été explicitement prévu en
cas de disparition des parents et que la personne mariée qui choisirait
la possibilité d'une réversion voie sa rente diminuée. Il
s'est également interrogé sur les conséquences d'une
éventuelle période de chômage du salarié. Il a
conclu que le dispositif proposé, malgré l'affirmation de son
caractère collectif et solidaire, se résumait finalement à
un système individuel.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité connaître la
position de la CFTC sur les fonds d'épargne retraite déjà
existants tels que la Préfon. Evoquant les conclusions du rapport de M.
Jean-Michel Charpin, il s'est interrogé sur la manière dont on
pouvait maintenir, à long terme, le revenu de remplacement des futurs
retraités.
Relevant l'opposition de la CFTC à un mécanisme facultatif,
M. Charles Descours, rapporteur,
a demandé si cette
organisation était favorable à un dispositif obligatoire qui se
traduirait in fine par une augmentation des prélèvements
obligatoires.
Evoquant la phase de concertation sur les retraites actuellement menée
par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, il
s'est demandé si le Gouvernement aurait le courage de mettre en place au
début de l'année 2000 de véritables fonds d'épargne
retraite.
En réponse à M. Charles Descours, rapporteur,
M. Roger-Paul
Cottereau
a souligné que les fonds de pension existant aujourd'hui
se situaient hors du cadre de l'entreprise et ne constituaient donc pas un
élément du contrat de travail. Il a estimé que l'on
pouvait tout à fait imaginer la création d'un produit
d'épargne de type Préfon destiné aux salariés du
secteur privé.
Evoquant l'avenir de nos régimes de retraite,
M. Roger-Paul
Cottereau
a fait observer que ceux-ci seraient équilibrés
jusqu'en 2006 ; après cette date, un fonds de réserve
transitoire, alimenté à hauteur de trois ou quatre points du
produit intérieur brut, suffirait à assurer leur
équilibre ; au-delà, il semblait très
aléatoire de formuler des prévisions, en raison des inconnues
pesant sur un horizon aussi lointain.
S'agissant du niveau des prélèvements obligatoires,
M.
Roger-Paul Cottereau
a rappelé que celui-ci dépendait
directement du rôle confié à la collectivité dans
notre société, ce qui amenait à relativiser certaines
comparaisons internationales. Après s'être déclaré
défavorable à une augmentation des prélèvements
obligatoires, il a fait observer que la création de fonds de pension se
traduirait également par des prélèvements
supplémentaires sur les entreprises et les salariés.
M. Jean Chérioux
a rappelé que la capitalisation
nécessitait du temps pour être mise en oeuvre et qu'elle ne
pourrait par conséquent pas apporter de réponse aux
difficultés que rencontreraient nos régimes de retraite dans les
prochaines années. Après avoir souligné l'importance de
l'épargne salariale dans notre pays, il s'est interrogé sur la
possibilité de permettre aux salariés titulaires de plans
d'épargne d'entreprise de transférer les sommes accumulées
vers un système individuel de capitalisation en vue de la retraite.
En réponse à M. Jean Chérioux,
M. Roger-Paul
Cottereau
a estimé que la capitalisation ne pourrait effectivement
produire ses effets qu'au terme d'une génération. Il a fait
observer qu'il serait difficile, pour la génération actuelle, qui
devait déjà prendre en charge le financement des pensions des
retraités d'aujourd'hui, d'alimenter d'éventuels fonds
d'épargne retraite pour assurer le financement de sa propre retraite. Il
a souligné que l'on avait pris du retard sur la question de la
capitalisation en raison de la " drôle de guerre " qui opposait
depuis une vingtaine d'années partisans de la capitalisation et
défenseurs de la répartition.
M. Roger-Paul Cottereau
a jugé qu'avant d'instituer un
troisième pilier de notre système de retraite il fallait au
préalable déterminer quel niveau de revenu principal la
société souhaitait assurer à titre collectif et solidaire
aux retraités. Il a considéré que le travail remarquable
accompli par le commissariat général du Plan sous la direction de
M. Jean-Michel Charpin pouvait avoir une fonction pédagogique
même si la CFTC était très réservée sur les
perspectives ainsi dégagées. Il a jugé que la
réforme prioritaire devait viser à rapprocher, en tenant compte
toutefois de la particularité de leurs statuts, les régimes
spéciaux de retraite des régimes du secteur privé.
Evoquant le fonds de réserve institué par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999,
M. Roger-Paul Cottereau
a estimé qu'il convenait de définir sans tarder la
finalité de ce fonds et notamment son caractère pérenne ou
transitoire. Il s'est dit favorable à la mise en place d'un
comité de pilotage chargé du suivi des régimes de
retraite. Il a rappelé que la participation ne se limitait pas à
des dispositions financières et a souhaité qu'elle soit
renforcée.
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que les Etats-Unis
et le Canada avaient également créé des fonds de
réserve pour les retraites, dotés cependant de sommes
considérables. Il a jugé que les sommes affectées au fonds
de réserve français étaient dérisoires par rapport
aux enjeux.
M. Roger-Paul Cottereau
a ajouté qu'il était quelque peu
paradoxal de constituer des réserves quand on avait déjà
du mal à assurer au quotidien l'équilibre de nos régimes
de retraites.
Il a conclu en rappelant les conditions que posait la CFTC à la
création de fonds d'épargne retraite. Il a souligné que
l'adhésion à de tels fonds devait demeurer facultative pour
l'entreprise mais devait également, en cas d'adhésion,
s'appliquer à tous les salariés et faire partie intégrante
du contrat de travail. Il a jugé que de tels fonds devaient être
créés au niveau des branches professionnelles, que l'abondement
de l'employeur devait avoir un caractère obligatoire et que des
représentants des salariés devaient figurer dans les organismes
de contrôle de ces fonds. Il a suggéré que soient
institués des organismes de gestion paritaire de
l'épargne-retraite pour les salariés des petites et moyennes
entreprises. Il a également souhaité que des compléments
soient apportés aux textes des propositions de loi afin de
prévoir la possibilité d'une réversion, d'éventuels
avantages familiaux et la transférabilité des droits en cas de
changement d'entreprise. Il a enfin considéré que ces fonds ne
sauraient investir les sommes qu'ils géreraient dans des entreprises qui
ne seraient pas cotées en bourse.
La commission a ensuite entendu
M. François Charpentier
,
journaliste,
auteur de "
Retraites et fonds de pension :
l'état de la question en France et à l'étranger
".
M. François Charpentier
a tout d'abord indiqué qu'une
évolution macro-économique favorable ne résoudrait en rien
les besoins de financement des régimes de retraite par
répartition et que la variable démographique, liée
à l'arrivée à la retraite des générations du
"baby-boom", était la plus importante.
Présentant les choix effectués par les différents pays
industrialisés en matière de fonds de pension, il a
observé que tous les pays développés -quel que soit le
système de retraite choisi- se trouvaient confrontés aux
mêmes enjeux de financement.
Il a estimé que le débat sur les fonds de pension était
souvent brouillé, en raison de la confusion entre deux objectifs :
assurer un complément de retraite et développer une
épargne placée en actions. Il a souligné que les fonds de
pension ne pouvaient être gérés qu'à
l'extérieur de l'entreprise. A cet égard, il a
considéré que l'Allemagne, où la gestion de
l'épargne retraite est effectuée en interne (inscription de
provisions au bilan des entreprises), ne disposait pas de véritables
fonds de pension.
Il a indiqué que les pays ayant mis en place des fonds de pension
étaient ceux dont le taux de remplacement assuré par le
régime de base était le plus faible : Grande-Bretagne, Irlande,
Pays-Bas. Il a observé que ces fonds de pension -à l'exception
des Pays-Bas- étaient loin d'être universels : en
Grande-Bretagne, seule la moitié des salariés est couverte par un
tel système. Il a précisé que l'accès aux fonds de
pension dépendait étroitement de la taille des entreprises, de la
nature du contrat de travail et de la catégorie socioprofessionnelle.
Citant l'exemple des Etats-Unis, il a indiqué que le régime de
base par répartition, appelé " sécurité
sociale ", couvrait 97 % des salariés et assurait un taux de
remplacement de 28 à 40 %. Il a précisé que ce
régime fonctionnait sur des réserves depuis le début des
années 1980, ajoutant que ces réserves allaient s'accumuler
jusqu'à 2021 pour financer les pensions servies jusqu'en 2032. Il a
observé qu'aux Etats-Unis le débat actuel portait sur
l'affectation à ces réserves d'une partie des excédents
budgétaires, qui seraient placés en actions et non en bons du
Trésor.
Il a observé que les fonds de pension américains étaient
les plus importants au monde, mais que les Etats-Unis avaient marqué une
différence entre la retraite (la sécurité sociale) et les
fonds de pension (l'épargne). Rappelant que le système
américain s'était fondé au début des années
1950 sous le régime des " prestations définies ", il a
précisé que, depuis le début des années 1980, le
régime des " cotisations définies " devenait
majoritaire, en raison de l'apparition du chômage -les prestations
définies nécessitant une fidélisation des salariés-
et de la faillite de certaines entreprises (exemple des compagnies
aériennes). Il a souligné que la logique des cotisations
définies était une logique d'épargne.
Evoquant les lois du 9 juin 1999 adoptées au Luxembourg, il a
rappelé que le régime de base luxembourgeois correspondait au
régime de base français et aux régimes
complémentaires et que le système d'épargne retraite
était jusqu'à maintenant comparable au système allemand
(provisions inscrites au bilan des entreprises). Il a indiqué que ces
lois tendaient à mettre en place un mécanisme complexe, alliant
une possibilité de sortie en capital selon un régime de
" cotisations définies " et une rente servie selon le
système des " prestations définies ". Il a
estimé que la logique du système était plus
financière que sociale, la volonté étant de drainer
l'épargne européenne.
Abordant le cas du Chili, il a rappelé qu'un système en
capitalisation avait pris le relais, en 1981, d'un régime en
répartition fortement déficitaire. Il a indiqué que -si le
système avait convenablement fonctionné dans les premières
années- le taux de rendement était négatif pour la
quatrième année consécutive et que le coût de
gestion était très élevé. Il a noté, en
outre, que les pensions servies étaient très modiques.
Il a considéré que seuls les Pays-Bas avaient mis en place de
véritables fonds de retraite, touchant 90 % des salariés, et
placés principalement en obligations.
Abordant la question de la France, il a observé que les fonds de
retraite existants s'étaient développés en marge du
régime général des salariés. Il a ainsi
précisé que le régime Préfon avait
été créé en raison de l'absence de régime
complémentaire dans la fonction publique, que le régime Coreva
dans le domaine agricole et les contrats Madelin (professions artisanales et
libérales) s'adressaient aux non-salariés, dont les pensions
servies par le régime de base sont faibles.
Il a constaté que ces fonds de pension n'avaient jamais pris l'allure de
véritables régimes de retraite : la Préfon ne concerne que
200.000 personnes (150.000 actifs et 50.000 retraités) sur un
public potentiel de plus de quatre millions d'adhérents, le niveau
élevé de la retraite de base expliquant probablement un tel
écart ; la loi Madelin n'a pas connu un franc succès ; le fonds
de pension pour les élus locaux ne concerne que 5.000 personnes
contre 75.000 personnes attendues. Il a estimé que les causes de cet
échec étaient multiples : le coût du système pour se
procurer un complément de retraite apparaît disproportionné
; de plus, d'autres produits financiers sont jugés plus avantageux. Il a
considéré que la raison essentielle tenait à l'aversion,
traditionnelle en France, vis-à-vis de la sortie exclusive en rente
viagère.
Il a expliqué que la volonté de mettre en place un
mécanisme de capitalisation pour les salariés du régime
général se heurtait à une opposition s'expliquant pour
trois raisons : premièrement, les régimes de retraite ont
été l'affaire des partenaires sociaux ; deuxièmement,
l'octroi d'avantages fiscaux ne concernerait qu'un Français sur
deux ; troisièmement, l'exonération de cotisations sociales
met en compétition la répartition et la capitalisation. Il a
observé que les contrats d'assurance vie et les plans type PEA - PEP
permettaient de pallier cette absence de fonds de pension, de même que
les régimes supplémentaires de l'article 39 et de l'article 83 du
code général des impôts et les mécanismes
d'épargne salariale.
Il a estimé que des avancées intéressantes pouvaient
cependant être notées dans les derniers mois, comme le montrent
les efforts d'information et de formation menés par les organisations
syndicales.
Il a observé que la couverture des petites et moyennes entreprises
représentait un véritable défi.
Evoquant la proposition de loi de M. Charles Descours, il a estimé que
le cas des salariés décédant avant l'âge de la
retraite devait être pris en compte.
M. Charles Descours, rapporteur,
a observé que l'adhésion
obligatoire aux fonds de pension, ou par le biais d'accords de branche, aurait
pour conséquence une augmentation des prélèvements
obligatoires, ce qui était à exclure. Il s'est interrogé
sur la possibilité de couvrir le plus possible d'entreprises, sans
toutefois créer une obligation.
M. François Charpentier
a estimé que l'épargne
retraite devait rester un choix facultatif et que le niveau des
prélèvements obligatoires était au coeur du débat.
Il a fait état d'un accord chez IBM France, où, à la suite
de l'intégration de plusieurs filiales, six régimes de
prévoyance différents allaient être remplacés par le
régime de fonds de pension IBM, sans augmentation de coût pour
l'entreprise.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur les liens possibles
entre épargne salariale et épargne retraite. Abordant la question
du fonds de pension des élus locaux, il a indiqué que le temps
pour cotiser était très limité, ce qui limitait la
viabilité du système.
M. François Charpentier
a reconnu que la population des
élus locaux, relativement âgée, entrait trop tard dans le
système. Il a souligné la contradiction entre le comportement des
actifs, qui pensent à leur retraite relativement tard, à 40-45
ans, et l'avantage donné par le système de capitalisation
à ceux qui ont commencé tôt à cotiser. Il a
estimé que les salariés se trouveraient bientôt devant
l'alternative suivante : soit ne pas cotiser à un fonds de pension, et
prendre leur retraite à 70 ans, soit cotiser à un fonds de
pension et prendre leur retraite plus tôt.
B. AUDITIONS DU MERCREDI 22 SEPTEMBRE 1999
Réunie le
mercredi 22 septembre 1999
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président
, la
commission a poursuivi ses auditions sur la
proposition de loi
n° 187
(1998-1999) présentée par M. Charles
Descours, visant à améliorer la protection sociale des
salariés et créant des
fonds de retraite
, et sur la
proposition de loi n° 218
(1998-1999) présentée
par M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, visant
à instituer des
plans d'épargne retraite
.
La commission a tout d'abord entendu
M. Jean-Christophe Le Duigou,
secrétaire de la
Confédération
générale du travail
(CGT).
Après avoir rappelé que la CGT ne croyait pas à la
capitalisation comme moyen de conforter la répartition,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a souligné que son organisation
n'entendait pas, pour autant, rester à l'écart des débats
sur cette question.
Commentant les deux propositions de loi,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a
indiqué qu'il ne partageait pas l'idée selon laquelle les
difficultés prévisibles de notre système de retraite
viendraient de l'absence d'un système de capitalisation. Il a
jugé que le problème du financement à long terme des
retraites, problème que connaîtraient prochainement la plupart des
pays développés, y compris ceux qui disposaient de retraites par
capitalisation, provenait à la fois d'une évolution
défavorable de la structure démographique et d'une insuffisance
de la croissance économique. Il a fait observer que les
conséquences du vieillissement de la population devaient cependant
être relativisées, dans la mesure où la notion de
population dite " âgée " évoluait, et que l'on
constatait parallèlement un rajeunissement de la population en
activité dans les entreprises.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a regretté le pessimisme des
projections économiques sous-tendant le diagnostic du rapport Charpin.
Il a jugé que le choix d'un taux de croissance annuel moyen de
1,5 %, pour les 40 prochaines années, méritait à
tout le moins un véritable débat. Il a souligné que des
hypothèses plus favorables aboutissaient à des prévisions
moins inquiétantes pour les régimes de retraite.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que la retraite
ne devait pas être abordée comme une question patrimoniale, sauf
à soulever un réel problème de justice sociale. Citant
l'exemple du Royaume-Uni où seuls 40 % des salariés sont
effectivement couverts par des fonds de pension,
M. Jean-Christophe Le
Duigou
a estimé qu'une conception patrimoniale de la retraite
engendrait des inégalités à la fois sociales et
intergénérationnelles. Il a exprimé la crainte que la
génération aujourd'hui en activité ne soit contrainte de
financer le paiement des pensions des retraités tout en devant
parallèlement se constituer un capital pour sa propre retraite. Il a
ajouté que l'introduction d'un système de retraite par
capitalisation présentait des risques d'injustice accrus, sans garantie
d'une quelconque efficacité.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a récusé l'affirmation selon
laquelle les systèmes de retraite par répartition ne seraient pas
favorables à l'investissement. Il a souligné que la consommation
constituait également un des déterminants de l'investissement.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que la question
de l'orientation de l'épargne ne devait pas être confondue avec la
problématique de la retraite. Après avoir rappelé que la
CGT souhaitait que le système de retraite par répartition soit
conforté et pérennisé, il a fait observer que notre pays,
dont le taux d'épargne figurait parmi les plus élevés au
monde, ne souffrait manifestement pas d'une insuffisance d'épargne.
Evoquant la question de l'orientation de cette épargne,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a constaté qu'une masse importante de
capitaux, notamment les fonds investis dans l'assurance vie, ne
bénéficiait pas aujourd'hui à l'entreprise. Il a
souligné, en outre, qu'une part importante de l'épargne
française, évaluée à environ 150 milliards de
francs par an, quittait chaque année notre pays pour aller s'investir
dans des valeurs boursières étrangères. Il a estimé
que la réorientation de l'épargne vers l'activité
économique pouvait se faire par une modification des règles
régissant l'assurance vie ou les fonds communs de placement sans qu'il
soit pour autant nécessaire d'instituer un système de retraite
par capitalisation qui serait fiscalement aidé.
Après avoir rappelé que la plupart des pays industrialisés
avaient opté pour un recul progressif de l'âge de départ
à la retraite,
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est
demandé quelles solutions préconisait la CGT pour résoudre
à l'avenir le problème de financement de nos systèmes de
retraite.
Soulignant que les prélèvements obligatoires avaient aujourd'hui
atteint un niveau que l'on pouvait considérer comme maximal,
M.
Charles Descours, rapporteur,
a souhaité savoir si la CGT
était pour sa part favorable à une éventuelle augmentation
des cotisations. Il a jugé que toute nouvelle augmentation des
prélèvements obligatoires comportait des risques importants de
délocalisation des entreprises françaises.
Après avoir fait observer que la plupart des entreprises
françaises cotées en bourse étaient aujourd'hui
contrôlées par des fonds de pension étrangers,
M.
Charles Descours, rapporteur,
a considéré qu'une
réorientation de l'épargne française n'était
possible que par le biais d'incitations fiscales.
En réponse à M. Charles Descours,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a souligné qu'il convenait d'être prudent en matière de
comparaisons internationales. Il a ainsi indiqué que si l'Allemagne
venait effectivement d'imposer 42 années et demie de cotisations pour
bénéficier d'une retraite à taux plein, il avait
été parallèlement prévu que tout jeune sortant du
système éducatif à 17 ans commencerait à cotiser
pour sa retraite. Il a ajouté que les salariés italiens
continuaient à partir à la retraite avant l'âge de
60 ans, alors même que les conditions d'obtention d'une retraite
étaient devenues, en apparence, plus restrictives dans ce pays.
Evoquant le rajeunissement de la population en activité,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a expliqué
que plusieurs millions
de salariés allaient prochainement partir à la retraite et
seraient remplacés par des jeunes mieux formés et plus à
même de maîtriser les nouvelles technologies. Il en a conclu que
les projections en matière de retraite ne pouvaient simplement
constituer un prolongement des tendances actuelles et qu'il convenait, au
contraire, d'être en mesure d'anticiper les ruptures.
S'agissant d'une hausse éventuelle des cotisations de retraite,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que dans la
mesure où le nombre de retraités allait augmenter de 50 %
dans les prochaines années et que tout le monde souhaitait que leur
niveau de vie soit maintenu, il faudrait bien se résoudre à
augmenter les ressources consacrées au financement des retraites. Il a
ajouté que c'était toujours la génération qui
travaillait qui assurait finalement le financement de la charge des retraites,
que le système repose sur la répartition ou la capitalisation.
Evoquant les risques de délocalisation que pourrait comporter une
éventuelle hausse des cotisations,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a
rappelé que la France restait, malgré des
prélèvements obligatoires élevés, le pays d'Europe
continentale où les investissements étrangers étaient les
plus importants. Il a considéré qu'il n'existait pas
réellement de limite au niveau des cotisations.
En réponse à
M. Charles Descours, rapporteur,
qui
l'interrogeait sur les risques de délocalisation dans les secteurs de
haute technologie,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a souligné
que certains secteurs contribuaient très peu au financement des
retraites tandis que d'autres, notamment les secteurs de main-d'oeuvre, lui
consacraient une part importante de leur valeur ajoutée. Il s'est dit
par conséquent favorable à une réforme des cotisations
patronales.
Après avoir ajouté qu'il partageait la préoccupation de
M. Charles Descours quant à la nécessité de maintenir
nos entreprises sous contrôle de capitaux français,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a déclaré que l'on ne
pourrait pas, pour autant, admettre que les catégories sociales les plus
favorisées se constituent un capital pour leur retraite grâce
à des avantages fiscaux financés par la collectivité.
Après avoir relevé que
M. Jean-Christophe Le Duigou
craignait que l'introduction d'un système par capitalisation ne
génère de nouvelles inégalités,
M. Jean
Chérioux
a fait observer qu'il existait déjà des
inégalités très importantes au regard de la retraite entre
les régimes spéciaux de la fonction publique et les
régimes du secteur privé. Il a jugé qu'il convenait par
conséquent de réexaminer les avantages accordés par ces
régimes spéciaux si l'on souhaitait aboutir à une
réelle égalité.
Considérant que la capitalisation, qui nécessite du temps pour
produire ses effets, ne saurait apporter de véritable solution aux
déficits que connaîtrait, dans les prochaines années, notre
système de retraite,
M. Jean Chérioux
s'est
interrogé sur la possibilité de permettre aux salariés de
mobiliser une partie de leur épargne salariale, dont le montant total
atteignait aujourd'hui plus de 200 milliards de francs, pour financer un
complément de retraite. Il s'est demandé si le
développement de l'actionnariat salarié n'était pas un
moyen d'éviter la mainmise des fonds de pension étrangers sur nos
entreprises.
M. Guy Fischer
a dit partager la conception de M. Jean-Christophe Le
Duigou pour qui la retraite ne devait pas être une affaire patrimoniale.
Constatant que les inégalités sociales continuaient à se
creuser malgré une croissance plus forte, il s'est
inquiété du risque d'accroissement de ces
inégalités né de la mise en place d'un système de
capitalisation. Après avoir rappelé que les retraités
avaient parfois le sentiment que leur pouvoir d'achat diminuait
régulièrement depuis plusieurs années, il s'est
demandé si l'introduction de la capitalisation ne risquait pas d'aviver
ce sentiment.
M. André Jourdain
a constaté que la CGT refusant toute
augmentation des cotisations salariales et toute diminution des montants des
retraites, seule restait envisageable la hausse des cotisations patronales.
Citant l'exemple de la crise que connaissait aujourd'hui l'industrie de la
lunetterie dans le Jura, il a estimé que toute augmentation des
cotisations patronales se traduirait inévitablement par une
délocalisation de la production.
Evoquant le fonds de réserve pour les retraites créé par
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que ce dernier ne
constituait pas une véritable solution au problème de financement
que rencontreraient les régimes de retraite à partir de 2005. Il
a jugé que la véritable solution reposait sur une forte
diminution du chômage. Il a également estimé que toute
augmentation de la durée de cotisation exigée pour
bénéficier d'une retraite à taux plein était
inacceptable tant que les jeunes rencontreraient autant de difficultés
pour s'insérer dans la vie professionnelle et tant que les personnes
âgées de plus de 50 ans seraient durablement exclues du
marché du travail.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a estimé qu'une éventuelle
modification des règles d'utilisation des fruits de la participation
devait faire partie d'une réforme d'ensemble de l'épargne
salariale. Evoquant les possibilités de départ anticipé
à la retraite dont bénéficiaient les ressortissants de
certains régimes, il s'est dit favorable à un système
commun à tous les régimes qui tiendrait compte de la
pénibilité effective du travail.
La commission a ensuite entendu
M. Jacques Creyssel, directeur
délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF), et
Mme Agnès Lepinay, directeur du groupe de propositions et d'actions
" Croissance "
.
M. Jacques Creyssel
a évoqué les propositions faites en
1994 sur le sujet des fonds de pension par un groupe de travail du Conseil
national du patronat français (CNPF) présidé par M.
Ernest-Antoine Seillière. Regrettant que la France soit bientôt le
dernier pays développé au monde à ne pas avoir mis en
place un mécanisme de fonds de pension, il a constaté que la
période actuelle était plutôt marquée par une phase
de régression.
Il a souhaité rappeler les perspectives financières des
retraites, en précisant que la France compterait un actif pour un
retraité dans trente ans, contre quatre actifs pour un retraité
il y a vingt-cinq ans. Il a ajouté que le déficit des
régimes de retraite à l'horizon 2040 représenterait un
montant de 800 milliards de francs 1999, en tenant compte d'un taux de
chômage de 9 %. Il a indiqué qu'un taux de chômage beaucoup
plus bas (3 %) ne diminuerait que de 100 milliards de francs le besoin de
financement. Il a rappelé que les solutions classiques d'un
régime de retraite par répartition consistaient soit à
diminuer de moitié les pensions servies, soit à augmenter les
cotisations dans la même proportion.
Il a indiqué qu'il n'était pas possible d'augmenter la cotisation
des actifs, consacrant déjà 25 % de leur
rémunération brute au financement des retraites. Il a
observé que la solution de relever la durée de cotisation
nécessaire à l'obtention d'une pension complète ne
pourrait être que très progressive. Estimant que le système
de retraite français était particulièrement complexe, avec
une partie en " prestations définies " (le régime de
base) et une partie en " cotisations définies " (le
régime complémentaire), il a considéré que la
priorité était de simplifier ce système, en passant
à un régime intégralement par points, et en laissant le
choix de l'âge de la retraite au cotisant. Il a précisé que
ce choix lui serait donné par la possibilité d'épargner
pour sa retraite. Il a considéré que l'introduction de fonds de
pension était ainsi un élément majeur de liberté.
Il a énuméré les conditions de réussite de ces
fonds de pension. Il a préconisé un système facultatif et
le plus souple possible, prévoyant notamment la
transférabilité en cas de changement d'employeur. Il a
estimé que ces fonds devraient privilégier la sortie en rente
même si des options devaient être offertes pour une sortie en
capital. Il a insisté sur le fait que les rentes devraient être en
" cotisations définies " et non en " prestations
définies ". Il a jugé nécessaire la mise en place de
mécanismes de surveillance, associant employeurs et salariés. Il
a estimé que des exonérations fiscales et sociales devaient
être prévues pour inciter à ce système facultatif.
Il a considéré qu'au-delà de ces règles de base, la
mise en oeuvre de fonds de pension devrait pouvoir faire l'objet d'un accord
entre partenaires sociaux.
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est interrogé sur la
possibilité de faire passer le régime de base à un
système par points, sur les modalités de sortie en capital, sur
la transmissibilité des droits, notamment en cas de décès,
et sur l'impossibilité de procurer aux salariés non imposables un
avantage équivalent à l'avantage fiscal. Il a souhaité
connaître les solutions préconisées par le MEDEF pour
inciter les PME à souscrire à de tels mécanismes.
M. Jacques Creyssel
a estimé qu'il était tout à
fait possible de faire passer le régime de base à un
système intégralement par points. Il a observé que la
réforme des régimes complémentaires Association des
régimes de retraites complémentaires (ARRCO) et Association
générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) avait
été menée à bien.
S'agissant des fonds de pension, il a considéré qu'il
était désormais nécessaire de laisser le maximum de
liberté aux employeurs et aux salariés. Précisant qu'il ne
s'agissait surtout pas de créer un nouveau produit d'épargne, il
a estimé que la sortie en rente était davantage
compréhensible et correspondait à l'objectif de conforter les
retraites. Concernant la transmissibilité, il a observé que
toutes les techniques assurantielles étaient disponibles pour prendre en
compte les aspirations de chacun.
M. Charles Descours, rapporteur,
a évoqué l'opinion
négative des retraités français sur les fonds de pension.
M. Jacques Creyssel
a répondu qu'un sondage montrait que 67 % des
Français se déclaraient favorables à " la mise en
place d'une épargne individuelle constituée en vue de la
retraite ". Il a insisté sur la nécessité de
prévoir des règles simples.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur la capacité
d'épargner pour un salarié au salaire minimum interprofessionnel
de croissance (SMIC) et sur les outils de politique contractuelle
nécessaires à la mise en place de tels fonds. Il s'est
demandé s'il était possible de s'inspirer de l'épargne
salariale.
M. Guy Fischer
a indiqué ne pas partager les options retenues par
le MEDEF. Il a évoqué l'accroissement des
inégalités. Il s'est interrogé sur le niveau de rente
susceptible d'être offert en moyenne par les fonds de pension et sur la
situation des PME.
M. André Jourdain
a demandé si le système de points
évoqué par M. Jacques Creyssel pour la pension servie par le
régime de base tenait compte de la pénibilité du travail
et des charges de famille.
Répondant à M. Jean Chérioux,
M. Jacques Creyssel
a
expliqué que la défense de la politique contractuelle
était pour le MEDEF un élément très important. Il a
indiqué que -dans la quasi-totalité des cas- les plans de
retraite seraient mis en place après un accord collectif.
Répondant à M. Guy Fischer, il a estimé que
l'évolution du niveau de vie avait avantagé, au cours des
dernières années, plutôt les retraités que les
actifs. Il a reconnu qu'il était naturellement plus difficile de mettre
en place de tels systèmes dans les PME, mais que des solutions pouvaient
être trouvées du côté des branches ou des groupements
d'entreprises. Evoquant la situation allemande, il a considéré
que la gestion, au sein de l'entreprise, des fonds de pension était plus
facile à comprendre, plus proche du salarié et des
mécanismes de l'épargne salariale.
Répondant à M. André Jourdain, il a précisé
que les éléments de solidarité nationale devaient
naturellement être conservés et qu'il fallait tenir compte du
nombre d'enfants. Il s'est interrogé cependant sur le bien-fondé
d'un dispositif consistant à faire prendre en charge ces dépenses
résultant de la politique familiale par la branche vieillesse.
Mme Agnès Lépinay
a rappelé que la pension du
régime de base avait déjà été
réformée, en passant des 10 aux 25 meilleures années.
Elle a estimé que la loi devait fixer des garanties pour les
bénéficiaires, mais qu'il était souhaitable de laisser
à la négociation contractuelle le soin de préciser
différentes modalités comme la possibilité de
systèmes de réversion.
Elle a considéré que l'une des prérogatives des
comités de surveillance des fonds de pension devait être la
possibilité de choisir le gestionnaire et, le cas échéant,
d'en changer.
Enfin, la commission a entendu
M. Jean-Claude Mallet, secrétaire
confédéral de la CGT-FO.
M. Jean-Claude Mallet
a exprimé son opposition aux deux propositions
de loi. Il a estimé que les fonds de pension ne constituaient, en aucun
cas, une réponse aux enjeux de financement des régimes de
retraite par répartition, en raison du temps nécessaire à
la constitution d'une épargne.
Il a noté que la Banque mondiale avait préconisé, en 1994,
la création de fonds de pension dans le monde, en s'appuyant sur le
système américain, qu'il a jugé fondamentalement
différent. Il a estimé que les conditions posées par le
Fonds monétaire international (FMI) pour accorder des aides
financières à la Turquie, relatives à la réforme
des régimes de retraite, étaient particulièrement
choquantes. Il a observé que la question de réagir ou non aux
investissements de l'épargne salariale américaine était
plus d'ordre économique que social. Indiquant qu'il s'était rendu
aux Etats-Unis à l'invitation de l'AFL-CIO, il a considéré
que les représentants des salariés n'avaient aucune part dans la
gestion. Il a estimé que de toute façon -dans le cadre de la
mondialisation- les fonds se déplaçaient vers les investissements
les plus rentables.
Il a considéré que le régime Préfon avait
été mis en place par des fonctionnaires du ministère des
finances, parce que la question des primes n'avait pas été prise
en compte pour le calcul des pensions de retraite. Concernant les
régimes Coreva et Madelin, il a estimé que la situation des
non-salariés était très différente -qui vendent
leur capital pour assurer leur retraite-. Il a observé que
l'épargne française était d'un niveau tout à fait
suffisant. Il a estimé que très peu de salariés avaient
une capacité d'épargne supplémentaire et que les avantages
fiscaux ne favoriseraient que les salariés les plus
privilégiés.
M. Charles Descours
a observé que le fonds de réserve
créé par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 devrait être abondé de plusieurs centaines de
milliards de francs pour être réellement utile. Il a
demandé si M. Jean-Claude Mallet était favorable à une
hausse des prélèvements obligatoires, pourtant refusée par
les Français, qui préfèrent la mise en place des fonds de
pension.
M. Jean-Claude Mallet
a indiqué qu'il fallait éviter de
reproduire, à propos de la réforme des retraites, les erreurs
commises dans le domaine de l'assurance maladie. Il a mis en doute la
qualité des sondages concluant à un choix des Français
pour les fonds de pension.
Il a estimé que la hausse des cotisations -y compris des
salariés- était possible si elle était clairement
justifiée. Il a considéré qu'il fallait éviter les
propos catastrophistes. Il a rappelé que la mission Charpin avait
chiffré à 12,1 % du produit intérieur brut (PIB)
l'effort accompli aujourd'hui en matière de retraite. Compte tenu d'un
chômage à 6 %, l'effort passerait à 15,1 %, ce qui ne
représente que 3 points supplémentaires. Il a indiqué que
sur les quarante dernières années, l'effort avait
été de 6 points, à la suite du rapport Laroque sur la
généralisation et l'amélioration du niveau des retraites.
Il a considéré que l'effort se résumait à cinq
milliards de francs supplémentaires tous les ans.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que les
prélèvements sociaux atteignaient un sommet qu'il convenait de ne
pas dépasser.
M. Jean-Claude Mallet
a indiqué que certaines recettes de la
sécurité sociale étaient " captées " par
l'Etat, comme les exonérations de cotisations non compensées. Il
a estimé que les comparaisons internationales en matière de
prélèvements obligatoires ne prenaient pas en compte la politique
de l'emploi.
M. Guy Fischer
, après avoir rappelé son opposition
à la mise en place de fonds de pension, a estimé que la
réforme de l'assiette des cotisations patronales restait à faire.
Il a évoqué les réactions très vives des
retraités face à la dégradation de leur pouvoir d'achat.
M. Jean-Claude Mallet
a considéré que la réforme
des cotisations patronales restait un objectif et que le financement des
trente-cinq heures avait pour conséquence de brouiller encore davantage
les relations complexes entre l'Etat et la sécurité
sociale.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
" Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage ;
polissez-le et repolissez-le sans cesse ".
Le conseil de Nicolas
Boileau, dans
l'Art poétique
(1674) pourrait s'appliquer aux
parlementaires, amenés à débattre à nouveau de
l'épargne retraite.
Après plusieurs propositions de loi, dont la première
émanait de votre commission des Affaires sociales
1(
*
)
, la France s'est dotée, le 25 mars 1997, d'un
mécanisme qui répond aux enjeux, à travers la loi
créant les plans d'épargne retraite.
Mais le Gouvernement issu des élections de mai-juin 1997 ne s'est
résolu ni à l'abroger, ni à l'appliquer, au mépris
des règles essentielles de notre droit.
" Remettre l'ouvrage sur le métier ".
Le rapport
Charpin a confirmé que le taux de remplacement des régimes de
retraite par répartition était condamné à baisser.
Dès lors, pour assurer aux retraités futurs un niveau de vie
équivalent aux retraités d'aujourd'hui, il convient de leur
donner la possibilité d'épargner en vue de leur retraite.
M. Jacques Delors écrivait ainsi en 1994
2(
*
)
:
" L'une des erreurs faite en France a
été de ne pas expliquer qu'au-delà d'un minimum
décent il fallait faire appel pour partie à la retraite par
capitalisation. Un socle commun et un complément par capitalisation. Le
premier assure la solidarité pour tous, le second fait appel à la
responsabilité et au sens de la prévoyance de chacun, pour
assurer la situation matérielle de sa famille, à l'issue de la
vie professionnelle active ".
" Remettre l'ouvrage sur le métier ".
Ce complément
de retraite par capitalisation ne fragilisera pas les régimes de
retraite par répartition, bien au contraire. Notre ministre de
l'économie et des finances, M. Dominique Strauss-Kahn n'expliquait-il
pas, dès 1982, qu'il convenait de cesser d'opposer répartition et
capitalisation
" en des joutes oratoires forcément
stériles "
3(
*
)
?
N'écrivait-il pas que l'idée selon laquelle
" la
préparation de la retraite ne peut reposer que sur des procédures
de répartition et que le mécanisme de la capitalisation est en
lui-même critiquable "
1
devait être
combattue
?
" Remettre l'ouvrage sur le métier ".
Le cadre
général défini par la loi Thomas est le bon. Les deux
propositions de loi qu'a rapportées votre commission des Affaires
sociales vont dans le même sens : un système facultatif, une
sortie en rente et une gestion externe par des professionnels.
Votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter une proposition
de loi permettant de répondre aux critiques, réelles ou
imaginaires, adressées à la loi Thomas.
On pourra toujours peaufiner telle ou telle disposition, ergoter sur la
composition du conseil de surveillance ou sur l'exonération de charges
sociales.
L'objectif est que la France donne aux 14 millions de salariés du
régime général la possibilité de se constituer un
complément de retraite. Le Gouvernement hésite, ne semble pas
avoir de projet très clair.
Votre commission des Affaires sociales vous propose d'améliorer la
protection sociale des salariés par le développement de
l'épargne retraite. Le Parlement, de nouveau, prend
l'initiative.
I. DÉVELOPPER L'ÉPARGNE RETRAITE EN FRANCE : UNE NÉCESSITÉ IMPÉRIEUSE
Le
développement de l'épargne retraite en France apparaît
aujourd'hui une nécessité, principalement en raison de la
situation démographique. Les régimes de retraite par
répartition ne pourront pas assurer des taux de remplacement identiques
à ceux dont bénéficient les générations qui
sont aujourd'hui à la retraite. De plus, l'épargne retraite
constituera un facteur favorable de croissance pour l'économie
française.
Or, les mécanismes proposés aux Français apparaissent
aujourd'hui insuffisants.
C'est pour cette raison que le Parlement avait initié et mené
à bien le vote de la loi du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne retraite, injustement critiquée.
A. LES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION VONT CONNAÎTRE DES BESOINS DE FINANCEMENT TRÈS IMPORTANTS
1. Les besoins de financement des différents régimes de retraite à partir de 2005 sont connus
Les
perspectives de financement des régimes obligatoires de retraite
à l'horizon 2005-2010 sont particulièrement inquiétantes.
Plusieurs facteurs expliquent la gravité d'une telle situation :
l'allongement de la durée de la vie, le vieillissement des
générations nées après-guerre
("
baby-boomers
"), la persistance d'un taux de
fécondité de 1,8 enfant par femme (contre un taux de 2,1
nécessaire au renouvellement des générations) et la
volonté de stabiliser le solde migratoire (50.000 personnes de solde
net).
L'accroissement du " taux de dépendance " apparaît ainsi
inéluctable. Ce taux de dépendance (c'est-à-dire le
rapport entre les personnes âgées de 20 à 59 ans et
celles âgées de plus de 60 ans) passerait de 4 en 1995 (4
retraités pour 10 actifs) à 7 en 2010 (7 retraités pour
10 actifs).
Ces diagnostics ont été posés par le
" Livre blanc
sur les retraites "
(1991), le rapport sur les
" Perspectives
à long terme des retraites "
(rapport Briet, 1995) et le
rapport
" L'avenir de nos retraites "
(rapport Charpin, avril
1999).
Alors qu'un certain nombre de responsables politiques et syndicaux rendent le
chômage seul responsable de cette évolution négative, et
contestent ainsi la gravité de la situation, le rapport Charpin a
démontré qu'une évolution plus favorable de la
productivité ou de l'emploi ne jouait qu'un rôle marginal pour
l'amélioration de la situation financière des régimes de
retraite.
Si l'on additionne
les besoins de financement en 2015
des
différents régimes étudiés par le rapport de 1995
(régime général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF,
ARRCO, AGIRC, exploitants agricoles), on obtient un total de
330 milliards
de francs
, dont 124 milliards de francs pour le régime
général (4,3 points de cotisation) et 80,2 milliards de
francs pour les fonctionnaires civils.
Cet effort ira grandissant.
Comme l'explique M. Olivier Davanne,
" contrairement à un sentiment largement répandu, le
terme de " bosse démographique " donne une image très
inexacte des difficultés qui apparaîtront à partir de
2005-2010. (...) Plutôt que le passage d'une bosse, les
difficultés de la première moitié du siècle
prochain s'apparentent ainsi à la montée vers un
plateau "
.
4(
*
)
Les besoins cumulés de financement des années 2005-2040
représentent ainsi plusieurs milliers de milliards de francs.
Les dépenses de retraite représentent dès aujourd'hui 12,1
points de PIB. En 2020, elles représenteraient 15,0 %
(hypothèse d'un chômage à 9 %), 14,1 % (chômage
à 6 %) ou 13,5 % (chômage à 3 %).
L'essentiel de la progression aurait lieu entre les années 2010 et 2030.
Le besoin de financement global du système de retraite atteindrait en
2040
un peu plus de 800 milliards de francs
(hypothèse d'un
taux de chômage à 9 %)
ou environ 700 milliards de francs
(hypothèse d'un taux de chômage à 6 %)
5(
*
)
.
Dépenses de retraite en points de PIB
Taux de chômage |
|
9 % |
6 % |
3 % |
||||
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
|
CNAVTS et régimes complémentaires |
7,1 |
9,0 |
10,1 |
8,5 |
9,5 |
8,1 |
9,1 |
|
Régimes agricoles |
0,9 |
0,6 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
|
Régimes spéciaux |
3,5 |
4,9 |
5,6 |
4,6 |
5,4 |
4,4 |
5,1 |
|
Indépendants (hors agricoles) |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
|
Ensemble des régimes |
12,1 |
15,0 |
16,7 |
14,1 |
15,8 |
13,5 |
15,1 |
Source : Rapport Charpin, p. 102.
2. La diminution du taux de remplacement semble inévitable
Pour
faire face à un besoin de financement supplémentaire, trois
instruments sont à la disposition des gestionnaires d'un système
de retraite par répartition :
- l'augmentation des cotisations ;
- la baisse du montant des pensions ;
- l'allongement de la durée d'assurance nécessaire à
l'obtention du taux plein.
Les deux premiers instruments apparaissent particulièrement
délicats à mettre en oeuvre.
L'augmentation des cotisations des actifs est possible, soit en augmentant le
niveau des prélèvements obligatoires, soit en assurant ce
financement supplémentaire à prélèvement constant.
L'augmentation des prélèvements obligatoires semble difficile, en
raison de leur niveau aujourd'hui atteint : 45,3 % du PIB en 1999. Pourtant, un
certain nombre de responsables politiques et syndicaux -encouragés par
les flous gouvernementaux- ont pu relativiser les constats du rapport Charpin,
en expliquant que l'effort en matière de retraites ne serait que de
trois points de PIB et qu'il était tout à fait abordable, en
comparaison de l'effort jusqu'à maintenant réalisé...
Mais les mêmes oublient naturellement de préciser les effets
négatifs d'une hausse des cotisations sur les effectifs employés.
Le rapport Charpin -citant une étude récente
6(
*
)
- note ainsi
" qu'une hausse de dix points des
taux de cotisation sociale supportés par les entreprises serait
susceptible d'entraîner une hausse du taux de chômage
d'équilibre de deux points. ".
Le financement à prélèvement constant reste
hypothétique ; il nécessite mathématiquement
des
économies sur d'autres postes de la dépense publique
(dépenses de fonctionnement de l'Etat, dépenses de santé,
équipements collectifs, etc.).
Il apparaît irréaliste de tabler sur une diminution durable du
poids des dépenses de santé dans le PIB, en raison de
l'amélioration du niveau de vie des populations, de l'introduction de
nouvelles techniques médicales coûteuses, et de la croissance de
la population âgée et du nombre de personnes dépendantes.
Les excédents de la branche famille reposent sur l'hypothèse peu
glorieuse d'un taux de fécondité inchangé. Leur
affectation au financement des retraites pose des problèmes de principe.
Il est probable que d'éventuels excédents seront affectés,
pour partie, à la couverture de nouveaux besoins.
Du côté de la politique de l'emploi, un taux de chômage
à 9% (contre 12 % en 1999) permettrait de réaliser une
économie de seulement 0,5 % du PIB en 2040.
Un taux de chômage à 6 % permettrait de compenser l'augmentation
des charges de retraite par une réduction des dépenses de la
politique de l'emploi jusqu'en 2015. En revanche, au-delà de 2015, les
besoins de financement réapparaîtraient. Là aussi, une
forte pression, dans le cas d'excédents des régimes d'assurance
chômage, se ferait jour pour assurer une meilleure indemnisation des
chômeurs.
En tout état de cause,
faire porter sur les seuls actifs de demain la
charge du financement des retraites ne semble pas souhaitable.
La deuxième solution tend à diminuer le niveau des pensions de
retraite servies. Il convient de rappeler qu'entre 1970 et 1990 le revenu des
retraités a augmenté deux fois plus vite que celui des actifs.
Aujourd'hui,
la parité des revenus des actifs et des retraités
est assurée
, grâce aux revenus du patrimoine qui
représentent un quart des revenus totaux des retraités. On notera
que, dans l'Union européenne, le niveau de vie des retraités est
inférieur d'environ 10 % à celui des actifs. La situation
des retraités français, par rapport à leurs voisins
européens, apparaît ainsi favorable.
Mais il semble difficile de renoncer aux progrès constatés depuis
la fin des années soixante.
Seule la troisième solution, consistant à allonger la
durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein,
est véritablement opératoire.
Elle constitue la proposition
clef du rapport Charpin (durée de 170 trimestres, soit 42,5
années de cotisations).
L'application mécanique de la retraite
à 60 ans aurait alors pour conséquence la baisse du taux de
remplacement
7(
*
)
. Bon nombre de
Français, en raison de l'entrée tardive sur le marché du
travail, ou d'une sortie anticipée, se trouveront dans une situation
où ils ne pourront obtenir le nombre de trimestres nécessaire
pour prétendre à une pension complète.
Les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, qui sont en points,
ont d'ores et déjà programmé une baisse du taux de
remplacement. Même si une hausse des cotisations est
décidée pour maintenir le niveau des pensions de base, les
pensions servies par les régimes de retraite complémentaires
diminueront inévitablement.
La baisse du taux de remplacement apparaît inévitable.
Il importe, en conséquence, d'offrir aux Français la
possibilité de se constituer une épargne retraite, qui leur
redonnerait la liberté de pouvoir choisir un taux de remplacement
équivalent à celui que connaissent les retraités
d'aujourd'hui.
Cette épargne retraite interviendrait en complément, et non en
substitution, de la pension principale versée au titre de la
répartition.
3. Le développement de l'épargne retraite apparaît favorable à la croissance
a) La contestation théorique
La
solution d'un développement de l'épargne retraite est
contestée par des économistes qui y voient un
prélèvement sur les revenus des actifs, aux mêmes
conséquences qu'un prélèvement social.
Force est de constater que la question du montant d'épargne et de son
allocation est source de débats économiques fort complexes.
Une étude récente du service des Etudes économiques et
financières de la Caisse des dépôts et
consignations
8(
*
)
résume les enjeux :
à court terme, l'épargne peut apparaître comme un frein
à la croissance économique, puisque -dans la théorie
économique classique- plus elle est élevée, plus la
consommation est faible ; à long terme, l'épargne constitue
le moteur de la croissance économique, en raison de l'accumulation de
capital productif qu'elle permet.
Encore faut-il que cette épargne soit utilisée de manière
pleinement satisfaisante. Postuler que toute l'épargne se transforme en
investissement productif est hasardeux. Le développement des OPCVM
monétaires (produits de court terme) dans le milieu des années
quatre-vingt a drainé une épargne considérable, dont il
n'est pas sûr qu'elle ait contribué pleinement à
l'augmentation des capacités de production de l'économie
française.
De plus, dans le cadre d'une économie ouverte, la répartition de
cette épargne entre agents résidents (principalement les
entreprises) et agents non résidents est une question essentielle.
Selon l'étude de la Caisse des dépôts, le " stock de
capital " serait insuffisant en France, ce qui ne signifierait pas pour
autant une pénurie d'épargne, puisque depuis plusieurs
années l'économie française connaît une balance des
transactions courantes largement excédentaire. Un transfert
d'épargne serait constaté au profit des agents non
résidents.
L'allocation de l'épargne française ne
serait pas optimale ; il serait, en effet, souhaitable que l'épargne des
ménages soit affectée plus abondamment au financement des
entreprises résidentes
.
b) Un instrument essentiel de la mondialisation partagée
Le
deuxième objectif plaidant pour la mise en place d'une véritable
épargne retraite est, en finançant les investissements de demain,
de soutenir l'économie et de créer ainsi des emplois
nécessaires au financement des régimes de retraite par
répartition.
La France doit faire le choix de la mondialisation
" partagée " et non de la mondialisation
" exclusion ", selon l'excellente expression de M. Jean-Pierre
Thomas. Le rachat récent, par des fonds de pension américains,
d'un certain nombre d'opérateurs français du câble montre
l'importance de ces fonds dans un secteur essentiel de notre
économie : celui des nouvelles technologies de l'information et de
la communication.
Une tribune libre parue dans
Le Monde
du 13 novembre 1998 résume
parfaitement les enjeux de cette mondialisation partagée :
" Le véritable apport des fonds de pension, c'est de permettre
de prélever une partie de la croissance extérieure. À
travers les fonds de pension anglo-saxons, américains entre autres, qui
possèdent, par exemple, 30 % du capital de Renault, les travailleurs
domiciliés en France participent déjà au financement des
retraites américaines. Si nous ne bougeons pas, dans dix ans, à
travers ces fonds de pension, une part de la croissance intérieure
financera les pensions de non-résidents, alors que nous n'aurons que
notre propre croissance pour financer nos propres pensions.
" Les régimes de répartition s'appuient exclusivement sur la
croissance intérieure. Seuls les fonds de pension permettent de
prélever sur la croissance externe.
" Un pays développé et démographiquement vieillissant
comme la France doit impérativement élargir l'assiette du
financement de ses retraites. Telle est la raison du caractère
incontournable des fonds de pension.
" En participant par exemple au financement de la croissance d'un pays
comme la Chine, les fonds de pension prélèveront sur la
production intérieure chinoise. Cette idée n'a rien de
" néo-impérialiste ". Il est logique que, si
l'épargne dégagée par les fonds de pension contribue au
financement de la croissance d'un pays, il y ait un retour à travers les
revenus du capital. "
Une telle démonstration se passe de commentaires. Elle est signée
par M. Jean-Claude Boulard, député socialiste de la
Sarthe.
c) L'épargne placée sur le marché des actions est le placement le plus rentable à long terme
Une
épargne placée sur le marché des actions pourrait soutenir
l'investissement ; ce dernier est la clef des emplois de demain.
Les différentes analyses économiques montrent que le placement en
actions est le plus rentable à long terme. Les actions surpassent
largement le marché obligataire et le marché immobilier.
M. Olivier Davanne fait ainsi l'hypothèse que, sur une longue
période, le rendement du capital est de l'ordre de 6 à
7 %
9(
*
)
, alors que le taux de croissance de
la masse salariale se situe à 2 %.
L'épargne retraite, loin de concurrencer les régimes de
répartition, apparaît ainsi leur alliée de moyen et long
terme, en étant à l'origine de la création d'emplois
futurs.
B. LES MÉCANISMES AUJOURD'HUI PROPOSÉS AUX FRANÇAIS SONT INSUFFISANTS
Les mécanismes en place sont aujourd'hui insuffisants pour faire face aux nouveaux enjeux de l'épargne retraite.
1. L'épargne retraite en France : l'absence de produits adaptés
Au cours
des vingt années qui vont du milieu des années soixante au milieu
des années quatre-vingt, l'amélioration considérable des
régimes de prévoyance et de retraite, le développement des
placements immobiliers et l'amélioration continue du niveau de vie ont
détourné les Français de l'épargne
financière.
La disposition d'un capital apparaît aujourd'hui de plus en plus
nécessaire : accident, maladie, chômage, établissement d'un
enfant, grosse réparation du logement, départ à la
retraite, dépendance...
En l'absence de produit spécifique d'épargne retraite, les
Français utilisent à l'heure actuelle deux systèmes : le
premier dans un cadre individuel -l'assurance vie- et le second
-l'épargne salariale- dans un cadre collectif.
Il convient de noter que les différents produits proposés ne
sont pas véritablement adaptés à la constitution d'une
épargne en vue de la retraite.
a) L'assurance vie
Le
succès de l'assurance vie a été l'une des tendances
majeures des dix dernières années : le chiffre d'affaires de
l'assurance vie et capitalisation a été multiplié par plus
de quatre, progressant à un rythme annuel de 17 %. La Cour des
comptes indique ainsi que
" l'assurance vie a représenté
jusqu'à 70 % des flux d'épargne financière des
ménages (1996). Parallèlement le stock de capitaux
gérés s'est accru de 228 milliards de francs à
près de 2.200 milliards de francs, montant qui représente
environ 17 % du patrimoine financier des ménages français (contre
3 % en 1974). En raison notamment des obligations légales, ces
sommes ont été surtout investies en obligations, qui forment
près de 70 % de l'actif financier de la branche, les trois quarts
des emprunts d'Etat étant financés par
l'assurance-vie. "
10(
*
)
.
Les compagnies d'assurances proposent actuellement plus d'un millier de
contrats d'" épargne-retraite ", qui sont en fait des contrats
d'assurance vie.
L'assurance vie se divise en trois branches :
-
l'assurance décès
: si le titulaire du contrat
meurt avant une date donnée
(assurance décès
temporaire)
ou à n'importe quel moment
(assurance vie
entière)
, ses proches recevront un capital. Si l'assuré est
encore en vie à la date fixée par le contrat assurance vie
temporaire, les primes versées restent acquises à l'assureur.
-
l'assurance à " capital différé " ou
" en cas de vie "
: si l'assuré est encore en vie à
une date fixée (qui peut être la date de la mise à la
retraite) il reçoit un capital ou une rente viagère. Certains
contrats prévoient qu'en cas de décès, les primes
versées seront remboursées aux proches de l'assuré.
-
l'assurance " mixte "
: elle allie les deux formes
citées précédemment. En cas de décès
à une date fixée, les proches de l'assuré reçoivent
un capital. Si l'assuré est encore en vie, il touche un capital ou une
rente viagère. Les contrats d'assurance mixte se révèlent
très peu avantageux. L'assuré paie pour avoir deux garanties :
l'une en cas de décès, l'autre en cas de vie.
Le développement de l'assurance vie a été favorisé
par les PEP-assurances (plans d'épargne populaire), lancés en
1990. A l'échéance (huit ou dix ans minimum), les souscripteurs
peuvent bénéficier d'une sortie sous forme de rente, qui à
l'inverse de celle perçue en sortie d'un contrat d'assurance vie
classique sera totalement défiscalisée (hors contributions
sociales de 10 %). Le PEP a connu un démarrage avantageux puisque
610 milliards de francs y avait été déposés en
1997.
L'assurance vie -dont le succès auprès de nos compatriotes reste
très important (un ménage sur deux dispose d'un contrat)- a fait
l'objet, ces dernières années, de modifications
législatives en cascade, afin de diminuer son attrait fiscal.
L'assurance française a connu en 1998 une année difficile,
enregistrant une baisse de 14 % de son chiffre d'affaires.
Seuls les gros contrats sont toutefois concernés par la taxation de
7,5 % introduite en 1998 sur les revenus à la sortie, dont
demeurent exemptés les contrats conclus dans le cadre d'un PEP et ceux
investis en unité de compte composée d'au moins 50 % d'actions
(" DSK "). Par rapport à d'autres formes d'épargne, les
avantages fiscaux, tant sur les plus-values que lors de la transmission,
demeurent donc intéressants.
Mais les contrats proposés ne permettent pas réellement d'assurer
une véritable " épargne retraite ". Par ailleurs, les
assurés ne bénéficient pas des abondements de leur
entreprise, comme ils peuvent le faire dans le cadre de l'épargne
salariale.
b) L'épargne salariale
L'épargne salariale représente en France plus de
200 milliards de francs. Le salarié pourra soit se constituer une
épargne (salaire différé qui lui sera utile quelques mois
ou quelques années plus tard), soit se constituer un capital,
c'est-à-dire un patrimoine financier qui lui sera utile pour
générer des produits financiers.
Différents mécanismes existent :
-
l'intéressement sélectif dans l'entreprise ou
" stock-options "
(plan d'options sur actions de la loi du 31
décembre 1970). Ce système bénéficie le plus
souvent aux seuls cadres dirigeants ;
-
les plans d'actionnariat de la loi du 27 décembre 1973
;
seules 55 entreprises y ont aujourd'hui recours.
Ces deux instruments ont pour vocation de développer l'actionnariat des
salariés.
Trois instruments d'épargne ont pour vocation d'aider le salarié
à se constituer un capital diversifié :
-
la participation des salariés aux résultats de
l'entreprise
(ordonnance du 17 août 1967 - ordonnance n° 86-1134
du 21 octobre 1986 - loi du 25 juillet 1994, devenus articles L. 442-1
à L. 442-7 du code du travail) : la participation est
obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés (20,6
milliards de francs en 1997) ;
-
l'intéressement des salariés à l'entreprise
(ordonnance du 21 octobre 1986), qui est un système
facultatif (13,9 milliards de francs en 1997) ;
-
les plans d'épargne entreprise (PEE)
(ordonnances du 17
août 1967, du 21 octobre 1986 et loi du 25 juillet 1994)
.
Ces
plans sont facultatifs à la différence de la participation. Le
plan d'épargne entreprise est un système d'épargne
collectif ouvrant aux salariés d'une entreprise la faculté de
participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille
de valeurs mobilières. Certains plans, à long terme, peuvent se
transformer en rente.
Les FCPE (fonds communs de placement en entreprise) constituent la forme
principale d'investissement des sommés placées sur les PEE. Ils
tendent à devenir la forme principale de gestion de l'épargne
salariale. En 1998, leur encours global était de 238 milliards de
francs
11(
*
)
.
La transformation de l'épargne salariale en épargne retraite, ou
plus encore la confusion entre épargne salariale et épargne
retraite, largement entretenue par le Gouvernement, n'est pas pour autant
satisfaisante : elle détourne la participation de son objet. De plus,
l'épargne n'est pas suffisamment " longue " pour
réellement prendre en compte la spécificité de la retraite.
En revanche, l'institution d'une véritable épargne retraite en
France pourrait s'inspirer des mécanismes mêmes de
l'épargne salariale (place de la négociation sociale, versements
du salarié, abondements de l'employeur, incitations fiscales et
sociales), afin que les salariés modestes puissent réellement
épargner pour leur retraite.
2. Les mécanismes de retraite supplémentaire mis en place dans certaines entreprises ne sont pas à la hauteur des enjeux
Il
existe aujourd'hui trois principaux mécanismes de retraite
supplémentaire dans le cadre de l'entreprise, chacun étant
désigné par le numéro de l'article du code
général des impôts fixant le régime fiscal
applicable à ses contrats.
C'est pour cette raison que l'on peut considérer que les fonds de
pension existent déjà en France.
Qu'est-ce qu'un fonds de pension ?
Un
" fonds de pension " est la traduction française
littérale de " pension fund ". Il s'agit bien d'un
" fonds de retraite ".
Il existe une infinité de définitions d'un fonds de pension. Pour
M. Patrick Turbot,
" un fonds de pension est un système
d'épargne accumulée au nom d'un individu pendant la vie active,
permettant de lui verser un revenu après sa retraite et jusqu'à
son décès ".
Les exemples étrangers montrent une
grande hétérogénéité.
Le terme " fonds de pension " est ainsi un terme
générique qui regroupe des systèmes obligatoires et
facultatifs, à cotisations définies ou à prestations
définies, à sortie en rentes ou en capital, financés par
le salarié, l'entreprise ou les deux, avec des avantages fiscaux
à l'entrée ou à la sortie, gérés à
l'extérieur ou au sein de l'entreprise, sous forme d'actions ou
d'obligations.
Un régime à prestations définies est un régime
où l'employeur s'engage à verser une pension en rapport avec le
salaire, non déterminée par la manière dont le
régime est financé,
Un régime à cotisations définies est un régime
où les prestations dépendent de l'épargne collectée
par le régime.
L'évolution des Etats-Unis montre un passage progressif du
système des prestations définies à celui de cotisations
définies.
Dans le cas d'une gestion interne, les réserves sont
provisionnées au bilan de l'entreprise et utilisées par celle-ci
comme des fonds propres.
Dans le cas d'une gestion externe, un fonds de pension gère les sommes
versées par les entreprises.
Le mécanisme dit " de l'article 39 " (ou
" retraite
chapeau ")
consiste en des prestations définies. L'entreprise
s'engage à verser au salarié, au moment de son départ
à la retraite et à la condition qu'il soit encore employé
par elle à cette date, une retraite supplémentaire
généralement calculée par référence au
dernier salaire. Seul l'employeur en supporte le financement, les versements
étant intégralement déductibles du bénéfice
imposable, sauf en cas de gestion interne.
Le mécanisme dit " de l'article 82 " s'apparente à une
assurance vie ordinaire : l'entreprise verse les primes d'un contrat
d'assurance vie qu'elle a souscrit au profit d'un salarié ou d'une
catégorie de salariés. Ces versements sont assujettis à
l'impôt sur le revenu.
Enfin, le mécanisme dit " de l'article 83 " est à
cotisations définies. L'adhésion des salariés d'une
même catégorie est obligatoire dans le cadre d'un accord
d'entreprise. Employeur et salariés participent au financement, leurs
versements étant exonérés d'impôt sur le revenu
dès lors qu'ajoutés aux cotisations d'assurance vieillesse
obligatoires, ils n'excèdent pas 19 % de huit fois le plafond
annuel de la sécurité sociale, soit un peu moins de
264.000 francs.
Les régimes à cotisations définies et les régimes à prestations définies en France : résumé des principales différences
|
Retraites à cotisations définies |
Retraites à prestations définies |
1. Nature de l'engagement de l'employeur |
Un niveau de versements |
Un niveau de prestations |
2. Droits des salariés |
Droits patrimoniaux sur un capital |
Droits à pension |
3. Gestion par l'assureur |
Comptes individuels |
Fonds collectif |
4. Financement du fonds |
Versements employeur et salariés |
Versements employeur seulement |
L'ensemble de ces mécanismes représenterait 120
milliards de francs. Ces sommes ne bénéficient que de
façon marginale à l'ensemble de l'économie, l'essentiel
étant placé dans des produits obligataires.
De plus, chacun de ces mécanismes présente des
inconvénients sérieux pour le salarié s'agissant de la
portabilité de ses droits dans une autre entreprise, alors même
que les évolutions économiques et sociales constatées au
cours des dernières décennies tendent à accroître la
mobilité, voulue ou simplement consentie, des salariés.
Enfin, ces mécanismes ne bénéficient qu'aux
salariés des entreprises les ayant mis en place, en
général de grandes entreprises.
Il est ainsi nécessaire de mettre en place en France de
véritables fonds de pension
, susceptibles de répondre aux
enjeux de l'épargne retraite, pour que les salariés de l'ensemble
des entreprises soient couverts et pour que l'économie française
dispose d'un meilleur financement dans le cadre d'une " mondialisation
partagée " et non d'une " mondialisation subie ".
La loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite,
dite " loi Thomas ", permettait cette mise en place.
C. LA LOI SUR LES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE DU 25 MARS 1997 TEND À FACILITER LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE RETRAITE
1. Un débat initié et mené à bien par le Parlement
Lorsque
l'histoire apportera le recul nécessaire pour apprécier à
leur juste valeur les efforts de revalorisation du Parlement menés en
France à la fin du XX
ème
siècle, nul doute que
la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite
" loi Thomas ", apparaîtra comme une étape essentielle.
Le Sénat a joué un rôle tout à fait éminent
tout au long du processus parlementaire. En effet, dès le 19
février 1993, M. Philippe Marini, alors membre de la commission des
Affaires sociales, déposait un premier texte de six articles
12(
*
)
. Si les propositions de loi déposés sur
le bureau de l'Assemblée nationale tant par M. Jean-Pierre Thomas
(n° 741) que par M. Jacques Barrot (n° 1039) sont à
l'origine de la loi du 25 mars 1997, les apports de la Haute assemblée,
lors des deux lectures du texte, ont été d'importance.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là,
la loi créant les plans d'épargne retraite a fait l'objet d'une
concertation et d'une préparation minutieuses. L'effort de
pédagogie accompli par un certain nombre de députés et de
sénateurs est à l'honneur du Parlement.
La loi n° 97-277 du 25 mars 1997
Cette
loi crée, pour l'ensemble des salariés de droit privé, un
système de retraite supplémentaire à cotisations
définies, par capitalisation, donnant droit à une rente
viagère lors de la cessation d'activité, avec une option de
sortie partielle en capital, limitée à 20 % du capital et
à hauteur de 75 % du plafond annuel de la sécurité
sociale (130.000 francs). Cette rente est imposable au titre des pensions.
Les versements des salariés sont facultatifs. Ils peuvent
éventuellement être complétés par l'employeur dans
la limite de quatre fois le versement salarial. Cet abondement patronal entre
dans l'enveloppe globale d'exonération de cotisations sociales au titre
de la prévoyance et de la retraite complémentaire, soit 85 %
du plafond de la sécurité sociale (147.600 francs par an).
En revanche, il est soumis au premier franc à la CSG et à la
CRDS. Les sommes versées sur ces plans d'épargne retraite sont
déductibles de l'impôt sur le revenu dans la limite de 5 % du
montant brut de la rémunération ou de 20 % du plafond de la
sécurité sociale (34.700 francs), avec une faculté de
report des déductions non utilisées au cours des trois
dernières années.
Les plans sont créés dans le cadre de l'entreprise ou de la
branche par la voie d'un accord collectif. Ils sont gérés par des
structures dédiées, les fonds d'épargne retraite, soumis
à un agrément administratif et relevant du code des assurances,
du code de la mutualité ou constitués sous la forme d'un
organisme de prévoyance. Un an après la promulgation de la loi ou
six mois après le début de la négociation collective, le
salarié qui ne se serait pas vu proposer de plan par son entreprise peut
adhérer individuellement au plan de son choix.
La protection et l'information de l'adhérent sont assurées tant
de manière individuelle (maintien des droits acquis, transfert des
droits attachés à un plan) que collective (informations
périodiques, comité de surveillance pour chaque plan,
contrôle conjoint par la commission de contrôle des assurances et
la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance).
Les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des
prestations définies. Dans le même esprit, la loi prévoit
une règle de concentration maximale des engagements
réglementés des fonds d'épargne retraite en titres de
créances (65 %). Des règles de dispersion des placements
s'appliquent également : les engagements ne peuvent être
représentés pour plus de 5 % par des parts ou actions d'un
même OPCVM ou par l'ensemble des valeurs émises et des prêts
obtenus par une même société. Les placements dans les
sociétés non cotées, les fonds communs de placement
à risques et les fonds communs de placement dans l'innovation
bénéficient toutefois d'une exception : les engagements
réglementés d'un fonds d'épargne retraite peuvent y
être représentés à concurrence de 10 % et dans
la limite de 0,5 % par émetteur.
2. Un texte majeur
La
" loi Thomas " constitue une avancée majeure, parce que les
débats parlementaires ont permis de trancher deux débats
essentiels relatifs à la création de " fonds de pension
à la française ".
Le premier débat tranché par la loi Thomas est d'avoir clairement
privilégié la sortie en rente par rapport à la sortie en
capital.
Dans la perspective de compléter la pension du régime de retraite
de base, il est essentiel, au moment de la retraite, qu'une rente soit servie,
et non un capital. Il existe déjà des produits d'épargne
classique à court et moyen terme pour permettre, par exemple, l'achat
d'un bien immobilier, ou le financement d'une année d'études d'un
enfant, etc.
Le deuxième débat tranché par la loi Thomas est relatif
à la gestion des sommes recueillies. La loi du 25 mars 1997 met en place
un système de gestion externe. En effet, une gestion
" interne " à l'entreprise n'apporterait pas une pleine
sécurité aux salariés et apparaît difficilement
compatible avec les nouvelles exigences de mobilité. Le
développement de l'actionnariat salarié est très
souhaitable, mais il s'inscrit dans une autre problématique que celle de
l'épargne retraite
13(
*
)
.
3. Une loi injustement critiquée
Les
critiques adressées à la loi Thomas ne relèvent pas
toujours du domaine du rationnel.
Cette loi est, en effet, accusée de quatre " défauts "
majeurs :
a) La loi Thomas " siphonnerait " les régimes de retraite par répartition
La loi
Thomas a ainsi été accusée de " siphonner les
régimes de retraite par répartition ", en raison de
l'exonération prévue de cotisations sociales.
Ce siphonnage relève probablement davantage du fantasme que de la
réalité. En effet, il convient de rappeler que le Sénat
avait adopté, à l'initiative du Président Jean-Pierre
Fourcade, un amendement prévoyant un plafonnement de cette
exonération, dans les limites du droit commun, à savoir 85 % du
plafond de la sécurité sociale.
b) La loi Thomas contournerait les partenaires sociaux
La loi
Thomas est accusée également de contourner les partenaires
sociaux. Elle est souvent présentée sous le vocable de
" système individuel ".
Or, ce n'est pas le cas : l'article 4 de la loi du 25 mars 1997 prévoit
la possibilité d'un accord collectif. L'adhésion individuelle
n'est possible qu'en cas d'échec de la négociation collective.
S'il convient de prévoir une place pour les partenaires sociaux dans le
dispositif de contrôle des fonds de retraite, et si le dialogue social
devrait normalement être la porte d'entrée centrale du dispositif,
il apparaît difficile de conditionner un système facultatif
à l'acceptation des partenaires sociaux.
c) La loi Thomas ne présenterait aucune garantie pour les salariés
La loi
Thomas prévoit un caractère tout à fait facultatif des
versements et des abondements. Ce système représentait
effectivement l'inconvénient de n'apporter sur le plan législatif
aucune garantie au salarié souhaitant verser régulièrement
de l'argent sur son plan de retraite, l'employeur étant libre d'abonder
ou non.
Il apparaît cependant évident que les employeurs se seraient
engagés, dans l'accord collectif ou par une disposition de la
décision unilatérale, à abonder les versements de leurs
salariés.
d) La loi Thomas privilégierait les salariés les plus aisés
Les
incitations fiscales mises en place pour les versements ont été
particulièrement critiquées.
Cette critique est souvent un prétexte à l'inaction en France.
Elle repose sur le constat que l'incitation fiscale (déduction
d'impôt) ne profite qu'à la moitié des ménages qui
paye l'impôt sur le revenu.
Par volonté de ne pas alourdir à l'excès le texte
législatif, un grand nombre de dispositions d'application relevait du
pouvoir réglementaire. La loi se trouvait ainsi inapplicable, en
l'absence de ces décrets. Au moment de l'entrée en fonctions du
nouveau Gouvernement, issu des élections de mai-juin 1997, ces
dispositions étaient pour la plupart déjà
rédigées.
Au-delà du texte même de la loi et de ses décrets
d'application, la pratique et le bon sens auraient apaisé les craintes
suscitées par la loi Thomas.
Le Gouvernement ne s'est toujours pas résolu à rendre possible la
constitution d'une épargne retraite, en adoptant une position de statu
quo : ni abrogation, ni application.
II. LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE RETRAITES : UN DOUBLE ATTENTISME AUX CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES
Le
Gouvernement, en empêchant l'application de la loi Thomas, a
retardé jusqu'à maintenant le développement de
l'épargne retraite en France. Pour s'en justifier, il oppose
idéologiquement répartition et capitalisation et explique que sa
priorité est de sauvegarder les régimes de retraite par
répartition.
Cette pétition de principe serait intellectuellement plus rigoureuse
s'il s'était réellement engagé dans une réforme des
régimes de retraite par répartition.
Or, le Gouvernement n'a mené aucune action concrète, depuis juin
1997, pour mettre en oeuvre une telle réforme.
A. SAUVEGARDER LES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION : UN DIAGNOSTIC SANS LENDEMAIN
1. La mission Charpin a montré l'échec du diagnostic partagé
Le
Gouvernement attendait un " grand débat ", un
" diagnostic partagé ". Il n'en a rien été.
Certains partenaires sociaux ont contesté les hypothèses
mêmes du rapport Charpin (taux de croissance, notamment).
Votre rapporteur vous renvoie à l'analyse de notre excellent
collègue M. Alain Vasselle dans son rapport d'information
14(
*
)
:
" Réforme des retraites : peut-on
encore attendre ? ".
L'échec du diagnostic partagé a amené le Gouvernement
à entamer une nouvelle série de rencontres avec les partenaires
sociaux, commencées fin juillet et achevées le 2 septembre 1999,
sans que l'on puisse clairement déterminer les avancées induites
par cette phase de " dialogue ".
2. Le Gouvernement parie sur la croissance pour reculer une nouvelle fois les échéances
M.
Lionel Jospin, Premier ministre, a précisé que le Gouvernement
était toujours en phase de dialogue :
" Nous avons décidé qu'à l'issue des
consultations, nous allions au début de l'année prochaine faire
nos propositions et que nous les mettrions en oeuvre avec les partenaires par
une méthode de concertation. Nous nous en tiendrons à cette
méthode. C'est la bonne pour faire passer les obstacles que les
précédents gouvernements n'avaient pas su
franchir "
15(
*
)
.
Devant les parlementaires socialistes réunis à La Rochelle, le
Premier ministre n'a pas -sur ce point- changé de discours :
" Notre calendrier est clair. La phase de diagnostic a eu lieu. Nous
sommes aujourd'hui dans la phase de concertation.
" Au début de l'année 2000, comme je l'ai annoncé, je
préciserai les orientations générales du Gouvernement. Nos
propositions sur la retraite s'inscrivent dans une vision plus large : celle de
la place et des problèmes des personnes âgées dans notre
société. Nous serons en particulier très attentifs
à leur insertion dans la vie sociale et à leur accompagnement
lorsqu'elles sont en situation de dépendance. "
Le sous-entendu de la politique gouvernementale est de considérer que la
croissance, qui devrait assurer le plein emploi dans une dizaine
d'années, permettra de résoudre une partie des besoins de
financement.
La seule initiative du Gouvernement a été de créer un
" fonds de réserve " pour le régime
général et les régimes alignés.
3. Le fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 demeure virtuel
Lors du
débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, le Sénat, à l'initiative de votre commission
des Affaires sociales, n'avait pas rejeté le principe d'un fonds de
réserve.
Il avait, en revanche, estimé qu'il était quelque peu
dérisoire de prétendre y affecter 2 milliards de francs,
issus d'excédents de la C3S. Ayant pris acte de la mesure
" symbolique "
que constituait la création d'un fonds
de réserve pour les retraites par répartition, votre commission
avait jugé inutile de
" faire semblant "
, comme le
faisait le projet de loi, et d'attribuer à ce fonds un embryon de
ressources, de peaufiner la composition d'un Comité de surveillance ou
de préciser les régimes bénéficiaires... alors
même que restaient parfaitement indéterminés à la
fois la nature des " vraies " ressources l'alimentant, et qui
devraient se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces
fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de
gestion qui devront être cohérentes tant avec l'origine des
ressources qu'avec l'objectif des emplois.
Votre commission considérait que la mise en place d'un tel fonds de
réserve relevait, à l'évidence, d'un texte d'ensemble,
cohérent et complet, incluant des mesures permettant de clarifier la
situation des régimes spéciaux et de définir un
véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.
Près d'une année après, ce fonds de réserve
reste parfaitement virtuel ; la seule trace de son existence est une ligne sur
les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Aucun
détail supplémentaire n'a été donné quant
aux modalités de gestion, alors que l'article 26 de la loi
n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et
à la sécurité financière a prévu le
reversement,
" avant le 31 décembre de chaque année,
de 2000 à 2003 inclus "
, d'environ 18 milliards de francs issus
des caisses d'épargne.
Cette inaction du Gouvernement est d'autant plus regrettable que le fonds de
réserve a suscité un certain nombre d'espoirs.
La piste de l'affectation des " excédents sociaux " a
été évoquée en des termes inquiétants.
C'était oublier un peu vite le principe de la séparation des
branches. Les seuls excédents qui peuvent être affectés
proviennent soit du FSV, soit de la CNAVTS. Le montant prévu pour 2000
reste très limité.
La piste de l'affectation des " excédents budgétaires "
a été mentionnée lors du débat surréaliste
de l'été 1999. C'était oublier un peu vite que le budget
de l'Etat connaît un déficit toujours très important, et
que des rentrées fiscales plus importantes que prévu n'ont jamais
constitué un " excédent budgétaire ".
Le Premier ministre a récemment annoncé que ce fonds serait
doté de 15 milliards de francs en 2000.
Au-delà, le fonds de réserve ne peut en aucun cas constituer la
seule réponse aux enjeux de financement. Comme l'a souligné
M. Jean-Michel Charpin devant la commission des Affaires sociales du
Sénat (audition du 5 mai 1999), il est déjà trop tard
pour envisager la création d'un fonds permanent (qui financerait, par
les produits financiers, les besoins futurs) ; seul un fonds de
" lissage " apparaît aujourd'hui réalisable.
B. FAVORISER L'ÉPARGNE RETRAITE : UN DISCOURS SANS PROJET
1. Le Gouvernement et la loi Thomas : ni abrogation, ni application
M.
Lionel Jospin avait indiqué, dans sa déclaration de politique
générale du 19 juin 1997, que
" les dispositions
récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent
porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en
cause "
.
La loi Thomas est donc restée inappliquée, faute de
décrets d'application. Le Gouvernement ne s'est pas résolu pour
autant à l'abroger. Comme l'a souligné, non sans un certain
cynisme institutionnel, M. Dominique Strauss-Kahn,
" l'abrogation
de cette loi serait même à la limite inutile car les
décrets d'application n'ont jamais été pris par ce
Gouvernement, en sorte qu'elle ne peut avoir d'application
concrète "
.
Votre rapporteur ne partage pas cette analyse : certes, la nouvelle
majorité n'est pas liée par le vote de la loi du 25 mars 1997 ;
elle a tout à fait le droit de l'abroger. Mais se contenter de ne pas
promulguer les décrets d'application n'est pas respectueux de la norme
législative.
De manière assez ironique, la conversion soudaine du Gouvernement -et de
sa majorité- à la capitalisation a été
annoncée à l'occasion de la discussion à
l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999 : un amendement
présenté par le groupe communiste tendait à abroger la loi
du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite.
Craignant -à juste titre- une annulation de cette disposition par le
Conseil constitutionnel
16(
*
)
, le Gouvernement
n'a pas pu soutenir cet amendement.
En " compensation ", le rapport annexé à la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 comporte ainsi cet
engagement péremptoire :
" La loi n° 97-277 du 25 mars 1997
créant les plans d'épargne retraite ne constitue pas une bonne
solution pour l'avenir de notre système de retraite. (...) En
conséquence, le Gouvernement proposera au Parlement en 1999, dès
qu'un support législatif le permettra, l'abrogation de cette
loi. "
Votre rapporteur rappelle que le rapport annexé n'a aucune portée
normative
17(
*
)
.
De nouveau, M. Bernard Kouchner, alors secrétaire d'Etat à
la santé, a " promis " devant la Haute assemblée, le
6 mai dernier, une telle abrogation :
" Quant à la loi
Thomas, qui privilégie l'apport personnel et la retraite par
capitalisation, qui suppose une démarche individuelle, le Gouvernement
s'est engagé à la supprimer. Nous le ferons, en fonction du
calendrier parlementaire, qui, vous le savez, est très chargé,
dans un avenir extrêmement proche. Cela déjà
été dit, et je le répète. "
Il n'en a rien été.
Cette volonté d'abroger la loi Thomas, sans passage à l'acte, ne
constitue pas pour autant une véritable conviction
idéologique.
2. La redécouverte des vertus de l'épargne retraite : une conversion sans conséquences concrètes
La
majorité " plurielle " semble divisée sur la question
de l'épargne retraite. Néanmoins, une conversion semble se
dessiner.
M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, est
intervenu dès février 1998 en faveur de fonds partenariaux de
retraite. Sa prise de position de septembre 1999 s'inscrit dans cette logique.
M. Jérôme Cahuzac, dans le cadre du groupe d'étude sur
la fiscalité du patrimoine, a remis en juillet 1998 une note à
MM. Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, respectivement président
et rapporteur général de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale. Cette note analyse les conditions
nécessaires au succès d'un produit d'épargne entreprise
à long terme (PEELT), plan de dix ans renouvelable
18(
*
)
.
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le 28 octobre 1998, Mme Martine Aubry a
déclaré que le Gouvernement n'était pas opposé
" à la constitution d'une épargne à long terme,
complétant, et non concurrençant, la retraite par
répartition, contrairement à ce que faisait le dispositif
prévu par la loi Thomas
19(
*
)
"
.
La ministre a précisé qu'elle travaillait en collaboration avec
le ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de la mission
confiée à MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac,
sur l'architecture de ce troisième étage qui constituait
" un complément de la retraite par
répartition "
.
Elle a ensuite décrit les trois caractéristiques du
système que le Gouvernement entendait mettre en place dès avant
la fin du premier semestre 1999 :
- " il sera conçu dans un cadre collectif et sera
accessible réellement à l'ensemble des salariés, notamment
grâce à des dispositifs de solidarité " ;
- " les avantages qu'il offrira devront profiter à l'ensemble
des salariés et ne pas fragiliser les comptes de la
sécurité sociale, aussi bien en ce qui concerne l'assurance
maladie que les retraites " ;
- " les partenaires sociaux devront être associés
à sa mise en oeuvre et à son contrôle " ;
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et
de l'industrie
20(
*
)
, a indiqué qu'il
était
" nécessaire de mettre en place un instrument
d'épargne à long terme "
.
" Non seulement cela
répondra aux besoins des épargnants, mais des masses de capitaux
considérables pourront ainsi se constituer et assurer à notre
pays la maîtrise de son appareil productif. ",
a-t-il
ajouté. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
a conclu son intervention en indiquant que le Gouvernement présenterait
très rapidement, en 1999, un texte spécifique ou, à
l'occasion d'un autre texte, un certain nombre d'articles,
" définissant les caractéristiques de ce produit
d'épargne collectif, destiné au plus grand nombre,
contrôlé par les salariés, engageant la solidarité,
ne mettant pas en cause le système de répartition tout en
répondant à un besoin d'épargne individuel et à un
besoin d'accumulation du capital sur le sol national "
.
Au cours d'un débat diffusé le 11 janvier dernier par la
chaîne de télévision LCI, le secrétaire d'Etat au
budget, M. Christian Sautter a assuré que le complément de
retraite sur lequel le Gouvernement réfléchit ferait l'objet de
"
décisions dans le budget de l'Etat pour 2000, discuté
à l'automne 1999 et dans le budget de la sécurité sociale
pour l'année 2000
".
Après avoir répété que le Gouvernement allait
abroger la loi Thomas -sans toutefois préciser de quelle façon il
entendait le faire- le Premier ministre a souligné pour sa part, dans
l'entretien accordé au journal Le Parisien le 29 avril 1999 :
" Toutes les options peuvent être discutées y compris une
forme d'épargne collective consacrée au financement des
retraites. Mais à deux conditions, d'abord que l'avenir des
régimes des retraites par répartition soit au préalable
garanti (...). Ensuite que syndicats et organisations professionnelles soient
associés à la direction de ces fonds d'épargne ".
L'engagement d'entamer la réforme des retraites en 1999 et l'engagement
de déposer un projet de loi sur l'épargne retraite n'ont pas
été tenus.
Votre commission des Affaires sociales vous propose l'adoption de
conclusions permettant au Gouvernement de tenir ce deuxième
engagement.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Les
propositions de votre commission des Affaires sociales ont pour objet de :
- donner à tous les Français la possibilité de se
constituer une épargne retraite, puisque les salariés sont
aujourd'hui " exclus " des mécanismes de capitalisation
existants ;
- mettre en place des règles souples et respectueuses des droits des
salariés et des employeurs.
A. DONNER À TOUS LES FRANÇAIS LA POSSIBILITÉ DE SE CONSTITUER UNE ÉPARGNE RETRAITE
1. L'évolution de l'opinion est significative
a) Des partenaires sociaux intéressés
L'attitude des confédérations syndicales
vis-à-vis des fonds de pension a quelque peu évolué depuis
les débats de la loi Thomas
21(
*
)
.
Seule Force Ouvrière montre une opposition déterminée et
résolue. La CGT fait preuve de beaucoup plus de pragmatisme, condamnant
de manière théorique les fonds de pension tout en
précisant qu'elle n'entend pas, pour autant,
" rester à
l'écart des débats sur cette question "
. On notera que
cette confédération syndicale a décidé
récemment de former ses cadres aux mécanismes des fonds de
pension.
La CFTC fait de la " définition du taux de remplacement "
acceptable dans notre société l'enjeu majeur de la discussion.
La CFE-CGC a organisé un colloque le 16 juin 1998 sur le
thème
" Fonds de retraite paritaires au service des entreprises
et de l'emploi "
en abordant notamment la problématique des
fonds " socialement responsables ".
Même si elle ne s'est pas prononcée officiellement sur la
question, la CFDT se déclare ouverte au dialogue, et se prépare
à organiser à son tour un colloque le 21 octobre
prochain.
b) Une opinion prête à la mise en place de fonds de pension
Même si la lecture des sondages reste un exercice
particulièrement difficile, l'analyse d'un sondage IPSOS d'octobre
1998
22(
*
)
montre une évolution et une
grande maturité des Français vis-à-vis de la mise en place
de fonds de pension.
13 % pensent qu'il s'agit d'une idée de gauche, 13 % d'une
idée de droite et 63 % considèrent qu'il ne s'agit d'une
idée ni de gauche, ni de droite.
55 % pensent que ces fonds de pension pourront coexister avec les
régimes actuels de la Sécurité sociale contre 32 %
qui pensent à l'inverse que ces fonds de pension entraîneront
tôt ou tard la disparition de ces régimes.
Une enquête de BVA pour la CFDT de février 1999 montre que les
Français, à la question
" quelles sont les solutions
visant à assurer le financement des retraites au cours des prochaines
années ? "
plébiscitent deux réponses :
"
fixer une même durée de cotisations pour tous "
(83 % d'opinions favorables) et
" le développement des
fonds de pension, c'est-à-dire d'une épargne personnelle
constituée avant l'âge de la retraite pour financer sa propre
retraite "
(67 % d'opinions favorables).
On remarquera que ces résultats positifs sont obtenus en dépit de
l'utilisation du vocable " fonds de pension ", qui aurait en France
une connotation négative à la suite, notamment, de l'affaire
Maxwell.
2. Ne rien faire serait prendre le parti de l'inégalité
a) Des fonds de pension existent déjà en France, sans mettre en péril les régimes de retraite par répartition
Les
exemples de fonds de pension " spécifiques " montrent qu'en
France répartition et capitalisation peuvent tout à fait se
compléter : les fonctionnaires (avec notamment la Préfon), les
exploitants agricoles (COREVA) et les élus locaux (Fonpel)
bénéficient déjà de mécanismes de
capitalisation.
La loi du 11 février 1994 dite loi Madelin a ouvert aux professions
indépendantes l'accès à un complément de retraite
par capitalisation par le biais de groupements constitués sous la forme
d'associations. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la
loi Madelin est loin d'être un échec. En effet, elle a connu un
réel décollage en 1998 : 221.000 contrats retraite sont en
cours.
Les seuls Français qui n'ont pas accès aux fonds de pension sont
aujourd'hui les affiliés au régime général, soit 14
millions de personnes. Or, ce sont ces personnes qui ont consenti, dans les
dernières années, les efforts les plus importants dans le domaine
des retraites (" loi Balladur " de 1993, accords AGIRC-ARRCO de
1996).
b) Les exemples étrangers montrent que l'on peut compléter un système fondé sur la répartition par des mécanismes d'épargne retraite
Les
exemples étrangers montrent qu'aucun pays industrialisé ne remet
en cause les avantages de la répartition. Contrairement à une
opinion souvent répandue, même les Etats-Unis assurent une
retraite de base, qui couvre plus de 95 % de la population. Le
système est fortement redistributif et financé par des
cotisations. Les régimes de retraite disposent de réserves
très importantes. Les fonds de pension américains -auxquels
participe la moitié des salariés- sont désormais
majoritairement à cotisations définies.
La Grande-Bretagne connaît également un " filet de
sécurité ", non contributif, une retraite de base
contributive, des régimes d'entreprises majoritairement à
prestations définies, ainsi que des plans individuels d'épargne
retraite. Un salarié sur deux bénéficie d'un régime
d'employeur. Les fonds sont gérés en dehors de l'entreprise par
des " trusts " (fiducies).
Les Pays-Bas connaissent un régime de base forfaitaire, ainsi que des
fonds de pension très importants, couvrant 83 % de la population.
L'Italie et l'Espagne ont mis en place des mécanismes de retraite par
capitalisation, qui donnent des premiers résultats encourageants.
Dans un contexte d'une économie de plus en plus ouverte, et à
l'heure où la Commission européenne se prépare
-après un livre vert sur les retraites complémentaires- à
prendre de nouvelles initiatives en la matière, la France serait ainsi
le seul pays n'ayant pas souhaité développer l'épargne
retraite.
Cette " exception française " risque, dans les toutes
prochaines années, d'être un handicap lourd.
La France n'est pas obligée d'importer un système d'un pays
étranger. Elle peut, en fonction de son génie propre et des
contraintes inhérentes à son économie, mettre en place des
" fonds de pension à la française ".
c) Ne pas laisser de côté un grand nombre de Français
Le refus
de l'épargne retraite est justifié par l'argument suivant : le
développement de l'épargne retraite serait contraire à
l'égalité, car il ne concernerait que les personnes
aisées.
L'argument est quelque peu spécieux ; les cadres les plus
privilégiés ont d'ores et déjà les moyens de se
constituer une retraite supplémentaire, car ils ont facilement la
possibilité de se constituer un capital, dans le cadre de
l'épargne individuelle.
Répondant à l'argument d'iniquité, deux économistes
écrivaient il y a déjà plus de quinze ans :
" Quoiqu'il en soit, l'inégalité qui résulterait
de procédures de capitalisation gérée dans
l'intérêt de l'épargnant est sans doute inférieure
à celle qui découle des capitalisations individuelles pour
lesquelles la classe, l'information, le montant de la fortune, etc., jouent un
rôle discriminant essentiel ".
On aura reconnu la prose de M. Denis Kessler et de M. Dominique
Strauss-Kahn
23(
*
)
.
Une enquête de l'INSEE permet de se rendre compte que
l'inégalité est aujourd'hui réelle.
L'accès à la capitalisation : 10 % des ménages souscrivent
Plus
nombreux qu'il y a quelques années, 10 % des ménages
déclarent posséder début 1998 une retraite
surcomplémentaire souscrite volontairement. La plus grande partie de ces
souscripteurs de retraite par capitalisation sont des ménages de 40
à 59 ans (près de 16 %).
Les catégories socioprofessionnelles les plus représentées
sont les non-salariés : les professions libérales
(près de 31 %) viennent en tête, suivies par les familles
d'agriculteurs (près d'un quart), puis par celles des artisans, des
commerçants et des industriels (près de 24 %). Chez les
salariés, les cadres sont les plus nombreux (près de 20 %),
suivis par les professions intermédiaires (15 %). Plus de 8 %
des ménages d'employés et d'ouvriers qualifiés ont
également souscrit une surcomplémentaire. Parmi les ouvriers non
qualifiés, seuls 5,5 % se trouvent dans ce cas.
Accès à la capitalisation selon le revenu
annuel du
ménage
(en pourcentage des ménages)
Source : enquête patrimoine de l'INSEE, mars
1999.
L'épargne retraite se développe, mais dans le désordre,
sans faire l'objet de règles communes. Le statu quo est ainsi
profondément inégalitaire.
L'enjeu pour le législateur est bien de fixer un cadre, des
règles communes, pour que l'épargne retraite fasse l'objet d'un
développement harmonieux.
A l'heure où il est beaucoup question de " régulation "
de l'économie par l'Etat, peut-être faut-il voir là l'un
des enjeux d'un Etat moderne, anticipant les grandes évolutions, par des
règles souples, simples et compréhensibles par tous.
L'avantage des fonds de pension par rapport aux systèmes individuels est
que le salarié peut bénéficier d'un abondement de la part
de son entreprise, ce qui lui rend moins " coûteuse "
l'accumulation d'une épargne en vue de la retraite.
3. Une attitude responsable est de perfectionner la loi Thomas
Prenant
acte de l'impossibilité manifeste pour le Gouvernement à la fois
d'appliquer la loi Thomas et de proposer un nouveau texte, trois propositions
ont été déposées chronologiquement, dont deux au
Sénat :
- la proposition de loi n° 1301 (Assemblée nationale,
XI
ème
législature), créant les plans de
prévoyance retraite, déposée le 22 décembre
1998 par M. Philippe Douste-Blazy ;
- la proposition de loi n° 187, visant à améliorer
la protection sociale des retraités et créant des fonds de
retraite, déposée le 3 février 1999 par votre
rapporteur ;
- la proposition de loi n° 218 visant à instituer des
plans d'épargne retraite, déposée le
11 février 1999 par M. Jean Arthuis et les membres du groupe
de l'Union centriste.
La proposition de loi de M. Philippe Douste-Blazy, rapportée avec
talent et conviction par M. Jacques Barrot
24(
*
)
, n'a hélas pas franchi le stade de la
discussion générale en séance publique à
l'Assemblée nationale, le 28 janvier 1999.
Votre commission se prononce ainsi sur les deux seules propositions
déposées au Sénat. Néanmoins, votre rapporteur
tient à souligner les travaux de MM. Douste-Blazy et Barrot sont
restés très présents à son esprit.
Les propositions de loi n os 187 et 218 (1998-1999)
La
proposition de loi n° 187 visant à améliorer la protection
sociale des salariés en créant des fonds de retraite,
déposée par votre rapporteur, est un texte de quatorze articles.
Le système est facultatif et universel. Le choix de la sortie en rente
est réaffirmé.
L'employeur est tenu d'abonder les versements des salariés, si un accord
collectif a été conclu ou s'il a décidé de
souscrire. La gestion est externe à l'entreprise.
Un mécanisme d'incitations fiscales vise à favoriser les
versements des salariés les plus âgés ; les versements
et les abondements sont exonérés de cotisations sociales, sauf
pour les cotisations vieillesse. Les salariés les moins aisés
bénéficient d'une exonération totale.
Le comité de surveillance définit les orientations de gestion du
plan.
La proposition de loi n° 218 visant à instituer des plans
d'épargne retraite, déposée par M. Jean Arthuis et
les membres du groupe de l'Union centriste, est un texte dense de huit articles.
Le salarié peut souscrire directement auprès d'un
établissement financier un plan d'épargne retraite. L'abondement
demeure facultatif, dans la limite de 30 % du plafond annuel de la
sécurité sociale.
Les groupements visés à l'article 41 de la loi
n° 94-126 du 11 février 1954 relative à
l'initiative et à l'entreprise individuelle peuvent également
souscrire, afin de les proposer à l'adhésion de leurs membres.
Les adhérents et les employeurs sont représentés au sein
du conseil d'administration des fonds d'épargne.
La loi Thomas est un excellent cadre de départ pour tout texte
législatif sur l'épargne retraite. Les travaux parlementaires
permettent de comprendre les différentes options retenues. La sortie en
rente, la gestion externe à l'entreprise et la définition de
règles prudentielles minimales semblent des choix difficiles à
remettre en cause.
Votre commission vous propose de réaffirmer ces choix.
L'organisation générale du système des " fonds de
pension à la française " définie par la loi Thomas
est opératoire : les salariés adhèrent à un
plan de retraite, souscrit par leur employeur auprès d'un fonds de
retraite. Le plan est alimenté par les versements et les abondements.
Le
schéma ci-dessus permet de mieux comprendre le mécanisme.
On considérera deux fonds de retraite, le fonds A et le fonds B
proposant chacun deux plans de retraite différents, le plan
" Equilibre " et le plan " Croissance " pour le fonds A, le
plan " Stabilité " et le plan " Dynamique " pour le
fonds B.
L'entreprise n° 2 a choisi de souscrire à deux plans
différents, gérés par deux fonds différents,
à la différence de l'entreprise n° 3 qui a choisi de
souscrire à deux plans proposés par le même fonds (le fonds
" B ").
En revanche, l'entreprise n° 1 a choisi de souscrire à un seul
plan, le plan " Equilibre " du fonds " A " et de
déterminer, à l'intérieur de ce plan, les
différentes options dont peuvent bénéficier ses
salariés : possibilités de réversion, gestion
dynamique ou prudente, etc.
Toute la gamme est ainsi ouverte.
Votre commission vous propose de préciser ces définitions
(art. 2 et 3 des conclusions).
Ce fonds de retraite peut soit assurer une gestion directe, soit
déléguer à un gestionnaire pour compte de tiers.
Le législateur a pour rôle de définir les règles
fiscales et sociales applicables aux versements et abondements, aux
règles de surveillance et d'information des adhérents du plan,
aux règles de constitution et de contrôle des fonds de retraite et
enfin aux règles prudentielles applicables aux placements
effectués par les fonds.
L'idée d'une épargne retraite obligatoire, proposée par
M. Philippe Douste-Blazy dans sa proposition de loi, mais à
laquelle il avait renoncé au moment de son inscription à l'ordre
du jour, est à écarter dès lors que l'objectif est de
tendre à la diminution des prélèvements obligatoires.
Le choix d'un système facultatif est ainsi le socle des conclusions de
la commission des Affaires sociales, suivant les propositions de loi de
M. Jean Arthuis et de votre rapporteur.
Il incombe au législateur de prévoir des incitations
conséquentes,
ainsi que des règles souples et respectueuses
des droits des salariés et des employeurs.
B. METTRE EN PLACE DES RÈGLES SOUPLES ET RESPECTUEUSES DES DROITS DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS
Votre
commission vous propose l'adoption d'un texte de vingt-six articles, auxquels
viendront s'ajouter les règles prudentielles, définies par votre
commission des finances qui s'est saisie pour avis des conclusions de votre
commission des Affaires sociales.
Ce texte s'articule autour de six objectifs :
1. Donner toute sa chance au dialogue social
Votre
commission souhaite que l'accord collectif soit "
la porte
d'entrée principale "
dans le dispositif, pour reprendre
l'expression de M. Jacques Barrot.
Si la négociation n'a pas abouti au bout d'un an (la période de
six mois étant trop courte), l'employeur gardera la possibilité
de souscrire de son propre chef un plan de retraite auquel les salariés
seront naturellement libres d'adhérer ou de ne pas adhérer.
Les règles ne seront alors pas complètement identiques. Votre
commission souhaite qu'il y ait le plus possible de " grain à
moudre " dans l'accord collectif : détermination des
abondements, composition du conseil de surveillance, modalités de choix
du fonds de retraite.
Si l'employeur souscrit de manière individuelle, les règles
législatives et réglementaires seront davantage
contraignantes ; par exemple, l'abondement sera à due concurrence
du versement des salariés (art. 7, paragraphe I).
Afin de favoriser le dialogue social, même dans les entreprises où
n'existent pas de représentants syndicaux, votre commission souhaite que
s'appliquent les règles de mandatement et de délégation
aux représentants du personnel (délégués du
personnel, comités d'entreprises) posées par la loi du
12 novembre 1996, qui entérine un accord conclu entre les
partenaires sociaux pour une durée de trois ans. Cet accord venait
à échéance et a été renouvelé pour
trois ans, en mai 1999, mais attend une consécration législative.
L'épargne retraite, mécanisme non obligatoire, peut être un
moyen de relancer le dialogue social.
2. Prévoir un système souple pour l'entreprise et le salarié
L'employeur, de même que le salarié, est libre de
souscrire ou non à des plans de retraite, soit dans le cadre de l'accord
collectif, soit de manière unilatérale à compter d'un an
après le début de la négociation (art. 5 des
conclusions). On notera que ce système de souscription
unilatérale est comparable à la mise en place de plans
d'épargne entreprise (PEE), qui ne sont pas soumis à la
conclusion d'un accord collectif.
L'employeur n'est donc pas tenu par un accord de branche.
Le salarié n'est pas obligé de verser tous les mois, ni
même chaque année.
A partir du moment où le salarié, après souscription par
l'entreprise et adhésion individuelle de sa part, effectue un versement,
l'abondement de l'entreprise est alors obligatoire, afin d'assurer une certaine
garantie au salarié (art. 7 des conclusions).
Le salarié se trouvant dans une entreprise où ne sont pas
proposés de plans de retraite peut adhérer à un plan
souscrit au niveau de la branche, d'un groupement d'employeurs ou d'une autre
entreprise. Cette disposition -qui vise notamment les salariés des PME-
permet d'assurer l'égalité de tous les salariés. En
revanche, il ne bénéficiera pas de l'abondement de son entreprise.
Le salarié doit voir garantir ses droits de transfert et de
portabilité d'un plan de retraite vers un autre, en cas de licenciement.
Il peut également, tous les dix ans, changer de plan de retraite.
A l'échéance de ses droits, l'adhérent
bénéficiera d'une rente viagère qui est en quelque sorte
" la porte de sortie principale ". Il pourra toutefois effectuer,
s'il le souhaite, une sortie en capital (art. 4 des conclusions de votre
commission des Affaires sociales) dans la limite de 30 % de la provision
mathématique représentative de ses droits.
Les possibilités de réversion sont de deux ordres :
- premièrement, s'il décède avant l'âge de la
retraite, ses proches peuvent récupérer tout ou partie du capital
investi ;
- deuxièmement, il pourra prévoir une réversion de
tout ou partie de sa rente d'origine après son décès.
Ces " options " doivent naturellement relever d'un libre choix
dès lors qu'elles diminuent d'autant la rente de base servie.
3. Rassurer définitivement les régimes de retraite par répartition
Afin
d'éviter un débat stérile entre répartition et
capitalisation, votre commission vous propose de soumettre l'abondement de
l'employeur aux cotisations d'assurance vieillesse (régime de base et
régimes complémentaires).
Comme l'écrit M. Jacques Barrot
25(
*
)
:
" Votre Rapporteur estime qu'il faut raisonner selon que l'on se trouve
dans l'une ou l'autre phase du plan de prévoyance retraite : à
l'entrée, l'exonération des versements de l'ensemble des
cotisations, hormis les cotisations vieillesse, se justifie par
l'assujettissement de la rente, à la sortie, à l'ensemble des
cotisations, hormis, bien évidemment, les cotisations vieillesse. Seule
cette symétrie permet d'assurer un niveau de ressources stable aux
régimes par répartition.
" Moyennant l'amendement proposé par votre Rapporteur, la retraite
supplémentaire, bien loin de menacer les assurances sociales, viendra
même renforcer les régimes obligatoires existants, l'assiette de
leurs cotisations étant ainsi élargie. "
L'abondement de l'employeur sera également soumis, dans les conditions
de droit commun, à la CSG et à la CRDS.
L'article 10 des conclusions de votre commission des Affaires sociales
précise que seul le versement sur salaire des adhérents dont le
salaire est inférieur à 1,5 SMIC sera exonéré
de toute cotisation sociale, ce mécanisme étant le seul moyen de
donner aux salaires les moins élevés un équivalent des
avantages fiscaux perçus par les salariés payant un impôt
sur le revenu.
Ce versement restera soumis à la CSG et à la CRDS.
4. Rattraper le temps perdu
Les
opposants aux fonds de pension -évoquant les années
nécessaires pour se constituer une provision mathématique
permettant une rente décente- se contentent souvent d'expliquer que leur
mise en place serait trop tardive pour permettre aux salariés de
bénéficier d'un complément de retraite par capitalisation.
Pour les salariés ayant aujourd'hui de plus de quarante-cinq ans, la
mise en place de plans de retraite risque effectivement d'intervenir trop
tardivement. C'est pour cette raison que votre commission vous propose
d'adopter deux dispositions permettant de " rattraper le temps
perdu " :
- premièrement, une incitation fiscale progressive en fonction de
l'âge ; l'incitation fiscale sera d'autant plus élevée que
le salarié se rapprochera de la retraite puisque le salarié
pourra déduire de l'assiette de l'impôt sur le revenu
jusqu'à 5 % de sa rémunération brute pour les moins
de quarante ans, 10 % pour les quarante-cinquante ans, 15 % pour les
plus de cinquante ans (art. 8) ;
- deuxièmement, une possibilité de " racheter "
des années au titre desquelles le salarié n'a pas cotisé,
grâce à des versements exceptionnels, " hors salaire ".
Cette possibilité de rachat, d'environ 26.000 francs par
année, ne donnera pas lieu à déduction fiscale
(art. 7, paragraphe V).
5. Assurer la transparence
Afin
d'assurer une transparence optimale, trois éléments doivent
particulièrement être pris en compte :
- votre commission souhaite que les fonds de retraite soient choisis par
l'entreprise, à l'issue d'une véritable concurrence
(art. 17) ; le choix d'un fonds de retraite doit pouvoir
être réexaminé (art. 18) ;
- votre commission souhaite que les fonds de retraite soient soumis
à un contrôle efficace. Plutôt que de mettre en place une
nouvelle commission, votre commission vous propose de reprendre -
grosso
modo
- le système institué par la loi du 25 mars 1997,
à savoir une commission comprenant la commission de contrôle des
assurances, la commission de contrôle des institutions de
prévoyance et deux membres de la commission des opérations de
bourse ; cette commission prendra le nom de " commission de
contrôle des fonds de retraite " (art. 16) ;
- votre commission souhaite que les plans de retraite soient l'objet d'un
suivi éclairé, grâce aux conseils de surveillance
(art. 24 et 25).
Un conseil de surveillance, composé principalement des responsables des
adhérents et des employeurs, mais également des
représentants des organisations syndicales et des retraités,
déterminera les orientations de gestion des plans de retraite, sera
destinataire d'un rapport de gestion annuel et émettra deux avis par an
sur la gestion du plan par le fonds.
6. Ne pas mélanger l'objet et les effets des fonds de retraite
La
détermination des règles prudentielles relève plus
particulièrement de la compétence de votre commission des
finances.
Votre rapporteur n'abordera pas cette question, qui sera traitée par
notre excellent collègue M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.
Certaines dispositions de la loi Thomas seront certainement, là aussi
reprises.
Néanmoins, votre rapporteur tient à rappeler, à la suite
de M. Philippe Marini dans son introduction au rapport en première
lecture de la loi créant les plans d'épargne retraite
26(
*
)
, qu'il convient de ne pas mélanger l'objet et
l'effet des fonds de retraite.
L'objet
des fonds de retraite est
social : leur institution doit permettre aux salariés de leur
assurer un complément de retraite par capitalisation.
L'effet
des
fonds de retraite sera de dynamiser la place financière de Paris, de
développer le marché en actions. Fixer une règle dans un
texte législatif sur la répartition actions/obligations n'est pas
souhaitable.
Le paradoxe des garanties : on ne doit pas exiger a priori une garantie qu'une gestion dans la durée permet d'obtenir a posteriori
Tout
investissement sur les marchés financiers comporte des risques. Aussi,
la tentation est-elle forte, pour ceux qui préconisent des
mécanismes d'épargne-retraite, de souhaiter que ceux-ci
s'accompagnent obligatoirement de l'octroi à leurs
bénéficiaires de garanties
ex-ante
. Il peut s'agir de
garanties du capital, de promesses de rendement minimum ou d'une indexation sur
l'inflation.
Les professionnels de la gestion financière appellent l'attention des
décideurs publics sur le caractère contre-productif que pourrait
revêtir une telle décision.
L'agent qui accepterait de porter ce risque pour le compte des futurs
retraités serait en effet conduit en contrepartie à demander une
rémunération qui viendrait grever le rendement des
investissements, toute assurance ayant son coût. Le problème est
le calcul de l'ampleur du coût d'opportunité. C'est que les
actions étant à court terme plus volatiles que les obligations,
les fonds d'épargne retraite seraient,
nolens volens
, conduits
à surpondérer ces dernières dans leurs placements. Les
épargnants se verraient, du coup, privés de la superformance
avérée en tous lieux et en tous temps (pourvu que celui-ci soit
suffisamment long) des actions sur les titres de taux.
Car là est bien le paradoxe : la meilleure certitude de rendement
et la meilleure sécurité
a posteriori
ne peuvent
résulter que d'un refus de toute garantie obligatoire
a priori
.
Ce qui importe en définitive c'est la qualité de la gestion
financière, qui peut bien entendu intégrer des techniques
d'immunisation contre les variations brutales des marchés.
Source : AFG-ASFFI, rapport 1998, p. 29
Votre
rapporteur avait souhaité préciser une telle disposition dans sa
proposition de loi (à l'article 14). Elle semble, en fait,
contraire au droit communautaire. Après mûre réflexion,
elle n'est même pas utile ; elle pourrait avoir des
conséquences à l'inverse de l'objectif recherché.
Le marché -et lui seul- décidera de l'effet des fonds de retraite
sur la place financière de Paris et du comportement de gestion de ces
fonds.
C'est pour cette raison que votre commission des Affaires sociales a
souhaité marquer
l'objet
de cette proposition de loi, en
choisissant pour titre
" proposition de loi visant à
améliorer la protection sociale par le développement de
l'épargne retraite ".
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Objet de la loi
Cet
article affirme les principes généraux de la loi.
L'article premier des textes législatifs est souvent le moyen de
présenter, de manière très générale, les
grands principes qui guident leur action. Dans le cas d'une proposition de loi
visant à encourager des mécanismes de retraite par
capitalisation, il est essentiel de définir leur place par rapport aux
régimes de retraite obligatoires par répartition et de mettre fin
à un débat stérile, opposant répartition et
capitalisation qui a empêché la mise en place en France d'une
véritable épargne retraite.
Les plans de retraite, auxquels peuvent librement adhérer les
salariés, puisqu'il n'est pas souhaitable de rendre obligatoires des
mécanismes relevant de l'initiative individuelle, interviennent
" en complément des régimes de retraite obligatoires par
répartition ".
Votre rapporteur entend marquer ainsi avec
détermination la différence entre les régimes obligatoires
et le mécanisme facultatif qu'entend instituer la présente
proposition de loi. Il n'est en aucun cas question de substituer
l'épargne retraite à la répartition. En revanche,
l'épargne retraite, en raison des difficultés qui affecteront
à l'avenir les régimes de retraite par répartition, est un
moyen intéressant d'améliorer la protection sociale des
salariés.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE PREMIER
-
LES PLANS DE
RETRAITE
Art. 2
Définition des plans de
retraite
Cet
article définit les plans de retraite.
Les plans de retraite sont des contrats définissant les droits et les
obligations des adhérents, souscrits par un ou plusieurs employeurs
auprès de fonds de retraite, dans les conditions définies
à l'article 5.
L'employeur pourra souscrire à un ou plusieurs plans de retraite,
gérés par un ou plusieurs fonds de retraite. Dans le même
temps, un plan de retraite pourra être souscrit par une ou plusieurs
entreprises.
(cf. exposé général).
La nature contractuelle des plans de retraite est ainsi clairement
établie. Ces contrats ne sont pas passés entre les
adhérents et les fonds, puisqu'ils sont souscrits par les employeurs.
Ils suivent la philosophie générale du régime de la
stipulation pour autrui, tout en s'inspirant de la théorie des contrats
collectifs.
Même s'il s'agit de contrats particuliers, il convient de prévoir
des possibilités de révocation, prévues par votre
commission à l'article 13.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art.
3
Bénéficiaires
Cet
article précise les bénéficiaires potentiels des plans de
retraite, en l'espèce les salariés relevant du régime
général et des régimes complémentaires obligatoires.
Le critère cumulatif tiré de l'appartenance au régime de
base et à un régime complémentaire peut certes
apparaître redondant ; en effet, s'il est vrai que certains
salariés peuvent relever du régime de base, sans être pour
autant affiliés à un régime complémentaire, tout
salarié relevant d'un régime complémentaire relève
forcément du régime de base.
Les personnes exclues du présent dispositif ont déjà la
possibilité de bénéficier d'un complément de
retraite par capitalisation.
Les
travailleurs indépendants
peuvent ainsi souscrire à
des contrats définis par la loi n° 94-126 du 11 février
1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle,
connue sous le nom de " loi Madelin ".
Les
fonctionnaires
ont à leur disposition le système de la
Préfon et du CREF.
Les
exploitants agricoles
peuvent bénéficier des contrats
COREVA.
L'article L. 921-21 du code de la sécurité sociale mentionne
explicitement le cas des salariés agricoles ; ils sont
bénéficiaires potentiels des plans de retraite.
La loi du 25 mars 1997 a inclus, sous certaines conditions, les Français
de l'étranger. Votre rapporteur laisse le soin aux membres de la Haute
assemblée élus par les Français établis hors de
France de déterminer s'il est opportun de les mentionner à
nouveau.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 4
Droits ouverts à
échéance
Cet
article définit les droits ouverts au moment de la retraite.
L'article 4 précise que le plan de retraite ouvre droit au paiement
d'une rente viagère à compter de la date de liquidation de la
retraite de base (premier alinéa). En effet, il n'est ni souhaitable, ni
nécessaire, de créer un nouvel instrument d'épargne
individuelle, qui permettrait une sortie complète en capital.
Cependant, il n'apparaît pas souhaitable de proscrire tout versement en
capital ; les salariés peuvent souhaiter percevoir, au moment du
départ en retraite, une partie de la provision mathématique
représentative de leurs droits. Pour bien marquer le fait que la rente
est privilégiée par rapport à la sortie en capital, le
pourcentage maximal proposé est de 30 % (deuxième alinéa).
Ce pourcentage peut apparaître élevé ou, au contraire, trop
faible. Pour votre rapporteur, un pourcentage plus faible risquerait
d'être dissuasive à l'égard de nos concitoyens, qui sont
peu habitués à la sortie en rente.
La loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite a
prévu une sortie en capital fixée à 20 %. Elle introduit,
en outre, un deuxième plafond, correspondant à 75 % du
plafond annuel de la sécurité sociale.
En revanche, elle autorise -par dérogation- un mécanisme de
sortie totale en capital, pour des rentes correspondant à un montant
trop faible. Votre rapporteur n'a pas souhaité reprendre ce
mécanisme. Pour des rentes d'un montant faible, le versement pourrait
être annuel. Dans ces conditions, l'argument du coût de gestion,
avancé lors des débats parlementaires, n'est pas
véritablement déterminant.
Votre commission des Finances s'était d'ailleurs prononcée contre
ce dispositif, lors de la première lecture de la loi du 25 mars 1997,
en expliquant qu'il assurait un pouvoir d'appréciation trop important au
ministre de l'Economie et des finances, chargé de fixer le plafond en
dessous duquel la sortie en capital devenait obligatoire.
La rente court depuis la date de liquidation de la retraite de base jusqu'au
décès de l'adhérent. Elle a pour objectif de
compléter la pension de retraite servie par les régimes de
retraite obligatoires.
Il convient de prévoir la possibilité pour l'adhérent de
faire bénéficier ses proches -en cas de décès avant
la date de la retraite- des sommes versées sur le plan de retraite
(troisième alinéa). Cette disposition représente une
grande sécurité pour les adhérents, qui pourront souscrire
en toute confiance, et laisser à leurs proches un capital. Les
adhérents préciseront le pourcentage qu'ils souhaitent laisser
à leurs proches, leur rente étant d'autant plus faible que ce
pourcentage sera élevé.
L'adhérent peut également s'assurer que ses proches
bénéficient, après sa mort, d'une rente de
réversion. Cette rente sera servie au pourcentage souhaité par
l'adhérent. De la même manière, plus ce pourcentage sera
élevé, plus la rente de base sera faible (
cf. exposé
général
).
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 5
Modalités de souscription et
d'adhésion
Cet
article détermine les modalités de souscription des plans de
retraite par les employeurs.
Votre rapporteur a souhaité que l'accord collectif soit " la porte
d'entrée principale " du dispositif.
Le
paragraphe I
précise que l'accord collectif pourra être
conclu au sein de l'entreprise, dans le cadre de groupements d'entreprises ou
à un échelon professionnel (accords de branche) ou
interprofessionnel.
La notion de " groupements d'entreprises " fait
référence à celle de " groupements
d'employeurs ". Il s'agit de toute réunion d'employeurs
dotée elle-même de la personne morale : un groupe de
sociétés au sens du droit des sociétés, une chambre
syndicale de telle ou telle branche professionnelle, une association, un
groupement d'intérêt économique, un groupement
professionnel, interprofessionnel, géographique ou sectoriel.
Les accords collectifs seront régis par les dispositions classiques du
droit du travail (titre III du livre premier du code du travail), à
l'exclusion des chapitres III et IV.
Le chapitre III du titre III du livre premier du code du travail relatif aux
possibilités d'élargissement et d'extension, n'a pas à
s'appliquer : s'agissant d'une démarche facultative, il n'est pas
possible de prévoir les possibilités d'élargissement et
d'extension. L'exclusion du chapitre IV découle du champ de la
population couverte par les plans de retraite à l'article 3 : les
salariés des établissements publics industriels et commerciaux ne
relèvent pas du régime général.
Un accord d'entreprise pourra déroger à tout accord de niveau
supérieur existant à la date de l'accord.
En l'absence de délégués syndicaux au sein de
l'entreprise, les règles posées par l'article 6 de la loi du 12
novembre 1996 s'appliquent. Il serait délicat de prévoir des
règles de mandatement spécifiques à l'épargne
retraite. Les règles posées par ledit article 6 ne font
qu'entériner un accord conclu entre les partenaires sociaux en octobre
1995, qui a donné pleine satisfaction et qui a été
reconduit en mai 1999. Il est d'ailleurs nécessaire de prévoir
une disposition législative pour lui donner pleine force juridique.
Le principe général de cet accord entre les partenaires sociaux
est le suivant : lorsqu'il n'y a pas de délégués
syndicaux, les délégués du personnel ou les membres du
comité d'entreprise sont habilités à mener les
négociations ; si cela s'avère impossible, des
salariés peuvent être expressément mandatés pour
négocier par les organisations syndicales représentatives.
L'accord collectif peut avoir pour champ l'entreprise, plusieurs entreprises
-dans le cadre de groupements d'employeurs- ou la branche professionnelle ou
interprofessionnelle. En effet, il est essentiel que les salariés des
PME puissent avoir accès aux plans de retraite.
Le
paragraphe II
rend possible la souscription unilatérale des
employeurs, en l'absence d'accord collectif. Mais cette faculté ne leur
est ouverte qu'à compter d'un an après le début de la
négociation. Ce délai est de six mois dans la loi du 25 mars
1997. Suivant la position adoptée par M. Jacques Barrot, rapporteur
de la proposition de loi de M. Philippe Douste-Blazy, votre commission des
Affaires sociales estime qu'un délai de six mois est insuffisant. Un
délai d'un an devrait permettre au dialogue social de se nouer et de se
dérouler dans les meilleures conditions.
Il reste à définir ce qu'on entend par
" début de
la négociation"
. Ce délai pourra être calculé
à partir du jour où l'employeur ou l'une des organisations
syndicales représentatives des salariés manifestera de
manière écrite sa volonté de négocier, en
précisant dans cette lettre des premières propositions.
Le
paragraphe III
affirme l'obligation, pour les employeurs, de proposer
les plans de retraite à l'ensemble des salariés. L'accord
collectif -comme en matière d'épargne salariale- pourra certes
déterminer des conditions minimales d'ancienneté dans
l'entreprise.
Les conditions d'adhésion seront définies de façon
objective, tenant notamment compte de l'âge et des revenus des
salariés. L'expression isolée de " catégories
homogènes de salariés ", pourrait laisser croire -en
doctrine fiscale- qu'il s'agit uniquement d'une catégorisation sociale
(cadres, employés, ouvriers...). Or, si les salariés ne peuvent
être considérés comme une " catégorie "
identique, en raison des différences de rémunération,
l'âge joue également un rôle très important.
L'adhésion à un plan de retraite ne se conçoit pas dans
les mêmes termes selon que l'on ait trente, quarante ou cinquante ans.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 6
Adhésion individuelle
Cet
article donne la possibilité à un salarié, à
défaut d'accord collectif et si l'employeur n'a pas souscrit à un
plan de retraite un an après le début de la négociation
collective, d'adhérer à un plan de retraite existant.
De même que l'employeur a la faculté de souscrire à un plan
de retraite, il importe de laisser aux salariés la possibilité
d'adhérer, même en l'absence de décision de l'employeur.
L'adhésion ne se fera pas de manière individuelle auprès
d'un fonds de retraite, car il est nécessaire que les salariés
soient placés dans la même situation et puissent
bénéficier des règles protectrices définies
notamment au titre III. Ce plan peut exister soit dans le cadre de la branche
professionnelle du salarié, soit dans le cadre d'un groupement
d'employeurs, soit enfin dans le cadre d'une autre entreprise.
Si le salarié a adhéré à un plan de retraite avant
que l'employeur ne décide finalement de souscrire, il est
nécessaire de prévoir qu'il pourra demander le transfert
intégral et sans pénalité de ses droits sur le plan de
retraite souscrit par l'employeur.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 7
Versements et abondements
Cet
article détermine les conditions dans lesquelles les plans de retraite
sont alimentés par les versements du salarié et les abondements
de l'employeur.
Le
paragraphe I
précise que les versements du salarié sont
facultatifs. Le salarié pourra ainsi les suspendre ou les reprendre sans
pénalité. Seuls ses versements déclenchent l'abondement de
l'employeur, précisé au
paragraphe II
. L'abondement pourra
être inférieur ou supérieur au versement, soit pour tous
les salariés, soit pour certaines " catégories " de
salariés -l'accord collectif le déterminera- dans la limite
annuelle de 30 % du plafond de la sécurité sociale (soit
environ 52.000 francs). On peut ainsi imaginer que l'abondement soit
déterminé dans des conditions plus avantageuses pour les
salariés aux revenus les moins élevés.
Les versements du salarié seront prélevés sur son salaire.
L'accord collectif ou la décision de l'employeur pourra préciser
un plafond de versements, calculé par rapport au salaire, comme en
matière d'épargne salariale.
Le
paragraphe III
précise les règles relatives à
l'abondement, en l'absence d'accord collectif, dans le cas où
l'employeur a souscrit à un plan de retraite. Afin d'éviter que
l'employeur ait toute latitude pour abonder les versements des salariés
en fonction de leur catégorie, il est précisé que cet
abondement sera à due concurrence, toujours dans la limite annuelle de
52.000 francs, mais également dans la limite de 4 % de la
rémunération brute. La première limite atteinte
empêchera l'employeur d'abonder davantage.
Le
paragraphe IV
dispose que le versement du salarié ayant
adhéré à un plan de retraite de manière
individuelle, sans que son employeur ait souscrit, ne donne pas lieu à
abondement.
Enfin, le
paragraphe V
prévoit une possibilité de
rattrapage, par des versements au titre des années durant lesquelles les
salariés n'ont pas pu cotiser à un plan de retraite. Ces
versements, hors salaire et limités par an à 15 % du plafond
de la sécurité sociale, ne donnent pas lieu à abondement.
Un salarié peut verser, par exemple, 20.000 francs sur son plan de
retraite, abondé à hauteur de 20.000 francs par l'employeur, et
effectuer un versement de 20.000 francs au titre d'une année
où il ne disposait pas d'épargne retraite. La
détermination des années durant lesquelles les salariés
n'ont pas pu cotiser à un plan de retraite s'apprécie à
compter de la date du premier contrat de travail signé par le
salarié jusqu'à la date -éventuellement- où un plan
de retraite a été proposé dans son entreprise.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 8
Déductibilité fiscale des
versements et des abondements
à l'impôt sur le revenu
Cet
article détermine la déduction de l'assiette de l'impôt sur
le revenu des versements et des abondements aux plans de retraite, dans une
limite du montant brut de la rémunération.
La déduction des abondements revient en fait à ajouter puis
à déduire de l'assiette des rémunérations les
contributions des employeurs et donc à neutraliser leur effet fiscal.
Cette enveloppe est spécifique et annuelle. Votre rapporteur,
recherchant la simplicité en matière de règles fiscales et
sociales, n'a pas souhaité reprendre un mécanisme qu'il avait
proposé dans sa proposition de loi, autorisant un calcul de cette
enveloppe sur une durée de trois ans.
Le
paragraphe I
insère un article 1
er
quater à
l'article 83 du code général des impôts, prévoyant
que cette incitation fiscale -une déduction des versements et des
abondements de l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la limite d'un
pourcentage de la rémunération brute annuelle- variera selon
l'âge du salarié. Plus le salarié est âgé,
plus il bénéficie de l'incitation fiscale.
Pour prendre un exemple, une même rémunération de
150.000 francs annuels, si le montant des versements et des abondements
est de 25.000 francs, donnera droit à une déduction fiscale
de 7.500 francs pour un salarié de 35 ans, 15.000 francs pour
un salarié de 45 ans et de 22.500 francs pour un salarié de
55 ans.
Cette incitation peut apparaître contradictoire avec l'objectif de
cotiser le plus tôt possible, qui est le système le plus
intéressant en matière de capitalisation. Néanmoins, il
convient de considérer que l'on se situe dans une période de
" démarrage " et qu'il est nécessaire de prévoir
des dispositions spécifiques pour les salariés âgés
de plus de cinquante ans. En l'absence de ces dispositions, la mise en place de
fonds de retraite aurait aujourd'hui peu d'intérêt.
Les versements de rattrapage, en revanche, ne donnent pas lieu à cette
déduction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 9
Déductibilité des
abondements
à l'impôt sur les sociétés
Cet
article détermine la déductibilité des abondements
à l'impôt sur les sociétés.
L'employeur doit être fortement incité à abonder. En
conséquence, il importe de prévoir que les abondements sont
déductibles de l'assiette de l'impôt sur les
sociétés.
Le
paragraphe I
insère un article 217 septies A au code
général des impôts précisant cette disposition.
Le
paragraphe II
prévoit le gage de cet article, portant sur les
droits sur les tabacs.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 10
Limitation à
l'exonération
de cotisations sociales
Cet
article précise le régime d'exonération de cotisations
sociales des versements et des abondements.
Votre rapporteur a fait le choix d'une enveloppe spécifique, n'entrant
pas dans le " régime général " décrit par
l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, et qui
prévoit que les versements effectués par un employeur à un
régime de retraite supplémentaire sont déductibles de
l'assiette des cotisations sociales, dans la limite d'un plafond fixé
par l'article D. 242-1 du même code, égal à 85 %
du plafond annuel de la sécurité sociale, ce qui
représente environ, pour 1999, 148.000 francs.
Votre rapporteur a souhaité, en effet, éviter que l'on puisse
prétendre que la déductibilité de l'assiette des
cotisations sociales allait entraîner " un siphonnage " des
régimes de retraite obligatoires.
Le
paragraphe I
prévoit un régime limité
d'exonération de cotisations sociales pour les versements.
De manière générale, un " versement ", à
la différence d'un revenu, n'a aucune raison d'être assujetti aux
cotisations sociales. Ce versement est issu, le plus souvent, de sommes qui, au
demeurant, ont déjà subi des prélèvements sociaux.
Mais votre rapporteur a souhaité que les versements des salariés
aux plans de retraite soient prélevés sur le salaire brut,
assujetti par définition aux cotisations sociales. Pour donner un
" avantage " à ces versements prélevés sur
salaire, votre rapporteur a souhaité qu'ils soient
exonérés en amont de cotisations sociales, à l'exclusion
des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse et au titre des
régimes de retraite complémentaire obligatoire. Cette
exonération porte ainsi sur la seule cotisation d'assurance maladie
(0,75 %).
Afin de donner aux " bas salaires " un avantage significatif, qui ne
peut leur être donnée dans le cadre fiscal, l'exonération
est totale pour les salariés dont le salaire est inférieur
à 1,5 fois le SMIC brut.
En revanche, dans ces deux cas, les versements ne seront pas
exonérés de la CSG et de la CRDS.
Les versements de " rattrapage ", prévus au paragraphe V de
l'article 7 retombent dans le droit commun de non-assujettissement aux
cotisations sociales.
Le
paragraphe II
précise que l'abondement de l'employeur est
exclu de l'assiette de cotisations sociales, en dehors des cotisations
vieillesse.
Elément de rémunération, l'abondement sera soumis, dans
les conditions de droit commun, à la CSG et à la CRDS.
Le
paragraphe III
précise que
" par dérogation aux
dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité
sociale ",
les exonérations prévues aux deux premiers
paragraphes ne sont pas compensés par le budget de l'Etat.
Votre rapporteur souhaite que l'on ne se méprenne pas sur cette
disposition qui est de pure procédure ; en effet, la loi du 25
juillet 1994 a posé le principe de la compensation de toute mesure
d'exonération de cotisations sociales, afin de ne pas faire de la
sécurité sociale la " victime " financière des
mesures décidées par l'Etat. Dans l'esprit de votre rapporteur,
les exonérations de cotisations sociales prévues aux deux
premiers paragraphes sont naturellement compensées par le budget de
l'Etat. Votre commission s'est élevée contre la non-compensation
des mesures d'exonération antérieures à la loi du 25
juillet 1994 et sur les extensions de dispositifs antérieurs à la
loi de 1994 ; elle s'est insurgée contre toute dérogation
tant lors de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999, lorsqu'a été décidée l'exonération
totale des charges sociales pour les associations d'aide à domicile, ou
lorsqu'a été évoquée, lors de la discussion de la
loi d'orientation sur la réduction du temps de travail, la
" participation " des régimes sociaux au financement des
trente-cinq heures.
Votre rapporteur est obligé de préciser que la mesure n'est pas
compensée par le budget de l'Etat, pour des raisons de
recevabilité financière. S'agissant d'un accroissement des
dépenses de l'Etat, l'article 40 de la Constitution s'appliquerait
alors en tout état de cause.
En revanche, comme il s'agit d'une perte de recettes pour la
sécurité sociale, votre commission peut formellement la gager par
une majoration des droits sur les tabacs.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 11
Imposition des sommes versées
par
les fonds
dans la catégorie des rentes viagères
Cet
article précise le régime fiscal des rentes et des sorties
partielles en capital.
L'exonération fiscale ayant lieu à l'entrée, les rentes
-de même que les sorties en capital partielles (soit la sortie en capital
lors du décès de l'adhérent avant la retraite, soit la
sortie partielle en capital dans la limite de 30 % de la provision
mathématique représentative des droits) sont soumises à
l'impôt sur le revenu selon les règles de droit commun des
pensions, déterminé par le 5 a de l'article 158 du code
général des impôts.
Elles bénéficient ainsi d'un abattement spécifique de 10 %
qui ne peut excéder 20 000 francs, puis de l'abattement
général de 20 %.
Afin d'éviter que les versements en capital ne fassent très
facilement basculer les bénéficiaires d'une tranche d'imposition
à une tranche supérieure, un mécanisme de quotient
atténue la progressivité de l'impôt sur le revenu de
l'année d'imposition. Ce mécanisme consiste à calculer
l'impôt dû par le salarié ou le bénéficiaire
au titre de l'année de perception du capital en n'ajoutant que le quart
de ce capital à tous les revenus et en multipliant par quatre la
cotisation supplémentaire ainsi obtenue.
Le passage à une tranche supérieure d'imposition se trouvera de
ce fait limité.
Le paragraphe II
prévoit le gage de cet article, portant sur
les droits sur les tabacs.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 12
Règles de transfert et de
maintien
des droits acquis des adhérents
Cet
article permet d'assurer la " portabilité " des droits des
salariés.
Dans le cadre d'une économie de plus en plus ouverte, les
salariés connaissent une plus grande mobilité dans leur vie
professionnelle. Il convient d'assurer leurs droits en cas de rupture du
contrat de travail. L'article 12 leur offre trois possibilités :
- soit ils pourront assurer le transfert de leurs droits d'un plan vers un
autre plan, si leur nouvelle entreprise en prévoit ;
- soit ils pourront maintenir leurs droits acquis dans le cadre de ce
plan ;
- soit ils pourront continuer à effectuer des versements, qui ne
donneront pas lieu à abondement.
Ainsi, un salarié se retrouvant pour une durée limitée de
chômage pourra continuer à effectuer des versements.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 13
Changement de plan de retraite
Cet
article permet aux salariés de changer de plan de retraite tous les dix
ans.
Il convient de prévoir que les salariés ne soient pas
définitivement liés à un plan de retraite. Ils pourront
demander -tous les dix ans- le transfert intégral de leurs droits d'un
plan sur un autre.
Si le salarié adhère à un plan qui n'a pas
été souscrit par son employeur, il ne bénéficiera
pas de l'abondement, conformément au paragraphe IV de l'article 7.
Outre le fait qu'elle incitera les dirigeants du fonds de retraite à
transmettre une bonne information, cette disposition vise notamment deux
situations bien précises :
- la première est celle du salarié ayant
adhéré à titre individuel, afin qu'il ait la
possibilité de revenir sur sa décision ;
- la seconde est celle du salarié d'une entreprise où sont
souscrits plusieurs plans de retraite, afin qu'il puisse changer de plan de
retraite.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE II
-
LES FONDS DE RETRAITE
Art. 14
Définition des fonds de
retraite
Cet
article prévoit les conditions dans lesquelles les fonds de retraite
seront constitués.
Les fonds de retraite sont des personnes morales, ayant pour objet exclusif, la
couverture des engagements pris dans le cadre des plans de retraite.
On notera que MM. Philippe Marini, Jacques Bimbenet, Maurice Blin, Jean
Chérioux, Jean Clouet, André Fosset et Bernard Seillier, dans
leur proposition de loi tendant à permettre la création de fonds
de pension
27(
*
)
, imaginaient un système
différent d'organismes habilités, soit de manière
générale (entreprises d'assurance, mutuelles, institutions de
retraite et de prévoyance), soit par habilitation (établissements
de crédit).
L'article 14 précise que ces fonds seront impérativement
constitués sous l'une des quatre formes suivantes :
- société anonyme d'assurance ;
- société d'assurance mutuelle ;
- institution de prévoyance ;
- organisme mutualiste.
De cette manière, les fonds ne sont pas des " objets juridiques non
identifiés ".
Lorsque le fonds de retraite est constitué sous la forme d'une
institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du
code de la sécurité sociale, le chapitre II du titre III du livre
IX de ce code est applicable aux plans de retraite souscrits auprès de
ce fonds.
Ces dispositions concernent notamment les opérations
" collectives à adhésion facultative et les
opérations individuelles ".
Lorsque le fonds est constitué sous une autre forme juridique, les
titres premier, III et IV du livre premier et le titre IV du livre V du code
des assurances sont applicables aux plans de retraite. Toutefois, lorsque le
fonds de retraite est constitué sous la forme d'un organisme mutualiste
régi par le code de la mutualité, les dispositions de ce code
relatives aux obligations réciproques des organismes et des
adhérents (art. L. 121-2, L. 122-2, L. 122-3 et
L. 321-2) sont applicables lorsqu'elles sont compatibles avec les
dispositions précitées du code des assurances.
Le titre premier du livre premier du code des assurances est relatif aux
" règles communes aux assureurs de dommages non maritimes et aux
assurances de personnes ".
Pour l'essentiel, il s'agit des
règles relatives au droit du contrat, aux dispositions
impératives qui s'y rattachent et aux obligations de l'assureur et de
l'assuré.
Le titre III du livre premier du code des assurances a trait aux règles
relatives aux assurances de personnes et aux opérations de
capitalisation et le titre IV de ce même livre est relatif aux assurances
de groupe.
A la suite des deux propositions de loi soumises à son examen, votre
commission ne vous propose pas de préciser davantage les règles
applicables aux fonds de retraite. Le principe général est que
les règles posées dans les différents codes s'appliquent
aux fonds, sauf dispositions contraires expressément prévues.
Les fonds auront à leur bilan une gestion des passifs (engagements
à l'égard des adhérents) et une gestion des actifs (titres
de portefeuille, valeurs mobilières de placement, instruments
placés dans le public).
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 15
Agrément des fonds de
retraite
Cet
article décrit les conditions générales d'agrément
des fonds de retraite.
Les fonds de retraite sont soumis à l'agrément du ministre
chargé de l'économie, sous forme d'un arrêté.
Le principe d'un arrêté conjoint (ministre de l'économie,
ministre chargé de la sécurité sociale), lorsque le fonds
de retraite est constitué sous la forme d'institutions de
prévoyance relevant du code de la sécurité sociale, est
apparu à votre rapporteur trop complexe du point de vue administratif.
L'arrêté est pris après avis de la commission de
contrôle des fonds de retraite instituée à l'article 16.
Pour accorder ou refuser son agrément, le ministre prend en compte les
moyens techniques et financiers dont la mise en oeuvre est proposée et
leur adéquation au programme d'activités de l'entreprise ou de
l'institution, l'honorabilité et la qualification des personnes
chargées de la conduire, la répartition de son capital et la
qualité des actionnaires ou, pour les sociétés d'assurance
mutuelle, les organismes mutualistes et les institutions de prévoyance,
les modalités de constitution de son fonds d'établissement.
Les modalités plus techniques seront définies par un
décret d'application.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 16
Commission de contrôle des
fonds de
retraite
Cet
article détermine les conditions d'exercice du contrôle de l'Etat
en instituant une commission de contrôle des fonds de retraite.
Au lieu de prévoir la création pure et simple d'une nouvelle
commission, il apparaît préférable d'utiliser des
compétences déjà existantes. Le
paragraphe I
prévoit la constitution d'une commission ad hoc, composée par la
réunion de la commission de contrôle des assurances (cinq membres)
et de la commission de contrôle des institutions de prévoyance
(cinq membres), ainsi que de deux membres de la commission des
opérations de bourse. Cette commission prendra le nom de
" commission de contrôle des fonds de retraite ".
Le contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'appuie sur des
dispositions déjà existantes du code des assurances. Il
s'effectue dans les conditions suivantes :
• Le ministre chargé de l'économie et des finances
peut exiger la communication des documents à caractère
contractuel ou publicitaire.
S'il apparaît qu'un document est contraire aux dispositions
législatives ou réglementaires, il peut en exiger la modification
ou en décider le retrait après avis de la commission consultative
de l'assurance, ou d'office en cas d'urgence (art. L. 310-8 du code des
assurances).
• Le financement du contrôle est assuré au moyen de
contributions, proportionnelles au montant des primes ou cotisations,
définies annuellement par l'autorité administrative (art. L.
310-9 du code des assurances).
• L'article L. 310-12-1 du code des assurances a trait
à la commission de contrôle des assurances. Son deuxième
alinéa prévoit que celle-ci comprend un membre du Conseil d'Etat
ayant au moins le rang de conseiller d'Etat ; son cinquième
alinéa prévoit que deux membres sont choisis en raison de leur
expérience et matière d'assurance et de questions
financières ; son dixième alinéa prévoit que
les membres de la commission ne peuvent pendant la durée de leur mandat
et dans les cinq ans qui suivent l'expiration de celui-ci recevoir de
rétribution d'une entreprise d'assurance.
• L'article L. 310-13 prévoit les modalités du
contrôle ;
• L'article L. 310-14 prévoit le droit d'investigation
de la commission ;
• L'article L. 310-15 prévoit les cas d'extension du
contrôle aux filiales d'une société d'assurance ;
• L'article L. 310-16 prévoit le contrôle sur
place ;
• L'article L. 210-17 donne à la commission un droit de
mise en garde et d'injonction ;
• L'article L. 310-18 prévoit la liste des sanctions
disciplinaires et pécuniaires. Ces sanctions sont :
- l'avertissement ;
- le blâme ;
- l'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres
limitations dans l'exercice de l'activité ;
- la suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants de
l'entreprise ;
- le retrait total ou partiel d'agrément ;
- le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats ;
- des sanctions pécuniaires.
Dans tous ces cas, la commission statue après une procédure
contradictoire.
• L'article L. 310-18-1 concerne le cas particulier des
sociétés de réassurance et de participations d'assurance.
• L'article L. 310-19 prévoit de délier les
commissaires aux comptes de leur obligation de secret professionnel à
l'encontre de la commission.
• L'article L. 310-20 autorise les informations
réciproques des organismes de contrôle financier.
• L'article L. 310-21 soumet les membres de la commission au
secret professionnel.
• L'article L. 310-22 autorise la commission de
contrôle, lorsqu'elle relève des faits de nature à
justifier des poursuites pénales, à transmettre le dossier au
procureur de la République.
• L'article L. 310-23 autorise la commission, lorsqu'elle
relève des pratiques anticoncurrentielles, à saisir le Conseil de
la concurrence.
• L'article L. 310-25 prévoit que seule la commission
de contrôle peut demander l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire à l'encontre d'une entreprise d'assurance.
• L'article L. 310-26 est inapplicable, puisqu'il vise le cas
d'infractions à l'article L. 310-10, qui n'est pas applicable aux fonds
de retraite.
• L'article L. 310-27 sanctionne l'exercice illégal de
l'assurance.
• L'article L. 310-28 prévoit les cas d'entraves au
contrôle,
• Les précédentes dispositions sont applicables aux
territoires d'outre mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte
(art. L. 310-11 du code des assurances).
Le
paragraphe II
prévoit que des obligations
déontologiques s'appliquent aux membres de la commission, leur
interdisant de recevoir directement ou indirectement des rétribution
d'un fonds de retraite ou d'une entreprise d'investissement.
Le
paragraphe III
prévoit que cette commission établit un
rapport annuel, adressé chaque année au Président de la
République et au Parlement.
Au-delà des modalités de contrôle, il sera certainement
utile que ce rapport apprécie, en toute objectivité, la
" montée en charge " du dispositif et les insuffisances
éventuelles de la loi et des textes d'application. Votre rapporteur n'a
pas prévu de dispositif d'évaluation spécifique de la loi,
le rapport de la commission de contrôle des fonds de retraite jouera
également ce rôle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 17
Choix du fonds de retraite
Cet
article précise que le choix du fonds de retraite fait l'objet d'une
mise en concurrence.
Dans l'esprit de votre rapporteur, l'accord collectif constituera le
" protocole " ou le " règlement " du plan de
retraite. Une fois les partenaires sociaux d'accord sur un cahier des charges,
ils chercheront à déterminer quel fonds propose le plan de
retraite correspondant le mieux à leurs attentes.
Dans ces conditions, l'accord collectif peut difficilement préciser le
nom du fonds de retraite choisi, alors qu'il s'agit d'un élément
d'information très important pour les futurs adhérents.
L'article 17 prévoit, en conséquence, qu'un avenant à
l'accord collectif précise le nom du fonds de retraite ; en cas
d'absence d'accord collectif, la décision de l'employeur devra
mentionner le fonds retenu, après mise en concurrence. Votre rapporteur
n'a pas souhaité préciser les conditions de mise en concurrence.
Selon la taille des entreprises, les partenaires sociaux pourront
décider de la constitution d'une association d'épargne retraite
au sein de l'entreprise ou recourir au comité d'entreprise. Ces
structures peuvent être chargées du choix du fonds de retraite.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 18
Modalités de réexamen du
choix du fonds de retraite
Cet
article précise les conditions de réexamen du choix du fonds de
retraite.
L'accord collectif, ou à défaut la décision de
l'employeur, précisera dans quelles conditions et selon quelle
périodicité le choix du fonds de retraite peut être
réexaminé. Cette règle est tout à fait
fondamentale, d'une part pour des raisons de concurrence et, d'autre part, pour
que l'employeur et les adhérents ne soient pas engagés pour une
durée trop longue à l'égard d'un fonds de retraite dont la
gestion serait peu satisfaisante. Le réexamen doit avoir lieu au moins
tous les cinq ans.
Seul, le souscripteur (l'employeur) a le pouvoir de changer de fonds de
retraite ; dans ce cas, l'article 18 prévoit un transfert sans
pénalité vers le nouveau fonds de retraite des droits et
obligations attachés à ce plan.
Dans tous les cas, l'employeur aura tout bénéfice à
s'appuyer sur l'avis des adhérents du plan de retraite présents
au sein du conseil de surveillance.
Un décret précisera dans quel délai et selon quelles
modalités le transfert s'effectue d'un fonds de retraite vers un autre.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 19
Délégation de la
gestion des
actifs
Cet
article prévoit les conditions de réexamen du choix des
entreprises d'investissement, gérant pour compte de tiers les actifs des
fonds de retraite.
Les gestionnaires pour compte de tiers seront ainsi des entreprises
d'investissement, agréées pour effectuer à titre principal
les services d'investissement visés au
d
de l'article 4 de la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités
financières. Les fonds auront tout avantage à
déléguer la gestion de leurs actifs à des
sociétés de gestion financière.
La périodicité du réexamen du choix des entreprises
d'investissement -qui est de la responsabilité des fonds de retraite- ne
peut excéder cinq ans.
Cette disposition, s'explique également pour des raisons de concurrence
et de sécurité. Elle reprend l'esprit du paragraphe I de
l'article 12 de la loi Thomas, adopté à l'initiative de la
commission des finances du Sénat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 20
Protection des intérêts
des
adhérents
Cet
article assure la protection des intérêts des adhérents
vis-à-vis des actionnaires et des dirigeants des fonds de retraite.
Les sommes placées dans les plans de retraite, gérées par
les fonds de retraite, ne seront peut-être pas tout de suite d'un montant
considérable. Mais, dans un avenir que votre rapporteur espère
proche, les fonds pourraient représenter potentiellement une importance
financière considérable sur les marchés, notamment dans
les batailles boursières qui peuvent se produire dans telle ou telle
situation de la vie des entreprises.
Les gérants doivent naturellement défendre, avant toute chose et
exclusivement, les intérêts des adhérents.
Le
paragraphe I
relatif aux obligations pesant sur les gestionnaires des
actifs prévoit l'obligation d'exercer les droits de vote attachés
aux titres donnant, directement ou indirectement, accès au capital de
sociétés détenues par le fonds.
Toutefois, il convient de prévoir une dérogation lorsque
l'exercice collectif des droits de vote entraînerait des coûts
disproportionnés pour le fonds.
Le
paragraphe IV
dispose qu'un décret précisera ces
dérogations ; afin d'encadrer sa rédaction, votre rapporteur
précise qu'il s'agit principalement des cas où l'exercice
effectif des droits de vote entraînerait des déplacements à
l'étranger, sans proportion avec l'importance de ces titres dans le
total du portefeuille ou lorsque l'exercice effectif de droits de vote
serait trop compliqué.
Le
paragraphe II
détermine les obligations pesant sur les fonds
de retraite, une distinction étant faite entre les actionnaires et les
dirigeants.
Les actionnaires doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet
ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au
détriment des adhérents du fonds. Cette distinction ne s'applique
en réalité qu'aux sociétés anonymes d'assurance.
Les dirigeants des fonds sont censés faire prévaloir, dans tous
les cas, l'intérêt des adhérents et, le cas
échéant, être en mesure de conserver leur autonomie de
gestion.
Le
paragraphe III
précise que les trois types d'obligations sont
sanctionnés sur le plan disciplinaire, par la Commission des
opérations de bourse, qui pourra, le cas échéant, infliger
des sanctions pécuniaires. Le non respect de ces obligations sera
susceptible, si un préjudice est établi, de donner lieu à
des actions civiles.
Ces dispositions correspondent à un article adopté par la
commission des finances lors de la discussion en première lecture de la
loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite et
qui, légèrement modifié par l'Assemblée nationale,
est devenu l'article 13 de la loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 21
Assujettissement des fonds de retraite
à l'impôt sur les sociétés
Cet
article assujettit dans les conditions de droit commun, les " fonds de
retraite " à l'imposition sur les sociétés.
Les fonds de retraite étant susceptibles d'être constitués
sous plusieurs formes juridiques (sociétés d'assurance,
sociétés d'assurance mutuelle, institutions de prévoyance,
organismes mutualistes), il est nécessaire d'assurer, sur le plan
fiscal, une égalité de traitement. En l'absence d'une telle
disposition, les fonds de retraite ne seraient pas placés dans la
même situation.
En effet, si les sociétés d'assurance sont assujetties à
l'impôt sur les sociétés dans des conditions de droit
commun, les mutuelles du code de la mutualité sont assujetties à
l'impôt sur les sociétés, mais dans des conditions
dérogatoires au droit commun. Quant aux institutions de
prévoyance, elles ne sont pas assujetties.
Dans ce but, l'article 21 propose d'assujettir les fonds de retraite à
l'impôt sur les sociétés.
Cet assujettissement a des conséquences ; les fonds de retraite
seront également soumis à la taxe professionnelle, à la
taxe d'apprentissage, à la contribution sociale de solidarité sur
les sociétés (C3S), à la taxe sur les salaires, à
la taxe sur les véhicules de société et aux droits
d'enregistrement.
Votre commission vous proposer d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE III
-
L'INFORMATION DES ADHÉRENTS
ET
LES CONSEILS DE SURVEILLANCE
Art. 22
Information des adhérents -
Obligations des souscripteurs
Cet
article détermine les obligations des souscripteurs pour assurer
l'information des adhérents.
Le souscripteur du plan de retraite doit remettre à l'adhérent
une notice établie pour le fonds, définissant les garanties et
les modalités d'entrée en vigueur qui résulteront de
l'adhésion, ainsi que les formalités à accomplir lors de
la liquidation de la retraite, ou le cas échéant, des versements
en capital. Cette information est permanente et devra être disponible
à tout moment.
De manière plus conjoncturelle, le souscripteur pourra être
amené à informer les adhérents par écrit des
modifications non seulement du contenu, mais également des conditions de
gestion du plan de retraite. La preuve et la remise de ces deux types
d'information incombent au souscripteur.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 23
Information des adhérents -
Obligations du fonds
Cet
article précise les obligations pesant sur les fonds de retraite, en
matière d'information des adhérents.
Le fonds doit indiquer, chaque année, aux adhérents le montant de
la provision mathématique représentative de leurs droits. Les
adhérents pourront ainsi suivre, en toute transparence,
l'évolution de leurs versements et abondements.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 24
Missions et composition du conseil de
surveillance
Cet
article détermine les missions et la composition du conseil de
surveillance.
Votre rapporteur a choisi d'instituer un conseil de surveillance au niveau de
chaque plan de retraite. La surveillance de fonds de retraite gérant
plusieurs plans n'aurait pas un grand sens. Cependant, votre rapporteur ne
mésestime pas la difficulté de traiter de manière unique
des situations très différentes ; pour une très
grande entreprise, le plan sera particulier à cette entreprise, pour les
PME, elles adhéreront à un plan multi-entreprises.
Le paragraphe I
précise la composition de ce conseil de
surveillance. Il comprend des représentants des adhérents, des
employeurs, des organisations syndicales des salariés, des
retraités.
L'accord collectif pourra déterminer la répartition de chaque
" collège ". Votre rapporteur a souhaité que ce ne soit
pas une condition
sine qua non
de l'accord collectif ; il serait
dommage que l'accord bute sur cette question. A défaut de clause le
précisant ou à défaut d'accord collectif, le conseil de
surveillance comprend un tiers de représentants des adhérents et
un tiers de représentants des employeurs. Le tiers restant se
répartit entre représentants des organisations syndicales des
salariés et représentants des retraités.
Il apparaît logique que les adhérents et les employeurs
représentent les deux tiers des conseils de surveillance ; il
semble également normal que les représentants traditionnels des
salariés et les premiers bénéficiaires des plans de
retraite, les retraités, soient représentés au sein de ces
conseils de surveillance.
Afin d'éviter des conseils de surveillance pléthoriques, il est
précisé que le nombre de membres siégeant avec voix
délibérative ne peut excéder vingt-et-un.
Mais, sur proposition d'au moins un tiers de ses membres, en cas de plans
souscrits par plusieurs entreprises, le conseil peut comprendre deux membres
supplémentaires, compétents en matière de gestion
financière et n'ayant aucun lien de subordination avec le fonds.
Le paragraphe II
dispose que, pour les plans de retraite
multi-entreprises, les représentants des adhérents sont
élus, à bulletin secret par voie de correspondance, par les
adhérents des entreprises concernées.
Afin de préciser quelque peu ces élections d'un genre un peu
particulier, votre rapporteur a souhaité faire mention explicite du
droit applicable ; le droit électoral est celui défini par
le code du travail en matière de représentation des
collectivités (constitution de listes, organisation du scrutin, juge de
l'élection).
Le paragraphe III
précise les missions du conseil de
surveillance, qui
" définit les orientations de gestion du plan
de retraite "
. Ce conseil doit être averti préalablement
de toute modification du plan. Il émet un avis au moins deux fois par an
sur la gestion du plan par le fonds. Il est obligatoirement destinataire, une
fois par an, d'un rapport sur la gestion du plan établi par le fonds de
retraite. Naturellement, le fonds pourra transmettre -c'est son
intérêt- davantage d'informations au conseil de surveillance.
Les membres du conseil peuvent demander à bénéficier d'un
congé de cinq jours de formation économique donnés
dans le cadre de l'épargne salariale (art. L. 444-1 du code du
travail) et dont le coût est pris en charge par l'entreprise.
Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions
d'application de cet article, et notamment les modalités de
publicité des avis des conseils de surveillance.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art.
25
Pouvoirs du conseil de surveillance
Le
paragraphe I
dispose que les dirigeants du fonds de retraite peuvent
être entendus par le conseil de surveillance, sur la demande d'un tiers
au moins de ses membres.
Si les réponses ne satisfont pas la majorité des membres, le
conseil demande en justice la désignation d'experts judiciaires.
Le juge décidera alors de l'opportunité de mener une telle
expertise et de l'étendue de la mission.
Le rapport de la mission d'expertise est ensuite adressé aux
différentes instances : conseil de surveillance, ministère
public, commissaires des comptes, président de la commission de
contrôle des fonds de retraite.
Ce paragraphe reprend l'essentiel des dispositions de l'article 16 de la loi du
25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, adopté
à l'initiative de la commission des finances du Sénat.
Le paragraphe II
prévoit que le conseil de surveillance peut
demander aux commissaires et aux actuaires du fonds de retraite tout
renseignement sur l'activité et la situation financière du fonds.
Ces informations sont confidentielles.
Ce paragraphe reprend les dispositions prévues à l'article 22 de
la loi du 25 mars 1997, adopté à l'initiative de la commission
des finances du Sénat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art.
26
Renvoi général à des décrets
d'application
Cet
article indique que des décrets précisent, en tant que de besoin,
les dispositions de la présente loi.
En dehors de deux décrets en Conseil d'Etat explicitement prévus
(conditions d'adhésion individuelle définies à l'article,
composition du conseil de surveillance déterminée à
l'article 24), il est préférable de prévoir un renvoi
général à des décrets d'application.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TABLEAU COMPARATIF
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI VISANT À AMÉLIORER LA
PROTECTION
SOCIALE PAR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE RETRAITE
Article premier
En complément des régimes de retraite obligatoires par répartition, garants de la solidarité entre les générations, les salariés peuvent, afin d'améliorer leur protection sociale, adhérer à des plans de retraite, dans les conditions définies par la présente loi.
TITRE
PREMIER
LES PLANS DE RETRAITE
Art. 2
Les plans de retraite sont des contrats définissant les droits et les obligations des adhérents, souscrits par un ou plusieurs employeurs auprès de fonds de retraite dans les conditions définies à l'article 5.
Art. 3
Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et relevant d'un régime de retraite complémentaire obligatoire mentionné au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale peut adhérer à un plan de retraite.
Art. 4
Le plan
de retraite ouvre droit, au profit de ses adhérents, au paiement d'une
rente viagère à compter de la date de liquidation de la retraite
de base.
Les adhérents ont la possibilité d'opter pour un versement en
capital, intervenant à la date de liquidation de la retraite de base. Ce
versement ne peut excéder 30 % de la provision mathématique
représentative de leurs droits.
Ils peuvent demander le versement, en cas de décès avant la date
de liquidation de la retraite de base, de tout ou partie de la provision
mathématique représentative de leurs droits à une ou
plusieurs personnes de leur choix.
En cas de décès après cette date, ils peuvent demander la
réversion de tout ou partie de la rente viagère servie au titre
du plan de retraite, à une ou plusieurs personnes de leur choix.
Art. 5
I. - Les
plans de retraite peuvent être souscrits par un employeur, plusieurs
employeurs ou un groupement d'employeurs, sur le fondement d'un accord
collectif.
L'accord collectif est conclu au sein de l'entreprise, dans le cadre de
groupements d'entreprises ou à un échelon professionnel ou
interprofessionnel.
Ces accords sont régis par le titre III du livre Ier du code du travail,
à l'exclusion de ses chapitres III et IV ; ils peuvent déroger au
second alinéa de l'article L. 132-13 et au second alinéa de
l'article L. 132-23 dudit code.
En l'absence de délégués syndicaux au sein de
l'entreprise, les dispositions des paragraphes II et III de l'article 6 de la
loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et
à la consultation des salariés dans les entreprises et les
groupes d'entreprises à dimension communautaire, ainsi qu'au
développement de la négociation collective, sont applicables.
II. - En l'absence de signature d'un accord collectif à compter d'un an
après le début de la négociation, l'employeur -ou le
groupement d'employeurs- peut décider de souscrire à un plan de
retraite. Chaque salarié est alors informé de cette souscription.
III. - Les plans de retraite sont proposés à l'ensemble des
salariés. Les conditions d'adhésion sont identiques pour des
catégories homogènes de salariés définies notamment
par l'âge et le niveau de salaire.
Art. 6
A
défaut de la souscription d'un plan de retraite par l'employeur dans les
conditions prévues au paragraphe II de l'article 5, les salariés
peuvent demander leur adhésion à un plan existant soit dans le
cadre d'une branche professionnelle, soit dans le cadre d'un groupement
d'entreprises, soit dans le cadre d'une autre entreprise.
Si, postérieurement à cette adhésion, un plan de retraite
est proposé dans leur entreprise, ils peuvent demander le transfert,
intégral et sans pénalité, de leurs droits sur ce plan.
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application
du présent article.
Art. 7
I. - Les
versements du salarié aux plans de retraite sont facultatifs. Ils
peuvent être suspendus ou repris sans pénalité.
II. - Le versement du salarié est abondé par l'employeur dans des
conditions fixées par l'accord collectif et dans la limite annuelle de
30 % du plafond de la sécurité sociale.
III. - En l'absence d'accord collectif, si l'employeur a souscrit au plan de
retraite, le versement du salarié est abondé, à due
concurrence, par l'employeur, dans la limite la moins
élevée : 4 % de la rémunération brute ou 30 %
du plafond de la sécurité sociale.
IV. - Le versement du salarié ayant adhéré à un
plan de retraite dans les conditions fixées au premier alinéa de
l'article 6 ne donne pas lieu à abondement.
V. - Les salariés peuvent, dans la limite annuelle de 15 % du plafond de
la sécurité sociale, procéder à des versements au
titre des années durant lesquelles ils n'ont pas eu la
possibilité d'adhérer à un plan de retraite. Ces
versements ne donnent pas lieu à abondement de la part de l'employeur.
Art. 8
I. - A
l'article 83 du code général des impôts, il est
inséré un 1° quater ainsi rédigé :
" 1°
quater
- Les versements des salariés et les
contributions de l'employeur aux plans de retraite prévus par la loi
n° .... du ...... visant à améliorer la protection sociale
par le développement de l'épargne retraite, à l'exception
des versements mentionnés au V de l'article 7 de cette loi, et dans la
limite de 5 % du montant brut de la rémunération pour les
salariés âgés de moins de quarante ans, de 10 % du
même montant pour les salariés dont l'âge est compris entre
quarante et cinquante ans et 15 % du même montant pour les
salariés âgés de plus de cinquante ans. "
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
sont compensées à due concurrence, par une majoration des droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
Art. 9
I. - Il
est créé, après l'article 217
septies
du code
général des impôts, un article ainsi
rédigé
:
" Art. 217
septies
A
- Les versements de l'entreprise aux
plans de retraite de ses salariés en application de la loi n° ...
du ... visant à améliorer la protection sociale par le
développement de l'épargne retraite sont déductibles de
son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les
sociétés. "
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
sont compensées à due concurrence, par une majoration des droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
Art. 10
I. - Les
versements des salariés aux plans de retraite sont
exonérés de cotisations sociales à l'exclusion des
cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse et au titre des
régimes de retraite complémentaire obligatoire mentionnés
au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale. Les
versements des salariés dont le salaire est inférieur à
1,5 fois le salaire minimum de croissance bénéficient d'une
exonération totale.
II. - L'abondement de l'employeur est exclu de l'assiette des cotisations
sociales sauf pour les cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse et
au titre des régimes de retraite complémentaire obligatoire
mentionnés au titre II du livre IX du code de la sécurité
sociale.
III. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de
la sécurité sociale, les exonérations prévues au I
et au II ne sont pas compensées par le budget de l'Etat. Les pertes de
recettes résultant des I et II pour les organismes de
sécurité sociale sont compensées, à due
concurrence, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575
A du code général des impôts.
Art. 11
I. -
Après le
b ter
du 5 de l'article 158 du code
général des impôts, il est inséré un
b
quater
ainsi rédigé :
"
b quater
- Les dispositions du
a
sont applicables aux
rentes servies au titre des plans de retraite institués par la loi
n° du visant à améliorer la protection sociale par le
développement de l'épargne retraite, ainsi qu'aux sommes
versées en capital dans les conditions prévues aux
deuxième et troisième alinéas de ladite loi. Le
bénéficiaire peut demander que l'impôt
correspondant
à ces sommes soit calculé en ajoutant le quart du montant net
dudit versement à son revenu imposable et en multipliant par quatre la
cotisation supplémentaire ainsi obtenue. "
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
sont compensées à due concurrence, par une majoration des droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
Art. 12
En cas de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut continuer à effectuer des versements, qui ne donnent pas lieu à abondement, ou demander, soit le transfert intégral, sans pénalité, des droits attachés à ce plan sur un autre plan de retraite, soit le maintien des droits acquis dans le cadre de son plan.
Art. 13
Les adhérents peuvent demander, tous les dix ans à compter de la date de leur adhésion, le transfert intégral, sans pénalité, des droits acquis en vertu du plan de retraite sur un autre plan.
TITRE
II
LES FONDS DE RETRAITE
Art. 14
Les
fonds de retraite sont des personnes morales, ayant pour objet exclusif la
couverture des engagements pris dans le cadre de plans de retraite.
Ils sont constitués sous la forme d'une société anonyme
d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une
institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du
code de la sécurité sociale ou d'un organisme mutualiste du code
de la mutualité.
Lorsque le fonds de retraite est constitué sous forme d'une institution
de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la
sécurité sociale, le chapitre II du titre III du livre IX dudit
code est applicable aux plans de retraite souscrits auprès de ce fonds.
Lorsque le fonds de retraite est constitué sous une autre forme
juridique, les titres Ier, III et IV du livre Ier et le titre IV du livre IV du
code des assurances sont applicables aux plans de retraite souscrits
auprès de ce fonds. Toutefois, lorsque le fonds de retraite est
constitué sous la forme d'un organisme mutualiste régi par le
code de la mutualité, les articles L. 121-2, L. 122-2, L. 122-3 et
L. 321-2 dudit code lui demeurent applicables.
Art. 15
Les
fonds de retraite ne peuvent commencer leurs opérations qu'après
avoir obtenu un agrément, délivré par arrêté
du ministre chargé de l'économie, après avis de la
commission de contrôle des fonds de retraite.
La délivrance de l'agrément prend en compte :
- les moyens techniques et financiers dont la mise en oeuvre est
proposée et leur adéquation au programme d'activités de
l'entreprise d'assurance, de l'organisme mutualiste ou de l'institution de
prévoyance ;
- l'honorabilité et la qualification des personnes chargées de
diriger l'entreprise d'assurance, l'organisme mutualiste ou l'institution de
prévoyance ;
- la répartition du capital et la qualité des actionnaires de la
société anonyme d'assurance ou, pour les sociétés
d'assurance mutuelles, les organismes mutualistes et les institutions de
prévoyance, les modalités de constitution du fonds
d'établissement.
Art. 16
I. - Le
contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'exerce dans
l'intérêt des adhérents à un plan de retraite et de
leurs ayants droit au titre de la présente loi, afin de vérifier
que les fonds de retraite tiennent les engagements qu'ils ont contractés
et qu'ils respectent les dispositions législatives et
réglementaires qui leur sont applicables.
A cette fin, la commission de contrôle des assurances et la commission de
contrôle mentionnée à l'article L. 951-1 du code de la
sécurité sociale se réunissent et siègent en
formation commune.
La commission des opérations de bourse désigne deux de ses
membres qui participent avec voix délibérative.
La commission ainsi constituée prend le nom de commission de
contrôle des fonds de retraite.
Le contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'exerce
conformément aux dispositions des articles L. 310-8, L. 310-9, L. 310-11
et L. 310-12-1 (huitième, dixième et onzième
alinéas) et L. 310-13 à L. 310-28 du code des assurances.
II. - Les membres de la commission de contrôle des fonds de retraite ne
peuvent, pendant la durée de leur mandat et dans les cinq ans qui
suivent l'expiration de celui-ci, recevoir, directement ou indirectement, de
rétribution d'un fonds de retraite ou d'une entreprise d'investissement
mentionnée à l'article 19 ou de toute société
exerçant sur le fonds ou le prestataire un contrôle exclusif au
sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales.
III. - La commission de contrôle des fonds de retraite adresse chaque
année un rapport au Président de la République et au
Parlement.
Art. 17
Un avenant à l'accord collectif ou la décision de l'employeur visés à l'article 5 désigne le fonds de retraite choisi après mise en concurrence.
Art. 18
L'accord
collectif ou la décision de l'employeur visés à l'article
5 détermine dans quelles conditions et selon quelle
périodicité le choix du fonds de retraite peut être
réexaminé. La périodicité du réexamen ne
peut excéder cinq ans.
Lorsque le souscripteur d'un plan de retraite décide de changer de fonds
de retraite, la contre-valeur des actifs représentatifs des droits et
obligations attachés à ce plan est intégralement
transférée, sans pénalité, vers le nouveau fonds de
retraite.
Art. 19
En cas de délégation de la gestion des actifs des fonds de retraite, celle-ci ne peut être confiée qu'à une entreprise d'investissement agréée pour effectuer à titre principal les services visés au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. Dans ce cas, le fonds de retraite procède, au moins tous les cinq ans, au réexamen du choix de l'entreprise d'investissement.
Art. 20
I. - Les
fonds de retraite sont tenus d'exercer effectivement, dans le seul
intérêt des adhérents, les droits de vote attachés
aux titres, donnant directement ou indirectement accès au capital de
sociétés, détenus par ces fonds.
II. - Les actionnaires d'un fonds de retraite doivent s'abstenir de toute
initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs
intérêts propres au détriment des adhérents.
Les dirigeants d'un fonds de retraite doivent, dans l'exercice de leur
activité, conserver leur autonomie de gestion afin de faire
prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des
adhérents des plans de retraite dont ce fonds couvre les engagements.
III. - Le non-respect des obligations posées aux deux paragraphes
précédents est sanctionné par la Commission des
opérations de bourse dans les conditions prévues par l'ordonnance
n° 67-833 du 28 juillet 1967 instituant une Commission des
opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de
valeurs mobilières et à la publicité de certaines
opérations de bourse.
IV. - Un décret précise notamment les conditions dans lesquelles
il peut être dérogé aux dispositions du paragraphe I dans
le cas où l'exercice effectif des droits de vote entraînerait des
coûts disproportionnés.
Art. 21
L'article 206 du code général des impôts
est
complété par un 12° ainsi rédigé :
" 12° Les fonds de retraite créés par la loi n°...
du ... visant à améliorer la protection sociale par le
développement de l'épargne retraite sont assujettis à
l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit
commun. "
TITRE
III
L'INFORMATION DES ADHERENTS
ET LES CONSEILS DE SURVEILLANCE
Art. 22
Le
souscripteur d'un plan de retraite est tenu :
- de remettre à l'adhérent une notice établie par le fonds
qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en
vigueur ainsi que les formalités à accomplir lors de la
liquidation de sa rente viagère ou, le cas échéant, des
sommes versées en capital ;
- d'informer, le cas échéant, les adhérents par
écrit des modifications qu'il est prévu d'apporter à leurs
droits et obligations lors d'une modification du contenu ou des conditions de
gestion du plan de retraite.
La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de
l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur.
Art. 23
Le fonds doit indiquer chaque année aux adhérents des plans de retraite le montant de la provision mathématique représentative des droits qu'ils ont acquis dans le cadre du plan.
Art. 24
I. - Un
conseil de surveillance, comprenant des représentants des
adhérents, des employeurs, des organisations syndicales de
salariés et des retraités est institué pour chaque plan de
retraite.
L'accord collectif peut préciser la composition du conseil de
surveillance.
A défaut, le conseil est composé pour un tiers de
représentants des adhérents du plan, pour un tiers de
représentants des employeurs et pour le tiers restant de
représentants des organisations syndicales de salariés et de
représentants des retraités.
Le conseil de surveillance ne peut excéder vingt et un membres
siégeant avec voix délibérative.
Le conseil de surveillance peut également comprendre -sur demande d'un
tiers au moins de ses membres- deux personnes compétentes en
matière de gestion financière, siégeant avec voix
consultative et n'ayant aucun lien de subordination avec le fonds de retraite
auprès duquel est souscrit le plan de retraite.
II. - Dans le cas de la souscription d'un plan de retraite par plusieurs
employeurs, les représentants des adhérents sont élus,
à bulletin secret et par voie de correspondance, par les
adhérents des entreprises concernées. Le droit applicable est
celui défini par le code du travail en matière d'élections
des représentants du personnel.
III. - Les orientations de gestion du plan de retraite sont définies par
le conseil de surveillance. Aucune modification du plan ne peut être
prise sans que le conseil en soit informé préalablement.
Le fonds de retraite communique chaque année au conseil de surveillance
du plan, deux mois au plus après la clôture de l'exercice, un
rapport sur la gestion du plan.
Le conseil de surveillance émet au moins deux fois par an un avis sur la
gestion du plan par le fonds.
IV. - Les membres du conseil peuvent demander à bénéficier
des dispositions de l'article L. 444-1 du code du travail.
V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions
d'application du présent article.
Art. 25
I. - A
la demande d'un tiers au moins des membres du conseil de surveillance, les
dirigeants du fonds de retraite peuvent être entendus sur une ou
plusieurs opérations relatives à la gestion du plan de retraite.
Si la réponse ne satisfait pas la majorité des membres du conseil
de surveillance, le conseil demande en justice la désignation d'un ou
plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur la ou les
opérations de gestion mentionnées au premier alinéa.
Le ministère public est habilité à agir aux mêmes
fins.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice
détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts.
Elle peut mettre les honoraires à la charge du fonds.
Le rapport est adressé au conseil de surveillance, au ministère
public, au commissaire aux comptes du fonds qui gère le plan de
retraite, aux organes de direction dudit fonds ainsi qu'au président de
la commission de contrôle des fonds de retraite. Ce rapport doit en outre
être annexé à celui établi par le commissaire aux
comptes en vue de la prochaine assemblée générale du fonds.
II. - Le conseil de surveillance peut demander aux commissaires aux comptes et
aux actuaires du fonds de retraite auprès duquel le plan est souscrit
tout renseignement sur l'activité et la situation financière du
fonds. Les commissaires aux comptes et les actuaires sont alors
déliés, à son égard, de l'obligation de secret
professionnel. Les membres du conseil de surveillance sont tenus à une
obligation de discrétion à l'égard des informations
présentant un caractère confidentiel et données comme
telles par les commissaires aux comptes.
Art. 26
Des décrets précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi.
1
PPL n° 222 (1992-1993) tendant
à permettre la création de fonds de pension (MM. Philippe
Marini, Jacques Bimbenet, Maurice Blin, Jean Clouet, André Fosset et
Bernard Seillier).
2
" L'unité d'un homme ", éditions Odile
Jacob, 1994, p. 86.
3
in Denis Kessler et Dominique Strauss-Kahn " L'épargne
et la retraite ", Economica, 1982, p. 10.
4
Eléments d'analyse sur le système de retraite,
juin 1998, in " Retraite et épargne ", rapport du Conseil
d'analyse économique (n° 7).
5
Sur tous ces points, on se reportera utilement au rapport
d'information n°459 (1998-1999) fait au nom de la commission des Affaires
sociales par M. Alain Vasselle, " Réforme des retraites : peut-on
encore attendre ? "
6
J.P. Cotis, R. Méary, N. Sobczak, in " Le
chômage d'équilibre en France. Une évaluation ", Revue
économique, mai 1998.
7
Le taux de remplacement mesure la perte de revenu relatif
liée au départ à la retraite. Il est égal au
rapport entre le montant de la pension à la liquidation et le dernier
salaire d'activité.
8
F. Pansard, Lettre économique de la CDC,
n° 111, juin 1999, p. 1-2.
9
Eléments d'analyse sur le système de retraite
français in " Retraites et épargne ", rapport du
Conseil d'analyse économique (n° 7), juin 1998.
10
Rapport 1999 sur la sécurité sociale,
p. 387.
11
Votre rapporteur vous renvoie au rapport d'information de M. Jean
Chérioux, " L'actionnariat salarié : vers un
véritable partenariat dans l'entreprise " (n° 500,
1998-1999).
12
PPL n° 222 (1992-1993) tendant à permettre
la création de fonds de pension (cosignée par MM. Jacques
Bimbenet, Maurice Blin, Jean Clouet, André Fosset et Bernard Seillier).
13
Cf. Rapport n° 500 (1998-1999) de notre
excellent collègue M. Jean Chérioux, " L'actionnariat
salarié : vers un véritable partenariat dans
l'entreprise ", octobre 1999.
14
Rapport d'information n° 459 (1998-1999).
15
Entretien télévisé à France 2 du 13
septembre 1999.
16
L'amendement ne faisant pas partie des dispositions pouvant
figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.
17
Voir sur ce point les travaux du groupe sur les lois de
financement de la sécurité sociale constitué au sein de la
commission des Affaires sociales : " Les lois de financement de la
sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument
perfectible ", p. 33-39.
18
On remarquera que les propositions de M. Cahuzac reviennent au
point de départ de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Thomas :
un plan de dix ans renouvelable.
19
JO Débats Assemblée nationale,
2
ème
séance, 28 octobre 1998, pp. 7527
et suivantes.
20
Lors de la même séance du 28 octobre 1998.
21
Cf. compte rendu des auditions, p. 8.
22
Cité par M. Jérôme Jaffré lors du
colloque organisé et présidé par M. Philippe Douste-Blazy,
" Pour sauver nos retraites : quels fonds de retraite pour les
Français ? "
23
In " L'épargne et la retraite ", op. cit., p.
137.
24
Rapport n° 1333 (Assemblée nationale,
XI
ème
législature).
25
Rapport n° 1333, XI
ème
législature.
26
Rapport n° 124 (1996-1997), p 7.
27
n° 222 (1992-1993).