Proposition de résolution relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
POURTAUD (Danièle)
RAPPORT 317 (98-99) - commission des affaires culturelles
Table des matières
- I. L'HARMONISATION DES DROITS PATRIMONIAUX DES AUTEURS ET DES TITULAIRES DE DROITS VOISINS
- II. L'HARMONISATION DES EXCEPTIONS AUX DROITS
- III. LES CONDITIONS DE LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE DANS L'ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE
- IV. POSITION DE LA COMMISSION
- XAMEN EN COMMISSION
- PROPOSITION DE RÉSOLUTION
- ANNEXE
N°
317
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 avril 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par Mme Danièle POURTAUD sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l' harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (n° E-1011),
Par Mme
Danièle POURTAUD
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean
Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel
Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel
Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre
Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger
Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre,
Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc,
MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux,
Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir le numéro :
Sénat : 541
(1997-1998).
Union européenne. |
Mesdames, Messieurs,
La proposition de directive sur laquelle porte la proposition de
résolution qui nous est soumise représente une nouvelle et
importante étape dans l'harmonisation du droit de la
propriété littéraire et artistique entreprise au
début des années 1990 dans la perspective de la
réalisation du marché intérieur.
Elle procède, comme les cinq directives qui l'ont
précédée, d'une démarche d'harmonisation prudente,
centrée sur l'élimination des obstacles à la libre
circulation des biens et des services et sur la volonté de
développer des activités " novatrices ". Cette approche
modeste, qui évite de trancher entre des traditions juridiques
nationales partagées entre copyright et droit d'auteur,
privilégie cependant une conception plus " économiste "
que personnaliste de la propriété littéraire et artistique.
Mais la proposition de directive sur l'harmonisation de certains aspects du
droit d'auteur et des droits voisins dans la société de
l'information se distingue de ses devancières par sa portée plus
large et une ambition plus vaste.
Elle entend en effet, en transposant dans le droit communautaire les deux
Traités adoptés en 1996 au sein de l'OMPI, définir les
conditions de protection des auteurs, des artistes, des producteurs et des
diffuseurs qui contribueront aux " contenus " véhiculés
dans les réseaux de la société de l'information, ou
incorporés dans des supports multimédias.
Sans se limiter, du reste, à l'environnement numérique, elle
propose donc une harmonisation :
- de la définition des droits patrimoniaux,
- des exceptions que peuvent leur apporter les droits nationaux,
- et, dans une mesure nettement plus limitée, des moyens d'assurer la
protection de ces droits.
Cette harmonisation est attendue et nécessaire, même si elle
n'apporte pas de réponses à toutes les questions que
soulève la protection du droit d'auteur et des droits voisins dans la
société de l'information.
Au cours de son audition devant la commission, le 17 mars dernier, sur le droit
d'auteur dans la société de l'information, Mme Catherine
Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a manifesté le
souhait que la proposition de directive soit rapidement adoptée, tout en
notant que des améliorations pourraient être apportées
à son dispositif.
En examinant la proposition de résolution qui nous est soumise à
la lumière des négociations et des travaux du Parlement
européen auxquels a déjà donné lieu la proposition
de directive, votre rapporteur a souhaité s'associer à la
position favorable à l'adoption de la directive prise par le
gouvernement, tout en partageant son souci de mieux encadrer certaines de ses
dispositions ou d'en préciser la portée, et d'être attentif
aux incidences qu'auront d'autres négociations sur la protection du
droit d'auteur dans la société de l'information.
*
* *
I. L'HARMONISATION DES DROITS PATRIMONIAUX DES AUTEURS ET DES TITULAIRES DE DROITS VOISINS
L'harmonisation prévue par la proposition de directive
ne
porte que sur les droits patrimoniaux : la proposition de directive ne
fait aucune référence au droit moral.
Dans le Livre Vert sur les droits d'auteurs et les droits voisins dans la
société de l'information
1(
*
)
la
Commission avait posé la question de l'opportunité d'une
harmonisation des règles nationales relatives au droit moral, mais elle
avait conclu, dans la communication sur le suivi du Livre Vert
2(
*
)
, qu'il était
" encore
prématuré de procéder à des initiatives
concrètes d'harmonisation ".
On doit sans doute s'en
féliciter car compte tenu de la divergence des droits nationaux,
l'entreprise serait difficile. Elle risquerait, surtout, d'aboutir à une
définition du droit moral très en-deçà de celle que
retient le droit français.
Mais, s'il paraît sage que le droit communautaire ne se préoccupe
pas d'harmoniser le droit moral, il est un peu regrettable qu'il paraisse
totalement ignorer son existence et qu'il ne soit fait mention, dans un texte
proposant une harmonisation ambitieuse du droit de la propriété
littéraire et artistique, que des aspects patrimoniaux du droit d'auteur.
C'est pourquoi il serait sans doute souhaitable, pour lever toute
ambiguïté, que, comme d'autres directives plus sectorielles, les
directives " câble-satellite " et " durée du droit
d'auteur ", la proposition de directive dispose expressément
qu'elle n'affecte pas les dispositions des Etats membres relatives au droit
moral.
Les droits définis et harmonisés par la proposition de directive,
qui ne remet pas en cause le droit de location et de prêt prévu
par la directive n° 92/100, sont au nombre de trois : le droit
de reproduction, le droit de communication du public et un droit distinct de
distribution soumis à épuisement.
Les deux premiers, qui, concernent toutes les catégories d'oeuvres et
toutes les formes d'exploitation, correspondent aux deux composantes, en droit
français, du droit d'exploitation : le droit de
représentation et le droit de reproduction. En revanche, il n'existe pas
en droit français de droit de distribution.
A. LE DROIT DE REPRODUCTION
Le
Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur ne comporte pas, comme cela avait
été primitivement envisagé, de définition de la
notion de reproduction dans l'environnement numérique. La
déclaration commune concernant le Traité prévoit
simplement que
" le droit de reproduction défini par la
Convention de Berne et les exceptions dont il peut être assorti
s'appliquent pleinement dans l'environnement numérique ",
et
qu'il
" est entendu que le stockage d'une oeuvre protégée
sous forme numérique sur un support électronique constitue une
reproduction "
, cette dernière phrase n'ayant toutefois pas
fait l'objet d'un accord unanime. Quant aux droits de reproduction reconnus aux
titulaires de droits voisins, ils sont définis dans les mêmes
termes que ceux de l'article 9 de la Convention de Berne.
Sur ces bases -assez peu contraignantes- la Commission des communautés
européennes a fait le choix, comme l'indique le commentaire des articles
de la proposition de directive, d'une
" définition large et
exhaustive du droit de reproduction ",
qui s'applique dans les
mêmes termes aux auteurs et aux titulaires de droit voisins
3(
*
)
.
L'article 2 de la proposition de directive définit en effet le droit de
reproduction comme
" le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la
reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen
et sous quelque forme que ce soit ".
Cette définition couvre
" tous les actes de reproduction, qu'ils
s'accomplissent en ligne ou hors ligne, sous une forme matérielle ou
immatérielle ".
Pour l'essentiel, cette définition confirme des solutions qui
étaient déjà largement admises. Il n'a en effet jamais
été contesté que les produits hors ligne (CD, CD-Rom)
relevaient du droit de reproduction, de même que les reproductions
matérielles faites à partir d'une communication en ligne (sortie
sur imprimante, enregistrement). Il est aussi très
généralement considéré -comme le préconisait
déjà en 1994 le rapport de la commission présidée
par Pierre Sirinelli- que le droit de reproduction s'applique au stockage
numérique (dans un serveur, dans la mémoire d'un ordinateur) et
à toute fixation, même temporaire, permettant une communication de
l'oeuvre.
Mais la proposition de directive va plus loin que cela puisqu'elle inclut dans
la notion de " reproduction provisoire " toutes les reproductions
éphémères ou " volatiles " auxquelles peut
donner lieu le processus de communication en ligne mais aussi, par exemple, une
radiodiffusion.
On peut s'interroger sur l'intérêt d'une définition aussi
extensive.
Comme le notait la Commission dans la communication sur le suivi du Livre Vert,
alors qu'une grande majorité des réponses au Livre Vert
s'était prononcée en faveur d'une définition de la
reproduction qui
" englobe explicitement les actes électroniques
tels que le balayage optique ou le téléchargement dans les deux
sens ",
les positions semblaient
" moins claires en ce qui
concerne le régime à appliquer aux actes de reproduction
temporaires ou éphémères "
.
Par exemple, la réponse au Livre Vert du gouvernement français,
tout en soulignant que le code de la propriété intellectuelle
n'exige pas que la reproduction ait
" un minimum de
permanence ",
s'interrogeait
"
sur la
nécessité d'isoler les actes techniques au sein du processus de
communication et sur son utilité
"
et jugeait
"
plus pertinent de rechercher si les actes de reproduction sont
autonomes par rapport à la représentation
".
La Commission avait cependant conclu à la nécessité de
prendre en considération les reproductions volatiles
" pour
assurer une protection cohérente entre les Etats membres ".
Mais cette solution va-t-elle dans le sens d'une meilleure protection des
ayants droit ? On peut en douter, car devant l'impossibilité
matérielle de soumettre à autorisation toutes les reproductions
accessoires et contingentes que peut nécessiter une communication en
réseau ou une télédiffusion, on est fatalement
tenté de se passer de cette autorisation.
C'est d'ailleurs exactement ce que propose la directive, qui prévoit
d'assortir une définition très (trop) large de la reproduction
soumise à droit exclusif d'une exception très (trop) large
à ce droit exclusif.
On peut donc regretter que la proposition de directive ne fasse pas
prévaloir, comme le suggérait un excellent auteur, la logique du
droit d'auteur, selon laquelle
" ce qui déclenche l'application
du droit d'auteur est un acte d'exploitation ",
sur une logique
technique qui conduit à
" segmenter
artificiellement le
processus pour prétendre identifier des actes distincts de reproduction
qui sont d'ailleurs liés à un état de la technique
essentiellement variable "
4(
*
)
.
B. LE DROIT DE COMMUNICATION AU PUBLIC
Le Livre
Vert et la consultation à laquelle il a donné lieu ont mis en
évidence que la qualification juridique de la diffusion numérique
était une des questions sur lesquelles une harmonisation communautaire
apparaissait à la fois la plus nécessaire, car les solutions les
plus diverses étaient envisagées, et la plus difficile, en raison
même de cette diversité.
Le Livre Vert proposait ainsi d'assimiler "
par extension
" la
diffusion numérique à la location
5(
*
)
, suggestion qui n'a heureusement pas rencontré
un franc succès, et la consultation avait fait apparaître des
partisans du recours au droit de reproduction ou au droit de distribution.
Pour sa part, le gouvernement français avait souligné que
"
l'acte essentiel d'exploitation
" était l'offre d'une
oeuvre ou d'éléments protégés par un droit voisin
à travers le réseau, et que par conséquent la nature du
droit mis en jeu par les services en ligne était "
celle d'un
droit de communication au public et, plus précisément en droit
français, du droit de représentation appartenant à
l'auteur
".
Cette analyse, conforme à la jurisprudence des tribunaux
français
6(
*
)
, est celle qui a
été finalement défendue par la Commission et les Etats
membres lors de la conférence diplomatique de l'OMPI de décembre
1996, et celle qui a été retenue par les Traités
" droit d'auteur " et " droits voisins ".
L'article 3 de la proposition de directive transpose fidèlement les
dispositions de ces deux Traités.
1. Le droit de communication au public reconnu aux auteurs
L'article 3-1 de la proposition de directive impose de
reconnaître aux auteurs un droit exclusif de communication au public, ce
droit incluant "
la mise à disposition du public de leurs
oeuvres de telle manière que chaque membre du public peut y avoir
accès de l'endroit et au moment qu'il choisit
individuellement ".
Selon le commentaire de l'article, cette formule un peu lourde a pour objet de
préciser que le droit de communication au public "
couvre les
actes de transmission interactifs à la demande
" et de
confirmer "
qu'il y a aussi communication au public lorsque plusieurs
personnes non liées (membres du public) peuvent avoir accès
individuellement, à partir d'un endroit et à des moments
différents, à une oeuvre se trouvant sur un site accessible au
public
".
Cette confirmation est inutile en droit français, pour lequel la notion
de public ne doit pas être interprétée de manière
restrictive : le droit de représentation est mis en jeu dès
lors qu'une oeuvre est mise à la disposition d'un public potentiel. Peu
importe que ce public soit ou non rassemblé dans un même lieu, que
l'oeuvre lui soit ou non communiquée au même moment, peu importe,
même, qu'aucun membre de ce public ne bénéficie finalement
de la représentation. L'inscription d'un film au catalogue d'un service
de vidéo à la demande ou la mise à disposition d'une
oeuvre sur un site Internet mettent donc en jeu le droit de
représentation, au même titre qu'un spectacle en salle ou une
télédiffusion.
•
Le problème des communications privées
Le considérant n° 15 de la proposition de directive précise
que le droit de communication au public reconnu "
ne couvre pas les
communications privées "
, sans donner d'ailleurs aucune
définition de ce qu'il faut entendre par communication privée.
Cette réserve inquiète les titulaires de droit, qui ont
observé que la transmission en ligne estompait la distinction
traditionnelle entre communication publique et communication privée et
qu'elle rendait très facile la communication d'oeuvres
protégées entre particuliers.
Le Parlement européen s'est fait l'écho de cette
préoccupation en adoptant un amendement préconisant que le fait
qu'une transmission ait lieu entre deux personnes ne suffise pas à la
faire considérer comme une communication privée.
S'il n'est évidemment pas question de remettre en cause l'exception
liée à l'usage privé d'une oeuvre " dans un cercle de
famille ", ni d'envisager de porter atteinte au secret des
correspondances, il convient sans doute, en effet, de rappeler que la
communication d'une oeuvre entre particuliers est en principe
protégée par le droit d'auteur au même titre que sa mise
à la disposition " du public en général ".
Il serait en tout cas souhaitable, pour votre commission, que soit
précisée la portée de la notion de " communication
privée ".
2. Le droit reconnu aux titulaires de droits voisins
L'article 3-2 de la proposition de directive ne
reconnaît aux
titulaires de droits voisins un droit exclusif de communication au public qu'en
cas de transmission interactive, ce qui recouvre les services de radiodiffusion
ou de télévision à la demande et la communication des
oeuvres accessibles sur un serveur ou un réseau.
En revanche, comme le souligne le commentaire de l'article 3, ce droit ne
s'applique pas aux services de radiodiffusion
" y compris les services
dits quasi-à la demande ",
le critère du choix
individuel conduisant à exclure
" les oeuvres offertes dans le
cadre d'un programme défini à l'avance ".
La diffusion
dans le cadre de tels programmes de phonogrammes du commerce pourrait donc
rester soumise à un régime de licence légale, comme c'est
actuellement généralement le cas.
Cette
summa divisio
entre les services interactifs et les autres est
vivement critiquée par les titulaires de droits voisins, et en
particulier par les producteurs de phonogrammes, qui font valoir que le
numérique a pour conséquence une explosion de l'offre de services
musicaux thématiques permettant une programmation très
" ciblée ".
Ces services, qu'ils soient diffusés par voie hertzienne, par
câble ou sur Internet
(" webcasting "),
sont
susceptibles de faire à la vente de supports une concurrence du
même ordre que celle des services interactifs et ils multiplient par
ailleurs les risques de piratage.
Dans la communication sur le suivi du Livre Vert, la Commission n'a pas
nié que
" la radiodiffusion multichaînes pourrait avoir
des répercussions considérables sur les formes primaires
d'exploitation des phonogrammes et autres objets
protégés "
et elle constatait que, au cas où des
mesures s'avèreraient nécessaires, elles devraient être
prises au niveau communautaire pour prévenir des approches nationales
divergentes qui seraient génératrices de "
distorsions
dans les activités de radiodiffusion
".
Elle concluait cependant que la radiodiffusion numérique était
encore
" balbutiante "
et qu'on ne pouvait encore en mesurer
les conséquences pour les titulaires de droits. Elle se bornait donc
à annoncer son intention de
" continuer à suivre
l'évolution du marché "
avant de proposer, si
nécessaire, des mesures législatives.
Compte tenu de la rapidité des évolutions, cet attentisme peut
n'être pas sans danger, notamment dans les Etats membres où
l'édition phonographique joue un rôle économique et
culturel important. On peut à cet égard rappeler que les
Etats-Unis ont mis en place depuis 1995
7(
*
)
un
dispositif permettant de soumettre au droit exclusif la diffusion de
phonogrammes par les services audionumériques dont la programmation ne
respecte pas un ensemble de conditions destinées à limiter la
concurrence qu'ils peuvent représenter pour les ventes de disques. Par
exemple, ne peuvent bénéficier de la licence légale que
les services qui n'annoncent pas leur programmation à l'avance, qui ne
diffusent pas plus d'un certain nombre de titres extraits du même support
ou du même interprète sur une période de temps
donnée, qui ne permettent pas de changement automatique de canal...
Il semble donc urgent, en particulier pour assurer à l'industrie
phonographique européenne une protection équivalente à
celle dont bénéficie l'industrie américaine, que les
instances communautaires affinent leur analyse des nouveaux services de
diffusion musicale et proposent, si elles s'avéraient
nécessaires, des mesures permettant d'assurer un juste équilibre
entre la volonté de développer ces services et la
nécessité de protéger les titulaires de droits.
Au niveau national, la tenue prochaine des Etats généraux du
disque pourra déjà permettre, comme l'a annoncé la
ministre de la culture et de la communication, d'amorcer la réflexion
sur cette question.
C. LE DROIT DE DISTRIBUTION
Le
traité " droit d'auteur " de l'OMPI reconnaît aux
auteurs le droit exclusif d'autoriser la mise à disposition du public de
l'original et d'exemplaires de leurs oeuvres
" par la vente ou tout
autre transfert de propriété "
et autorise les Etats
à déterminer
" les conditions
éventuelles "
de l'épuisement de ce droit.
L'article 4 de la proposition de directive transpose ces dispositions en
imposant aux Etats membres de reconnaître aux auteurs
8(
*
)
un droit exclusif
" sur toute forme de
distribution au public par la vente ou tout autre moyen "
et de
prévoir l'épuisement communautaire de ce droit à la
première vente
" ou autre transfert de
propriété ".
Il paraît indispensable de préciser la portée de cet
article dont la rédaction est susceptible d'interprétations qui
pourraient remettre en cause la doctrine française du droit de
destination, qui soulève quelques interrogations quant à son
application aux oeuvres originales, et qui pourrait, enfin, faire obstacle
à l'organisation de la " chronologie des
médias ".
1. Le problème de la compatibilité entre la proposition de directive et l'exercice du droit de destination.
En
doctrine -et en droit positif- la règle de l'épuisement du droit
de distribution, qui s'applique sous des formes diverses dans la
quasi-totalité des Etats membres, s'oppose à la conception du
droit de destination qui prévaut en France et en Belgique.
Le droit de destination, inclus dans une définition
" synthétique " du droit de reproduction, permet à
l'auteur de contrôler la diffusion des exemplaires de son oeuvre et les
utilisations secondaires de ces exemplaires, notamment aux fins d'une
communication de l'oeuvre au public : il est donc incompatible avec un
droit de distribution qui serait " consommé " dès la
première mise sur le marché.
De deux choses l'une, par conséquent :
- ou bien l'article 4 de la proposition de directive a simplement pour objet
d'assurer que la distribution commerciale des biens protégés par
un droit d'auteur ou un droit voisin se fera dans des conditions compatibles
avec l'unité du marché intérieur et avec sa protection, ce
qui n'oblige pas à remettre en cause le droit de destination ;
- ou bien, la Commission entend imposer un droit de destination soumis à
épuisement, ce qui imposera d'en tirer les conséquences au niveau
du droit national.
• Le commentaire de l'article 4 semble aller dans le sens de la
première hypothèse en définissant l'épuisement
communautaire par référence à la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes et par opposition à
l'épuisement international.
* Dans la jurisprudence de la CJCE, en effet, l'épuisement communautaire
ne se réfère pas à l'épuisement des droits tels que
le définit la théorie du droit d'auteur.
Les décisions de la Cour relatives à l'épuisement
communautaire du droit d'auteur et des droits voisins n'ont jamais eu pour
objet de trancher en faveur de telle ou telle conception du droit de la
propriété littéraire et artistique, mais simplement de
faire prévaloir le principe de la libre circulation des biens sur des
dispositions nationales pouvant avoir pour effet un cloisonnement du
marché intérieur
.
Selon cette démarche, un droit de distribution soumis à
épuisement national, qui autorise un titulaire de droit à
s'opposer à la mise en circulation dans un Etat membre de biens
distribués, avec son consentement, dans un autre Etat membre
9(
*
)
, est contraire aux principes du Traité. En
revanche, l'imposition, en vertu du droit de destination, d'un droit de
reproduction mécanique pour l'usage public des phonogrammes n'est pas
contraire au principe de la libre circulation s'il s'applique de manière
non discriminatoire
10(
*
)
.
* Quant à la suppression de la possibilité pour les Etats membres
d'appliquer le principe d'un épuisement international du droit de
distribution, elle n'est en rien contradictoire avec le droit de destination.
• Les termes de l'exposé des motifs de la proposition de
directive, non plus que la rédaction de l'article 4 ne permettent
cependant pas d'exclure que la Commission souhaite faire prévaloir, dans
l'ensemble de l'Union, le principe de l'application d'un droit de distribution
soumis à épuisement.
Cette harmonisation du droit de distribution aurait sans doute une
portée assez limitée, car si la quasi-totalité des Etats
membres appliquent des règles relevant du droit de distribution, ce
pavillon unique recouvre des marchandises assez diverses, notamment dans les
Etats membres où le droit de distribution se rattache à un droit
de publication (Pays-Bas, pays scandinaves).
Elle aurait cependant des conséquences en droit français, car
elle pourrait conduire à remettre en cause un certain nombre de
prérogatives reconnues aux auteurs par la jurisprudence sur le fondement
du droit de destination : le droit de reproduction mécanique,
déjà cité, mais aussi le droit de location, le droit de
s'opposer à la commercialisation de supports (livres, films) mis au
rebut et, plus généralement, le droit de s'opposer à tout
usage des exemplaires d'une oeuvre qui n'est pas conforme à la
destination pour laquelle ils ont été mis en circulation.
Il faut également rappeler que c'est en raison de l'existence du droit
de destination que les dispositions de la directive 92/100 relatives au droit
de location et de prêt n'ont pas été transposées en
droit français : la suppression du droit de destination rendrait
donc cette transposition nécessaire.
Votre commission souhaite donc que soient précisées la
portée de l'article 4 et ses conséquences possibles sur le
droit de destination.
2. Le problème de l'épuisement du droit de distribution de l'original des oeuvres
Le
principe de la distinction entre la propriété
" matérielle " d'une oeuvre et celle des droits de
propriété littéraire et artistique sur cette oeuvre est un
principe fondamental du droit d'auteur français qui a été
consacré par la loi du 9 avril 1910 et qui s'applique à
toutes les catégories d'oeuvres, et en particulier aux oeuvres des arts
graphiques et plastiques.
En vertu de ce principe, l'aliénation de l'original d'une oeuvre
protégée n'emporte aucune cession des droits d'exploitation de
cette oeuvre : l'acquéreur du manuscrit d'une oeuvre
littéraire ou musicale ne peut s'en faire l'éditeur, non plus que
le propriétaire d'un tableau, d'une sculpture ou d'une oeuvre
architecturale ne peut exercer le droit de reproduction détenu par
l'auteur, ni s'opposer à l'exercice de ce droit.
Il convient donc de s'assurer que les dispositions de l'article 4 ne
contreviennent pas à ce principe, et d'abord de s'interroger sur la
portée pratique du droit de distribution d'une oeuvre originale, et
surtout de l'épuisement communautaire de ce droit, qui n'a pas beaucoup
de sens puisqu'il s'agit d'un objet qui est par définition unique.
La solution la plus logique semblerait donc être que l'article 4 ne
mentionne pas les oeuvres originales.
A défaut, il faut en tout cas
qu'il soit clairement exclu que l'épuisement du droit de distribution
puisse avoir de conséquences sur l'exercice des autres droits
patrimoniaux et, bien entendu, qu'il puisse faire obstacle à l'exercice
du droit moral.
3. Le problème de la chronologie des médias
Comme la
Cour de Justice l'a admis, et comme la proposition de directive le confirme,
l'épuisement communautaire ne s'applique pas au droit de
représentation (ou de communication au public) d'une oeuvre, mais
seulement à la distribution de supports matériels.
Cependant, la mise sur le marché de supports peut porter atteinte aux
modes d'exploitation de l'oeuvre fondés sur le droit de
représentation.
C'est sur cette constatation que se fondent les dispositifs organisant, dans le
cas de l'exploitation des oeuvres cinématographiques,
l'échelonnement dans le temps, pour ne pas nuire à l'exploitation
en salle, des différents mode de diffusion de l'oeuvre (exploitation en
salle, diffusion télévisée, commercialisation et location
de vidéogrammes).
La Cour de justice a admis la compatibilité de cette " chronologie
des médias " avec les principes du Traité de Rome
11(
*
)
, et la directive 92/100 prévoit que les droits
de location et de prêt ne peuvent être exercés de
façon contraire à la chronologie des médias telle que
reconnue par la Cour de justice.
Dans le même esprit, l'article 7 de la directive
" Télévision sans frontières " modifiée
prévoit que
" les Etats membres veillent à ce que les
radiodiffuseurs qui relèvent de leur compétence ne diffusent
pas d'oeuvres cinématographiques en dehors des délais convenus
avec les ayants droit ",
afin d'éviter que la diffusion
télévisée interfère avec l'exploitation en salle.
En revanche, l'article 4 de la proposition de directive pourrait s'opposer
à ce que la chronologie des médias s'applique également
à la vente de vidéogrammes, puisqu'il interdira en principe aux
titulaires de droits de s'opposer à leur libre circulation dans le
marché intérieur dès lors qu'ils auront été
distribués dans un Etat membre. Peu importerait donc, par exemple, qu'un
film ne soit sorti en salle dans un autre Etat membre que plusieurs mois
après sa sortie en France : il ne serait pas possible de s'opposer
à la mise en vente simultanée de cassettes de ce film en France
et dans cet Etat membre.
Pour votre commission, il est donc indispensable qu'il soit
précisé, par exemple au niveau des considérants de la
directive, que l'application de l'article 4 de la proposition de directive ne
fera pas obstacle au respect de la chronologie des médias.
II. L'HARMONISATION DES EXCEPTIONS AUX DROITS
Comme le
souligne très justement la Commission, l'harmonisation de la
définition des droits de propriété littéraire et
artistique suppose également une harmonisation des exceptions à
ces droits. La proposition de directive ne tire cependant pas toutes les
conséquences de cette observation, ce qui se comprend
aisément : une définition communautaire des exceptions au
droit d'auteur et aux droits voisins se serait évidemment heurtée
à la diversité des législations et des traditions
nationales.
La proposition de directive ne définit donc qu'une seule exception
" obligatoire " -du reste très controversée- et dresse
par ailleurs une liste facultative
et
limitative des autres exceptions
que peuvent prévoir les Etats membres, liste qui correspond peu ou prou
à l'ensemble des règles et des usages nationaux actuellement en
vigueur en la matière.
Certes, toutes les exceptions -obligatoires ou facultatives- devront satisfaire
au " test des trois étapes " défini par la Convention
de Berne pour les exceptions au droit de reproduction et que les Traités
de l'OMPI ont étendu à toutes les exceptions : celles-ci ne
doivent s'appliquer que dans des cas "
spécifiques
",
elles ne doivent pas causer un "
préjudice
injustifié
" aux titulaires de droit ni porter atteinte
à "
l'exploitation normale
" des oeuvres ou
éléments protégés.
Mais, compte tenu de la diversité des interprétations auxquelles
elle peut donner lieu, cette définition de " l'exception
acceptable " ne sera sans doute pas très efficace pour restreindre
les divergences entre les législations des Etats membres.
Votre commission approuve donc les dispositions de la proposition de
résolution qui nous est soumise invitant le gouvernement à
oeuvrer pour une définition plus resserrée de ces exceptions, et
pour qu'elles donnent lieu à une compensation équitable au profit
des titulaires de droits.
A. L'EXCEPTION OBLIGATOIRE AU DROIT DE REPRODUCTION
L'article 5-1 de la proposition de directive exempte du droit
de
reproduction tous "
les actes de reproduction provisoires qui font
partie intégrante d'un procédé technique ayant pour unique
finalité de permettre l'utilisation d'une oeuvre ou d'un objet
protégé, et n'ont pas de signification économique
indépendante
".
• Cette définition est très contestée et elle
est rejetée, à juste titre, par les titulaires de droits.
Elle est en effet extrêmement large :
* Elle s'applique à toutes les utilisations des oeuvres, que ces
utilisations soient ou non autorisées. Elle empêcherait donc les
titulaires de droits de s'opposer à tous les " actes
préparatoires " à une exploitation contrefaisante, ce qui
paraît assez étranger à la logique du droit de
propriété littéraire et artistique. Mais il semble, il est
vrai, que l'on ait plutôt cherché, en la matière, à
rassurer les opérateurs des réseaux, soucieux d'éviter que
leur responsabilité puisse être mise en cause à l'occasion
d'actes de reproduction d'oeuvres protégées ;
* Elle ne s'applique pas seulement à la transmission
numérique mais à toute exploitation d'une oeuvre dès lors
que celle-ci met en oeuvre un procédé technique faisant appel
à des reproductions " provisoires " et donc, par exemple,
à la radiodiffusion : elle crée donc un risque que certains
diffuseurs tentent d'assimiler à des " reproductions
provisoires " couvertes par l'exception des actes qui doivent normalement
relever de l'autorisation des ayants droits ;
* Elle ne comporte aucune définition de la reproduction provisoire.
Or, pour s'en tenir à la diffusion en réseau, la transmission
d'une oeuvre d'un serveur à l'ordinateur d'un " internaute "
peut donner lieu à différentes formes de reproduction :
- les reproductions " volatiles " dont la durée d'existence
est limitée au temps de la transmission. Ce sont celles qui permettent
l'acheminement des oeuvres et leur affichage sur l'écran de l'ordinateur
de l'utilisateur ;
- les reproductions " temporaires " -" caches " ou
" proxys "- qui constituent des relais entre le serveur et
l'utilisateur et qui permettent, notamment en cas d'encombrement du
réseau, un accès plus facile au document que ce dernier veut
consulter.
Le fonctionnement des " caches " est organisé de façon
automatique par des logiciels, mais les mises en cache ne constituent pas pour
autant des étapes incontrôlables et incontournables du processus
de transmission numérique : il est possible d'indiquer à un
logiciel de cache qu'un document ne doit pas être copié, ou de
limiter sa durée de conservation dans le cache. Il est également
possible de comptabiliser les accès aux documents copiés dans les
caches.
La notion de reproduction provisoire pourrait également inclure la
notion de " site-miroir ", c'est-à-dire la duplication
volontaire de tout ou partie du contenu d'un site pour constituer une nouvelle
offre.
* Le critère de l'absence de " signification économique
indépendante " paraît enfin trop imprécis.
• C'est pourquoi, dans des formulations différentes, la
proposition de résolution et les amendements adoptés par le
Parlement européen proposent de limiter l'exception aux reproductions
" volatiles " strictement indispensables à la communication
des oeuvres, et qui ont lieu dans le cadre d'une exploitation autorisée.
Ce dernier critère est évidemment essentiel. De plus, la question
de la responsabilité des opérateurs ne doit pas être
réglée par le biais d'une définition restrictive du
contenu et de la portée des droits.
Quant à la délimitation des reproductions
" volatiles ", qui peuvent n'être pas soumises à
autorisation, et de celles qui devraient l'être, le critère
pertinent pourrait être la soumission à autorisation de toutes les
reproductions provisoires qui ont une influence sur les conditions
d'exploitation de l'oeuvre.
Les reproductions volatiles sont certes indispensables à la
communication de l'oeuvre : sans elles, il n'y a tout simplement pas de
communication. Mais le recours aux " caches " et
a fortiori
aux sites-miroirs permet aux utilisateurs d'accéder plus facilement,
plus rapidement, en plus grand nombre à l'oeuvre mise à leur
disposition : il détermine donc les conditions de communication de
l'oeuvre, et a des conséquences directes sur sa " diffusion ".
Il paraît donc parfaitement normal que ces " conditions de
diffusion " fassent partie des éléments pris en compte lors
de la négociation du contrat d'exploitation d'une oeuvre en
réseau de même, par exemple, que le mode de calcul de la
rémunération de cette exploitation ou que les conditions de
protection de l'oeuvre contre le piratage.
Votre rapporteur rejoint donc tout à fait sur ce point
Mme Catherine Trautmann qui a souligné, lors de son audition devant
la commission, que l'instauration d'une exception de copie technique
s'étendant sans nuances à toutes les formes de copies
réalisées dans le cadre du fonctionnement des réseaux
risquerait de freiner la mise en réseau des oeuvres,
et qu'il valait
mieux faire le pari de la capacité des parties en présence
à nouer des relations contractuelles
équilibrées.
B. LES EXCEPTIONS FACULTATIVES
La liste
des exceptions facultatives dressée par l'article 5 de la proposition de
directive représente, en quelque sorte, la somme des dérogations
au droit d'auteur pratiquées dans les différents Etats membres.
Elle ne conduit donc qu'à une harmonisation assez limitée.
On peut également regretter qu'elle traduise un certain attentisme de la
Commission sur la question de la copie privée, dont l'examen avait
déjà été différé lors de
l'élaboration de la directive 92/100 et sur laquelle elle ne prend pas
davantage position aujourd'hui, en dépit de la dimension nouvelle que
lui confère l'environnement numérique.
Votre commission, tout en partageant les préoccupations relatives
à un meilleur encadrement des exceptions qu'exprime la proposition de
résolution, vous proposera donc de la compléter afin de soutenir
la position exprimée par le Parlement européen sur la copie
privée numérique.
1. Mieux encadrer les exceptions
La
démarche suivie par la Commission -l'établissement de listes
facultatives d'exceptions soit au droit de reproduction, soit au droit de
reproduction
et
de communication- inquiète les titulaires de
droits qui craignent que certains Etats membres ne soient tentés, sous
la pression notamment des utilisateurs, d'ajouter aux exceptions qu'autorise
déjà leur législation nationale d'autres exceptions
figurant dans la liste retenue par la Commission. Les titulaires de droits font
également remarquer que la formulation de la proposition de directive
est trop floue et pourrait autoriser des divergences nationales
d'appréciation dans l'étendue des exceptions autorisées.
On peut cependant penser que les traditions nationales sont fortement
établies -elles sont d'ailleurs fonction des conceptions qui fondent,
dans chaque pays, le droit de la propriété littéraire et
artistique- et qu'il est donc peu probable que l'on assiste à de
notables modifications des législations et des usages nationaux.
Il convient cependant de prévenir les risques de multiplication des
exceptions :
- en soutenant le principe d'une liste limitative et interprétée
de façon restrictive ;
- en affirmant le principe d'une compensation des limitations de droits.
•
Le principe d'une liste limitative et de stricte
interprétation
Certains Etats membres -en particulier la Grande Bretagne et certains pays
nordiques- souhaitent soit compléter la liste des exceptions
facultatives, soit ne lui donner qu'un caractère indicatif.
Votre commission ne peut que soutenir la ferme opposition du gouvernement
français à ces propositions.
Le caractère limitatif de la liste des exceptions constitue en effet une
garantie essentielle. Encore ne suffira-t-il sans doute pas, en particulier
dans les pays de "
copyright
", dans lesquels la notion
d'exception n'a pas le même sens que dans les pays partageant la
conception française du droit d'auteur et où les limitations au
droit d'auteur sont essentiellement définies par une jurisprudence
inévitablement plus évolutive que la loi, à
prévenir tout risque d'extension de certaines dérogations aux
droits exclusifs.
Par ailleurs, pas plus que le critère déjà
évoqué du test des " trois étapes ", la
limitation de certaines exceptions à des utilisations de nature
" non commerciale " ne paraît être une garantie
très sérieuse. Ce n'est pas en effet parce qu'une utilisation est
de nature " non commerciale " qu'elle ne peut pas être
préjudiciable aux intérêts des ayants droit, comme le
démontre amplement l'exemple de la copie privée.
Il convient donc de s'opposer à toute extension de la liste des
exceptions facultatives.
•
Le principe de la compensation des exceptions
Certaines exceptions au droit d'auteur ne sont
a priori
guère
susceptibles de causer un préjudice économique significatif aux
titulaires de droits. C'est le cas, par exemple, du droit de citation tel qu'on
l'entend en droit français.
Il en va bien sûr tout autrement des exceptions liées à la
copie privée (reprographie, copie audiovisuelle), des dérogations
dont peuvent bénéficier dans certains Etats membres certaines
institutions (bibliothèques, établissements d'enseignement,
entreprises), ou qui sont justifiées par certaines utilisations
(utilisation à des fins d'enseignement ou de recherche).
Or, si tous les Etats membres prévoient des dérogations au droit
d'auteur et aux droits voisins, tous ne prévoient pas de compenser le
préjudice qui en résulte pour les ayants droit.
Comme le notait la communication sur le suivi du Livre Vert à propos de
la copie privée audiovisuelle, sur quinze Etats membres, onze seulement
ont institué des systèmes de rémunération au titre
de la copie privée, et ces systèmes "
varient beaucoup
dans leur étendue et leur fonctionnement
".
Ces variations sont susceptibles de réduire la portée
concrète du " haut niveau de protection " que le droit
communautaire entend assurer aux titulaires de droit.
C'est pourquoi la proposition de résolution qui nous est soumise se
prononce en faveur du principe d'une compensation, le cas échéant
forfaitaire, des dérogations au droit exclusif.
Le Parlement européen a exprimé le même souci en
prévoyant d'assortir d'une rémunération équitable
les exceptions au droit de reproduction par reprographie, la copie
privée analogique et numérique, ainsi que les exceptions aux
droits de reproduction et de communication pour les utilisations à des
fins d'enseignement et de recherche.
2. La copie privée numérique
Le Livre
Vert sur les droits d'auteur et les droits voisins posait clairement la
question du maintien de l'exception de copie privée dans le contexte
numérique. Mais le dispositif de la proposition de directive n'apporte
malheureusement aucune réponse à cette question et laisse en la
matière une totale liberté aux Etats membres, même si l'un
de ses considérants (n° 27) souligne que les exceptions pour
copie privée ne doivent pas faire obstacle à l'utilisation de
mesures techniques de protection lorsque ces mesures sont disponibles.
Pourtant, les conséquences que peut avoir pour les ayants droit la copie
numérique sont certainement un des problèmes les plus importants
auxquels les confronte la " société de l'information ".
La reproduction parfaite que permet la copie numérique fait en effet
craindre que la copie privée numérique devienne, plus encore que
la copie analogique qui avait déjà sensiblement affecté le
marché des phonogrammes et des vidéogrammes, une forme
très importante d'exploitation des oeuvres de l'esprit.
Surtout, la qualité de la copie numérique n'étant pas
affectée par des reproductions successives, le numérique peut
accroître considérablement le " piratage ordinaire ",
d'autant plus que les matériels de reproduction sont très
accessibles.
La presse s'est ainsi récemment fait l'écho du
développement, dans les établissements scolaires, de
" petits commerces " de copies de disques compacts ou de jeux
vidéo : un sondage aurait fait apparaître que plus de la
moitié des jeunes de 15 à 24 ans déclarent avoir
copié ou fait copier au moins une fois un CD à l'aide d'un
graveur.
Dans leurs réponses au Livre Vert, les titulaires de droits, les
éditeurs et une partie de l'industrie se sont opposés à
toute exception en faveur de la copie privée dans l'environnement
numérique, compte tenu des atteintes qu'elle pouvait porter à
l'exploitation normale des oeuvres, et ont fait valoir que les nouvelles
technologies, en permettant un contrôle effectif de la copie
privée, rendaient possible d'assurer le respect du droit exclusif.
Certains dispositifs permettant le contrôle de la copie numérique
sont en effet déjà disponibles
12(
*
)
et d'autres sont en cours d'expérimentation.
La technologie numérique permet, grâce à la fixation de
codes dans le matériel source, de différencier l'utilisation des
oeuvres numérisées, soit en interdisant la copie, soit en ne
permettant qu'une seule copie. Elle permet aussi d'identifier les oeuvres
copiées.
Certes, on ne peut guère imaginer de protection absolue, ni même
de systèmes de protection durablement inviolables, le principe de la
course poursuite entre le " gendarme " et le " voleur "
ayant sans aucun doute vocation à s'appliquer dans ce domaine comme dans
d'autres.
Il n'en reste pas moins qu'un recours systématique aux techniques de
protection, même imparfaites, même vouées à une
rapide obsolescence, aurait sans doute des effets sensibles sur le
" piratage ordinaire ", celui qui n'est pas pratiqué à
l'échelle industrielle ni par des virtuoses de l'informatique, mais qui
cause un préjudice extrêmement important aux intérêts
des titulaires de droits, ne serait-ce que parce qu'il est pratiqué par
" tout le monde " et constitue donc un phénomène
insaisissable et incontrôlable.
Il faut donc, dès maintenant, encourager la poursuite des recherches
dans le domaine des techniques de protection, et inciter les producteurs et les
diffuseurs à les utiliser.
A cet égard, la position prise par le Parlement européen est
intéressante.
Elle consiste en effet à permettre aux Etats membres de prévoir
une exception pour copie privée -sous réserve d'une compensation
équitable- mais sans que cette option puisse être
interprétée comme interdisant aux ayants droit de se
protéger par des mesures techniques.
D'un point de vue pratique, cette position permet d'éviter le double
écueil d'une interdiction de la copie privée numérique que
l'on ne serait pas en mesure de faire respecter, ou du seul recours à un
régime de compensation qui aurait peu de chances d'être
réellement équitable et pourrait en revanche dissuader les ayants
droit de se protéger.
D'un point de vue juridique, elle est conforme à la nature de
l'exception pour copie privée qui trouve, en droit français, son
origine dans une tolérance inspirée par des considérations
de fait
13(
*
)
, et non dans la reconnaissance d'un
quelconque " droit à copie ".
Au demeurant, il convient de noter que l'interdiction de fait de la copie
numérique n'équivaudrait pas à une interdiction de la
copie privée : les dispositifs techniques de protection contre la
copie numérique ne font en effet pas obstacle à un enregistrement
analogique.
Votre commission vous proposera donc de soutenir la position prise par le
Parlement européen.
III. LES CONDITIONS DE LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE DANS L'ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE
En
même temps qu'il élargit la diffusion des oeuvres de l'esprit, le
progrès technique facilite leur exploitation illicite. Le
phénomène n'est pas nouveau, mais il prend incontestablement,
dans l'environnement numérique, une dimension nouvelle.
Si, contrairement à ce que l'on a prétendu, la
société de l'information n'impose aucune remise en cause des
principes du droit de propriété littéraire et artistique,
elle peut en revanche susciter de nouveaux obstacles au respect et à
l'exercice effectif de ces droits.
La circulation instantanée des oeuvres d'un bout à l'autre du
" village planétaire ", l'accroissement
phénoménal des échanges, la facilité de
reproduction des oeuvres numérisées multiplient en effet les
risques de contrefaçon et de piratage, et rendent plus difficiles
l'identification des responsables, la sanction et la réparation des
actes illicites.
Centrée sur l'harmonisation communautaire de la définition des
droits, la proposition de directive ne traite pas en revanche des moyens de les
faire respecter et laisse de côté, par exemple, les questions
fondamentales de la détermination des responsabilités des
différents acteurs de la société de l'information et du
droit applicable -questions qui d'ailleurs dépassent largement le cadre
communautaire.
Elle prévoit cependant, dans la ligne des Traités de l'OMPI,
d'imposer la protection juridique des nouvelles techniques permettant de faire
obstacle à la contrefaçon.
A. LA PROTECTION JURIDIQUE DES MESURES TECHNIQUES ET DE L'IDENTIFICATION DES OEUVRES
L'environnement numérique ne comporte pas que des
conséquences négatives pour les titulaires de droits puisqu'il
rend aussi possible l'utilisation de nouvelles techniques de protection des
oeuvres : le codage des données numérisées permet en
effet de les protéger contre des utilisations illicites ou d'assurer
leur " traçabilité ".
La protection contre l'utilisation illicite peut résulter soit de
systèmes d'accès conditionné, soit de
procédés interdisant ou limitant la copie numérique des
oeuvres, ces deux types de protection pouvant d'ailleurs être
associés.
L'identification des oeuvres est quant à elle réalisée par
l'intégration à l'oeuvre numérisée d'un code
contenant les données relatives à l'oeuvre ou à
l'élément protégé, aux titulaires de droits, voire
aux conditions et modalités de son utilisation. Les mécanismes
d'identification, qui complètent les mesures de protection, peuvent
ainsi assurer l'information des utilisateurs de bonne foi mais aussi faciliter
le contrôle de l'utilisation des oeuvres, sa facturation, le
" repérage " de réseaux de contrefaçon.
Afin de renforcer leur efficacité, les Traités de l'OMPI rendent
obligatoire la protection juridique de chacune de ces deux catégories de
dispositifs, obligation que reprennent les articles 6 et 7 de la proposition de
directive.
1. La protection des mesures techniques
Deux
articles symétriques des Traités de l'OMPI (article 11 du
Traité " droit d'auteur " et article 18 du Traité
" interprétations et phonogrammes ") font obligation aux Etats
parties de prévoir une protection juridique et des sanctions
"
efficaces
" contre la neutralisation des "
mesures
techniques
efficaces
" prises par les ayants droit afin de
"
restreindre
l'accomplissement
" d'actes
d'exploitation illicites.
Ce dispositif assez bref, et qui laisse une large marge d'appréciation
aux Etats en ce qui concerne tant la définition des sanctions que celle
des agissements prohibés, est moins précis que les propositions
qui avaient servi de base à la négociation et qui
prévoyaient explicitement de sanctionner "
l'importation, la
fabrication et la distribution de dispositifs de neutralisation, ou l'offre et
la prestation de services ayant même effet
".
L'article 6 de la proposition de directive s'efforce de définir plus
précisément les obligations qui s'imposeront aux Etats membres.
L'intention est excellente, mais elle est malheureusement desservie par une
rédaction confuse et qui pourrait être source
d'ambiguïtés.
Les précisions qu'entend apporter la proposition de directive portent,
d'une part, sur la définition des actes prohibés et, d'autre
part, sur celle des " mesures techniques efficaces " devant donner
lieu à une protection juridique.
• En ce qui concerne
les agissements prohibés
, la
Commission entend que soient réprimés non seulement les actes de
neutralisation des mesures techniques mais aussi, comme cela avait
été proposé à la conférence diplomatique de
l'OMPI, "
la fabrication ou la distribution de dispositifs ou la
prestation de services
" permettant cette neutralisation. Afin
cependant que cette définition ne conduise pas à mettre en cause
des industriels, des prestataires de services ou des auteurs de logiciels dont
les produits pourraient être " détournés "
à des fins de neutralisation des protections techniques, l'article 4
précise que pour être sanctionnables les activités
visées :
- ne devront avoir qu'
" une raison commerciale ou une
utilité limitée "
autre que la neutralisation de mesures
techniques. D'après le commentaire d'article, cette précision
doit "
assurer que les équipements industriels et les services
à multiples usages ne soient pas proscrits uniquement parce qu'ils
peuvent être aussi utilisés pour contourner les systèmes de
protection ".
On comprend certes l'intention, mais on voit
également la faille : cette disposition pourrait aussi permettre
à des fabricants peu scrupuleux de s'exonérer de toute
responsabilité en mettant sur le marché des
"
équipements à multiples usages
" ;
- devront en outre présenter un caractère intentionnel,
leurs auteurs "
sachant ou ayant des raisons valables de
penser
" qu'elles peuvent "
permettre ou faciliter
"
la neutralisation des protections techniques. Cette réserve est
inspirée de l'accord ADPIC, qui subordonne l'indemnisation des actes
portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle à
l'intention dolosive de leurs auteurs. Mais elle risque d'être source de
difficultés car il faudra pouvoir prouver la mauvaise foi des
intéressés.
• L'article 6 tente aussi de mieux définir
les mesures
techniques " efficaces ".
Le second alinéa de l'article
dispose à cet effet que ne
" sont réputées
efficaces
" que les mesures subordonnant l'accès à
l'oeuvre à l'application d'un code ou "
d'un
procédé, y compris par décryptage, ou désactivation
de brouillage ou autre transformation de l'oeuvre ou de l'objet
protégé
" : cette rédaction ne permet pas de
conclure avec certitude que seront présumées efficaces toutes les
mesures techniques correspondant à l'une de ces catégories,
d'ailleurs assez vaguement définies. Le commentaire de l'article
précise d'ailleurs que "
les titulaires de droits devront
démontrer que la technique choisie est efficace
" pour
bénéficier de la protection, ce qui pourra s'avérer
difficile compte tenu de l'évolution rapide des techniques.
Au total, " en voulant bien faire ", la proposition de directive
risque de réduire la portée de la protection juridique des
mesures techniques. On doit donc se demander s'il n'aurait pas
été préférable de retenir, au niveau de la
proposition de directive, une formulation plus générale -et
surtout plus claire- inspirée de celles des Traités de l'OMPI,
quitte à laisser aux législateurs nationaux le soin de les mettre
en oeuvre, en s'inspirant par exemple des textes en vigueur réprimant le
décodage illicite des programmes de télévision
cryptés.
Certes, on pourrait objecter qu'une telle démarche limiterait
l'harmonisation recherchée. Mais celle-ci sera de toute façon de
portée assez restreinte puisque, d'une part, les Etats membres sont
libres de déterminer les sanctions applicables à la violation des
mesures de protection et que, d'autre part, les " précisions "
apportées par la proposition de directive pourront donner lieu à
des interprétations jurisprudentielles divergentes.
Votre commission partage donc les réserves qu'exprime,
vis-à-vis de la rédaction de la proposition de directive, le
dernier alinéa de la proposition de résolution, qu'elle vous
propose par conséquent de retenir.
En outre, votre rapporteur souhaite souligner que l'action communautaire en
matière de dispositifs de protection technique ne doit pas se limiter
à la protection juridique. Il paraît indispensable, en effet, que
cette action législative soit complétée par une politique
active de recherche dans le domaine des dispositifs de protection technique et
d'incitation à leur usage.
Au niveau national, le gouvernement a lancé un " programme pour
l'innovation dans l'audiovisuel et le multimédia " destiné
à soutenir la recherche dans le domaine de la protection des contenus.
Aux Etats-Unis, un consortium réunissant l'industrie du disque et
l'industrie informatique (Secure Digital Music Initiative - SDMI) a pour objet
le développement de dispositifs de protection. Il paraît essentiel
que de semblables synergies soient également encouragées au
niveau de l'Union européenne, sauf à accepter que les mesures de
protection technique deviennent un monopole américain.
2. La protection des mesures d'identification
L'article 7 de la proposition de directive, relatif à la
protection juridique de l'
" information sur le régime des
droits "
est très proche des articles correspondants des
Traités de l'OMPI (article 12 du Traité " droit
d'auteur " et article 19 du Traité " interprétations et
phonogrammes "). La " protection juridique appropriée "
que devront prévoir les Etats membres porte sur toutes informations
"
se présentant sous forme électronique
"
permettant d'identifier l'oeuvre ou l'objet protégé, les
titulaires de droits, ou portant sur les conditions et modalités
d'utilisation de ces droits.
Elle doit permettre de réprimer :
- la suppression ou la modification de ces informations,
- la distribution ou la communication au public, en connaissance de cause,
d'exemplaires d'oeuvres ou d'objets protégés lorsque ces
informations auront été supprimées ou
modifiées.
B. LES QUESTIONS NON TRAITÉES PAR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE
Contrairement à ce qui avait été
primitivement
envisagé, la proposition de directive ne comporte pas de dispositions
relatives à la détermination du droit applicable aux
transmissions en ligne.
Par ailleurs, la question de "
la responsabilité relative aux
activités réalisées dans un environnement de
réseau
", qui, comme le souligne le considérant
n° 12, ne concerne pas seulement la propriété
littéraire et artistique, a été renvoyée à
la proposition de directive " relative à certains aspects
juridiques du commerce électronique dans le marché
intérieur "
14(
*
)
.
Il ne saurait évidemment être question pour votre rapporteur de
traiter de manière exhaustive deux sujets qui ne relèvent pas de
la proposition de directive sur laquelle portent le présent rapport et
la proposition de résolution qui nous est soumise.
Cependant, comme l'a souligné devant votre commission la ministre de la
culture et de la communication, il s'agit de deux questions importantes au
regard de la protection de la propriété littéraire et
artistique : il convient donc, sinon de les traiter, au moins de les
évoquer.
1. Le droit applicable
Le Livre
Vert sur les droits d'auteurs et les droits voisins abordait, parmi les
" questions horizontales ", celle du droit applicable à
l'exploitation en réseau des oeuvres et objets protégés
par un droit de propriété littéraire et artistique.
La Commission se prononçait en faveur du principe, au niveau
communautaire, de l'application de la loi
" de l'Etat membre d'origine
du service "
, tout en soulignant que ce principe n'est applicable en
matière de propriété intellectuelle
" que si, en
même temps, on assure une harmonisation poussée de ces
droits "
et qu'au niveau international, la priorité
" devait être accordée à une harmonisation à
un niveau élevé des règles de protection ".
Les réponses à la consultation sur le Livre Vert exprimaient
majoritairement l'opinion selon laquelle les problèmes liés
à la diffusion des oeuvres en réseau pouvaient être
résolus par l'exercice de la liberté contractuelle et
l'application du droit international privé, et refusaient en tout cas
l'application du droit du " pays d'origine ".
La réponse du gouvernement français semblait assez
représentative de cette opinion majoritaire, en tant qu'elle
récusait
" la règle du pays d'origine pour localiser
l'exploitation "
et soutenait que
" la loi du pays
d'exploitation ou de consommation devait continuer à
s'appliquer "
afin notamment de prévenir des risques de
délocalisation des services dans les pays où la protection est la
plus faible.
Cette position était aussi celle du Groupement européen des
sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC) qui s'opposait, en
particulier, à tout parallélisme avec la solution retenue, pour
la télédiffusion par satellite, par la directive
" câble et satellite ".
Devant la commission, Mme Catherine Trautmann s'est également
prononcée contre l'application de la loi du pays d'émission.
Il est à noter que, dans son avis sur le Livre Vert de la Commission sur
la lutte contre la contrefaçon et la piraterie, le Comité
économique et social a souligné que les travaux actuels relatifs
aux règles de droit international privé en matière
délictuelle, qui doivent aboutir à une nouvelle Convention de
Rome (" Rome II "), pourraient permettre de faciliter la lutte
contre les actes de piratage et de contrefaçon commis grâce
à Internet.
Pour votre rapporteur, il paraît indispensable que la question des
règles applicables à la protection des droits de
propriété littéraire et artistique sur les oeuvres
diffusées " en ligne " soit également
étudiée dans le cadre de l'instance internationale
compétente, c'est-à-dire de l'OMPI.
2. La responsabilité des différents intervenants
La
clarification des rôles et des responsabilités des
différents intervenants sur Internet est essentielle, aussi bien pour
les titulaires de droits, qui doivent savoir auprès de qui les faire
valoir, que pour les intervenants eux-mêmes, qui ne peuvent
développer leurs activités dans un climat
d'insécurité juridique.
Il conviendra, là aussi, comme l'a indiqué Mme Catherine
Trautmann, de trouver des solutions équilibrées entre des
exigences et des intérêts contradictoires, ce qui ne sera
évidemment pas facile, d'autant moins que le rôle des
différents opérateurs des réseaux n'est pas toujours
très clairement défini.
La proposition de directive sur le commerce électronique a tourné
cette difficulté en visant non des " métiers " mais un
certain nombre d'activités : le transport de données, le
stockage temporaire (mise en cache), l'hébergement.
Elle retient, en s'inspirant de la récente législation
américaine
15(
*
)
, le principe de
l'irresponsabilité des intermédiaires techniques à raison
des contenus mis en ligne par des tiers :
- le prestataire assurant le "
simple transport
" de
données est exonéré de toute responsabilité
dès lors qu'il joue un rôle purement passif et n'intervient que
pour véhiculer, sans les modifier ni les sélectionner, des
informations qu'il n'a pas fournies à des destinataires qu'il ne choisit
pas. Cette irresponsabilité, qui s'étend au stockage automatique
et " volatile " des informations transmises, ne
bénéficie cependant pas au prestataire dans le cadre d'" une
action en cessation ", ce qui vise, semble-t-il, le cas où il lui
serait enjoint de supprimer l'accès à une information ;
- le
stockage temporaire
ne met pas non plus en cause, sous les
mêmes conditions, la responsabilité du prestataire de service. Il
est cependant tenu de retirer l'information, ou de rendre l'accès
à celle-ci impossible, lorsqu'elle a été retirée du
site principal ou n'y est plus accessible, ou lorsque l'autorité
compétente a ordonné le retrait de l'information ou interdit son
accès ;
-
l'activité d'hébergement
ne peut engager la
responsabilité pénale ou civile de l'hébergeur que dans le
cas où il a connaissance du caractère illicite des
activités qu'il " héberge " (site web, forum,
" bulletin board service ")
et s'il n'agit pas
"
promptement
" pour retirer les informations illicites ou en
interdire l'accès ;
- Enfin, les prestataires exerçant une activité de simple
transport ou d'hébergement ne sont tenus à aucune obligation
générale de contrôle des informations fournies par les
tiers. Ils peuvent en revanche être astreints à des
activités de surveillance " ciblées ou temporaires "
à la demande des autorités judiciaires nationales.
Seule pourrait donc être mise en cause la responsabilité
éditoriale des " fournisseurs de contenus ". Or ceux-ci, bien
souvent, ne peuvent être identifiés qu'à travers les
indications détenues par les prestataires de services techniques.
Pour que l'irresponsabilité des prestataires de services techniques qui
ne sont pas également " fournisseurs de contenus " ne permette
pas, en fait, d'assurer l'impunité des contrefacteurs, il serait
indispensable que les Etats membres puissent imposer aux prestataires de
services, et notamment aux " hébergeurs ", un certain nombre
d'obligations, par exemple :
- informer leurs cocontractants des obligations légales qui s'imposent
à eux ;
- se mettre en état de fournir l'identité et les
coordonnées des responsables des sites qu'ils hébergent ou des
abonnés aux services qu'ils offrent ;
- conserver pendant un certain délai les données de connexion,
à seule fin de les communiquer, si nécessaire, aux
autorités judiciaires ;
- agir, dès qu'ils sont informés du caractère illicite
d'un contenu, en vue de la cessation du trouble constaté.
De telles obligations, qui correspondent ni plus ni moins aux principes
généraux de la responsabilité civile qui,
mutatis
mutandis
, pèse sur tout professionnel, permettraient de concilier
l'irresponsabilité des prestataires de services à raison des
contenus dont ils ne maîtrisent ni la mise à disposition du public
ni la circulation avec la possibilité pour les personnes
lésées de faire respecter leurs droits.
IV. POSITION DE LA COMMISSION
Les
considérants et le dispositif de la proposition de résolution
adoptée par la délégation du Sénat pour l'Union
européenne mettent clairement en évidence l'intérêt
et l'utilité de la proposition de directive, mais aussi les incertitudes
qui peuvent résulter de la définition des exceptions aux droits
qu'elle définit.
La proposition de résolution insiste, en particulier, à ce titre,
sur la nécessité de considérer comme limitative
l'énumération proposée de ces exceptions et
d'éviter l'insertion dans le texte de la proposition de directive de
toute " formule générale " qui laisserait à
l'appréciation des Etats membres la définition de ces exceptions.
Votre commission, pour donner plus de relief à cette recommandation,
dont dépendra en effet, comme l'a montré le présent
rapport, la réalité de l'harmonisation proposée et de la
protection qu'elle doit assurer aux titulaires de droits, vous proposera de ne
pas la faire figurer dans le détail du dispositif mais de la reprendre,
immédiatement à la suite des considérants, sous forme
d'une prise de position générale du Sénat à
l'égard de la proposition de directive.
Cet aménagement de forme ne remet en cause ni l'esprit ni l'orientation
de la proposition de directive, dont votre commission vous propose de retenir
l'ensemble du dispositif sous réserve de quelques modifications
rédactionnelles ou de précision.
Elle vous propose en outre, à la lumière des
développements qui précèdent et des travaux du Parlement
européen, de compléter le dispositif de la proposition de
résolution en y insérant trois paragraphes nouveaux invitant le
gouvernement :
- à faire préciser les domaines respectifs de la communication au
public et de la communication privée ;
- à s'assurer que la création d'un droit de distribution soumis
à épuisement n'aura pas pour conséquence la remise en
cause de la directive française du droit de destination, qu'elle ne
remettra pas en cause les droits des auteurs sur leurs oeuvres originales, et
qu'elle ne fera pas obstacle au respect de la chronologie des
médias ;
- à faire préciser, en s'inspirant des propositions du Parlement
européen, la portée de l'exception facultative relative à
la copie privée, qui doit faire l'objet d'une compensation
équitable et qui ne doit pas avoir pour conséquence d'interdire
aux titulaires de droits de se protéger contre la copie privée
numérique.
*
* *
XAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné la proposition de résolution
n° 541 (1997-1998) au cours de sa réunion du mercredi 28 avril
1999, tenue sous la présidence de M. Jean-Paul Hugot,
vice-président.
Après l'exposé de
Mme Danièle Pourtaud
,
M. Pierre Laffitte
, félicitant le rapporteur pour la
clarté de son analyse, a insisté sur l'importance du sujet
traité par la proposition de directive, qui sera déterminant pour
le développement de la société de l'information dans les
prochaines années.
M. Louis de Broissia
, rappelant que le problème de l'utilisation
des oeuvres par les enseignants avait été plusieurs fois
soulevé au sein des assemblées parlementaires, a regretté
que la proposition de directive ne comporte pas de dispositions facilitant
cette utilisation, qui est essentielle pour la diffusion des oeuvres et des
connaissances.
Confirmant que la proposition de directive n'imposait pas aux Etats membres de
prévoir d'exception au droit de propriété
littéraire et artistique pour l'utilisation des oeuvres dans le cadre de
l'enseignement,
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur
, a
souligné que, s'il était essentiel de faciliter le plus large
accès aux oeuvres, il ne fallait pas que ce soit au détriment des
auteurs et de leur droit à percevoir une rémunération pour
l'utilisation de leurs oeuvres, et elle a estimé que le droit
français permettait de concilier la protection des droits des auteurs et
le souci d'assurer la diffusion de la création et des connaissances.
La commission a ensuite adopté la proposition de résolution
proposée par son rapporteur.
Elle a fixé au lundi 10 mai 1999, à 17 heures, le délai
limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
résolution et au mercredi 12 mai 1999, à 9 h 30, la date de
la réunion de la commission au cours de laquelle ils seront
examinés.
*
* *
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
(Texte
adopté par la commission
en application de l'article 73 bis-6 du
Règlement du Sénat)
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des
droits voisins dans la société de l'information (n° E
1011)
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution ;
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur
l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins
dans la société de l'information (E 1011) ;
Considérant qu'une protection efficace du droit d'auteur et des droits
voisins est une condition nécessaire à la création
culturelle et constitue, de ce fait, une source importante de création
d'emplois par la conception ou la commercialisation de biens et services
basés sur des oeuvres littéraires ou artistiques ;
Considérant que les nouvelles technologies de l'information, et
notamment la numérisation, multiplient les possibilités
d'utilisation d'oeuvres et de biens protégés par lesdits droits
et facilitent leur circulation transfrontalière ;
Considérant que ce nouvel environnement technologique ne
nécessite pas de recourir à de nouveaux concepts juridiques mais
impose une adaptation des règles actuellement applicables en
matière de droit d'auteur et de droits voisins ainsi qu'une
harmonisation aux niveaux international et communautaire ;
Considérant que, le 20 décembre 1996, deux traités ont
été adoptés dans le cadre de l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle afin de procéder à cette
adaptation et à cette harmonisation au niveau mondial ;
Considérant que la proposition d'acte communautaire E 1011 vise à
y procéder dans le cadre communautaire en assurant un niveau de
protection élevé du droit d'auteur et des droits voisins ;
Considérant que, à cette fin, ladite proposition tend notamment
à préciser l'étendue du droit d'auteur et des droits
voisins, à énumérer les exceptions ou limitations dont ils
peuvent ou doivent faire l'objet, et à imposer aux États membres
de prévoir une protection juridique appropriée contre toutes les
activités permettant ou facilitant la neutralisation des mesures
techniques destinées à protéger tout droit d'auteur ou
droit voisin ;
- Souligne la nécessité d'assurer la meilleure protection du
droit d'auteur et des droits voisins dans le respect du droit de chaque citoyen
à la culture et à l'éducation ;
- Soutient le principe d'une énumération limitative des
exceptions aux droits de reproduction et de communication au public, et
s'oppose fermement à toute initiative qui tendrait à
insérer une formule générale laissant la définition
des exceptions à la seule appréciation des États membres,
vidant ainsi la proposition de directive de sa substance ;
Invite en outre le Gouvernement :
- à oeuvrer pour une adoption dans les meilleurs délais de la
proposition de directive E 1011 ;
- à faire préciser les domaines respectifs de la communication au
public soumise à un droit exclusif et de la communication privée,
de manière à limiter les exceptions au droit exclusif de
communication au public aux utilisations privatives des oeuvres et des
éléments protégés dans un cercle de famille ;
- à attirer l'attention sur le risque que peuvent représenter,
pour les ayants droit et pour la survie de l'industrie phonographique, le
développement de services audionumériques thématiques de
diffusion musicale, et sur la nécessité de mettre à
l'étude, le cas échéant, les mesures qui
s'avéreraient indispensables pour que le développement
souhaitable de ces nouveaux services ne se fasse pas au détriment des
auteurs et des autres titulaires de droits ;
- à s'assurer que les dispositions de la proposition de directive
relatives à l'épuisement communautaire du droit de distribution
ne font pas obstacle à l'exercice du droit de destination reconnu aux
auteurs par le droit français, qu'elles ne s'opposent pas au respect de
la chronologie des médias, et qu'elles ne remettent pas en cause la
distinction entre la propriété corporelle des oeuvres originales
et les droits de propriété intellectuelle qui s'attachent
à ces oeuvres ;
- à obtenir de circonscrire l'exception obligatoire au droit de
reproduction aux reproductions volatiles strictement nécessaires, pour
des raisons techniques, à une exploitation autorisée, à
l'exclusion des reproductions temporaires ayant une incidence sur les
conditions d'accès des utilisateurs aux oeuvres et
éléments protégés ;
- à demander une limitation du champ de l'exception facultative
prévue pour les reproductions par reprographie à certains usages
précisément définis et permettant notamment les
reproductions strictement réservées à l'usage privé
du copiste ;
- à faire préciser la portée de l'exception facultative
relative à la copie privée, afin de garantir que cette exception,
qui doit toujours avoir pour contrepartie une rémunération
équitable, ne puisse avoir pour effet d'interdire aux titulaires de
droits de recourir à des mesures techniques de protection contre la
copie numérique ;
- à demander une modification des paragraphes 2 (b et c) et 3 de
l'article 5 afin d'obtenir que les autres exceptions facultatives au droit de
reproduction et au droit de communication au public soient mieux
définies tant en ce qui concerne les bénéficiaires de ces
exceptions qu'en ce qui concerne leurs modalités d'application ;
- à demander que les exceptions aux droits exclusifs aient pour
contrepartie le droit, pour les auteurs et les titulaires de droits voisins,
à une rémunération équitable, le cas
échéant évaluée de manière forfaitaire, pour
les reproductions et communications au public de leurs oeuvres ;
- à demander une modification de l'article 6 afin d'étendre le
champ de la protection juridique des mesures techniques destinée
à protéger le droit d'auteur ou les droits voisins sur le
modèle du dispositif retenu par les Traités de l'OMPI.
*
* *
ANNEXE
Proposition de résolution n° 541 (19971998)
présentée par Mme Danièle POURTAUD
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution ;
Vu la proposition d'acte communautaire E 1011 ;
Considérant qu'une protection efficace du droit d'auteur et des droits
voisins est une condition nécessaire à la création
culturelle et constitue, de ce fait, une source importante de création
d'emplois par la conception ou la commercialisation de biens et services
basés sur des oeuvres littéraires ou artistiques ;
Considérant que le régime juridique de cette protection a
été élaboré dans un contexte technologique
dominé par la technique analogique ;
Considérant que les nouvelles technologies de l'information, et
notamment la numérisation, multiplient les possibilités
d'utilisation d'oeuvres protégées par lesdits droits et
confèrent à leur circulation un caractère transfrontalier ;
Considérant que ce nouvel environnement technologique rend
nécessaire une adaptation des règles actuellement applicables en
matière de droit d'auteur et de droits voisins ainsi qu'une
harmonisation au niveau international et communautaire ;
Considérant que, le 20 décembre 1996, deux traités ont
été adoptés dans le cadre de l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle afin de procéder à cette
adaptation et à cette harmonisation au niveau mondial ;
Considérant que la proposition d'acte communautaire E 1011 vise à
y procéder dans le cadre communautaire en se fondant sur un niveau de
protection élevé ;
Considérant que, à cette fin, ladite proposition tend notamment
à préciser l'étendue du droit d'auteur et des droits
voisins, à énumérer les exceptions ou limitations dont ils
peuvent ou doivent faire l'objet, et à imposer aux Etats membres de
prévoir une protection juridique appropriée contre toutes les
activités exclusivement commerciales permettant ou facilitant la
neutralisation des mesures techniques destinées à protéger
tout droit d'auteur ou droit voisin ;
Souligne la nécessité d'assurer la meilleure protection du droit
d'auteur et des droits voisins dans le respect du droit de chaque citoyen
à la culture et à l'éducation ;
Invite le Gouvernement :
- à oeuvrer pour une adoption dans les meilleurs délais de la
proposition de directive E 1011 ;
- à soutenir le principe d'une énumération limitative des
exceptions aux droits de reproduction et de communication au public, en
s'opposant fermement à toute initiative qui tendrait à
insérer une formule générale laissant la définition
des exceptions à la seule appréciation des Etats et viderait
ainsi la directive de sa substance ;
- à demander une extension du droit de communication au public reconnu
aux titulaires de droits voisins à toutes les communications sous forme
numérique, et non plus au seules communications dites " à la
demande "
- à obtenir de circonscrire les exceptions obligatoires au droit de
reproduction aux reproductions autorisées par la loi et strictement
nécessaires, pour des raisons techniques, à une exploitation des
oeuvres en réseau ;
- à demander une limitation du champ de l'exception facultative
prévue pour les reproductions par reprographie à certains usages
précisément définis et permettant notamment les
reproductions strictement réservées à l'usage privé
du copiste ;
- à demander une modification des paragraphes 2 (b et c) et 3 de
l'article 5 afin d'obtenir que les autres exceptions facultatives au droit de
reproduction et au droit de communication au public soient mieux
définies tant en ce qui concerne les bénéficiaires de ces
exceptions qu'en ce qui concerne leur utilisation, étant entendu que les
Etats doivent pouvoir édicter des dérogations à des fins
d'intérêt général et notamment au profit des
bibliothèques publiques, des établissements de recherche ou
d'enseignement et des archives à des fins de documentation
,
de
recherche, d'éducation ou d'archivage ;
- à demander l'insertion d'un article sur le droit pour les auteurs,
interprètes, producteurs de phonogrammes et d'oeuvres
cinématographiques, à une rémunération
équitable, le cas échéant évaluée de
manière forfaitaire, pour les reproductions et communications au public
de leurs oeuvres ;
- à demander une modification de l'article 6 afin d'étendre le
champ de la protection juridique des mesures techniques destinée
à protéger le droit d'auteur ou les droits voisins sur le
modèle du dispositif retenu par le traité de l'OMPI sur les
interprétations et exécutions et sur les phonogrammes.
1
Document Com (95) 82 final du 19 juillet
1995.
2
Document Com (96) 568 final du 20 novembre 1996.
3
En définissant dans les mêmes termes et en mettant
sur le même plan le droit de reproduction reconnu aux auteurs et aux
différents titulaires de droits voisins, l'article 2 paraît se
rattacher à la tradition du copyright et heurter les conceptions du
droit français. Mais il convient de rappeler que la proposition de
directive s'appliquera " sans préjudice des directives
existantes ", et qu'elle ne doit donc pas être
considérée comme remettant en cause l'article 14 de la directive
92/100 harmonisant la définition des droits voisins, qui dispose que
" la protection des droits voisins du droit d'auteur par la
présente directive n'affecte en aucune façon la protection du
droit d'auteur ".
4
Cf : André Lucas (" Droits d'auteur et
numérique " Litec, 1998) qui ajoute : " Imaginerait-on
d'obliger l'éditeur à solliciter une autorisation distincte pour
reproduire l'oeuvre sur support informatique en vue de la fabrication des
livres ? Ou l'exploitant d'un satellite à obtenir une autorisation
pour faire monter le signal vers le satellite et une autre pour le faire
redescendre ? Qui ne voit qu'on déformerait la
réalité en scindant le processus de consultation en ligne d'une
base de donnée pour distinguer l'acheminement du signal et la
visualisation des données sur l'écran du
destinataire ? "
5
Cette proposition, un peu baroque car il est
généralement considéré que le droit de location ou
de prêt ne peut s'appliquer qu'à un support matériel,
comportait pour la Commission un avantage pratique, le droit de location et de
prêt ayant déjà été harmonisé par la
directive 92/100.
6
Les premières décisions en la matière ont
été deux ordonnances de référé rendues le 14
août 1996 par le TGI de Paris dans les affaires " Brel " et
" Sardou ", concernant la mise à disposition des utilisateurs
de sites web du texte de chansons.
7
Dans le cadre du " Digital performance right in Sounds
recordings Act ", modifié en 1998 pour tenir compte du
développement du webcasting.
8
La directive ne " transpose " pas les dispositions des
traités OMPI relatives au droit de distribution des titulaires de droits
voisins, la directive 92/100 leur reconnaissant déjà ce droit par
des dispositions (article 9) qui n'ont d'ailleurs pas été
transposées en droit français.
9
Arrêt " Deutsche Grammophon " du 8 juin 1971.
10
Arrêt Basset du 9 avril 1987.
11
Arrêt Société Cinéthèque
contre FNCF, 12 juillet 1990.
12
Par exemple le système SCMS (Social Copy Management
System) ne permettant qu'une seule copie numérique.
13
l'impossibilité matérielle d'exiger une
autorisation pour chaque utilisation individuelle, d'une part, et, d'autre
part, l'impossibilité à la fois matérielle et juridique
(respect de la vie privée) de contrôler l'usage privé des
oeuvres.
14
Com (98) 586 final. Document E 1210.
15
Digital millenium copyright Act du 28 octobre
1998.