Proposition de loi relative aux licenciements des salariés de plus de cinquante ans
SOUVET (Louis)
RAPPORT 431 (98-99) - Commission des Affaires sociales
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N°
431
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans ,
Par M.
Louis SOUVET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
Première lecture :
1236
,
1251
et T.A.
219
.
Deuxième lecture :
1375
,
1415
et T.A.
257
.
Commission mixte paritaire :
1599
.
Nouvelle lecture :
1588
,
1608
et T.A.
324
.
Sénat
: Première lecture :
114
,
165
et T.A.
66
(1998-1999).
Deuxième lecture :
253
,
297
et T.A.
118
(1998-1999).
Commission mixte paritaire :
349
(1998-1999).
Nouvelle lecture :
390
(1998-1999).
Travail. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mercredi 16 juin 1999
,
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à
l'examen du rapport de M. Louis Souvet
sur la
proposition de loi n° 390
(1998-1999), adoptée
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à
limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
En remplacement de M. Louis Souvet, rapporteur, M. André
Jourdain
a présenté les grandes lignes du rapport
(cf.
exposé général).
M. Guy Fischer
a constaté que les positions respectives des deux
assemblées n'avaient pas évolué et a confirmé le
soutien de son groupe à cette proposition de loi.
La commission a ensuite examiné les amendements proposés par le
rapporteur.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article premier
qui assujettit à la " contribution Delalande " les ruptures de
contrat de travail des salariés ayant adhéré à des
conventions de conversion.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 2
qui soumet à la " contribution Delalande " les licenciements
des salariés ayant refusé le bénéfice de la
préretraite dans le cadre du FNE.
Elle a enfin adopté un amendement de suppression de
l'article 3
qui rend applicables les dispositions de la
présente proposition de loi à toutes les ruptures de contrat de
travail intervenant à compter du 1
er
janvier 1999.
Mesdames, Messieurs,
Réunie le 12 mai 1999 au Sénat, la commission mixte paritaire n'a
pas été en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions
restant en discussion de la proposition de loi tendant à limiter les
licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
Cela ne surprendra personne, tant étaient fortes les divergences de fond
qui séparaient nos deux assemblées et qui avaient conduit le
Sénat à rejeter à deux reprises - le 9 février et
le 11 mai 1999 - le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Le 27 mai 1999, l'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle
lecture le texte qu'elle avait adopté en première et en
deuxième lecture. Lors de ce débat, aucun élément
n'a été apporté permettant de justifier le
bien-fondé de cette proposition de loi et susceptible de faire
évoluer la position adoptée par le Sénat.
Avant de vous inviter à maintenir cette position, votre rapporteur
souhaite rappeler brièvement quelles ont été les raisons
qui ont conduit le Sénat à rejeter ce texte.
Cette proposition de loi, déposée par M. Alain Belviso et les
membres du groupe communiste et apparentés, vise à étendre
le champ de la " contribution Delalande " due pour le licenciement
d'un salarié de plus de 50 ans.
Elle soumet à cette contribution les ruptures des contrats de travail
des salariés ayant adhéré à des conventions de
conversion
(article premier)
et les licenciements des salariés
ayant refusé le bénéfice de la préretraite dans le
cadre du fonds national de l'emploi (FNE)
(article 2).
Elle prévoit que ces dispositions seront applicables pour toutes les
ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999, c'est-à-dire de manière rétroactive
(article
3).
Le Sénat a tout d'abord jugé que cette proposition de loi
reposait sur des fondements fragiles et contestables : les
prétendus contournements de la " contribution Delalande " par
les conventions de conversion ou par les refus de conventions de
préretraite n'apparaissent en effet pas prouvés.
La simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de
plus de 50 ans dans les entrées en convention de conversion semble
très insuffisante à démontrer un contournement massif et
un abus généralisé justifiant une intervention du
législateur.
Il nous a en outre paru contradictoire de faire porter la " contribution
Delalande ", qui procède d'une logique de sanction, sur les
conventions de conversion qui ont précisément pour objectif de
faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'a pu
être évité.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations concernant
d'éventuels abus ne reposent pas davantage sur des
éléments précis. Sur une moyenne de 20.000 entrées
en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus est
extrêmement faible et porte sur une soixantaine de salariés par an
seulement. Dans ces conditions, nous nous sommes interrogés sur le
bien-fondé d'une intervention du législateur pour réprimer
un nombre effectif d'abus probablement infinitésimal.
Le Sénat a jugé inacceptable le procès d'intention fait
aux entreprises, globalement considérées par les initiateurs de
cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux.
Il a dénoncé la logique de sanction et d'accroissement des
charges des entreprises qui animait cette proposition de loi. Là
où des dispositifs positifs, dynamiques et imaginatifs sont
nécessaires, la proposition de loi ne met en place que des mesures
pénalisantes et contraignantes pour les entreprises.
Le Sénat a exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui
entend préserver l'emploi, ne constitue en définitive un
véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés
âgés de 45 à 50 ans.
Dès lors il s'est interrogé sur la cohérence de la
politique que mène le Gouvernement en matière d'emploi des
salariés les plus âgés. Il est paradoxal d'augmenter la
" contribution Delalande ", afin de sanctionner les entreprises qui
licencient des salariés âgés de plus de 50 ans, tout en
encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur
pyramide des âges par des départs massifs et anticipés de
salariés " âgés ".
Le Sénat s'est également inquiété de l'affectation
des recettes supplémentaires que le Gouvernement attend de la majoration
et de l'extension de la " contribution Delalande ".
Alors que l'UNEDIC est, en application de l'article L. 321-13 du code
du travail, le seul bénéficiaire des sommes
prélevées au titre de la " contribution Delalande ", le
Gouvernement avait indiqué, par la voix de Mme Martine Aubry, ministre
de l'emploi et de la solidarité, que ces recettes supplémentaires
iraient à l'Etat si les partenaires sociaux se refusaient à
améliorer l'indemnisation du chômage des salariés
précaires.
Nos craintes ont été hélas confirmées par un
arrêté du 1er avril 1999 qui prive de facto l'UNEDIC du produit du
doublement de la " contribution Delalande ".
Cet arrêté augmente en effet la participation de l'UNEDIC au
financement des préretraites FNE d'un montant équivalent au
produit attendu du doublement de la " contribution Delalande ", soit
1,15 milliard de francs en 1999. La participation de l'Etat au financement de
ces préretraites en est réduite d'autant.
Cet arrêté a été très vivement
critiqué par l'UNEDIC qui a dénoncé
" une remise
en cause unilatérale des engagements de l'Etat "
et a
souligné que les dispositions de l'accord de 1987 ne pouvaient
être modifiées par un arrêté ministériel mais
par les seuls signataires de l'accord.
Lors d'une réunion du bureau de l'UNEDIC, le 3 juin dernier, l'ensemble
des organisations syndicales et patronales ont d'ailleurs décidé
de déposer un recours contre l'Etat pour protester contre cette
décision du Gouvernement.
Votre rapporteur souhaite enfin formuler un regret.
Si l'on peut naturellement concevoir que l'Assemblée nationale ait
souhaité, en nouvelle lecture, reprendre dans son texte de
première lecture les articles premier et deux, qui constituent le coeur
de la proposition de loi, on ne peut que déplorer qu'elle n'est pas
parallèlement modifié l'article 3, qui prévoit une
entrée en vigueur rétroactive de cette proposition de loi au
1
er
janvier 1999.
Dans la mesure où la proposition de loi ne sera vraisemblablement
promulguée qu'au début du mois de juillet prochain, votre
rapporteur reste convaincu que cette rétroactivité
soulèvera de redoutables problèmes pratiques et des risques de
contentieux.
Dans ces conditions, la suppression de l'article 3 que vous proposera votre
commission revêt une double signification : elle constitue, d'une
part, une disposition de coordination avec la suppression des articles premier
et deux ; elle permet, d'autre part, à l'Assemblée
nationale, comme l'article 45, alinéa 4, de la Constitution lui en
laisse la possibilité, de reprendre, en lecture définitive, cet
amendement voté par le Sénat et de supprimer par
conséquent cet article. La suppression de cet article se traduirait par
une entrée en vigueur de la loi selon les règles de droit commun,
c'est-à-dire à compter de sa promulgation.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose de maintenir
la position adoptée par le Sénat en première et en
deuxième lecture.
Elle vous propose de supprimer les trois articles de ce texte et de rejeter par
conséquent la proposition de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des ruptures de contrats de travail des
salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à
une convention de conversion
Cet
article insère un nouvel alinéa dans l'article L. 321-13 du
code du travail afin de prévoir que la " contribution
Delalande " est due également pour chaque rupture de contrat de
travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à
une convention de conversion.
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première et en deuxième lecture. En nouvelle lecture,
l'Assemblée nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait
adopté en première et en deuxième lecture.
Pour sa part, votre commission a rejeté cette sanction collective qui
frapperait la totalité des entreprises. Elle a en effet jugé
qu'aucun élément précis ne permettait de conclure
aujourd'hui à un contournement massif par les entreprises de la
" contribution Delalande " par l'utilisation du dispositif de la
convention de conversion.
Elle s'est refusée en outre à condamner l'utilisation des
conventions de conversion, qui peut constituer un outil précieux d'aide
au reclassement, pour les salariés âgés de plus de 50 ans.
Elle a enfin exprimé la crainte que cet article, qui entendait
préserver l'emploi, ne constitue en définitive un
véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés
âgés de 45 à 50 ans.
Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 2
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des licenciements de salariés ayant
refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE
Le
présent article propose une nouvelle rédaction de l'avant-dernier
alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail afin de
prévoir que la " contribution Delalande " n'est pas due dans
le cas où le salarié bénéficie d'une allocation
spéciale de préretraite du FNE.
Cette nouvelle rédaction de l'alinéa signifie
a contrario
que le refus par le salarié de la proposition de préretraite
assujettit l'employeur au versement de la " contribution Delalande ".
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première et en deuxième lecture. En nouvelle lecture,
l'Assemblée nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait
adopté en première et en deuxième lecture.
Votre commission a relevé que les affirmations des initiateurs de la
proposition de loi concernant d'éventuels abus liés aux
préretraites FNE n'étaient étayées par aucun
élément précis.
Elle a souligné que le nombre des refus de préretraite FNE
était extrêmement faible : il concerne une soixantaine de
salariés par an pour un total de plus de 20.000 entrées annuelles
en conventions d'ASFNE. Après avoir constaté que le refus du
salarié pouvait, dans certains cas, être motivé par une
indemnisation au titre de l'assurance chômage plus avantageuse que la
préretraite, votre commission a estimé que le nombre des refus
susceptibles de résulter d'une éventuelle pression de l'employeur
était, dans l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de
quelques dizaines à peine.
Dans ces conditions, votre commission s'est refusée à une
intervention législative destinée uniquement à sanctionner
quelques très rares abus éventuels.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 3
Date d'application des articles
premier et
2
Cet
article prévoit que les articles premier et 2 sont applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du
1
er
janvier 1999, c'est-à-dire de manière
rétroactive.
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première et en deuxième lecture. En nouvelle lecture,
l'Assemblée nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait
adopté en première et en deuxième lecture.
Par coordination avec les amendements qu'elle propose aux articles premier et 2
de la présente proposition de loi,
votre commission vous propose
d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Cette suppression permettrait de surcroît à l'Assemblée
nationale, comme l'article 45, alinéa 4, de la Constitution lui en
laisse la possibilité, de reprendre, en lecture définitive, cet
amendement voté par le Sénat et de supprimer par
conséquent cet article. Une telle suppression se traduirait par une
entrée en vigueur de la loi selon les règles de droit commun,
c'est-à-dire à compter de sa promulgation.