C. AUDITION DE M. JEAN-LOUIS FAURE, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU CENTRE TECHNIQUE DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE (CTIP)
M.
Jean-Louis Faure
a indiqué que le CTIP représentait
74 institutions et unions adhérentes, soit 97 % des
institutions de prévoyance. Exposant l'histoire et présentant les
missions des institutions de prévoyance, il a rappelé que
l'ordonnance du 4 octobre 1945, instituant le régime
général de la sécurité sociale, avait prévu
la création d'organismes de prévoyance à gestion paritaire
" en vue d'accorder des avantages s'ajoutant à ceux qui
résultent de la sécurité sociale ".
M. Jean-Louis Faure
a précisé que l'apparition des
régimes de prévoyance datait de la convention collective
nationale du 14 mars 1947 portant création du régime de
retraite complémentaire des cadres (AGIRC). Par la suite, le
bénéfice des garanties de prévoyance avait
été étendu à l'ensemble des salariés,
notamment à l'occasion de la signature d'autres accords de retraite.
Avec le développement des accords de prévoyance
complémentaire, les années soixante avaient vu la création
d'entités distinctes des caisses de retraite, professionnelles ou
interprofessionnelles.
M. Jean-Louis Faure
a souligné que les activités de
prévoyance et de retraite devaient, depuis la loi du 8 août
1994, être obligatoirement gérées par des personnes morales
différentes : institutions de retraite complémentaire pour
la retraite et institutions de prévoyance pour la prévoyance.
Il a ajouté que les institutions de prévoyance, entreprises
d'assurance au sens des troisièmes directives européennes sur
l'assurance, avaient une double originalité : elles pouvaient
couvrir tous les risques liés à la personne humaine, et
uniquement ceux-ci ; elles ne pouvaient couvrir que des salariés et
des anciens salariés des entreprises adhérentes. Il a
précisé que les institutions de prévoyance étaient
des sociétés de personnes à but non lucratif,
gérées paritairement.
M. Jean-Louis Faure
a indiqué que les institutions de
prévoyance avaient couvert en 1997, à travers 1,6 million
d'entreprises adhérentes, plus de 11 millions de participants
salariés et anciens salariés, soit environ 20 millions de
personnes avec les ayants droit. Il a précisé qu'elles avaient
perçu 37 milliards de francs de cotisations.
Evoquant l'activité des institutions de prévoyance en
matière de couverture complémentaire santé, M. Jean-Louis
Faure a indiqué que les 51 institutions concernées avaient
couvert à ce titre plus de 4,3 millions de salariés et d'anciens
salariés, soit plus 10 millions de personnes avec les ayants droit,
à travers près de 290.000 entreprises adhérentes, et
encaissé 17 milliards de francs de cotisations.
Il a souligné que les institutions de prévoyance menaient en
outre une action sociale importante en direction des personnes privées
d'emploi, des jeunes en recherche d'emploi, des veufs et des retraités.
M. Charles Descours, rapporteur
, a souhaité connaître la
position des institutions de prévoyance sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle. Il a demandé
à M. Jean-Louis Faure si le chiffrage du coût du dispositif
-9 milliards de francs par an- lui paraissait raisonnable. Après
l'avoir interrogé sur l'appréciation qu'il portait concernant le
financement du dispositif, il s'est demandé si un financement par
l'impôt n'aurait pas été préférable à
une contribution des assureurs complémentaires qui risquait de
renchérir le coût des contrats et être facteur d'exclusion.
M. Charles Descours, rapporteur
, a rappelé que le projet de loi
définissait l'assiette de la contribution des organismes
complémentaires comme " le montant hors taxes des cotisations et
primes afférentes à la protection complémentaire en
matière de santé ". Il a souhaité savoir si cela
incluait les cotisations et primes destinées à financer des
indemnités journalières maladie, voire des indemnisations de
l'invalidité.
En réponse à M. Charles Descours,
M. Jean-Louis Faure
a
indiqué que le CTIP avait participé, dès l'origine, aux
différentes consultations menées par M. Jean-Claude Boulard,
ainsi qu'à l'élaboration d'un protocole d'accord avec les autres
régimes complémentaires pour la mise en oeuvre de la CMU.
M. Jean-Louis Faure
a souligné que le CTIP avait toujours
manifesté son accord sur le principe d'un dispositif partenarial tout en
souhaitant que les effets pervers que pouvait engendrer un tel dispositif
soient les plus réduits possibles.
M. Jean-Louis Faure
a mis l'accent sur les difficultés que
pouvait susciter la disparité des bénéficiaires potentiels
de la CMU. Il a estimé qu'une couverture de 1.500 francs ne
constituait qu'une moyenne et que le coût de la couverture réelle
était susceptible d'évoluer selon un rapport de un à trois
en fonction de l'âge du bénéficiaire : de
800 francs à 20 ans à 2.400 francs au-delà
de 60 ans. Il a, par conséquent, jugé indispensable que les
charges réelles pesant sur les organismes complémentaires soient
intégralement compensées par le Fonds de financement de la
protection complémentaire prévu à l'article 25 du projet
de loi. Il a suggéré que le remboursement au profit des
organismes complémentaires soit effectué selon un coefficient
actuariel qui tienne compte de l'âge des bénéficiaires.
M. Jean-Louis Faure
a estimé qu'une autre difficulté
résidait dans le fait que les caisses primaires d'assurance maladie
seraient remboursées par le Fonds de la totalité des sommes
effectivement dépensées tandis que les organismes
complémentaires assureraient la couverture du risque et assumeraient,
par conséquent, les déficits éventuels.
M. Jean-Louis Faure
a souligné que la CMU allait également
compliquer la gestion des contrats collectifs dans la mesure où ceux-ci
offraient généralement des garanties inférieures à
la CMU. Certains salariés bénéficieraient de la CMU et
d'autres, non. Il s'est demandé comment s'effectuerait le remboursement
de la part salariale des cotisations de couverture complémentaire aux
bénéficiaires de la CMU si l'entreprise n'était pas en
mesure de connaître le revenu de ses salariés. Il a
considéré que la CMU risquait par conséquent de
gêner le développement des contrats collectifs, alors même
que ceux-ci favorisaient la généralisation et la mutualisation de
la couverture complémentaire et la non-sélection des risques.
M. Jean-Louis Faure
a mis l'accent sur les risques de
désynchronisation que pouvait entraîner la CMU pour les jeunes. Il
a expliqué que ces derniers occupaient souvent des emplois
précaires et connaissaient des variations de revenus importantes selon
les années. Un jeune pouvait, par conséquent, se voir refuser le
bénéfice de la CMU au moment où il en avait besoin, parce
que ses revenus de l'année précédente s'avéraient
trop élevés.
M. Jean-Louis Faure
a souhaité que la charge financière
résultant du maintien pendant un an du bénéfice de la CMU
pour les personnes qui ne remplissaient plus les conditions de son obtention
soit mutualisée plus largement.
Evoquant le coût du dispositif,
M. Jean-Louis Faure
a
souligné que celui-ci dépendait de deux
éléments : le montant du plafond -une légère
augmentation de ce plafond provoquerait l'entrée des
800.000 personnes âgées bénéficiant du minimum
vieillesse- et de l'état sanitaire de la population qui avait vocation
à bénéficier de la CMU. Il a considéré que
cet état sanitaire était inconnu et que la CMU pouvait
entraîner, en solvabilisant les besoins, un effet de rattrapage
susceptible d'augmenter fortement le coût du dispositif.
S'agissant du financement de la CMU, a estimé que la contribution des
organismes complémentaires risquait de se traduire par une augmentation
du coût de la couverture complémentaire pour les assurés.
Il a craint des effets de sortie des dispositifs de couverture
complémentaire : les personnes aux revenus élevés
pouvaient être amenées à effectuer des arbitrages les
conduisant à renoncer à leur couverture complémentaire.
M. Jean-Louis Faure
a également rappelé que les
institutions de prévoyance étaient désormais soumises aux
directives européennes qui leur imposaient une marge de
solvabilité au moins égale à 25 % des prestations.
M. Jean-Louis Faure
a considéré que la définition
de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires
n'était pas suffisamment précise et a suggéré que
l'on remplace les mots : " afférentes à la protection
complémentaire en matière de santé " par les
mots : " relatives à l'indemnisation ou au remboursement des
frais complémentaires de soins de santé ".
M. Charles Descours, rapporteur
, a jugé que le chiffre de
1.500 francs par personne pour les dépenses annuelles de couverture
complémentaire était probablement sous-évalué. Il a
considéré que les dépenses pouvaient s'avérer en
réalité bien plus élevées, ce qui menacerait la
situation financière de la CNAMTS et des organismes
complémentaires.
M. Jean-Louis Faure
a souligné que tout dépendait de la
définition du " panier de soins " associé à ce
montant moyen de 1.500 francs.
M. Charles Descours, rapporteur
, s'est interrogé sur la
façon dont la répartition allait se faire entre la CNAMTS et les
organismes complémentaires dans la prise en charge des
bénéficiaires de la CMU.
M. Jean-Louis Faure
a considéré que, seules, les personnes
les plus marginalisées devaient relever des CPAM pour leur couverture
complémentaire. Pour les autres, en revanche, il convenait de faire en
sorte qu'elles entrent dans le droit commun, c'est-à-dire qu'elles
adhèrent à un organisme complémentaire. Il a
souligné que la CNAMTS et les organismes complémentaires avaient
signé la semaine précédente un protocole d'accord visant
à organiser la répartition des rôles entre les
différents acteurs en matière de couverture
complémentaire.