Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala
DURAND-CHASTEL (Hubert)
RAPPORT 320 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU GUATEMALA
- II. LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GUATEMALA
- III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT
N°
320
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 avril 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala sur l' encouragement et la protection réciproques des investissements ,
Par M.
Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat : 211
(1998-1999).
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de
l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements, signé à Guatemala le 17 mai 1998 entre la France
et le Guatemala.
Cet accord comporte des dispositions très voisines de celles des quelque
quatre-vingts textes analogues qui lient déjà la France à
des pays tiers. Il s'agit donc d'un dispositif extrêmement classique que
votre commission des affaires étrangères a déjà eu,
à de multiples reprises, l'occasion d'exposer.
Présenté au Parlement en même temps que deux autres accords
similaires conclus avec le Honduras et le Nicaragua, l'accord signé avec
le Guatemala illustre la volonté de notre pays de renforcer nos
relations avec l'Amérique centrale, ainsi que l'a récemment
illustré le déplacement effectué dans la région par
notre Président de la République au mois de novembre dernier.
Petit pays qui entend tourner la page de 35 années de guerre civile et
moderniser ses structures économiques, le Guatemala pourrait offrir des
perspectives d'investissement qui ne sauraient être
négligées par nos entreprises et, au-delà des aspects
économiques, l'accord s'inscrit dans une politique
générale de renforcement des liens entre l'Europe, et en
particulier la France, avec l'Amérique latine.
Votre rapporteur effectuera une rapide présentation du Guatemala et de
ses relations avec la France avant de détailler le dispositif de
l'accord d'encouragement et de protection réciproques des
investissements.
I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU GUATEMALA
Situé au sud-est du Mexique, le Guatemala est
également voisin du Salvador, du Honduras et de Belize. Son territoire
compte 109 000 km2 mais une chaîne montagneuse sépare le littoral
pacifique au sud, d'une zone de hauts plateaux au nord et de l'étroit
accès à la mer des Caraïbes à l'est.
Indépendant depuis 1821, le Guatemala compte un peu plus de
11
millions d'habitants
, dont près de 4 millions dans la capitale
Guatemala. Cette population en accroissement rapide est constituée en
majorité (60 %) d'indiens d'origine.
Après la signature en 1996 d'accords de paix mettant fin à 35 ans
de guerre civile, le Guatemala s'efforce de consolider la démocratie et
de moderniser l'Etat et des structures économiques encore
fragiles.
A. LA SITUATION POLITIQUE
1. Le régime politique du Guatemala
Durant
de nombreuses années, le Guatemala a vécu au rythme d'une
succession de dirigeants militaires. La Constitution de 1985 a instauré
un
régime de type présidentiel
, le chef de l'Etat
étant élu pour quatre ans au suffrage universel direct dans le
cadre d'un scrutin majoritaire à deux tours. Son mandat n'est pas
renouvelable. L'assemblée législative est également
élue pour quatre ans et compte 80 députés.
Elu en 1995, l'actuel
Président de la République, M. Alvaro
Arzu
, appartient au Parti d'action nationale (droite libérale) qui
dispose également de la majorité à l'Assemblée
législative (43 sièges sur 80).
Le principal parti d'opposition, d'inspiration populiste, est le Front
républicain guatémaltèque du général Rios
Montt qui avait exercé le pouvoir durant deux ans, à la suite de
son coup d'Etat de 1982.
Par ailleurs, à la suite des accords de paix de 1996, les
représentants de la guérilla, d'inspiration castriste ou
sandiniste, ont décidé de fonder un nouveau parti
politique : l'Union révolutionnaire nationale
guatémaltèque.
Cette guérilla a en effet dominé l'histoire récente du
Guatemala jusqu'à ce que soient entrepris, en liaison avec les processus
en cours dans les autres pays d'Amérique centrale, les premiers efforts
en vue d'une solution pacifique à partir de 1987.
L'
accord final de paix
mettant un terme officiel à la guerre
civile a été signé le
29 décembre 1996
entre
le Gouvernement guatémaltèque et l'Union nationale
révolutionnaire guatémaltèque. Il a été
avalisé par les Nations unies et sa mise en oeuvre a
entraîné une révision de la Constitution qui doit
être approuvée par référendum le 16 mai
prochain.
Pour la première fois, les populations indigènes ont
été associées au débat politique au travers de leur
participation aux 15 commissions de suivi des accords de paix.
La révision constitutionnelle a porté sur la
décentralisation, la réforme fiscale, celle de la justice, la
redéfinition du rôle de l'armée au sein d'un Etat
démocratique, la reconnaissance des droits des indigènes
(reconnaissance de leurs 25 dialectes, protection des coutumes des peuples
maya, garifuna et xinca, admission du droit coutumier en matière
judiciaire), la réforme du système électoral.
Toujours dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de paix, une commission
de clarification historique a été chargée d'enquêter
de manière objective et impartiale et de faire toute la lumière
sur la violation des droits de l'homme et les actes de violation
perpétrés en liaison avec l'affrontement armé au
Guatémala. Cette commission, également chargée de
recommander des mesures visant à promouvoir la paix et la
réconciliation nationales, vient de rendre son rapport qui met en
lumière l'ampleur des conséquences de la guerre civile. Elle a
évalué à près de 200.000 le nombre de victimes
tuées et disparues et souligné tout particulièrement les
souffrances endurées par les populations indigènes.
En dépit des progrès réalisés et des efforts pour
tourner la page de la guerre civile, la normalisation démocratique du
Guatemala se heurte à des réticences de certaines fractions de
l'armée ou de la classe politique. Les séquelles du conflit
armé, et notamment les problèmes posés par la situation de
800 000 personnes déplacées et de 40 000
réfugiés de retour du Mexique, sont encore tangibles. Quant aux
communautés indigènes, dont le représentant le plus
charismatique est Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, elles demeurent
marquées par une extrême pauvreté et un
analphabétisme qui concourent à les maintenir dans une
marginalisation politique.
2. Les relations extérieures du Guatemala
Le
Guatemala prend une part active au
processus d'intégration
régionale
centre américain. Depuis mai 1992, il forme avec le
Salvador et le Honduras le
" Triangle nord "
, zone de libre
échange à laquelle s'est joint en 1994 le Nicaragua.
Plus difficiles sont les relations avec Belize, l'ex-Honduras britannique,
auquel l'oppose un contentieux frontalier et maritime. Le Guatemala n'a reconnu
l'Etat de Belize qu'en septembre 1991, mais la délimitation de la
frontière n'a toujours pas fait l'objet d'un accord entre les deux pays.
Les autorités guatemaltèques paraissent toutefois soucieuses de
résoudre cette controverse et pourraient le cas échéant
faire appel à un tribunal d'arbitrage international.
Principal voisin du Guatemala, le Mexique s'est longtemps vu reprocher sa
politique d'accueil des réfugiés et des membres de la
guérilla. La fin de la guerre civile a favorisé
l'élaboration d'un programme de développement durable des
populations de la frontière mexico-guatémaltèque.
Le Guatemala a amorcé une coopération avec les Etats-Unis, son
premier partenaire économique, dans les secteurs de la justice et de
l'Etat de droit et de la démobilisation et de la réinsertion de
guérilleros, les autorités américaines portant une
attention particulière aux questions de drogue et d'immigration
clandestine.
Si le Guatemala s'est associé aux Etats-Unis dans le cadre du
contentieux de la banane, les opposant à l'Union Européenne, il a
revanche rétabli en janvier 1998 ses relations avec Cuba et s'est
opposé à la loi Helms-Burton et aux sanctions économiques
susceptibles de porter préjudice au peuple cubain.
B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE AU GUATEMALA
1. Un effort de modernisation des structures économiques
Ayant
pour principales ressources le café (3è exportateur mondial) et
le sucre, l'économie guatemaltèque dispose de bases relativement
étroites. Le PIB par habitant s'élevait en 1997 à 1 570
dollars par habitant seulement et près des trois quarts de la population
vivait en dessous du seuil de pauvreté.
Les finances publiques connaissent un déséquilibre structurel
dû à la
faiblesse des ressources fiscales
. Le
président Arzu a engagé une réforme tendant à
accroître la pression fiscale, grâce en particulier à la
création d'une superintendance de l'administration fiscale
chargée d'appliquer la législation et de collecter l'impôt.
Toutefois, l'entrée en vigueur effective de ces mesures, qui devront
être assorties d'une réduction des dépenses publiques,
semble repoussée à l'issue des élections
présidentielle et législatives de novembre prochain.
Le Gouvernement a par ailleurs entrepris un
programme de privatisation du
service public
concernant 16 entreprises publiques qui a déjà
connu un début d'application dans les chemins de fer, la poste,
l'électricité et les télécommunications.
2. Des résultats encourageants
La
politique de stabilisation économique des autorités
guatémaltèques a permis de cantonner l'inflation et de limiter la
dépense budgétaire. Le taux de croissance, qui avait chuté
en 1996, est revenu à 4 % en 1997 et à 4,5 % en 1998,
malgré les dégâts occasionnés par l'ouragan Mitch,
il est vrai moins importants que dans les pays voisins. Ce taux de croissance
reste cependant à peine supérieur à l'accroissement
démographique (+ 2,9 % par an) et ne permet pas de faire
sensiblement reculer la pauvreté.
Cette politique économique et le contexte créé par les
accords de paix ont favorisé à la fois la
confiance des
bailleurs de fonds
bilatéraux et multilatéraux, réunis
au sein du groupe consultatif sur la reconstruction du Guatemala, qui se sont
engagés sur un montant total de prêts de 2 milliards de dollars,
dont près de 600 millions de dollars déjà accordés,
et une
légère reprise de l'investissement privé
.
Celui-ci demeure cependant freiné par la persistance d'un contexte
d'insécurité et de corruption. Le Guatemala connaît
toutefois une dégradation des ses comptes extérieurs, très
dépendants des exportations traditionnelles (café et sucre).
Au total, les premiers résultats encourageants devront être
confirmés, en particulier par la poursuite du programme de
réformes économiques et fiscales, afin de maintenir le flux de
capitaux extérieurs seul susceptible d'amorcer un développement
économique plus rapide.
II. LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GUATEMALA
La récente visite d'Etat du Président de la République au Guatemala a montré que la France entendait prendre toute sa part au développement des relations entre pays d'Amérique centrale et Union européenne.
A. LES RELATIONS POLITIQUES ET CULTURELLES FRANCO-GUATEMALTÈQUES
1. Les relations politiques
Les
relations bilatérales s'inscrivent dans le cadre plus
général du dialogue politique établi à partir de
1984 entre l'Union européenne et les pays de l'isthme centre
américain, évoqué sous l'appellation de
" processus de San José "
et élargi dès
1985 à la coopération économique.
Le Guatemala se montre particulièrement réceptif à ce
dialogue et a accueilli très favorablement l'initiative franco-espagnole
d'un sommet Union européenne/Amérique latine et Caraïbes. La
France, pour sa part, a de longue date marqué son attention pour le
Guatemala au travers de nombreuses visites ministérielles et
d'échanges parlementaires fréquents.
Ces relations se sont intensifiées à l'occasion de la
visite
d'Etat du Président Chirac
du 14 au 16 novembre 1998 et des
décisions prises pour venir en aide aux pays touchés par
l'ouragan Mitch (28 octobre-novembre 1998), considéré comme l'un
des désastres majeurs du siècle. Outre une aide d'urgence, la
France a en effet très rapidement décidé d'annuler ses
créances d'aide publique et a participé à la
création du fonds fiduciaire à la Banque mondiale.
La volonté de renforcer les relations entre les deux pays a
été réaffirmée à l'issue de l'entretien
entre le Président Chirac et le Président Arzu, lors de
la visite de ce dernier à Paris, le
19 avril dernier.
2. Les relations culturelles, scientifiques et techniques
Les
moyens consacrés à la coopération culturelle, scientifique
et technique avec le Guatemala se limitent à un millions de francs de
crédits d'intervention et à 6 millions de francs de crédit
de fonctionnement pour l'Alliance française et le collège
français.
Le français est très peu enseigné au Guatemala
et
le cursus universitaire de professeur de français a été
supprimé, seule une dizaine d'établissements privés
proposant des cours de français. L'association des professeurs de
français ne regroupe que 30 membres.
Le
collège Jules Verne
de Guatemala, créé en 1978,
scolarise 704 élèves dont 112 Français (la
communauté française compte 637 immatriculés). Il est
géré par une association de droit privé local et pourrait
être reconstruit sur un nouveau site afin d'être mieux
adapté à un effectif très supérieur à celui
envisagé à l'origine.
Le réseau des
Alliances françaises
comprend trois
implantations (Guatemala, Antigua et Quetzaltenango) et accueille environ 1 500
élèves. Un accord vient d'être signé entre
l'Alliance française et l'université Mariano Galvez pour
développer l'enseignement du français à partir de la
prochaine rentrée universitaire.
En dehors de la coopération linguistique et éducative qui absorbe
l'essentiel de nos moyens, on peut mentionner des
projets de
coopération
dans le domaine universitaire, l'appui institutionnel et
la modernisation du cadastre, particulièrement importante compte tenu de
la sensibilité de la question foncière.
B. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES
1. Des relations commerciales et financières très modestes
Le
Guatemala concentre l'essentiel de ses échanges commerciaux avec les
Etats-Unis (44 % des importations, 31 % des exportations) et les pays
d'Amérique centrale (19 % des importations, 28 % des exportations).
Le processus d'intégration économique en Amérique
centrale, lancé en 1960 avec la création du Marché commun
centre américain (Guatemala, Salavador, Honduras, Nicaragua et Costa
Rica), a été relancé depuis la fin des guerres civiles et
vise désormais à supprimer progressivement les barrières
tarifaires à l'intérieur de la zone et à instituer un
tarif extérieur commun.
Les pays du " triangle nord " (Guatemala, Salvador, Honduras),
désormais rejoints par le Nicaragua, souhaitent à aller de
l'avant en direction d'une véritable union économique et signer
des traités de libre-échange avec le Mexique mais aussi d'autres
ensembles économiques tels que l'ALENA, le Mercosur et l'Union
européenne.
L'Europe fournit aujourd'hui 11 % des importations du Guatemala et absorbe 14%
de ses exportations. L'ouverture croissante aux échanges pourrait
accroître cette part de marché au sein de laquelle
la France
n'occupe aujourd'hui qu'une position marginale
(0,8 % des importations,
soit le 21è rang des fournisseurs), loin derrière l'Allemagne et
l'Espagne.
En 1998, les exportations françaises au Guatemala se sont
élevées à 237 millions de francs (+ 22 % par rapport
à 1997) alors que les importations en France de produits
guatémaltèques s'élèvent à 270 millions de
francs (- 17 %).
Les entreprises françaises présentes au Guatemala par
l'intermédiaire de filiales commerciales sont peu nombreuses.
Les derniers protocoles financiers signés par la France avec le
Guatemala remontent à 1985 (200 millions de F pour l'équipement
de l'aéroport de Guatemala, la fourniture de matériel
médical à des hôpitaux et des travaux d'adduction d'eau) et
1987, ce dernier, d'un montant de 223 millions de F (projets relatifs au
cadastre, à l'équipement portuaire, aux hôpitaux, à
l'aviation civile), ayant vu son exécution suspendue puis annulée
en raison du non-remboursement des arriérés sur le premier
protocole.
A la suite des accords de paix,
deux projets d'infrastructure
ont
bénéficié de crédits du fonds d'études et
d'aide au secteur public (FASEP) : la SOGREAH a obtenu 3,7 millions de
francs pour la réactualisation du plan directeur d'alimentation en eau
potable de Guatemala alors que l'Institut géographique national a obtenu
3,3 millions de F pour la fourniture d'un système d'exploitation
géographique dans le cadre de la refonte du cadastre.
Au total, sur un flux d'investissements directs étrangers
évalué à 678 millions de dollars entre 1990 et 1997,
la part prise par les entreprises française est insignifiante. Nos
entreprises n'ont pas participé au lancement des premières
privatisations dans les chemins de fer, la poste, l'électricité
et les télécommunications. L'ouverture, en 1998, d'une garantie
de la COFACE pour un plafond de 20 millions de F n'a donné lieu à
aucune demande d'assurance-crédit.
2. Les perspectives d'investissement pour les entreprises françaises
Le
Guatemala, comme d'autres pays d'Amérique centrale, s'efforce de donner
une nouvelle impulsion, notamment par l'adaptation de sa législation
(loi du 20 janvier 1998) et son programme de privatisation, à un
investissement étranger indispensable pour fournir les capitaux et les
technologies nécessaires à la modernisation des grands secteurs
de l'économie.
De fait, les
privatisations
et les
projets bénéficiant
de financements internationaux
(de la Banque mondiale, de l'Union
européenne ou de la Banque interaméricaine de
développement avec laquelle la France a renforcé sa
coopération financière) pourraient offrir, à moyen terme,
des opportunités d'investissement pour les entreprises françaises.
D'ores et déjà, une
opération de conversion des dettes
en investissement
, conclue en 1997 entre le Guatemala et la France, permet
un financement de 60 millions de francs pour des programmes d'investissements
productifs en capital qui bénéficieront à des entreprises
françaises.
L'eau, l'électricité, les transports, les
télécommunications, les biens d'équipement pour le secteur
agroalimentaire et le tourisme sont les domaines dans lesquels nos entreprises
peuvent se positionner.
III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
L' accord signé le 27 mai 1998 entre la France et le Guatemala est proche, pour l'essentiel, des diverses conventions de protection des investissements signées par la France avec près de 80 pays.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD
1. Champ d'application géographique
Il comprend le territoire, y compris les zones maritimes, de chacune des parties (article 2.2). Les zones maritimes sont définies comme celles sur lesquelles les parties détiennent, en conformité avec le droit international, la souveraineté, des droits souverains ou une juridiction aux fins de prospection, d'exploitation et de préservation des ressources naturelles.
2. Investissements concernés
Les
investissements recouvrent
l'ensemble des avoirs
dont l'article 1.1 de
l'accord donne une liste qui comprend notamment
les biens meubles et
immeubles
ainsi que les autres droits réels (hypothèque,
privilège, usufruit, cautionnement...),
les actions, les droits de
créance, les droits de propriété intellectuelle, les
concessions
accordés par la loi ou en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, la protection jouera pour les investissements conformes à
la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle
ils sont réalisés,
quelle que soit la date de leur
réalisation,
antérieure ou postérieure à
l'entrée en vigueur de l'accord (article 2.1). Toutefois, l'accord ne
s'applique à aucun différend soumis aux tribunaux avant son
entrée en vigueur.
3. Les investisseurs intéressés
Il convient de distinguer (article 1.2), d'une part, les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes (article 1.2) et, d'autre part, les personnes morales constituées conformément à la législation de l'Etat contractant et y possédant leur siège social ou contrôlées directement ou indirectement par des nationaux de l'une des parties ou par des personnes morales possédant leur siège sur leur territoire.
4. Les revenus visés
Les revenus recouvrent "toutes les sommes produites par un investissement, telles que bénéfices, redevances ou intérêts" (article 1.3).
B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES
1. L'encouragement des investissements
L'encouragement des investissements, dont le principe est
posé par l'article 3, revêt deux formes :
- l'octroi d'un
traitement "juste et équitable"
pour ces
investissements conformément aux principes du droit international
(article 4.1), ce qui couvre notamment le traitement juste et équitable
de l'achat et du transport de biens liés à un investissement.
- l'application par chaque partie d'un
traitement au moins aussi favorable
aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses
propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus
favorisée,
si celle-ci se révèle plus avantageuse
(article 4.2).
Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages
consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de
libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun
ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.
Par ailleurs, il convient également de souligner que le principe d'un
traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les
investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal.
Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés
à certains investisseurs nationaux, ces derniers
bénéficient ainsi d'un net avantage.
Enfin, il est précisé (article 3) que dans le cadre de leur
législation interne, les parties contractantes examineront "avec
bienveillance" les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour,
de travail et de circulation introduites par des nationaux au titre d'un
investissement.
2. La protection des investissements : trois principes traditionnels
Les
investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en
cas de dépossession pour cause d'utilité publique
(nationalisations, expropriations...), d'une
"indemnité prompte et
adéquate ",
dont le montant est évalué par rapport
à une situation économique antérieure à toute
menace de dépossession (article 6).
En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des
circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une
révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers
ont droit à un
traitement aussi favorable que celui des investisseurs
nationaux
ou de la nation la plus favorisée (article 5).
Le principe de la liberté des transferts,
essentiel pour les
investisseurs, se trouve garanti à l'article 7 de l'accord. Il
s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la
cession ou de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values).
Son application apparaît, en revanche, plus restreinte pour les
transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur
le territoire de l'autre partie puisque ceux-ci ne sont garantis que dans la
limite d'une "quotité appropriée de leur
rémunération".
C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS
L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.
1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat
Pour le
règlement des différends, l'accord du 27 mai 1998 (article 8)
prévoit qu'à défaut de règlement amiable dans les
trois mois, le différend est soumis à la demande de
l'investisseur :
- soit aux tribunaux compétents ou à l'arbitrage national de la
partie contractante,
- soit à l'arbitrage international du Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
L'article 10 stipule que lorsque l'une des parties effectue au profit de l'un
de ses investisseurs un versement en vertu de la garantie donnée pour un
investissement sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve
"subrogée dans les droits et actions" de celui-ci.
2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 10).
o
o o
Quant
aux dispositions finales de l'accord, elles prévoient que les
règles plus favorables issues de la législation interne ou
d'accords bilatéraux prévaudront sur celles de l'accord (article
11).
L'accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et sera reconduit
tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des
parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger
pendant quinze ans la protection des investissements effectués pendant
la période de validité de l'accord (article 12).
CONCLUSION
Bien que
de dimension modeste, le marché guatémaltèque a
attiré les entreprises de nos partenaires européens alors que les
entreprises françaises y restent aujourd'hui peu présentes.
Les programmes de privatisation ou de mise en concession des services publics
actuellement en cours, ainsi que les projets de développement dans le
domaine des infrastructures mis en place grâce à des financements
de bailleurs de fonds internationaux ouvrent des perspectives d'investissement
qui pourraient intéresser nos entreprises.
Dans ces conditions, il est utile de ratifier cet accord d'encouragement et de
protection réciproques des investissements conclu avec le Guatemala, qui
s'inscrit de surcroît dans un axe important de notre diplomatie : le
renforcement de nos relations avec l'Amérique latine.
Votre commission des Affaires étrangères, de la défense et
de forces armées vous demande donc d'adopter le présent projet de
loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné le présent rapport au cours de sa
réunion du mercredi 28 avril 1999.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président, a évoqué les conditions dans lesquelles se
présentait le sommet Union européenne-Amérique latine du
mois de juin prochain. Il a notamment signalé les difficultés
liées aux discussions relatives à l'accès du marché
européen pour les produits agricoles latino-américains.
S'agissant du Guatemala, il a observé que le dialogue entre les
autorités politiques et les communautés indigènes devenait
difficile. Il a enfin interrogé le rapporteur sur la récente
évolution du contentieux de la banane, opposant l'Union
européenne aux Etats-Unis, ainsi qu'aux pays latino-américains.
M. Christian de La Malène s'est interrogé sur les risques de
résurgence des conflits internes dans les pays d'Amérique
centrale.
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac a demandé des précisions
sur le nombre des réfugiés guatémaltèques au
Mexique.
A la suite de ces interventions, M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a
apporté les précisions suivantes :
- la récente décision de l'organisation mondiale du commerce
(OMC) relative au contentieux de la banane a renforcé les demandes
américaines et contraindra l'Union européenne à ouvrir son
marché ; en revanche, l'OMC a très nettement réduit
l'évaluation du préjudice subi par les producteurs
américains par rapport aux estimations que ceux-ci avaient
avancées ;
- environ 40.000 Guatémaltèques qui s'étaient
réfugiés au Mexique durant la guerre civile sont désormais
de retour au Guatemala.
La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était
soumis.
PROJET DE LOI
Texte proposé par le Gouvernement
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Guatemala le 27 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1( * )
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :
sans objet.
-
Bénéfices escomptés en terme
:
*
d'emploi
: impossible à quantifier ;
*
d'intérêt général
:
enrichissement de nos relations diplomatiques ; cet accord encouragera
nos investisseurs à venir s'implanter dans ce pays, dans la mesure
où ils bénéficieront de garanties juridiques
appropriées (liberté de transfert, protection contre les
expropriations et droit inconditionnel à l'arbitrage international).
*
financière
:
l'accord permettra au
Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs
français, conformément à la loi de finances rectificative
pour 1971 ; l'accord ouvre par ailleurs la possibilité de la Coface
d'exercer un recours subrogatoire contre l'Etat d'accueil en cas
d'indemnisation.
*
de simplification des formalités
administratives
: aucune ;
*
de complexité de l'ordonnancement juridique
:
sans objet.
1 Voir texte annexé au document Sénat n° 211 (1998-1999).