V. SÉANCE DU MERCREDI 4 MAI 1999
A. AUDITION DE M. JEAN-PIERRE DAVANT, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE LA MUTUALITÉ FRANÇAISE (FNMF)
Sous
la présidence de
M. Jean Delaneau
,
président,
la
commission a poursuivi ses
auditions sur le projet de loi n° 338
(1998-1999)
portant
création d'une couverture maladie
universelle
(CMU).
Elle a tout d'abord entendu
M. Jean-Pierre Davant, président de la
fédération nationale de la mutualité française
(FNMF).
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité connaître la
position générale de la FNMF sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle. Il lui a aussi
successivement demandé combien les mutuelles allaient-elles perdre
d'adhérents avec la mise en oeuvre de ce dispositif, s'il estimait qu'il
était réaliste d'affirmer, comme le faisait le Gouvernement, que
la CMU aurait un coût annuel de 9 milliards de francs et si la FNMF
était à l'origine du chiffrage du coût de la couverture
complémentaire individuelle à 1.500 francs par an. Il l'a
interrogé sur le financement du dispositif et sur la
légitimité de la participation des représentants des
organismes complémentaires au Conseil d'administration du fonds
chargé de financer la CMU. Il lui a demandé de porter une
appréciation sur la pertinence du système imaginé par
l'Assemblée nationale pour limiter les effets de seuil qui
résulteraient de l'application du projet de loi. Il l'a enfin
interrogé sur la définition de l'assiette de la contribution des
organismes complémentaires instituée par ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Davant
a affirmé qu'il n'était pas
acceptable que des personnes n'aient pas accès au système de
soins, surtout dans un contexte où la collectivité nationale
consacrait des ressources aussi importantes pour le financer. S'il a
estimé que la CMU pouvait constituer une réponse à ce
problème pour les citoyens qui en seraient bénéficiaires,
il a déclaré qu'il aurait été possible de
construire un autre dispositif que celui qui avait été
prévu par le projet de loi. Il a notamment critiqué le fait que
les organismes de protection sociale complémentaire soient
appelés à financer la couverture maladie universelle et soient
parallèlement opposés aux caisses primaires d'assurance maladie
pour la mettre en oeuvre. Il a également observé que le projet de
loi mettait les mutuelles en concurrence avec les compagnies d'assurance alors
que ces deux types d'institutions n'incarnent pas la même éthique
à l'égard de leurs assurés.
M. Jean-Pierre Davant
a indiqué que 10 à 15 % des
adhérents actuels des mutuelles interprofessionnelles seraient demain
bénéficiaires de la CMU et que ce taux était beaucoup plus
élevé pour les mutuelles qui assuraient la couverture
complémentaire maladie des personnes non salariées. Soulignant le
paradoxe de l'institution d'une couverture maladie universelle avant celle
d'une assurance maladie universelle et les difficultés
rencontrées pour obtenir une bonne connaissance des revenus des
indépendants, il a estimé qu'au moins 20 % des personnes
adhérant à des mutuelles de non salariés auraient
désormais la possibilité de ne plus acquitter la cotisation pour
leur couverture complémentaire.
M. Jean-Pierre Davant
a estimé que l'évaluation d'un
coût de 9 milliards de francs pour la mise en place de la CMU
était probablement correcte pour la première année
d'application du dispositif, mais a fait part d'une beaucoup plus grande
incertitude pour les années qui suivraient. Evoquant l'estimation de
1.500 francs par personne et par an, il a apporté plusieurs
précisions de nature à en relativiser la pertinence. Il a ainsi
indiqué qu'elle avait été obtenue sur une base
correspondant aux dépenses réalisées en 1995, et qu'il
faudrait donc ajouter 15 % de cette somme pour obtenir un chiffrage
réaliste au 1
er
janvier 2000. Il a aussi
affirmé que l'estimation avait été réalisée
sur la base des dépenses engagées pour des personnes
âgées de moins de 65 ans et indiqué que le coût de la
couverture complémentaire des personnes plus âgées
s'élevait en moyenne à 2.500 francs. Enfin, il a
estimé que le coût de la couverture complémentaire
dépendrait de la nature des accords qui pourraient être conclus
entre les régimes obligatoires, les organismes de protection sociale
complémentaire et les professionnels, craignant une explosion
financière du coût de la CMU si les pouvoirs publics
cédaient à la pression de ces derniers, notamment en
matière dentaire et optique.
M. Jean-Pierre Davant
a déclaré prendre acte de
l'institution d'une contribution à la charge des organismes de
protection sociale complémentaire, observant à cet égard
que la mutualité en acquitterait l'essentiel en raison de sa position
sur le marché de la protection complémentaire maladie.
Répondant à l'argument selon lequel les mutuelles disposaient de
réserves financières importantes qui pourraient être
utilisées pour acquitter la nouvelle contribution, il a affirmé
que ces réserves devraient être accrues plutôt que
réduites dans le cadre de l'évolution européenne et qu'en
dernier ressort les véritables contributeurs seraient les
adhérents des mutuelles. Il a estimé légitime que les
organismes de protection sociale complémentaire participent au conseil
d'administration du fonds chargé du financement de la CMU.
Répondant à la question du rapporteur sur la création, par
l'Assemblée nationale, d'un nouveau fonds dont les dépenses
permettraient de limiter des effets de seuil
, M. Jean-Pierre Davant
a fait part de ses plus grandes réserves sur ce dispositif et il a
estimé que seul un système faisant appel à une cotisation
des bénéficiaires serait de nature à satisfaire cet
objectif. Il a rappelé que la mutualité avait mis en place des
systèmes solidaires permettant aux personnes titulaires de faibles
revenus d'accéder à la protection complémentaire. Il a
exprimé le voeu que l'institution de la CMU soit une mesure temporaire,
dans l'attente d'une meilleure gestion du système de soins permettant
à tous d'y accéder.
Evoquant enfin la définition de l'assiette de la contribution des
organismes de protection sociale complémentaire,
M. Jean-Pierre
Davant
a affiché sa préférence pour une
référence au montant des prestations versées en
matière de santé.
M. Charles Descours, rapporteur,
a interrogé le président
de la FNMF sur la prise de position d'une mutuelle de la fonction publique,
selon laquelle l'institution de la couverture médicale universelle telle
qu'elle était prévue par le projet de loi portait en germe une
privatisation de la sécurité sociale. Il s'est demandé si
les caisses primaires d'assurance maladie auraient les moyens de
contrôler effectivement le niveau des ressources des personnes qui
sollicitaient le bénéfice de la CMU.
Il a enfin demandé à M. Jean-Pierre Davant quelles institutions
seraient chargées de déterminer le panier de soins remboursables
et si la perte de 20 % d'adhérents entraînée par
l'institution de la CMU pouvait menacer l'existence de certaines mutuelles.
M. Jean-Pierre Davant
a estimé que la mise en concurrence des
caisses primaires et des organismes de protection sociale complémentaire
constituait un réel danger politique.
Il a émis des doutes sur l'importance des moyens dont disposaient les
caisses primaires pour appréhender de manière efficace l'ensemble
des ressources des personnes sollicitant le bénéfice de la CMU.
M. Jean-Pierre Davant
a affirmé que l'accord qui venait
d'être conclu entre la caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs salariés (CNAM) et les représentants des mutuelles
et des compagnies d'assurance ne concernait pas seulement les
bénéficiaires de la CMU, mais l'ensemble des assurés
sociaux. Il a indiqué que les organismes de protection sociale
complémentaire avaient le choix, soit d'acquitter une contribution
représentant 1,75 % de leur chiffre d'affaires, soit d'entrer
véritablement dans la gestion du dispositif de la CMU. Affirmant sa
préférence pour un scénario partenarial avec la CNAM, il a
affirmé que si les organismes de protection sociale
complémentaire n'étaient pas associés à la
maîtrise du dispositif, ils se contenteraient de payer la taxe, l'Etat
étant alors invité à assumer ses responsabilités.
M. Jean-Pierre Davant
a confirmé que l'avenir de certaines
mutuelles de petite dimension pourrait être menacé par
l'institution de la CMU.
Interrogé par
M. Jean Delaneau, président,
il a
précisé que de grandes mutuelles avaient maintenu un
système de solidarité se traduisant par des cotisations
proportionnelles aux salaires des adhérents et que d'autres avaient mis
en place des cotisations en fonction de l'âge, afin de permettre au plus
grand nombre d'accéder à une couverture complémentaire.
M. François Autain
a demandé à M. Jean-Pierre
Davant s'il accordait sa préférence à un système
où les caisses primaires d'assurance maladie continuent d'assumer la
mission qui est la leur plutôt que d'entrer dans le champ de la
protection sociale complémentaire.
M. Jean-Pierre Davant
lui a répondu par l'affirmative.