B. AUDITIONS DU MERCREDI 22 SEPTEMBRE 1999
Réunie le
mercredi 22 septembre 1999
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président
, la
commission a poursuivi ses auditions sur la
proposition de loi
n° 187
(1998-1999) présentée par M. Charles
Descours, visant à améliorer la protection sociale des
salariés et créant des
fonds de retraite
, et sur la
proposition de loi n° 218
(1998-1999) présentée
par M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, visant
à instituer des
plans d'épargne retraite
.
La commission a tout d'abord entendu
M. Jean-Christophe Le Duigou,
secrétaire de la
Confédération
générale du travail
(CGT).
Après avoir rappelé que la CGT ne croyait pas à la
capitalisation comme moyen de conforter la répartition,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a souligné que son organisation
n'entendait pas, pour autant, rester à l'écart des débats
sur cette question.
Commentant les deux propositions de loi,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a
indiqué qu'il ne partageait pas l'idée selon laquelle les
difficultés prévisibles de notre système de retraite
viendraient de l'absence d'un système de capitalisation. Il a
jugé que le problème du financement à long terme des
retraites, problème que connaîtraient prochainement la plupart des
pays développés, y compris ceux qui disposaient de retraites par
capitalisation, provenait à la fois d'une évolution
défavorable de la structure démographique et d'une insuffisance
de la croissance économique. Il a fait observer que les
conséquences du vieillissement de la population devaient cependant
être relativisées, dans la mesure où la notion de
population dite " âgée " évoluait, et que l'on
constatait parallèlement un rajeunissement de la population en
activité dans les entreprises.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a regretté le pessimisme des
projections économiques sous-tendant le diagnostic du rapport Charpin.
Il a jugé que le choix d'un taux de croissance annuel moyen de
1,5 %, pour les 40 prochaines années, méritait à
tout le moins un véritable débat. Il a souligné que des
hypothèses plus favorables aboutissaient à des prévisions
moins inquiétantes pour les régimes de retraite.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que la retraite
ne devait pas être abordée comme une question patrimoniale, sauf
à soulever un réel problème de justice sociale. Citant
l'exemple du Royaume-Uni où seuls 40 % des salariés sont
effectivement couverts par des fonds de pension,
M. Jean-Christophe Le
Duigou
a estimé qu'une conception patrimoniale de la retraite
engendrait des inégalités à la fois sociales et
intergénérationnelles. Il a exprimé la crainte que la
génération aujourd'hui en activité ne soit contrainte de
financer le paiement des pensions des retraités tout en devant
parallèlement se constituer un capital pour sa propre retraite. Il a
ajouté que l'introduction d'un système de retraite par
capitalisation présentait des risques d'injustice accrus, sans garantie
d'une quelconque efficacité.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a récusé l'affirmation selon
laquelle les systèmes de retraite par répartition ne seraient pas
favorables à l'investissement. Il a souligné que la consommation
constituait également un des déterminants de l'investissement.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que la question
de l'orientation de l'épargne ne devait pas être confondue avec la
problématique de la retraite. Après avoir rappelé que la
CGT souhaitait que le système de retraite par répartition soit
conforté et pérennisé, il a fait observer que notre pays,
dont le taux d'épargne figurait parmi les plus élevés au
monde, ne souffrait manifestement pas d'une insuffisance d'épargne.
Evoquant la question de l'orientation de cette épargne,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a constaté qu'une masse importante de
capitaux, notamment les fonds investis dans l'assurance vie, ne
bénéficiait pas aujourd'hui à l'entreprise. Il a
souligné, en outre, qu'une part importante de l'épargne
française, évaluée à environ 150 milliards de
francs par an, quittait chaque année notre pays pour aller s'investir
dans des valeurs boursières étrangères. Il a estimé
que la réorientation de l'épargne vers l'activité
économique pouvait se faire par une modification des règles
régissant l'assurance vie ou les fonds communs de placement sans qu'il
soit pour autant nécessaire d'instituer un système de retraite
par capitalisation qui serait fiscalement aidé.
Après avoir rappelé que la plupart des pays industrialisés
avaient opté pour un recul progressif de l'âge de départ
à la retraite,
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est
demandé quelles solutions préconisait la CGT pour résoudre
à l'avenir le problème de financement de nos systèmes de
retraite.
Soulignant que les prélèvements obligatoires avaient aujourd'hui
atteint un niveau que l'on pouvait considérer comme maximal,
M.
Charles Descours, rapporteur,
a souhaité savoir si la CGT
était pour sa part favorable à une éventuelle augmentation
des cotisations. Il a jugé que toute nouvelle augmentation des
prélèvements obligatoires comportait des risques importants de
délocalisation des entreprises françaises.
Après avoir fait observer que la plupart des entreprises
françaises cotées en bourse étaient aujourd'hui
contrôlées par des fonds de pension étrangers,
M.
Charles Descours, rapporteur,
a considéré qu'une
réorientation de l'épargne française n'était
possible que par le biais d'incitations fiscales.
En réponse à M. Charles Descours,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a souligné qu'il convenait d'être prudent en matière de
comparaisons internationales. Il a ainsi indiqué que si l'Allemagne
venait effectivement d'imposer 42 années et demie de cotisations pour
bénéficier d'une retraite à taux plein, il avait
été parallèlement prévu que tout jeune sortant du
système éducatif à 17 ans commencerait à cotiser
pour sa retraite. Il a ajouté que les salariés italiens
continuaient à partir à la retraite avant l'âge de
60 ans, alors même que les conditions d'obtention d'une retraite
étaient devenues, en apparence, plus restrictives dans ce pays.
Evoquant le rajeunissement de la population en activité,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a expliqué
que plusieurs millions
de salariés allaient prochainement partir à la retraite et
seraient remplacés par des jeunes mieux formés et plus à
même de maîtriser les nouvelles technologies. Il en a conclu que
les projections en matière de retraite ne pouvaient simplement
constituer un prolongement des tendances actuelles et qu'il convenait, au
contraire, d'être en mesure d'anticiper les ruptures.
S'agissant d'une hausse éventuelle des cotisations de retraite,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que dans la
mesure où le nombre de retraités allait augmenter de 50 %
dans les prochaines années et que tout le monde souhaitait que leur
niveau de vie soit maintenu, il faudrait bien se résoudre à
augmenter les ressources consacrées au financement des retraites. Il a
ajouté que c'était toujours la génération qui
travaillait qui assurait finalement le financement de la charge des retraites,
que le système repose sur la répartition ou la capitalisation.
Evoquant les risques de délocalisation que pourrait comporter une
éventuelle hausse des cotisations,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a
rappelé que la France restait, malgré des
prélèvements obligatoires élevés, le pays d'Europe
continentale où les investissements étrangers étaient les
plus importants. Il a considéré qu'il n'existait pas
réellement de limite au niveau des cotisations.
En réponse à
M. Charles Descours, rapporteur,
qui
l'interrogeait sur les risques de délocalisation dans les secteurs de
haute technologie,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a souligné
que certains secteurs contribuaient très peu au financement des
retraites tandis que d'autres, notamment les secteurs de main-d'oeuvre, lui
consacraient une part importante de leur valeur ajoutée. Il s'est dit
par conséquent favorable à une réforme des cotisations
patronales.
Après avoir ajouté qu'il partageait la préoccupation de
M. Charles Descours quant à la nécessité de maintenir
nos entreprises sous contrôle de capitaux français,
M. Jean-Christophe Le Duigou
a déclaré que l'on ne
pourrait pas, pour autant, admettre que les catégories sociales les plus
favorisées se constituent un capital pour leur retraite grâce
à des avantages fiscaux financés par la collectivité.
Après avoir relevé que
M. Jean-Christophe Le Duigou
craignait que l'introduction d'un système par capitalisation ne
génère de nouvelles inégalités,
M. Jean
Chérioux
a fait observer qu'il existait déjà des
inégalités très importantes au regard de la retraite entre
les régimes spéciaux de la fonction publique et les
régimes du secteur privé. Il a jugé qu'il convenait par
conséquent de réexaminer les avantages accordés par ces
régimes spéciaux si l'on souhaitait aboutir à une
réelle égalité.
Considérant que la capitalisation, qui nécessite du temps pour
produire ses effets, ne saurait apporter de véritable solution aux
déficits que connaîtrait, dans les prochaines années, notre
système de retraite,
M. Jean Chérioux
s'est
interrogé sur la possibilité de permettre aux salariés de
mobiliser une partie de leur épargne salariale, dont le montant total
atteignait aujourd'hui plus de 200 milliards de francs, pour financer un
complément de retraite. Il s'est demandé si le
développement de l'actionnariat salarié n'était pas un
moyen d'éviter la mainmise des fonds de pension étrangers sur nos
entreprises.
M. Guy Fischer
a dit partager la conception de M. Jean-Christophe Le
Duigou pour qui la retraite ne devait pas être une affaire patrimoniale.
Constatant que les inégalités sociales continuaient à se
creuser malgré une croissance plus forte, il s'est
inquiété du risque d'accroissement de ces
inégalités né de la mise en place d'un système de
capitalisation. Après avoir rappelé que les retraités
avaient parfois le sentiment que leur pouvoir d'achat diminuait
régulièrement depuis plusieurs années, il s'est
demandé si l'introduction de la capitalisation ne risquait pas d'aviver
ce sentiment.
M. André Jourdain
a constaté que la CGT refusant toute
augmentation des cotisations salariales et toute diminution des montants des
retraites, seule restait envisageable la hausse des cotisations patronales.
Citant l'exemple de la crise que connaissait aujourd'hui l'industrie de la
lunetterie dans le Jura, il a estimé que toute augmentation des
cotisations patronales se traduirait inévitablement par une
délocalisation de la production.
Evoquant le fonds de réserve pour les retraites créé par
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
M.
Jean-Christophe Le Duigou
a considéré que ce dernier ne
constituait pas une véritable solution au problème de financement
que rencontreraient les régimes de retraite à partir de 2005. Il
a jugé que la véritable solution reposait sur une forte
diminution du chômage. Il a également estimé que toute
augmentation de la durée de cotisation exigée pour
bénéficier d'une retraite à taux plein était
inacceptable tant que les jeunes rencontreraient autant de difficultés
pour s'insérer dans la vie professionnelle et tant que les personnes
âgées de plus de 50 ans seraient durablement exclues du
marché du travail.
M. Jean-Christophe Le Duigou
a estimé qu'une éventuelle
modification des règles d'utilisation des fruits de la participation
devait faire partie d'une réforme d'ensemble de l'épargne
salariale. Evoquant les possibilités de départ anticipé
à la retraite dont bénéficiaient les ressortissants de
certains régimes, il s'est dit favorable à un système
commun à tous les régimes qui tiendrait compte de la
pénibilité effective du travail.
La commission a ensuite entendu
M. Jacques Creyssel, directeur
délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF), et
Mme Agnès Lepinay, directeur du groupe de propositions et d'actions
" Croissance "
.
M. Jacques Creyssel
a évoqué les propositions faites en
1994 sur le sujet des fonds de pension par un groupe de travail du Conseil
national du patronat français (CNPF) présidé par M.
Ernest-Antoine Seillière. Regrettant que la France soit bientôt le
dernier pays développé au monde à ne pas avoir mis en
place un mécanisme de fonds de pension, il a constaté que la
période actuelle était plutôt marquée par une phase
de régression.
Il a souhaité rappeler les perspectives financières des
retraites, en précisant que la France compterait un actif pour un
retraité dans trente ans, contre quatre actifs pour un retraité
il y a vingt-cinq ans. Il a ajouté que le déficit des
régimes de retraite à l'horizon 2040 représenterait un
montant de 800 milliards de francs 1999, en tenant compte d'un taux de
chômage de 9 %. Il a indiqué qu'un taux de chômage beaucoup
plus bas (3 %) ne diminuerait que de 100 milliards de francs le besoin de
financement. Il a rappelé que les solutions classiques d'un
régime de retraite par répartition consistaient soit à
diminuer de moitié les pensions servies, soit à augmenter les
cotisations dans la même proportion.
Il a indiqué qu'il n'était pas possible d'augmenter la cotisation
des actifs, consacrant déjà 25 % de leur
rémunération brute au financement des retraites. Il a
observé que la solution de relever la durée de cotisation
nécessaire à l'obtention d'une pension complète ne
pourrait être que très progressive. Estimant que le système
de retraite français était particulièrement complexe, avec
une partie en " prestations définies " (le régime de
base) et une partie en " cotisations définies " (le
régime complémentaire), il a considéré que la
priorité était de simplifier ce système, en passant
à un régime intégralement par points, et en laissant le
choix de l'âge de la retraite au cotisant. Il a précisé que
ce choix lui serait donné par la possibilité d'épargner
pour sa retraite. Il a considéré que l'introduction de fonds de
pension était ainsi un élément majeur de liberté.
Il a énuméré les conditions de réussite de ces
fonds de pension. Il a préconisé un système facultatif et
le plus souple possible, prévoyant notamment la
transférabilité en cas de changement d'employeur. Il a
estimé que ces fonds devraient privilégier la sortie en rente
même si des options devaient être offertes pour une sortie en
capital. Il a insisté sur le fait que les rentes devraient être en
" cotisations définies " et non en " prestations
définies ". Il a jugé nécessaire la mise en place de
mécanismes de surveillance, associant employeurs et salariés. Il
a estimé que des exonérations fiscales et sociales devaient
être prévues pour inciter à ce système facultatif.
Il a considéré qu'au-delà de ces règles de base, la
mise en oeuvre de fonds de pension devrait pouvoir faire l'objet d'un accord
entre partenaires sociaux.
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est interrogé sur la
possibilité de faire passer le régime de base à un
système par points, sur les modalités de sortie en capital, sur
la transmissibilité des droits, notamment en cas de décès,
et sur l'impossibilité de procurer aux salariés non imposables un
avantage équivalent à l'avantage fiscal. Il a souhaité
connaître les solutions préconisées par le MEDEF pour
inciter les PME à souscrire à de tels mécanismes.
M. Jacques Creyssel
a estimé qu'il était tout à
fait possible de faire passer le régime de base à un
système intégralement par points. Il a observé que la
réforme des régimes complémentaires Association des
régimes de retraites complémentaires (ARRCO) et Association
générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) avait
été menée à bien.
S'agissant des fonds de pension, il a considéré qu'il
était désormais nécessaire de laisser le maximum de
liberté aux employeurs et aux salariés. Précisant qu'il ne
s'agissait surtout pas de créer un nouveau produit d'épargne, il
a estimé que la sortie en rente était davantage
compréhensible et correspondait à l'objectif de conforter les
retraites. Concernant la transmissibilité, il a observé que
toutes les techniques assurantielles étaient disponibles pour prendre en
compte les aspirations de chacun.
M. Charles Descours, rapporteur,
a évoqué l'opinion
négative des retraités français sur les fonds de pension.
M. Jacques Creyssel
a répondu qu'un sondage montrait que 67 % des
Français se déclaraient favorables à " la mise en
place d'une épargne individuelle constituée en vue de la
retraite ". Il a insisté sur la nécessité de
prévoir des règles simples.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur la capacité
d'épargner pour un salarié au salaire minimum interprofessionnel
de croissance (SMIC) et sur les outils de politique contractuelle
nécessaires à la mise en place de tels fonds. Il s'est
demandé s'il était possible de s'inspirer de l'épargne
salariale.
M. Guy Fischer
a indiqué ne pas partager les options retenues par
le MEDEF. Il a évoqué l'accroissement des
inégalités. Il s'est interrogé sur le niveau de rente
susceptible d'être offert en moyenne par les fonds de pension et sur la
situation des PME.
M. André Jourdain
a demandé si le système de points
évoqué par M. Jacques Creyssel pour la pension servie par le
régime de base tenait compte de la pénibilité du travail
et des charges de famille.
Répondant à M. Jean Chérioux,
M. Jacques Creyssel
a
expliqué que la défense de la politique contractuelle
était pour le MEDEF un élément très important. Il a
indiqué que -dans la quasi-totalité des cas- les plans de
retraite seraient mis en place après un accord collectif.
Répondant à M. Guy Fischer, il a estimé que
l'évolution du niveau de vie avait avantagé, au cours des
dernières années, plutôt les retraités que les
actifs. Il a reconnu qu'il était naturellement plus difficile de mettre
en place de tels systèmes dans les PME, mais que des solutions pouvaient
être trouvées du côté des branches ou des groupements
d'entreprises. Evoquant la situation allemande, il a considéré
que la gestion, au sein de l'entreprise, des fonds de pension était plus
facile à comprendre, plus proche du salarié et des
mécanismes de l'épargne salariale.
Répondant à M. André Jourdain, il a précisé
que les éléments de solidarité nationale devaient
naturellement être conservés et qu'il fallait tenir compte du
nombre d'enfants. Il s'est interrogé cependant sur le bien-fondé
d'un dispositif consistant à faire prendre en charge ces dépenses
résultant de la politique familiale par la branche vieillesse.
Mme Agnès Lépinay
a rappelé que la pension du
régime de base avait déjà été
réformée, en passant des 10 aux 25 meilleures années.
Elle a estimé que la loi devait fixer des garanties pour les
bénéficiaires, mais qu'il était souhaitable de laisser
à la négociation contractuelle le soin de préciser
différentes modalités comme la possibilité de
systèmes de réversion.
Elle a considéré que l'une des prérogatives des
comités de surveillance des fonds de pension devait être la
possibilité de choisir le gestionnaire et, le cas échéant,
d'en changer.
Enfin, la commission a entendu
M. Jean-Claude Mallet, secrétaire
confédéral de la CGT-FO.
M. Jean-Claude Mallet
a exprimé son opposition aux deux propositions
de loi. Il a estimé que les fonds de pension ne constituaient, en aucun
cas, une réponse aux enjeux de financement des régimes de
retraite par répartition, en raison du temps nécessaire à
la constitution d'une épargne.
Il a noté que la Banque mondiale avait préconisé, en 1994,
la création de fonds de pension dans le monde, en s'appuyant sur le
système américain, qu'il a jugé fondamentalement
différent. Il a estimé que les conditions posées par le
Fonds monétaire international (FMI) pour accorder des aides
financières à la Turquie, relatives à la réforme
des régimes de retraite, étaient particulièrement
choquantes. Il a observé que la question de réagir ou non aux
investissements de l'épargne salariale américaine était
plus d'ordre économique que social. Indiquant qu'il s'était rendu
aux Etats-Unis à l'invitation de l'AFL-CIO, il a considéré
que les représentants des salariés n'avaient aucune part dans la
gestion. Il a estimé que de toute façon -dans le cadre de la
mondialisation- les fonds se déplaçaient vers les investissements
les plus rentables.
Il a considéré que le régime Préfon avait
été mis en place par des fonctionnaires du ministère des
finances, parce que la question des primes n'avait pas été prise
en compte pour le calcul des pensions de retraite. Concernant les
régimes Coreva et Madelin, il a estimé que la situation des
non-salariés était très différente -qui vendent
leur capital pour assurer leur retraite-. Il a observé que
l'épargne française était d'un niveau tout à fait
suffisant. Il a estimé que très peu de salariés avaient
une capacité d'épargne supplémentaire et que les avantages
fiscaux ne favoriseraient que les salariés les plus
privilégiés.
M. Charles Descours
a observé que le fonds de réserve
créé par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 devrait être abondé de plusieurs centaines de
milliards de francs pour être réellement utile. Il a
demandé si M. Jean-Claude Mallet était favorable à une
hausse des prélèvements obligatoires, pourtant refusée par
les Français, qui préfèrent la mise en place des fonds de
pension.
M. Jean-Claude Mallet
a indiqué qu'il fallait éviter de
reproduire, à propos de la réforme des retraites, les erreurs
commises dans le domaine de l'assurance maladie. Il a mis en doute la
qualité des sondages concluant à un choix des Français
pour les fonds de pension.
Il a estimé que la hausse des cotisations -y compris des
salariés- était possible si elle était clairement
justifiée. Il a considéré qu'il fallait éviter les
propos catastrophistes. Il a rappelé que la mission Charpin avait
chiffré à 12,1 % du produit intérieur brut (PIB)
l'effort accompli aujourd'hui en matière de retraite. Compte tenu d'un
chômage à 6 %, l'effort passerait à 15,1 %, ce qui ne
représente que 3 points supplémentaires. Il a indiqué que
sur les quarante dernières années, l'effort avait
été de 6 points, à la suite du rapport Laroque sur la
généralisation et l'amélioration du niveau des retraites.
Il a considéré que l'effort se résumait à cinq
milliards de francs supplémentaires tous les ans.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que les
prélèvements sociaux atteignaient un sommet qu'il convenait de ne
pas dépasser.
M. Jean-Claude Mallet
a indiqué que certaines recettes de la
sécurité sociale étaient " captées " par
l'Etat, comme les exonérations de cotisations non compensées. Il
a estimé que les comparaisons internationales en matière de
prélèvements obligatoires ne prenaient pas en compte la politique
de l'emploi.
M. Guy Fischer
, après avoir rappelé son opposition
à la mise en place de fonds de pension, a estimé que la
réforme de l'assiette des cotisations patronales restait à faire.
Il a évoqué les réactions très vives des
retraités face à la dégradation de leur pouvoir d'achat.
M. Jean-Claude Mallet
a considéré que la réforme
des cotisations patronales restait un objectif et que le financement des
trente-cinq heures avait pour conséquence de brouiller encore davantage
les relations complexes entre l'Etat et la sécurité sociale.