III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UNE ADAPTATION ÉQUILIBRÉE DU SÉNAT AUX ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ DEPUIS 1958
Les
propositions et le projet de loi qui nous sont soumis comportent trois
séries de dispositions, concernant :
- la répartition des sièges entre les
départements ;
- le nombre et le mode de désignation des
délégués des conseils municipaux dans le collège
électoral sénatorial ;
- le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs.
Le projet de loi comporte aussi des dispositions de caractère plus
technique.
A. NOMBRE DES SÉNATEURS ET RÉPARTITION DES SIÈGES ENTRE LES DÉPARTEMENTS
La
proposition de loi (n° 460 ; 1997-1998) présentée par
M. Guy Allouche et les membres du groupe socialiste tend à modifier la
répartition des sièges entre les départements.
Cette proposition de loi ne pourrait cependant pas être adoptée
avant la proposition de loi organique des mêmes auteurs, qui modifierait
le nombre total des sièges dans les départements, fixé
à 304 par l'article LO 274 du code électoral.
En effet, selon l'article 25 de la Constitution, le nombre des membres des
assemblées parlementaires est fixé par une loi organique, la
répartition des sièges entre les départements relevant
d'une loi ordinaire.
En revanche, le Gouvernement n'a pas déposé de projets portant
sur cette question, annonçant toutefois dans l'exposé des motifs
du présent projet de loi que des propositions seraient
présentées après la publication des résultats du
recensement de 1999.
Aucune proposition de loi ne tend pas à modifier la
représentation des autres collectivités d'outre-mer
28(
*
)
et celle des Français
établis hors de France
29(
*
)
.
Les sénateurs élus dans un cadre autre que celui du
département resteraient donc au nombre de 17 (5 pour les
collectivités d'outre-mer et 12 pour les Français résidant
à l'étranger).
Nos collègues du groupe socialiste proposent la création d'un
siège dans 17 départements et la suppression de
4 sièges dans 3 départements, l'effectif des
sénateurs dans les départements étant porté de 304
à 317.
Il s'agirait d'une actualisation démographique de la
représentation au Sénat des départements,
en appliquant
aux résultats du recensement de 1990 " la clé de
répartition " inspirée de la loi n° 48-1971
du 23 septembre 1948
.
Selon cette clé de répartition, qui sans constituer une
obligation légale a été utilisée lors de chaque
révision de l'effectif du Sénat intervenue sous la
Vème République, il est attribué un siège de
sénateur par département jusqu'à 154.000 habitants,
chiffre arrondi à 150.000 habitants par la proposition de loi, puis
un siège supplémentaire par tranche de 250.000 habitants, ou
fraction de 250.000 habitants.
Le groupe socialiste propose la création d'un siège dans les
départements suivants :
-
Série A
: Ain, Alpes-Maritimes,
Bouches-du-Rhône, Drôme, Haute-Garonne, Gironde, Hérault
-
Série B
: Isère, Maine-et-Loire, Oise
-
Série C
: Bas-Rhin, Haut-Rhin, Seine-et-Marne,
Yvelines, Var, Vaucluse, Val d'Oise.
Il propose aussi la suppression de quatre sièges :
-
Série A
: Creuse (1 siège)
-
Série C
: Hauts-de-Seine (1 siège), Paris
(2 sièges).
Les suppressions ou créations de sièges seraient effectives lors
du renouvellement triennal de la série à laquelle ils se
rattachent, à partir des élections sénatoriales de 2001.
Les créations de sièges auraient pour conséquence -sans
modification du seuil d'application du scrutin proportionnel- d'introduire ce
mode de scrutin dans cinq départements, puisque leur
représentation passerait de quatre à
cinq sénateurs
30(
*
)
.
Le nombre des sénateurs des départements élus au scrutin
proportionnel,
sans modification des modes des scrutins
, serait
porté de 98 à 123 (soit 40,46 % au lieu de 32,24 %) et
celui des sénateurs élus au scrutin majoritaire abaissé de
206 à 181 (soit 59,54 % au lieu de 67,76 %).
Comme votre rapporteur l'a déjà exposé, l'incidence de la
disposition proposée serait accrue si le seuil de 5 sièges pour
l'application du scrutin proportionnel était abaissé.
Une proposition de loi organique de Mme Hélène Luc et
les membres du groupe communiste, républicain et citoyen porterait
à 321 le nombre de sièges dans les départements. Cette
proposition de loi organique n'est cependant pas accompagnée d'une
proposition de loi modifiant la répartition des sièges entre les
départements. Selon son exposé des motifs, il serait
créé 17 sièges mais il n'y aurait aucune suppression de
sièges.
Le nombre des sénateurs élus dans les
départements
de métropole
et d'outre-mer
, fixé à 262 par
l'ordonnance n° 58-1097 du 15 novembre 1958, a ensuite
été porté à 271 lors de la création des
départements de la région parisienne par la loi
organique n° 66-503 du 12 juillet 1966.
Ce nombre a été établi à 304 par la loi
organique n° 76-643 du 16 juillet 1976, après
application implicite de la clé de répartition de 1948 aux
résultats du recensement de 1975.
Il s'est alors agit de la dernière modification importante de l'effectif
du Sénat et de la répartition des sièges entre les
départements.
L'effectif total du Sénat
(départements,
collectivités d'outre-mer, Français établis hors de
France) est passé de 268 en 1958 à 321 depuis octobre
1989
31(
*
)
.
Une mise à jour de la composition du Sénat, qui reflète
actuellement la situation démographique de la France en 1975, ne semble
donc pas pouvoir être contestée dans son principe.
En effet, dans sa décision n° 86-208 DC des 1
er
et
2 juillet 1986 sur la loi relative à l'élection des
députés, et autorisant le Gouvernement à délimiter
par ordonnance les circonscriptions électorales
32(
*
)
, le Conseil constitutionnel a
considéré que "
le respect dû au principe de
l'égalité de suffrage implique que la délimitation des
circonscriptions électorales pour la désignation des
députés fasse l'objet d'une révision périodique en
fonction de l'évolution démographique ; que la constatation
d'une telle évolution
peut
résulter de
chaque
recensement général de la population
".
Toutefois, il a estimé que si la loi déférée, en
prévoyant une nouvelle révision des limites des circonscription
après le deuxième recensement suivant la dernière
délimitation " (
méconnaissait
)
ce principe, elle
ne saurait cependant lier pour l'avenir le législateur ; que,
dès lors, en raison de son caractère inopérant, il n'y a
pas lieu de (la) déclarer contraire à la Constitution
".
Certes, il ne s'agit pas, pour le Sénat, de modifier les
circonscriptions elles-mêmes -elles resteraient constituées par le
département- mais, au travers de la répartition des sièges
entre ceux-ci, d'adapter le nombre de sièges dans les circonscriptions
d'élection des sénateurs. Le principe d'adaptation après
chaque recensement, retenu par le Conseil constitutionnel, pourrait donc,
semble-t-il, être interprété comme s'appliquant à
l'élection des sénateurs.
Dans ces conditions, le respect des principes constitutionnels, tels qu'ils
sont énoncés par la décision précitée du
Conseil constitutionnel concernant l'élection des députés,
n'implique pas qu'il soit dès maintenant procédé à
la révision de la répartition des sièges entre les
départements, même s'il semble conduire, ce qui apparaît
préférable à votre commission des Lois et comme le
Gouvernement s'y engage, à une révision après le
recensement de 1999.
En effet, les propositions de loi de M. Guy Allouche et de Mme
Hélène Luc sont basées sur les résultats du
recensement de 1990.
Or, depuis neuf ans, la population de certains départements a
évolué.
Il serait donc regrettable d'opérer dès maintenant une
révision de la répartition des sièges alors que les
données démographiques du recensement de 1990 ne sont plus
exactes et que les chiffres du recensement en cours, devraient être
connus au début de l'année 2001, donc avant le prochain
renouvellement, prévu en septembre 2001.
En conclusion sur ce point, votre commission des Lois vous propose de ne pas
modifier dès maintenant les règles concernant le nombre des
sénateurs et la répartition des sièges entre les
départements dans l'attente de la publication des résultats du
recensement et donc de ne pas retenir les dispositions concernant ces
points.