N°
427
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 juin 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur :
- le projet de loi relatif à l'
élection des
sénateurs
;
- la proposition de loi de MM. Henri de RAINCOURT, Jean ARTHUIS, Josselin
de ROHAN, Gérard LARCHER, Christian BONNET, Patrice GÉLARD,
Paul GIROD, Jean-Jacques HYEST et Jacques LARCHÉ modifiant le mode
d'
élection des sénateurs
;
- la proposition de loi de MM. Guy ALLOUCHE, Claude ESTIER et les membres du
groupe socialiste et apparentés tendant à modifier le tableau
n° 6, annexé à l'article L. 279 du code électoral
fixant le
nombre de sénateurs
représentant les
départements, ainsi que le tableau n° 5, annexé à
l'article L.O. 276 du code électoral relatif à la
répartition des sièges
de sénateurs
entre les séries
;
- la proposition de loi de MM. Guy ALLOUCHE, Claude ESTIER et les membres du
groupe socialiste et apparentés modifiant des dispositions du
code électoral relatives à l'
élection des
sénateurs
;
- la proposition de loi de M. Jean-Michel BAYLET et Mme
Joëlle
DUSSEAU
relative au mode d'
élection des
sénateurs
;
- la proposition de loi de Mme Hélène LUC, MM. Michel DUFFOUR,
Robert PAGÈS
,
Jean DERIAN
, Mme Marie-Claude BEAUDEAU,
M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Guy
FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT,
Louis MINETTI
, Jack
RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE et M. Paul VERGÈS relative
à l'
élection sénatoriale
,
Par M.
Paul GIROD,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Sénat
:
152
,
209
,
458
,
460
(1997-1998),
230
et
260
(1998-1999).
Elections et référendums. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le 15 juin 1999 sous la
présidence de
M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné, sur le rapport de M. Paul Girod, le projet de loi
relatif à l'élection des sénateurs.
Le rapporteur a tout d'abord constaté que les
évolutions
démographiques
de la France depuis 40 ans
justifiaient une
révision du régime électoral du Sénat
.
Il a estimé que
le choix des règles électorales ne
pouvait être dissocié de la fonction attribuée à
l'organe représentatif
, ce qui excluait l'élection des
sénateurs sur des bases identiques à celles des
députés, les attributions des assemblées n'étant
pas identiques.
Il a constaté que le rôle de
modérateur
et de
stabilisateur
rempli par le Sénat était facilité
par l'
élection de ses membres au suffrage universel indirect par les
élus locaux
La commission a considéré que la représentation de la
population dans sa globalité étant assurée par
l'Assemblée nationale, le Sénat, représentant les
collectivités territoriales comme la Constitution le prescrit, devait
exprimer leurs préoccupations et les diverses responsabilités
prises par les organes délibérants.
Elle a estimé en conséquence que la représentation des
collectivités territoriales ne pouvait s'établir sur des bases
exclusivement
démographiques, ce à quoi conduirait le
projet de loi en attribuant à chaque commune un
délégué pour 500 habitants, quand celle de
l'Assemblée nationale est fondée sur des bases
essentiellement
démographiques.
Elle a jugé paradoxal de prétendre accompagner une politique
d'aménagement du territoire, supposant en particulier un traitement
approprié des villes moyennes, par une minoration de la
représentation de ces communes.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose :
- de maintenir le principe d'un lien entre l'effectif du conseil municipal et
le nombre de délégués de la commune
;
- d'instituer des délégués supplémentaires dans
les communes d'au moins 9 000 habitants
(au lieu de
30 000)
à raison d'un délégué par tranche
entière de 700 habitants
(au lieu de 1 000)
en sus de
9 000 habitants
(au lieu de 30 000)
;
- de maintenir les modes de scrutin en vigueur pour l'élection des
délégués des conseils municipaux
;
- d'abaisser à quatre sièges le seuil à partir duquel
serait appliqué le mode de scrutin proportionnel pour l'élection
des sénateurs, afin d'assurer un équilibre entre les deux modes
de scrutin, aussi bien en nombre de sièges qu'en termes de population
représentée
;
- et, comme le prévoit le projet de loi, de généraliser la
possibilité de vote par procuration pour l'élection des
délégués des conseils municipaux ; de prévoir, dans
les départements soumis au scrutin proportionnel, que chaque liste
comporte au moins deux noms de plus qu'il y a de sièges à
pourvoir ; d'aménager les conditions de présentation des
candidatures au premier et au deuxième tour et d'instituer
l'émargement de la liste électorale par les grands
électeurs.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de
l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose
d'adopter le projet de loi.
Mesdames, Messieurs,
Il ne faut ni faire du mode de scrutin un enjeu plus grand que lui-même,
ni en négliger l'importance.
Qu'est-ce qu'un mode de scrutin ?
En fait c'est un procédé technique pour résoudre le
problème qui se pose à toute société
démocratique complexe : traduire les aspirations des différentes
parties de la population - des différents citoyens qui constituent le "
peuple "- pour en faire une expression organisée au niveau national.
Toute tentative de représentation bute sur cette difficulté. On
sait depuis Rousseau qu'il n'existe pas de représentation parfaite en
dehors d'une petite société démocratique dans laquelle la
communauté des citoyens est suffisamment restreinte pour pouvoir prendre
elle-même, collectivement, les décisions qui engagent son avenir.
Toute représentation est ainsi plus ou moins condamnée à
être une déformation de l'opinion. Cela est d'autant plus vrai que
le choix du mode de scrutin ne peut pas être guidé par la seule
recherche de l'exactitude. Tout dépend de l'institution qu'il est
censé constituer.
On ne peut donc dissocier le choix du mode de
scrutin de la fonction attribuée à l'organe
représentatif.
*
* *
De la
photocopie homothétique de la société à la
recherche d'une efficacité incarnée par un responsable
quasi-omnipotent, bien des degrés sont possibles.
Si l'on recherche un cénacle où
s'expriment de manière
exhaustive toutes les nuances
politiques et philosophiques de la
population, c'est évidemment la représentation proportionnelle
qui s'impose.
Si l'on recherche la
capacité de décision
, on fera le
choix, comme le général de Gaulle en 1962, de proposer
l'élection du président de la République au suffrage
universel direct. Dans le cas précis, le pouvoir du président de
la République est, bien entendu, compensé par un Parlement
élu. On donne ainsi la préférence à la
capacité de décision sur la perfection de la nuance dans la
représentation.
On sait bien que, du moment de ce choix, date une bipolarisation croissante de
la vie politique, bipolarisation que pendant toute notre histoire
républicaine nous avions jusque là essayé en vain de
structurer. Cette bipolarisation, fragmentation de l'opinion, rencontre
aujourd'hui, à la différence de ce qui se passe dans les autres
" démocraties historiques ", ses limites puisque, si l'on
croit les sondages, la situation actuelle où coexistent deux
majorités différentes semble recueillir l'assentiment d'une
majorité de nos concitoyens.
Le bicamérisme est, d'une certaine manière, une autre
réponse à la difficulté de résoudre la
contradiction entre exhaustivité de la représentation et
efficacité de la décision sur le terrain parlementaire.
Sauf à mettre en oeuvre la représentation proportionnelle
intégrale pour composer une assemblée unique -ce qui la
condamnerait à l'impuissance- l'expression de la souveraineté ne
peut être parfaite. C'est d'ailleurs l'un des autres apports de la
Constitution de 1958 que de mettre en avant la nécessité pour un
pays de posséder un gouvernement stable, s'appuyant sur une
majorité à l'Assemblée nationale, clairement
définie. La combinaison de l'ombre portée de l'élection
présidentielle au suffrage universel direct et du maintien, sauf une
brève parenthèse de deux ans, d'un scrutin majoritaire uninominal
à deux tours, par définition inégalitaire, a permis de
parvenir à ce résultat.
Personne aujourd'hui, ne cherche à remettre en cause le principe d'une
Assemblée nationale élue selon un principe principalement
majoritaire. Les esquisses de propositions qui ont été faites
depuis 10 ans et dont aucune n'a abouti ne visaient au plus qu'à
introduire dans la composition de l'Assemblée nationale une faible part
de membres élus selon un autre mode de scrutin que le scrutin
majoritaire.
Les expériences successives dites de cohabitation que nous avons connues
n'ont d'ailleurs en rien infirmé cette orientation. Mieux encore, les
élections de 1997 ont montré que le scrutin majoritaire à
deux tours, adapté à un peuple qui a accepté la
bipolarisation mais non la réduction de la vie politique à deux
seules formations, permettait de dégager les alliances
électorales nécessaires pour que des formations politiques,
même très peu représentatives, puissent accéder au
Parlement.
C'est un fait, chacun l'admet, y compris le Conseil constitutionnel qui a
contrôlé de très près le nouveau découpage
des
circonscriptions législatives
, que tout en étant assis
sur des considérations " essentiellement
démographiques ",
ce découpage doit tenir compte d'autres
éléments :
la nécessité d'un nombre
minimum de deux députés par département, les contraintes
du découpage en circonscriptions, (limites cantonales,
réalités naturelles, solidarité unissant certains
ensembles géographiques) etc. ou de tout autre élément
que le Conseil constitutionnel, qualifie d'" impératifs
d'intérêt général "
.
Avant d'engager une véritable révolution du mode
d'élection du Sénat, en se fondant sur le principe de
l'égalité " un homme une voix " dont on sait
très bien qu'il n'est même pas appliqué pour
l'Assemblée nationale, il convient donc de
se demander à
quelle fonction de la Haute assemblée répond le choix du mode de
scrutin sénatorial
.
Comme dans toute matière complexe, plusieurs approches sont utiles,
voire nécessaires.
*
* *
1-
D'abord
compléter les choix de la
représentation grâce à une diversification des
règles applicables
.
Que serait en effet une assemblée qui
serait élue à l'identique de la première ?
Elle ne
ferait que multiplier par deux les inconvénients du mode de scrutin.
Mieux vaut donc partir d'une base essentiellement différente. La
question qui demeure alors est de s'accorder sur cette base.
L'existence d'une part de représentation proportionnelle dans le mode de
scrutin sénatorial fait curieusement partie des règles les moins
connues de nos institutions publiques. Elle correspond à la
volonté de ne pas élire le Sénat dans le souci premier
de dégager une majorité
. Le gouvernement n'est en effet pas
responsable devant la seconde chambre et il n'y a pas lieu de rechercher en
priorité cet objectif. Sa nature et son rôle sont ailleurs.
2-
Les critères permettant de déterminer les règles
de composition de la seconde chambre sont à rechercher dans la tradition
et en particulier dans celle que le Conseil constitutionnel lui-même
qualifie de
" tradition républicaine "
, et dans les
spécificités mêmes de la société
française.
Sur le plan historique, le choix d'une seconde chambre issue principalement des
conseils municipaux correspond à un souci d'enracinement et de
réaction contre les excès d'un jacobinisme niveleur
. Il
prend en compte aussi une réalité sociale qui était
beaucoup plus visible à l'époque qu'aujourd'hui, à savoir
le fait que sur un
territoire relativement étendu
par comparaison
avec les autres pays d'Europe se trouvait une
population relativement faible
et très dispersée sur l'ensemble du pays.
3-
On ne saurait négliger d'évoquer le troisième
élément, qui partait du principe que, les zones rurales
étant considérées
a priori
comme conservatrices, le
Sénat pourrait le cas échéant soutenir un éventuel
retour à la monarchie. Il convient de faire justice sans délai de
ce dernier élément puisque l'on sait très bien que
très vite
le Sénat de 1875
est devenu
, notamment
grâce à Gambetta,
le premier soutien des nouvelles institutions
républicaines
.
De là est probablement née l'usage de l'expression de
Sénat
conservateur
qui, on ne le rappellera jamais assez,
ne s'appliquait qu'au Sénat nommé
du premier Empire.
Chacun ici en récuse à l'avance la filiation. Il serait sans
doute plus adapté de parler de
Sénat stabilisateur
des
institutions ("
conservateur de la République
", pour
reprendre une expression souvent employée sous la IIIème
République) voire de
Sénat modérateur
.
Il n'y a aucune raison aujourd'hui de rejeter cette différence entre
une assemblée qui incarnerait le mouvement (ou, pour être plus
juste, les fluctuations de l'opinion) et un Sénat qui aurait pour effet
de maintenir le cap à travers la vision plus sereine que lui assurerait
un mandat plus long et plus stable et l'absence aussi de la dissolution.
On peut même penser que l'élection du président de la
République au suffrage universel direct a accentué le besoin de
cette institution stabilisatrice. On sait très bien en effet que la
relative autonomie que la majorité de l'Assemblée nationale peut
espérer recouvrer en période de cohabitation disparaît
presque totalement lorsque la majorité des députés
coïncide avec la majorité présidentielle.
Le Sénat est alors le seul rempart contre toutes les initiatives
intempestives. C'est du reste sans doute fondamentalement pour cette raison,
cette nécessité de division du pouvoir, que les Français
par deux fois se sont déjà prononcés contre sa
suppression.
*
* *
A
côté de cette recherche de stabilisation institutionnelle doit
être placée la recherche d'un complément original de la
représentation.
On oublie trop souvent que l'histoire institutionnelle française
jusqu'à 1958, hormis une partie de la IIIème République,
celle d'avant la guerre de 1914, n'a été qu'une longue succession
d'alternances violentes, un excès répondant très vite
à l'autre. L'une des causes de ces alternances violentes a
été la très forte concentration du pouvoir au niveau
central, héritage conjoint de la monarchie et de la révolution.
Cet héritage de la révolution a fondé un type particulier
de démocratie dite
démocratie jacobine
, s'appuyant sur une
volonté d'unification, de pénétration systématique
dans la société d'un certain nombre de principes -au premier chef
celui d'égalité- qui a débouché sur ce que
Léon Blum appelait le tête-à-tête entre un citoyen
isolé et l'Etat. Beaucoup de gouvernements qui se sont
succédés, y compris ceux des premiers temps de la
Vème République, n'ont eu de cesse de supprimer ce que l'on
appelait jadis les " corps intermédiaires ".
Un aspect singulier mais fondamental de notre histoire collective est qu'en
dépit de cette volonté farouche et continue
une autre
démocratie
, bâtie sur un principe plus proche de ceux de nos
voisins, a réussi à se développer presque de façon
souterraine au niveau local et il faut rendre hommage à la politique de
décentralisation, non pas de l'avoir redécouverte, mais d'avoir
commencé à l'intégrer véritablement dans nos
institutions.
La démocratie locale
, qui ne s'assimile pas tout à fait
à la tradition girondine, est aujourd'hui un des points qui nous
rapprochent le plus de nos voisins, car partout autour de nous s'affirme la
nécessité de décentraliser le pouvoir et de rapprocher les
centres de décision des citoyens.
Elle est l'autre manière, tout aussi noble que la première, par
laquelle nos concitoyens s'impliquent dans la vie démocratique :
celle qui consiste à partager et assumer les décisions qui
concernent leur vie quotidienne et leurs solidarités de
proximité. Le faible taux d'abstention aux élections municipales
prouve d'ailleurs leur implication forte et citoyenne dans cette approche et
leurs élus locaux en retirent une responsabilité morale qui
inclut cet attachement à la vie démocratique locale.
Le choix d'une représentation qui s'enracinerait dans cette
démocratie locale ne saurait donc plus aujourd'hui être
qualifiée de recherche d'un enracinement conservateur
face à
un mode d'élection de la première chambre qui se voudrait
" moderne ". Cet enracinement dans la démocratie locale
correspond, au contraire, à la prise en compte d'une deuxième
tradition démocratique dont chacun de nous connaît la
vitalité et les espérances qu'on peut placer en elle.
C'est aussi s'insérer au coeur des problématiques contemporaines
qui plaident, face au développement de ce que d'aucuns appellent la
mondialisation, pour un
renforcement des identités
. Ces
identités sont d'ailleurs tout autant de nature historique que
géographique et sociale. A l'heure de la recherche ardente de toutes nos
origines, cet aspect des choses pèse de tout son poids.
Vient s'y ajouter, dans ce pays aux espaces ruraux relativement
désertés ou aux concentrations urbaines avec ses banlieues
indifférenciées, le rôle des communes moyennes, pôles
moteurs et de repère dans un cas, points d'équilibre dans
l'autre.
*
* *
On
pourrait ajouter une troisième considération très
importante pour tous les pays bicaméraux. Si l'on éprouve le
besoin d'une seconde chambre cela n'est pas seulement pour compléter la
représentation, c'est pour
se donner les moyens de faire la moins
mauvaise législation possible
. Ces moyens ne peuvent venir que de
deux regards différents
. Cette diversité de regards est
d'autant plus nécessaire que l'on sait très bien que
l'évolution du parlementarisme contemporain conduit à
privilégier l'initiative de l'exécutif par rapport à
l'initiative parlementaire.
A cet égard, on soulignera que l'article 24 de la Constitution
prévoit, d'une part, l'élection des sénateurs au suffrage
universel indirect et, d'autre part, que le Sénat assure la
représentation des collectivités territoriales.
Le
" regard différent "
que le Sénat apporte
dans l'élaboration de la loi
provient
de la mise en oeuvre de ces
deux principes constitutionnels et, en particulier,
du fait que les
" élus des élus locaux ", comme leurs électeurs,
sont nécessairement enracinés dans la vie locale
.
*
* *
Le choix
du mode de scrutin sénatorial doit donc être replacé dans
le contexte contemporain. L'important n'est pas de savoir si l'on est pour ou
contre le mode de scrutin au nom de principes théoriques, mais de savoir
si ce mode de scrutin convient bien au but pour lequel il a été
institué.
La recherche de la différence dans la représentation constitue
donc un objectif en lui-même aussi important que celui qui conduit
à rechercher un mode de scrutin qui assure à l'Assemblée
nationale une majorité du gouvernement.
Outre qu'elle correspond au principe contenu dans notre Constitution
l'aspect sénatorial de représentation des collectivités
territoriales dans toutes leurs dimensions doit continuer à dominer le
choix de son mode de scrutin
. Cet impératif est d'autant plus
évident aujourd'hui, qu'à travers la décentralisation, la
légitimité des communes, des départements et des
régions s'est trouvée renforcée.
Ce serait donc un comble que de remettre en cause cette filiation
sénatoriale au moment même où elle n'a jamais
été aussi légitime
. En revanche, l'équilibre
établi il y a plus de 40 ans peut être modifié. Ce ne
serait plus alors qu'une question de dosage. Encore faut-il que chacun
s'entende, Gouvernement compris, sur cette construction essentielle, non
seulement pour l'avenir du Sénat mais pour l'avenir de nos institutions.
Dans ce contexte, le débat sur le cumul des mandats se trouve
replacé dans sa véritable dimension, de même que celui de
l'aménagement du territoire, cette dernière question
revêtant pour la France, en raison de son histoire, de l'excessive
concentration de ses richesses dans la capitale et de l'appauvrissement pour
les provinces qui en est résulté, une importance qui appelle une
vigilance particulière.
En résumé le débat sur le mode de scrutin doit être
replacée dans son véritable contexte, celui du choix
institutionnel que nous entendons faire, tirant à cet égard les
enseignements de la Vème République qui n'a cessé de
valoriser le Sénat.
Si l'on pense qu'à l'heure de la décentralisation et de l'Europe
il est important qu'une de nos deux assemblées puise directement sa
source dans le territoire et surtout les collectivités qui y habitent,
commençons par l'affirmer et l'affirmer clairement.
Le débat sur le mode de scrutin pourra alors commencer pour ce qu'il
est, c'est-à-dire la recherche d'un juste équilibre entre, d'une
part, le critère démographique et, d'autre part, les divers
autres impératifs d'intérêt général :
-
Le besoin institutionnel
de conforter une institution
stabilisatrice et susceptible de conserver en toute circonstance un certain
recul par rapport à l'événement. Se trouvent ainsi
validés la non-dissolution, un mandat plus long que celui de
l'Assemblée nationale, la représentation indirecte et un
renouvellement progressif de l'assemblée.
-
La nécessité d'aboutir à une composition
suffisamment différente
de l'autre assemblée pour apporter un
autre regard sur la législation.
-
Le souci de tirer toutes les conséquences d'un mouvement
historique
qui n'est encore qu'amorcé et qui fait que notre pays
s'est rapproché avec la décentralisation de ce que l'on pourrait
appeler le droit commun européen. Ce mouvement est porteur d'une vision
plus ouverte sur la société et une façon moins
théorique et dogmatique d'aborder les problèmes qui se posent
à elle.
I. LE RÉGIME ÉLECTORAL DU SÉNAT EST DÉTERMINÉ PAR SA PLACE DANS LES INSTITUTIONS
A. UN PARLEMENT CONSTITUÉ DE DEUX ASSEMBLÉES AYANT DES CARACTÉRISTIQUES PROPRES...
1. Des compétences constitutionnelles différenciées
Le
bicaméralisme n'a d'intérêt que si chacune des
assemblées se distingue de l'autre, tant dans sa composition que dans
ses pouvoirs et c'est ainsi que la Constitution de la
Vè République a conçu le Parlement.
Son article 45 confère le pouvoir législatif à
l'Assemblée nationale et au Sénat, en établissant que
chaque projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les
deux assemblées en vue de l'adoption d'un texte identique.
Au cours de la navette parlementaire, une commission mixte paritaire peut
être constituée pour faciliter l'accord des deux assemblées
sur le texte en discussion, en principe indispensable à l'adoption
définitive d'une loi.
Les principes constitutionnels de la procédure législative sont
applicables dans des conditions égales au Sénat et à
l'Assemblée nationale.
Cependant, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée
nationale de statuer définitivement, en cas de désaccord
persistant entre les deux assemblées, sur les dispositions d'un texte
n'ayant pas fait l'objet d'un vote identique.
La primauté de l'Assemblée nationale, fondée sur son
élection au suffrage universel direct, ne s'exerce pas dans des
conditions égales sur tous les textes soumis au Parlement.
D'un côté, elle est plus accentuée en matière
financière, mais, d'un autre côté, les révisions
constitutionnelles et les lois organiques relatives au Sénat doivent
être adoptées dans les mêmes termes par les deux
assemblées, les autres lois organiques devant, faute d'accord,
l'être par l'Assemblée nationale à la majorité
absolue de ses membres.
Le Sénat, en dépit du possible " dernier mot " de
l'Assemblée nationale, apporte une contribution importante et reconnue
au travail législatif, le bicaméralisme inégalitaire
français n'empêchant pas la Haute Assemblée d'orienter de
façon déterminante l'élaboration de nombreuses lois, comme
votre rapporteur l'illustrera plus loin.
Le Sénat participe, au même titre que l'Assemblée
nationale, à la mission de contrôle de l'activité du
Gouvernement et des services publics. Les sénateurs peuvent, tout comme
les députés, interroger le Gouvernement (procédures de
questions), constituer des missions d'information et des commissions
d'enquête.
Cependant, s'il a la faculté de demander au Sénat l'approbation
d'une déclaration de politique générale,
le
Gouvernement n'est responsable que devant l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement peut engager sa responsabilité, seulement devant
l'Assemblée nationale, sur son programme ou sur une déclaration
de politique générale. L'Assemblée nationale peut seule
mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une
motion de censure, à la majorité absolue de ses membres.
Le Premier ministre ne peut engager que devant l'Assemblée nationale la
responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, puisque l'accord
de cette dernière est, dans tous les cas, indispensable à
l'adoption de la loi.
Dans ce cas, le texte est considéré comme adopté, sauf si
l'Assemblée nationale vote une motion de censure.
L'adoption d'une motion de censure ou le rejet par l'Assemblée nationale
du programme ou d'une déclaration de politique générale du
Gouvernement, contraint le Premier ministre à la démission.
L'existence du Gouvernement est donc conditionnée par une
majorité à l'Assemblée nationale
, ou du moins, par
l'absence d'expression d'un désaccord majeur, par le biais d'une mise en
cause de sa responsabilité (rejet du programme ou d'une
déclaration de politique générale ; vote d'une motion
de censure) ou du rejet de textes qu'il considérerait essentiels
à la mise en oeuvre de sa politique.
En contrepartie, seule l'Assemblée nationale peut être
dissoute
par décret du président de la République.
Le Gouvernement s'appuie nécessairement sur une majorité à
l'Assemblée nationale, tout changement de majorité dans cette
assemblée impliquant la nomination d'un nouveau gouvernement dont
l'orientation politique correspondra à celle de la nouvelle
majorité parlementaire.
En revanche, le Sénat ne dispose pas de la primauté en
matière législative et ne peut mettre en cause la
responsabilité du Gouvernement.
Le Sénat peut donc avoir une majorité politique différente
de celle de l'Assemblée nationale sur laquelle s'appuie le Gouvernement,
sans pour autant que le fonctionnement normal des institutions en soit
affecté.
Le Gouvernement, s'il doit tenir compte de la volonté des deux
assemblées du Parlement, peut conduire l'essentiel de sa politique sans
l'accord en toutes circonstances d'une majorité au Sénat comme on
a pu le constater depuis le début de la présente
législature ou lors des VII° et IX° législatures, entre
1981 et 1986 puis entre 1988 et 1993.
La majorité au Sénat ne conditionne ni la composition
politique du Gouvernement, ni l'essentiel de la mise en oeuvre de son programme
législatif. En conséquence, il n'est pas nécessaire que le
Sénat puisse être dissous et que ses membres soient élus
selon des règles garantissant une concordance de majorité.
Le rapprochement des principes de base d'élection des
députés et des sénateurs ne pourrait se justifier que si,
parallèlement, leurs missions législatives et de contrôle
étaient elles-mêmes rapprochées, ce que nul ne propose.
Au demeurant une telle évolution limiterait l'intérêt du
bicaméralisme.
L'Assemblée nationale exprime, par son élection au suffrage
universel direct, l'orientation que les électeurs souhaitent apporter au
pays et les changements de majorité qu'elle connaît traduisent
l'évolution de la pensée du corps électoral.
Le Sénat n'ayant pas la même place dans les institutions, n'a
pas à traduire instantanément les variations de l'opinion.
Cela ne signifie pas que la composition politique du Sénat ne peut
jamais connaître de modification, mais que les changements,
décidés par le
corps électoral
sénatorial,
le sont de manière progressive et non brutale.
Ils traduisent des tendances lourdes et non des changements moins
prononcés et plus temporaires
.
La composition du Sénat n'est pas affectée par les alternances
politiques à l'Assemblée nationale, le mandat de neuf ans du
sénateur ne pouvant pas être interrompu par une dissolution, et la
Haute Assemblée étant renouvelée non pas
intégralement mais par tiers tous les trois ans.
Cela permet au Sénat d'exprimer une
certaine permanence de la
France, au-delà de sa diversité
, et d'assurer la
préservation des repères
fondamentaux du pays
, que
peuvent parfois occulter certaines modes et certains empressements.
Disposant d'une certaine durée, les sénateurs examinent
sereinement et sans
a priori
systématique les textes qui leur
sont soumis, le Sénat apportant ainsi une contribution essentielle au
travail législatif.
2. Une contribution déterminante du Sénat à l'élaboration des lois
Le
pouvoir reconnu à l'Assemblée nationale de statuer
définitivement, si le Gouvernement le demande, sur tout ou partie d'un
projet ou d'une proposition de loi pour lesquels les deux assemblées ne
sont pas parvenues à un accord au terme de la navette parlementaire, ne
signifie pas que le Sénat n'apporte pas une part décisive
à l'élaboration de la loi.
Tout d'abord, le "
dernier mot
" ne peut être
donné à l'Assemblée nationale sur les projets de loi
constitutionnelle et sur les projets de loi organique relatifs au
Sénat.
Ainsi, les
Traités de Maastricht et d'Amsterdam
, dont la
ratification a nécessité une révision préalable de
la Constitution, n'auraient-ils pas pu être ratifiés sans l'accord
du Sénat sur les révisions nécessaires.
Même lorsque la majorité politique à l'Assemblée
nationale est différente de celle du Sénat, l'Assemblée
nationale ne statue pas en dernier ressort sur tous les textes, puisque, au
cours de l'année 1998, sur 88 textes adoptés
définitivement (50 textes hors conventions internationales), 13
seulement l'ont été sans l'approbation du Sénat.
La
navette parlementaire permet donc le plus souvent aux deux assemblées de
parvenir à un accord, avec ou sans recours à la commission mixte
paritaire.
En 1998, 42 % des amendements adoptés par le Sénat ont
été ensuite repris par l'Assemblée nationale
. Certains
de ces amendements, pour revêtir un
caractère technique
,
n'en n'ont pas moins d'importance, car ils contribuent de manière
déterminante aux conditions de mise en oeuvre des textes ou à
leur lisibilité.
Ainsi en a-t-il été récemment lors de l'examen des lois
organique et ordinaire n° 99-209 et n° 99-210 du
19 mars 1999 relative à la
Nouvelle-Calédonie
où l'analyse juridique attentive du Sénat, se traduisant par la
réécriture ou l'écriture de très nombreux
articles
, s'est imposée à l'Assemblée nationale.
La qualité de la participation du Sénat au travail
législatif de
codification
(par exemple, code
général des collectivités territoriales) pourrait aussi
être citée à ce titre.
L'apport du Sénat à l'élaboration des lois ne se limite
pas à un travail technique, aussi important soit-il.
La discussion sur les projets de loi relatifs aux collectivités
territoriales est naturellement marquée de l'empreinte du Sénat,.
Pour prendre un exemple récent, grâce au Sénat, la loi
n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux
polices municipales
comporte des dispositions facilitant un partenariat équilibré
entre l'Etat et les collectivités territoriales pour la coordination des
services de la police nationale et des polices municipales.
De même, la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996
relative à la mise en oeuvre du
pacte de relance pour la ville
comporte de nombreuses dispositions résultant des travaux du
Sénat, ponctués par le rapporteur de la commission des affaires
économiques, notre collègue M. Gérard Larcher.
L'impact des travaux du Sénat sur le contenu des lois ne se limite
d'ailleurs pas à celles concernant les collectivités
territoriales.
Ainsi, dans l'examen d'une proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale, tendant principalement à renforcer les
incitations fiscales aux dons en faveur des associations, le Sénat
a-t-il pris l'initiative d'instaurer un
contrôle de la Cour des
comptes sur les associations faisant appel à la
générosité publique
. Une actualité
récente a démontré la pertinence de cette disposition,
insérée dans la loi n° 96-559 du 24 juin 1996.
Certaines lois importantes sont dues à l'initiative de sénateurs,
comme, par exemple, celle sur la
prestation spécifique
dépendance
, issue d'une proposition de loi de notre collègue
M. Jean-Pierre Fourcade, faisant suite à une proposition de M.
Lucien Neuwirth (loi n° 97-60 du 24 janvier 1997), ou celle
sur le
bracelet électronique
(proposition de loi de
M. Guy Cabanel, devenue loi n° 97-1159 du
19 novembre 1997).
La loi sur les
fonds de pension
n'est certes pas formellement issue de
la proposition de loi de notre collègue, M. Philippe Marini,
déposée en 1992 et rapportée ensuite par les commissions
compétentes en juin 1993.
Pourtant, les principales dispositions de la loi n° 97-277 du 25 mars
1997, issues d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée
nationale, sont inspirées du premier texte adopté à
l'initiative du Sénat.
C'est encore plus vrai de la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à
garantir le droit à l'accès aux
soins palliatifs
dont la
paternité revient pour une très large part à notre
excellent collègue Lucien Neuwirth, auteur de l'une des propositions de
loi à l'origine de ce texte.
L'extension de
l'aide juridictionnelle aux mineurs dans le cadre de la
médiation pénale
résulte également d'un
amendement du Sénat lors de l'examen de la loi n° 98-1963
du 18 décembre1998 relative à l'accès au droit et
à la résolution amiable des conflits. On pourrait multiplier les
exemples...
A contrario, la prééminence législative de
l'Assemblée nationale n'a pas empêché le Sénat de
faire obstacle à des textes ou à des dispositions mettant en
cause des principes constitutionnels ou dont les objectifs rencontraient
l'hostilité d'une large partie de l'opinion publique,
le cas
échéant en saisissant le Conseil constitutionnel.
Ainsi en a-t-il été
en 1971
, lorsqu'un projet de loi
remettait en cause la
liberté d'association
, le Conseil
constitutionnel ayant été saisi par le président
Alain Poher, et
en 1977
au sujet des conditions de
fouille
des
véhicules
(saisine du Conseil constitutionnel par plus de
60 sénateurs).
Dans les deux cas, la concordance des majorités politiques dans les
deux assemblées n'a donc pas empêché le Sénat de
veiller efficacement au strict respect de droits fondamentaux remis en cause
par l'Assemblée nationale.
Si le Sénat n'a pu faire obstacle au vote par l'Assemblée
nationale de la loi de
nationalisation en 1982
, certaines de ses
objections, concernant la juste et préalable indemnisation, ont
été retenues par le Conseil constitutionnel, également
saisi. D'une certaine façon, bien qu'adoptée sans son accord,
cette loi a néanmoins été marquée de l'empreinte du
Sénat.
Approuvé par une large partie de l'opinion publique, le Sénat
a contraint, en 1984, le Gouvernement à renoncer à son projet de
loi concernant l'enseignement privé.
Il reste aujourd'hui à savoir
si certaines interrogations
soulevées par le Sénat
, lors de la discussion des lois sur la
réduction à
35 heures
de la durée hebdomadaire
du travail, sur les
emplois-jeunes
ou sur le
PACS
, non prises en
compte à l'Assemblée nationale,
ne finiront pas par
prévaloir à moyen terme.
Le travail de réflexion et de contrôle du Sénat, dont la
grande qualité est souvent reconnue, concourt aussi à certaines
modifications législatives, soit en débouchant directement sur le
dépôt d'une proposition de loi, soit en guidant les
délibérations du Sénat sur des projets de loi qui lui sont
présentés.
Peuvent être cités en particulier les lois de juillet 1996
sur la
réglementation des télécommunications
et
sur l'entreprise nationale France
Télécom
, dont les
dispositions sont fortement inspirées d'un rapport d'information de
notre collègue, M. Gérard Larcher, publié en
mars 1996
1(
*
)
.
De même, le rapport d'information de nos collègues,
MM. Claude Huriet et Charles Descours sur la
sécurité sanitaire
2(
*
)
, a-t-il été à la
source de la loi n° 98-535 du 1
er
juillet 1998 relative au
renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la
sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Ce texte a institué deux agences de sécurité sanitaire,
l'une sur les produits de santé, l'autre sur les aliments.
Après l'annonce en février 1996 par le président de la
République du projet de réforme du
service national
, un
rapport d'information de notre collègue,
M. Serge Vinçon a été publié en mai de la
même année
3(
*
)
. Ses
propositions, destinées à adapter l'appareil de défense
à la professionnalisation des armées, ont été
reprises, pour l'essentiel, dans les projets de loi déposés au
Parlement au printemps puis à l'automne 1997 et figurent en bonne place
dans la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997.
Le travail approfondi d'un groupe de travail constitué à
l'initiative de notre collègue, M. Jacques Larché,
président de la commission des Lois, a permis d'écarter, dans le
code pénal, la
responsabilité pénale des
élus
pour des faits d'imprudence si l'auteur a accompli
"
les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de
la nature de ses fonctions ou de ses missions, de ses compétences ainsi
que du pouvoir ou des moyens dont il disposait
" (loi n° 96-393
du 13 mai 1996).
A la suite de l'adoption d'une directive communautaire sur
l'organisation
juridique des places financières
, les travaux d'un groupe de travail
présidé par notre collègue, M. Philippe Marini,
publiés en juillet 1994
4(
*
)
ont été à la
source d'une action menée durant plusieurs années par le
Sénat pour obtenir du Gouvernement qu'il dépose un projet de loi
tendant à transposer cette directive et pour que les dispositions
retenues soient pleinement satisfaisantes.
Le dépôt, puis l'examen par la commission des Finances du
Sénat d'une proposition de loi s'inspirant des conclusions du groupe de
travail a conduit le Gouvernement à élaborer un avant-projet de
loi tendant à une transposition "
à minima
",
puis, devant les objections exprimées par la même commission, un
projet plus complet qui devait encore subir, au cours de la procédure au
Sénat, des modifications importantes que l'Assemblée nationale a
ensuite retenues pour l'essentiel (loi n° 96-597 du 2 juillet 1996).
La réflexion approfondie d'un groupe de travail présidé
par notre collègue, M. Alain Lambert
5(
*
)
, a permis à la commission des
Finances de concevoir une politique cohérente en matière de
fiscalité immobilière
qui s'est traduite dans de
nombreuses dispositions intégrées dans divers textes entre 1993
et 1998 à l'initiative ou sur l'inspiration du Sénat.
Une activité régulière de réflexion de la
commission des Lois, sur les questions de la
justice
, a permis au
Sénat ensuite d'adopter des dispositions importantes et retenues dans
les textes de loi.
A la source des positions de cette commission, les rapports d'information sur
la
présomption d'innocence
6(
*
)
, de son président,
M. Jacques Larché, et celui de MM. Charles Jolibois
et Jacques Bérard
7(
*
)
,
ou encore celui de MM. Pierre Fauchon et Charles Jolibois sur
les
moyens de la justice
8(
*
)
.
Ces travaux ont permis au Sénat de diagnostiquer de longue date
l'asphyxie de la justice et la nécessité de ne pas adopter de
nouvelles réformes sans prévoir les moyens nécessaires
pour les mettre en oeuvre (par exemple, sur la question de la
collégialité des juges d'instruction pour la mise en
détention ou sur l'institution d'un deuxième degré de
juridiction en matière d'assises).
Ces travaux qui s'inscrivent dans la continuité de ceux de
MM. Arthuis et Haenel marquent l'intérêt de la Haute
assemblée pour cette question. Ils ont permis de préparer
l'examen par la commission des Lois, puis par le Sénat des divers
projets de loi sur la justice, en instance ou en préparation.
Parmi les dispositions législatives déjà adoptées
à l'initiative du Sénat et traduisant ces travaux sur la justice,
on peut citer la création des
assistants de justice
ou encore le
développement des
pouvoirs d'injonction du juge administratif
(loi n° 95-125 du 8 février 1995).
On remarquera enfin que les travaux du Sénat ont pu permettre une
évolution de la réflexion sur des sujets de société
comme
la prise en charge de
la douleur
9(
*
)
dont les premières traductions
législatives (obligation légale pour les établissements
hospitaliers et sanitaires et sociaux de prendre en charge la douleur) ont
été suivies de plusieurs autres (loi du 9 juin 1999
précitée sur les
soins palliatifs
).
Il arrive aussi que des propositions de loi adoptées par le
Sénat soient bloquées à l'Assemblée nationale,
faute d'être inscrites à son ordre du jour.
Ainsi en est-il, par exemple, de la proposition de loi de notre
collègue M. Nicolas About sur la prestation compensatoire en
matière de divorce ou encore de celle de notre collègue
M. Alain Vasselle relative à une meilleure prise en charge de
la maladie d'Alzheimer.
L'image que certains ont tenté de diffuser d'un Sénat refusant
systématiquement toute réforme apparaît donc totalement
erronée.
Si la Haute Assemblée s'est légitimement opposée, parfois
avec succès, à des textes mettant en cause des principes
essentiels de notre démocratie, elle s'est, en revanche,
fréquemment trouvée à la source de réformes
importantes pour la vie des Français, aussi bien lorsque sa
majorité politique correspondait à celle de l'Assemblée
nationale que dans le cas contraire.
A contrario
, la discordance des majorités des deux
assemblées a parfois bloqué des initiatives sénatoriales
attendues dans le pays que l'Assemblée nationale refusait d'inscrire
à son ordre du jour.
La contribution du Sénat à l'élaboration des lois, loin de
se limiter à des dispositions de caractère technique ou
même aux textes concernant les collectivités territoriales,
embrasse l'ensemble du champ législatif.