Proposition de loi relative au pacte civil de solidarité
GELARD (Patrice)
RAPPORT 258 (98-99) - commission des lois
Table des matières
- LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
I. LE CONTEXTE SOCIOLOGIQUE ET JURIDIQUE DANS LEQUEL S'INSCRIT L'EXAMEN DU
TEXTE
- A. LES DONNÉES SOCIOLOGIQUES
-
B. LES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES22 Se reporter au tableau placé
à la fin de l'exposé général comparant les
différents types d'unions
- 1. L'élimination des discriminations à l'égard des personnes homosexuelles
- 2. Une prise en compte juridique du concubinage
- 3. Le refus de reconnaissance du concubinage homosexuel
- 4. Les difficultés patrimoniales auxquelles se heurtent les couples hors mariage
- 5. Les transformations de la parentalité hors mariage
- C. LA GENESE DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (PACS)
- D. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE
-
II. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
- A. RECONNAÎTRE LA LIBERTE DE LA VIE PERSONNELLE DE CHACUN
- B. DÉFINIR LE MARIAGE RÉPUBLICAIN COMME UNE INSTITUTION HÉTÉROSEXUELLE
- C. NE PAS ACCEPTER UN STATUT HYBRIDE ET INAPPLICABLE
- D. RECONNAÎTRE LE CONCUBINAGE HÉTÉROSEXUEL OU HOMOSEXUEL, EN TANT QU'UNION DE FAIT
- E. ADOPTER DES DISPOSITIONS FAVORISANT LE LIEN SOCIAL, INDÉPENDAMMENT DE TOUT STATUT
-
I. LE CONTEXTE SOCIOLOGIQUE ET JURIDIQUE DANS LEQUEL S'INSCRIT L'EXAMEN DU
TEXTE
- EXAMEN DES ARTICLES
- TABLEAU COMPARATIF
- ANNEXES
- ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
N°
258
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 mars 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative au pacte civil de solidarité ,
Par M.
Patrice GÉLARD,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1118
,
1119
,
1120
,
1121
,
1122
,
1138
,
1143
et T.A.
207
.
Sénat : 108
(1998-1999).
Droit civil. |
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS
27
janvier 1999
Auditions publiques
Mme
Irène Théry
, sociologue
M. Jean Hauser
, professeur de droit
M. Guy Coq
, philosophe
M. Eric Fassin
, sociologue
Mgr Vingt-trois
, président de la commission de la famille
à la conférence épiscopale catholique
M. Olivier Abel
, président de la commission éthique de la
fédération protestante de France
M. le rabbin Senior
, membre du cabinet du grand rabbin de France
M. Dalil Boubakeur
, recteur de la Mosquée de Paris
Mme Geneviève Delaisi
, psychanalyste
M. Samuel Lepastier
, pédopsychiatre et psychanalyste
M. Denis Quinqueton
, secrétaire général du
collectif pour le contrat d'union social et le pacte civil de solidarité
Mme Marguerite Delvolvé
, présidente de l'Association pour
la promotion de la famille
Me Xavier Tracol
, collectif pour l'union libre
Mme Renée Labbat
, présidente de l'Union nationale des
groupes d'action des personnes qui vivent seules (UNAGRAPS)
Mme Dominique Blanchon
, responsable de la commission mariage et
égalité des droits de Act-up Paris
M. Daniel Borrillo
, responsable du groupe juridique de AIDES
(fédération nationale)
Mme Martine Gross
, vice-présidente de l'Association des parents
et futurs parents gay et lesbiens (APGL)
M. Dominique Touillet
, Lesbian and Gay pride
Mme Chantal Lebatard
, administrateur de l'Union nationale des
Associations familiales
Mme Dominique Marcilhacy
, Familles de France
M. Jean-Marie Andrès
, Confédération nationale des
Associations familiales catholiques
Mme Claudine Rémy
, vice-présidente de Familles rurales
M. Bernard Teper
, chargé de la communication à l'Union des
familles laïques
9 mars
1999
Auditions en commission
Mme
Elisabeth Guigou
, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Christian Sautter
, secrétaire d'Etat au budget
M. Bernard Kouchner
, secrétaire d'Etat à la santé
Me Hélène Poivey Leclerck
, avocat, conseil de l'ordre de
Paris
Me Marie-Elisabeth Breton
, avocat, membre du bureau de la
conférence des bâtonniers
Mme Claudette Boccara
, vice-présidente du tribunal de grande
instance de Paris
Me Jacques Combret
, rapporteur du 95
ème
congrès
des Notaires " Demain la famille "
10
mars 1999
Adoption du rapport
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Après avoir procédé, le 27 janvier 1999,
à des auditions publiques de représentants de la
société civile et entendu en son sein, le 9 mars 1999, les
ministres concernés et des représentants de professions
juridiques (voir ci-contre), la commission des Lois du Sénat,
réunie le mercredi 10 mars 1999, sous la présidence de
M. Jacques Larché, président
, a examiné,
sur le rapport de
M. Patrice Gélard
, la proposition de
loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil
de solidarité.
Elle a regretté en préalable que cette proposition vienne en
discussion de manière prématurée au moment où un
groupe de travail était chargé, à la chancellerie, de
proposer une réforme générale du droit de la famille.
Elle a souhaité en premier lieu affirmer dans le code civil que
chacun est libre
de sa
vie personnelle
précisant ainsi la
notion de respect de la vie privée figurant à l'article 9 de ce
code (
article additionnel avant l'article premier
).
Considérant que le mariage républicain devait rester
l'institution de référence, et constatant qu'il ne faisait
l'objet d'aucune définition légale, elle a souhaité
définir le mariage
dans le code civil comme " l'union d'un
homme et d'une femme célébrée par un officier de
l'état civil ", affirmant ainsi le caractère
hétérosexuel de cette institution (
article additionnel avant
l'article premier
).
Considérant qu'il n'y avait pas de place entre l'union libre et le
mariage pour un statut intermédiaire inapplicable qui ne pourrait
manquer de porter atteinte au mariage tout en laissant de côté les
concubins qui n'y souscriraient pas, elle a décidé de
supprimer
l'article premier
de la proposition de loi créant le
PACS.
Estimant en revanche qu'il était justifié d'attacher les
mêmes conséquences
juridiques à la situation de fait
que constituait la
vie commune de couples homosexuels et
hétérosexuels
, elle a décidé, pour aller
à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation, de constater
dans la loi l'existence du concubinage tant hétérosexuel
qu'homosexuel (
article additionnel avant l'article premier
).
Elle a donc introduit dans le code civil un nouveau titre relatif au
concubinage comprenant trois articles tendant respectivement à :
- définir le concubinage comme " le fait pour deux personnes de
vivre en couple sans être unies par les liens du mariage " ;
- définir le régime de la preuve en conférant une valeur
de présomption légale à des actes de
notoriété délivrés de manière facultative
par les officiers d'état civil, les juges ou les notaires, mais en
permettant comme actuellement de la rapporter par tout autre moyen ;
- préciser que les concubins peuvent passer un
contrat
pour
régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et
patrimoniales et organiser leur vie commune, de manière à lever
l'hypothèque de l'annulation d'un contrat entre concubins pour cause
illicite.
Elle a enfin adopté des
mesures fiscales et successorales
de
nature à favoriser les liens de solidarité et la liberté
testamentaire.
Concernant l'
impôt sur le revenu
elle s'est déclarée
défavorable à l'imposition commune en dehors du mariage, estimant
qu'il convenait d'encourager celui-ci en réservant aux époux le
bénéfice du quotient conjugal non plafonné.
Dans une optique de solidarité, elle a préféré
ouvrir la possibilité d'
abattements
d'un montant égal
à celui accordé pour le rattachement d'un enfant majeur à
charge (20 370 F actuellement) au titre :
- d'
une personne à charge
, qui peut être le concubin,
vivant sous le toit du contribuable et bénéficiant de faibles
revenus, les enfants à charge de cette personne ouvrant droit à
l'application du quotient familial pour le contribuable
(
art. 2
) ;
- des aides versées à tout
collatéral
jusqu'au
troisième degré (frères et soeurs, oncles et tantes,
neveux et nièces) isolés et bénéficiant de faibles
revenus (
article additionnel après
l'article 2
) ;
En matière
successorale
, elle a voulu favoriser la liberté
de tester :
- elle a institué "
le legs électif
"
permettant à tout personne de léguer à une personne de son
choix (une seule) une somme de 300 000 F en franchise totale de
droit, sans toutefois porter atteinte aux règles de la réserve
successorale (
art. 3)
;
- elle a amélioré la situation successorale des
frères
et soeurs
ayant vécu avec le défunt en portant de
100 000 F à 150 000 F l'abattement auquel ils ont
droit et en supprimant les conditions restrictives actuellement posées
pour ne garder qu'une obligation de cohabitation d'un an (
article
additionnel après l'article 3
) ;
- elle a relevé de 500 000 F à 1 million de francs le
seuil de la valeur de l'
habitation principale
achetée par deux
personnes
en tontine
permettant de bénéficier des droits
de mutation à titre onéreux et a permis l'application de ces
droits, quelle que soit la valeur de l'habitation, pour la part de sa valeur
inférieure au seuil (
article additionnel après
l'article 4)
.
En conséquence des votes intervenus, elle a proposé d'intituler
le texte : " proposition de loi relative au mariage, au concubinage
et aux liens de solidarité ".
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi en première lecture de la proposition de loi
relative au pacte civil de solidarité, adoptée par
l'Assemblée nationale en première lecture le 9 décembre
dernier, après des débats passionnés.
Ce pacte, dont l'appellation évoque plus le droit international que le
droit civil, se propose d'offrir un nouveau cadre juridique "
aux
personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier
", selon
l'expression employée de manière récurrente lors des
débats à l'Assemblée nationale. Il s'adresserait ainsi de
manière indifférenciée aux couples composés de
personnes de même sexe ou de sexe différent mais également
aux personnes qui souhaiteraient organiser leur vie commune en dehors de toute
relation charnelle.
Force est de constater que les unions de fait hors mariage se sont beaucoup
développées dans les vingt dernières années. Un
sixième des couples vit en effet en union libre et donne naissance
à 40% des enfants.
Par ailleurs, les drames personnels générés par
l'épidémie de SIDA ont montré qu'il convenait non
seulement d'éliminer les discriminations dont avaient souffert les
homosexuels mais également de leur garantir des droits sociaux au
quotidien.
Enfin, dans un monde où la précarité a gagné du
terrain, il semble souhaitable de développer de nouvelles formes de
solidarité dans le milieu familial ou en dehors de celui-ci.
D'après les promoteurs de ce texte, il serait " attendu
impatiemment " par cinq millions de personnes. Il apparaît en fait
que cette impatience est surtout perceptible au sein d'une partie de la
communauté homosexuelle dont la revendication de reconnaissance a
été relayée depuis 1990 par des initiatives parlementaires.
Or, l'insertion d'une nouvelle forme d'union dans le livre 1
er
du
code civil relatif aux personnes ne va pas sans poser d'importantes questions
de principe.
A l'heure où le mariage connaît un relatif déclin, y a-t-il
place pour une nouvelle institution située à mi-chemin entre le
mariage et l'union libre, au risque de porter atteinte au premier et de rejeter
la seconde dans le non-droit d'où elle commence à
émerger ?
Faut-il instituer le couple comme entité génératrice de
droits, au détriment relatif des personnes seules et de la famille alors
que le dixième alinéa du préambule de la Constitution de
1946 impose à la Nation d'assurer " à l'individu et à
la famille les conditions nécessaires à leur
développement " ?
Peut-on légiférer sur le couple indépendamment des enfants
qui peuvent en être issus et associer dans un même statut des
couples qui ont vocation à procréer et des couples homosexuels
qui ne le peuvent pas, sans conséquences à venir sur la
définition de la parentalité ?
Et enfin était-il opportun de légiférer sur le couple au
moment où une réforme d'ensemble du droit de la famille est en
cours dans le cadre des travaux de la commission installée au mois
d'août dernier à la chancellerie sous la présidence de Mme
Dekeuwer-Defossez ?
Votre commission des Lois a essayé de répondre sans parti pris et
de manière dépassionnée à ces questions. Pour
éclairer sa réflexion, elle a souhaité entendre tous les
courants de pensée de la société civile dans sa
journée d'auditions publiques du 27 janvier dernier et elle a
procédé, le 9 mars dernier, à des auditions des
ministres concernés et de représentants des professions
juridiques
1(
*
)
.
Elle a souhaité promouvoir des solutions permettant de régler les
situations concrètes dans un cadre de solidarité, sans porter
atteinte à la conception traditionnelle du mariage et de la famille et
en évitant de créer de nouvelles discriminations relatives
à l'encontre des personnes qui vivent seules ou en union libre.
Elle vous exposera ses propositions après avoir procédé
à l'analyse du contexte juridique et sociologique dans lequel s'inscrit
l'examen de cette proposition et avoir rappelé les travaux menés
par l'Assemblée nationale.
I. LE CONTEXTE SOCIOLOGIQUE ET JURIDIQUE DANS LEQUEL S'INSCRIT L'EXAMEN DU TEXTE
A. LES DONNÉES SOCIOLOGIQUES
1. La multiplication des unions de fait
Le
concubinage hétérosexuel devient un fait de société
impossible à ignorer. Depuis les vingt dernières années,
le nombre de couples non mariés a constamment augmenté pour
atteindre la proportion d'un
couple sur six
.
D'après la dernière enquête de l'INSEE publiée en
janvier 1999, le nombre de couples non mariés s'élève en
1998 à
2,4 millions,
le nombre de couples mariés se
stabilisant quand à lui autour de
12,3 millions
. Le mariage
demeure donc la référence, nombre de couples non mariés
étant destinés à se marier ou à se remarier.
La signification et les motivations du concubinage ont évolué. A
côté des personnes qui, traditionnellement, réfutaient
l'institution du mariage et vivaient en union libre par idéal pour
garder un caractère privé à leur engagement, sont apparus
dans les années 70 des jeunes couples cohabitant en prélude au
mariage. Dans les années 1980, cette cohabitation s'est installée
dans la durée sans pour autant exprimer un refus explicite et
définitif du mariage. Hésitent pour leur part à se
remarier des personnes divorcées, découragées par un
divorce difficile ou qu'un remariage priverait du bénéfice d'une
pension alimentaire ou d'une pension de réversion.
Les couples de concubins sont en majorité jeunes. Ils sont plus nombreux
que les personnes mariées jusqu'à l'âge de 26 ans pour les
femmes et de 28 ans pour les hommes. Plus de 90% des mariages sont
précédés par une période de cohabitation. Mais
celle-ci tend à s'allonger : 16% des unions commencées en
1980 se poursuivent sans mariage au bout de dix ans, contre 4% de celles
commencées en 1970.
Les unions hors mariage sont néanmoins
moins stables que le mariage, 50% d'entre elles étant rompues au bout de
dix ans
contre 30% des mariages
.
Plus d'un million de couples non mariés vivent avec un ou plusieurs
enfants. La naissance d'un enfant n'entraîne plus nécessairement
le mariage. Marginale dans les deux premiers tiers du siècle,
la part
des naissances hors mariage
ne cesse en effet d'augmenter depuis une
trentaine d'année avec une très nette accélération
au début des années 80. De 6% en 1967 elle s'élevait
à
39% en 1996
, concernant
plus de la moitié des
premières naissances
,
29%
des secondes et seulement 20%
des suivantes
. Trois enfants nés hors mariage sur quatre en 1996 ont
été reconnus par leur père dès la naissance. Il ne
fait aucun doute que la
réforme de la filiation
ayant
aligné en 1972 le statut des enfants naturels conçus hors mariage
sur celui des enfants légitimes explique en grande partie
l'évolution des comportements, le mariage n'étant plus
impératif pour éviter à un enfant de naître
privé de droits.
Parallèlement, le nombre de mariages qui avait atteint son maximum en
1972 (416 500) a notablement diminué, s'établissant à
254 000 en 1994, remariages compris. En 1996, a été
enregistrée une
augmentation brusque de 10%
, du nombre des
mariages, accompagnée d'une hausse importante du nombre d'enfants
légitimés (112 000). Ce sursaut a sans aucun doute
résulté du vote dans le projet de loi de finances pour 1996 de
l'amendement présenté par M. Charles de Courson supprimant
la demi-part supplémentaire pour enfant à charge dont les couples
de concubins bénéficiaient pour le calcul de leur impôt sur
le revenu. Il apparaît, là encore, que la législation peut
avoir une incidence certaine sur les comportements privés. En
1997
, le nombre des mariages est évalué à
285 000, en
augmentation de 1%
par rapport à 1996.
Contrairement à ce qui est parfois indiqué,
il n'y a donc pas
de fatalité du déclin de l'institution du mariage
et le
législateur peut jouer un rôle important pour le faire
évoluer, pour le conforter ou le fragiliser.
2. Une évolution des modes de vie homosexuels
Il
ressort d'après diverses enquêtes menées en France ou
à l'étranger que 4% des hommes (et 2 à 3% des femmes)
auraient eu des rapports sexuels avec un partenaire du même sexe au cours
de leur vie et 1% au cours d'une année donnée. Les renseignements
statistiques fiables sur les comportements de la communauté homosexuelle
française résultent principalement d'une analyse publiée
en 1992 sur le comportement sexuel des français. Des données plus
parcellaires issues d'enquêtes menées par la presse gay permettent
de se faire néanmoins une idée de l'évolution du mode de
vie des homosexuels.
Il apparaît que les relations stables resteraient plus rares chez les
homosexuels que chez les hétérosexuels et qu'elles ne
présenteraient que plus rarement un caractère exclusif, les modes
de vie homosexuels conduisant fréquemment au multipartenariat. De plus,
les relations stables ne se traduiraient par une cohabitation que dans la
moitié des cas contre plus de 90 % des cas pour les
hétérosexuels.
Il semble cependant qu'une nette évolution se soit dessinée
depuis 1985 conduisant à une valorisation de la vie de couple stable.
Cette transformation, liée notamment à la prise de conscience de
l'ampleur de l'épidémie du SIDA, a entraîné
concomitamment une revendication de reconnaissance d'un statut du couple
homosexuel. Les drames résultant de la mort de partenaires jeunes ont
montré que le survivant bénéficiait d'une protection
juridique insuffisante, étant considéré comme un
étranger par rapport au défunt, notamment en matière de
droit au bail ou de droit des successions. Les survivants, après avoir
été parfois privés du droit de soigner leur compagnon dans
ses derniers instants, ont pu se voir obligés de quitter le logement
commun et être dépouillés de biens acquis lors de la vie de
couple, par des familles ayant parfois coupé tous les liens avec le
défunt du fait de leur refus de son homosexualité.
B. LES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES2( * )
1. L'élimination des discriminations à l'égard des personnes homosexuelles
La
demande de reconnaissance sociale du couple homosexuel s'est affirmée au
terme d'une évolution juridique qui, dans les années 80, a permis
d'éliminer les discriminations légales fondées sur
l'orientation sexuelle des individus.
La loi n° 82-683 du 4 août 1982 a fait disparaître du
code pénal la dernière disposition réprimant
spécifiquement l'homosexualité. Elle a en effet abrogé le
deuxième alinéa de l'article 331 de l'ancien code pénal
qui réprimait les attentats à la pudeur sans violence sur mineur
du même sexe alors que la majorité sexuelle pour les relations
hétérosexuelles était fixée à quinze ans.
Considérée comme un crime sous l'ancien régime,
l'homosexualité avait pourtant été
dépénalisée par la révolution française,
même si, dans les faits, les homosexuels étaient au
19
ème
siècle indirectement sanctionnés sous le
chef d'outrage public à la pudeur ou d'attentat à la pudeur sur
mineur. A partir de 1942, avaient été successivement
insérées dans le code pénal des dispositions
réprimant spécifiquement l'homosexualité (majorité
sexuelle plus élevée, circonstance aggravante de l'outrage public
à la pudeur, incrimination des relations entre mineurs).
En matière de logement, la loi Quilliot du 22 juin 1982 a
substitué à l'obligation de « jouir des locaux en bon
père de famille » celle d'en jouir paisiblement.
L'homosexualité cessait ainsi d'être une cause d'annulation d'un
bail. S'agissant de la fonction publique, la loi du 13 juillet 1983, a
supprimé les notions de « bonne moralité » et
de « bonne moeurs » du statut général des
fonctionnaires.
Parallèlement, en 1981, le Gouvernement retirait l'approbation
française à l'article 302 de la classification de l'organisation
mondiale de la santé faisant entrer, depuis le début des
années 60, l'homosexualité dans la catégorie des
pathologies.
Les homosexuels se sont ensuite vu reconnaître légalement le droit
de ne pas subir de discriminations en raison de leurs moeurs.
La loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 a complété le code
pénal en prévoyant des dispositions, reprises à l'article
225-1 du nouveau code pénal, sanctionnant les discriminations
liées aux moeurs.
La loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 a introduit dans l'article
L. 122-35 du code du travail une disposition précisant que le
règlement intérieur ne peut léser les salariés en
raison de leurs moeurs et la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 a
modifié l'article L. 122-45 du même code pour protéger
le salarié d'une sanction ou d'un licenciement opéré en
raison de ses moeurs. Cet article vise aujourd'hui également les refus
de recrutement.
Mais au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels
revendiquent la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire
que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code
civil.
2. Une prise en compte juridique du concubinage
"
Les concubins se passent de la loi, la loi se
désintéresse d'eux
". Ce mot de Bonaparte explique
l'indifférence du code civil de 1804 à l'égard du
concubinage, laquelle s'est poursuivie pendant tout le 19
ème
siècle. Aujourd'hui encore, le mot lui-même n'apparaît que
quatre fois dans le code civil
3(
*
)
et aucune
définition légale n'en est donnée.
Défini étymologiquement par la " communauté de
lit ", le concubinage est appréhendé par la jurisprudence en
fonction de divers critères se combinant différemment en fonction
des cas d'espèces : communauté de toit, stabilité et
durée des relations, communauté d'intérêt. La
" communauté de toit " se révèle être
l'élément central du concubinage, mais il arrive que les juges ne
l'imposent pas, à l'exemple de l'article 340-4 du code civil qui, en
matière d'action en recherche de paternité, n'exige pas de
communauté de vie mais des " relations stables ou continues ".
La loi vise souvent le caractère notoire du concubinage ou, expression
couramment utilisée, de " la vie maritale " pour éviter
les atteintes excessives à la vie privée.
a) Une prise en compte légale
Des
dispositions législatives, intervenues principalement dans le domaine
social, attachent maintenant des
effets juridiques au concubinage
. On
peut, sans être exhaustif, en citer quelques unes
4(
*
)
:
- En matière de logement,
l'article 14 de la loi du 6 juillet
1989
, permet à un concubin notoire depuis un an de
bénéficier de la continuation ou du transfert du bail en cas
d'abandon du logement ou de décès du preneur ;
-
l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale
permet au concubin notoire d'être ayant droit d'un assuré au titre
des prestations en nature de l'assurance maladie et
l'article L. 361-4
du même code
lui permet de bénéficier du capital
décès ;
- En matière civile, l'exercice commun de l'autorité parentale a
été reconnu aux concubins sous les conditions posées
à
l'article 372 du code civil
. L'assistance médicale
à la procréation, au contraire de l'adoption, leur a
été ouverte (
art. L. 152-2 du code de la
santé publique
).
- le droit pénal reconnaît au concubin notoire une immunité
pour non dénonciation d'infractions impliquant l'autre concubin
(
articles 434-1, 434-6 et 434-11 du code pénal
ou, en
matière d'aide au séjour irrégulier d'un étranger,
article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
) ; en revanche le
concubinage avec la victime est une circonstance aggravante de plusieurs
infractions (
art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code
pénal
) ;
- en matière de procédure civile, un décret du 28
décembre dernier a autorisé le concubin à
représenter les parties devant le tribunal d'instance et devant le juge
de l'exécution (
art. 828 du nouveau code de procédure
civile
et
art. 12 du décret n° 92-755 du 31
juillet 1992
).
- en matière fiscale, le concubin peut bénéficier de la
déduction des frais de transport (
art. 83, 3° du code
général des impôts
et avis du Conseil d'Etat du 10
décembre 1993) ;
En matière sociale, le montant de diverses prestations est
augmenté du fait de la présence d'un concubin au foyer. Mais en
revanche, les ressources du concubin sont prises en compte pour la
détermination des ressources ouvrant droit aux allocations et les
concubins ne peuvent cumuler le montant de deux allocations. Ainsi ne
percevront-ils que 1,5 fois le montant du RMI et non 2 fois ce montant
(
art. premier du décret n° 88-1111 du 12
décembre 1988
).
Le concubinage peut également jouer
au détriment des
concubins
:
- en matière civile, dans le cadre d'un divorce prononcé pour
rupture de la vie commune, il entraîne ainsi la fin du versement de la
pension alimentaire (
art. 283 du code civil
) ainsi que du bail
forcé du logement appartenant à l'ex conjoint
(
art. 285-1
) ;
- en matière sociale, il peut entraîner la suppression de
certaines allocations telles l'allocation veuvage (
art. L. 356-3
du code de la sécurité sociale
), l'allocation de soutien
familial (
art. L. 523-2
) et de l'allocation de parent
isolé (
art. R 524-1
). Le versement de la pension de
réversion des fonctionnaires et des militaires est suspendu en cas de
concubinage notoire, contrairement à la pension de réversion des
salariés qui ne l'est qu'en cas de remariage (
art. L. 46 du
code des pensions civiles et militaires de retraite
).
- en matière fiscale, les concubins font l'objet d'une imposition
commune à l'impôt sur la fortune (
art. 885 E du code
général des impôts
) et pour l'impôt sur le
revenu, ils ne peuvent bénéficier de la demi-part
supplémentaire accordée aux personnes qui élèvent
seules un enfant (
art. 194, II du code général des
impôts
).
b) une construction jurisprudentielle
La
liberté est l'essence même du concubinage. Les concubins ne sont
pas astreints aux obligations du mariage et peuvent en principe rompre à
tout moment la relation. Leurs biens ne sont soumis à aucun
régime légal et, sauf dispositions particulières, leurs
patrimoines restent séparés. La jurisprudence a cependant
élaboré une construction juridique du concubinage permettant
d'atténuer les effets de cette liberté et de cette
indépendance des patrimoines, principalement en cas de cessation du
concubinage
.
Elle a ainsi eu recours à la théorie de la société
de fait ou de l'enrichissement sans cause pour permettre respectivement le
partage de biens à l'exploitation desquels un concubin aurait
participé ou l'indemnisation d'un concubin qui aurait permis leur
valorisation. Elle a également admis l'existence d'une obligation
naturelle permettant de rendre effectif l'engagement pris par un concubin
après la rupture de subvenir aux besoins de son compagnon.
Vis-à-vis des créanciers, elle utilise la théorie de
l'apparence pour établir une solidarité pour dettes entre
concubins qui se seraient présentés comme des époux. Elle
accepte de mettre en jeu la responsabilité délictuelle d'un
concubin en cas de rupture fautive. Depuis 1970, la Cour de cassation admet
l'indemnisation d'un concubin en cas de décès accidentel de son
compagnon.
3. Le refus de reconnaissance du concubinage homosexuel
La Cour
de cassation a refusé d'accorder aux couples homosexuels les droits
reconnus par la loi aux concubins hétérosexuels.
Dans deux décisions du 11 juillet 1989 rendues en matière
sociale, la Cour de cassation a en effet considéré que les
couples homosexuels ne pouvaient bénéficier des avantages
reconnus aux concubins par des textes faisant référence à
la notion de vie maritale, à travers laquelle elle a
considéré que le législateur avait entendu viser la
«
situation de fait consistant dans la vie commune de deux
personnes ayant décidé de vivre comme des époux sans pour
autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu'un couple
formé d'un homme et d'une femme
». Cette jurisprudence a
été confirmée le 17 décembre 1997 en
matière de droit au bail, contre l'avis de l'avocat
général, M. Weber.
Les homosexuels se sont ainsi vu refuser l'accès à des droits que
l'épidémie de SIDA avait mis au premier rang des
préoccupations de leur communauté : transfert du droit au bail en
vertu de l'article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, affiliation
à la sécurité sociale en tant qu'ayant droit de leur
compagnon en application de l'article L. 161-14 du code de la
sécurité sociale.
Allant ponctuellement à l'encontre de cette jurisprudence, la loi
n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures
d'ordre social a modifié l'article L. 161-14 du code de la
sécurité sociale pour accorder au concubin homosexuel de
l'assuré la qualité d'ayant droit pour l'assurance maladie en
tant que personne à charge, un délai de cohabitation (fixé
par décret à un an), non imposé aux concubins
hétérosexuels, étant cependant exigé.
Une deuxième disposition tendant au transfert du droit au bail, en cas
de décès du preneur, à toute personne vivant depuis un an
avec lui figurait dans la même loi mais a été
annulée comme cavalier par le Conseil constitutionnel.
Hormis l'assurance maladie au bout d'un an, les couples homosexuels ne
bénéficient actuellement d'aucun droit découlant de leur
vie commune
.
Cette situation présente parfois un côté positif, les
couples homosexuels ne risquant pas de perdre des avantages dont les textes
prévoient le retrait en cas de concubinage (minima sociaux, pensions
alimentaires, pension de réversion).
En matière de responsabilité, le tribunal de grande instance de
Belfort a néanmoins accepté en 1995 de reconnaître pour la
première fois le
droit à indemnisation d'un concubin
homosexuel
à la suite du décès accidentel de son
compagnon.
La jurisprudence restrictive de la Cour de cassation sur le concubinage
homosexuel est en phase avec la jurisprudence européenne.
Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, ajoute au
traité instituant la Communauté européenne un article 6 A
(futur article 13) qui, après l'entrée en vigueur du
traité, permettra au Conseil de prendre, à l'unanimité sur
proposition de la commission et après consultation du Parlement
européen, les mesures nécessaires à l'élimination
de toute forme de discrimination, et notamment de celles fondées sur
l'orientation sexuelle.
En attendant, la Cour de justice des communautés européennes, par
une décision du 17 février 1998, a refusé de
considérer comme une discrimination au sens de l'article 119 du
Traité le refus à des concubins du même sexe d'une
réduction sur le prix des transports accordée à des
concubins de sexe opposé, relevant qu'en «
l'état
actuel du droit au sein de la Communauté, les relations stables entre
deux personnes du même sexe ne sont pas assimilées aux relations
entre personnes mariées ou aux relations stables hors mariage entre
personnes de sexe opposé
».
De son côté la Commission européenne des droits de l'Homme
a régulièrement considéré que, en dépit de
l'évolution contemporaine des mentalités vis-à-vis de
l'homosexualité, des relations homosexuelles durables ne relèvent
pas du droit au respect de la vie familiale protégée par
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme.
4. Les difficultés patrimoniales auxquelles se heurtent les couples hors mariage
La
principale difficulté à laquelle se heurtent les couples hors
mariage, hétérosexuels comme homosexuels, est d'ordre patrimonial
et successoral.
Leurs biens n'étant pas soumis à un régime légal,
ils peuvent utiliser plusieurs techniques pour se
constituer un
patrimoine commun
. Ils peuvent procéder à des achats en
indivision (art. 815 et suivants du code civil) et passer des conventions
d'indivision (art. 1873-1 et suivants du code civil). Ils peuvent
procéder à des achats en
tontine en vertu desquels les
biens reviennent en totalité au dernier vivant. Plus rarement, ils
procèdent à des achats croisés entre la nue
propriété et l'usufruit. Ils peuvent enfin constituer des
sociétés civiles ou à responsabilité limitée.
Mais la transmission de ce patrimoine se heurte aux
règles
successorales civiles et fiscales
qui considèrent les
concubins
comme des étrangers l'un à l'égard de l'autre
. En
conséquence, en l'absence de testament, ils n'héritent pas l'un
de l'autre. En cas de dispositions testamentaires, leurs droits sont
limités par la réserve légale. Ils ne peuvent donc pas,
contrairement à l'époux survivant, recueillir plus que la
quotité disponible définie aux articles 913 et 914 du code civil.
De plus, sur la part dont ils héritent, les droits de mutation sont
extrêmement élevés : ils ne bénéficient
que d'un abattement de 10 000 F (contre 400 000 F en 1999
pour les conjoints) et le taux applicable est de 60% (contre 5% à 40%
pour les conjoints).
L'adage selon lequel il faut "
vivre en union libre mais
mourir
marié
" prend ici tous son sens, surtout si l'on
considère que les concubins, contrairement aux époux, ne touchent
pas de pension de réversion, sauf au titre de certains régimes
complémentaires de retraite. Mais la solution du mariage n'est ouverte
qu'aux concubins hétérosexuels.
Les concubins souhaitent souvent avant tout pouvoir laisser le
logement
commun
au survivant
. La souscription d'une assurance-vie permet au
bénéficiaire de toucher en franchise de droit un capital
échappant en grande partie à la succession du
prédécédé et pouvant être utilisé pour
payer les droits de succession. Peuvent également être
effectués des legs en usufruit qui permettent au légataire de
conserver la jouissance d'un bien en acquittant des droits moindres.
La
tontine
a longtemps eu la faveur des concubins. Elle permet
d'acquérir des biens considérés comme n'ayant jamais
appartenu au défunt et ne rentrant donc pas dans sa succession. Le
survivant ne rentre donc pas en concurrence avec les éventuels
héritiers légaux. Jusqu'en 1980, la transmission des biens
achetés sous cette clause bénéficiait d'un régime
fiscal très avantageux puisque seuls étaient perçus les
droits de mutation à titre onéreux. Depuis, ce régime
favorable est limité à l'habitation principale de deux personnes
ne dépassant pas une valeur de 500 000 F (art. 594 A
du code général des impôts), ce qui a
considérablement diminué l'intérêt de la tontine.
Concernant les droits extrapatrimoniaux, en cas de maladie ou de
décès d'un concubin et en l'absence de volonté
exprimée par lui, son compagnon peut se voir exclu par la famille des
choix thérapeutiques ou de l'organisation des funérailles, ce qui
a été mis cruellement en lumière par
l'épidémie de SIDA.
5. Les transformations de la parentalité hors mariage
Les
règles et les conditions d'exercice de la fonction parentale hors
mariage se sont beaucoup modifiées ces dernières années,
se rapprochant de celles attachées au mariage. Par ailleurs, si,
individuellement, un homosexuel peut être parent, les couples homosexuels
n'accèdent pas conjointement à cette possibilité.
L'accueil de l'enfant est l'élément central du mariage. La
présomption de paternité
énoncée à
l'article 312 du code civil
a souvent été
considérée comme le coeur même de cette institution. En se
mariant les époux souscrivent à l'obligation de nourrir,
entretenir et éduquer leurs enfants (
art. 203 du code civil
)
et de pourvoir à l'éducation et à l'avenir des enfants
(
art. 213 du code civil
). Les parents mariés exercent en
commun l'autorité parentale (
art. 372 du code civil
).
Il n'y a pas de présomption de paternité résultant du
concubinage. Cependant celui-ci est admis par la jurisprudence comme une
présomption ou indice grave exigé par
l'article 340 du code
civil
pour admettre une demande de recherche en paternité. Le
délai de l'action est d'ailleurs repoussé deux ans après
la cessation d'un état de concubinage ayant impliqué, à
défaut de communauté de vie, des relations stables ou continues
(
art. 340-4 du code civil
).
Depuis la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation et celle du 8 janvier 1993 qui
a modifié les règles de l'autorité parentale, les
relations des parents légitimes et naturels avec leurs enfants se sont
beaucoup rapprochées.
L'autorité parentale commune
peut ainsi être exercée
en commun par les parents d'un enfant naturel si la reconnaissance intervient
avant l'âge d'un an et que les parents vivent en commun au moment de
cette reconnaissance (
art. 372 du code civil
). Le juge aux affaires
familiales délivre un acte justifiant de cette communauté de vie
(
art. 372-1 du code civil
).
En cas de séparation d'un couple marié, le juge fixe les
conséquences du divorce pour les enfants concernant l'autorité
parentale, qui en principe reste exercée en commun, la résidence
habituelle de l'enfant, les droits de visite et d'hébergement et la
pension alimentaire qui devra être versée pour lui
(
art. 286 à 295 du code civil
). Le juge n'intervient pas en
principe en cas de rupture du concubinage. Mais il peut, comme en cas de
mariage, être saisi par les parents en cas de désaccord sur
l'exercice de l'autorité parentale (
art. 372-1-1 du code
civil
).
L'homosexualité ne prive pas en tant que telle de l'exercice des droits
parentaux sur des enfants légitimes ou naturels. Certes, le concubinage
homosexuel d'un parent a pu être cause du retrait de l'autorité
parentale, d'un refus par le juge de fixer la résidence de l'enfant chez
ledit parent ou même de lui autoriser un droit de visite. Mais la
jurisprudence se détermine dans chaque cas d'espèce en fonction
de l'intérêt de l'enfant. Il ressort de l'analyse des
décisions récentes que les juges sont de moins en moins
réticents à fixer la résidence d'un enfant chez le parent
homosexuel.
L'adoption
plénière
est réservée par
l'article 343 du code civil
aux époux mariés depuis plus
de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans.
L'adoption conjointe n'est donc pas possible à un couple de concubins,
hétérosexuels comme homosexuels. Un des deux concubins pourra
cependant adopter seul un enfant, en tant que célibataire de plus de
vingt-huit ans en application de
l'article 343-1 du code civil
. Rien
n'interdit donc à un homosexuel de demander légalement à
adopter un enfant. La pratique administrative, validée par un
arrêt du Conseil d'Etat en date du 9 octobre 1996, refuse cependant
en général aux homosexuels l'agrément exigé par
l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale, au motif que ces
personnes ne présentent pas toutes les " garanties suffisantes sur
les plans psychologique, familial et éducatif pour accueillir un
enfant ".
L'adoption simple
de l'enfant du partenaire homosexuel avec
l'autorisation des parents légitimes ou naturels a pu être
obtenue. Mais cette procédure entraîne la perte de
l'autorité parentale du partenaire consentant à l'adoption au
profit de l'adoptant.
La
procréation médicalement assistée
est
réservée par l'article L. 152-2 du code de la santé
publique à un homme et une femme mariés ou en mesure d'apporter
la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans.
C. LA GENESE DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (PACS)
1. Une revendication de la communauté homosexuelle relayée par des initiatives parlementaires
Au
début des années 1990, a pris corps au sein de la
communauté homosexuelle la revendication d'un statut unifiant pour
l'ensemble des couples non mariés, que les partenaires soient de
même sexe ou de sexe différent, ou même pour des personnes
ayant un projet de vie en commun en dehors de tout lien charnel.
Une première proposition de loi tendant à instituer un contrat de
partenariat civil est déposée au Sénat dès cette
époque par M. Jean-Luc Mélenchon. Sous l'impulsion du
collectif pour le contrat d'union civile, animé par MM. Jan-Paul
Pouliquen et Gérard Bach Ignasse, de nombreuses autres propositions
relayées par des parlementaires de gauche vont voir le jour à
partir de 1992, sous les appellations successives de contrat d'union civile, de
contrat d'union sociale ou de contrat d'union civile et sociale. Elles
prévoyaient toutes l'enregistrement des unions devant l'officier
d'état civil, définissaient en se référant au
mariage les devoirs et le régime des biens des cocontractants et leur
attribuaient des droits directement calqués sur le mariage en
matière de logement, de sécurité sociale, d'impôt
sur le revenu et de succession. En 1996, la Lesbian and Gay pride a
réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes autour de la
revendication du contrat d'union sociale.
Parallèlement, les parlementaires communistes des deux assemblées
proposaient de reconnaître aux couples en union de fait les droits des
couples mariés.
Des associations telles AIDES ou ACT-UP que votre commission a entendues
soutiennent ces projets de statut. Elles réclament, en outre, à
terme l'élimination de toute différence entre les couples
homosexuels et hétérosexuels par
l'ouverture pure et simple
du
mariage
et du
concubinage
aux homosexuels
.
Elles revendiquent également le droit pour les couples homosexuels
d'être parents et d'élever leurs enfants.
Allant dans ce sens, le Parlement européen a adopté, le 8
février 1994, une résolution sur l'égalité des
droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté
européenne invitant la Commission des communautés
européennes à présenter un projet de recommandation devant
chercher, notamment à
mettre un terme
à :
«
- l'interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou
de bénéficier de dispositions juridiques
équivalentes : la recommandation devrait garantir l'ensemble des
droits et des avantages du mariage, ainsi qu'autoriser l'enregistrement de
partenariats,
« - toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels
d'être parents ou bien d'adopter ou d'élever des
enfants. »
A l'inverse, il apparaît que nombre d'homosexuels réfutent tout
statut, se refusant à officialiser leur vie privée.
Propositions de loi parlementaires
ayant
précédé le PACS
Date |
Sénat |
Assemblée nationale |
|
IXème législature |
|
10 mai 1989 |
|
Relative à l' union de fait [ M. Favien Thième et plusieurs de ses collègues, n° 669 ] |
25 juin 1990 |
Tendant à créer un contrat de partenariat civil [ M. Jean-Luc Mélenchon et plusieurs de ses collègues, n° 422 (89-90)] |
|
17 juillet 1992 |
Tendant à créer un contrat de partenariat civil [ M. Jean-Luc Mélenchon et plusieurs de ses collègues, n° 503 (91-92)] |
|
25 novembre 1992 |
|
Tendant
à créer un
contrat d'union civile
|
|
Xème législature |
|
21 décembre 1993 |
|
Tendant
à créer un
contrat d'union civile
|
23 janvier 1997 |
|
Relative
au
contrat d'union sociale
|
19 mars 1997 |
Relative
au
contrat d'union sociale
|
|
|
XIème législature |
|
23 juillet 1997 |
|
Visant à créer un contrat d'union civile et sociale [ M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues, n° 88 ] |
23 juillet 1997 |
|
Relative
au
contrat d'union sociale
|
30 septembre 1997 |
|
Relative
aux
droits des couples non mariés
|
1 er décembre 1997 |
Relative
aux
droits des couples non mariés
|
|
2. Des solutions alternatives
Deux
rapports, remis à la Chancellerie au printemps 1998, respectivement par
M. Jean Hauser et par Mme Irène Théry, ont proposé des
solutions alternatives pour régler les questions de vie commune hors
mariage.
Le groupe " Mission de recherche droit et justice ",
présidé par
M. Jean Hauser
, professeur de droit, a
adopté, pour régler les problèmes de la vie en commun hors
mariage, une approche
purement patrimoniale
, à travers le projet
de pacte d'intérêt commun (PIC). Inséré dans le
livre III du code civil, entre les dispositions relatives à la
société et celles relatives à l'indivision, ce pacte
permettrait la mise en commun de biens par deux personnes souhaitant organiser
leur vie commune,
sans considération de leur sexe ou du type de
relation
existant entre elles, qu'elles soient familiales, amicales ou de
couple.
Le PIC était un acte sous seing privé mais il était
néanmoins proposé que puissent en découler,
éventuellement, sous condition de durée du pacte, de
nombreuses conséquences civiles, sociales et fiscales
liées à la présomption de communauté de vie qu'il
impliquait.
Cette approche avait donc pour ambition "
d'éliminer la charge
idéologique de la question
" en éludant la question de
la reconnaissance du couple homosexuel.
Le rapport de
Mme Irène Théry
, sociologue,
élaboré à la demande conjointe de Mme Martine Aubry,
ministre des affaires sociales et de Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, intitulé " couple, filiation et parenté
aujourd'hui " et portant sur l'ensemble du droit de la famille, a choisi
une approche fondée sur la
reconnaissance du concubinage
homosexuel
accompagnée de
l'extension des droits sociaux reconnus
à l'ensemble des concubins
. Appréhendant le concubinage comme
une situation de fait génératrice de droits résultant de
la communauté de vie, il a proposé d'inscrire dans le code civil
que le "
concubinage se constate par la possession d'état de
couple naturel, que les concubins soient ou non de sexe
différent
".
3. Les exemples étrangers
La
réflexion en France s'inscrit dans un contexte international en
évolution dont il est impossible de faire abstraction.
De nombreux pays étrangers ont déjà adopté des
législations accordant un statut juridique aux seuls couples
homosexuels, à l'ensemble des couples non mariés ou à
toute personne cohabitant sous le même toit. La question fait
également l'objet de débats dans plusieurs pays voisins qui n'ont
pas encore adopté de législation
5(
*
)
.
Les pays nordiques ont adopté des
législations
réservées aux
partenaires de même sexe
. Le
Danemark fut le premier pays en 1989 à adopter une loi permettant
à deux personnes du même sexe de faire enregistrer leur union. La
Norvège a adopté une législation comparable en 1993, la
Suède en juin 1994, et l'Islande en juin 1996. Toutes ces lois posent
le principe de l'identité des droits et devoirs résultant de
l'union enregistrée et du mariage
,
à l'exception de
l'adoption conjointe et de la procréation médicalement
assistée
qui restent refusées aux partenaires. En Islande et
en Norvège toutefois, deux partenaires peuvent bénéficier
de l'autorité parentale conjointe sur un enfant. Il s'agit donc d'un
statut spécifique aux homosexuels distinct du mariage.
Le partenariat enregistré, entré en vigueur le 1
er
janvier 1998 au
Pays-Bas
, s'adresse aux
couples homosexuels comme aux
couples hétérosexuels
. Le principe de l'identité du
partenariat enregistré et du mariage n'est pas posé dans la loi
mais en pratique, après modification d'une centaine de lois existantes,
le régime du partenariat se trouve être très proche celui
du mariage, l'exception principale concernant les relations avec les enfants.
Le partenariat n'a en effet
pas de conséquence sur le statut des
enfants
qui en sont le fruit et
l'adoption conjointe
par un couple
homosexuel n'est pas possible. Toutefois, depuis le 1
er
janvier
1998, un partenaire, sans distinction de moeurs, peut se voir attribuer par le
juge une
autorité sur l'enfant
, qualifiée, non pas de
parentale, mais de « commune ». Les autorités
néerlandaises ont dénombré 3 700 partenariats
enregistrés entre le 1
er
janvier et le 30 septembre 1998,
dont 70% entre partenaires du même sexe. La situation aux Pays-Bas
pourrait évoluer, la coalition au pouvoir s'étant engagée
à présenter avant la fin 1999 un
projet de loi ouvrant le
mariage aux homosexuels
.
En
Belgique
, la loi sur la
cohabitation légale
a
été publiée au moniteur belge du 12 janvier dernier. Elle
s'adresse à deux personnes qui, même si elles ne forment pas un
couple, désirent établir entre elles une communauté de
vie. L'enregistrement par l'officier d'état civil d'une
déclaration officielle de cohabitation leur permet de
bénéficier d'une protection juridique minimale, les
modalités de la cohabitation pouvant être réglées
par convention notariée.
En 1997, des propositions de loi tendant à reconnaître les unions
de fait, homosexuelles ou hétérosexuelles, ont été
débattues et repoussées par le Parlement en
Espagne
et au
Portugal
. De nouvelles propositions de loi ont été
présentées. La communauté autonome de Catalogne accorde
depuis juin 1998 aux couples stables, hétérosexuels ou
homosexuels, un statut comparable à celui des couples mariés dans
les domaines qui relèvent de sa compétence.
Des projets concernant les seuls couples homosexuels sont en cours
d'élaboration en
Allemagne
et en
Finlande
.
Aux
Etats-Unis
où le droit des personnes ne relève pas de
la législation fédérale, la situation est très
contrastée. Une controverse juridique a commencé à se
développer à Hawaï au début des années 1990,
après la décision de la Cour suprême de cet Etat du 5 mai
1993 estimant que le refus du mariage civil à un couple d'homosexuels
constituait une discrimination. A la suite cette décision, et
après de nombreux rebondissements, un amendement à la
Constitution de Hawaï a été adopté par
référendum le 4 novembre dernier pour réserver le mariage
à des personnes de sexe différent.
En réaction de la situation à Hawaï, le président
Clinton a signé en septembre 1996 une loi sur la défense du
mariage
définissant explicitement le mariage comme l'union entre un
homme et une femme
et permettant à un Etat de ne pas
reconnaître la loi d'un autre Etat qui autoriserait les mariages entre
homosexuels. Plus de la moitié des Etats ont modifié leur
législation en ce sens. Mais à ce jour aucun des Etats de l'Union
ne reconnaît le mariage homosexuel et de plus en plus d'initiatives
locales sont prises pour dénier aux couples homosexuels les droits des
couples hétérosexuels.
En décembre 1997, deux homosexuels ont néanmoins obtenu de l'Etat
du New Jersey le droit d'adopter conjointement un enfant et une douzaine
d'Etats permettent l'adoption par le partenaire du parent légal. Des
municipalités, telles San Francisco en Californie ou Denver dans le
Colorado ont institué des formes de partenariat domestique entre
personnes du même sexe qui leur garantissent des avantages sociaux et des
facilités administratives. De nombreuses grandes entreprises accordent
aux couples homosexuels la même protection sociale qu'à leurs
autres salariés. LES TRAVaux de l'assemblée nationale LEs
conditions du vote de la proposition
4. Un débat initial occulté...
Au
printemps 1998,
Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des
Lois, a souhaité qu'un texte commun puisse être établi
à partir des deux propositions de lois déposées le 23
juillet 1997, au début de la 11
ème
législature,
par M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues visant à
créer un contrat d'union civile et sociale (n° 88) et par M.
Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste relative au contrat
d'union sociale (n° 94). MM. Jean-Pierre Michel et
Patrick Bloche, nommés respectivement rapporteur de la commission
des Lois et de la commission des Affaires sociales sur ces propositions, ont
été mandatés à cet effet. Leur travaux, dont le
résultat a été rendu public fin mai 1998, ont donné
naissance au concept de « pacte civil de
solidarité ».
Sur un sujet de société de cette importance et compte tenu des
réflexions qu'il avait lui-même initiées, on aurait pu
s'attendre au dépôt d'un projet de loi du Gouvernement faisant
l'objet de consultations officielles, éventuellement du Conseil
économique et social, et en tout état de cause, du Conseil
d'Etat. Néanmoins, la voie de l'initiative parlementaire a
été choisie, dans des conditions telles que l'impression a
été donnée que voulait être évité un
véritable débat public sur une question de société
intéressant chacun de nos concitoyens.
Alors que
pas une audition n'avait été effectuée en
commission
, les rapporteurs ayant mené seuls leurs travaux, l'examen
des propositions de lois n° 88 et 94 auxquelles a été
jointe la proposition de loi n° 249 de M. Georges Hage et
des membres du groupe communiste relative aux droits des couples non
mariés, a été inscrit à l'ordre du jour de la
commission des Lois le
23 septembre 1998, avant la reprise de la
session parlementaire fixée au 1
er
octobre.
La
discussion en séance publique
n'a pas été
inscrite à l'ordre du jour prioritaire, bien que le Premier ministre lui
même ait apporté un soutien public au texte. La discussion a ainsi
été programmée
le vendredi 9 octobre,
avant le
début de la discussion budgétaire, sur le temps
réservé à la « niche parlementaire ».
Il est compréhensible, dans ces conditions, que l'opposition, qui
n'avait pas été associée à la réflexion, ait
décidé de se mobiliser contre le texte.
Au lieu d'être adopté à la sauvette, comme
l'espéraient ses promoteurs, le texte a, compte tenu d'une mobilisation
insuffisante des députés de la majorité, été
repoussé
par l'adoption de
l'exception
d'irrecevabilité
défendue pendant 2 heures 30 à la
tribune par M. Jean-François Mattei, 900 amendements
ayant été déposés sur le texte.
Procédure d'adoption du PACS
à
l'Assemblée nationale
|
PACS 1 |
||||||
23 septembre 1998 |
Adoption
par la commission des Lois de la
proposition de loi relative au pacte civil
de solidarité - [Rapport n° 1097
de
M. Jean-Pierre Michel
sur les propositions de loi
n°
88
,
94 et
249]
|
||||||
1 er octobre 1998 |
Avis n° 1102 de M. Patrick Bloche au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. |
||||||
Vendredi
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Discussion en séance publique et rejet de la proposition par adoption d'une exception d'irrecevabilité défendue par M. Jean-François Mattei |
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3 heures
49 de discussion
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PACS 2 |
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Propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité : |
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13 octobre 1998 |
- n° 1118 de M. Jean-Pierre Michel |
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- n° 1119 de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues |
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- n° 1120 de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues |
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- n° 1121 de M. Guy Hascoët et cinq de ses collègues |
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14 octobre 1998 |
- n° 1122 de M. Alain Tourret |
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14 octobre 1998 |
Adoption
par la commission des Lois d'une nouvelle
proposition de loi relative au
pacte civil de solidarité
-
[Rapport n° 1138
de
M. Jean-Pierre Michel
sur les propositions
n° 1118 à 1122]
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22 octobre 1998 |
Rapport n° 1143 de M. Patrick Bloche au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. |
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3, 7
et 8 novembre
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Discussion en séance publique et adoption de la proposition de loi par 316 voix contre 249 et 3 abstentions . |
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5. ...Suivi d'une stratégie de passage en force
Alors
que l'article 84 alinéa 3 du
Règlement de
l'Assemblée nationale
dispose que «
les propositions
repoussées par l'Assemblée nationale ne peuvent être
reproduites avant un délai d'un an
», ont
été immédiatement déposées, les 13 et 14
octobre 1998, cinq propositions de loi relatives au pacte civil de
solidarité (n° 1118 à 1122), les deux premières,
identiques, émanant respectivement de M. Jean-Pierre Michel et de
M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste.
Le
14 octobre 1998
, la commission des Lois a adopté, en l'absence
des députés de l'opposition qui avait quitté la salle, une
nouvelle proposition
en tout point identique aux propositions
n° 1118 et 1119 mises en distribution le jour même. Mais il
convient de noter que le rapport de M. Jean-Pierre Michel portait
également sur trois autres propositions, déposées
respectivement par MM. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste
(n° 1120), Guy Hascoët (n° 1121) et Alain Tourret
(n° 1122), dont la
mise en distribution officielle
n'est
intervenue, pour les deux premières, que le
lendemain
de la
réunion de la commission, et, pour la dernière, que le
surlendemain
... La commission des affaires sociales, dans sa
réunion du 23 octobre, a donné un avis favorable à
cette nouvelle proposition.
Cette deuxième proposition sur le pacte civil de solidarité
est
très similaire
à celle qui avait été
rejetée le 9 octobre. Outre des modifications formelles, ont
notamment été supprimés ou introduits divers
délais, la seule différence substantielle résultant dans
l'ajout d'un article permettant aux fratries de bénéficier de
certains avantages du pacs. L'opposition a donc à juste titre
relevé la violation des dispositions du Règlement de
l'Assemblée nationale que constituait la présentation dans un
délai si rapproché d'un texte semblable «
à
quelques virgules près
», selon les termes employés
par M. Jean-Louis Debré, à celui qui avait été
repoussé le 9 octobre et d'annoncer la saisine du Conseil
constitutionnel sur ce point.
La discussion en séance publique de la deuxième proposition de
loi s'est ouverte le mardi 3 novembre. Plus de mille amendements et
trois motions de procédure ont été déposés,
l'opposition ayant décidé de poursuivre sa mobilisation pour
mettre en lumière les nombreuses interrogations soulevées par une
telle réforme, même si la qualité des débats devait
parfois en souffrir.
Plutôt que de prendre acte du fait qu'il
fallait dégager
,
pour un débat de cette importance,
le temps nécessaire
à la discussion
, le Gouvernement a
« saucissonné » l'examen du texte, dégageant
des créneaux, y compris des samedi et dimanche, et tard la nuit, au
milieu de la discussion de la loi de finances.
Cette discussion s'est ainsi poursuivie pendant plus de 60 heures les
samedi 7 et dimanche 8 novembre, le mardi 1er décembre (jusqu'à 7
H du matin), le mercredi 2 décembre (jusqu'à 6 H 35 du matin) et
les mardi 8 et mercredi 9 décembre.
Une exception d'irrecevabilité a été défendue le 3
novembre par Mme Christine Boutin pendant 5 heures 30. Le 7 novembre,
M. Jean-Claude Lenoir a exposé une question préalable
pendant 3 heures 20 et M. Patrick Devedjian, une motion de
renvoi en commission pendant 1 heure 20, le règlement de
l'Assemblée nationale ne limitant pas le temps de parole en l'occurrence.
La proposition a été adoptée au scrutin public le mercredi
9 décembre par
316 voix contre 249
et 3 abstentions.
Les groupes de la majorité ont ainsi appliqué une
stricte
discipline de vote
. Sur un tel sujet de société, il aurait
pourtant été souhaitable que chaque parlementaire puisse se
prononcer en conscience. Les groupes de l'opposition ont autorisé leurs
membres à voter et même à exprimer en séance
publique des opinions divergentes. Il est regrettable que le groupe socialiste
n'ait pas adopté la même attitude.
Au terme de ce récapitulatif, on ne peut que s'associer au regret
émis le 17 décembre dernier par M. Jean-Marc Ayrault,
président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale,
s'exprimant en ces termes sur LCI : "
Je regrette d'avoir
accepté que soient inscrits à l'ordre du jour trop de textes
notamment sur des réformes de société alors que la session
d'automne est constitutionnellement consacrée à l'examen de la
loi de finances et de financement de la sécurité
sociale "
. Il poursuivait en soulignant que l'Assemblée
nationale "
va trop vite, fait du mauvais travail, travaille dans de
mauvaises conditions
".
D. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE
La proposition de loi de 16 articles au total crée un nouveau statut dans le livre 1er du code civil relatif aux personnes avant d'en tirer diverses conséquences dans différents domaines, principalement fiscal et social.
1. La création d'un nouveau cadre juridique
Le pacte
civil de solidarité est inséré dans
le livre Ier
du code civil relatif aux personnes. L'article premier
de la proposition
complète en effet ce livre Ier par un
titre XII
comprenant
les
articles 515-1 à 515-8
.
Le pacte civil de solidarité (pacs) peut être conclu par deux
personnes physiques majeures,
de même sexe ou de sexe
différent
, pour organiser leur vie
commune (
art. 515-1
). Sont ainsi visés les couples
hétérosexuels ou homosexuels, mais également des personnes
n'entretenant pas de relations charnelles ayant un projet de vie en commun.
Sont prévus des
empêchements,
calqués sur ceux du
mariage, résultant de la parenté ou de l'existence d'une autre
union : à peine de nullité, le pacs ne peut être
conclu entre parents ou alliés en ligne directe, entre
collatéraux jusqu'au troisième degré ou entre des
personnes ayant déjà contracté un autre pacte ou
étant mariées (
art. 515-2
).
Les partenaires doivent remettre une
déclaration
au
greffe
du tribunal d'instance
de leur lieu de résidence (à
l'étranger, aux agents diplomatiques et consulaires)
.
Celle-ci
fait l'objet d'un
enregistrement
sur un registre spécial,
avec transcription au greffe du tribunal du lieu de naissance de chaque
partenaire. Les modifications du pacte font également l'objet d'un
dépôt au greffe du tribunal qui a reçu l'acte initial
(
art. 515-3
).
Le lieu d'enregistrement du pacs a été fixé au greffe du
tribunal d'instance, après de nombreuses hésitations, à la
suite de l'adoption d'un amendement présenté par M. Alain
Tourret. La commission des Lois avait en effet opté pour
l'enregistrement à la préfecture, après avoir
abandonné, en raison de l'opposition exprimée par de nombreux
maires, l'idée d'un enregistrement en mairie.
Les partenaires s'apportent une
aide
mutuelle et matérielle dont
les modalités sont fixées par le pacte et ils sont tenus
solidairement à l'égard des tiers des
dettes
contractées par l'un deux pour les besoins de la vie courante (
art.
515-4
). A défaut de stipulation contraire, le régime des
biens acquis à titre onéreux est l'
indivision
(
art. 515-5
).
Le pacte peut être
rompu
d'un
commun accord
ou
unilatéralement
par un partenaire. Il prend fin automatiquement
au
mariage
ou au
décès
de l'un des partenaires. En
cas de rupture d'un commun accord, une déclaration est remise et
enregistrée au greffe du tribunal d'instance du lieu où un
partenaire a sa résidence. En cas de rupture unilatérale, la
décision doit être signifiée par huissier au partenaire, le
pacte prenant fin trois mois après la signification. Dans tous les cas,
la mention de la fin du pacte doit être inscrite en marge de l'acte
initial et en marge du registre tenu au lieu de naissance de chaque
partenaire (
art. 515-8
).
A défaut d'accord entre les partenaires, les conséquences de la
rupture du pacte sont réglées par le juge (
art.
515-8
).
Un
décret en Conseil d'Etat
, pris après avis de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés,
déterminera les conditions dans lesquelles sont traitées et
conservées les informations relatives à la formation, la
modification ou la dissolution des pactes (art. 11).
Les dispositions insérées dans le code civil relative au pacte
sont étendues dans les
territoires d'outre-mer
(art. 12).
2. Les conséquences de la souscription d'un pacs
La
proposition tire les conséquences de la souscription d'un pacs dans
différents domaines.
Droit civil :
En cas de dissolution d'un pacs, s'appliquent les règles du code civil
concernant
l'attribution préférentielle
du
logement
, de l'exploitation agricole ou des locaux professionnels (article
premier,
art. 515-6 du code civil
).
Aucune des autres dispositions du code civil applicables aux époux,
notamment en matière de succession ou de libéralité, n'est
transposée aux partenaires liés par un pacs. La proposition ne
contient de plus aucune disposition relative à la filiation, l'adoption
ou la procréation médicalement assistée.
Fiscalité :
- imposition commune sur le revenu
au bout de la troisième
année (revenus de l'année du troisième anniversaire du
pacs) (art. 2) ;
- diminution des
droits de successions et donations
, sous condition
d'une durée de deux ans de pacs à la date du décès
ou de la donation (art. 3) :
.
diminution des taux
: au lieu du taux de 60% applicable aux
personnes étrangères l'une à l'autre, application d'un
taux de
40%
jusqu'à 100 000 F taxables et de
50%
au delà, ces droits restant beaucoup moins avantageux que ceux des
personnes mariées compris, en fonction de sept tranches de revenu, entre
5% jusqu'à 50 000 F et 40% au delà de
11 200 000 F ;
.
augmentation de l'abattement
: au lieu de l'abattement de
10 000 F applicable aux personnes étrangères l'une
à l'autre sur les successions uniquement, application d'un abattement
s'élevant à
300 000 F
en 1999 et à
375 000 F
à partir du 1
er
janvier 2000 (les
couples mariés bénéficient de 400 000 F en 1999
et de 500 000 F en 2000).
Le
délai de deux ans n'est pas applicable
, en cas de legs, quand
le testateur est reconnu atteint d'une affection de longue durée au sens
du code de la sécurité sociale ;
-
imposition commune à l'impôt de solidarité sur la
fortune
, comme les concubins actuellement (art. 4).
Sécurité sociale :
- Attribution, sans condition de durée du pacs, de la qualité
d'ayant droit pour
l'assurance maladie
au partenaire à charge
d'un assuré. (A l'heure actuelle, une durée d'un an de vie
commune est exigée des personnes à charge autres que les
concubins hétérosexuels) (art. 4 bis) ;
- Fin du versement de l'allocation de soutien familial et de l'allocation
veuvage pour un partenaire engagé dans un pacs (art. 5 bis et
5 ter).
Droit du travail :
Assimilation des partenaires aux personnes mariées pour le choix des
dates de congés payés, le droit à congé pour
décès du partenaire et les droits du salarié partenaire du
chef d'entreprise (art. 5).
Étrangers :
Le pacs rentre en ligne de compte sans délai dans l'appréciation
des liens personnels en France qui peuvent justifier l'attribution d'un titre
de séjour « vie privée et familiale »
(art. 6).
Les dispositions de la proposition qui prévoyaient, à l'article
7, la prise en compte d'un pacs en matière de naturalisation, ont
été supprimées par l'Assemblée nationale.
Fonction publique :
Prise en compte du pacs dans les décisions de mutation de manière
à permettre le rapprochement des fonctionnaires séparés de
leur partenaire pour des raisons professionnelles (art. 8).
Logement :
Sans condition de durée du pacs,
transfert du droit au bail
au
partenaire survivant en cas de décès du titulaire du bail ou
d'abandon du logement et
droit de reprise
du bailleur au profit de son
partenaire (art. 9).
Les
frères et soeurs
, qui ne peuvent souscrire un pacs (
art.
515-2 du code civil
), peuvent néanmoins bénéficier des
dispositions prévues par la proposition, à l'exception de celles
relatives aux donations et successions, dans la limite de deux personnes, et
à condition de justifier d'une résidence commune durant les
délais exigés pour l'ouverture des droits
(art. 10).
II. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Le doyen
Carbonnier notait que "
La question du concubinage pourrait bien cacher
la question du mariage
"
6(
*
)
. Il en est
de même du pacs, statut hybride destiné à rassembler des
personnes qui pourraient se marier mais ne le souhaitent pas, et d'autres qui
ne peuvent pas le faire mais cherchent une reconnaissance. Irène
Théry a considéré devant votre commission que par cette
proposition de loi "
ceux qui ne veulent pas se marier ont
été pris en otage du désir d'union de ceux qui n'ont pas
accès au mariage
"
7(
*
)
.
En considération des dangers que représente ce statut pour le
mariage et l'union libre ainsi que des risques qu'il comporte en matière
de filiation du fait qu'il s'adresse indifféremment à des couples
qui ont vocation à procréer et à d'autres qui ne le
peuvent pas, votre commission sera amenée à ne pas l'accepter. Il
n'a pas sa place, pour les hétérosexuels, entre le mariage et
l'union libre ; il n'est pas justifié pour les homosexuels dont
l'orientation sexuelle est d'ores et déjà respectée en
tant que comportement individuel ce qui n'implique pas nécessairement la
mise en oeuvre d'un statut du couple par le législateur.
Désireuse de marquer le respect qu'il faut avoir pour les comportements
individuels, votre commission vous proposera de préciser l'article 9 du
code civil relatif au respect de la vie privée par une disposition
protégeant la
liberté de la vie personnelle de chacun
.
Votre commission a estimé que le
mariage républicain doit
rester l'institution de référence.
Pour affirmer comme Irène Théry que "
le mariage n'est
pas un simple outil de gestion du couple mais une institution de l'ordre
symbolique dans lequel se différencient les sexes et les
générations
",
8(
*
)
votre
commission s'attachera à donner, ce qui n'existe pas à l'heure
actuelle, une
définition du mariage
faisant ressortir son
caractère
d'institution hétérosexuelle
.
Autant il lui est apparu inopportun de créer un statut hybride pour
répondre en fait au besoin de reconnaissance des couples homosexuels,
autant il lui est apparu justifié de reconnaître que
la vie en
commun
de deux personnes de même sexe
présente des
similitudes avec celle de partenaires de sexe différent et que les
mêmes conséquences juridiques peuvent en découler. Allant
à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation, votre
commission vous propose donc l'
assimilation de fait des concubins
homosexuels aux concubins hétérosexuels
. Pour ce faire, elle
vous propose de
donner une définition du concubinage dans le code
civil
.
L'alternative que vous propose ainsi votre commission mettra sur un
véritable pied d'égalité concubins homosexuels et
concubins hétérosexuels (sous réserve de la situation
à l'égard des enfants) sans exiger des premiers qu'ils concluent
un contrat pour bénéficier des mêmes droits que les seconds.
Enfin, en vous proposant
l'adoption de mesures fiscales et successorales
spécifiques, votre commission vous démontrera que la
solidarité, entre concubins ou non, peut s'exprimer en dehors du statut
proposé.
A. RECONNAÎTRE LA LIBERTE DE LA VIE PERSONNELLE DE CHACUN
Votre commission souhaite en préalable marquer l'attachement du Sénat au respect de la vie privée de chacun. En conséquence, elle vous propose de compléter l'article 9 du code civil relatif au respect de la vie privée par la reconnaissance de la liberté de la vie personnelle de chacun, dans la ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme fondée sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
B. DÉFINIR LE MARIAGE RÉPUBLICAIN COMME UNE INSTITUTION HÉTÉROSEXUELLE
Votre
commission regrette que le Gouvernement n'ait pas assumé ses
responsabilités en déclarant prioritaire cette proposition de loi
plutôt que de rédiger un projet d'ensemble sur la famille, le
mariage et le concubinage. Votre commission a voulu quant à elle
replacer le débat ouvert par la présente proposition de loi dans
le contexte juridique et sociologique qui demeure majoritaire
(12,3 millions de couples mariés et 2,3 millions de concubins).
Le mariage, ce n'est pas seulement un couple, mais selon Irène
Théry, "
l'institution qui lie la différence des sexes
à la différence des générations
".
Le code civil ne contient aucune définition du mariage. Plus curieux, il
n'y est nulle part explicitement précisé qu'il concerne un homme
et une femme.
Son caractère hétérosexuel peut être implicitement
déduit des articles 144 (âge de l'homme et la femme), 75
(déclaration des parties qu'ils veulent se prendre pour mari et femme),
162 et 163 (prohibition des mariages entre frère et soeur, oncle et
nièce et tante et neveu).
L'absence de différence des sexes n'est pas mentionnée dans les
causes de nullité du mariage énumérées aux articles
180 et suivants du code civil. Le caractère hétérosexuel
de l'institution du mariage ne fait cependant aucun doute pour la doctrine qui,
après avoir vu dans le non respect de la différence des sexes une
cause d'inexistence du mariage, s'accorde maintenant pour y voir une cause de
nullité absolue.
La jurisprudence, pour sa part, a régulièrement affirmé
que l'
absence de sexe
ou l'impossibilité de reconnaître le
sexe d'un époux sont susceptibles d'entraîner la nullité du
mariage (Nîmes, 29 novembre 1869, Douai, 1
er
mai 1901). Les
questions qui se posent quant à l'admission du mariage des transsexuels
se situent dans la même problématique.
Mais à l'heure où la notion de différence des sexes semble
s'affaiblir, étant considérée par certaines personnes que
la commission a entendues comme "
une illusion
anthropologique
" et où, dans certains pays voisins, il est
question d'ouvrir l'institution du mariage aux homosexuels, il n'est pas
inutile
d'affirmer clairement le principe du caractère
hétérosexuel du mariage
.
Aux Etats-Unis, de nombreux Etats ont modifié leur législation
dans ce même sens après l'arrêt de la cour suprême de
Hawaï qui, en mai 1993, a jugé que l'interdiction du mariage civil
aux homosexuels constituait une discrimination.
Votre commission vous propose donc de définir le mariage à
l'article 144 du code civil
comme "
l'union d'un homme et d'une
femme
".
Afin de bien distinguer le mariage de l'union libre qui reste une simple
situation de fait, et
marquer son caractère d'institution
, il
convient de plus de préciser que l'union est
"
célébrée par un officier de l'état
civil "
.
C. NE PAS ACCEPTER UN STATUT HYBRIDE ET INAPPLICABLE
1. Un texte dangereux dans ses principes
a) Le risque de porter atteinte au mariage
Le pacs
s'inscrit à mi-chemin entre le mariage et l'union libre. Calqué
sur le mariage, il n'en présente cependant que des
caractéristiques édulcorées et risque de porter atteinte
à celui-ci.
Inséré dans le livre 1
er
du code civil relatif aux
personnes, le régime du pacs se réfère à celui du
mariage concernant tant les empêchements résultant de la
parenté et de l'alliance ou d'une autre union en cours, que les devoirs
imposés aux partenaires. Son enregistrement au greffe du tribunal
d'instance lui confère un caractère officiel, le distinguant d'un
simple contrat.
Mais les devoirs qu'il implique se limitent à un aspect purement
matériel, " l'aide mutuelle et matérielle " et la
solidarité pour dettes. Ils peuvent de plus être minimaux, les
modalités de l'aide étant fixées par le pacte. La vie
commune ne semble pas exiger comme pour les époux une communauté
de vie impliquant le choix d'une résidence commune. Enfin, rien n'est
prévu concernant les devoirs des partenaires à l'égard de
leurs enfants alors qu'il est ouvert à des couples susceptibles de
procréer.
En cas de rupture, aucune protection n'est accordée au plus faible. La
rupture est possible unilatéralement à tout moment sans
intervention du juge, sauf vraisemblablement pour le partenaire
délaissé la possibilité d'obtenir des dommages et
intérêts pour rupture abusive de contrat.
Impliquant des devoirs minimaux, le pacs permet de bénéficier
d'avantages sociaux, fiscaux et successoraux se rapprochant de ceux du mariage
et dont le plus significatif est certainement l'imposition commune.
Le pacs apparaît bien comme un
" sous-mariage "
générant des droits en contrepartie d'obligations minimales
.
Il est à craindre que l'apparition de ce statut intermédiaire
ne dissuade les candidats au mariage
. La relative désaffection
à l'égard de ce dernier ne pourrait que s'amplifier en
présence d'une nouvelle institution apparaissant comme
une source de
droits sans véritable contrepartie
.
Le mariage républicain, institué en 1792, a été
décrit par le doyen Carbonnier comme une des institutions qui divise le
moins les Français. Il serait pour le moins paradoxal qu'il ne soit plus
recherché que par les candidats au mariage religieux, obligés
légalement de passer devant l'officier d'état civil avant que
leur union ne soit consacrée religieusement, ou par des couples
homosexuels désirant obtenir une reconnaissance officielle.
Or, même s'il connaît un déclin relatif, et si le divorce
touche désormais un couple sur trois (120 000 divorces par an),
le mariage demeure la structure la plus protectrice tant des membres du
couple que des enfants qui en sont issus
.
A l'heure où une plus grande " responsabilisation des
familles " est recherchée dans l'éducation des enfants, il
importe, non pas de porter atteinte au mariage, mais au contraire de le
renforcer.
Plutôt que de créer une union de deuxième zone
, il
conviendrait
d'apporter au régime du mariage les adaptations de
nature à revivifier cette institution
. L'examen de la
présente proposition de loi apparaît particulièrement
prématuré
au moment où est engagée à
la chancellerie, par le groupe de travail présidé par Mme
Dekeuwer-Defossez, une
réflexion d'ensemble sur la réforme de
la famille
. A la suite des auditions auxquelles elle avait
procédé le 8 avril 1998 sur le droit de la famille , votre
commission des Lois avait déjà tenu à affirmer qu'il
était essentiel de " ne pas se tromper de réforme
9(
*
)
".
En conséquence votre commission estime
qu'il n'y a pas de place dans
le code civil pour une nouvelle institution
entre le mariage et l'union
libre
.
b) La création de nouvelles discriminations.
Les
avantages reconnus aux personnes ayant souscrit un pacs le seront au
détriment des personnes vivant en union libre, des familles et des
personnes seules.
Sous-mariage de nature à porter atteinte au mariage, le pacs risque de
plus de renvoyer dans le non-droit les
personnes vivant en
union
libre
qui ne souscriraient pas de pacs. Il est pour le moins paradoxal
qu'un statut présenté comme devant bénéficier aux
concubins en arrive à disqualifier ceux qui ne désireraient pas
sortir du concubinage pour adopter un statut alternatif au mariage.
De surcroît, la jurisprudence pourrait continuer à refuser aux
homosexuels
n'ayant pas conclu de pacs les droits accordés
à l'heure actuelle aux concubins. Le pacs laisserait ainsi de
côté les couples de fait n'y ayant pas recours.
Les avantages fiscaux et sociaux reconnus aux pacsés le seraient au
détriment relatif des
familles
et des
7 millions de personnes
seules
.
En matière d'impôt sur le revenu, il est extrêmement
choquant qu'il soit envisagé, par l'intermédiaire de
l'imposition commune, de permettre à des partenaires de
bénéficier du quotient conjugal, dont l'avantage fiscal n'est pas
plafonné, alors que le Gouvernement n'a pas hésité, dans
la loi de finances pour 1999, à
diminuer
à hauteur de
4,5 milliards de francs,
les avantages en faveur des familles,
principalement par le biais de l'abaissement de 16 380 F à
11 000 F
du plafond de l'avantage maximal procuré par une
demi-part, donc au titre d'un enfant.
Les 7 millions de personnes seules, qui, d'après les études de
l'INSEE, ont, à revenu égal, un niveau de vie inférieur de
30% aux personnes vivant en couple, ne comprennent pas au nom de quelle logique
des avantages fiscaux devraient être accordés aux
pacsés ou pourquoi, dans la fonction publique, la création
d'une nouvelle priorité de mutation en faveur des fonctionnaires
séparés de leur partenaire pour des raisons professionnelles
empêcherait les célibataires de revenir au pays pour soigner un
parent malade.
c) Des inquiétudes concernant l'enfant et la parentalité
La
proposition de loi reste totalement silencieuse sur la situation de l'enfant
né de parents liés par un pacs, tant concernant les devoirs que
les parents auraient à son égard que son sort en cas de
séparation. Or, il ne semble pas cohérent de
donner un statut
au couple en faisant complètement abstraction de l'enfant
qui peut
en être le fruit.
En second lieu, le texte contient
des potentialités
inquiétantes concernant la parentalité des couples
homosexuels
.
Proposer un même statut aux couples hétérosexuels et
homosexuels n'est-ce pas en effet ouvrir la voie à la reconnaissance
juridique de la parentalité conjointe d'un couple homosexuel ? Au
nom de quoi refuser à un couple homosexuel soumis au même statut
qu'un couple hétérosexuel le droit à la procréation
médicalement assistée à laquelle a accès le
second ? Une éventuelle ouverture du droit à l'adoption aux
partenaires hétérosexuels s'accompagnerait inéluctablement
de l'extension du même droit aux couples homosexuels.
Plusieurs associations que votre commission a entendues n'ont pas caché
que le pacs n'était à leurs yeux qu'une première
étape symbolique devant conduire à terme à l'obtention du
droit des couples homosexuels d'être parents. Le rapporteur de la
proposition à l'Assemblée nationale a lui-même
estimé que le pacs conduirait inévitablement à accorder
dans l'avenir le droit à l'adoption à tous les couples
contractants. Ainsi, aux Pays-Bas, l'adoption par les couples homosexuels
est-elle maintenant envisagée.
Or, la famille doit rester le lieu de la "
différenciation
symbolique
" des sexes, selon l'expression employée par
Irène Théry.
Il pourrait être dangereux de nier les
conséquences sur la filiation de la différence biologique des
parents
, même si celle-ci est considérée par certaines
personnes que la commission a entendues comme une "
illusion
anthropologique
".
2. Un texte source d'importantes difficultés pratiques et juridiques
a) Les lourdeurs et les incohérences d'un état civil bis
La
procédure d'enregistrement au tribunal d'instance implique une
procédure très lourde exigeant de
nombreuses transmissions
d'informations
entre les greffes (lieu du dépôt du pacs, lieu
de naissance, lieu de rupture) et la tenue de nombreux registres,
multipliant ainsi les risques d'erreurs
. Aucune étude d'impact sur
le fonctionnement des greffes ne semble avoir été
réalisée et chacun sait qu'ils sont surchargés. Les
greffiers auront-ils les moyens d'opérer un véritable
contrôle sur le respect des conditions de la conclusion du pacs,
notamment sur les empêchements ?
Les délais d'enregistrement pourront être longs du fait que tous
les tribunaux d'instance ne disposent pas d'un greffier à temps plein.
D'importantes
incertitudes existeront ainsi sur la date
de prise d'effet
du pacs et de fin du pacs à l'égard des parties et des tiers.
L'absence de lien avec l'état civil
complique la tâche des
greffes et conduit à s'interroger sur les modalités de
communication aux tiers
des informations, aucune
publicité
n'étant organisée. Les tiers créanciers ou autres
pourront-ils savoir qu'un pacs a été conclu ? N'aurait-il
pas été plus rationnel de prévoir un lien, si ce n'est
avec l'état civil, du moins avec le répertoire civil que les
professionnels ont l'habitude de consulter ?
b) Une incertitude sur le régime juridique applicable
L'insertion du pacs dans le livre 1
er
du code civil
relatif aux personnes conduit à
s'interroger sur
sa nature
juridique
et sur ses conséquences éventuelles sur
l'état des personnes. Faisant l'objet d'un enregistrement officiel au
greffe du tribunal d'instance, le pacs ne peut être
présenté comme un banal contrat. Nulle part dans le texte il
n'est explicitement dit que le droit commun des contrats devra s'appliquer. Le
rapporteur à l'Assemblée nationale a qualifié le pacs de
"
convention solennelle
", cette appellation ne suffisant pas
à obtenir une certitude juridique. Il a également indiqué
à plusieurs reprises que les partenaires ne seraient pas
considérés comme des célibataires.
Il résulte de cette imprécision une
incertitude sur le
régime juridique
applicable. Quelles règles le juge
devra-t-il appliquer s'il est saisi en cas de rupture ? Devra-t-il se
contenter de faire jouer la responsabilité contractuelle ou pourra-t-il
également accorder des dommages et intérêts sur le
fondement de la responsabilité délictuelle ? Un
incapable
pourra-t-il conclure un pacs comme un banal contrat et comment
pourra-t-il le résilier ?
Les empêchements, calqués sur ceux du mariage, n'ont pas de raison
d'être pour les personnes n'ayant pas de liens charnels et encore moins
s'il s'agit d'un simple contrat.
L'incertitude sur le droit applicable sera encore accrue en matière de
droit international privé
dans la mesure où il n'est pas
certain que le pacs pourra avoir un effet à l'étranger. En
général, la loi personnelle des intéressés
s'applique en matière de droit des personnes mais les biens sont soumis
à la loi du lieu de leur situation. Quel sera le droit applicable en cas
de pacs conclu avec un partenaire étranger ou en cas de biens
situés à l'étranger ?
c) Les dangers de sa mise en oeuvre pour les contractants
Le pacs
ne procure aux partenaires qu'une
protection illusoire
. Les devoirs sont
minimaux et la
rupture unilatérale
est possible à tout
moment, au mépris des dispositions de l'article 1134 du code civil,
s'apparentant à une véritable répudiation. Le plus faible
n'est pas protégé, aucune aide ne subsistant de manière
obligatoire après la rupture.
En cas de mariage d'un partenaire, le pacte peut même prendre fin sans
que l'autre partenaire en soit informé.
La
solidarité pour dettes
est plus contraignante que celle
prévue pour le mariage, n'étant pas tempérée par la
notion de dépenses manifestement excessives ni par l'interdiction des
achats à tempérament ou des emprunts.
Quant au régime des biens, le texte de la proposition de loi est
extrêmement pénalisant
pour les contractants car, à
défaut de stipulation contraire établie pour chaque bien, il
impose l'indivision,
au lieu de se contenter de prévoir une
simple
présomption
d'indivision pour les biens dont la
propriété ne pourrait pas être déterminée. Il
ne prévoit de plus aucun mécanisme de
remploi de fonds
propres
.
En cas de rupture unilatérale, est-il normal que la solidarité
pour dettes et l'indivision se poursuivent pendant le délai de trois
mois de préavis ?
La facilité très grande de conclusion et de rupture d'un pacte et
l'absence de délai exigé entre la conclusion de deux pactes
risque d'engendrer enfin des
difficultés insurmontables
dues
à la
conclusion de pactes successifs
rapprochés dont
l'indivision n'aurait pas été liquidée.
Il apparaît par ailleurs que la conclusion d'un pacs
serait
pénalisante pour des personnes de revenus modestes
. En
matière sociale, les partenaires pourraient perdre d'emblée le
droit à certains minima sociaux (allocation veuvage, allocation de
soutien familial, fin du cumul des allocations de RMI). En matière
fiscale, l'imposition commune pourrait faire perdre aux partenaires l'avantage
qu'ils tirent chacun de la décote du fait de l'imposition
séparée.
d) Les risques de fraude
La
facilité de conclusion et de rupture d'un pacs et le fait que,
d'après les débats à l'Assemblée nationale,
la
cohabitation ne semblerait pas exigée
, fait craindre la conclusion
de " pacs blancs " conclus dans le seul but de profiter des avantages
procurés.
Des
délais de carence
ont été introduits pour
l'imposition commune sur le revenu et l'aménagement des droits de
succession et de donation, limitant ainsi les risques.
En matière de succession, il apparaîtrait cependant plus judicieux
de supprimer tout délai que d'en prévoir l'exonération en
seul cas de maladie grave du testateur. Cette condition introduit en effet,
outre l'obligation de rompre le secret médical, une curieuse
discrimination entre le survivant d'un mort par maladie et celui d'un mort par
accident, alors même que ce dernier, à l'opposé du premier,
ne peut anticiper le décès.
La conclusion de pacs blancs resterait profitable pour effectuer des
donations déguisées
par le biais du partage à parts
égales en fin de pacs de biens qui, acquis sans stipulations
spéciales par un seul partenaire pendant la durée du pacs, ou
avant le pacs, seraient de facto
tombés dans l'indivision
. Elle
pourrait également intervenir dans l'espoir, pour un fonctionnaire,
d'obtenir une mutation et, pour un étranger, d'obtenir un titre de
séjour. Par ce biais, un
bailleur
pourrait
reprendre un
bail
sans aucune condition de durée de pacs
.
Opposée au principe même d'un statut regroupant des
bénéficiaires placés dans des situations
différentes,
votre commission vous propose donc de supprimer
l'article du projet de loi instaurant le pacs.
D. RECONNAÎTRE LE CONCUBINAGE HÉTÉROSEXUEL OU HOMOSEXUEL, EN TANT QU'UNION DE FAIT
Autant
il est inopportun de créer un statut hybride pour répondre en
réalité à la situation des couples homosexuels, comme se
propose de le faire la présente proposition de loi, autant est
justifiée l'
assimilation de leur situation de fait à celle des
concubins hétérosexuels
.
La Cour de cassation, comme on l'a vu plus haut, refuse de considérer
les couples homosexuels comme des concubins. Sa jurisprudence du 11 juillet
1989 a récemment été confirmée le 17
décembre 1997, contre l'avis de l'avocat général.
Les couples homosexuels se voient ainsi privés dans leur vie quotidienne
du bénéfice des mesures légales prises en faveur des
couples hétérosexuels non mariés.
Il est tout à fait compréhensible que le juge, en l'absence de
volonté exprimée par le législateur, n'ait pas
souhaité procéder lui-même à l'assimilation des
couples homosexuels à des concubins.
En pratique, il semble que le législateur puisse sans
inconvénient reconnaître que
la vie en commun
de deux
personnes de même sexe
présente des similitudes
avec
celle de partenaires de sexe différent, justifiant que les mêmes
conséquences juridiques puissent en découler.
Votre commission vous propose de créer dans le
livre premier du code
civil
relatif aux personnes, à la suite des titres relatifs au
mariage et au divorce,
un titre VI bis
relatif au concubinage.
Ce titre comprendra trois dispositions :
Il reconnaîtra le concubinage comme une
situation de fait
constituée par la
vie en couple
de
deux personnes
hors
mariage
. Il s'appliquera ainsi à l'ensemble des couples,
homosexuels, comme hétérosexuels.
Il disposera que le concubinage se
prouve par tout moyen
mais
reconnaîtra une valeur de présomption légale à des
actes de notoriété délivrés par l'officier
d'état civil, le juge ou le notaire. Les pratiques actuelles de
délivrance de certificats de concubinage seront ainsi
légalisées, sans qu'aucune obligation de délivrance de ces
certificats ne soit pour autant instituée.
Il précisera que les concubins peuvent
passer contrat
pour
régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et
patrimoniales et organiser leur vie commune. Cette possibilité existe
déjà mais les dispositions de l'article 1133 du code civil sur la
cause illicite des conventions contraires aux bonnes moeurs laisse subsister
une menace sur les conventions entre concubins, même si, dans les faits,
ne sont plus actuellement annulées que les conventions qui auraient pour
objet la poursuite ou la continuation des relations, présentant de ce
fait un caractère vénal.
Ainsi les couples homosexuels pourront-ils bénéficier des
droits accordés par la loi aux couples hétérosexuels dans
leur vie quotidienne
. Ils pourront notamment devenir sans délai
ayant droit pour la sécurité sociale et bénéficier
au bout d'un an du transfert ou de la continuation du bail en cas d'abandon du
domicile ou de décès du preneur.
Pas plus que le pacs, l'assimilation des concubins homosexuels à des
concubins hétérosexuels n'a pas de conséquences, en
l'état actuel du droit, sur la parentalité des couples
homosexuels. L'adoption n'est en effet ouverte, en application des
articles 343 et 343-1 du code civil, qu'à des couples mariés
ou à des célibataires, et la procréation
médicalement assistée est réservée, par
l'article L. 152-2 du code de la santé publique, aux couples
formés d'un homme et d'une femme.
E. ADOPTER DES DISPOSITIONS FAVORISANT LE LIEN SOCIAL, INDÉPENDAMMENT DE TOUT STATUT
1. La suppression de dispositions figurant dans le texte
Certaines dispositions de la proposition qui étendaient
aux
partenaires ayant souscrit un pacs des mesures déjà applicables
aux concubins hétérosexuels deviendront inutiles du fait de
l'assimilation proposée des concubins hétérosexuels aux
concubins homosexuels. Ainsi :
- le concubin homosexuel deviendra sans délai ayant droit pour la
sécurité sociale de son concubin à la charge de qui il se
trouve (art. 4 bis) ;
- en cas de décès ou d'abandon du domicile, il
bénéficiera du transfert ou de la continuation du bail
après un an de concubinage, comme actuellement le concubin
hétérosexuel (art. 9) ;
- l'allocation veuvage et l'allocation de soutien familial pourront lui
être retirées comme au concubin hétérosexuel
(art. 5 bis et 5 ter) ;
- il fera l'objet d'une imposition commune avec son concubin à
l'impôt sur la fortune (art. 4).
Votre commission vous proposera de supprimer d'autres dispositions du texte
prévues au bénéfice d'un partenaire d'un pacs. Il en sera
ainsi de la disposition sur la délivrance des titres de séjour
" vie privée et familiale " qu'il convient de laisser, comme
à l'heure actuelle, à l'appréciation de l'administration
(art. 6) ou des mutations des fonctionnaires pour rapprochement, qu'elle
souhaite réserver en priorité aux personnes mariées
(art. 8).
Concernant les droits à congé, elle vous proposera
d'étendre au concubin le droit à deux jours de congé pour
le décès de son compagnon (art. 5).
2. Un dispositif fiscal et successoral favorisant la solidarité et la liberté
Concernant les dispositions fiscales et successorales , la commission vous proposera, en plein accord avec la commission des Finances saisie pour avis, d'adopter un dispositif de nature à favoriser les relations de solidarité familiale et à renforcer le lien social ainsi qu'à répondre à de nombreuses attentes en matière successorale. Certaines dispositions pourront bénéficier à tous, donc au concubin, d'autres seront prévues spécifiquement en faveur des frères et soeurs ou également des oncles et tantes, neveux et nièces.
a) L'impôt sur le revenu
En
matière
d'impôt sur le revenu
, votre commission n'est pas
favorable à l'imposition commune en dehors du mariage, estimant qu'il
convient d'encourager le mariage en
réservant aux époux
le
quotient conjugal
non plafonné.
Mais dans une optique de solidarité, elle vous proposera
d'étendre la notion de
personne à charge
pour l'imposition
sur le revenu
à une personne
vivant sous le toit
du
contribuable et bénéficiant de
faibles ressources
. Cette
personne ouvrira droit à un
abattement spécifique
, et non
à l'application du quotient familial. Le plafond de cet abattement sera
identique à celui en vigueur pour la prise en charge des enfants majeurs
mariés ou ayant des enfants (
20 370 F
).
Les enfants à charge de cette personne seraient rattachés au
foyer fiscal du contribuable et ouvriraient droit à l'application du
quotient familial au même titre que les enfants de ce dernier.
Cet avantage ne serait ouvert que pour
une seule personne
par
contribuable.
Ainsi un contribuable hébergeant un concubin, parent ou ami ayant de
faibles ressources pourra-t-il opérer un abattement de
20 370 F sur son revenu imposable
et prendre fiscalement en
charge les enfants de ladite personne.
Pour
renforcer la solidarité dans le milieu familial
, votre
commission vous propose de plus de permettre, dans la même limite de
20 370 F
, la
déduction des sommes versées
à des collatéraux jusqu'au troisième degré
(frères et soeurs, oncles et tantes, neveux et nièces)
isolés et
disposant de faibles ressources. Ces personnes ne
sont pas bénéficiaires de l'obligation alimentaire prévue
par le code civil. Mais il importe dans un monde où la
précarité a gagné du terrain de favoriser
l'expression
d'une
solidarité familiale élargie
.
b) Les successions
En
matière successorale, votre commission considère que
les
droits de succession entre personnes étrangères l'une à
l'autre sont excessifs
, portant atteinte au droit de
propriété. Elle estime de plus que les règles relatives
à la réserve successorale limitent trop la liberté du
testateur et qu'il convient d'améliorer la situation du conjoint
survivant. Elle souhaite voir intervenir la réforme d'ensemble du droit
des successions annoncée depuis plusieurs années, dans la
continuité du projet de loi déposé par
M. Pierre Méhaignerie au Sénat en 1995, à la
suite des travaux de MM. Carbonnier et Catala.
Dans l'attente de cette réforme, elle ne vous proposera pas de modifier
l'échelle des taux applicables ni les règles de la
réserve. En revanche, elle vous proposera un
aménagement de
l'abattement successoral
susceptible de répondre à l'attente
de nombre de nos concitoyens.
Votre commission estime que chacun devrait pouvoir laisser en
franchise de
droits
une certaine somme à une seule personne de son choix,
indépendamment des liens familiaux ou des liens de concubinage. Ce
"
legs électif
" pourrait être d'un
montant de
300 000 F
, identique à l'abattement
opéré sur la part des enfants ou d'une personne
handicapée. Il pourrait bien évidemment profiter au concubin. Il
ne pourrait toutefois déroger aux règles de la réserve
successorale.
Cette somme de 300 000 F semble cohérente avec le montant
moyen des successions reçues par les Français. En 1994, sur
95 271 successions effectuées à des non-parents ou
collatéraux à partir du troisième degré,
79 422, soit
83%, ont été taxées pour une part
inférieure à 300 000 F
.
Ce montant est identique à celui de l'abattement prévu par la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, au
bénéfice des partenaires liés par un pacs, pour
l'année 1999.
Par ailleurs, votre commission estime que la
situation successorale de
l'ensemble des frères et soeurs
ayant vécu avec le
défunt
doit être améliorée, sans
préjudice de la possibilité pour l'un d'entre eux de recevoir un
"
legs électif ".
A l'heure actuelle, les frères et soeurs ne bénéficient en
effet d'aucun abattement propre à l'exception d'un abattement de
100 000 F, à condition qu'ils soient célibataires,
veufs, divorcés ou séparés de corps, qu'ils aient plus de
50 ans ou soient atteints d'une infirmité les rendant incapables de
subvenir à leurs besoins et qu'ils aient été
domiciliés pendant cinq ans avec le défunt avant sa mort
(art. 788 du CGI).
Votre commission vous propose, d'une part, de supprimer les conditions
restrictives permettant aux
frères et soeurs
qui cohabitaient
avec un défunt de bénéficier de
l'abattement
de
100 000 F sur la part qu'ils reçoivent, en ne gardant qu'une
condition de durée de
cohabitation d'un an
avant le
décès, et, d'autre part, de porter cet abattement à
150 000 F
.
Enfin, dans le but de permettre dans les meilleures conditions la
transmission de l'habitation principale de deux personnes cohabitantes
,
quelle que soient leurs relations
, elle vous propose de redonner un
caractère attractif à
la clause de tontine
. La
transmission de l'habitation principale est effectivement un souci majeur
auquel il faut répondre.
Le seuil permettant de bénéficier des droits de mutation à
titre onéreux pour la transmission d'une habitation principale
achetée en
tontine
serait ainsi relevé à
1
million de francs
et l'application de ces droits serait possible
quelle
que soit la valeur de l'habitation
pour la part de sa valeur
inférieure au seuil.
L'ensemble des mesures proposées permet donc, d'une part de prendre
en compte de nouvelles solidarités dans le cadre de l'impôt sur le
revenu, et, d'autre part, d'accroître la liberté effective de
tester et de transmettre son patrimoine
.
TABLEAU COUPLE (14 PAGES)
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article premier
(art. 9 du
code civil)
Liberté de la vie personnelle
L'article 9 du code civil , dans sa rédaction
issue de
la loi n° 70-643 du 17 juillet 1990 énonce que
" chacun a droit au respect de sa vie privée ". Dans un second
alinéa, il prévoit que les juges peuvent prendre toutes mesure
pour faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie
privée.
Cette notion de vie privée est directement dérivée de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme qui dispose que " Toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale " et qu'il ne peut y avoir d'ingérence
d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit.
C'est sur le fondement de cet article 8 que la Cour européenne des
droits de l'Homme a reconnu que l'homosexualité constituait un
élément de la vie privée qui méritait protection.
Elle a ainsi jugé que la législation d'Irlande du Nord
incriminant les actes homosexuels entre deux adultes consentants constituait
une ingérence permanente dans la vie privée,
disproportionnée par rapport au but poursuivi (Dudgeon contre
Royaume-Uni, 22 octobre 1981). Cette jurisprudence a été
confirmée depuis (Norris contre Irlande , 26 octobre 1988 ; Modinos
contre Chypre, 22 avril 1993).
En France, l'article 9 du code civil, a été presque toujours
uniquement utilisé pour condamner des atteintes à
l'intimité de la vie privée. Pourtant, c'est sur la base
combinée de l'article 8 de la convention européenne et de
l'article 9 du code civil, que la Cour de cassation a reconnu en 1991, le droit
au changement d'état civil d'un transsexuel qui se comportait comme une
femme dans sa vie personnelle.
En 1991 la Cour de cassation avait jugé que le licenciement d'un
sacristain ne saurait être fondé uniquement sur ses moeurs en
l'absence de trouble caractérisé au sein de l'association
religieuse qui l'employait. Depuis, quelques décisions intervenues en
matière de droit du travail ont confirmé que " la vie
personnelle " ne pouvait justifier un licenciement en l'absence
d'interférence avec la vie professionnelle .
Dans le prolongement de cette jurisprudence française et
européenne, votre commission vous propose de garantir
expressément à l'article 9 du code civil le principe de la
" liberté de la vie personnelle " de chacun,
élargissant ainsi la notion plus restrictive de respect de la vie
privée figurant à cet article.
Ainsi serait marqué l'attachement du Sénat au respect des
différents choix de vie individuels.
Pour reprendre l'expression exacte figurant dans la convention
européenne des droits de l'Homme, elle vous proposera de plus de
remplacer à l'article 9 l'expression vie privée par celle de
" vie privée et familiale ", notion déjà
utilisée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat en
matière de droit au séjour et introduite par la loi
" RESEDA " dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Article additionnel avant l'article
premier
(art. 144 du code civil)
Définition du
mariage
Le code
civil ne contient aucune définition du mariage. Plus curieux, il n'y est
nulle part explicitement précisé qu'il concerne un homme et une
femme.
L'hétérosexualité du mariage peut cependant être
déduite à travers trois articles :
- l'article 75 énonce que l'officier d'état civil doit recevoir
de chaque partie la déclaration qu'elles veulent se prendre pour
" mari et femme " ;
- l'article 144 donne l'âge minimal que l'homme et la femme doivent avoir
pour contracter un mariage mais sans toutefois préciser que l'homme et
la femme se marient entre eux ;
- l'article 162 prohibe le mariage entre le " frère et la
soeur " et l'article 163 le mariage entre " l'oncle et la
nièce " ou la " tante et le neveu ".
L'absence de différence des sexes n'est pas mentionnée dans les
causes de nullité du mariage énumérées aux articles
180 et suivants du code civil. Le caractère hétérosexuel
de l'institution du mariage ne fait cependant aucun doute pour la doctrine qui,
après avoir vu dans le non respect de la différence des sexes une
cause d'inexistence du mariage, s'accorde maintenant pour y voir une cause de
nullité absolue.
La jurisprudence, pour sa part, a régulièrement affirmé
que l'
absence de sexe
ou l'impossibilité de reconnaître le
sexe d'un époux sont susceptibles d'entraîner la nullité du
mariage (Nîmes, 29 novembre 1869, Douai, 1
er
mai 1901). Les
questions qui se posent quant à l'admission du mariage des transsexuels
se situent dans la même problématique.
Mais à l'heure où la notion de différence des sexes semble
s'affaiblir, étant considérée par certaines personnes que
la commission a entendue comme "
une illusion
anthropologique
" et où, dans certains pays voisins, il est
question d'ouvrir l'institution du mariage aux homosexuels, il n'est pas
inutile
d'affirmer clairement le principe du caractère
hétérosexuel du mariage
.
Aux Etats-Unis, de nombreux Etats ont modifié leur législation
dans le même sens après l'arrêt de la cour suprême de
Hawaï qui, en mai 1993, a jugé que l'interdiction du mariage civil
aux homosexuels constituait une discrimination.
Votre commission vous propose donc d'adopter une nouvelle rédaction de
l'article 144 du code civil
, le premier article du titre consacré
au mariage (titre V du livre 1
er
), pour définir le mariage
comme "
l'union d'un homme et d'une femme
".
Afin de bien distinguer le mariage de l'union libre qui reste une simple
situation de fait, il convient de plus de préciser que l'union est
"
célébrée par un officier de l'état
civil "
.
Votre commission vous propose d'adopter cet
article additionnel.
Article additionnel avant l'article
premier
(art. 310-1 à 310-3 du code
civil)
Définition du concubinage
Le code
civil ne contient que peu de références au concubinage, et en
tout cas pas de définition, quatre articles seulement reprenant
l'expression (voir tableau figurant en annexe).
La jurisprudence a donné divers critères du concubinage qui se
combinent différemment en fonction des cas d'espèces :
communauté de toit, stabilité et durée des relations,
communauté d'intérêts.
Dans ses deux décisions du 11 juillet 1989 rendues en matière
sociale, la Cour de cassation a considéré que les couples
homosexuels ne pouvaient bénéficier des avantages reconnus aux
concubins par des textes faisant référence à la notion de
vie maritale à travers laquelle elle a considéré que le
législateur avait entendu viser la «
situation de fait
consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de
vivre comme des époux sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne
peut concerner qu'un couple formé d'un homme et d'une
femme
». Cette jurisprudence a été confirmée
le 17 décembre 1997 en matière de droit au bail, contre
l'avis de l'avocat général, M. Weber.
Les homosexuels se sont ainsi vus refuser l'accès aux droits reconnus
par la loi aux concubins de sexe différent : transfert du droit au
bail en vertu de l'article 14 de la loi n°89-462 du
6 juillet 1989, affiliation à la sécurité
sociale en tant qu'ayant droit de leur compagnon. La loi n° 93-121 du
27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, en
introduisant un deuxième alinéa dans l'article L. 161-14 du
code de la sécurité sociale, leur a cependant reconnu cette
qualité d'ayant droit pour la sécurité sociale en tant que
personne à charge.
La Cour de justice des communautés européennes, elle-même,
dans une décision du 17 février 1998, n'a pas
considéré comme une discrimination au sens de l'article 119
du Traité le refus opposé à des concubins du même
sexe d'une réduction sur le prix des transports accordée à
des concubins de sexe opposé, relevant qu'en
«
l'état actuel du droit au sein de la Communauté,
les relations stables entre deux personnes du même sexe ne sont pas
assimilées aux relations entre personnes mariées ou aux relations
stables hors mariage entre personnes de sexe opposé
».
Il est tout à fait compréhensible que le juge, en l'absence de
volonté exprimée par le législateur, n'ait pas
souhaité procéder lui-même à l'assimilation des
couples homosexuels à des concubins.
En pratique, il semble que le législateur puisse sans
inconvénient reconnaître que
la vie en commun
de deux
personnes de même sexe présente des similitudes avec celle de
partenaires de sexe différent, justifiant que les mêmes
conséquences juridiques puissent en découler.
Autant il est inopportun de créer un statut hybride pour répondre
en réalité à la situation des couples homosexuels, comme
se propose de le faire la présente proposition de loi, autant est
justifiée leur
assimilation de fait aux concubins
hétérosexuels
.
Votre commission vous propose de créer dans le
livre premier du code
civil
relatif aux personnes, à la suite des titres relatifs au
mariage et au divorce,
un titre VI bis
relatif au concubinage comprenant
trois articles.
L'article 310-1
donnerait une définition du concubinage
permettant d'inclure les couples homosexuels. Le concubinage serait
défini comme le
fait pour deux
personnes de vivre en couple
sans être unies par les liens du mariage
. Le recours à la
notion de couple permettrait de différencier les concubins des simples
cohabitants. Elle permettrait également de répondre aux
conditions de
stabilité
et de
continuité
exigées par la jurisprudence -la cohabitation qui est pourtant
généralement l'élément central du concubinage
n'étant pas quant à elle impérative.
A côté du mariage, qui a été défini comme
l'union officialisée d'un homme et d'une femme, le concubinage serait
donc défini comme l'union de fait de deux personnes, sans qu'il soit
utile de préciser que les partenaires peuvent être de même
sexe ou de sexe différent puisque les deux cas de figure seraient admis.
L'article 310-2
préciserait le
régime de la preuve
,
en énonçant que le concubinage se prouve par tous moyens et en
conférant une valeur de présomption légale aux certificats
de concubinage actuellement délivrés. Un acte de
notoriété délivré par l'officier de l'état
civil, le juge ou le notaire ferait ainsi foi jusqu'à preuve du
contraire.
Aucune obligation de délivrance de ces certificats n'est cependant
instituée.
Le code civil prévoit déjà l'intervention d'actes de
notoriété en matière de filiation (art. 311-3),
d'acte de naissance des époux (art. 71), d'indivision
(art . 815-11). De tels actes sont régulièrement
délivrés par les notaires en matière successorale pour
prouver la qualité d'héritier.
L'article 310-3
préciserait que les
concubins peuvent passer
un contrat
pour régler leurs relations patrimoniales. Cette
possibilité existe actuellement, sous réserve de la jurisprudence
sur la cause illicite résultant de l'application combinée des
articles 1131 et 1133 du code civil en vertu desquels une cause contraire aux
bonnes moeurs est une cause illicite supprimant tout effet à une
obligation. Dans le passé, de nombreux contrats entre concubins ont
été annulés sur la base de ces dispositions. La
jurisprudence s'est beaucoup assouplie, même en cas de concubinage
homosexuel ou adultérin, ne maintenant plus un caractère illicite
qu'aux libéralités qui auraient pour objet la poursuite ou la
continuation des relations. De plus, la preuve du caractère illicite de
la convention revient au demandeur de l'annulation, ce qui lui rend l'action
plus difficile. Il n'en demeure pas moins qu'une menace peut subsister en
l'état actuel du droit sur les conventions passées entre
concubins.
Par ailleurs l'affichage de la possibilité d'un tel contrat dans un
titre sur le concubinage peut être une incitation positive pour les
concubins à organiser leurs relations. Une étude a
révélé qu'en 1994, si 39% des couples non mariés
étaient titulaires d'un certificat de concubinage délivré
en mairie, 3% seulement d'entre eux avaient passé un contrat devant
notaire.
Un tel contrat pourrait par exemple fixer les modalités de participation
des concubins à la vie commune, constater le patrimoine de chacun,
organiser des moyens de preuve de propriété des biens, convenir
une présomption de propriété indivise, organiser une
indivision et tenter de prévoir les conditions de la rupture.
A l'heure actuelle, pas plus que le pacs, l'assimilation des concubins
homosexuels aux concubins hétérosexuels n'auraient pas de
conséquences sur la parentalité des premiers.
L'adoption
n'est pas ouverte aux concubins mais seulement aux couples ou
aux célibataires en application des articles 343 et 343-1 du code civil.
Un homosexuel célibataire peut donc demander légalement à
adopter un enfant. La pratique administrative, validée par un
arrêt du Conseil d'Etat en date du 9 octobre 1996, a
refusé systématiquement aux homosexuels l'agrément
exigé par l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale,
au motif que ces personnes ne présentent pas toutes les " garanties
suffisantes sur les plans psychologique, familial et éducatif pour
accueillir un enfant ".
La procréation médicalement assistée,
quand
à elle, peut bénéficier à des concubins, mais elle
est expressément réservée par l'article L. 152-2 du
code de la santé publique à "
l'homme et la femme formant
le couple
".
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Article premier
(art. 515-1 à 515-8 du code
civil)
Création d'un pacte civil de solidarité
Cet
article insère à la fin du
livre premier du code civil
relatif aux
personnes
un nouveau titre XII relatif au
pacte civil de
solidarité
et comprenant les articles 515-1 à 515-8.
La place choisie pour l'insertion du pacs dans le code conduit à
s'interroger sur sa nature juridique et sur ses conséquence sur
l'état des personnes.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, le rapporteur et
le garde des Sceaux ont affirmé à maintes reprises que le pacs
était un contrat. Le rapporteur l'a qualifié de
«
convention solennelle
». Mais il a
également affirmé à plusieurs reprises que les partenaires
ne seraient plus considérés comme des célibataires, ce que
le garde des Sceaux n'a pas confirmé.
La lecture des règles posées par le texte rend difficile
d'assimiler le pacs à un simple contrat soumis dans son
intégralité aux règles posées aux articles 1101 et
suivants du code civil. Le régime du pacs semble être à
mi-chemin entre celui du contrat et celui d'une institution régissant
l'état des personnes. Le texte étant très elliptique, il
en résulte de
multiples incertitudes sur le droit applicable
.
Ces interrogations se retrouveront en matière de droit international
privé quand il s'agira de déterminer la loi applicable en cas de
pacte conclu avec un partenaire étranger ou de biens situés
à l'étranger.
Il est donc important de savoir si le pacs, placé dans le livre Ier
relatif aux personnes a des incidences sur l'état des personnes. Dans la
négative, il trouverait mieux sa place dans le livre III du code civil.
Article
515-1 du code civil
Définition du pacte civil de
solidarité
Le pacs
peut être conclu par
deux
personnes physiques majeures (à
l'exclusion donc, du fait d'une modification introduite à
l'Assemblée nationale, des mineurs émancipés). Ces
personnes peuvent être « de même sexe ou de sexe
différent ». Le pacs doit leur permettre
« d'organiser leur vie commune ».
Le pacs s'adresse ainsi à des couples hétérosexuels ou
homosexuels. Mais seraient également concernés d'après les
promoteurs du texte des « duos de solidarité »
souhaitant établir une vie commune en dehors de toute relation
charnelle. Dans ces conditions, il est permis de s'interroger sur sa limitation
à deux personnes.
Si le pacs est un contrat, il peut sembler étrange d'éprouver le
besoin de préciser l'identité ou la différence des sexes
des partenaires. En l'absence de toute indication, la loi s'applique à
tous, indépendamment du sexe des contractants.
Un mineur émancipé ne pourra pas conclure un pacs. Mais la
question des
incapables
n'est pas évoquée. En l'absence de
toute mention spécifique, il ne semble pas que le pacs leur soit
fermé. Mais quelles seraient les règles applicables ?
Faudra-t-il se référer aux pouvoirs du tuteur ou du curateur en
matière de passation d'un banal contrat ? En matière de
mariage, il est prévu une intervention spécifique du Conseil de
famille (art. 506 du code civil).
La notion de
vie commune
semble très floue. Le texte ne fait pas
référence expressément à une obligation de
cohabitation. Une simple communauté d'intérêt serait-elle
suffisante ? Le rapporteur à l'Assemblée nationale a
d'ailleurs plusieurs fois souligné au cours des débats que la
cohabitation n'était pas obligatoire, ce que n'a pas
véritablement confirmé le garde des sceaux. Au contraire des
couples hétérosexuels stables qui cohabitent dans la plupart des
cas, les couples homosexuels ne cohabitent que dans la moitié des cas.
Dans le cadre du mariage, les époux, même s'ils peuvent avoir deux
domiciles distincts (art. 108 du code civil) doivent fixer la
résidence commune de la famille (art. 215).
Article
515-2 du code civil
Empêchements à la conclusion d'un pacte
civil de solidarité
Sont
prévus des empêchements résultant de la parenté
(ascendants et descendants et alliés en ligne directe et
collatéraux jusqu'au troisième degré inclus) ou d'une
union en cours pour l'un des partenaires, à savoir un mariage ou un
pacs. Un pacs conclu malgré ces empêchements est nul.
Concernant la parenté, sont ainsi prohibés les pacs en ligne
directe entre parents ou grands parents et enfants ou petits enfants, mais
également entre beaux parents et beaux enfants. En ligne
collatérale, l'interdiction s'applique entre frères et soeurs et
aux oncles et tantes avec leurs neveux ou nièces par le sang. Ces
empêchements sont exactement
calqués sur ceux prévus
pour le mariage
aux articles 161 à 163 du code civil mais ils sont
encore plus rigoureux, n'étant pas susceptibles de
bénéficier de la dispense prévue à l'article 164 du
code civil pour les mariages entre beaux parents et beaux enfants et entre
oncle et nièce et tante et neveu.
En tout état de cause, ces empêchements familiaux peuvent sembler
curieux dans le cadre d'une institution qui n'implique pas obligatoirement des
relations charnelles. Interrogé sur la question, le garde des sceaux a
répondu que les relations charnelles étaient
présupposées, justifiant que soit éliminé tout
risque d'inceste. Mais en tout état de cause, des relations entre
collatéraux au troisième degré ou entre alliés en
ligne directe ne devraient pas subir cette rigueur.
L'empêchement résultant des unions en cours se
réfère à l'interdiction de la bigamie prévue
à l'article 147 du code civil.
Le texte sanctionne le non respect des empêchements par la
nullité du pacs
. Mais rien n'est dit, alors que cela semblerait
indispensable, sur les conditions de mise en oeuvre d'une éventuelle
action en nullité, tant concernant les personnes qui seraient
susceptibles de l'invoquer que sur les délais de prescription.
Concernant le mariage, un chapitre entier est consacré aux demandes en
nullité et à leurs conséquences (articles 180 à
201). Lors du débat à l'Assemblée nationale, le garde des
sceaux a réfuté la notion de nullité absolue pouvant
être invoquée pendant trente ans par tout intéressé
ainsi que par le ministère public, ce qui semblerait pourtant logique.
Par ailleurs, aucune sanction n'est prévue pour des partenaires qui
enfreindraient sciemment un des empêchements prévus. En
matière de mariage d'ailleurs, seule la bigamie est sanctionnée
pénalement (
art. 433-20 du code pénal
).
Article
515-3 du code civil
Réception, inscription et conservation
du
pacte civil de solidarité
Une
déclaration écrite conjointe organisant leur vie commune doit
être remise par les partenaires au greffe du tribunal d'instance dans le
ressort duquel ils fixent leur résidence.
Doivent être joints à cette déclaration une copie de l'acte
de naissance de chaque partenaire et un certificat du greffe du tribunal
d'instance du lieu de naissance (ou du tribunal de grande instance de Paris en
cas de naissance à l'étranger) attestant qu'ils ne sont pas
liés par un pacs.
Un registre des déclarations est tenu par le greffier qui assure
également la conservation de la déclaration. L'inscription de la
déclaration sur le registre assure date certaine au pacs. les
modifications du pacte font également l'objet d'un dépôt,
d'une inscription et d'une conservation au greffe du tribunal qui a reçu
l'acte initial.
Mention de la déclaration est faite sur un registre tenu au greffe du
tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire (ou au tribunal
de grande instance de Paris, en cas de naissance à l'étranger).
A l'étranger, l'ensemble des opérations concernant le
dépôt, l'enregistrement et la conservation du pacte, est
assuré par les agents diplomatiques et consulaires, étant
précisé qu'un des partenaires doit être français.
Cet article soulève de nombreuses questions tenant tant au choix du lieu
qu'à la procédure d'enregistrement du pacs ou à sa
publicité concernant les tiers.
Le
lieu d'enregistrement
du pacs a été fixé au
greffe du tribunal d'instance, après de nombreuses hésitations,
à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par
M. Alain Tourret. Les propositions de loi initiales prévoyaient un
enregistrement par l'officier d'état civil. Le texte rendu public au
printemps 1998 confiait cette responsabilité aux services de la mairie.
Devant l'opposition formulée par de nombreux maires, la commission des
Lois avait finalement opté pour un enregistrement à la
préfecture. Cette dernière solution avait quant à elle
fait l'objet d'une opposition résolue de la part de l'ensemble de la
communauté homosexuelle, l'image de la préfecture étant
trop associée dans son esprit à des pratiques de fichage
dangereuses pour les libertés individuelles.
Le but des promoteurs de la proposition était de choisir une
autorité publique
facilement accessible
aux
intéressés, permettant ainsi d'obtenir une
reconnaissance
officielle
du couple en limitant les complications procédurales. Le
greffe du tribunal d'instance a été considéré par
eux comme un compromis acceptable. Les associations homosexuelles que votre
commission a entendues se sont toutes néanmoins déclarées
attachées à un enregistrement par l'officier d'état civil,
principalement pour son caractère symbolique faisant
référence à la célébration du mariage, mais
également pour des considérations pratiques.
Il existe actuellement 473 tribunaux d'instance en France, soit en moyenne
4 à 6 par département. Leurs greffes exercent déjà
des attributions en matière de compte de tutelle ou de délivrance
de certificats de nationalité. Mais chacun sait qu'ils sont
surchargés. Aucune étude d'impact n'ayant été
réalisée, il est impossible de connaître les
conséquences du texte sur leur fonctionnement ni les moyens
supplémentaires qu'il conviendra de leur accorder.
Or, si la déclaration, qui semble devoir être remise en personne
par les intéressés, peut être reçue par tout agent
du greffe, l'enregistrement qui donne date certaine au pacte, est accompli par
un greffier. D'après les renseignements obtenus par votre rapporteur,
tous les tribunaux d'instance ne disposeraient pas d'un greffier à temps
plein. Le délai d'enregistrement de la déclaration peut en
être allongé d'autant, la
date du pacs dépendant ainsi
curieusement de la célérité de son enregistrement
par
un fonctionnaire. Il est à supposer que les partenaires disposeront d'un
acte officiel leur précisant cette date. Mais s'ils n'en sont pas
informés sans délai, les effets du pacs concernant le
régime des biens et des dettes pourraient commencer à courir sans
qu'ils en soient informés.
En tout état de cause, le texte n'indique pas clairement si le pacs peut
produire des effets entre les parties dès sa signature sous seing
privé
où s'il prend effet, à l'égard des tiers
comme des parties, à la date de son enregistrement. Cette incertitude
peut être source d'importantes difficultés.
Il convient de s'interroger sur les moyens dont disposeront les greffiers pour
vérifier la régularité d'un pacs et la latitude qu'ils
auront pour refuser un enregistrement. Contrairement au mariage, aucune
opposition n'est prévue, et certains empêchements seront
impossibles à constater simplement vu de l'acte de naissance
(alliés, oncle et tante, nièce et neveu). Les
greffiers ne
semblent donc pas armés pour faire respecter les empêchements
.
Aucun contrôle n'est exercé sur le
contenu de la
déclaration
déposée et conservée au greffe. Il
ne ressort d'ailleurs pas clairement du texte si cette déclaration
constitue elle-même le pacte ou si le pacte existe par ailleurs. Les
clauses pouvant figurer dans la déclaration et les règles d'ordre
public auxquelles les partenaires ne pourraient pas déroger ne sont pas
indiquées. Cette déclaration pourrait-elle, par exemple, contenir
une clause de non-responsabilité permettant aux partenaires de rompre
sans aucune responsabilité l'un envers l'autre ?
Le pacs, contrairement au mariage ne fait l'objet
d'aucune
publicité
. Rien n'est indiqué concernant
l'information des
tiers
ou sur la possibilité pour eux de se faire communiquer le
contenu de la déclaration. Des tiers pourront-ils au moins se
renseigner, pour savoir si une personne a conclu un pacte ? Quelles seront
les possibilités d'accès à ce nouveau registre, notamment
pour les personnes s'apprêtant à se marier et qui voudraient
connaître les liens contractés par leur futur conjoint ? Une
publicité sera-t-elle organisée pour les commerçants au
registre du commerce et des sociétés ?
L'information des tiers est cependant essentielle dans la mesure ou le pacte
implique une indivision et une solidarité pour dettes. Le pacs sera le
seul acte sous seing privé à obtenir date certaine contre les
tiers en dehors des conditions habituelles énoncées à
l'article 1328 du code civil que sont l'enregistrement, la mort de l'un des
contractants ou un acte dressé par un officier public. Le respect de la
vie privée doit être assuré mais ne doit pas conduire
à négliger la
sécurité juridique des tiers
.
L'absence de tout lien avec l'état civil
alourdit l'ensemble des
procédures et conduit à la mise en place d'un véritable
état civil bis
exigeant de multiples transmissions d'informations
sources d'erreurs entre différents tribunaux d'instance par ailleurs
surchargés. N'aurait-il pas été préférable
de pouvoir utiliser le répertoire civil tenu au tribunal de grande
instance plutôt que de créer de nouveaux fichiers ?
Article
515-4 du code civil
Obligations résultant du pacte civil de
solidarité
Les
partenaires s'apportent « une aide mutuelle et
matérielle », les modalités de cette aide étant
fixées par le pacte.
Ils sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes
contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante.
Les
obligations que contractent les partenaires apparaissent
minimes
si on les compare à celles incombant aux
époux
10(
*
)
.
L'obligation d'aide mutuelle et matérielle peut être
comparée à la formule figurant à
l'article 212 du
code civil
énonçant que les époux se doivent
mutuellement « fidélité, secours et
assistance ».
Toute latitude est laissée aux partenaires pour définir les
modalités de l'aide mutuelle qu'ils s'apportent. La déclaration
pourrait contenir des dispositions minimales. Il n'est pas
précisé, comme pour les époux, que les partenaires
contribuent aux charges du ménage « à proportion de
leurs facultés respectives » (
art. 214 du code
civil
).
Mais, contrairement à ce que prévoit
l'article 214 du code
civil
, rien n'est précisé quand aux moyens de faire respecter
cette obligation par son partenaire. Le juge pourra-t-il s'appuyer sur le
contenu du pacte pour obliger un partenaire à remplir son obligation
d'aide ?
Les partenaires ne sont pas astreints à une communauté de vie
comme le sont les époux par
l'article 215 du code civil
mais il
est néanmoins précisé à l'article 515-1 que le
pacte est conclu pour organiser la vie commune. Comme il a été
indiqué plus haut, il ne ressort pas clairement des débats de
l'Assemblée nationale si les partenaires sont soumis ou non à une
obligation de cohabitation.
La solidarité pour dettes apparaît présenter un certain
danger
pour les partenaires car elle n'est pas tempérée
comme celle des époux par la notion de « dépenses
manifestement excessives », ni pour les achats à
tempérament ou les emprunts (
art. 220 du code civil
).
Il n'est pas non plus précisé que les partenaires contractent
comme les époux « l'obligation de nourrir, entretenir et
élever leurs enfants » (
art. 203 du code civil
) ni
qu'ils « pourvoient à l'éducation des enfants et
préparent leur avenir » (
art. 213 du code civil
).
On s'aperçoit donc d'emblée que les
enfants sont les grands
absents du pacs
.
Article
515-5 du code civil
Régime des biens acquis
postérieurement
à la conclusion d'un pacte civil de
solidarité
A
défaut de stipulations contraires, les biens acquis à titre
onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont
soumis au régime de l'indivision. Les biens dont la date d'acquisition
ne peut être établie sont soumis au même régime.
Le texte rendu public au printemps 1998 avait prévu l'application du
régime de la communauté réduite aux acquêts, par
assimilation avec le mariage.
Le régime désormais proposé est celui de l'indivision
légale fixé par les articles 815 à 815-18 du code civil.
Les partenaires pourraient vraisemblablement aménager ce régime
en passant une convention d'indivision en application des articles 1873-2 et
suivants du code civil. Mais il ne semble pas qu'il puisse adopter un autre
régime de manière générale, les dérogations
devant être précisées bien par bien.
A défaut d'autre stipulation ces biens seront réputés
appartenir pour moitié à chacun des partenaires.
Le régime établi semble très
dangereux,
dans la
mesure où le texte ne se borne pas à établir une simple
présomption d'indivision pour les biens dont l'origine ne peut
être déterminée. Or, si l'acquisition d'un immeuble fait
l'objet d'un acte, il n'est pas certain que les partenaires penseront à
s'exonérer de l'indivision. L'acquisition des meubles, quant à
elle, fait rarement l'objet d'un acte. De plus les biens acquis rentreraient
automatiquement dans l'indivision, même achetés avec les deniers
propres d'un partenaire ou en remploi de la vente d'un bien propre.
L'indivision semble avoir le même effet que la communauté
réduite aux acquêts mais sans tous les mécanismes
régulateurs de remplois ou de récompenses prévus par les
régimes matrimoniaux.
Cette indivision, potentiellement dangereuse pour les partenaires, peut
éventuellement être
source de fraude
pour permettre des
donations déguisées
de biens qui, acquis par un seul
partenaire, éventuellement avant le début du pacs, se
retrouveraient en indivision à la fin du pacs.
L'indivision peut de plus interférer avec le droit des
sociétés ou le droit commercial. Un partenaire non
commerçant pourrait ainsi se retrouver par le biais de l'indivision
titulaire d'une partie d'un fond de commerce qu'il n'aurait pas le droit
d'exploiter. Des parts de SARL pourraient devenir indivises au mépris
des règles du droit des sociétés.
Article
515-6 du code civil
Régime des biens après
dissolution
du pacte civil de solidarité
En cas
de dissolution du pacte, les partenaires pourront demander l'attribution
préférentielle d'une exploitation agricole, d'une entreprise,
d'un local professionnel ou d'un logement, comme peut le faire le conjoint
survivant (art. 832 à 832-4 du code civil) ou celui dont le
régime matrimonial est liquidé.
L'attribution préférentielle est une vieille institution
extrêmement complexe du droit successoral qui avait essentiellement pour
objet à l'origine d'éviter le morcellement des exploitations
agricoles en permettant à un héritier qui participait à
l'exploitation de se voir attribuer tout ou partie de cette exploitation,
à charge de versement d'une soulte aux autres héritiers. Cette
institution a été étendue aux entreprises et aux locaux
professionnels ainsi qu'au logement d'habitation au bénéfice d'un
héritier qui y résidait au moment du décès.
Les articles 1476 et 1542 du code civil étendent la possibilité
d'attribution préférentielle à la liquidation des
régimes matrimoniaux, étant précisé qu'elle n'est
jamais de droit.
Le présent article rend possible l'attribution
préférentielle d'un bien à un partenaire aussi bien en cas
de rupture que de décès du partenaire. Elle peut se
révéler utile en cas de décès pour permettre par
exemple à un partenaire en concurrence avec d'autres héritiers de
rester dans le logement qu'il occupait. En cas de rupture, son
intérêt semble moindre, un partenaire pouvant demander à
acquérir les parts de l'autre au moment du partage de l'indivision.
Quoiqu'il en soit, il n'est pas certain que les conséquences de
l'extension en bloc aux pacsés des articles 832 à 832-4 du code
civil aient été bien mesurées, ainsi que l'a
indiqué le professeur Hauser s'exprimant en ces termes devant votre
commission : «
on ne peut certainement pas étendre
d'un trait de plume, comme cela, la totalité de ces articles qui
représentent sept ou huit pages du code civil Dalloz
».
Article
515-7 du code civil
Causes de dissolution du pacte civil de
solidarité
Cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, prévoyait que le pacs prenait fin par la volonté, le mariage ou le décès de l'un des partenaires. Ces trois causes subsistent mais sont énumérées en même temps que les modalités de dissolution, à l'article suivant.
Article
515-8 du code civil
Modalités de dissolution du pacte civil de
solidarité
Il
existe en fait quatre cas de dissolution du pacs qui engendrent des
procédures de dissolution différentes :
• La
volonté concordante des partenaires
. Dans ce cas,
ils remettent une déclaration au greffe du tribunal d'instance dans le
ressort duquel l'un d'entre eux a sa résidence. Le greffier inscrit
cette déclaration sur un registre et en assure la conservation. Il fait
porter mention de cette déclaration en marge de l'acte initial. Le pacs
prend fin dès que cette mention en marge de l'acte initial est
effectuée ;
• La
volonté unilatérale d'un partenaire
. Dans ce
cas l'intention de rompre doit être signifiée au partenaire par
voie d'huissier et la copie de cette signification doit être transmise au
greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. Le greffier
fait porter mention de la fin du pacte sur l'acte initial. Le pacte prend fin 3
mois après la signification d'huissier à condition que cette
dernière ait été transmise au greffe ;
• Le
mariage
de l'un des partenaires. Le pacte prend fin
dès le mariage. La personne qui s'est mariée doit signifier par
huissier son mariage à son partenaire et adresser copie de la
signification et de son acte de naissance faisant état du mariage au
greffe du tribunal qui a reçu l'acte initial ;
• Le
décès
de l'un des partenaires. Le pacte
prend fin dès le décès. Le partenaire survivant ou tout
intéressé doit adresser copie de l'acte de décès au
greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.
Dans tous les cas, il semblerait, en toute logique et d'après les
débats à l'Assemblée nationale, que le greffier doive
faire procéder à la mention de la fin du pacte sur le registre
tenu par le greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance des partenaires
(la fin du cinquième alinéa de l'article 515-8 comporte dans ce
cas un visa erroné : pour viser le registre du lieu de naissance,
il aurait fallu viser le quatrième alinéa et non le
troisième alinéa de l'article 515-3).
A l'étranger, ce sont les agents diplomatiques et consulaires qui
reçoivent la déclaration ou les actes et font procéder aux
inscriptions nécessaires.
Dans tous les cas, les partenaires déterminent eux-mêmes
les
conséquences à leur égard de la rupture
du pacs. En
cas de désaccord, celles-ci sont réglées par le
juge.
Les modalités de dissolution prévues présentent des
incohérences
et n'assurent de plus
aucune protection au plus
faible
des partenaires
.
Les
modalités de dissolution
résultant de la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale semblent
manquer de cohérence :
• Dans le cas d'accord des partenaires, et seulement dans ce cas, la
déclaration peut être effectuée dans un autre greffe que
celui qui a reçu l'acte initial et fait l'objet d'un enregistrement
spécial sur un registre. On se trouve donc en présence d'un
registre supplémentaire qui aurait pu être évité.
Cette procédure a été prévue pour éviter aux
partenaires, qui doivent se présenter en personne au greffe, d'avoir, en
cas de déménagement, à se déplacer trop loin de
leur domicile. Mais il convient de souligner qu'une telle facilité n'est
pas prévue en cas de dépôt d'une modification du pacte tel
que prévu à l'article 515-3.
La fin du pacte n'intervient qu'une fois la mention faite sur l'acte
initial,
donc, comme au début du pacte,
à une date, que
les partenaires ne connaissent pas et qui dépend uniquement de la
diligence de services administratifs
. Mais ici les délais risquent
d'être encore allongés par la nécessité de
transmission au greffe qui a reçu l'acte initial, et avec des
conséquences importantes sur le régime des biens et des dettes.
L'indivision et la solidarité continuent en effet jusqu'à la date
d'enregistrement qui ne dépend pas des intéressés et dont
il n'est même pas certain qu'ils puissent être informés sans
délai.
• Dans les autres cas, les actes (signification d'huissier, acte de
mariage ou de décès), sont directement adressés au
tribunal qui a reçu l'acte initial et il n'est pas prévu
d'enregistrement de la fin du pacte ailleurs qu'en marge de l'acte initial.
• En cas de
rupture unilatérale
, le pacs prend fin trois
mois après la signification d'huissier. Il peut sembler anormal que
pendant ce délai le régime des biens et des dettes ne soit pas
modifié
. Seule devrait se poursuivre l'aide mutuelle et les
différents avantages sociaux liés au pacs. La signification par
huissier (le texte précise que le partenaire signifie sa décision
à l'autre, sans préciser qu'il le fait par huissier, ce que
certains professionnels du droit entendus par votre rapporteur n'ont pas
jugé suffisamment clair) a été considérée
comme plus protectrice que l'envoi d'une simple lettre recommandée.
Mais, en cas d'abandon du domicile par un partenaire, l'autre n'aura pas plus
de chance de lui faire parvenir qu'une lettre recommandée. On peut
penser que, dans ce cas, le délai de trois mois serait
décompté à partir d'une signification en mairie ou au
parquet, faute de quoi, il serait impossible de rompre le pacs.
• En cas de mariage d'un partenaire avec un tiers, la rupture est
très brutale
. Pour préserver la liberté du mariage,
aucun délai n'est prescrit entre la rupture d'un pacs et le mariage. Le
mariage lui-même, et non l'information du partenaire et du greffe, met
fin au pacte. L'information du partenaire peut être postérieure au
mariage, celle du greffe l'étant obligatoirement. Mais l'omission de ces
formalités n'est pas sanctionnée et semble être sans
incidence sur la fin du pacte.
Celui-ci pourrait ainsi, sans aucune sanction
pour le nouveau marié, être rompu de plein droit sans que le
partenaire n'en soit informé
. Ne serait-il pas possible d'exiger que
le partenaire soit prévenu (au minimum pendant le délai de dix
jours de publication des bans) sous peine de voir l'obligation d'aide
matérielle se poursuivre ?
Comme en matière de conclusion du pacs, rien n'est dit concernant les
incapables
, tant sur la possibilité de rompre un pacs que sur la
protection qui pourrait éventuellement leur être accordée
pour atténuer pour eux les effets d'une rupture brutale. Des
dispositions spécifiques sont ainsi prévues en matière de
mariage aux articles
249 et suivants du code civil.
La protection du plus faible n'est pas assurée alors que
la
possibilité de
rupture unilatérale ouverte à tout
moment
peut être considérée comme un retour à
la
répudiation.
L'article 1134 du code civil, énonce
pourtant
que les conventions ne peuvent être révoquées
que par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Aucun devoir de secours ne subsiste obligatoirement après la dissolution
du pacs.
Il faudrait que subsiste un devoir de secours au moins pendant une
durée limitée.
Les partenaires pourraient ainsi convenir du
versement d'une pension provisoire à celui qui se trouverait
démuni. En cas de désaccord, le juge pourrait fixer le montant et
la durée de la pension.
La précision tendant à ce qu'en cas de désaccord sur les
conséquences de la rupture le juge tranche semble complètement
inutile, le juge étant toujours susceptible d'intervenir dans ce cas. A
défaut de précision, il semble que la juridiction de droit
commun, le tribunal de grande instance, devrait être saisie. En revanche,
il aurait été indispensable de préciser les
règles de droit applicables.
Le juge devra-t-il se
référer au
droit des contrats
et allouer des dommages et
intérêts de nature contractuelle, sachant que jusqu'à
présent les dommages et intérêts alloués en
matière de concubinage l'étaient toujours sur le plan de la
responsabilité délictuelle en application de l'article 1382
du code civil ?
En présence d'enfants, il est permis de se demander comment s'articulera
l'intervention du juge, concernant notamment le logement,
avec celle du juge
aux affaires familiales
qui se prononcerait sur la garde des enfants et sur
l'autorité parentale.
Au terme de cet examen de l'article premier créant le pacs qui a permis
d'en faire ressortir les insuffisances et les incohérences juridiques,
votre commission des Lois ne peut que répéter son opposition au
principe même du pacs, déjà développée dans
l'exposé général.
Votre commission vous propose de
supprimer l'article premier
.
Article 2
(art. 6 du code général des
impôts)
Imposition commune au titre de l'impôt
sur le
revenu et des impôts directs
Cet
article prévoit l'
imposition commune
des partenaires liés
par un pacs au titre de l'impôt sur le revenu pour les
revenus de
l'année du
troisième anniversaire
de l'enregistrement
du pacs.
Le paragraphe I complète à cet effet le paragraphe 6 de l'article
6 du code général des impôts. Il précise que
l'imposition est établie aux deux noms, séparés par le
mot : " ou ".
Le paragraphe II insère dans le même article 6 un paragraphe 7
prévoyant des dispositions applicables l'année de la fin d'un
pacs : chaque partenaire est personnellement imposable pour les revenus
dont il a disposé au cours de l'année de la rupture du pacs ; si
deux partenaires liés par un pacs se marient, l'imposition commune
continue sans que s'appliquent les règles spécifiques à
l'imposition des revenus de la première année du mariage ;
en cas de décès d'un partenaire, le survivant est personnellement
imposable pour la période postérieure au décès.
Le paragraphe III assimile les partenaires aux époux concernant
l'ensemble des autres règles d'imposition et d'assiette, de liquidation,
de paiement et de contrôle de l'impôt sur le revenu et des
impôts directs locaux. Les partenaires sont donc notamment tenus
solidairement au paiement de l'impôt.
Actuellement
seuls les époux
font l'objet en application de
l'article 6 du code général des impôts d'une
imposition commune. Leur revenu global est divisé par le nombre de parts
déterminé en application de l'article 194 du code
général des impôts. Le taux de l'impôt est
appliqué au quotient ainsi déterminé, dit quotient
familial, ce qui permet de limiter la progressivité de l'impôt.
En application de l'article 194 du code général des impôts,
les époux bénéficient de deux parts auxquelles s'ajoutent,
pour chaque enfant mineur à charge, une demi-part pour les deux premiers
et une part à partir du troisième. Les personnes titulaires de la
carte d'invalidité et vivant sous le toit du contribuable peuvent
être considérées comme à charge et ouvrir droit au
bénéfice du quotient familial (art. 196 A bis). Les
enfants majeurs de moins de 21 ans, ou de moins de 25 ans s'ils
poursuivent des études, peuvent également demander leur
rattachement au foyer fiscal de leur parents (art. 6) et les faire
bénéficier du quotient familial ou, s'ils sont mariés ou
ont des enfants, d'un abattement par personne à charge
(art. 196 B).
L'avantage fiscal résultant de l'application du quotient familial aux
deux premières parts attribuées au titre des époux n'est
pas plafonné. On parle de "
quotient conjugal
".
En revanche l'avantage en impôt résultant de chaque demi-part
supplémentaire pour enfant à charge est plafonné. La loi
de finances pour 1999 a
diminué ce plafond de 16 380 F
à 11 000 F,
en contrepartie de l'abandon de la mise sous
condition de ressources des allocations familiales qui avait été
opérée par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
Les concubins
font l'objet d'une imposition séparée. Pour
le calcul du quotient familial, ils ne bénéficient donc que d'une
part à laquelle s'ajoutent éventuellement les parts au titre des
enfants qu'ils déclarent à leur charge, déterminées
dans les mêmes conditions que pour les époux. Ils ne
bénéficient donc pas du quotient conjugal.
Le tableau de l'article 194 du code général des impôts
fixant le nombre de parts en fonction du nombre de membres composant le foyer
n'est pas modifié pour tenir compte du pacs. Il faudra donc se
référer à la situation des personnes mariées.
L'imposition commune des partenaires aboutirait donc à les faire
bénéficier du système du
quotient conjugal
.
Il est extrêmement
choquant qu'il soit envisagé de permettre
à des partenaires de bénéficier du quotient conjugal
dont l'avantage fiscal n'est pas plafonné alors que le Gouvernement n'a
pas hésité à
diminuer les avantages fiscaux en faveur
des familles
à hauteur de 4,5 milliards de francs.
Certes, l'imposition commune ne serait pas toujours profitable aux partenaires.
Elle serait défavorable à deux partenaires ayant de faibles
revenus leur permettant de bénéficier chacun de la décote
en cas d'imposition séparée. Elle serait neutre pour des
partenaires ayant des revenus équivalents. Elle serait en revanche
très avantageuse dans le cas de grande différence entre le
montant des revenus des partenaires, la division du revenu en deux parts
permettant d'atténuer la progressivité de l'impôt qui, en
cas d'imposition séparée, toucherait le revenu le plus
élevé.
L'imposition commune serait également profitable aux partenaires dans le
cas ou la prise en compte commune des enfants de chacun aboutirait à
rattacher au foyer trois enfants ou plus permettant de bénéficier
d'une part entière pour chaque enfant à partir du
troisième.
Une personne ayant un revenu élevé aura tout intérêt
à conclure un pacs avec une personne disposant de faibles revenus,
puisque l'avantage fiscal résultant de l'imposition commune ne sera pas
plafonné
. Cette personne pourrait de manière paradoxale
retirer de l'application du quotient familial un plus grand
bénéfice fiscal qu'une personne élevant seule un enfant.
Une telle personne bénéficie en effet pour le calcul de son
impôt d'une part entière au titre de son enfant, au lieu d'une
demi-part, mais le bénéfice fiscal qu'elle peut en retirer est
plafonné à 20 270 F.
Le délai de carence de trois ans permet de limiter le risque de fraude.
Ce délai est très critiqué par la communauté
homosexuelle qui y voit une discrimination intolérable par rapport aux
personnes mariées. Il semble cependant justifié du fait de
l'extrême facilité de conclusion et de rupture d'un pacs et du peu
d'obligations que celui-ci génère.
Votre commission estime qu'il n'y a
pas de raison d'étendre le
bénéfice de l'imposition commune en dehors du mariage
.
L'augmentation de 10% des mariages intervenue en 1996 à la suite du vote
dans la loi de finances pour 1999 d'un amendement supprimant aux concubins la
demi-part supplémentaire dont ils pouvaient bénéficier au
titre d'un enfant à charge démontre que la loi fiscale peut avoir
une incidence sur les choix personnels des individus. Or, votre commission
estime qu'il
convient avant tout d'encourager le mariage
.
De plus l'imposition commune des couples hors mariage ne se justifie pas si
l'on compare leur situation à celle des personnes seules qui,
d'après les études de l'INSEE, bénéficient à
revenu égal d'un train de vie de 30% inférieur aux personnes
vivant en couple. Pourquoi accorder un avantage fiscal à des personnes
qui ont moins de charges ?
Défavorable à l'imposition commune, votre commission
considère que certaines
situations de solidarité
méritent néanmoins d'être prises en compte
fiscalement
.
Un
contribuable hébergeant sous son toit une personne ayant de
très faibles ressources
devrait pouvoir bénéficier
d'un
abattement
. Cette solution permettrait
d'éviter
l'application du quotient conjugal non plafonné
tout en prenant en
compte les charges générées par une personne qui ne
bénéficie pas de la solidarité nationale.
Le niveau de cet abattement pourrait être le même que celui de
20 370 F accordé pour chaque enfant majeur de moins de 21 ans
(ou 25 ans s'il continue ses études) marié ou ayant des enfants
et ayant demandé le rattachement au foyer fiscal de ses parents
(article 196 B du code général des impôts).
Les éventuels enfants à charge de cette personne, vivant
également sous le toit du contribuable, lui permettraient de
bénéficier du quotient familial au même titre des enfants
recueillis au foyer du contribuable, visés à l'article 196 du
code général des impôts.
Cet avantage ne pourrait être accordé qu'au titre d'une seule
personne. Votre commission vous proposera ci-dessous un article additionnel
prenant en compte de la situation des frères et soeurs, oncles et
tantes, neveux et nièces isolés qui sont dans le besoin.
Ainsi, cette disposition permettrait à un contribuable de
bénéficier d'un abattement, par exemple au titre d'une concubine
sans ressources -les enfants éventuellement à charge de cette
dernière donnant droit à l'application du quotient familial.
Votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article 2
:
- Insérant dans le code général des impôts un
article 196 A ter permettant à un contribuable de
bénéficier d'un abattement de 20 370 F au titre d'une
personne vivant sous son toit et touchant des revenus inférieurs au
revenu minimum d'insertion ;
- Modifiant par coordination l'article 6 du code général des
impôts pour prévoir le rattachement fiscal de cette personne au
foyer du contribuable ;
- Modifiant l'article 196 du code général des impôts pour
préciser que les enfants de cette personne donneront droit à
l'application du quotient familial.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 2 ainsi
rédigé
.
Article additionnel après
l'article 2
(art.
156, II 3° du code général des
impôts)
Déduction des avantages consentis aux
collatéraux dans le besoin
Les
collatéraux sont considérés en tant que tels comme des
étrangers au titre de l'impôt sur le revenu.
Ils peuvent, certes, être considérés comme personne
à charge en tant qu'invalides vivant sous le toit d'un contribuable et
ouvrir ainsi droit au bénéfice d'une demi-part
supplémentaire (art. 196 A bis du CGI). S'ils vivent sous le toit
du contribuable, sont âgés de plus de 75 ans et disposent de
ressources inférieures à un certain plafond, ils peuvent ouvrir
droit à une déduction au titre des avantages en nature qui leur
sont consentis (art. 156, II 2° ter du CGI).
Les ascendants et les descendants peuvent ouvrir droit à la
déduction des pensions alimentaires qui leur sont versées en
application de l'obligation alimentaire définie aux articles 207
à 211 et 367 du code civil. Les pensions alimentaires versées
entre époux ou ex-époux sont également déductibles
(art. 156, II 2° bis du CGI).
En l'absence d'obligation alimentaire imposée par le code civil à
l'égard des collatéraux, il n'est actuellement pas possible
d'opérer une déduction au titre d'une aide versée à
un frère ou une soeur, un oncle ou une tante ou un neveu ou une
nièce dans le besoin, hors du cas mentionné ci-dessus.
Votre commission estime que la solidarité entre collatéraux, du
moins jusqu'au troisième degré, doit être
encouragée. Seraient concernés sans condition d'âge, et
même s'il ne cohabite pas avec le contribuable, tout
collatéral
jusqu'au troisième degré non marié
disposant de
faibles revenus
.
Elle vous propose à cet effet d'adopter un
article additionnel
insérant dans
l'article 156, II du code général
des impôts
un
paragraphe 3°
prévoyant la
possibilité de déduction des sommes versées aux
collatéraux jusqu'au troisième degré, célibataires,
veufs, divorcés ou séparés, dont le revenu serait
inférieur au montant du revenu minimum d'insertion. Le plafond du
montant de la déduction serait identique à celui de l'abattement
institué à l'article 2 pour les personnes à charge,
soit 20.370 F.
Un gage financier est prévu pour compenser la diminution
prévisible des ressources fiscales résultant de cette disposition.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Article 3
(art. 777 bis et 779 du code
général des impôts)
Tarif et abattement applicables
en matière de droits
sur les successions et donations
Cet
article prévoit une
diminution des droits de mutation
à
titre gratuit, en cas de legs ou de donation effectué au profit d'un
partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacs . Cette
diminution résulte à la fois de la
baisse des taux
applicables et de
l'augmentation de l'abattement
opéré sur
la part reçue. Mais elle est soumise au respect d'une
durée de
deux ans de pacs
.
•
Le paragraphe I
insère dans le code
général des impôts un
article 777 bis
fixant le
taux des droits
de mutation
à titre gratuit applicables
sur la part taxable reçue par un partenaire.
Au lieu du taux de 60% prévu pour les personnes étrangères
l'une à l'autre (taux applicable aux concubins),
le taux
est
fixé à
40%
jusqu'à
100 000 F
imposables
et à
50%
au-delà.
Mais il n'est applicable que pour les personnes ayant conclu un pacs depuis au
moins
deux ans
à la date du décès ou de la
donation. Le délai de deux ans n'est pas applicable, pour les
successions, en cas de maladie grave du testateur (maladies
énumérées à l'article L. 322-3 du code de la
sécurité sociale, dont l'infection par le virus HIV).
Les autres taux actuellement applicables sont les suivants (art. 777 du
CGI) :
• conjoint survivant :
de 5%
jusqu'à 50 000 F
à
40%
au-delà de 11 200 000 F, selon un
barème progressif de sept tranches ;
• ascendants et descendants :
de 5%
jusqu'à
50 000 F
à 40%
au-delà de
11 200 000 F, comme pour les conjoints mais avec des taux
intermédiaires un peu moins favorables pour la fraction de la part
taxable comprise entre 75 000 F et 200 000 F ;
• frères et soeurs :
35%
jusqu'à
150 000 F et
45%
au delà ;
• parents jusqu'au 4
ème
degré :
55%
;
• parents au delà du 4
ème
degré et non
parents :
60%
Des
réductions de droits
sont opérées dans
plusieurs cas, notamment pour les légataires ou donataires ayant trois
enfants (art. 780 du CGI) ou pour les mutilés de guerre (art. 782).
Les
donations
effectuées par des donateurs de moins de
soixante-cinq ans bénéficient d'une réduction de 50% des
droits et celles effectuées par un donateur âgé de soixante
cinq à soixante quinze ans d'une réduction de 30% (35% en cas de
donation partage).
Les taux applicables aux partenaires liés par un pacs seraient donc
compris entre ceux réservés aux frères et soeurs et ceux
applicables aux parents jusqu'au 4
ème
degré.
•
Le paragraphe II
opère une coordination dans l'article
780 du code général des impôts.
•
Le paragraphe III
complète l'article 779 du code
général des impôts pour fixer l'
abattement
applicable
sur la part reçue par un légataire ou donataire de
son partenaire.
Cet
abattement
est de
300 000 F
en cas de donation ou
de succession intervenant jusqu'à la fin de l'année 1999 entre
partenaires liés par un pacs depuis au moins
deux ans
. Ce montant
est porté à
375 000 F
à partir du
1
er
janvier 2000. La condition de durée du pacs n'est
pas applicable au legs quand le testateur est reconnu atteint d'une maladie
grave.
Actuellement les personnes étrangères l'une à l'autre
(dont les concubins) n'ont droit à aucun abattement sur les donations et
bénéficient d'un abattement de 10 000 F sur les
successions (art. 788 du CGI).
Le conjoint survivant a droit, depuis la loi de finances pour 1999, à
400 000 F jusqu'à la fin de l'année 1999 et à
500 000 F à partir du 1
er
janvier 2000 ; les
ascendants et les enfants bénéficient d'un abattement de
300 000 F,
inférieur à celui qui sera applicable aux
signataires d'un pacs
dès le 1
er
janvier 2000. Une
personne handicapée incapable de travailler peut également
bénéficier d'un abattement de 300 000 F (art. 779
du CGI).
Les frères et soeurs ne bénéficient d'aucun abattement
sauf, en matière de succession, d'un abattement de 100 000 F,
à condition qu'ils soient célibataires, veufs, divorcés ou
séparés de corps, qu'ils aient plus de 50 ans ou soient atteints
d'une infirmité les rendant incapables de subvenir à leur besoins
et qu'ils aient été domiciliés pendant cinq ans avec le
défunt avant sa mort (art. 788 du CGI).
Le paragraphe IV
gage financièrement l'article, le gouvernement
ayant souhaité des délais plus importants de durée du pacs
pour l'ouverture des droits.
Un délai
de carence semble indispensable à respecter en
matière de donation, pour limiter le réel risque de fraude. Il
semble moins essentiel pour les successions.
La clause abrégeant les délais en cas de succession pour les
maladies graves ne semble répondre à aucune logique, la situation
d'un partenaire survivant d'une personne morte accidentellement étant
aussi digne de considération que celle du partenaire d'une personne
morte du SIDA et le risque de fraude bien moindre puisque le
décès ne peut être anticipé. Les associations de
défense des malades du SIDA que votre commission a entendues s'opposent
fermement au délai de carence mais réfutent la clause
d'exonération la considérant comme discriminatoire devant la mort
et de plus susceptible d'obliger à violer le secret médical
après la mort.
Votre commission considère que les
droits de succession
entre
personnes étrangères l'une à l'autre,
excessifs
dans notre pays, portent véritablement atteinte au droit de
propriété. Elle estime de plus que les règles relatives
à la réserve successorale sont trop contraignantes et qu'il
convient d'améliorer la situation des conjoints survivants. Elle ne peut
que souhaiter voir intervenir, dans la continuité du projet de loi
déposé au Sénat en 1995 par M. Pierre
Méhaignerie, la réforme des successions annoncée depuis
plusieurs années, à la suite des travaux de MM. Carbonnier
et Catala.
Dans l'attente de cette réforme, et pour rester dans le cadre du texte
en discussion, elle ne vous proposera pas de revoir dès à
présent l'ensemble des taux, ni de modifier les règles du droit
civil relatives à la réserve et à la vocation successorale
de l'époux survivant. Elle vous proposera, en revanche,
un
aménagement de l'abattement successoral
susceptible de
répondre à l'attente de nombre de nos concitoyens.
Votre commission estime que chacun devrait pouvoir laisser en franchise de
droits une certaine somme à une personne de son choix,
indépendamment des liens familiaux ou des liens de concubinage. Ce
"
legs électif
" pourrait être d'un
montant de 300 000 F, identique à l'abattement
opéré sur la part des enfants ou d'une personne
handicapée. Il pourrait bien évidemment profiter au concubin. Il
ne pourrait toutefois déroger aux règles de la réserve
successorale.
Cette somme de 300 000 F semble cohérente avec le montant
moyen des successions reçues par les Français. En 1994, sur
95 271 successions effectuées à des non-parents ou
collatéraux à partir du troisième degré,
79 422, soit
83%, ont été taxées pour une part
inférieure à 300 000 F
.
Par ailleurs, votre commission vous proposera d'améliorer l'abattement
successoral des frères et soeurs (voir article additionnel ci-dessous).
Votre commission vous propose donc
une nouvelle rédaction
de
l'article
insérant dans le code général des
impôts un
article 787 A bis
permettant à toute
personne de désigner un légataire et un seul qui pourrait
bénéficier d'un abattement de 300 000 F sur la part
qu'il recevrait. Cet abattement ne serait cumulable avec aucun autre abattement.
Ainsi, aucun délai de carence ou exception particulière pour les
maladies graves ne seraient nécessaires.
Un gage financier serait introduit, ces dispositions étant susceptibles
de générer une diminution des ressources fiscales par rapport
à un aménagement des droits de mutation en faveur des seuls
partenaires liés par un pacs.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 3 ainsi
rédigé
.
Article additionnel après l'article 3
(art.
788 du
code général des impôts)
Abattement successoral des
frères et soeurs
En
matière successorale, les frères et soeurs ne
bénéficient d'aucun abattement propre à l'exception d'un
abattement de 100 000 F, à condition qu'ils soient
célibataires, veufs, divorcés ou séparés de corps,
qu'ils aient plus de 50 ans ou soient atteints d'une infirmité les
rendant incapables de subvenir à leur besoins et qu'ils aient
été domiciliés pendant cinq ans avec le défunt
avant sa mort (art. 788 du CGI).
Un frère ou une soeur pourrait être bénéficiaire du
"leg électif "
de 300 000 F s'il est
désigné par le testateur.
Mais, votre commission estime que la situation successorale de l'ensemble des
frères et soeurs ayant vécu avec le défunt doit être
améliorée.
Elle vous propose d'adopter un article additionnel modifiant
l'article 788 du code général des impôts
afin :
- de supprimer les conditions restreignant l'ouverture du droit à
abattement, pour ne garder qu'une obligation de domiciliation avec le
défunt durant
l'année ayant précédé le
décès
;
- de relever à
150 000 F
le montant de cet abattement.
Un gage financier est prévu pour compenser la diminution
prévisible des ressources fiscales résultant de cette disposition.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Article 4
(art. 885 A, 885 W et 1723 ter-00B du code
général des impôts)
Imposition commune au titre
de
l'impôt de solidarité sur la fortune
Cet
article prévoit l'imposition commune des partenaires du pacs au titre de
l'impôt sur la fortune, ce qui est déjà le cas actuellement
pour les concubins. Il devient inutile dès lors que le concubinage est
défini comme incluant les couples homosexuels.
Votre commission vous propose
de supprimer cet article
par coordination.
Article additionnel après l'article 4
(art.
754 A
du code général des impôts)
Revalorisation du seuil
de la tontine
L'acquisition d'un bien en tontine permet à deux
personnes
d'acheter en commun un bien qui, au décès de la première
personne, sera considéré comme ne lui ayant jamais appartenu, sa
part revenant au survivant. L'acquisition peut également être
réalisée par plusieurs personnes.
Le bien n'entre donc pas dans la succession du
prédécédé. Ses héritiers ne peuvent y
prétendre. Cette clause peut être intéressante à
utiliser pour des concubins qui mettent la sécurité de leur
partenaire au premier plan de leurs préoccupations.
Jusqu'en 1980, la tontine était très avantageuse fiscalement
puisqu'au premier décès le fisc ne percevait que des
droits de
mutation à titre onéreux
, considérablement moins
élevés que les droits de mutation à titre gratuit. Elle
était ainsi très utilisée.
Mais l'article 69 de la loi n° 80-30 du 18 janvier 1980,
codifié sous l'article 754 A du code général des
impôts, a considérablement restreint l'intérêt de
cette clause, réservant l'application des droits de mutation à
titre onéreux à l'immeuble constituant
l'habitation
principale
de
deux
acquéreurs, et à condition qu'il
ait une
valeur inférieure à 500 000 F
.
Ce seuil, non réévalué depuis 1980, ne correspond plus aux
conditions du marché immobilier dans de nombreuses villes de France,
principalement à Paris. En outre, son application est très
pénalisante puisqu'en cas de dépassement même minime, il
est fait application des droits de mutation à titre gratuit sur
l'ensemble de la valeur de l'immeuble.
Votre commission estime qu'il convient de redonner un intérêt
fiscal à l'acquisition en tontine par deux personnes d'une habitation
principale de manière à ce que le survivant puisse être
sûr de rester dans un logement acheté en commun en payant des
droits de mutation réduits et sans être en concurrence avec
d'éventuels héritiers. Pourraient être concernés
tant des concubins, que des membres d'une même familles ou de simples
cohabitants.
Elle vous propose de modifier
l'article 754 du code général
des impôts
à deux effets :
- réévaluer à
1 000 000 F
le seuil,
sachant qu'une actualisation par rapport à l'indice des prix depuis 1980
donnerait une valeur légèrement supérieure ;
- prévoir que l'application des droits de mutation à titre
onéreux se fait sur la valeur de l'immeuble inférieure à
ce seuil,
quelle que soit la valeur de l'immeuble
.
Un gage financier serait prévu pour compenser la diminution
prévisible des ressources fiscales.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Article 4 bis
(art. L. 161-14 du code de la
sécurité sociale)
Qualité d'ayant droit pour la
sécurité sociale
Cet
article prévoit l'attribution
sans délai
de la
qualité
d'ayant droit
d'un assuré pour les prestations en
nature de
l'assurance maladie-maternité de la sécurité
sociale
au partenaire qui ne peut en bénéficier à un
autre titre.
Cette disposition figurait dans la proposition adoptée le 23 septembre
1998 par la commission des Lois mais avait été
déclarée irrecevable par le bureau de la commission des finances.
Elle a été réintégrée dans le texte par
amendement du Gouvernement.
Actuellement, sont ayant droit d'un assuré au titre de l'assurance
maladie :
• En application de l'article L. 313-3 du code de la
sécurité sociale :
- son conjoint qui ne bénéficie pas d'un autre
régime ;
- ses enfants à charge jusqu'à un âge limite variant de 16
à 20 ans en fonction de leur activité ;
- ses ascendants, descendants, collatéraux jusqu'au troisième
degré ou allié au même degré vivant sous le toit et
se consacrant exclusivement aux travaux du ménage et à
l'éducation d'au moins deux enfants de moins de quatorze ans.
• En application de l'article L. 161-14, premier alinéa, du
même code : la
personne vivant maritalement
avec lui et se
trouvant à sa charge effective, totale et permanente.
Dans sa décision du 11 juillet 1989, la Cour de cassation (chambre
sociale, caisse primaire d'assurance maladie de Nantes) avait jugé qu'en
se référant à la vie maritale, le législateur avait
entendu viser la «
situation de fait consistant dans la vie
commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des
époux sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner
qu'un couple formé d'un homme et d'une femme
». L'ayant
droit ne pouvait donc être que le concubin hétérosexuel de
l'assuré.
• En application du deuxième et du troisième alinéas
du même article L. 161-14, précisés par l'article R.
161-8-1 :
une personne vivant depuis un an sous le toit
de
l'assuré et se trouvant à sa charge effective totale et
permanente. Cette disposition a été introduite par la loi
n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures
d'ordre social dans le but d'ouvrir au partenaire homosexuel le droit que la
jurisprudence de la Cour de cassation lui refusait, mais elle peut
bénéficier à une autre personne que le concubin homosexuel.
Le présent article complète l'article L. 161-14 en
attribuant la qualité d'ayant droit, sans condition de durée du
pacs, au partenaire qui ne peut bénéficier d'un autre
régime.
En pratique, il revient à supprimer le délai d'un an pour les
pacsés, les alignant ainsi sur les concubins
hétérosexuels, le concubin homosexuel n'ayant pas souscrit un
pacs se trouvant toujours obligé de justifier d'un an de vie commune.
La reconnaissance du concubinage homosexuel que votre commission vous a
proposée rend cet article inutile, les droits des concubins homosexuels
étant alignés sur ceux des concubins hétérosexuels.
Ils bénéficieront donc sans délai de carence de la
couverture sociale.
Les deuxièmes et troisièmes alinéas de l'article
L. 161-14 du code de la sécurité sociale continueront
à s'appliquer pour les personnes à charge autres que des
concubins.
Votre commission vous propose en conséquence de
supprimer cet
article
.
Article 5
(art. L. 223-7, L. 226-1, L. 784-1 du code du
travail)
Droits à congé
Cet
article étend aux personnes ayant conclu un pacs le
bénéfice de dispositions du droit du travail
bénéficiant aux conjoints, à savoir, le droit de prendre
des congés payés en même temps que son partenaire, les
droits à congé pour décès du partenaire, et les
droits du conjoint salarié du chef d'entreprise, définis
respectivement aux articles L. 223-7, L. 226-1, quatrième
alinéa, et L. 784-1 du code du travail.
L'article L. 223-7
stipule que l'employeur fixe les dates de
congé en tenant compte notamment des possibilités de
congés du conjoint. Il accorde de plus aux conjoints travaillant dans
une même entreprise le droit de bénéficier de congés
simultanés.
Le quatrième alinéa de l'article L. 226-1
accorde au
salarié deux jours de congé pour le décès de son
époux
L'article L. 784-1
précise que le conjoint d'un chef
d'entreprise est soumis au règles du droit du travail s'il participe
effectivement et habituellement à l'activité de l'entreprise et
perçoit au moins le SMIC.
Votre commission, vous ayant proposé de supprimer le pacs, il n'y a pas
lieu de lui étendre l'application du code du travail.
Mais il semble tout à fait justifié que le salarié puisse
bénéficier d'un congé pour le décès de son
concubin au même titre que pour le décès d'un conjoint
compte tenu de la banalisation de l'union libre.
Il vous est donc proposé une
nouvelle rédaction de
l'article
modifiant directement le quatrième alinéa de
l'article L. 226-1 du code du travail pour
ajouter le concubin à
la liste des personnes (conjoint, enfants) à l'occasion
du
décès desquelles le salarié peut bénéficier
d'une autorisation exceptionnelle d'absence
.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 5 ainsi
modifié.
Article 5 bis
(art. L. 523-2 du code de la sécurité
sociale)
Cessation du versement de l'allocation de soutien familial
Cet
article prévoit que l'allocation de soutien familial, attribuée
à un parent qui assume la charge d'un orphelin cesse d'être due
lorsqu'il conclut un pacs.
Il complète à cet effet l'article L. 523-2 du code de la
sécurité sociale qui prévoit déjà la
suppression de l'allocation en cas de mariage ou de vie maritale du parent. Il
remplace au passage les termes " vit maritalement " par les mots
" vit en concubinage ".
La suppression du pacs rend cet article inutile. En tout état de cause
la reconnaissance du concubinage pour les concubins homosexuels rendra cette
mesure, à laquelle ils échappaient jusqu'à présent,
applicable à leur égard, la notion de vie maritale et de
concubinage étant employées indifféremment dans les textes
législatifs.
Votre commission vous propose de
supprimer l'article 5 bis
.
Article 5 ter
(art. L. 356-3 du code de la sécurité
sociale)
Cessation du versement de l'allocation veuvage
Cet
article prévoit que l'allocation veuvage garantie à un conjoint
survivant d'un assuré social répondant à certaines
conditions cesse d'être due lorsque ce dernier conclut un pacs.
Il complète à cet effet l'article L. 356-3 du code de la
sécurité sociale qui prévoit déjà la
suppression de l'allocation en cas de remariage ou de vie maritale. Il remplace
au passage les termes de « vit maritalement » par ceux de
« vit en concubinage ».
La suppression du pacs rend cet article inutile. En tout état de cause,
la reconnaissance du concubinage pour les concubins homosexuels rendra cette
mesure, à laquelle ils échappaient jusqu'à présent,
applicable à leur égard, la notion de vie maritale et de
concubinage étant employées indifféremment dans les textes
législatifs.
Votre commission vous propose de
supprimer l'article 5 ter
.
Article 6
Prise en compte du pacte civil de
solidarité
pour l'attribution d'un titre de séjour
Cet
article énonce que la conclusion d'un pacs sera considéré
comme un lien personnel pour l'attribution d'un titre de séjour
temporaire, " vie privée et familiale " au titre du 7° de
l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945.
Ledit 7° a été inséré dans l'ordonnance de
1945 par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, dite « loi
RESEDA » afin de consacrer la jurisprudence du Conseil d'Etat et du
Conseil constitutionnel protégeant, conformément à
l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, le
respect de la vie privée et familiale.
Il permet à un étranger non polygame, qui ne peut avoir droit au
séjour à un autre titre, d'obtenir une carte de séjour
« vie privée et familiale » lorsque ses
« liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus
d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie
privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des
motifs du refus ».
Le présent article ne prévoit pas d'attribution automatique du
titre de séjour. Il oblige seulement l'administration, sous le
contrôle du juge, à tenir compte du pacs dans sa prise de
décision.
Lors du débat sur la loi " RESEDA ", à
l'Assemblée nationale le 12 décembre 1997, le ministre
de l'intérieur avait clairement indiqué que les termes
« personnels et familiaux » comme ceux
« privée et familiale » étaient
cumulatifs
et ne pouvaient être dissociés
«
J'ai entendu des expressions fantasmatiques. Qui ne pourrait
évoquer une situation personnelle ? Ce n'est pas de cela qu'il
s'agit. C'est d'une situation personnelle
et
familiale ou d'une
situation privée
et
familiale. Le juge s'est refusé
à dissocier ces deux notions et il aurait raison de continuer à
le faire. Il faut donc en rester à cette position. Tout le reste n'est
que pur fantasme
».
Faut-il en conclure que le pacs est
assimilable à la famille
?
Il convient de rappeler que l'étranger marié à un
français obtient de plein droit et sans délai un titre de
séjour, en application du 4° du même article 12 bis de
l'ordonnance, à condition qu'il ne soit pas polygame et qu'il soit
entré régulièrement sur le territoire français.
La circulaire d'application de la loi, en date du 12 mai 1998, tout en
réservant la possibilité d'appréciation au cas par cas de
l'administration,
considère le concubinage comme un lien
personnel pouvant donner lieu à attribution d'un titre de séjour
à trois conditions cumulatives :
- Une certaine ancienneté de la communauté de vie en France,
attestée par tous moyens, une durée de cinq ans étant
donnée comme exemple ;
- la présence d'enfants issus de cette relation, sur lesquels le
demandeur a l'autorité parentale ;
- la situation régulière du concubin.
La situation des partenaires homosexuels ne pouvant entrer dans cette
épure, l'administration pourrait être conduite à modifier
sa doctrine.
Les concubins homosexuels ne peuvent pas à l'heure actuelle se
prévaloir des dispositions sur le respect de la vie privée et
familiale, l'administration pouvant néanmoins toujours se
réserver la possibilité de les admettre au séjour.
D'après les renseignements obtenus par votre rapporteur auprès du
cabinet du ministre de l'intérieur, le nombre de demandeurs faisant
état d'une relation homosexuelle n'aurait pas dépassé une
vingtaine lors de l'opération de régularisation entreprise en
juin 1997.
Votre commission craint qu'une telle disposition ne puisse qu'encourager
à la conclusion de pacs blancs dans l'espoir d'obtenir un titre de
séjour.
En tout état de cause, votre commission ayant supprimé le pacs,
vous propose de
supprimer l'article 6
par coordination.
Article 7
Prise en compte du pacte civil de
solidarité
dans l'examen d'une demande de naturalisation
Cet
article qui prévoyait la prise en compte du pacs, au bout d'un an, pour
apprécier l'assimilation du demandeur d'une naturalisation à la
communauté française, au regard de l'article 21-24 du code civil,
a été supprimé par l'Assemblée nationale, le garde
des sceaux ayant annoncé son intention de prendre des mesures
réglementaires à cet égard.
La procédure de naturalisation est actuellement, sauf exceptions,
réservée aux personnes majeures en situation
régulière, résidant en France depuis cinq ans, justifiant
de leur assimilation à la communauté française,
étant de bonne vie et moeurs et n'ayant pas fait l'objet de
condamnations (articles 21-15 à 21-27 du code civil).
Il convient de rappeler que, en application de l'article 21-2 du code civil, le
conjoint étranger d'un français peut acquérir de plein
droit la nationalité française par déclaration au bout
d'un an, sous réserve que la communauté de vie n'ait pas
cessé, ce délai étant supprimé en cas de naissance
d'un enfant du couple.
L'article 21-24 du code civil énonce que le demandeur doit justifier de
son assimilation à la communauté française, notamment par
une connaissance suffisante de la langue française. En pratique, la
connaissance de la langue est une condition suffisante pour justifier de
l'assimilation, sauf s'il apparaît que le demandeur a gardé avec
son pays d'origine des liens trop étroits ou a un mode de vie
incompatible avec l'assimilation.
L'administration tient à l'heure actuelle peu compte du concubinage, et
jamais pour juger de l'assimilation. Il peut intervenir en faveur d'un
demandeur pour démontrer la réalité de sa résidence
en France, ou en sa défaveur, en cas d'aide au séjour
irrégulier d'un étranger par exemple.
Quoiqu'il en soit, la naturalisation, opérée par décret,
n'est jamais un droit pour le demandeur. Le présent article n'impliquait
aucune obligation pour l'administration de naturaliser un partenaire, mais
seulement celle de tenir compte du pacs dans sa prise de décision.
L'article se révélait donc une pétition de principe sans
réel effet juridique.
Votre commission considère que la présence dans la loi d'une
telle disposition n'aurait pu que favoriser la conclusion de pacs blancs dans
l'espoir d'obtenir la nationalité française.
En tout état de cause, elle vous propose, par coordination, de
confirmer la suppression de l'article 7.
Article 8
(art. 60 du titre II, art. 54 du titre III et art. 38 du
titre IV
du statut général des fonctionnaires de l'Etat
et
des collectivités territoriales)
Priorité de mutation des
fonctionnaires
Cet
article institue dans les trois fonctions publiques une priorité de
mutation à fin de rapprochement des personnes ayant conclu un pacs avec
leur partenaire dont elles seraient séparées pour des raisons
professionnelles. Concernant les fonctions publiques hospitalière et
territoriale, est également prévue une priorité en
matière de détachement et de mise à disposition.
La proposition étend donc aux pacsés les dispositions actuelles
du statut des trois fonctions publiques issues de la loi Roustan du 30
décembre 1921 qui prévoyait le rapprochement des époux
séparés pour des raisons professionnelles, à l'exception,
pour les fonctionnaires de l'Etat des possibilités de détachement
ou de mise à disposition.
•
Paragraphe I : la fonction publique de l'Etat
L'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat
prévoit actuellement la priorité de mutation des
fonctionnaires :
- séparés de leur conjoints pour des raisons
professionnelles ;
- ayant la qualité de travailleur handicapé ;
- exerçant leurs fonctions dans un quartier difficile.
L'article 62 de la même loi dispose que, si les possibilités de
mutation sont insuffisantes, les fonctionnaires séparés de leur
conjoint pour raisons professionnelles ou les fonctionnaires handicapés
peuvent bénéficier en priorité d'un détachement ou
d'une mise à disposition.
La proposition de loi étend aux pacsés la priorité de
mutation prévue à l'article 60.
•
Paragraphe II :
la fonction publique
territoriale
L'article 54 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoit,
dans son premier alinéa, une priorité de mutation des
fonctionnaires séparés de leur conjoint pour raisons
professionnelles et des fonctionnaires handicapés et, dans son second
alinéa, des priorités de détachement et de mise à
disposition des mêmes fonctionnaires.
La proposition de loi étend le bénéfice de ces
dispositions aux pacsés.
•
Paragraphe III :
la fonction publique
hospitalière
L'article 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 prévoit que
les fonctionnaires hospitaliers séparés de leur conjoint pour
raisons professionnelles et les fonctionnaires handicapés pourront
bénéficier par priorité du changement
d'établissement, du détachement ou de la mise à
disposition.
La proposition de loi étend le bénéfice de ces
dispositions aux pacsés.
Dans les trois cas, le souhait d'obtenir une mutation pourrait être une
cause de
conclusion d'un
pacs blanc
.
A l'heure actuelle, aucune priorité légale n'est
prévue au bénéfice des concubins
. Le Conseil d'Etat
dans une décision du 25 novembre 1994 a jugé que les dispositions
de la loi de 1921 encore applicables aux magistrats ne tendaient qu'au
rapprochement des «
fonctionnaires qui sont unis par le
mariage
» et que ni l'article 12 de la convention
européenne des droits de l'homme (relatif au mariage), ni aucun principe
général du droit n'imposait d'assimiler la situation des
concubins à celle des conjoints
De nombreuses administrations prennent néanmoins en compte la situation
des concubins, principalement de ceux ayant en charge d'enfants.
Votre commission constate qu'il est déjà difficile, sur un
certain nombre de postes, de satisfaire les demandes des personnels
prioritaires. Elle craint que l'adjonction d'une nouvelle priorité de
rapprochement n'empêche les célibataires d'obtenir une quelconque
mutation dans des zones géographiques très demandées. Or,
le souhait d'un célibataire de revenir au pays pour s'occuper de ses
parents âgés peut mériter d'être pris en compte
autant que celui de se rapprocher d'un partenaire. Votre commission estime donc
que les priorités légales de mutation doivent continuer à
être réservées aux
fonctionnaires mariés
.
Elle observe par ailleurs que le Conseil supérieur de la fonction
publique ne semble pas, d'après les renseignements obtenus par votre
rapporteur, avoir été consulté sur cette disposition.
Votre commission vous propose en conséquence de
supprimer l'article
8.
Article 9
(art. 14 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet
1989)
Continuation du contrat de location et
droit de reprise du
bailleur
Cet
article permet au partenaire ayant conclu un pacs de bénéficier
de la continuation ou du transfert de bail en cas d'abandon du logement ou de
décès du preneur. Symétriquement, il permet, sans
condition de durée de pacs, la reprise du bail au profit d'un partenaire
ou de ses ascendants ou descendants. Il modifie à cet effet les articles
14 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
•
L'article 14
de la loi n° 89-462 du 6 juillet
1989 que modifie le
paragraphe I
du présent article 9
permet actuellement, en cas
d'abandon
de domicile ou de
décès
du titulaire d'un bail, la continuation ou le
transfert de ce bail au profit du
concubin notoire
ou de la
personne
à charge,
qui vivait depuis au moins
un an
avec lui à
la date de l'abandon ou du décès.
Cet article 14 ne fait que reprendre les dispositions figurant dans les lois
Quilliot du 22 juin 1982 (art. 16) et Méhaignerie du 23
décembre 1986 (art. 13). Jusqu'en 1986, l'article 5-I de la loi du
1
er
septembre 1948 reconnaissait un droit à maintien dans les
lieux « aux personnes à charge », dans lesquelles la
jurisprudence incluait le concubin, qui vivaient effectivement avec l'occupant
depuis plus de six mois (durée portée à un an en 1970).
La Cour de cassation, à travers deux arrêts du 11 juillet 1989
intervenus en matière sociale, avait refusé d'assimiler les
homosexuels vivant en couple à des concubins. Cette position a
été récemment confirmée, précisément
en matière de droit au bail, et contre les conclusions de l'avocat
général, M. Weber, dans un arrêt du
17 décembre 1997. Il s'ensuit qu'un partenaire
homosexuel
qui n'est pas à la charge du titulaire du bail ne pourra
bénéficier du transfert du bail
.
Ces dispositions relatives au bail sont devenues
emblématiques des
difficultés de la vie courante rencontrées par les couples
homosexuels
. L'épidémie de SIDA a en effet
entraîné le décès de nombreux partenaires jeunes,
générant des situations cruelles pour les survivants
obligés de quitter le logement commun.
Pour remédier à cette situation, l'article 62 de la loi du 27
janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, introduit par voie
d'amendement à l'Assemblée nationale (amendement défendu
par M. Le Guen), supprimait les mots « à
charge » dans la partie de l'article 14 de la loi de 1989 visant le
cas de décès du titulaire d'un bail. Cette rédaction
aurait donc permis le transfert du bail à toute personne, donc au
partenaire homosexuel, ayant vécu au moins un an avec le titulaire du
bail avant le décès de ce dernier (le cas d'abandon de domicile
n'était pas visé). Mais le Conseil constitutionnel a
annulé cet article le considérant comme étant sans lien
avec le texte en discussion.
Un partenaire homosexuel ne pourrait donc, aujourd'hui,
bénéficier du transfert du bail qu'en tant, le cas
échéant, que personne à charge du titulaire du bail, mais
pas en tant que concubin.
Le paragraphe I du présent article 9 insère les personnes ayant
conclu un pacs avec le locataire dans la liste des bénéficiaires
de la continuation ou du transfert du bail. Aucun délai de cohabitation
préalable n'est exigé. La situation du partenaire est ainsi
alignée sur celle du conjoint. Mais la cohabitation ne semblant pas
requise des partenaires ayant souscrit un pacs, il semble que le
bail
pourrait être ainsi transféré à une personne qui ne
vivrait pas sous le toit du preneur
, ce qui semble tout à fait
anormal.
Quoiqu'il en soit, ce paragraphe devient inutile du fait de la
reconnaissance du concubinage homosexuel proposé par votre commission
qui permettra à tout concubin de bénéficier, après
un an de cohabitation avec le preneur, de la continuation ou du transfert du
bail.
En dehors des cas d'abandon de domicile et de décès, il convient
de noter que les concubins, sauf s'ils ont souscrit un bail conjointement avec
leur partenaire, ne sont pas, contrairement aux époux,
protégés en cas de
résiliation du bail par le
preneur
. La jurisprudence réserve en effet aux personnes
mariées l'application de l'article 1751 du code civil qui répute
les époux co-titulaires du bail du local leur servant d'habitation (TI
Privas, 7 septembre 1993) et la règle qui empêche un
époux de disposer seul du logement de la famille (art. 215 du code
civil).
•
L'article 15
de la loi n° 89-462 du 6 juillet
1989 que modifie le
paragraphe II
du présent article 9,
accorde au bailleur un droit de reprise du logement au profit de son concubin
notoire depuis un an, ou au profit des ascendants ou descendants de ce dernier.
Le texte adopté insère dans la liste des
bénéficiaires possible de la reprise le partenaire ayant conclu
un pacs avec le bailleur, ou ses ascendants ou descendants, sans condition de
durée du pacs. Le partenaire ouvre ainsi les mêmes droits que le
conjoint.
Compte tenu de la facilité de conclusion et de dissolution du pacs,
cette disposition pourrait être source de
nombreuses conclusions de
pacs à la seule fin de reprise d'un bail
.
Quoiqu'il en soit, là encore, la reconnaissance du concubinage
homosexuel permettra aux concubins de même sexe d'ouvrir droit à
la reprise du bail au bout d'un an de concubinage. Ce paragraphe, comme le
précédent devient donc inutile.
Votre commission vous propose en conséquence de
supprimer l'article
9
.
Article 10
Dispositions applicables aux
fratries
Cet
article étend aux
frères et soeurs,
dans la limite de deux
personnes, le bénéfice des dispositions prévues par la
proposition, à l'exception de celles relatives aux donations et
successions. Les personnes concernées doivent justifier d'une
résidence commune durant les délais exigés pour
l'ouverture des droits.
L'article 515-2 du code civil, exclut en effet la possibilité pour
les frères et soeurs de conclure un pacs. De nombreux parlementaires ont
cependant souhaité prendre en compte les liens de solidarité
existant au sein des fratries, principalement en milieu rural. Cette
disposition qui ne figurait pas dans la première proposition
adoptée par la commission des Lois a fait l'objet de vives controverses
et a été adoptée sans l'accord du Gouvernement qui ne
souhaitait pas interférer avec le droit de la famille.
La limitation à deux personnes du bénéfice des droits
ouverts peut par ailleurs faire craindre la censure du Conseil constitutionnel
pour rupture de l'égalité entre les membres d'une fratrie
cohabitant à plusieurs.
L'exclusion du bénéfice des dispositions successorales s'explique
par le fait que les dispositions concernant les frères et soeurs sont
actuellement plus avantageuses dans certains cas que celles
réservées par la proposition de loi aux pacsés. Au
contraire de ces derniers, les frères et soeurs peuvent hériter
sans testament après les descendants, mais avant le conjoint et certains
ascendants (art. 731 et suivants du code civil). Les droits de mutation
qui leur sont applicables (35% jusqu'à 150 000 F et 45% au
delà) sont plus favorables que ceux prévus pour les pacsés
(40% jusqu'à 100 000 F et 50% au delà). En revanche,
comme il a été dit après l'article 3, ils ne
bénéficient que d'un abattement de 100 000 F mis en
oeuvre dans des conditions très restrictives, au lieu de
375 000 F pour les pacsés.
Dans la rédaction actuelle de la proposition, deux membres d'une
fratries pourraient :
- bénéficier de l'imposition commune à l'impôt sur
le revenu (art. 2) ;
- être ayant droit de leur frère ou soeur pour la
sécurité sociale (art. 4 bis) ;
- bénéficier des dispositions du code du travail relatives aux
congés (art. 5);
- voir leur situation prise en compte pour l'obtention d'un titre de
séjour vie privée et familiale (art. 6) ;
- bénéficier du transfert ou de la reprise du bail (art. 9).
Le rapprochement des fonctionnaires prévu à l'article 8 semble
quant à lui difficile à mettre en oeuvre puisqu'il implique une
séparation incompatible avec l'obligation de résidence commune
donnée comme condition même de l'ouverture du droit.
Par ailleurs, les frères et soeurs pourraient également se voir
appliquer des dispositions qui leur seraient défavorables :
- imposition commune à l'impôt sur la fortune (art. 4) ;
- suppression de l'allocation de soutien familial et de l'allocation veuvage
(art. 5 bis et 5 ter).
La rédaction de l'article au présent de l'indicatif sous la forme
«
les dispositions des articles 2, 4 à 9 sont
applicables »
pourrait d'ailleurs laisser croire à tort
que l'application des dispositions de la proposition aux frères et
soeurs est impérative.
Votre commission considère que la prise en compte de la
solidarité entre frères et soeurs doit être
améliorée. C'est ainsi qu'elle vous a proposé,
après l'article 2, de prévoir la déduction des
pensions alimentaires versées aux frères et soeurs dans le besoin
et, après l'article 3, d'assouplir les conditions exigées des
frères et soeurs pour bénéficier de l'abattement
successoral qu'elle a par ailleurs porté à 150 000 F.
Comme chacun, un frère ou une soeur pourra bénéficier du
«
legs électif
» proposé par votre
commission à l'article 3 ainsi que de l'abattement pour personne
à charge pour le calcul de l'impôt sur le revenu proposé
à l'article 2.
Il convient de rappeler par ailleurs qu'un frère ou une soeur à
charge d'un assuré social pourrait au bout d'un an de cohabitation
être son ayant droit en application de l'article L. 161-14 du code
de la sécurité sociale. A charge d'un locataire et cohabitant
avec lui depuis un an, il pourrait bénéficier d'un transfert du
bail en cas de décès du preneur en vertu de l'article 14 de la
loi du 6 juillet 1989.
Compte tenu des mesures proposées par ailleurs, votre commission estime
que cet article n'a plus de raison d'être.
Votre commission vous propose de
supprimer l'article 10
.
Article 11
Décret d'application
Cet
article prévoit que les conditions d'application de la proposition
feront l'objet de décrets en Conseil d'Etat et il précise que
celui déterminant les conditions dans lesquelles sont traitées et
conservées les informations relatives à la formation, la
modification ou la dissolution des pactes devra être pris après
avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
En cohérence avec la suppression du pacs, il n'est plus utile de
mentionner les procédures liées à son enregistrement. En
revanche, des décrets en Conseil d'Etat pourront être
nécessaires en matière fiscale et successorale et devront
préciser les conditions de délivrance des certificats de
notoriété en matière de concubinage.
Votre commission vous propose donc un
amendement
de suppression du
deuxième alinéa relatif à la consultation de la commission
nationale de l'informatique et des libertés.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 11 ainsi
modifié.
Article 11bis
Application Outre-mer
Cet
article, introduit sur amendement du gouvernement, prévoit l'application
des articles premier (création du pacs) et 11 (décrets
d'application) aux
territoires d'outre-mer
et à la
collectivité territoriale de Mayotte et de l'article 9 (transfert du
bail) à la Polynésie française.
Cette extension aboutit à doter les territoires d'outre-mer du pacs,
sous réserve de remplacer le tribunal d'instance par le tribunal de
première instance comme lieu d'enregistrement.
Mais elle étend en fait à ces territoires une coquille presque
vide, peu des autres dispositions de la loi étant concernées.
Le texte étend expressément à la Polynésie
française les dispositions de l'article 9 relatif au bail, ce territoire
étant le seul dans lequel la loi de 1989 est actuellement applicable.
Outre cette dernière disposition, les seules autres conséquences
du pacs directement applicables outre-mer résulteraient de l'article 8
relatif au rapprochement des fonctionnaires de leur partenaire. Les lois
relatives à la fonction publique sont en effet considérées
comme des
lois de souveraineté
directement applicables aux
territoires d'outre-mer.
Les dispositions fiscales, successorales et celles relatives à la
sécurité sociale figurant aux articles 2 à
4 bis, 5 bis et 5 ter, relèvent du domaine de
compétence du territoire et pourront faire éventuellement l'objet
de mesures particulières de leur part.
Quand aux mesures relatives au droit du travail et au droit au séjour,
figurant respectivement aux articles 5 et 6, elles font référence
à des dispositions non applicables actuellement outre-mer.
Mais même limitée à quelques dispositions, l'extension
envisagée exigerait la
consultation des assemblées
territoriales
en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à
Wallis et Futuna en application de l'article 74 de la Constitution, dans la
mesure où elles concernent l'organisation particulière des
territoires. Or, votre rapporteur a constaté que ces
consultations
n'avaient pas été réalisées.
Cet article
encourt donc le risque certain de censure par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, votre commission ne peut manquer de souligner
l'incongruité que représenterait l'extension du pacs à
Mayotte, où la population est à 95% soumise au statut personnel
musulman autorisant la polygamie.
De plus le texte ne tient pas compte du fait que la Nouvelle-Calédonie
n'est plus un territoire d'outre-mer.
Quoiqu'il en soit, votre commission ayant proposé la suppression du
pacs, ne peut envisager son extension aux territoires d'outre-mer.
Les dispositions proposées par votre commission relatives au mariage et
au concubinage peuvent être considérées comme touchant
à l'état des personnes et donc être directement applicables
outre-mer sans extension, en application de la loi du 9 juillet 1970
qui a assimilé, en matière de statut civil de droit commun, la
France d'outre-mer à la métropole.
Les dispositions fiscales et successorales que votre commission vous a
présentées relèvent quant à elles de la
compétence locale.
Il n'y a donc pas lieu de prévoir une extension du texte outre-mer.
Votre commission vous propose en conséquence de
supprimer l'article
11bis
.
Article 12
Compensation des pertes
éventuelles
de recettes
Cet article qui gageait financièrement l'ensemble de la proposition de loi a été supprimé sur amendement du Gouvernement. Il n'est pas proposé de le rétablir, votre commission ayant assorti d'un gage chaque disposition susceptible de se voir opposée une irrecevabilité financière.
Intitulé
Par coordination avec les dispositions qu'elle vous a proposées, votre commission vous propose d'adopter l'intitulé suivant : " Proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité ".
TABLEAU COMPARATIF
ANNEXES
_____
I. LE CONCUBINAGE À TRAVERS QUELQUES
LÉGISLATIONS 143
II. COMPTE RENDU INTÉGRAL DES AUDITIONS PUBLIQUES DU
27 JANVIER 1999 149
III. COMPTE RENDU DES AUDITIONS EFFECTUÉES EN COMMISSION LE 9
MARS 1999 291
IV. LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR 313
ANNEXE
I
LE CONCUBINAGE À TRAVERS QUELQUES LÉGISLATIONS
Code civil
Articles |
Contenu |
283 |
Fin de la pension alimentaire en cas de " concubinage notoire ". |
285-1 |
Fin du bail forcé au conjoint en cas de " concubinage notoire ". |
311-20 |
Consentement des " concubins " à la procréation médicalement assistée. |
340-4 |
Délai pour l'action en recherche de paternité repoussé à 2 ans après la cessation de l'"état de concubinage impliquant, à défaut de communauté de vie, des relations stables ou continues". |
Implicitement
|
Autorité parentale commune sur un enfant naturel si la reconnaissance intervient avant l'âge de 1 an et que les " parents vivent en commun " au moment de la reconnaissance. |
372-1 |
Acte de communauté de vie délivré par le juge aux affaires familiales. |
Code pénal
Articles |
Contenu |
|
|
Le concubinage avec la victime est une circonstance aggravante en cas de : |
|
223-3 |
- tortures et actes de barbarie |
|
222-8,
222-10,
|
- violences |
|
|
Bénéfice de l' immunité pour la personne qui vit " notoirement en situation maritale " avec un auteur d'infraction en cas de : |
|
434-1 |
- non dénonciation d'un crime à venir ; |
|
434-6 |
- aide à l'auteur d'un crime ou d'un acte de terrorisme ; |
|
434-11 |
- non révélation de l'innocence d'un prévenu ou condamné. |
|
|
|
|
|
Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 |
|
21 |
Immunité en matière d'aide au séjour irrégulier d'un étranger pour la personne qui " vit notoirement en situation maritale avec lui ". |
Nouveau code de procédure civile
Articles |
Contenu |
|
828 |
Les parties peuvent être représentées par leur concubin devant le tribunal d'instance. |
|
1157-2 |
Procédure de consentement des concubins à une procréation médicalement assistée. |
|
|
|
|
|
Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 |
|
12 |
Le concubin peut représenter les parties devant le juge de l'exécution. |
Code de la santé publique
Articles |
Contenu |
|
Assistance médicale à la procréation : |
Implicitement
|
L'homme et la femme formant le couple doivent, s'ils ne sont pas mariés, " apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans ". |
L. 152-10 |
Les concubins doivent donner leur consentement à la procréation médicalement assistée suivant les formes prévues par le code civil. |
L. 339 |
Une personne vivant en concubinage avec un malade mental peut requérir la levée de l'hospitalisation effectuée à la demande d'un tiers. |
L. 351 |
Le concubin peut introduire une requête auprès du président du tribunal d'instance pour demander la sortie d'une personne hospitalisée sans son consentement pour trouble mental. |
Code général des impôts
Articles |
Contenu |
885 E |
Imposition commune à l'ISF en cas de concubinage notoire. |
A
contrario
|
½ part supplémentaire pour le cumul de l'impôt sur le revenu des célibataires qui " vivent seuls " et supportent effectivement la charge d'un enfant. |
Code de la Sécurité sociale
(articles
contenant les mots concubin, concubinage ou vie maritale)
Articles |
Contenu |
L. 161-14 |
La personne qui " vit maritalement " avec un assuré est un ayant-droit pour les prestations en nature des assurances maladie et maternité . |
L. 353-5 |
Suppression de la majoration pour enfant à charge de la pension de réversion en cas de " vie maritale ". |
L.
356-3 et
|
Suppression de l' allocation veuvage en cas de vie maritale. |
L. 512-6 |
Le régime des prestations familiales métropolitain s'applique si le concubin d'une personne résidant en outre-mer réside lui-même en métropole avec les enfants. |
L.
523-2 et
|
Suppression de l' allocation de soutien familial en cas de vie maritale. |
L. 615-10 |
Droit aux prestations du régime d' assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles pour la personne qui vit maritalement avec un assuré. |
L.
821-1 et
|
Allocation aux adultes handicapés La limite du montant cumulé de l'allocation et de la garantie de ressources est augmentée en cas de vie maritale. |
D. 821-2 |
En cas de vie maritale, augmentation du plafond de ressources ouvrant droit à l'allocation. |
R. 821-5-1 |
La condition de perception d'une aide personnelle au logement ouvrant droit au complément d'allocation peut être remplie par le concubin. |
R. 242-15 |
Cotisation des employeurs et travailleurs indépendants : une femme vivant maritalement ne bénéficie pas de l'abaissement de la limite d'âge ouvrant droit à exonération pour les femmes veuves, célibataires, séparées ou divorcées. |
|
Prestations familiales (généralités) |
R. 513-1 |
A
défaut d'option, si les deux membres du couple ont la charge des enfants
à leur foyer, l'allocataire est la concubine.
|
R. 513-2 |
Le concubin de l'allocataire peut être attributaire des prestations familiales. |
R. 514-1 |
Détermination de la caisse à qui incombe le versement des prestations familiales en fonction de la nature de l'activité professionnelle du concubin. |
|
Allocation de parent isolé |
R. 524-1 |
Une personne vivant maritalement n'est pas considérée comme une personne isolée. |
R. 524-2 |
Le droit à allocation est ouvert à la date du décès du concubin ou de la séparation (attestée sur l'honneur). |
R. 524-7 |
Les ressources perçues les mois précédents par le concubin ne sont pas prises en compte. |
R. 524-8 |
Date de fin de versement en cas de vie maritale |
Code de la Sécurité sociale (suite)
Articles |
Contenu |
|
Allocation pour jeune enfant |
R 531-9 |
Le plafond de ressources du foyer ouvrant droit à l'allocation est majoré si le concubin dispose de revenus. |
R. 531-10 |
Prise en compte de l'ensemble des ressources perçues pas chacun des concubins. |
R.
531-11,
|
Cas d'abattement, de non prise en compte ou d'évaluation forfaitaire des ressources du concubin. |
|
Complément familial |
R. 755-4 |
Prise en compte de l'ensemble des ressources des concubins |
R.
755-8
|
Cas d'abattement, de non prise en compte ou d'évaluation forfaitaire des ressources du concubin. |
|
Allocation de logement social |
R. 831-1 |
Une résidence occupée pendant huit mois de l'année par le concubin peut être considérée comme résidence principale. |
R. 831-6 |
Définition des ressources prises en compte. |
R. 831-20 |
La personne qui " vit maritalement " est assimilée au conjoint pour la détermination des ressources. |
D. 323-1 |
Prise en compte des ressources de la personne vivant maritalement pour l'ouverture du droit à indemnité journalière pour cure thermale . |
D. 381-2 |
Cas d'affiliation obligatoire à l' assurance vieillesse du concubin n'exerçant pas d'activité professionnelle |
|
Allocation de logement familial |
D.
542-1 et
|
Le logement occupé pendant huit mois par an par le concubin peut être considéré comme une résidence principale respectivement en métropole et outre-mer. |
D.
542-8 et
|
La personne qui " vit maritalement " est assimilée respectivement en métropole et outre-mer au conjoint pour la détermination des ressources. |
D. 542-10 |
Détermination des ressources. |
Code des pensions civiles et militaires de retraite
Articles |
Contenu |
L. 46 |
Le droit à pension du conjoint survivant est suspendu au profit des enfants en cas de concubinage notoire. |
R. 57 |
Rétablissement du droit à pension en cas de cessation de concubinage. |
Code des pensions militaires d'invalidité
et des
victimes de la guerre
Articles |
Contenu |
L. 48 |
Suspension du droit à pension du conjoint survivant au profit des enfants en cas de concubinage notoire. |
L. 189-1 |
Perte de l'allocation spéciale de veuve d'aveugle de la résistance en cas de concubinage notoire. |
L. 494 |
La personne ayant vécu maritalement avec un défunt peut demander le transfert du corps (à défaut de demande du conjoint, des enfants, des ascendants ou des frères et soeurs). |
R. 170 |
La pension des veuves de victimes civiles de la guerre vivant en état de concubinage notoire est suspendue. |
D. 271-6 |
Le pécule revenant aux déportés ou internés décédés n'est pas payé au conjoint survivant qui a vécu en état de concubinage notoire pendant la déportation du défunt. |
A. 98 |
Fin de la pension des veuves des affectés spéciaux de la défense passive vivant en état de concubinage notoire. |
Revenu minimum d'insertion
Articles |
Contenu |
|
Loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 |
3 |
L'allocation varie selon le nombre de personnes à charges. |
|
Décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 |
1 |
Majoration de 50 % de l'allocation en cas de concubinage. |
3 |
Les ressources de toutes les personnes vivant au foyer sont prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation. |
Code du travail
(articles contenant le mot
concubin)
Article |
Contenu |
R. 145-2 |
Seuil de saisissabilité des salaires : le concubin est une personne à charge entraînant une élévation des seuils. |
R. 351-11 |
Allocation d'insertion (ressources du concubin prises en compte pour l'application du plafond de ressources). |
R. 351-13 |
Allocation de solidarité spécifique (ressources du concubin prises en compte pour l'application du plafond de ressources). |
R. 351-42 |
Exonération de cotisations en cas d'aide à la création d'entreprises pour les concubins des bénéficiaires du RMI. |
R. 831-1 |
Bénéfice des contrats d'accès à l'emploi outre-mer pour les concubins de bénéficiaires du RMI |
Aide juridictionnelle
Articles |
Contenu |
|
Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 |
5 |
Pour l'appréciation des ressources donnant droit à l'aide juridictionnelle, prise en compte des ressources de toute personne vivant habituellement au foyer du demandeur. |
|
Décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 |
3 et 4 |
Le plafond des ressources est augmenté pour le concubin à charge dépourvu de ressources personnelles et le concubin dont les ressources ont été prises en compte. |
Baux
Articles |
Contenu |
|
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 |
14 |
En cas d'abandon du logement ou de décès du preneur, continuation ou transfert du bail au profit du concubin notoire qui vivait depuis un an avec lui. |
15 |
Reprise du bail au bénéfice du concubin notoire depuis un an ou de ses ascendants et descendants. |
ANNEXE
II
SÉNAT
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION,
DU SUFFRAGE
UNIVERSEL, DU REGLEMENT
ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
Proposition de loi adoptée par l'Assemblé nationale relative
au pacte civil de solidarité
Auditions publiques du 27 janvier 1999
(salle Médicis)
SOMMAIRE
1)
Audition de :
- Mme Irène Théry, sociologue, auteur du rapport
"couple,
filiation et parenté aujourd'hui"
p. 152
- M. Jean Hauser, professeur de droit, auteur du rapport
sur le pacte
d'intérêt commun.
p. 160
DÉBAT
p. 167
2) Audition de :
- M. Guy Coq, philosophe
p. 173
- M. Eric Fassin, sociologue, professeur à l'Ecole
normale
supérieure
p. 176
DÉBAT
p. 180
3) Audition de :
- Mgr Vingt-Trois, président de la commission de la
famille
à la conférence épiscopale catholique
p. 184
- M. Olivier Abel, théologien, président de la
commission
éthique à la Fédération protestante
de France
p. 187
- M. Le rabbin Senior, membre du cabinet de
M. Joseph Sitruk,
grand rabbin de France
p. 192
- M. Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris
p.
194
DÉBAT
p. 195
4) Audition de :
- Mme Geneviève Delaisi, psychanalyste
p. 200
- M. Samuel Lepastier, pédopsychiatre et psychanalyste
p. 203
DÉBAT
p. 209
5) Audition de :
- M. Denis Quinqueton, secrétaire général - Collectif
pour
le contrat d'Union sociale et le pacte civil de solidarité
p. 216
- Mme Marguerite Delvolvé, présidente de l'association
pour la promotion de la famille - Collectif pour le mariage
et contre
le PACS (génération anti PACS)
p. 220
- M. Xavier Tracol, avocat - Collectif pour l'union libre
p. 223
- Mme Renée Labbat, présidente - Union nationale des groupes
d'action des personnes qui vivent seules (UNAGRAPS)
p. 228
DÉBAT
p. 233
6) Audition de :
- Mme Dominique Blanchon, Responsable de la Commission
Mariage et
Egalité des Droits - ACT-UP Paris
p. 240
- M. Daniel Borrillo, Responsable du groupe juridique -
AIDES
(Fédération nationale)
p. 243
- Mme Martine Gross, vice-présidente - Association des parents
et
futurs parents gays et lesbiens (APGL)
p. 248
- M. Dominique Touillet - Lesbian and gay pride
p. 253
DÉBAT
p. 260
7) Audition de :
- Mme Chantal Lebatard, administrateur - Union nationale
des associations
familiales (UNAF)
p. 268
- Mme Dominique Marcilhacy - Familles de France
p. 271
- M. Jean-Marie Andrès - Confédération nationale
des associations familiales catholiques
p. 274
- Mme Claudine Rémy, vice-présidente - Familles rurales
p.
276
- M. Bernard Teper, chargé de la communication -
Union des
familles laïques
p. 277
DÉBAT
p. 282
La séance est ouverte à 9 heures 10
.
1) Audition de :
- Mme Irène Théry, sociologue, auteur du rapport "couple,
filiation et parenté aujourd'hui"
- M. Jean Hauser, professeur de droit, auteur du rapport sur le pacte
d'intérêt commun
M. Jacques Larché, président.-
Mes chers
collègues, Mesdames et Messieurs, nous ouvrons aujourd'hui une
série d'auditions, à laquelle nous attachons une extrême
importance, pour préparer le débat que nous aurons un jour sur le
projet de loi, ou proposition de loi (on peut discuter du terme, est-ce un
projet ou une proposition, on ne le sait pas très bien) qui vient de
l'Assemblée nationale.
Dans quel état d'esprit sommes-nous ? Une décision a
été prise par l'Assemblée nationale. Nous "accueillons"
cette décision, c'est-à-dire nous allons l'examiner de la
manière la plus complète. Il y a quelques temps, un journaliste
du journal
La Croix
, m'interrogeait sur les intentions du
Sénat en la matière : "Allez-vous faire de l'obstruction
comme à l'Assemblée nationale ?". J'ai répondu que
les climats des deux assemblées étaient parfois quelque peu
différents, et que la caractéristique de ce que faisait le
Sénat n'était pas une volonté d'obstruction, mais de
qualité du débat.
Dans le cadre de cette intention générale, nous allons donc
examiner ce texte, essayer de comprendre - dans la mesure où nous
le pouvons - les problèmes que l'on a voulu résoudre, les
enregistrer, voir dans quelle mesure ils nécessitent des solutions. Et,
dans le cadre de notre droit, l'une de nos préoccupations au sein de la
commission des lois, est de voir s'il est possible d'y apporter des solutions
conformes aux règles juridiques traditionnelles. Voilà ce que
nous allons essayer de faire.
Des auditions ont eu lieu à l'Assemblée nationale, qui ont
été essentiellement - je n'en nie pas la
qualité - des auditions de rapporteur, c'est-à-dire que le
rapporteur du texte a entendu qui il voulait bien. Pour notre part, nous avons
souhaité entendre un panel d'opinions, favorables ou défavorables
sur un texte de ce genre ; toutes les expressions doivent être
admises et peuvent être tenues pour utiles. Dans ce contexte, je remercie
par avance tous ceux et toutes celles qui viendront éclairer notre
débat. Autrement dit, leur contribution sera tenue par avance comme
très précieuse, avec bien évidemment la liberté de
propos qui caractérise toujours nos travaux.
Compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce texte, nous
diffuserons assez largement le compte-rendu de nos débats suivant les
méthodes habituelles. Voilà donc notre état d'esprit.
J'ouvre le débat. Nous allons devoir respecter nos horaires si nous
voulons terminer à 18 heures. Vous connaissez la liste des
auditions. Compte tenu des personnes invitées à s'exprimer, des
opinions peut-être très différentes seront
exprimées : comme je le disais précédemment, nous les
entendrons toutes.
Je demanderai donc à Mme Irène Théry et au
professeur Hauser de bien vouloir nous aider à rattraper notre
retard. Madame, vous avez la parole.
Mme Irène Théry.-
Monsieur
le Président, mesdames et messieurs les Sénateurs, je vais
abréger le texte que j'avais préparé et dont je vous
remettrai l'intégralité, mais dont, pour raccourcir mon propos
j'enlève le début. Après ce début qui essaie de
situer l'enjeu des débats sur le PACS, je pose la question de savoir
comment contribuer à un débat réfléchi,
argumenté, soucieux du pluralisme des convictions, libre des
anathèmes. Pour aller dans ce sens, un historique précis des
différentes propositions qui ont été
élaborées aurait sans doute été utile. Nous n'en
aurons évidemment pas le temps. Je voudrais au moins rappeler que,
durant ces derniers mois, quelques grandes alternatives ont été
posées. Faut-il créer des droits à partir de la
réalité des situations de fait, ou est-il nécessaire de
créer un contrat d'un nouveau type ? Si la voie du contrat est
retenue, s'agit-il de créer une nouvelle forme d'union juridique du
couple, ou un pacte d'entraide englobant toutes les formes de la
solidarité ? Si la voie d'une reconnaissance légale des
couples homosexuels est retenue, implique-t-elle ou non de désinstituer
la différence des sexes ?
A ces questions, la proposition de loi présentée en octobre
à la discussion des parlementaires n'apportait pas de réponse
évidente. S'agissait-il d'un contrat ou d'un constat ?
Concernait-il les seuls couples ou toutes les "paires" ? La proposition
relevait-elle d'une logique de l'union ou d'une logique de la
solidarité ? Ces questions se posaient, comme en a
témoigné abondamment le "ballet des fratries". Il traduisait
l'ampleur des incertitudes du texte lui-même.
Aujourd'hui, il semble que les choses soient un peu plus claires. Les
débats parlementaires, puis le texte voté par l'Assemblée
Nationale, définissent le PACS comme un contrat, une nouvelle forme
d'union alternative au mariage réservée aux couples mais
indifférente au sexe, ouvrant de nouveaux droits sociaux et fiscaux.
Certes, l'article 10, ouvrant certains droits du PACS aux fratries,
brouille quelque peu le message et semble très fragile juridiquement.
Mais cet article est-il destiné à demeurer ? A lire les
comptes-rendus des débats, les députés eux-mêmes en
paraissaient peu convaincus...
Je partirai donc de cette interprétation d'ensemble du PACS comme une
nouvelle forme juridique d'union de couple, pour poser seulement
trois questions parmi celles, très nombreuses, que soulève
ce texte. Je les ai retenues parce qu'elles ont été
particulièrement occultées, plus précisément
renvoyées d'un revers de la main, d'un revers de formule devrais-je
dire. Le problème de
l'union libre
a été
écarté par la formule "
pas de droits sans devoirs
" ;
le problème de
l'égalité
, écarté par
la formule
"les couples qui ne peuvent ou ne veulent se marier",
et
enfin le problème de la
différence des sexes
,
écarté par la formule
"un choix républicain".
L'union libre tout d'abord. Si je pose d'entrée cette question, ce n'est
pas par ignorance des nombreuses discussions que soulèvent les rapports
entre PACS et mariage. Mais la polarisation sur ce seul aspect a
contribué à renvoyer dans l'ombre le problème des unions
de fait. C'est pourtant le premier paradoxe qui aurait dû, me
semble-t-il, sauter aux yeux : au moment même où l'on
constate que cinq millions de personnes vivent en union libre, que ce mode
de vie commune est devenu souvent très durable, au point que 40 %
des enfants naissent de parents non mariés, alors que chacun sait que le
concubinage s'est développé très pacifiquement en France
et qu'il correspond à un mouvement de fond de notre
société, on aurait attendu que le législateur
cherchât à prendre en compte au premier chef cette
réalité. A l'inverse, il a choisi de l'ignorer. Peu de gens le
comprennent car on nous dit que si les concubins veulent des droits, ils
n'auront désormais qu'à se "pacser"... à ceci près
que cela suppose pour eux, comme quand on leur disait autrefois qu'ils
n'avaient qu'à se marier, de renoncer à leur union libre.
Ce qui est laissé ici pour compte n'est rien moins que tout ce que nous
savons être (et de nombreuses enquêtes le confirment) la
signification profonde du concubinage contemporain. Dans l'immense
majorité des cas, il s'agit du choix positif, revendiqué comme
tel, d'un lien de couple strictement privé, sans hostilité au
mariage. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle jamais les concubins
hétérosexuels n'ont demandé la création d'une
quelconque forme d'union juridique inédite. Quant aux couples
homosexuels, qui s'indignent à juste titre de ne pas être reconnus
en droit comme concubins, on peut penser que, parmi eux, ceux qui tiennent
à ce que leur engagement mutuel reste purement privé sont
probablement très nombreux.
Mais ce choix de vie va devenir de plus en plus difficile, puisque l'invention
du PACS a pour effet immédiat de renvoyer l'union libre hors du droit.
Sur ce plan, les tableaux comparatifs qui ont été faits par de
nombreux journaux sont très parlants : mariage, PACS, concubinage,
ces trois situations signifient en réalité pour les
concubins la fin de tout espoir de voir s'améliorer leur situation
juridique au plan social et fiscal. On peut même redouter que la
jurisprudence ait désormais toutes les raisons de revenir en
arrière sur les droits qu'elle leur reconnaît aujourd'hui. Il
s'agit là d'un coup d'arrêt brutal à la logique juridique
qui s'était amorcée depuis plusieurs années, en
adéquation profonde avec l'évolution des moeurs, et qui visait
à dépasser l'antique disqualification napoléonienne. On y
revient aujourd'hui : "
ils ne veulent pas du droit, le droit se
désintéressera d'eux"
.
C'est pourquoi je souhaitais particulièrement attirer l'attention sur ce
paradoxe que représente une législation qui se dit faite pour les
concubins et qui du même mouvement les disqualifie. Ceux qui, de longue
date, se sont employés à opposer aux couples "sérieux" qui
"s'engagent", les couples "irresponsables" qui ne "s'engagent pas" ont
remporté là une victoire pour le moins inattendue. Car à
l'occasion du PACS, le concubinage n'a pas seulement été
ignoré, il a été véritablement disqualifié.
Vous le savez, les concubins n'ont eu, parmi les députés, qu'un
seul avocat : M. Patrick Devedjian. Mais ils se sont
découverts, à leur grande surprise sans doute, beaucoup
d'adversaires rassemblés par la formule "pas de droits sans devoirs".
C'est sur cette formule que je voudrais conclure ce premier point. Elle
paraît simple et belle, et on y souscrit aisément de prime abord.
Mais quel est son sens ? Bien sûr, les devoirs juridiques que les
individus se reconnaissent l'un à l'égard de l'autre
conditionnent leurs droits réciproques. Mais en quoi cela concerne-t-il
leurs rapports avec l'Etat, et en particulier les droits sociaux et fiscaux que
l'Etat est susceptible d'accorder ? Ce n'est pas envers l'Etat que les
couples qui se marient (ou qui demain "pacseront") contractent des devoirs, en
échange desquels ils en obtiennent des droits. Le mécanisme du
droit social est bien différent, puisqu'il se fonde sur la
réalité des situations concrètes. J'en veux pour preuve
que le concubinage suffit aujourd'hui - et suffira demain - pour
ôter des droits sociaux, en considération de la simple
communauté de vie et de la solidarité de fait qu'elle
implique : il suffit pour supprimer l'API, pour supprimer l'ASF, pour
réduire le RMI de deux RMIstes qui se mettraient en concubinage, pour
supprimer enfin la demi-part supplémentaire par enfant à charge.
Mais, grâce à la formule "pas de droits sans devoirs",
voilà qu'on exclut qu'il puisse suffire aussi quand il s'agit d'accorder
positivement des droits sociaux ou fiscaux liés à la vie commune.
Ainsi demain, pour ne prendre qu'un exemple, des concubins qui auront
vécu quinze ou vingt ans ensemble continueront d'être des
"étrangers" au regard de la fiscalité des successions. Cette
situation peut certes inciter certains à conclure un PACS par simple
intérêt économique, mais je crains que le juriste
Alain Supiot n'ait raison quand il écrit dans la revue
Droit
social
de ce mois-ci que cette approche "pénalisera les concubins
qui préfèrent décidément l'union libre au PACS" et
conclut ainsi une longue analyse,
"loin d'encourager la solidarité
là où elle n'existe pas, cette loi contribuera à la saper
là où elle existe encore"
.
La question de l'égalité a été au coeur de tous les
débats sur le PACS. Et c'est en considération de
l'égalité que l'on a souhaité mêler en une seule
deux situations : celle des couples hétérosexuels et
celle des couples homosexuels. Une formule résume cette
démarche : le PACS est une union qui s'adresse aux couples qui
- je cite de nombreux parlementaires - "ne peuvent ou ne veulent se
marier". Il s'agit là d'un choix particulier à notre pays, qui le
différencie d'autres démocraties qui, à l'inverse, ont
tenu à proposer aux couples homosexuels qui n'ont pas accès au
mariage, un contrat spécifique de partenariat.
Il me semble que le fait de mêler, par crainte de rompre un certain
universalisme, deux situations aussi juridiquement différentes, n'ait
produit exactement l'inverse du but recherché : une
inévitable inégalité. Dès lors que l'on associait
les couples hétérosexuels à une revendication d'union
nouvelle (sans d'ailleurs les avoir consultés), se posait
nécessairement la question du mariage civil dont la
caractéristique fondamentale depuis 1792 est l'unicité.
Mariage-bis, sous-mariage, on a connu de tels projets.
Le PACS dans sa dernière version a cherché à éviter
ces pièges afin de préserver l'institution matrimoniale. On a
déplacé, en quelque sorte, le curseur nettement vers le bas.
Mais, en ajoutant les moins aux moins, pouvait-on éviter de créer
au bout du compte une union de dernier ordre ? Toujours moins de
solennité, moins d'engagements, moins de protection, moins de droits
ouverts : la question se pose réellement aujourd'hui de la valeur
du PACS. On peut se demander ce que gagne notre société à
inscrire dans le droit des personnes, l'élevant à la
dignité d'une union nouvelle, un lien dont le contenu est strictement
matériel. En quoi représente-t-il un idéal moderne du
couple, sinon consumériste ? Et quelle vision suppose-t-il des
futurs "pacsés" ? On peut se demander s'il n'est pas quelque peu
humiliant qu'un contrat n'ouvre des droits aux contractants qu'après une
sorte de période probatoire de plusieurs années. On peut
s'interroger sur la valeur d'un contrat résiliable
unilatéralement sans aucune contrepartie. Cet engagement dont on se
défait quand cela vous chante valait-il la peine de disqualifier la
vraie morale de l'union libre, qui est justement celle de la liberté et
des risques d'une promesse intime ?
Enfin, comme cela est classique, c'est au moment des successions que la logique
d'ensemble se révèle. L'infériorité apparaît
alors dans sa crudité, et devient une véritable
inégalité : en matière fiscale, les taux et les
tranches ont été soigneusement calculés de façon
à ne jamais égaler ceux dont bénéficient les
couples mariés. A quoi peut donc se rattacher cette conception des
survivants de première et de deuxième classe ? A quel
principe fondamental ? Il est difficile d'en voir d'autre que celui, bien
peu approprié quand sont en cause l'amour et la mort, d'une sorte de
tableau d'honneur des couples méritants.
"Les couples qui ne peuvent ou ne veulent se marier" : la formule
était séduisante. Mais elle conduisait inévitablement
à prendre en otage les uns par les autres. Ceux qui ne veulent pas se
marier ont été pris en otage du désir d'union de ceux qui
n'ont pas accès au mariage. Ceux qui ne peuvent pas se marier ont
été pris en otage du mariage possible des autres, dont il fallait
se distinguer. Mais n'oublions pas qu'au total, la volonté
d'égalité n'annulera pas l'inégalité de fond :
seuls les couples homosexuels n'auront aucun autre choix que l'union
inférieure produite par cette double contrainte. Voilà pourquoi
il demeure difficile de comprendre qu'on ait écarté, sans y
réfléchir davantage, la démarche cherchant à
organiser l'égalité et la différence du mariage
hétérosexuel et du partenariat homosexuel. Dans les pays qui
l'ont choisie, cette voie assume la différence, puisque le partenariat
n'ouvre ni à l'adoption ni aux procréations médicalement
assistées, mais elle assure du même mouvement 100 %
d'égalité en ce qui concerne la solennité, l'engagement,
les droits, la protection juridique du lien institué de couple.
Le PACS barre pour l'avenir cette voie qu'aurait, quant à elle,
laissée ouverte une proposition de loi rompant la discrimination
introduite par la jurisprudence à l'égard des couples homosexuels
et étendant pour tous les concubins les droits issus de leur union de
fait.
Enfin, mon dernier point : la différence des sexes. Si la
démarche, certes nouvelle, et exigeante, de l'égalité et
de la différence, n'a pas été retenue, c'est qu'une
dernière formule la disqualifie toujours chez nous : le "choix
républicain". Cette formule, qui se réfère à
l'universalisme à la française, est centrale quand sont en jeu
des domaines de la vie où nous agissons en tant qu'êtres humains,
dépassant notre condition sexuée. Le débat tout
récent sur la parité a permis de mesurer l'importance de l'enjeu
universaliste quand est en cause la citoyenneté.
Mais comment expliquer le chassé-croisé surprenant par lequel, au
moment où l'on est tenté d'instituer la différence des
sexes là où elle n'a pas lieu de l'être, on soit à
l'inverse tenté de la désinstituer là où elle prend
tout son sens ? C'est bien en effet ce que fait le PACS, qui offre ce
paradoxe de créer une union juridique de couple, donc à dimension
sexuelle, mais non sexuée. Si seul ce choix de l'indifférence
juridique à la dimension du masculin et du féminin est, comme on
l'a dit, "républicain", alors il nous faut bien admettre en toute
logique que le mariage, que nous croyions républicain, ne l'est pas.
Cette question de la différence des sexes, de l'enjeu pour la
société tout entière à en préserver la
dimension symbolique, est l'une des plus complexes ouvertes par les
débats sur le PACS. Je n'en traiterai pas ici, et me contenterai
simplement d'un rappel : la différence des sexes n'est pas un
problème d'hétérosexualité, car
l'homosexualité elle aussi s'inscrit, à sa façon, dans la
symbolique du masculin et du féminin. Aucun de nous, quelle que soit son
orientation sexuelle, n'engage de rapports sexuels ou amoureux en étant
indifférent au fait premier que l'autre est d'un certain sexe,
lui-même inscrit dans une construction sociale et culturelle, dans
l'imaginaire du genre. Cela renvoie à la façon dont les
sociétés mettent en signification la sexualité humaine, et
construisent au-delà d'elle l'édifice tout entier de la
parenté.
Quand demain un couple conclura un PACS, ni lui ni elle n'oublieront qu'ils
sont deux hommes, deux femmes, un homme et une femme. Mais leur union
juridique, elle, n'en dira rien : ce sera celle de deux personnes, et
aux yeux de l'institution leur identité sexuée n'importera pas
davantage que leur taille ou la couleur de leurs yeux. Sans même
évoquer ses conséquences ultérieures en matière de
filiation, ce déni du masculin et du féminin a-t-il
été suffisamment pesé ? Je n'en suis pas certaine.
M. Jacques Larché, président.-
Merci
infiniment, Madame. Avant de donner la parole à notre rapporteur, une
petite précision quant au maniement des statistiques : on parle de
40 % de naissances hors mariage. Il faut faire très attention
à une différenciation très importante entre les
premières et deuxièmes naissances, car il y a quelquefois des
secondes naissances dans les couples hors mariage, il y en a beaucoup moins que
dans les couples mariés.
Mme Irène Théry.-
Il s'agit là de la
moyenne. Dans le rapport que j'ai remis au gouvernement, il était bien
indiqué que plus de la moitié des premières naissances
étaient hors mariage, et qu'effectivement un peu plus d'un quart des
secondes l'étaient. Mais plus de la moitié des premières
naissances.
M. Jacques Larché, président.-
Et les
troisièmes naissances chez les couples hors mariage devraient
également être vérifiées statistiquement.
Mme Irène Théry.-
La statistique que j'ai
donnée concerne l'ensemble des naissances de l'ensemble des rangs, et
cela fait 40 %.
M. Jacques Larché, président.-
Cela fait
40 %, mais vous admettrez malgré tout que première,
deuxième et troisième naissances, cela a eu des significations
quelque peu différentes.
Mme Irène Théry.-
Cela signifie qu'on se
marie souvent après avoir vécu longtemps en concubinage et avoir
fait des enfants.
M. Jacques Larché,
président.-
C'était une précision importante,
à la condition que le concubinage ait permis d'en faire, ce qui est un
tout autre problème.
Mme Irène Théry.-
40 %, tout de
même !
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Madame, merci pour
cet exposé fort intéressant.
Pensez-vous qu'il faudrait donner, dans le Code civil, une définition du
concubinage ?
La seconde question que je voudrais vous poser est la suivante :
apparemment, vous souhaiteriez que s'institue en France une sorte de mariage
pour homosexuels, en maintenant le concubinage pour les uns ou pour les
autres ?
Mme Irène Théry.-
Pour répondre
à votre première question, il ne me semble pas possible de
définir le concubinage, qui est une situation de fait, créatrice
de droits. Par contre, il me semble possible d'introduire dans le droit une
précision, par un article, de la façon dont le droit
appréhende déjà le concubinage. C'est ce que j'avais
proposé dans le rapport que j'avais remis il y a quelques mois, en
proposant d'indiquer, par un article, que le concubinage s'appréhende
par la possession d'état de couple naturel, que les concubins soient ou
non de sexe différent.
On peut d'ailleurs modifier cette proposition -on m'a fait remarquer qu'il
n'était pas nécessaire de mettre "naturel" - par la
possession d'état tout simplement, que les concubins soient ou non de
sexe différent.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Le problème
auquel on se heurte à l'heure actuelle, c'est que la Cour de cassation
ne reconnaît pas le concubinage homosexuel.
Mme Irène Théry.-
C'est bien pour cela que
j'ai terminé cette proposition en disant : "que les concubins
soient ou non de sexe différent".
Quant à votre seconde question, j'avais soulevé ce
problème, cette hypothèse. Après tout, de nombreux pays
ont imaginé des contrats de partenariat. D'après vos documents de
travail, j'ai même appris que l'Allemagne s'apprêtait à le
faire également. Il m'aurait paru normal que cela soit
évoqué au moins chez nous. Je ne pense pas qu'on puisse le
proposer pour l'instant, car quand je l'ai fait certaines associations
homosexuelles ne s'y sont pas déclarées favorables et le
débat n'a pas été ouvert largement.
J'ai indiqué aujourd'hui que cette hypothèse est fermée
pour l'avenir par le PACS alors que, si l'on avait
légiféré sur le concubinage, on pourrait pu donner dans
l'immédiat quasiment autant de droits sociaux et fiscaux que par le
PACS, en tout cas éviter des droits de seconde zone, tout en
réservant cette possibilité à laquelle on peut penser
qu'un certain nombre de couples sont attachés parce qu'ils ne souhaitent
pas simplement être reconnus dans leur union libre, mais avoir le choix
entre union libre et union instituée.
M. Jacques Larché, président.-
Y a-t-il
d'autres questions ? (
Non
) Je vous remercie, Madame.
La parole est à M. Jean Hauser.
M. Jean Hauser.-
Monsieur le président, mesdames
et messieurs les Sénateurs, vous êtes aujourd'hui saisis d'une
proposition de loi, et le modeste juriste que je suis s'en tiendra au texte,
puisqu'on a beaucoup discuté de grandes idées. Des idées
tellement grandes que de temps en temps, je l'avoue bien humblement, je ne sais
plus du tout de quoi on parle.
Permettez-moi de dire d'abord, pour que les choses soient claires, que j'ai
écrit personnellement que j'étais favorable à
l'intervention législative. Cette affirmation repose tout simplement sur
de nombreuses rencontres avec les magistrats. Le contentieux du concubinage et
le contentieux de la liquidation du concubinage sont en croissance constante.
Il faut faire quelque chose. Nous verrons peut-être que la faiblesse de
cette proposition, en ce que précisément elle n'envisage pas du
tout la rupture du concubinage, est le problème central sur le terrain.
Si nous prenons les articles les uns après les autres, pardonnez-moi de
faire un commentaire de textes mais après tout c'est peut-être
votre travail de demain...
L'article 515-1 précise : "
un pacte civil de
solidarité peut être conclu par deux personnes physiques majeures
de sexe différent ou de même sexe"
. Je suis d'accord avec
Irène Théry sur ce point : puisqu'il s'agit d'un pacte
de solidarité, je suis très étonné qu'y ait besoin
de préciser le sexe des parties. De deux choses l'une : soit on est
dans la logique matrimoniale, et là le sexe importe ; soit on est
dans la logique contractuelle, et le sexe des parties est par définition
sans importance. Il ne viendrait à l'idée de personne, dans un
contrat de vente, de dire que les deux parties, l'acheteur et le vendeur,
doivent être de sexe différent ou de même sexe. Tout ceci
est indifférent.
Je crois que le premier article pose également un second
problème, celui de l'expression "vie commune". Je vous laisse
réfléchir à ce que peut être cette notion. Il y a au
moins trois sens, pour les plus évidents. Est-ce une notion
géographique (devront-ils avoir la même résidence) ?
Est-ce une notion physique (auquel cas ce serait une communauté de lit,
difficile à vérifier) ? Est-ce une notion patrimoniale
(faut-il avoir des intérêts communs) ?
Actuellement, la notion de vie commune alimente un contentieux non
négligeable en droit de la Sécurité sociale où l'on
trouve la vie maritale, la vie commune qui ressemble au mariage... Je ne suis
pas sûr que l'expression "vie commune" soit juridiquement très
appropriée. Il faudra sans doute réfléchir à
quelque chose de plus précis.
Poursuivons la lecture des articles successifs. Là encore,
l'article 515-2 est assez surprenant : on est au coeur de la
contradiction. Si c'est un pacte pour organiser seulement la vie commune, je ne
comprends pas pourquoi on crée des empêchements calqués sur
les empêchements à un mariage. Cette énorme contradiction
nous renvoie d'ailleurs à ce que disait
Mme Irène Théry il y a quelques instants : plus
personne ne sait sur quel piano exactement on joue.
Il est assez surprenant que, dans le droit du mariage, tous les efforts aient
été faits depuis cinquante ans pour diminuer les
empêchements de nature sociale, et pour réduire les
empêchements à la simple épure biologique. Ici, au
contraire, on mettrait en route un processus inverse visant à
créer des empêchements sociologiques assez surprenants, puisque
après tout il ne s'agit que de vie commune et que la connotation
sexuelle du pacte n'est pas en cause.
Pourquoi donc avoir recopié ces empêchements, assez surprenants,
qui introduisent le doute ? On ne sait plus trop si c'est une union
patrimoniale, une union de vie commune de fait, ou purement et simplement une
union de type sexuel, auquel cas se repose un problème autrement grave.
Vous savez quelles ont été les tribulations du mode de
déclaration. On fait appel, dans l'article 515-3 à une
déclaration écrite conjointe. Je me demande -et je suis sûr
que cela sera une question centrale dans vos débats- quelle est la
nature juridique de cette déclaration. Est-ce, oui ou non, un
contrat ? Si c'est le cas, quelles règles allez-vous
appliquer ? Si vous appliquez les règles des contrats, ce sont des
dizaines d'articles du Code civil à partir des articles 1101 et
suivants, avec les vices du consentement, avec la cause, avec l'objet... -je ne
vous ferai pas un cours de droit, cela serait fastidieux- mais il faudrait tout
de même que nous le sachions, car demain il y aura forcément des
contentieux sur ces déclarations écrites conjointes. L'un des
deux dira : "On m'a trompé. J'ai déclaré ce que je
voulais, mais en réalité ce n'est pas ce que je voulais", ou bien
"l'autre m'a raconté des histoires"... Allons-nous appliquer ici le
statut des contrats, auquel cas, ce sont non seulement des dizaines d'articles
du Code civil, mais encore des siècles de jurisprudence qui vont
s'appliquer avec des implications intéressantes ?
Encore une question juridique : quelle est la part, dans ce pacte, de
contractuel et d'ordre public ? A quoi va-t-on pouvoir porter
dérogation ? D'abord, tous les articles de cette proposition de loi
sont-ils d'ordre public ? Je vous invite à réfléchir
avec deux questions pratiques. Si demain je signe un PACS, puis-je y faire
figurer une clause de non-responsabilité (dans les contrats ordinaires,
on peut le faire), auquel cas chacun des "pacsés" pourrait s'en aller
sans aucune responsabilité envers l'autre ? Rien, dans le texte, ne
permet de répondre clairement à cette question, qui n'est pas
mince.
Pourrais-je, à l'inverse, insérer une clause pénale
prévoyant que quand l'un des deux partira, il paiera
500 000 francs (ou le chiffre que vous voulez) ? Là
encore, la question mérite d'être posée. Les praticiens
vont proposer un certain nombre de formules. Que pourront-ils mettre dans ces
formules ? Qu'est-ce qui leur sera interdit ? Je suis assez surpris
de constater qu'au fond rien n'apparaît. Dans le mariage, la question ne
se pose pas parce que tout cela est interdit, sauf dans la limite des
régimes matrimoniaux qu'on peut aménager, mais les régimes
matrimoniaux sont eux-mêmes encadrés par un ordre public de
protection. Où est, ici, la part respective de l'ordre public et de la
liberté des conventions ? Il me semble que c'était une
question "théologique", en matière juridique, à
régler préalablement.
Excusez-moi d'être un peu long. Si l'on prend les expressions
ultérieures, article 515-4...
M. Jacques Larché, président.-
Vous
êtes en train de nous éclairer. Vous êtes placé dans
le droit fil de ce que nous nous efforçons de faire.
M. Jean Hauser.-
Je ne fais que du droit, Monsieur
le président.
M. Jacques Larché, président.-
Nous aussi.
M. Jean Hauser.-
Revenons à l'article 515-4.
On nous dit :
"les partenaires liés par un pacte civil de
solidarité"
... Chère Irène Théry, nous
revenons au problème : est-ce un partenariat, un pacte ou un
contrat ? Si c'est un contrat, on ne dit jamais "les partenaires", on dit
"les parties". Là encore, le vocabulaire n'est pas un hasard. On a des
précédents avec la loi de bioéthique de 1994, où
l'on trouve quelques termes scabreux tels que "les membres" du couple !
L'article 515-4 m'étonne.
"Les partenaires liés par un
pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et
matérielle"
. Là encore, le juriste que je suis
s'étonne un peu : "une aide mutuelle et matérielle"... On ne
trouve l'expression que dans l'article 220 du Code civil entre
époux. Dans l'alinéa 3 de l'article 220, qui constitue
d'ailleurs une sorte d'exception. Pour le reste, est-ce vraiment le
décalque des obligations entre époux, qui sont l'assistance et le
secours ? Cela implique-t-il une contribution aux charges ? Nous
n'arrivons pas à le savoir exactement. On nous dit que les
modalités de l'aide sont fixées par le pacte, mais si le pacte ne
dit rien ? Et s'il veut dire quelque chose, que peut-il dire ? Et
jusqu'où peut-il le dire ? Le pacte pourrait-il dire qu'ils ne
s'apportent aucune aide mutuelle et matérielle ? L'alinéa
premier est-il d'ordre public ou pas ? Je reviens à mes questions
de tout à l'heure.
Si l'on réfléchit aux déclarations, on nous dit qu'il y
aura une déclaration au greffe du tribunal d'instance du lieu de
résidence. J'en déduis sans doute qu'ils ont une résidence
commune, encore que rien dans le reste du texte ne permette de le dire
véritablement. Quant aux déclarations qui vous sont
proposées, je ne sais pas si vous avez vu l'ensemble des articles, mais
c'est une paperasserie invraisemblable qui va conduire à des
échanges entre les greffes des tribunaux d'instance déjà
surchargés, dans des conditions ahurissantes. On en vient presque
à regretter (je n'en étais pas partisan ) la simplicité
biblique du système de l'acte de naissance en matière de
mariage : au moins, on met cela en marge et on évite ces
échanges de correspondance ; vous l'avez vu, quand ils y mettent
fin, quand ils le changent, il va falloir le déclarer au lieu de
résidence, puis l'inscrire sur un autre registre...
J'attends d'ailleurs de voir (et là non plus je n'ai pas la
réponse) qui va juger de tout ce contentieux. Constitutionnellement, le
contentieux de l'état civil (j'espère ne pas dire de
bêtise) fait partie de l'ordre judiciaire certainement, mais ici ce n'est
pas de l'état civil à proprement parler, ou du moins peut-on en
discuter puisqu'il s'agit d'un pacte et que ce pacte est hors état
civil. Relèvera-t-il de la compétence du tribunal de grande
instance jugeant comme pour les contrats ? Probablement, mais je me pose
la question. Comme il y aura sans doute du contentieux, cela mériterait
peut-être d'être précisé, ou du moins
envisagé.
Poursuivons l'examen. L'article 515-5 me paraît extrêmement
inquiétant. On nous a dit qu'à défaut de stipulation
contraire de l'acte d'acquisition, les biens des partenaires acquis à
titre onéreux seront soumis au régime de l'indivision. Je ne suis
pas
a priori
hostile à certaines solutions de ce type, mais la
rédaction du texte est tout à fait défavorable.
"A défaut de stipulation contraire de l'acte d'acquisition"
...
Encore faudrait-il qu'il y ait un acte d'acquisition pour tous les biens. Cela
vise sans doute les biens immobiliers ; dans le cas d'achat de biens
mobiliers (un réfrigérateur, une voiture ou une
télévision), il serait difficile de mettre dans l'acte
d'acquisition des dispositions sur le statut du bien. Il y a déjà
un premier problème.
Quant à l'affirmation
"les biens sont soumis au régime de
l'indivision"
, c'est à dire qu'il n'y a pas de choix s'il n'y a rien
dans l'acte ; cela va beaucoup trop loin. Cela va de soi. Il faut à
la rigueur mettre
"sont présumé acquis en indivision"
,
auquel cas on pourra prouver le contraire, mais certainement pas
"sont
soumis à l'indivision"
. Il risque en effet d'y avoir (comme entre
époux séparés de biens) de très nombreuses
hypothèses où ils ont acquis sans rien dire, mais tout le monde
le sait, et où d'ailleurs l'homme ou la femme, l'une des deux parties,
peut parfaitement prouver qu'elle a tout payé. Il n'y a donc aucune
raison dans ce cas de créer une indivision automatique et forcée.
Retenir l'article aboutirait à créer une communauté
légale d'acquêts entre "pacsés", plus solide que la
communauté légale d'acquêts entre gens mariés. Il ne
faut certainement pas dire
"sont soumis au régime de
l'indivision"
; la bonne rédaction est :
"sont
présumés soumis"
. Si aucune des deux parties n'arrive
à prouver l'origine des deniers, on appliquera l'indivision, ce qui est
d'ailleurs actuellement la solution de la Cour de cassation. Mais ce n'est
qu'une présomption susceptible de preuve contraire ; il suffira que
l'un des deux dise qu'il a tout payé, qu'il présente les factures
et les chèques, à ce moment-là il n'y aura aucune raison
de décider que le bien est en indivision, sauf à décider
que chaque fois qu'ils achètent quelque chose ils enrichissent une
curieuse communauté qu'on aura ainsi créée entre
"pacsés".
Sur
"l'extension sans précaution",
je n'entrerai pas dans le
détail car ce serait horriblement technique et très long. Je me
pose toutefois des questions sur l'extension sans précaution des
articles 832 et suivants dans l'article 515-6, qui concerne
l'attribution préférentielle, c'est-à-dire la
possibilité de retenir un bien en cas de partage successoral, de partage
de communauté. Les articles 832 et suivants sont les plus longs du
Code civil, ils résultent d'une construction quasiment
géologique, avec des alinéas en contradiction, et d'une
complexité rare. Philosophiquement, ils correspondaient à la
famille, aux parents, aux enfants et aux couples. On les étend d'un
trait de plume, dans leur ensemble, aux "pacsés". Je n'ai pas eu le
temps -et je m'en excuse- de vous dire en détail ce que cela produirait.
Je suis persuadé qu'on ne peut pas étendre dans leur
globalité les articles 832 à 832-4 du Code civil aux
"pacsés". Il y a d'abord des alinéas totalement contradictoires
avec la situation que la proposition de loi veut créer. Encore une fois,
comprenez-moi, il ne s'agit pas de critiquer la méthodologie ;
certains aspects de l'attribution préférentielle doivent
sûrement être étendus, mais on ne peut certainement pas
étendre d'un trait de plume, comme cela, la totalité de ces
articles qui représentent sept ou huit pages du Code
civil Dalloz.
Article 515-8 : au fond, on organise une sorte d'état civil
parallèle, d'une rare complexité. Vous verrez que cet article
comporte un grand nombre d'alinéas. L'acte de déclaration devient
une sorte d'acte de mariage. Je me demande d'ailleurs (et je n'en ai pas vu de
trace ici) quelle sera exactement la sanction de toutes ces déclarations
et de toutes ces obligations de déclarations. Que se passera-t-il pour
celui qui ne va pas déclarer son "dépacsage", ou qui va "pacser"
deux fois ? Y aura-t-il nullité, comme dans le mariage, la
bigamie devenant la "bipacsie" ?! Je ne sais pas ce qu'il faudra dire mais
là encore, et toute plaisanterie mise à part, je pense que ce ne
sont pas des détails. Des gens vont forcément en profiter, ou
essayer d'en profiter. Pourquoi n'a-t-on pas envisagé tous ces aspects
juridiques, qui sont tout de même essentiels, si on veut éviter le
contentieux ?
Je terminerai en ajoutant que quelques petites choses, et plus que des petites,
font défaut. Cette fois, je trouve que la proposition est non pas mal
faite, mais qu'elle laisse de côté toutes les questions pratiques
qu'on pouvait se poser. Tout d'abord, je n'ai pas vu de dispositions sur ce qui
se passera si quelqu'un signe un PACS et devient ensuite incapable. Comment
va-t-il faire pour se "dépacser" ? Croyez-moi, la question n'est
pas du tout un détail. S'agissant de personnes vieillissantes, la
question suivante se posera : comment se "dépacser" si on est
incapable ? Des dispositions existent sur le divorce des incapables.
En principe, d'après le texte, on ne peut pas "pacser" si l'on est
incapable. C'est le "dépacsage" qui m'inquiète. On sait que le
divorce des incapables pose des problèmes considérables. Or vous
risquez d'avoir des "dépacsages" de personnes incapables, parce qu'elles
ont "pacsé" à 75 ans pour des raisons quelquefois fiscales
ou sociales. En vieillissant, elles peuvent avoir envie de changer d'avis mais,
comme elles sont devenues incapables, on ne sait plus ce que cela va donner. Or
il faudra bien que nous sachions comment on peut se "dépacser" quand on
est sous curatelle ou sous tutelle.
Je ne vous apprendrai pas, mesdames et messieurs, que la question du
vieillissement est une question essentielle en France. Le récent rapport
des quatre ministères sur les incapacités montre bien qu'on
ne peut plus voter de projet de loi en ignorant les incapables. C'est une
question qu'il faudra poser.
Enfin, dernière remarque : il y a n'y a rien sur les
libéralités. Or le statut des libéralités, des
donations et des testaments entre concubins, est actuellement un statut sur
lequel il y a beaucoup à dire. Pendant des siècles, la Cour de
cassation, depuis son origine, a fait des distinctions selon la cause immorale
et illicite. Elle ne l'applique plus guère. Curieusement, alors qu'on
pouvait attendre de ce texte que précisément l'on nous
dise : "Cela , c'est fini, on ne pourra plus annuler une
libéralité entre concubins pour cause immorale et illicite, au
moins sur le seul vu du lien", il n'y a rien sur les libéralités.
Cela m'étonne beaucoup car c'est quand même l'un des moyens
actuels d'organisation du concubinage majoritaire. Les concubins font, par des
libéralités, ce que la loi ne leur donne pas automatiquement.
Rien sur les aliments. J'avoue que l'aide mutuelle et matérielle me
laisse sur ma faim ! S'agissant d'aliments, je ne comprends pas trop ce
qu'on pourra condamner, qui on pourra condamner et comment. D'ailleurs, quel
statut s'appliquera ? Va-t-on, là encore, appliquer le statut des
aliments, énorme statut, très compliqué, ou va-t-on au
contraire laisser cela dans le flou ? On me répondra que la
jurisprudence décidera. Mais si l'on fait des projets de loi ou des
propositions de loi en disant que la jurisprudence décidera, ce n'est
pas la peine de les faire.
Rien sur les dommages et intérêts éventuels. Ils sont
jusqu'ici prononcés par les tribunaux sur la base des articles banals de
la responsabilité civile, 1382 et suivants. Vont-ils devenir des
dommages et intérêts contractuels ? Croyez-moi, le statut des
dommages et intérêts délictuels est très
éloigné de celui des dommages et intérêts
contractuels.
Nous retrouvons le même problème : quelle est la nature
juridique de ce pacte ? Est-ce un contrat, ou cela reste-t-il un fait dont
la loi veut bien tenir compte ? Une grosse partie du contentieux de la
liquidation du concubinage tient maintenant aux dommages et
intérêts. Récemment, la Cour d'appel de Paris a
prononcé -c'est peut-être le "hit-parade"- des dommages et
intérêts de plus de 500 000 francs. L'un de nos
collègues a d'ailleurs intitulé sa chronique : "une
prestation compensatoire entre concubins". C'est sans doute ce qui nous guette
demain pour les concubinages de longue durée accumulateurs de richesses,
il y aura des dommages et intérêts ; j'aimerais savoir de
quelle nature ils seront.
Enfin, je pose la même question qu'Irène Théry :
que vont devenir les autres, ceux qui ne signeront pas de PACS ? Rien dans
le texte ne le prévoit. La jurisprudence va-t-elle, au contraire, en
profiter pour les exclure encore un peu plus ? Va-t-elle continuer
à leur appliquer l'ensemble des techniques de fait qu'elle a
développées depuis plus d'un siècle ? C'est une vraie
question qui ne sera pas sans détail car, si la jurisprudence continue
à appliquer ces techniques de fait, il est très possible que dans
certaines situations, le non-PACS soit plus intéressant que le PACS,
auquel cas l'effet sera manqué.
En réalité, et ce sera ma conclusion, je crois personnellement -
dans le document bleu qui vous a été remis figure ce que nous
avions essayé de proposer- que le texte ne s'est pas
libéré d'un positionnement négatif par rapport au mariage.
Dès le départ, on a essayé de faire du mariage sans que ce
soit du mariage, en le recopiant plus ou moins, puis on a essayé
d'effacer ces recopiages. Par rapport au CUC ou au CUCS, le progrès est
considérable.
Mais le PACS, tel qu'il vous est présenté, n'a pas de sens
positif. Je pense que tous ces concubins méritaient mieux qu'un texte
qui, finalement, se positionne négativement. Il n'y a aucun
élément fédérateur dans ce texte. La question que
posait votre rapporteur il y a quelques minutes est sans doute essentielle. La
définition même des gens qui "pacsent", la nature juridique de ce
PACS, sont à peu près impossibles à découvrir car,
encore une fois, la démarche a été négative alors
qu'elle aurait pu -je persiste à le penser- être positive. A mon
sens, tout reste à faire.
M. Jacques Larché, président.-
Monsieur
le professeur, j'ai entendu vos propos avec quelque inquiétude,
surtout votre conclusion. Tout reste à faire, c'est hélas notre
sentiment. Reste à savoir ce que nous mettons dans ce tout.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
J'ai une question
très pointue à vous poser, sur laquelle nous nous sommes
interrogés avec les notaires et les avocats : l'interdiction du
PACS aux alliés et aux collatéraux jusqu'au troisième
degré, c'est assez extraordinaire.
M. Jean Hauser.-
C'est assez extraordinaire, je suis de
votre avis. De toute façon, l'ensemble des interdictions pose toute une
série de problèmes que je n'ai pas pu creuser
complètement, mais notamment aux alliés.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Les
alliés... C'est absurde !
M. Jean Hauser.-
Je n'ai pas eu le temps d'entrer dans
les détails en si peu de temps, mais c'est effectivement totalement
absurde. Il n'y a aucune raison...
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Beau-père
et bru, oncle et nièce...
M. Jean Hauser.-
Alors que tous les efforts des lois des
vingt dernières années avaient pour but de réduire
ces empêchements à la stricte biologie. Voilà que l'on
recopie les empêchements démodés dont tout le monde propose
d'ailleurs la suppression dans le cas du mariage, et qui sont souvent des
empêchements simplement prohibitifs que l'on peut lever par dispense. Je
pense que l'article 515-2 doit être repris entièrement ;
il y a là beaucoup de doutes.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Avez-vous
idée du contentieux qui pourrait surgir, dans l'hypothèse d'une
application de la loi telle qu'elle est ? Je suis assez inquiet de ce
contentieux. Un autre problème se pose : dans le texte,
apparemment, le PACS est inopposable aux tiers.
M. Jean Hauser.-
Sauf... Enfin, il a date certaine ;
sa date pourrait à la rigueur être opposée..
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Oui mais pour
qui ? Puisque l'on ne peut pas avoir communication du document et que
seule l'administration peut l'avoir ?
M. Jean Hauser.-
C'est-à-dire qu'on n'a pas voulu
adopter le système du mariage et du régime matrimonial où,
quand il y a une mention "répertoire civil, contrat de mariage", on peut
obtenir communication du contrat de mariage quand on veut contracter avec les
parties. Là, il appartiendra aux tiers de se prémunir en
demandant aux parties avec lesquelles elles contractent de leur communiquer le
contrat de PACS.
M. Jacques Larché, président.-
On leur
demandera : "Etes-vous pacsés ?"
M. Jean Hauser.-
Bien sûr. Quant au contentieux, je
n'ai pas repris l'article par manque de temps, mais sur la fin du PACS, encore
une fois, je n'ai pas de mauvaises intentions à l'égard de ce
texte ou du principe ; le texte nous dit que les partenaires
déterminent eux-mêmes les conséquences de la rupture du
PACS ; à défaut d'accord celles-ci sont
réglées par le juge. Soyons sérieux ! D'abord, on ne
sait pas de quel juge il s'agit.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Cela peut
être le juge du tribunal de commerce s'ils sont commerçants, le
juge d'instance, le juge de grande instance, je ne sais pas....
M. Jean Hauser.-
J'ai posé la question dans le
texte écrit. Mais surtout : "à défaut d'accord,
celles-ci sont réglées par le juge"... Si c'est pour dire cela,
on n'a pas besoin d'un texte. Elles sont réglées par le juge
depuis qu'il y a des concubins, depuis 1804. La question n'est pas de
savoir si elles sont réglées par le juge (ce qui est
évident, puisqu'en France on a droit à un juge), mais selon quels
textes le juge va délibérer.
Encore une fois, va-t-il appliquer toutes les règles des contrats,
auquel cas c'est un changement copernicien dans la jurisprudence sur le
concubinage ? Jusqu'ici, au contraire, toute l'idée de la Cour de
cassation et de tous les tribunaux français est de dire : "Je
n'applique jamais les règles contractuelles, parce que ce n'est pas un
contrat. J'applique les règles délictuelles du fait : ils
vivent ensemble et cela crée des fautes, des obligations minimum..."
Si le PACS est un contrat, c'est un juge, toujours le même, qui va
statuer selon les règles contractuelles. C'est une révolution
copernicienne en matière de concubinage. Qu'un seul alinéa puisse
déterminer cette révolution me paraît un peu mince.
M. Jacques Larché, président.-
On ne sait
jamais comment commencent les révolutions. Un simple article, c'est
quelquefois beaucoup plus simple.
M. Robert Badinter.-
Je voudrais faire une observation
d'ordre général et processuel. Il y a une compétence
générale d'attribution pour le tribunal de grande instance
dès lors qu'il n'y a pas d'autres précisions. Le reste, c'est...
-je n'ose dire "exception"- précision. Ici, ce sera le tribunal de
grande instance.
Il y a énormément d'intervenants de très grande
qualité, comme les deux personnes que nous entendons. J'aurais
souhaité que l'on entende un magistrat spécialisé dans le
contentieux de la famille, pour mesurer l'ensemble des problèmes
susceptibles d'être soulevés judiciairement. Cela a-t-il
été fait ? Ou alors la commission des lois le fera.
M. Jacques Larché, président.-
Nous n'avons
pas pu tout faire dans le cadre de l'audition publique. Mais il est bien clair
que ces auditions seront complétées, soit par des auditions du
rapporteur, soit par des auditions en commission. Nous nous réservons
aussi en commission, mais dans un autre cadre, la possibilité de
procéder à d'autres auditions. Je retiens notamment votre
suggestion qui est tout à fait pertinente.
M. Robert Badinter.-
Des avocats aussi car, il faut bien
le dire, il y a là une probabilité -pour ne pas dire une
certitude- d'inflation contentieuse formidable.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
J'ai
déjà auditionné trois avocats.
M. Jacques Larché,
président.-
Patrice Gélard a déjà
commencé ses auditions personnelles, et nous avons nous-mêmes des
contacts avec un certain nombre de milieux professionnels pour les entendre
dire ce qu'ils pensent de ce texte et des problèmes juridiques qu'il
pose. Il est clair que nous irons plus loin. Nous dépasserons le cadre
des auditions prestigieuses d'aujourd'hui au sein de la commission. Nous ne
manquerons pas de le faire.
M. Guy Allouche.-
Je voudrais me livrer à deux ou
trois observations. Nous allons avoir tout au long de la journée des
personnes qui viendront nous enrichir de par leurs travaux, leurs
connaissances, leurs études approfondies. Cela facilitera le
débat que nous aurons ultérieurement.
Je voudrais vous faire remarquer que nous sommes devant une situation nouvelle,
un fait de société qui est une réalité et que l'on
ne peut plus nier. Il faut rappeler qu'en 1985, dans le Code pénal,
une disposition reconnaissait la liberté des moeurs sanctionnant
toute discrimination opérée en fonction des moeurs des personnes.
Il faut savoir qu'un fait était apparu. Peut-être était-il
passé inaperçu, mais on reconnaissait déjà cette
liberté de moeurs.
M. Jacques Larché, président.-
Cela
n'était pas passé inaperçu.
M. Guy Allouche.-
Pas pour nous, mais dans le grand
public un premier pas avait déjà été fait.
M. Robert Badinter.-
Je crois m'en souvenir.
M. Guy Allouche.-
Nous avons affaire à une
réalité, il nous faut la regarder en face. Nous sommes à
la première étape législative. Il y a eu une
première lecture, dans les conditions que nous connaissons, à
l'Assemblée nationale. Il y aura une première lecture au
Sénat, il y en aura d'autres, il y aura des navettes. Nous avons
simplement ouvert le chantier législatif sur ce fait de
société. Nous nous efforcerons -en tout cas c'est notre
volonté commune- de faire aussi bien que possible afin de
répondre aux nombreuses questions qui se posent.
Mais j'ai envie de poser une question à nos deux invités
d'aujourd'hui. A vous entendre, dans toutes les difficultés que vous
avez énoncées (
"pas ceci... pas ceci... et qui ceci... et qui
va faire cela...")
j'ai le sentiment que je ne m'étais pas encore
aperçu que le mariage était la solution idéale et qu'il ne
posait aucun problème. Pensez-vous que, d'emblée, on va atteindre
la perfection législative sur un fait de société aussi
important que celui qui nous réunit aujourd'hui ? Par contrecoup,
le mariage consacré, civilement ou religieusement, est-il vraiment la
situation idéale et idyllique ne posant pas problème ? Je
suis marié, comme beaucoup d'entre nous, je le dis tout de suite.
M. Jean Hauser.-
Bien entendu, il est exclu que le statut
du PACS (ou d'autre chose, d'ailleurs) atteigne la "perfection" du mariage, qui
a d'ailleurs toujours suscité un contentieux malgré le nombre de
textes. Cela étant, c'est un texte nouveau et on peut espérer le
faire le mieux possible. Monsieur le sénateur, vous conviendrez
peut-être avec moi que les conditions dans lesquelles il a
été élaboré ne sont tout de même pas
entièrement satisfaisantes. C'est le moins que l'on puisse dire.
M. Guy Allouche.-
On peut en convenir.
M. Jean Hauser.-
J'ai dit d'emblée que les
critiques techniques que je faisais n'entamaient pas ma conviction : il
faut faire quelque chose. Ce "quelque chose", je l'ai pour ma part entrepris
à la demande de la chancellerie, à travers le projet de pacte
d'intérêt commun, sans aucun présupposé
idéologique. Je reste quand même convaincu que c'est une question
qui, techniquement, méritait un traitement un peu plus sérieux
que celui qui lui a été infligé. On a méconnu
considérablement l'insertion de ce projet dans l'ensemble de notre
système juridique. On l'a conçu au départ comme si
c'était un ballon libre qui allait forcément voler très
au-dessus de tout le système juridique, or il est au coeur du
système juridique.
Sa place même dans le Code civil est discutable. Je n'ai pas
discuté sur la place aux articles 515 et suivants, mais si c'est un
contrat il n'a rien à faire aux articles 515 et suivants, il
fallait le mettre ailleurs. Tout cela me paraît ne pas avoir
été réfléchi suffisamment. C'est une critique
d'ordre technique. Je ne méconnais pas le fait que nous devons faire
quelque chose. Nous n'atteindrons sûrement pas la perfection ; pour
l'instant nous en sommes encore très loin.
M. Jacques Larché, président.-
Si l'on
n'atteint pas la perfection, il ne faudrait pas prendre au départ le
parti de négliger la perfection.
M. Guy Allouche.-
Ce n'est pas notre habitude.
Mme Irène Théry.-
Je voudrais
répondre à mon tour. Le professeur Hauser et moi-même
avons fait des choix différents pour nous exprimer aujourd'hui. J'ai
choisi plutôt trois grandes questions sans m'attarder sur les
détails du droit ; il a choisi de prendre le texte article par
article. Mais nous sommes l'un et l'autre d'accord sur le fait que le
détail du droit et les grands choix sur la logique du texte sont
inséparables. Vous avez brillamment défendu votre perspective,
Jean Hauser, qui était celle de la solidarité. J'en ai
défendu encore une autre, celle de l'union libre.
Ce qui, de toute façon, est préalable au débat sur tel ou
tel article, c'est un choix par rapport à ces différentes
logiques.
Quand j'ai lu aujourd'hui le PACS comme étant une union, c'est parce
qu'il me semble sincèrement qu'à lire l'ensemble des
débats parlementaires, c'est l'orientation qui a voulu lui être
donnée. Cela dit, je crois que le texte, comme vous l'avez
montré, n'est même pas cohérent juridiquement avec cette
logique. Par ailleurs, est-ce la bonne ? C'est la question que j'ai voulu
poser, et qu'il n'a jamais été véritablement possible de
poser.
M. Robert Badinter.-
Une question, là aussi
essentielle, de méthodologie. J'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt les propos de Mme Théry. On a l'impression
qu'on l'a fabriqué au fur et à mesure et, disons-le, il n'y a pas
de juriste du Conseil d'Etat qui n'ait examiné ce texte, et qui ne
puisse hélas considérer qu'il est à refaire
complètement.
M. Jacques Larché, président.-
Vous savez
bien que c'était un "truc" pour ne passer ni en Conseil d'Etat ni en
conseil des ministres.
M. Robert Badinter.-
Je le prends en l'état,
puisque c'est en l'état que nous le recevons. Je pose donc une question,
plus particulièrement au professeur Hauser : si l'on faisait
un choix initial, par exemple le statut de l'union libre -dans lequel, bien
entendu, on ne ferait pas de distinction entre couples
hétérosexuels ou homosexuels-, et que l'on travaillait à
partir de cette donnée de base, pensez-vous que nous arriverions
à une cohérence juridique, et au regard de la
société, à une vue plus large que celle qui a
été adoptée ? C'est-à-dire partir du PACS qui,
à l'origine, était plus particulièrement destiné
à régler la question du couple homosexuel face à la
jurisprudence de la Cour de cassation, pour dire les choses simplement ?
M. Jean Hauser.-
Je crois pouvoir répondre oui
à votre question. Je sais bien qu'il a été mal vu de dire
que l'on pouvait d'abord commencer par la réalité, qui est une
réalité largement patrimoniale. Par hypothèse, nous ne
statuons pas sur les enfants naturels et sur l'aspect "filiation" qui est
d'ailleurs complètement dissocié du texte ; l'aspect
"adoption" également.
Sur quoi statue-t-on ? Sur un contentieux (les juges que vous ferez venir
vous le diront), pour l'essentiel un contentieux de séparation des
biens, de dommages et intérêts et de "comptes" à coups
d'enrichissement sans cause.
Nous avions proposé de partir d'un présupposé financier et
patrimonial. L'obstacle de cette démarche est que la demande
était très largement symbolique et philosophique. Partir du
côté patrimonial, qui me paraissait beaucoup plus sûr
juridiquement, aurait sans doute permis de remonter, en prenant cette
démarche, à la définition, plus tard. Nous nous sommes
immédiatement heurtés à la demande symbolique qui
n'était évidemment pas satisfaite par notre démarche, un
peu trop aseptisée. Il fallait au contraire commencer par des
affirmations symboliques dont nous sommes en train de payer le prix ; nous
n'arrivons pas à en assumer les conséquences parce que personne
n'est d'accord sur le symbolisme. C'est ce que disait
Mme Irène Théry.
Nous avions une démarche inverse. Je suis persuadé que, dans un
premier temps au moins, la démarche patrimoniale aurait conduit à
répondre d'abord à la vie quotidienne de ces gens, parce qu'ils
ne vivent pas tous les jours de déclarations philosophiques, ils vivent
surtout quotidiennement un certains nombre de difficultés que la
jurisprudence illustre bien. Mais, encore une fois, ce n'était
peut-être pas ce que l'on attendait, et je suis tout à fait
conscient que nos projets n'ont été regardés de loin que
parce qu'ils ne répondaient pas exactement à la demande.
Pour répondre précisément à votre question, je suis
persuadé que si on était parti humblement de questions
matérielles, on serait tout de même remonté à la
quintessence du concubinage. Mais il fallait opérer comme cela. On a
voulu faire l'inverse et, à mon avis, on est en face d'un texte tout
à fait insuffisant sur le plan patrimonial et concret.
M. Jacques Larché, président.-
Nous allons
mettre fin à cette première série d'auditions, en
remerciant particulièrement Mme Théry et
M. le professeur Hauser de leur participation, et de l'apport
intellectuel et juridique qui résulte de leurs interventions.
2) Audition de :
- M. Guy Coq, philosophe
- M. Eric Fassin, sociologue, professeur à l'Ecole normale
supérieure.
M. Jacques Larché, président.-
La
présence de M. Coq parmi nous s'explique tout naturellement par la
qualité d'un article que nous avions remarqué et qui nous permet
d'entendre, sur le projet qui nous est soumis, une vue assez originale et
particulièrement intéressante. Monsieur Coq, vous avez la
parole.
M. Guy Coq.-
Mon intervention s'articulera en huit
remarques et se situera moins sur le plan juridique que philosophique, comme
vous venez de le signaler. Elle s'attachera à dénoncer
l'illégitimité sociale de ce projet de loi.
Ma première remarque consiste à évoquer une question
totalement négligée : pourquoi la société,
même en démocratie, s'intéresse-t-elle au couple et au
mariage ? Si, parmi les formes de relation interpersonnelles volontaires
entre les citoyens, l'Etat est amené à encourager et à
valoriser le couple homme/femme, c'est uniquement parce que ce couple est
potentiellement créateur d'enfants, responsable d'offrir un premier
milieu éducatif à des enfants, lequel est décisif pour le
bon équilibre de l'humanité à venir. Toute
préoccupation nataliste mise à part, le mariage est donc la
manière dont l'Etat exprime son intérêt pour les enfants
à naître et pour l'avenir de la société. Je ne vois
aucune autre raison au fait que l'Etat facilite l'existence et la cohabitation
du couple homme/femme que cette responsabilité d'assurer la
durabilité de la société, d'agir pour que s'y maintienne
autant que possible, et dans le respect des libertés fondamentales,
l'équilibre des générations.
Cette reconnaissance symbolique, ces avantages accordés en principe au
mariage, ne découlent pas uniquement du fait qu'il y ait là un
couple et la relation de deux personnes. Ce qui est perdu de vue dans certains
arguments qui circulent, c'est la centralité de la question des enfants.
Deuxième remarque : la perversion du principe
d'égalité et des droits de l'homme en général. Le
principe d'égalité des citoyens dans la démocratie
n'appelle aucunement la nécessité de poser une
égalité générale de toutes les relations que les
individus peuvent lier entre eux volontairement. Il est impossible de fonder
sur le principe de l'égalité républicaine une mise
à égalité du mariage et de toute autre forme de couple,
notamment homosexuel. On ne peut pas déduire de l'égalité
républicaine des personnes, un principe général
d'égalité de toutes les relations sociales à deux (ou
plusieurs) dans la société. Les relations interpersonnelles entre
individus, entre citoyens, sont qualitativement
hétérogènes. Il est absurde de vouloir poser
l'égalité relations entre époux = relations
mère/fils = relations marchand/client, etc.. Cependant, poussant la
réflexion dans ce sens, derrière cette exacerbation du principe
d'égalité, on voit à l'oeuvre un principe
d'indifférenciation. Egalité veut dire ici refus des
différences. Mais la définition et le respect des
différences constituent un principe aussi structurant que celui
d'égalité.
Troisième remarque : la demande de reconnaissance du couple
homosexuel à égalité avec le mariage est infondée.
La non-reconnaissance, dans le Code civil, du couple homosexuel, n'est
aucunement un jugement moral. Pas plus que n'est un jugement moral l'absence de
mention dans le Code de cette chose tellement indispensable à la vie
humaine qu'est l'amitié. Prétendre le contraire serait tomber
dans une inacceptable confusion entre la morale et le droit. Pourquoi, pour
être sûr d'une amitié, devrais-je exiger qu'elle soit
enregistrée par un officier d'état civil ? De même, ce
n'est pas le passage devant le maire qui fait socialement, et au regard
d'autrui, exister l'amour.
Quatrième remarque : l'enjeu du PACS n'est pas le PACS mais le
mariage homosexuel. Car le PACS, tel qu'on peut le lire, démolit les
principes au nom desquels on peut refuser l'adoption d'enfants par le couple
homosexuel. Il deviendrait insupportable, en effet, au nom de la fameuse
idéologie d'égalité que j'évoquais à
l'instant, qu'il y ait cette entorse à la sacro-sainte
égalité de tous les couples, le refus d'un droit à
l'enfant qui sera présenté alors comme une insupportable
discrimination sexuelle. On peut penser que l'étape suivante sera de
donner le droit à l'enfant. D'ailleurs, les principaux défenseurs
et illustrateurs du PACS ne se sont jamais cachés de leur intention. Le
but final est le mariage homosexuel, et ceci d'ailleurs est très clair
si l'on se réfère -je ne reprendrai pas une citation- au
rapport Roth et à la résolution du
8 février 1994 à l'assemblée européenne,
qui est d'ailleurs un texte extrêmement inquiétant.
Cinquième remarque : les enfants et les jeunes, victimes
principales d'une loi illégitime. Illégitime parce que
référée uniquement -comme je l'ai signalé- à
des principes individualistes. On ne fonde pas une société
uniquement sur des principes qui privilégient l'absolu individuel. Cette
loi ne voit que la commodité individuelle, elle méconnaît
un droit de la société (cf. ma première remarque).
Détruisant la société, elle est ennemie de l'individu
également.
Enfant victime aussi parce que, pour la première fois, une situation de
fait : l'accroissement de l'instabilité des couples est
posée en droit, c'est-à-dire comme souhaitable. Le passage du
fait au droit est d'ailleurs significatif ici de l'excès de
crédit donné à la forme de pensée sociologique en
général. Cette instabilité encouragée, inscrite
dans le droit (droit de répudiation), est un pas de plus dans la
victimisation des enfants. Enfant victime aussi, parce que son droit aux deux
parents de sexes différents est finalement bafoué.
Sixième remarque : il s'agit d'une loi communautariste et
anti-républicaine. Il ne suffit pas d'habiller la loi comme universelle,
valant pour tous les couples, quand c'est un texte dont seuls les homosexuels
pourront vraiment tirer avantage, l'avantage essentiel étant la
reconnaissance symbolique. Cette loi laisse entiers les problèmes
posés par le concubinage hétérosexuel ; cela a
été puissamment argumenté. Il n'y a aucun progrès
du droit individuel et de la protection du faible, puisque le droit à la
répudiation est instauré dans la loi. Il y a un silence complet
sur la question des enfants pour le couple concubin hétérosexuel,
et pour cause : ils sont otages d'un texte qui n'est pas fait pour eux,
finalement. Ils sont otages d'un texte, un point c'est tout.
Septième remarque : c'est l'idée d'une contre-proposition,
qui n'a aucune chance évidemment d'aller plus loin. Non pas une loi
antirépublicaine, mais au fond creuser plutôt la notion d'une
extension des droits individuels. Il y a en effet au moins six millions
de personnes vivant seules et qui pouvaient en appeler à un
progrès de solidarité, dans une certaine limite. Le
progrès dans la justice consistait non pas à privilégier
une minorité (la minorité homosexuelle), mais à
étendre certains droits individuels à tous les citoyens :
droit à partager un bail à deux ou à trois, etc. ;
droit à faire bénéficier une personne de la protection
sociale individuelle (dans certaines limites) ; extension du droit de
donation sans frais ou à frais réduits à une personne de
mon choix, dans ou hors famille, dans certaines limites. Si l'on y
réfléchit, l'extension du PACS aux fratries, absurdement, se
limite à deux... Pourquoi pas trois, pourquoi pas dix, et comme on l'a
fait remarquer tout à l'heure, pourquoi limiter aux fratries ?
Pourquoi ne pas étendre cela à tout le monde ? Finalement,
plus on l'étend et plus cette notion de pacte perd de sens, et la
logique de cette extension conduit tout droit à cette idée qu'il
ne faut pas faire de pacte. Il faut étendre le droit de tous les
individus, et ainsi l'ensemble des problèmes posés sera pris en
compte.
Huitième remarque : il faut remettre ces problèmes à
l'étude, et c'est pourquoi j'ai quelquefois proposé, dans des
écrits, l'idée d'un moratoire. L'ensemble des conséquences
de ce texte, du point de vue éthique, juridique, anthropologique,
financier, sociétal, est mal étudié. Il y a eu une
précipitation. On a signalé tout cela, aussi je n'insisterai pas
pour respecter la demande de concision. Cette précipitation est due
à l'impatience d'un lobby, cela a été largement reconnu.
Le débat a été faussé, il faut voir la
diabolisation qui a eu lieu contre les opposants au PACS, notamment s'ils
passaient pour avoir des opinions plutôt à gauche.
La méthode politique utilisée pour l'adoption du PACS est
antidémocratique, car on a refusé de considérer que pour
certains projets de loi, il y ait une sorte de droit personnel de la conscience
de l'élu, notamment parce que cet élu est enraciné dans sa
circonscription et qu'il a le droit de voter en conscience sur un texte qui
fait problème. Avec le PACS on est devant des problèmes qui
dépassent le clivage interne à la République entre la
gauche et la droite, puisque sont en cause les fondements de la
société. Globalement, on a donc eu droit à un débat
faussé parce que l'on a prétendu poser le problème du
concubinage sans la question de l'enfant et de la famille, parce qu'on a
condamné le mariage républicain en refusant de le mettre en
débat. Or c'était peut-être cela le thème central
à débattre : que va-t-on faire du mariage ? Faut-il
encore un mariage ? On a eu ce débat biaisé sur le PACS
quand on aurait dû débattre du sens à redonner au mariage.
Je voudrais conclure sur une réflexion de portée un peu
générale. La Constitution protège la sphère
politique de la société. Malheureusement, on ne dispose pas
d'instance officielle, ni peut-être de système de protection
suffisant, pour protéger les principes non écrits de toute
société humaine. On pourrait penser à la présidence
de la République, au droit du référendum, mais en fait
à travers le débat sur le PACS, peut-être a-t-on vu
apparaître les dangers de l'idéologie individualiste qui s'empare
parfois de la démocratie.
M. Jacques Larché, président.-
Merci. La
parole est maintenant à M. Fassin, qui a également
écrit sur le problème dont nous aurons à débattre.
Monsieur Fassin, vous êtes, je crois, professeur de sociologie
à l'Ecole normale supérieure.
M. Eric Fassin.-
J'interviens aujourd'hui en faveur du
PACS. Comme beaucoup, j'en vois pourtant les incohérences et les
insuffisances. D'abord insatisfaisant, le projet est devenu, à force de
négociations et d'altérations, insaisissable. Dans ce
débat, la ligne de partage n'est donc plus à proprement parler
entre ceux qui se déclarent favorables au PACS, et ceux qui s'y montrent
hostiles. Soyons clairs. Désormais, le choix politique qui nous est
proposé est plutôt le suivant : se prononcer pour le PACS,
dans l'espoir d'aller
au-delà
, ou bien contre le PACS, afin de
rester
en-deçà
. Autrement dit, c'est dans l'intention
d'encourager le mouvement, ou bien en vue de maintenir l'ordre. Pour les uns,
"c'est déjà cela" ; pour les autres, "c'est encore trop".
Je suis sociologue, mais si j'interviens aujourd'hui, c'est au nom d'un
principe politique, et non pas scientifique : l'égalité. En
France, dans les années 1980, le législateur a eu le courage
et la sagesse d'avancer vers l'égalité des sexualités, en
effaçant de la loi toute discrimination à l'encontre des
individus fondée sur l'orientation sexuelle. Aujourd'hui, dans les
années 1990, la question se pose en des termes nouveaux : pour
avancer encore vers l'égalité des sexualités, il ne s'agit
plus seulement de considérer les individus, mais également les
couples. Demain, n'en doutons point, c'est un autre pas qu'il nous faudra
franchir. Au-delà de l'individu, nous le voyons dès à
présent, il y a le couple ; mais derrière le couple, comment
ne pas le voir, c'est la famille qui se profile. Déjà, il devient
difficile de croire que le refus de reconnaissance opposé aux couples de
même sexe est sans rapport avec la discrimination. Bientôt, il
deviendra malaisé de prétendre que les familles homo parentales
ne sont pas des familles. Autrement dit, nous n'en avons pas fini avec
l'égalité.
N'allons pas dire que le mariage et la famille n'ont rien à voir avec la
discrimination homophobe : n'est-ce pas justement dans et par le mariage
et la famille que nous apprenons que seule
l'hétérosexualité serait légitime, puisque seule
elle y a sa place ? Tous, ou presque, nous prétendons respecter les
droits des homosexuels, et récuser la discrimination ; tous, ou
presque, nous affirmons l'importance fondamentale du mariage et de la famille
dans notre société ; et tous, ou presque, nous nous
accorderions à refuser une place à l'homosexualité dans
ces institutions qui sont au coeur de notre citoyenneté ? C'est
donc, paradoxalement, parce que nous récusons tous l'homophobie que nous
refuserions tous de voir la discrimination là où elle se joue.
Pour justifier l'exclusion de l'homosexualité hors de l'enceinte
sacrée du mariage et de la famille, quelles sont les fortes raisons
qu'on oppose aujourd'hui au principe d'égalité ? Faute
d'arguments politiques, c'est trop souvent aux sciences humaines qu'on emprunte
leurs raisons.
Je l'ai dit, je suis sociologue, mais si j'interviens aujourd'hui, c'est donc
aussi pour protester contre un usage abusif des sciences de la
société ; c'est pour dénoncer ce que je propose
d'appeler "l'illusion anthropologique". La différence des sexes, on
l'entend ici et là, serait le principe anthropologique qui fonde
l'institution du couple, de la famille et de la parenté -c'est dire que
la définition du couple, de la famille et de la parenté serait
soustraite à la délibération démocratique, parce
qu'elle serait fondée sur une détermination scientifique. En
amont de la politique, ancrée dans un socle anthropologique qui ignore
le changement, la différence des sexes s'imposerait à nous, non
pas seulement comme une réalité (qui le contesterait ? ),
mais bien plus comme un principe -mieux, comme une loi, de la nature ou de la
culture, peu importe : une loi anthropologique, en surplomb de nos lois
politiques.
Or, les sciences sociales, nous en prenons davantage conscience depuis quelques
années, sont bien loin de nous proposer des lois intemporelles :
comme les sociétés qu'elles étudient, elles-mêmes
sont traversées par l'histoire. C'est pourquoi il est impossible de
proposer, du couple, de la famille ou de la filiation, quelque
définition anhistorique : dans le temps et dans l'espace, les
sociétés remodèlent les institutions qui les
définissent. C'est là, me semble-t-il, la vraie leçon de
l'histoire et de l'anthropologie, ou de l'anthropologie historique. Ce qui nous
apparaît impensable à présent, c'est ce que nous n'avons
pas encore pensé : ainsi des couples de même sexe et des
familles homo parentales. L'impensé a donc un pied dans le passé.
et, sur ce point, les sociétés bougent parfois plus vite que les
savoirs. Pourtant, le point aveugle de notre pensée, ne sont-ce pas
précisément les préjugés, contre lesquels doit se
construire la pensée rationnelle, et donc, la science ?
Surtout, quand bien même les sciences de la société,
à la manière des sciences de la nature, nous proposeraient de
telles lois, il me paraît essentiel de rappeler qu'en bonne
démocratie, les lois de la science ne sont pas les lois de la
République : le savant, pas plus que le prêtre, ne peut
substituer son autorité à celle du législateur, ni imposer
une vérité révélée, par la science ou la
religion, à la délibération démocratique. Hier
encore, les lois de l'Histoire nous empêchaient trop souvent
d'appréhender la nature politique des phénomènes
sociaux ; faudra-t-il qu'aujourd'hui, prenant le relais de "l'illusion
historiciste", "l'illusion anthropologique" vienne nous imposer, pour mieux
échapper, une fois encore, au choix proprement politique qui est le
nôtre, de prétendues lois de l'anthropologie ?
Partout, toujours, nous dit-on, selon une logique universelle, les
sociétés poseraient la différence des sexes au principe du
couple et de la famille, de la filiation et de la parenté. Pourtant, de
Melville Herskovits à Edmund Leach, en passant par
Evans-Pritchard, la leçon de l'anthropologie n'est-elle pas, tout au
contraire, qu'il faut renoncer à l'ethnocentrisme d'une telle
définition ? En pays Nuer, et dans bien d'autres
sociétés africaines, la femme riche et puissante est,
socialement, comme un homme : aux yeux de la société, elle
peut donc être un "père", et c'est bien sa place dans le lignage.
C'est la logique de l'institution du "mariage des femmes", bien connue des
anthropologues depuis les années 1930, et surtout 1950. Bref, il
est des exceptions.
Sans doute m'objectera-t-on, quitte à changer de logique argumentaire,
en renonçant à l'universalisme pour le culturalisme, que
l'Afrique n'est pas l'Occident. De même, si j'emprunte mes exemples aux
Etats-Unis d'aujourd'hui, où l'on débat d'une ouverture du
mariage aux couples de même sexe, où des parents homosexuels sont
depuis peu autorisés à adopter conjointement, on aura tôt
fait de me répondre que la culture française n'a nul besoin d'un
modèle transatlantique. Et de fait, ce ne sont pas des exemples que je
donne en modèle, mais des contre-exemples que j'utilise comme outils
critiques. Ailleurs, n'allons pas chercher à conforter nos
préjugés, mais à remettre en cause nos évidences.
L'anthropologie peut nous aider à penser ; elle ne doit pas nous en
dissuader. Elle ne nous dit pas ce qu'il faut faire : rien ne nous oblige
à imiter telle ou telle culture. Mais elle ne nous interdit rien, au nom
de lois de la culture.
Resteraient alors, contre les variations culturelles, les invariants de
notre
culture -ce qu'on pourrait appeler la tradition française
de la différence des sexes, aujourd'hui convoquée pour justifier
l'inégalité des sexualités. Il est vrai que la relative
tolérance que manifeste notre société face à
l'homosexualité s'accompagne traditionnellement d'un refus de
reconnaissance : le droit à l'indifférence dont
s'enorgueillit le génie national, c'est aussi, le plus souvent, le
devoir de rester discret, c'est-à-dire de se faire oublier, dans la
pénombre du non-droit. Mais il ne s'agit pas seulement
d'homosexualité : même dans notre société, la
différence des sexes n'organise pas toujours la famille et la filiation.
Les célibataires peuvent adopter, les mères peuvent avoir des
enfants sans père légitime. Si demain nous devions imposer la
différence des sexes au principe de la famille, c'est à
ceux-là aussi, et pas seulement aux couples homosexuels, qu'il faudrait
fermer la porte -aux célibataires, on interdirait sans doute l'adoption,
comme on leur interdit déjà le recours aux procréations
médicalement assistées ; mais des femmes qui font des
bébés "toutes seules", comme on le dit aujourd'hui, que
ferait-on, après les avoir interdites de famille- sans parler de leurs
enfants ? Bref, quel serait le coût social (et humain) d'un principe
-la différence des sexes- que nous imposerait, non pas une
détermination anthropologique, mais plutôt la volonté
politique de fermer le mariage et la filiation à l'homosexualité
-à tout prix ?
De l'histoire, faute de lois, nous pouvons du moins tirer des leçons. En
conclusion, j'en proposerai trois.
Première leçon. Il y a un siècle, les intellectuels nous
ont appris que l'affaire Dreyfus n'était pas seulement l'affaire
d'un Juif, ni même des Juifs : c'était l'affaire de tous -il
en allait de la chose publique. N'allez pas croire aujourd'hui que
défendre le PACS, et au-delà, l'ouverture du mariage et de la
famille aux homosexuels, ce soit seulement leur affaire, leur problème.
Sinon, aux "lobbies" homosexuels, porteurs d'intérêts
particuliers, il suffirait d'opposer l'intérêt
général, quitte à le confondre avec les discours
homophobes. En réalité, refuser de poser la différence des
sexes au principe du couple et de la famille, c'est aussi récuser un
modèle qui singe la reproduction biologique, en la confondant avec la
filiation sociale. Autrement dit, c'est un modèle "naturel" de la
famille -tout comme, il y a un siècle, de la nation- qu'il nous faut
aujourd'hui épouser, ou répudier.
Deuxième leçon. Du mouvement américain des droits
civiques, qui réunissait dans les années 1960 des Noirs, bien
sûr, mais aussi, en moins grand nombre, des Blancs, j'ai pour ma part
retenu la conviction qui les inspirait : tant que tous ne seraient pas
libres, nul ne serait libre.
A fortiori
, aujourd'hui, tant que tous ne
seront pas égaux, tous seront inégaux : prenons au
sérieux ce truisme. Il nous faut donc redéfinir la
citoyenneté, indépendamment de la sexualité, comme alors
indépendamment de la couleur de peau. Et c'est l'affaire de tous.
Comment imaginer que seuls les Noirs, ou les homosexuels, prendraient au
sérieux la liberté, ou l'égalité, valeurs
universelles -autrement dit, que les autres ne se mobiliseraient que pour
défendre leurs intérêts particuliers ?
Troisième et dernière leçon. Il y a plus de
trente ans, en France, c'est de contraception que l'on débattait.
Certains étaient alors convaincus, c'était tout l'ordre des sexes
et de la sexualité qui était menacé. Ils n'avaient pas
tout à fait tort : la société s'est
profondément transformée ; mais elle ne s'est pas
effondrée, en dépit des prophètes de malheur. Aujourd'hui,
il nous paraît difficile d'imaginer qu'on ait pu se mobiliser contre
cette liberté élémentaire. Dans un peu plus de
trente ans, peut-être nos enfants, nés de couples
hétérosexuels, pour la plupart, mais aussi de mères
célibataires, pour certains, adoptés par des personnes seules,
pour d'autres, ou bien parfois issus de couples homosexuels, auront-ils peine
à imaginer qu'on ait pu se battre en France, à la fin du second
millénaire, pour prolonger, quelques années encore,
l'inégalité entre les sexualités, au nom de la
différence des sexes. Ces enfants et leurs enfants nous demanderont
demain des comptes de nos engagements d'aujourd'hui. Je vous remercie.
M. Jacques Larché, président.-
Je vous
remercie de votre intervention. C'est une boutade, mais en vous entendant je
songeais à ce très vieil adage britannique : "la Chambre des
communes peut tout faire, sauf changer un homme en femme, et encore, on n'en
est pas très sûr". C'est un peu cela que vous venez de nous dire.
Je ne dirai pas "on n'en est pas très sûr", mais "on n'en est plus
très sûr".
M. Eric Fassin.-
Je n'ai pas tout à fait le
sentiment d'avoir dit cela.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
J'ai
deux questions différentes pour MM. Coq et Fassin.
A M. Coq : l'assimilation des homosexuels aux concubins vous
paraîtrait-elle acceptable ?
A M. Fassin : croyez-vous que le droit actuel consacre
l'inégalité des homosexuels et des
hétérosexuels ? Avons-nous, dans notre droit, des
manifestations d'inégalité ?
M. Guy Coq.-
Je vous remercie de votre question parce
que, par delà le détail dont il y a eu critique solidement
argumentée, c'est la raison de mon opposition au projet de PACS. Sous
couvert de la notion de concubinage ou de couple indifférencié,
c'est une mise à égalité des deux sexualités qui
commence à se profiler dans le droit, dans la loi, à partir du
texte du PACS. C'est pour cette raison que j'ai présenté ce texte
comme une étape vers la reconnaissance du mariage homosexuel. Disons que
déjà, à partir de cette première
égalité, il sera plus difficile de refuser le mariage homosexuel.
Mais on pourrait ajouter qu'à ce moment-là, la question du droit
des enfants pourra aussi faire butoir.
M. Eric Fassin.-
Il me semble qu'aujourd'hui le
concubinage n'est pas ouvert aux couples de même sexe, que l'adoption est
-lorsqu'il s'agit de couples- réservée aux couples mariés.
Le mariage est réservé à des couples
hétérosexuels, et la procréation médicalement
assistée est accessible à des couples, et à des couples
seulement, mais à condition que ce soient des couples
hétérosexuels. Ce sont donc des exemples, me semble-t-il, d'une
manière d'instituer une hiérarchie entre les sexualités.
Encore une fois, je l'ai suggéré, je crois que nous apprenons
tous, dans la société, l'importance de la famille et du mariage.
Si le mariage et la famille laissent à la porte l'homosexualité,
il me semble que notre droit nous enseigne cette hiérarchie, cette
inégalité des sexualités.
M. Jacques Larché, président.-
Quelles
conclusions tirez-vous sur le sens de cette constatation ?
M. Eric Fassin.-
Il me semble que si nous n'avons pas de
solides raisons à opposer au principe d'égalité, alors il
faut essayer de l'appliquer. Cela voudrait dire, idéalement, à
mon sens, ouvrir le mariage et la filiation indépendamment du sexe. J'ai
bien conscience que cette proposition n'est pas exactement majoritaire, ni dans
le pays ni dans cette assemblée...
M. Jacques Larché, président.-
Ce n'est pas
le problème, pour l'instant.
M. Eric Fassin.-
Il me semble néanmoins qu'il
s'agit de définir des principes ; c'est donc pour cette raison que
je vous soumets cette proposition.
M. Guy Allouche.-
Merci, Monsieur
le Président. Nous venons d'entendre deux intellectuels, dans
l'acception noble du terme, qui nous livrent les deux facettes du
problème qui nous préoccupe. Monsieur Fassin, s'est
efforcé de nous ouvrir les yeux sur une réalité, et nous
projette déjà, en quelque sorte, dans le troisième
millénaire : le fait qui va occuper les prochaines décennies avec
ce fait de société. Vous ne serez pas étonnés,
chers collègues, si je vous dis que j'ai la faiblesse de penser que je
suis plus enclin à être à l'écoute de ce que dit
M. Fassin que de ce qu'a dit M. Coq.
M. Coq, vous êtes philosophe ; vous connaissez le sens des
mots, leur valeur, leur puissance. Je vous pose la question suivante :
n'avez-vous pas le sentiment d'avoir été trop excessif dans les
mots que vous avez employés ? Pensez-vous que la violence de
certaines de vos expressions ait contribué à faire évoluer
la réflexion ?
M. Guy Coq.-
Non, je n'ai pas eu le sentiment
d'être excessif.
M. Jacques Larché, président.-
Nous
admettons ici que nous allons entendre des opinions sans doute opposées
et tranchées, et nous sommes là pour cela. Admettez que l'on peut
avoir une réaction identique à la vôtre à
l'égard des propos de M. Fassin. Laissons donc de côté
les jugements de valeur, et interrogez-vous sur la pertinence du propos
plutôt que sur la qualité de son expression.
M. Jacques Mahéas.-
Je voudrais interroger nos
invités sur des choses qui sont absolument liées dans nos
réflexions. Aujourd'hui, nous parlons du PACS mais, hier, nous parlions
de la parité. En fait, au point de vue philosophique, on peut dire que,
si ce n'est pas un fil ténu, il y a au moins un fil d'Ariane liant les
deux.
Je voudrais poser la question suivante au philosophe que vous êtes :
le principe d'universalité fait-il en sorte que nous allons arriver
à une égalité complète entre les hommes et les
femmes ? Par là même, allons-nous avoir la même loi si
un jour le couple hétérosexuel disparaît dans la
législation (je ne parle pas sur le terrain), pour faire face à
des lois qui sont tout à fait identiques et conformes, traitant un homme
comme une femme et une femme comme un homme ?
Comment voyez-vous cette évolution historique, puisque vous vous
êtes projeté dans l'avenir ? Comme dans l'histoire, n'y
aura-t-il pas d'allées et venues ? Il vous a semblé
qu'à certains moments, effectivement, on allait d'une façon
irrémédiable vers cette évolution du siècle
à venir. Or, dans l'histoire, on a connu dans ce domaine, des
allées et venues, bien que la courbe soit ascendante vers le
progrès.
M. Jacques Larché, président.-
Nous savons
tous qu'il n'y a pas de sens de l'histoire ; c'est ce que vous voulez
dire ?
M. Guy Coq.-
J'approuve évidemment la recherche
d'universalité ; c'est ce qui se cherche à travers les
droits de l'Homme, et il n'y a pas de discussion là-dessus ; c'est
la règle qui a exclu le droit d'exclure quelqu'un de l'humanité.
Sur la notion d'égalité, j'ai noté tout à l'heure
qu'il fallait la borner par un principe de différenciation. En effet,
poussée à l'extrême, elle se pervertit ; elle devient
un principe général d'indifférenciation et, de fait, sans
évoquer la notion de nature humaine, il demeure quand même, pour
moi, que la reprise en compte symbolique dans la culture de la distinction
homme/femme est, en quelque sorte, fondatrice d'une possibilité d'avenir
de l'humanité. Je ne vois pas comment, autrement, on pourra assurer le
renouvellement des milliards d'hommes dans l'avenir, même si des cas
particuliers se produisent.
M. Jacques Mahéas.-
J'ai juste parlé de
législation.
M. Guy Coq.-
Vous voulez dire que dans la
législation, en effet, poindrait l'idée qu'il y aurait la notion
de couple et que la distinction homme/femme s'effacerait ? Pour moi, cette
distinction est essentielle, elle fait partie de ces principes
non-écrits qui sont dans le fondement de la société, et
dont je disais en conclusion qu'ils n'étaient pas protégés
par un droit constitutionnel.
M. Eric Fassin.-
Je crois effectivement qu'il faut
séparer la question de l'indifférenciation dans le droit de celle
de l'indifférenciation dans la société. La raison pour
laquelle vouloir renforcer légalement la différence entre les
sexes me paraît poser un problème, c'est qu'elle incite à
naturaliser les rôles sexuels. Il me semble donc, pour reprendre la
question sur le parallèle avec la parité, qu'on peut partir d'une
logique universaliste de la discrimination, c'est-à-dire que la question
se pose de savoir si dans notre société nous souhaitons -et
à quel point- traiter également les hommes et les femmes,
indépendamment de leur sexualité.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
A ce stade,
pensez-vous que c'est au législateur d'intervenir pour définir
des règles en ce qui concerne la sexualité ?
L'égalité face à la sexualité, est-ce le rôle
du législateur ?
Mme Nicole Borvo.-
Quelle que soit leur sexualité !
M. Eric Fassin.-
Pour vous répondre, de toute
façon, il ne s'agit pas de dire qu'aujourd'hui le droit devrait se
mettre à parler du mariage et des enfants. Il en parle
déjà. La question est de savoir comment il en parle. Il ne s'agit
pas d'une intrusion du droit dans l'intimité, puisque le droit est
déjà présent dans cette intimité. La seule
question, à mes yeux, est de savoir s'il l'est également pour
tous.
M. Guy Coq.-
Ce qui se profile derrière les
principes du PACS, c'est l'idée que la société pourrait
être neutre, radicalement neutre, sur la question de certaines valeurs.
Il me semble qu'une société qui veut se programmer un avenir, qui
pose qu'il faudra gérer, faire naître et assumer une nouvelle
génération, ne peut pas mettre à égalité,
dans son droit, la relation homme/femme et la relation homosexuelle. Les mettre
à égalité me paraît une solution suicidaire.
M. Eric Fassin.-
Pour ma part, je pense que l'on pourrait
appeler "laïcité" cette neutralité par rapport aux valeurs.
M. Guy Coq.-
Si je peux réagir, Jules Ferry a
précisé dès le début que la laïcité
était neutre au plan religieux, mais que justement cette
laïcité
traditionnelle n'est sûrement pas neutre
sur le plan des valeurs, ni sur le plan des valeurs fondamentales de la
politique. Elle est républicaine.
M. Eric Fassin.-
Mais la différence des sexes
n'est pas une valeur.
M. Jacques Larché, président.-
Non, c'est
une habitude.
M. Guy Coq.-
Cela fait partie de la condition humaine.
M. Jacques Larché, président.-
Je vous
remercie, Messieurs, de nous avoir éclairés.
- La séance, interrompue à 10 h 50, est reprise
à 11 heures.
3) Audition de :
- Mgr Vingt-Trois, président de la commission de la famille
à la conférence épiscopale catholique
- M. Olivier Abel, théologien, président de la
commission éthique à la Fédération protestante de
France,
- M. le rabbin Senior, membre du cabinet de
M. Joseph Sitruk, grand rabbin de France
- M. Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris.
M. Jacques Larché, président.-
Nous avons
souhaité entendre des
représentants qualifiés des
quatre grands cultes qui sont ceux de notre pays. Nous allons donc
entendre successivement Mgr Vingt-Trois (président de la commission
de la famille à la conférence épiscopale),
M. Olivier Abel (théologien, président de la commission
éthique à la Fédération protestante de France),
M. le rabbin Senior (membre du cabinet de
M. Joseph Sitruk, grand rabbin de France) au titre du grand rabbinat,
et enfin M. Dalil Boubakeur (recteur de la Mosquée de Paris).
Je les invite donc à bien vouloir nous rejoindre.
Cette série d'auditions devrait se terminer à
12 heures ; j'ai l'impression qu'elle se terminera un peu plus tard.
Tout ceci est bien évidemment fonction du très grand
intérêt que nous attachons aux points de vue qui vont être
exprimés. Encore une fois, nous avons souhaité, avant d'aborder
le fond de ce texte, procéder aux éclairages les plus larges
possibles.
Mgr Vingt-Trois.-
Monsieur le Président, Mesdames
et Messieurs, il va de soi que le projet de loi sur le PACS heurte
profondément les convictions catholiques sur l'exercice de la
sexualité. En effet, dans la foi chrétienne, qui est celle de la
majorité des Français, l'union de l'homme et de la femme est
comme une parabole, une illustration et une actualisation de l'alliance entre
Dieu et l'humanité. La même fidélité et la
même stabilité qui caractérisent cette alliance ont conduit
les chrétiens à découvrir la valeur du mariage unique et
indissoluble. Cette découverte progressive, à partir de
l'enseignement du Christ, a imprégné les moeurs au point que la
fidélité a été reconnue par le code civil comme une
valeur laïque du mariage.
Mais la présentation de loi sur le PACS, votée par
l'Assemblée nationale, ne se présente pas comme une
négation du mariage. L'ambition du Gouvernement de développer la
solidarité, sans bien préciser entre qui et qui, prétend
se contenter de résoudre quelques problèmes financiers et
patrimoniaux que les lois actuelles, pourtant nombreuses, ne permettraient pas
de solutionner. Par parenthèse, il faudrait être sûr que ce
nouveau dispositif législatif ne serait pas, pour ceux qui en seraient
les bénéficiaires, aussi rébarbatif à utiliser que
le dispositif actuel.
Des ajustements financiers, fiscaux, contractuels, patrimoniaux ou successoraux
pour les concubins, hétérosexuels ou homosexuels, ont donc paru
nécessaires. Pour autant que les possibilités juridiques
actuelles ne suffisaient pas, ces questions étaient susceptibles de
solutions réglementaires ou de dispositions législatives relevant
du droit des biens. Concernant une petite minorité de Français
vraiment intéressés (une partie des homosexuels et une faible
proportion des concubins hétérosexuels qui sont justiciables de
charges fiscales), de tels aménagements pouvaient être mis en
oeuvre simplement.
En s'attachant à définir un nouveau droit des personnes, le
projet de loi sur le PACS vise donc un autre but que de simples
aménagements économiques plus équitables. Il vise à
donner un statut sociétal à des couples constitués en
dehors du mariage et notamment, comme l'ont dit très clairement ses
promoteurs, il représente un premier pas vers le "mariage légal"
des homosexuels.
Dès lors, nous sommes confrontés à deux types de
questions. Une question de fait : quelles que soient les intentions et les
déclarations solennelles du Gouvernement sur le fait qu'il n'y a pas de
lien entre le PACS et le mariage, il faut bien reconnaître que les
critères de définition du PACS, dès qu'on les explicite un
peu, sont des démarques des caractéristiques juridiques du
mariage, non seulement dans ses conséquences financières, mais
aussi dans la définition de la constitution du couple.
Il convient particulièrement de relever la régression que
représente l'introduction d'un processus légal de
répudiation, au détriment des plus faibles. Cette
nouveauté laisse mal augurer de la prochaine réforme du divorce.
En effet, pourquoi maintenir des garanties judiciaires sur le divorce des
époux, si le PACS ouvre la voie à la simple
répudiation ? Si l'accord des partenaires peut sembler acquis au
moment de la conclusion du PACS, comment peut-on présumer que le
même accord sera simultané et homogène au moment de sa
dissolution ?
Une question de droit fondamental : les conséquences du PACS pour
la société. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, que l'on a célébrée solennellement il y a
quelques semaines, dit dans son article 16, au troisième
paragraphe :
"La famille est l'élément naturel et
fondamental de la société et a droit à la protection de la
société et de l'Etat"
. Si nous prenons au sérieux la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, il nous faut prendre au
sérieux aussi cet article et examiner si ce projet contribue à
améliorer son application.
Nous pensons qu'il n'en est rien :
Comme l'a justement relevé le gouvernement, la
détérioration du tissu social et des solidarités
immédiates est une des causes de l'amoindrissement du sens civique et de
la croissance de la violence quotidienne, surtout parmi les jeunes.
Logiquement, le gouvernement fait appel à toutes les institutions et
à tous les intervenants pour qu'ils exercent leur responsabilité
dans le développement de relations sociales denses et
régulées. Dans cette campagne, il fait appel aux parents, il leur
rappelle leur responsabilité familiale. Il serait illogique de le faire
en affaiblissant la famille par des institutions alternatives.
La reconnaissance légale des couples homosexuels n'est pas une bonne
chose pour la société. Autant le respect de la liberté
individuelle demande que les personnes soient respectées dans leurs
choix, y compris dans le domaine des relations sexuelles, autant il est
excessif de s'appuyer sur ce devoir de respect pour supposer que tous les
comportements individuels peuvent et doivent être légalement
reconnus et donc, appliqués. Car la loi, nous n'en doutons pas, a une
fonction légitimante.
Il y a un rapport réel entre la manière dont une
société gère juridiquement les relations sexuelles et son
équilibre général. La reconnaissance de la
différence sexuelle, et son intégration psychologique, sont une
des voies principales pour accéder à la socialisation par la
reconnaissance de l'autre et le respect de la différence. Que certaines
personnes conduisent leur vie autrement, c'est un fait. Mais ce fait ne
signifie pas que la relation homosexuelle a la même capacité
structurante de la vie sociale que la relation hétérosexuelle, ni
qu'elle doive être socialement encouragée par la loi.
Pour ces deux raisons, nous pensons que ce projet de loi aura, et
peut-être rapidement, des effets néfastes pour l'équilibre
de la vie sociale et pour les contractants eux-mêmes.
Les considérations que je viens de présenter sommairement sont
des réflexions générales sur ce que nous estimons utile
pour l'ensemble de la société. Elles ne s'inspirent pas d'une
théorie du mariage particulière aux catholiques, mais de la
conviction que l'évolution qui a conduit à l'établissement
juridique du mariage dans nos sociétés a constitué un
progrès sur les unions forcées, sur l'exploitation des faibles
dans des relations sexuelles sans engagement, sur la fragilité de
l'éducation des enfants hors d'une famille stable. En rappelant cette
conviction, nous ne cherchons pas à bénéficier d'un statut
particulier. Après tout, les catholiques auront toujours la
possibilité de se marier suivant les critères du mariage
religieux et du mariage civil que la loi leur impose !
Nous estimons que l'expérience cumulée, non seulement à
travers les siècles mais aussi dans le présent par
l'accompagnement long et circonstancié de couples qui se
préparent au mariage (plusieurs dizaines de milliers chaque
année), nous donne le droit et le devoir de signaler un risque qui
atteindra tous les membres de notre société.
Il nous reste à souhaiter que la Haute Assemblée fasse preuve
d'imagination et propose les solutions réglementaires ou
législatives qui facilitent la solution des éventuels
problèmes rencontrés, sans déstructurer ni affaiblir
davantage une institution familiale qui est un des supports fondamentaux de la
cohésion sociale.
M. Jacques Larché, président.-
Merci,
Monseigneur.
La parole est à Monsieur Olivier Abel.
M. Olivier Abel.-
Monsieur le président, je
veux d'abord dire ma satisfaction qu'il y ait une consultation sur ce
thème. La consultation n'avait pas été suffisamment large
précédemment, et cela avait été
déploré par les Eglises. Le résultat est qu'actuellement
une problématique dominante, des positions
tranchées se sont installées. D'une certaine manière, tout
à l'heure, on en a entendu un petit exemplaire, même s'il
était très sympathique.
Il y a de nombreux éléments que j'agrée dans des positions
qui s'expriment ainsi, mais en même temps il est dommage que cette
problématique dominante fasse taire les autres.
Dans ce débat bien français, il est un point commun aux
protagonistes qui m'effraie. Les uns s'écrient : au secours, on
attaque la famille (sous-entendu la filiation), et les autres
répliquent : le PACS n'a aucun rapport avec la famille
(sous-entendu : la filiation).
C'est ce présupposé qu'il faut examiner, car d'une part il
occulte la possibilité d'une conjugalité non entièrement
subordonnée à la filiation (comprise comme l'obligation de faire
et d'éduquer des enfants), et d'autre part il réduit la famille
à l'axe de la filiation, les couples restant de l'ordre de l'arrangement
libre entre individus solitaires.
Les tenants du PACS ont souvent développé des arguments
très voisins de ceux de leurs adversaires. La loi et l'Etat doivent
encadrer la filiation et la parentalité, mais ils ne doivent pas se
mêler des liaisons très individuelles et très
privées. Bref, des deux côtés, on étouffe la
question de la conjugalité dans une société de culture
libérale ; des deux côtés on estime que l'institution
n'a de sens que verticalement, pour assurer la filiation et le remplacement des
générations, et non horizontalement pour réguler la
possible conflictualité entre des égaux qui, en s'alliant, savent
qu'ils pourront avoir des différents.
Le texte de la commission d'éthique de la Fédération
protestante de France était destiné à distinguer davantage
la conjugalité de la filiation, et à penser leur institution sur
des plans plus distincts, non pas pour les séparer complètement
(c'est évident, on ne peut pas les séparer complètement),
mais pour les distinguer. Au moins, pour ne pas mêler les niveaux du
problème.
De ce point de vue, je dirai que le débat n'a pas eu lieu. On a dit oui
ou non au PACS. Or, on le voit bien ce matin, qui arrive à se
reconnaître vraiment dans le projet de loi tel qu'il se
présente ?
Je distinguerai ma position personnelle de celle de la Fédération
protestante. Je n'ai pas un point de vue magistériel ; la
fédération est pluraliste, je ne suis jamais que le
président de la commission d'éthique. Mon idée, c'est que
c'est l'honneur des homosexuels d'avoir posé ce problème de la
conjugalité dans une société libérale.
A l'inverse de bien d'autres partisans du PACS, les homosexuels ont posé
cette question beaucoup plus courageusement. Ils ont compris que, dans une
société précaire, la fidélité est un bien
inestimable, sans cesse menacé, qui doit être
protégé. C'est la raison pour laquelle, il y a trois ans,
j'avais pris parti pour le Contrat d'Union Civile, qui à mon avis posait
plus courageusement la question de la reconnaissance du couple homosexuel. Dans
une société où les liens sociaux et économiques
sont de plus en plus précaires, tout ce qui contribue à des
engagements plus durables doit être applaudi.
Aujourd'hui, dans l'état actuel de polarisation de l'opinion publique,
il aurait été plus sage de se contenter d'élargir le
concubinage, en quelque sorte sur la ligne des positions excellemment
argumentées ce matin par Mme Irène Théry, pour
tenir sobrement compte de la demande d'un encadrement juridique de toutes les
formes de couples, y compris homosexuels, qui ont éprouvé la
douleur de liens purement privés que rien ne protège.
Ma question est qu'il fallait sans doute émanciper la conjugalité
d'une totale subordination à la filiation. C'est sans doute la raison de
l'importance prise par le concubinage et de l'union libre. Mais ce que ne
voient pas actuellement les concubins qui refusent le mariage comme un "machin
ringard"
(signes de protestations sur plusieurs bancs)
, et tous ceux qui
ont idéologisé le PACS, c'est que l'institution conjugale est
l'acceptation proprement courtoise de la possibilité du
désaccord. La conjugalité n'est pas faite que de consentement, et
le divorce doit être institué si l'on ne veut pas, sous couvert de
consensus, ouvrir une carrière immense à toutes les formes de la
vengeance.
C'est pourquoi le mariage n'est pas un sacrement religieux, mais une alliance,
un lieu proprement civique où l'on apprend qu'un contrat, s'il doit
durer, doit pouvoir supporter des conflits, des différences. Tous ceux
qui croient pouvoir rester entre nous, dans une sorte d'endogamie consentante
généralisée, manquent cette expérience que l'on
fait dans le mariage mixte, et devront tôt ou tard redécouvrir
cette dimension de contrat politique inhérente au mariage.
Nous devons refuser la séparation entre des passions
désinstituées et une institution réduite à
l'utilitaire qui pareillement nient le temps et la possibilité des
conflits conjugaux. Il aurait mieux valu repenser ensemble le mariage comme un
contrat social renouvelé, plutôt que de juxtaposer un nouveau
statut dans une sorte de libre concurrence des formes de conjugalité. Et
pourquoi pas, bientôt, un mariage musulman, un mariage africain, pour
communautariser un peu plus notre société ? Le fond du
problème est là, et il est bon qu'en ce moment on commence
à rouvrir le débat sur ce niveau là.
A cet égard, il y a deux voies. On pourrait dire, d'un
côté, qu'il faut élargir l'union libre aux homosexuels, et
d'un autre côté penser à une institution spécifique
pour homosexuels. Ma position personnelle est la suivante : une
institution spécifique pour les homosexuels, une sorte de mariage
homosexuel (on parle de mariage bis) aurait été
préférable à ce statut ambigu du pacs, qui refuse de
penser l'engagement entre deux personnes. C'est sans doute une position
audacieuse, mais disons que c'est une proposition que je soumets au
débat.
M. Jacques Bimbenet.-
C'est une position opportuniste !
M. Olivier Abel.-
Cela dit, je crois que beaucoup de protestants ne
seraient pas d'accord avec moi, et qui ont d'ailleurs été assez
bien représentés par l'expression de M. Coq ce matin. En
même temps, dans mon expression, je pense représenter aussi
beaucoup de catholiques. En tout cas, j'ai reçu de nombreuses lettres
dans ce sens. C'est "l'oecuménisme pluriel", l'oecuménisme
engagé. Et, pour moi, cela fait partie du débat qu'il nous faut
avoir. Et je ne voudrais pas que le Gouvernement, qui nous a dit que le
débat sur la famille aurait lieu après, nous dise ensuite que le
débat sur le mariage a eu lieu avant.
Cette absence de débat sur la conjugalité dans une
société libérale touche à notre incapacité
conjugale à penser le conflit, et c'est aussi une incapacité
politique. Nous ne supportons que l'enthousiasme unanime ou le libre
consentement.
Allons plus loin : dans la "psychanalyse de bazar" qui a commandé
le pseudo débat que nous venons de subir, d'un côté et de
l'autre, par rapport à l'anthropologie, on redécouvre
aujourd'hui, et on croit découvrir, que l'anthropologie n'est pas
naturelle, qu'il y a une histoire des moeurs, etc.. C'est ce que les
Réformateurs ont annoncé au moment de la Réforme :
qu'il n'y a pas d'anthropologie naturelle de ce point de vue là.
Pour autant, tout est-il permis ? Non, cela veut dire justement que c'est
entre nos mains, que c'est sous notre responsabilité. La condition
humaine est entre nos mains. Cela veut dire, je rejoins tout à fait
M. Fassin sur ce point, que c'est l'objet d'un débat politique et
non pas l'objet d'expertises anthropologiques. En même temps, pourra-t-on
ainsi tout changer ? Je ne pense pas qu'on va changer grand-chose. Il faut
relativiser l'enjeu de nos débats. Au fond, en gros, les enfants
continueront à naître d'un homme et d'une femme. A
l'échelle de quelques siècles, nos débats paraîtront
un peu dérisoires...
M. Jacques Larché, président.-
Après
certaines auditions, nous avons eu quelques doutes !
M. Olivier Abel.-
On peut imaginer que des juges confient
des enfants à un couple homosexuel, qu'il pourrait y avoir adoption...
On pourrait discuter de telles choses, mais cela ne changerait rien
fondamentalement. Au fond, le préjugé qui commande le
débat est que l'institution ne concerne que la filiation. Tout le monde
est d'accord : il nous faut, au moins symboliquement, du père, de
la loi, etc.. On ne pense pas l'institution de la conjugalité.
Pourtant, dans l'évangile de Matthieu, Jésus fait des
vitupérations formidables contre la famille, et pour ce qu'il appelle
l'élection, l'alliance. Et dans l'évangile de Jean, il y a cette
parole selon laquelle Dieu peut faire naître de n'importe quelle pierre
une descendance à Abraham. Je dis cela pour jeter un peu d'humour dans
nos débats sur la filiation. Cela nous aiderait à mieux
comprendre que, pendant de longs siècles, le christianisme se soit battu
contre la loi de la famille et pour l'émancipation des individus,
notamment des femmes. Je ne dis pas du tout cela pour attaquer la famille. Au
contraire, c'est très important, la famille, mais, juste pour
"rebrouiller" un peu les cartes. Le débat actuel est trop
simplifié : certains s'arrogent le monopole de la famille, d'autres
le monopole de l'émancipation.
(brouhaha sur les bancs)
Quoi qu'il en soit, pour terminer, et contrairement à ce que l'on croit,
la figure symbolique de la paternité est bien de retour. Certains
démagogues jouent bien sur cette demande. Mais le rôle masculin ne
peut se réduire à l'infantilisme ou à la figure du
père. Où est passée la figure du conjoint, de
l'époux ? Quelle place lui donnent les mères ?
Où sont passés les hommes capables de conjugalité ?
Je le redis, il fallait probablement passer par l'union libre pour
opérer une véritable émancipation de la femme, pour
émanciper pleinement la conjugalité de sa subordination à
la filiation. On l'a fait jusqu'à l'excès, au point que les
enfants ont été subordonnés au bon plaisir capricieux des
conjugalités de leurs parents. Le problème est qu'aujourd'hui,
dans une société où tout est précaire, flexible et
jetable, tout le poids du désir de stabilité et de
durabilité s'est investi du côté de la filiation et du
désir d'enfant. Ce désir est d'autant plus fort que plus personne
ne croit à la conjugalité, je veux dire la possibilité
d'une fidélité vivante, capable de tenir tête au temps,
à la pluralité, à la discontinuité. La filiation
est devenue le seul lieu de notre assurance face au temps. Si nous retrouvions
le sens d'une conjugalité qui sache faire place au temps et au
désaccord, nous aurions moins besoin de la filiation et le débat
redeviendrait alors simplement possible.
M. Jacques Larché, président.-
Merci. Je
sais que chacun, dans son propos, poursuit un objectif. Je crois que vous avez
parfaitement atteint le vôtre, tout à l'heure, tel que vous
l'exprimiez. La parole est à M. le rabbin Senior.
M. le rabbin Senior.-
C'est avec beaucoup
d'intérêt que j'ai écouté les interventions de mes
prédécesseurs. En venant dans cet auguste maison, une
réflexion m'est venue à l'esprit : la société
est faite d'individus qui vivent, qui pensent, qui évoluent avec leurs
moeurs, et que finalement le législateur devaient apprendre à
gérer, à tenir compte et à légiférer sur les
demandes de ces sociétés. Faut-il pour autant répondre
à toutes les demandes ?
On l'a tous senti très fort ; les controverses et les passions
suscitées par ce débat sur le PACS sont, me semble-t-il,
liées au fait que le PACS touche à ce qu'il y a de plus
fondamental pour notre société. C'est un peu la définition
de la famille et, à son point le plus réduit, celui du couple.
Je vous dirai une évidence, mais peut-être a-t-on besoin de la
redire : le législateur recherche le bien et la permanence d'une
société, d'une nation. Cette nation ne peut être forte que
si son plus petit représentant -le couple- est lui installé dans
la permanence et la stabilité. Je me pose la question de cette
société qui, demain, va être façonnée dans
son profil par des lois qui vont faire apparaître des couples où
il y a un homme et un autre homme. Comment vont-ils gérer
l'éducation d'un enfant ? Finalement, n'occulte-t-on pas aussi
cette dimension "psychologie de l'être humain" quand on sera
confronté à ces nouveaux modèles de la famille ?
Quelle société construisons-nous pour demain ?
Au cours de cette réflexion que j'ai puisé dans la sagesse
biblique -celle que je médite-, s'il est vrai que la Bible est un livre
qui est diffusé, je me demande si on la lit assez souvent. Dans cette
Bible, j'ai pris deux repères. D'abord, la création de l'homme et
de la femme. Permettez-moi une lecture en hébreu, la langue originelle
de cette Bible. On y voit une chose intéressante : lorsque Dieu
crée l'homme, il l'appelle " Adam ", qui a donné Adam
en français. Lorsqu'il crée l'homme et la femme, il les appelle
" A Adam " l'homme avec l'article défini. Ce n'est pas
simplement un jeu de mots, c'est pour dire que l'individu ne se réalise
que dans la réunion de ces deux personnes différentes, l'homme et
la femme. C'est cette réunion de la différence qui va permettre
la permanence de ce couple, pas seulement dans cette reproduction sexuée
de l'être qui fait nécessairement appel à un homme et une
femme, mais aussi dans tout ce que cela propose au plan psychologique et
affectif, nécessaire pour le développement des enfants qui vont
former cette famille, qui vont fonder cette société.
Un peu plus tard (dix générations exactement dans le récit
biblique), il y a une histoire souvent mal comprise : c'est celle du
déluge. Je la rappelle brièvement : c'est une
société que Dieu juge condamnée à un échec
tellement important que cet échec va être balayé par ce
fameux déluge. Avec sa famille, un homme (Noé) va construire
cette fameuse arche dans laquelle un échantillon tout entier
d'humanité va être préservé.
En fait, il ne faut pas oublier que, bibliquement, nous ne sommes pas les
descendants du projet d'Adam, mais plus proches des descendances de ce projet
de Noé. Et lorsque les maîtres de la tradition juive analysent les
raisons de cet échec de l'humanité, ils avancent l'idée de
ce que, dans la société de Noé, on a mélangé
les espèces.
Par exemple, lorsque l'on parle de l'apparition de la mule (exemple
donné par les maîtres), qui est un mélange entre
l'âne et le cheval, on dit qu'elle date de l'époque de Noé,
parce que le projet de la société de Noé était une
tentative de redéfinir le modèle familial. Qu'en dit la tradition
juive à travers la lecture de la Bible ? Que c'est un échec.
Que fait alors Noé ? Il va construire une arche. Il est
intéressant de s'arrêter sur la construction de cette arche,
où la tradition va dire qu'il y avait trois étages : le
premier était réservé aux êtres humains, le second
aux animaux et aux vivres, et le troisième servait de décharge
publique, parce qu'on allait y vivre pendant un an. Ce qui veut dire que ce qui
a amené à l'échec des contemporains de Noé, pour
permettre à la société de redémarrer, c'est la
construction du modèle d'un monde où les différences
seront respectées, pour lui permettre une permanence dans le temps.
Cela veut-il dire qu'on ignore le problème des homosexuels et leurs
demandes ? Bien évidemment non. Je crois que les
législateurs pourront trouver des aménagements, des arrangements.
Il y a là un dialogue à ouvrir, une écoute à
offrir. Mais ce qui me semble dangereux dans les enjeux de ces lois qui vont
être votées, c'est le fait de donner une reconnaissance dans la
loi, d'ériger dans la loi une reconnaissance à un nouveau
modèle de la famille, dont je m'interroge sur les chances qu'il a de
durer dans cette permanence.
Voilà les réflexions que je voulais faire aujourd'hui, en
rappelant -je crois qu'on n'a pas le droit de l'oublier- que lorsque l'on fait
une loi, lorsqu'on vote une loi, lorsqu'on instaure une loi, on imprime une
certaine dynamique qui va profiler, façonner la société de
demain. Je crois qu'on doit le faire avec le grand sens de la
responsabilité qui est le nôtre, en mesurant le plus loin possible
dans le temps les conséquences et les effets de ces lois.
Je propose qu'ensemble on rebâtisse virtuellement cette arche de
Noé pour permettre au monde de durer. Car finalement, quel est le sens
de notre démarche, sinon d'assurer le bonheur et la
pérennité de l'humanité ?
M. Jacques Larché, président.-
Je vous
remercie.
La parole est à Monsieur le recteur.
M. Dalil Boubakeur.-
Monsieur le président,
mesdames et messieurs, arrivant après ce qui vient d'être
exposé, et inscrivant naturellement l'Islam dans le cadre des trois
religions monothéistes, il est fort probable que ce que j'ai à
dire du point de vue de ma religion soit déjà indiqué, ou
en tout cas entre dans une conception qui n'aurait rien d'étranger par
rapport à mes frères chrétiens, juifs ou protestants.
Pour l'Islam, le PACS (pacte civil de solidarité), qui vise à
établir un cadre juridique pour des couples qui ne peuvent ou ne veulent
se marier formellement, soulève du point de vue religieux de nombreuses
objections, et des questions qui restent sans réponse. L'Islam suivant
en cela les traditions de la Bible et de l'Evangile (du nouveau Testament) ne
reconnaît aucun statut légitime des couples humains hors de
l'institution du mariage contracté juridiquement devant Dieu et devant
les hommes, avec une répartition, j'insiste sur cet autre aspect du
couple : il y a l'institution du mariage et les conséquences de ce
mariage, qui sont la répartition des droits et des devoirs de chaque
membre de la cellule familiale.
La loi de famille est une loi de nature. C'est la loi de Dieu, c'est une loi
éternelle garante, éprouvée des générations
humaines successives. Ainsi, parents, enfants, mais aussi ascendants et
collatéraux, et par delà même, voisins, amis,
nécessiteux, société ; tous ont un rôle
fonctionnel qui s'articule autour du couple légitime, qui reste
l'élément fondateur à partir duquel, pour nous, tous ces
éléments prennent leur place légitime.
De ce point de vue, la famille constitue une microsociété, une
micro cellule communautaire. Et on sait à quel point, sur le plan de la
religion, l'élément communautaire fait partie intégrante
des dogmes et de la doctrine. La famille est en outre le berceau naturel de
perpétuation des valeurs éthiques, sociales ou spirituelles.
Qui semble donc concerné par le PACS ? A l'évidence, tous
ceux qui, sortant du statut juridique du mariage, veulent établir une
relation reconnue par le législateur. Il ne s'agit plus d'association ni
de contrat privé, tels qu'on les connaît dans les domaines
financiers, sociaux, privés, etc., reconnus pourtant par la loi, mais de
situations de fait de vie commune entre gens de même sexe, de sexe
opposé, et même de frères et soeurs.
Faut-il une loi qui, légitimant des situations privées,
entraîne une nouvelle vision de la société sur
elle-même dans sa généralité ? Si ces
extensions marquent en réalité la volonté d'établir
un cadre légal pour le concubinage et pour l'homosexualité, on ne
peut associer à cette volonté de légiférer tous les
croyants qui considèrent ces moeurs comme des déviances ou des
interdits, comme cela est indiqué dans l'Islam. Le Coran dit
textuellement à propos de la genèse d'Adam et Eve :
"Ô hommes, nous vous avons créés d'un homme et d'une
femme, et avons fait de vous des peuples et nations afin que vous vous
reconnaissiez les uns les autres"
. C'est notre loi.
Si l'évolution de la société fait que les cas
d'homosexualité et de concubinage sont suffisamment nombreux pour
devenir les objets d'une règle de droit, est-on sûr que ces droits
n'iront pas à l'encontre d'autres règles et d'autres
droits ? Le débat passionné que soulève le PACS
montre que le problème n'est pas si anodin, et que l'esprit qui a
présidé à sa mise en oeuvre n'est pas l'expression d'un
consensus d'opinion. En tout cas, pas chez les croyants.
Soyons clairs : l'Islam ne reconnaît que l'institution du mariage
comme relation fondatrice de la famille légitime, le mariage
obéissant lui-même à des règles précises. Le
concubinage, et
a fortiori
l'homosexualité, sont
considérés comme des unions non inscrites dans notre ordre
religieux, social, naturel et légitime. On peut s'inquiéter face
à une évolution où, à la famille déjà
éclatée de cette fin de vingtième siècle, que l'on
déplore aujourd'hui, pourrait succéder la
génération des enfants du PACS. De cet égoïsme, nous
craignons vraiment pour l'avenir. Quelle humanité demain ? Les
sociétés commencent-elles dans le stoïcisme pour finir dans
ce qu'on pourrait appeler l'hédonisme ou la permissivité ?
Pour toutes ces raisons, la position religieuse de l'Islam ne peut absolument
pas être favorable à ce projet, car il y a perte du sens, perte de
la responsabilité des êtres humains vis-à-vis
d'eux-mêmes, de leurs conjoints, de leurs descendants. Rejoignant la
conférence des évêques, pour nous aussi une telle loi
serait inutile et dangereuse.
M. Jacques Larché, président.-
J'ai entendu
avec grand intérêt chacune de vos interventions. Je constate,
à quelques très faibles nuances près, que les orientations
qui sont les vôtres sont très proches les unes des autres. Sans
doute, M. Abel a-t-il souligné le caractère humoristique,
à certains égard, de l'Evangile.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
La question qui se
pose à moi, après vous avoir écoutés tous les
quatre, est de savoir -puisque les homosexuels existent- comment l'Eglise
envisage leur place dans la société.
M. Jacques Larché, président.-
Les
églises.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Pardon, l'Islam
n'est pas une église... Les religions. C'est là la question qui
me tracasse.
M. Dalil Boubakeur.-
Notre réponse
théologique nous ramène au patriarche Abraham. L'ancien
testament fait partie intégrante de la théologie musulmane, et
nous rappelons l'événement du chêne de Mambré
où deux anges rencontrèrent Abraham et Sarah, et avaient
décrété, dès ce moment-là, que...
L'homosexualité est le fait de ce que " faisait le peuple de
Loth ". Il y a une définition quelque peu édulcorée.
Le terme n'existe pas. Mais il est dit ce que faisait le peuple de Loth a
encouru le courroux de Dieu. Ces anges rencontrent Abraham au chêne de
Mambré et étaient chargés par Dieu d'aller punir Sodome et
Gomorrhe. Voilà la réponse théologique du Coran, qui est
très proche de celle de l'ancien Testament.
M. le rabbin Senior.-
Je voudrais répondre
à la question tout à fait judicieuse que vous venez de
poser : comment gère-t-on l'homosexualité ?
Je voudrais parler de mon expérience de rabbin. Je suis également
rabbin de communauté, et suis donc amené à rencontrer des
gens divers, dans des situations humaines et sociales tout aussi diverses.
L'homosexualité est quelque chose qui existe aussi dans la
communauté juive.
J'ai omis tout à l'heure un élément très
important : j'ai voulu distinguer de manière très
précise la prise en charge humaine dans un dialogue (dans un respect,
dans un accueil, dans une écoute de l'homosexuel en tant qu'individu
avec les moeurs qui sont les siennes, sur lesquelles je n'ai pas de jugement
à porter au plan humain) de l'acceptation de cet état de choses
au plan légal, dans une reconnaissance légale (où,
là, je voyais un danger).
Dans la pratique de tous les jours, je m'étais bien sûr
rapproché de psychiatres et de psychanalystes, parce se pose toujours la
question de savoir si l'homosexualité est une pathologie, si c'est un
phénomène de l'environnement, avec les grands débats que
cela a suscités. Pas d'attitude d'exclusion ou de rejet du
côté de la synagogue ; une attitude d'écoute, mais non
pas d'acceptation d'un fait de vie intégré dans un projet de
société.
C'est très important. La question s'est posée ; je l'ai
vécue de manière très forte quand le SIDA est apparu de
manière très médiatique. Nous sommes allés dans les
hôpitaux accompagner, malheureusement en fin de vie, des gens atteints du
SIDA. Evidemment, l'attitude spirituelle d'un leader de communauté est
d'aller écouter, apporter du réconfort, et en aucun cas de juger
ou de blâmer un individu. Il est très important de conserver cette
écoute dans la relation sociale. Mais il faut aussi être
très clair et honnête : à la chaire de la synagogue,
je ne peux pas accepter cela comme un fait de société, ni le
reconnaître en tant tel.
M. Jacques Larché, président.-
Merci,
Monsieur le rabbin.
Mgr Vingt-Trois.-
Je voudrais simplement ajouter qu'il y a
deux aspects différents. Le premier, c'est que l'on parle beaucoup
trop de l'homosexualité comme d'une abstraction universelle
indéfinie. En fait, l'homosexualité
comme l'hétérosexualité, ce sont des personnes qui vivent
une sexualité dans des situations différentes. On ne peut pas
classer globalement tout le monde sous le même chapiteau.
Certaines personnes ont des tendances homosexuelles réelles, et ne
passent pas nécessairement à l'acte. D'autres ont une relation
homosexuelle épisodique ; d'autres encore sont établis dans
une relation homosexuelle durable. Ces différentes catégories ne
relèvent pas du même regard juridique, et ne constituent pas la
même réalité. Nous sommes devant un fait pluriel.
Il me semblerait donc plus raisonnable et plus simple de partir des
problèmes réels, effectifs, et d'essayer d'y proposer des
solutions légales ou réglementaires qui évitent des
injustices absolument scandaleuses, comme il en a été
signalé. Il faut voir que ces injustices, d'autant plus douloureuses
qu'elles se situent dans des périodes critiques de l'existence, ne sont
pas l'universalité de toutes les situations homosexuelles. Ce sont des
situations définies que l'on peut identifier et auxquelles on peut
apporter des remèdes. Il faut reconnaître aussi que
peut-être, faute de conseils, de clarté ou d'accessibilité,
toutes les ressources du droit actuel n'ont pas été
utilisées. Pourquoi ? Parce cela paraît compliqué,
c'est difficile, il faut se retrouver dans le maquis, etc... Mais qui nous dit
qu'on sera plus à l'aise dans un nouveau dispositif
législatif ? Ce n'est pas sûr.
Second élément que je voulais signaler : La question de
fond, pour nous, tel que nous percevons les choses, est de savoir si, comme
cela a été dit précédemment par l'un ou l'autre,
l'homosexualité ou l'hétérosexualité est
indifférente par rapport à la structure et au fonctionnement de
la société. Autrement dit, la reconnaissance par la
société d'un rôle identique à des couples
hétérosexuels ou homosexuels a-t-elle des effets sur son propre
fonctionnement ? Nous pensons que oui ; d'autres peuvent penser que
non.
M. Olivier Abel.-
Je crois que ce que vient de dire
Mgr Vingt-Trois est très important. Pour moi, c'est un vrai
problème, une vraie perplexité. Quelqu'un peut dire :
"J'aime, et par hasard, j'aime quelqu'un du même sexe que moi.". Cette
situation peut peut-être se résorber facilement dans
l'élargissement de l'union libre, du concubinage, dont j'ai
déjà parlé.
Mais, quelqu'un qui dit : "Non, moi je suis homosexuel. C'est quelque
chose qui pour moi est définitif, c'est mon identité", qui
éprouve cela comme une situation fragile et vulnérable dans la
société, et qui demande quelque chose comme une institution de
son lien plus durable, l'union libre ne sera pas une solution... Or, moi, je
dis que tout ce qui encourage la fidélité et la durabilité
dans notre société est bon. C'est la raison pour laquelle je
dirais volontier, là aussi, oui, il faut une institution
spécifique. Cependant, je dis oui de manière plus perplexe :
cette institution sera-t-elle ou non un mariage ? Assurera-t-elle le droit
à la filiation ou non ? Ici, les protestants sont apparemment assez
unanimes pour penser que non. Vous le voyez, on entre dans des questions plus
compliquées. C'est pourquoi je voulais distinguer davantage ces deux
niveaux, qu'il me semble important de distinguer, sans peut-être trop les
passionner non plus.
Pour cela, il faut commencer par "décoller" la problématique de
la conjugalité de celle de la filiation. En gros, c'est parce que notre
société avait longtemps, longuement, pendant des siècles,
en tout cas deux siècles, pas plus, c'est assez récent,
subordonné la conjugalité entièrement à la
filiation, qu'il a fallu émanciper la conjugalité.
Peut-être que maintenant nous sommes allés trop loin dans l'autre
sens, et qu'il faut remettre, réencadrer davantage la filiation, et
protéger davantage les enfants. Le lien entre un parent et un enfant
n'est pas un contrat, ce n'est pas contractualisable. Alors que le que lien
conjugal est un contrat, une alliance, un accord qui comprend
éventuellement la possibilité du désaccord, et qui doit
donc, plutôt que de penser la répudiation, penser le divorce comme
une sorte de limité de la conjugalité elle-même.
Voilà ; peut-être qu'en séparant les choses, on
dédramatise un peu.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.-
Monsieur Abel, je voudrais vous poser une question
complémentaire un peu en marge. Vous avez dit tout à l'heure que
le mariage n'était pas un sacrement. Est-ce votre conception, ou celle
du protestantisme ?
D'autre part, comment expliquez-vous qu'un certain nombre de pasteurs, dans
certains pays, aient procédé à des mariages
d'homosexuels ?
M. Olivier Abel.-
Je connais insuffisamment la culture
d'autres pays pour pouvoir en parler. Dans l'éthique protestante de la
conjugalité, l'éthique puritaine met à
égalité l'homme et la femme et pense le mariage comme un accord
dont on sait qu'il peut être trahi. C'est pourquoi Calvin autorise le
divorce. John Milton, le poète puritain, le poète de la
révolution de Cromwell, fait un éloge du divorce parce que le
divorce c'est la liberté, c'est la possibilité de la
liberté. C'est important historiquement pour comprendre les
différences de cultures.
Vous demandez pourquoi le mariage n'est pas un sacrement. Dans la
théologie protestante, le mariage n'est pas un sacrement comme dans la
théologie catholique ; ce n'est pas du tout le cas de la
théologie catholique. Entre nous il y a une différence culturelle
qui est très riche sans doute, parce qu'on a des choses à
apprendre les uns des autres. Mais, il y a aussi une condition historique
à cause de laquelle, pour les protestants français, le mariage
n'est pas un sacrement mais un acte civil et civique : en 1787, au
moment de l'Edit de tolérance, la conquête du mariage comme un
acte laïc, un acte civil, enregistré par le curé, mais au
nom de l'Etat, et pas du tout au nom de la religion catholique, était
comme une libération pour les protestants.
Pour nous, le fait que le mariage soit un acte laïc permettant de tisser
aussi les communautés entre elles (cela permet le mariage mixte), est
quelque chose de tout à fait fondamental dans notre conception du lien
républicain. Mais c'est une situation historique du protestantisme
français.
C'est pourquoi, plutôt que de laisser le mariage devenir le monopole des
traditionalistes, je préférerais qu'on remette
complètement le mariage sur le métier pour le repenser tous
ensemble, pour en refaire un lien républicain fondamental, et pas un
"machin ringard".
M. Jacques Larché, président.-
Il y a un
mot que nous n'aimons pas dans cette maison, c'est le mot "ringard".
M. Dalil Boubakeur.-
Pour nous également, le
mariage n'est pas une sanctification ; c'est un contrat. Mais à la
différence de ce que vient de nous dire M. le pasteur, c'est
un contrat social et non pas laïc. C'est un contrat qui fixe
l'adhésion d'un couple pour fonder une famille, mais il a pour
conséquence de structurer descendants, ascendants, collatéraux,
fils, etc., dans des droits assez précis, et qui sont d'une nature
juridique proche de la nature sacrée de ces liens. Il y a donc une
certaine proximité entre le mariage musulman et le mariage protestant
puisque chez nous aussi la séparation est prévue, selon
différents modes.
M. le rabbin Senior.-
Je dois prendre le
contre-pied, parce que le mot "mariage" se dit "
kedouchime
*" dans la
tradition juive, ce qui veut dire "sanctification". La tradition juive va
très loin dans la notion du mariage puisque le Talmud rapporte qu'un
homme ou une femme qui ne sont pas mariés sont considérés
littéralement comme des êtres inachevés.
C'est-à-dire que l'accomplissement de l'individu ne se réalise,
au point le plus épanouissant, qu'à travers le couple. Vous voyez
qu'on est loin du PACS dans cette conception de la famille, parce qu'elle est
la brique qui construit tout l'édifice de la société.
C'est une conception qui engage une fidélité absolue, autant de
la femme que de l'homme.
M. Jacques Larché, président.-
Mes chers
collègues, y a-t-il des questions ?
(non)
Nous vous remercions de votre présence parmi nous. Vous nous avez, les
uns et les autres, avec des nuances et des contre-pieds quelquefois, beaucoup
éclairés.
La séance, suspendue à 11 heures 45, reprend
à 12 heures.
4) Audition de :
- Mme Geneviève Delaisi, psychanalyste
- M. Samuel Lepastier, pédopsychiatre et psychanalyste.
M. Jacques Larché, président.-
Nous reprenons
nos auditions après les auditions particulièrement denses que
nous avons entendues. Sont donc avec nous Mme Delaisi, psychanalyste, et
M. Lepastier, pédopsychiatre et psychanalyste.
La parole est Madame Geneviève Delaisi.
Mme Geneviève Delaisi.-
Monsieur
le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je
vous remercie tout d'abord de m'avoir invitée, et d'autre part de
m'écouter à cette heure tardive.
La montagne des écrits, des débats publics et privés,
passionnés, passionnants, et des débats parlementaires à
l'Assemblée nationale, a -si vous me permettez cette métaphore
cavalière- accouché d'une sorte de souris transgénique,
hybride, telle que je la vois, entre le mariage et l'union libre. Cette souris
a néanmoins le mérite d'exister, et j'essaierai de faire quelques
brefs commentaires en la traitant avec respect et dignité.
Permettez donc à la psychanalyste que je suis, qui a une certaine
bouteille et qui écoute depuis vingt ans, en particulier des
couples en souffrance par rapport à la question de l'enfant, en mal
d'enfant, de livrer des commentaires qui ne sont guère juridiques, mais
qui concernent tout de même le dit de cette proposition de loi, et aussi
un peu son non-dit.
Alors en ce sens, que m'inspire le PACS tel qu'il est voté en
première lecture ? Il donne, c'est évident, une
définition pragmatique du couple : l'organisation de la vie
commune, une sorte de communauté de lit et de toit, conférant un
statut tant matériel que symbolique à ces couples, à un
certain nombre de couples et futurs "pacsés", statut symbolique
intermédiaire entre l'union libre et le mariage.
Cette proposition a le grand mérite de prendre acte de la
désaffection de nos contemporains à l'égard du mariage (il
y a cinq millions de personnes non mariées en France) et de
l'augmentation énorme du taux des divorces. Je salue ici le courage de
la définition du couple qui est donnée dans cette proposition de
loi ("deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe")
qui confère ainsi une reconnaissance aux quelques
60 000 couples homosexuels de notre pays, qui sont nos concitoyens
à part entière. Cette communauté de lit et de toit est, me
semble-t-il, plus ou moins bien "ficelée", mais vous êtes
là pour l'améliorer.
En tout cas, telle qu'elle est, elle est tout à fait lisible, sauf pour
moi l'article 10 sur les fratries, qui pour une psychanalyste confine
à l'inceste, et d'ailleurs invalide complètement la
définition du couple donnée à l'article 515-1. Je ne
veux pas enfoncer des portes ouvertes, mais il y a là une aberration que
l'on peut comprendre dans la stratégie de ces débats, mais qui
est totalement absurde.
J'en viens au second point, qui au fond est plus de mon ressort, à la
fois comme psychanalyste mais aussi comme citoyenne, mère de famille,
mère et grand-mère. La violence des débats qui ont lieu
autour de ce sujet a permis, à mon avis, de mettre à jour les
résistances de nos contemporains, non pas simplement sur la question de
l'alliance, sur la définition du couple, mais sur les droits auxquels
pourrait donner lieu ultérieurement cette alliance, c'est-à-dire
l'accès à la filiation. Comme l'a dit Olivier Abel, le lien
entre conjugalité et filiation est, au fond, le nerf de la guerre de
cette proposition de loi.
Toujours dans la lecture que j'en fais, ayant suivi cela très
attentivement, on a assisté à un débat sur ce qui pourrait
être un critère de la bonne parentalité. La question de
fond est : qu'est-ce qu'un bon parent ; qu'est-ce que le moins
mauvais parent possible ; qu'est-ce qu'un parent acceptable ? Y
aurait-il un critère objectif de la bonne parentalité ?
Cette proposition de loi donne une réponse. Elle répond oui, il y
a un critère de bonne parentalité. Je vais vous dire ce qu'il
est, dans ma lecture : le projet de loi dit que les couples
"pacsés" hétérosexuels pourront, comme les concubins en
union libre, avoir accès à la filiation, pourront recourir
à l'AMP, et peut-être bientôt adopter. Pour l'instant, ils
ne peuvent pas adopter, mais à mon avis la réforme de
l'accès à l'adoption pour les concubins
hétérosexuels est dans l'air du temps. En tout cas, c'est pour
bientôt. De toute façon, un membre d'un couple concubin peut
toujours faire une demande d'adoption en se présentant comme un parent
célibataire.
La réponse donnée par la proposition est donc : "oui aux
enfants pour les concubins, les futurs "pacsés"
hétérosexuels ; non pour les futurs "pacsés"
homosexuels qui n'auront droit ni à l'AMP ni à l'adoption". Le
critère objectif, la réponse du projet de loi, se présente
donc ainsi clairement : pour avoir accès à la
parentalité, il faut, et il suffit d'avoir, une sexualité
hétérosexuelle, ou en donner l'apparence en tout cas.
Je sais que ce n'est pas dans la loi française, mais j'ai ici un
document (malheureusement extrêmement banal), qui est la lettre de
réponse d'un président de conseil général, toute
récente, à une personne, une femme célibataire qui
demandait à adopter un enfant, et qui a eu l'honnêteté de
se présenter comme vivant en couple homosexuel. Il lui refuse
l'agrément en disant : "en effet, des réserves d'ordre
psychologique sont soulignées en raison de votre vie de couple
homosexuelle. Ce mode de vie est générateur de difficultés
importantes pour l'enfant, tant dans sa construction psychique que pour son
intégration sociale".
En tant que président de conseil général, ce monsieur a le
droit de penser cela, mais je pense que ce n'est pas au législateur de
savoir si le mode de vie de couple homosexuel est générateur de
difficultés importantes pour l'enfant, dans sa construction psychique et
dans son intégration sociale. Or, c'est au fond un peu ce que la loi sur
le PACS répond : oui à la procréation
médicalement assistée pour les concubins
hétérosexuels, non pour les concubins homosexuels.
A mon sens, il y a beaucoup de naïveté à considérer
que le critère garantissant un bon développement pour l'enfant
serait l'hétérosexualité du couple de parents.
L'hétérosexualité d'un couple n'est nullement une garantie
pour être un parent. Sans faire de démagogie, je vous renvoie
à tout ce qu'on lit, ce à quoi on assiste en matière de
mauvais traitements et d'abus sexuels à enfants, qui sont pour la
majorité pratiqués par des parents hétérosexuels.
Je ne veux pas être négative, je crois que la question de fond est
là. Si on voulait chercher un critère garantissant un bon
développement pour l'enfant, il faudrait alors revoir l'ensemble de
l'architecture du droit de la famille, et c'est ce que je vous propose de
faire, mesdames et messieurs les sénateurs. Il faudrait s'interroger sur
la pratique des procréations avec donneurs anonymes qui, en bonne
logique clinique, sont à mon sens des facteurs de risque aussi
importants que ceux que l'on pourrait attribuer à l'homosexualité
d'un couple.
Je pense au problème de l'image du père, de la carence de l'image
du père dans les cas d'IAD, au problème du vécu de la
stérilité par le couple. De la même manière,
l'adoption n'est pas sans risque non plus, même si les parents adoptifs
sont évidemment hétérosexuels. Enfin, l'adoption par une
personne seule ne me paraît pas du tout dépourvue de risque non
plus. C'est une périphrase, car je pense que l'adoption par une personne
seule (qui est autorisée par la loi) encourt des risques pour le futur
développement de l'enfant.
Je termine par cette conclusion très humble : il me semble que
l'humilité s'impose dans le jugement que nous devrions avoir, nous,
société, face aux nombreuses configurations familiales
évolutives que les lois ont accompagnées depuis deux ou trois
décennies, qui se déclinent sous nos yeux, je vous les rappelle,
mais je crois qu'il faut les rappeler ici car elles font partie de ce
même paysage et de la même question : couples concubins
(homosexuels ou hétérosexuels) ; parents seuls ;
familles recomposées ; familles multicomposées après
assistance médicale à la procréation, avec donneurs de
gamètes et donneurs d'embryons ; familles adoptives (avec toute
cette question en arrière-plan de l'adoption, question de l'accouchement
sous X, qui à mon avis fait aussi partie du débat, de
manière implicite) ; enfin, les familles d'accueil et ces fameuses
familles homo parentales que l'on commence à connaître maintenant.
Je vous propose -en tout cas c'est ma propre démarche- de nous laisser
interroger par la réalité de ces nouvelles familles, en les
étudiant de près, chacun avec ses outils de travail et d'analyse
et, surtout, en élargissant la question à toutes ces familles
qu'on pourrait mettre, au fond, dans une même enveloppe que je pense non
réductrice, que j'appellerais les "familles atypiques" qui existent en
France depuis plusieurs décennies.
Et c'est pourquoi il me semble qu'il s'agit là d'une réforme
beaucoup plus large de l'architecture du droit de la famille telle qu'elle est
sans doute envisagée par la commission. Cela dépasse la question
de cette proposition de loi sur le PACS qui, telle qu'elle est, doit être
certainement améliorée.
Repensons ces nouveaux enjeux, et pensons un peu à l'avenir -je rejoins
là Eric Fassin-, aux cinq ou dix années à venir et ne
votons pas une loi qui bloquerait les choses dans le futur débat.
Merci de votre attention. Je suis toute prête à répondre
à vos questions, si vous en avez.
M. Jacques Larché, président.-
Merci
Madame.
La parole est à Monsieur Samuel Lepastier.
M. Samuel Lepastier.-
Monsieur le président,
mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir
invité. Il m'a été demandé de traiter le sujet des
enfants d'homosexuels. Je me situerai uniquement sur un plan clinique et
scientifique. Je ne suis pas juriste. Je m'abstiendrai également de tout
jugement moral.
J'ai été très surpris par ce qui m'a été
demandé, car je n'ai jamais rencontré de ma vie d'enfant
d'homosexuels ! Tout enfant naît d'un père et d'une
mère. Même s'il y a des artifices de procréation, il s'agit
bien de cellules germinales qui, au moins pendant un temps, ont
été portées par un homme et une femme. C'est dire que
placer le débat sur la parenté homosexuelle, c'est
déjà faire dériver les questions et occulter l'essentiel.
Pour voir plus clair, je vous propose tout d'abord de nous interroger sur les
raisons réelles qui font que l'homosexualité est rejetée.
A partir des réponses qui sont données à ces
réactions négatives, nous pourrons nous interroger pour savoir
si, dans ce que nous mettons en avant, il n'y a pas de notre part
également des réactions négatives, rétrogrades ou
frileuses.
Le premier point, en effet, c'est que l'homosexualité n'est ni une
maladie ni une perversion. Selon le psychanalyste français
Francis Pasche, il s'agit d'une particularité du choix d'objet. En
effet, s'il s'agit bien au sens statistique du terme d'une déviation par
rapport aux pratiques les plus courantes, de toutes les déviations
sexuelles, c'est la seule qui permette dans certains cas une relation d'objet
stable avec des échanges d'amour dont,
a priori,
on peut penser
qu'ils ne diffèrent pas significativement des échanges qui ont
lieu entre partenaires de sexe différent. C'est le premier point.
Le regard sur l'homosexualité a été modifié au
vingtième siècle par les travaux de Freud sur la psychanalyse. En
1905, dans les "Trois essais sur la théorie sexuelle", il montre
que les homosexuels ne sont en rien des dégénérés,
que chez eux peuvent coexister des mouvements éthiques extrêmement
élevés, et il ajoute qu'un certain nombre de grands hommes dans
l'histoire de l'humanité ont été homosexuels ou bisexuels.
En 1920, il ne donne pas suite à la demande de traitement
formulée par ses parents d'une jeune fille homosexuelle en ne retrouvant
pas chez elle de troubles psychiques.
Pour nous en tenir à notre seul pays, et à la littérature
du vingtième siècle, on peut dire que des auteurs d'origine et
d'orientation différentes comme André Gide,
Marcel Proust, Henri de Montherlant, Louis Aragon,
Julien Green, appartiennent à notre patrimoine et contribuent
à notre identité. Du côté des femmes, je citerai
Colette et Marguerite Yourcenar, et la liste n'est pas close.
Alors la question qui se pose est : pourquoi une réaction
négative ? Vous me pardonnerez certains termes un peu crus, mais
traiter quelqu'un de fétichiste n'a jamais été ressenti
comme une insulte, alors que de s'entendre traiter d'homo ou de
"pédé" entraîne, chez beaucoup d'hommes, une
réaction particulièrement agressive.
De plus, il y a actuellement tout un mouvement américain qui tendrait
à placer pratiques homosexuelles et pratiques
hétérosexuelles sur un strict plan d'identité. En 1973,
l'association américaine de psychiatrie a rayé
l'homosexualité de la liste des troubles mentaux. En 1975, l'association
américaine de psychologie a déclaré qu'il n'y aurait pas
de différence entre les enfants élevés par des couples
homosexuels et les enfants élevés par des couples
hétérosexuels.
Mais là où le bât blesse, c'est que l'association
américaine de psychologie recommande aux candidats devant rédiger
une thèse -cela figure dans un manuel tout à fait officiel- de ne
pas indiquer le sexe des sujets qu'ils interviewent. Il est écrit :
"he or she" est un terme lourd et déplacé, alors que "a
person" est quelque chose d'élégant et qui ne préjuge
pas"
. On voit donc là jusqu'à quel point va le refus de
prendre en compte la différenciation sexuelle.
A côté de cela, nous observons des réactions de rejet
vives. Plutôt que le terme d'homophobie (qui ferait que d'un
côté il y aurait les bons, et de l'autre les mauvais), je
préfère parler de paranoïa. En effet, il s'agit bien de
réactions paranoïaques. La réaction paranoïaque qui
vise l'homosexualité vient précisément du fait que ce qui
détermine la paranoïa est la crainte inconsciente de
l'homosexualité.
Dans son travail sur le Président Schreber, Freud montre que le
mécanisme du délire paranoïaque (à savoir
persécuté / persécuteur) est le retournement
d'un certain nombre de phrases. Le sujet se sentant attiré par un autre
homme, se sentant également devenir femme, pense : "je l'aime, lui
un homme, moi un homme". Ensuite, cette phrase se transforme en disant :
"il n'est pas possible que je l'aime, je ne l'aime pas, je le hais". La haine
étant à ce moment-là également une pensée
négative, cela se transforme en "il ne m'aime pas, il me hait". Et nous
tombons donc dans un système de
persécuteur / persécuté. C'est ce que nous
rencontrons dans la vie sociale, et c'est en effet la question de
l'homosexualité psychique.
Il faut reconnaître que si l'homosexualité agie est assez
largement mise en évidence ; l'homosexualité psychique reste
du domaine du tabou. J'ai été interviewé dans
L'Express
sur la paranoïa, au mois d'août. La phrase que j'ai dite sur
l'homosexualité psychique et paranoïa n'est pas passée dans
l'interview (que je n'avais pas relue) qui a été publiée.
A une certaine époque on a dit, certains chercheurs ont dit : "s'il
est vrai que la paranoïa est en effet liée à une
non-acceptation de l'homosexualité inconsciente, faisons des
études pour voir si les homosexuels, eux, sont moins paranoïaques
que les autres". On a même pensé qu'en Californie, on devrait
rencontrer beaucoup moins de paranoïaques. Ces questions ont
été très sérieusement soulevées par des
auteurs comme Grunbaüm en vue de tester la théorie freudienne de la
paranoïa.
En réalité, le fait d'agir l'homosexualité ne supprime pas
la crainte de l'être. L'homosexualité psychique n'est pas
l'homosexualité agie. Chez quelques homosexuels, mais pas tous, nous
observons un renversement de cette phrase qui consiste à dire : "je
ne l'aime pas, il ne m'aime pas, il me hait" ; chez eux, c'est
plutôt : "je l'aime, moi un homme, lui un homme". Mais à ce
moment-là, cela se transforme en : "ils me haïssent parce que moi,
un homme, j'aime un autre homme". C'est-à-dire que la culpabilité
est projetée sur la société tout entière, à
laquelle il est constamment demandé de rendre des comptes. Cela explique
d'ailleurs que, dans un pays comme le nôtre, où il existe une
très large tradition (dont je suis particulièrement fier) de
tolérance à l'égard des homosexuels, on ne cesse de nous
dire qu'il y a un problème et c'est une importation du modèle
américain : dans notre pays, depuis longtemps, je ne crois pas que
l'homosexualité ait jamais présenté une difficulté
majeure sur le plan social. Donc, ce qui est toujours demandé à
la société, c'est de faire en sorte qu'elle répare, ou
qu'elle annule, le préjudice qu'elle est supposée subir.
En d'autres termes, chez un certain nombre d'homosexuels, il y a un déni
de leur conflit psychique. Le modèle prévalant d'un certain
nombre d'associations de militants homosexuels est inspiré implicitement
des Etats-Unis, avec l'idée qu'il s'agit d'une affection
génétique. Dean Hamer a publié en 1993 dans la revue
Science un article disant que l'homosexualité était une maladie
génétique portée par le chromosome X. A partir de
là, tout devient logique. Il faut assumer son homosexualité comme
on assume un défaut de naissance, comme on assume sa
judéïté, sa négritude, ou que sais-je encore. On nous
décrit des modèles où, se sachant différent des
autres, il faut savoir accepter sa différence et plus on l'accepte
tôt, et mieux les choses iraient.
Seulement, le modèle communautaire est inexact pour deux raisons. La
première, c'est qu'il y a une plaisanterie américaine qui demande
quelle est la différence entre un noir et un homosexuel, la
réponse étant que, lorsqu'on est noir, on n'a pas besoin de le
dire à sa mère.
(Hilarité)
Second point. Comme l'a relevé l'immunologiste Bernard Jordan dans
un article paru dans
La recherche
en juillet 1998, la
théorie de l'origine génétique de l'homosexualité
est fausse. Il s'agit, d'une certaine façon, d'une dérive
scientifique. Le titre de l'article est :
"Du gène de
l'homosexualité à celui de la criminalité, en passant par
les médias"
. Le procédé est toujours le
même : on annonce, à grand renfort de publicité, une
découverte sur le point d'être faite ; elle est ensuite
démentie, mais le démenti est beaucoup plus discret que l'annonce
de la découverte. Dean Hamer a fait l'objet d'une procédure pour
faute éthique à propos de son article. Ce qui fait qu'aujourd'hui
plus personne ne croit à l'origine génétique de
l'homosexualité, mais il n'empêche qu'au moins, les homosexuels
américains ont un comportement et des conduites fondés sur lui.
Ils demandent à ce que l'on reconnaisse leur différence.
De ce fait d'ailleurs, toute la littérature américaine qui
tendrait à prouver, par exemple, que les enfants élevés
par des homosexuels ne se développent pas de façon
significativement différente des enfants élevés par des
couples hétérosexuels, est relativisée et doit être
critiquée.
Tout récemment, l'auteur Cameron, dont malheureusement je ne connais pas
très bien les travaux, a publié un article disant que les membres
de l'association américaine de psychologie avaient sans doute commis une
faute éthique grave en affirmant qu'il n'y avait pas de
différence entre les enfants élevés par des homosexuels,
et les enfants élevés par des couples autres. Peut-être
est-il inspiré par une idéologie que je ne connais pas, je n'en
discute pas, mais l'analyse qu'il donne est tout à fait convaincante,
puisqu'il dit que l'avis de l'association américaine de psychologie a
été fondé sur des échantillons de taille
réduite, que cela se fondait simplement sur 89 cas dans tous les
Etats-Unis, que l'échantillonnage n'était pas aléatoire,
et que les réponses pouvaient éventuellement être
biaisées.
C'est ce que nous voyons bien, d'ailleurs, dans la pratique clinique : il y a
un très grand écart entre ce qui est affirmé à un
niveau militant, et ce que nous voyons au cours de nos rencontres
thérapeutiques. C'est quelque chose dont vous pouvez trouver
confirmation dans le très intéressant livre édité
par M. Dubreuil,
Actes du colloque familles gays et lesbiennes en
Europe*
. Les exposés en séance plénière sont
péremptoires, mais si on lit les discussions en ateliers, les choses
sont beaucoup plus nuancées : certains parents se sont plaints de
cette langue de bois qui voudrait qu'il n'y ait pas de problèmes. On ne
voit pas très bien, il y a là quelque chose de totalement
illogique, qui voudrait que les parents homosexuels soient les seuls qui ne
rencontrent aucune difficulté avec leurs enfants.
Allons un peu plus loin. Lorsqu'il est demandé que la loi permette
l'adoption par des couples homosexuels, nous nous trouvons devant une situation
totalement inédite. Il ne s'agit pas -comme cela a pu être le cas
pour le divorce, pour l'avortement, pour la contraception- de mettre en accord
ce qui se faisait dans la pratique sociale, avec des dispositions
législatives. Ce qui vous est demandé ici (ce n'est pas dans le
texte mais cela viendra), c'est de légitimer une situation qui n'existe
pas.
A l'heure actuelle, il n'y a aucun enfant qui ne connaisse son père ou
sa mère, ou qui ne puisse se poser la question de son origine par
rapport à son père et sa mère. Ce qui est demandé,
à savoir qu'un couple d'adultes de même sexe puisse adopter un
enfant, c'est de créer une fiction légale qui n'a pas
d'équivalent aujourd'hui. On demande donc à la loi de
créer quelque chose, une nouvelle catégorie. Et cela, en effet,
nous questionne sur les raisons qui poussent à ce geste.
Je crois qu'on ne saurait mettre en doute la capacité d'amour des
homosexuels à l'égard des enfants. S'il y a des abus, on les
retrouve bien entendu dans des tas d'autres configurations. La question n'est
pas là, ils relèveraient d'ailleurs de la sanction pénale.
Ce qui est en cause, c'est ce problème d'institutionnaliser le lien de
filiation.
On peut se demander : pourquoi cette demande ? Pourquoi ce
déni de la réalité biologique ? Si nous admettons, en
effet, que l'homosexualité n'est pas d'origine biologique -les
associations homosexuelles en France ne l'ont jamais vraiment cru-, si nous
admettons que la pression sociale - je crois que, là aussi, tout le
monde l'admet- pousserait à l'hétérosexualité -ce
dont les homosexuels se plaignent justement-, il ne reste plus qu'à
mettre en évidence une influence psychologique et parentale dans le
développement de l'homosexualité.
Pour les psychanalystes, la pratique homosexuelle exclusive renvoie à
une fixation dans le développement psychologique, avec une crainte de
l'autre sexe et, paradoxalement d'ailleurs (et c'est très
intéressant sur le plan conceptuel), un refus de la différence.
Les homosexuels parlent constamment du droit à la différence, que
je leur reconnais volontiers. Par contre, être homosexuel c'est faire un
choix d'objet amoureux de même sexe, c'est ne pas être
attiré par la différence ; c'est une valorisation du
narcissisme. Pour les homosexuels hommes, une valorisation du phallus, et une
crainte de la femme justement parce que, différente d'eux : elle
est menaçante.
Il y a un problème très intéressant sur lequel on ne s'est
pas suffisamment interrogé : beaucoup d'homosexuels refusent l'usage des
préservatifs. Ce ne sont sans doute pas des considérations
morales qui les arrêtent, mais bien l'idée que l'usage du
préservatif réintroduit la possibilité d'une limite, d'une
faille, d'une protection, alors que dans les pratiques homosexuelles, il s'agit
justement de nier toutes ces limitations de la condition humaine. A tous les
âges de la vie il y a davantage de suicides chez les homosexuels que chez
les hétérosexuels et ce n'est pas seulement pour des raisons
sociales mais bien parce que toute défaillance est vécue comme
une blessure narcissique intolérable.
Ce que je souhaite montrer, c'est que la pensée, très tôt
(et c'est une découverte de la psychanalyse qu'on ne peut pas
contester), se construit à partir de repères anatomiques. Un
exemple : attester et testicules, proviennent du même mot. Nous nous
construisons constamment par rapport à une réalité
anatomique de parents de sexe différent. Etre institué comme
enfant de parents de même sexe (non pas être élevé
par deux parents de même sexe), c'est porter déni sur cette
représentation corporelle. C'est non pas se trouver devant le risque
-qui me paraît tout à fait secondaire- de devenir homosexuel
à son tour, mais bien d'être placé dans une configuration
où l'accès à la pensée n'est pas possible, puisque
justement cette réalité duelle ne sera pas prise en compte.
Ce que nous observons dans quelques cas (pas dans tous bien entendu, parce
qu'il y a toujours des passerelles et des voies de recours), ce sont, chez les
enfants d'homosexuels qui sont élevés dans ce déni de la
différence des sexes, soit une passivité massive, une
incapacité à affronter la vie, soit -et je reviens à mon
point de départ- des réactions de type paranoïaque. Il n'y a
pas de raison de penser que des enfants, placés dans les mêmes
circonstances que certains adultes, réagiraient de façon
différente.
J'ajoute enfin que nous manquons énormément de recul. Il y a
trente ans, en 1968, les homosexuels américains, pour se
définir, ont adopté et imposé le terme
gay
(comme
on dit gay Paris) : l'idée de parentalité était alors
absente. Ce désir n'est pas inscrit comme une
nécessité : c'est un effet de mode dont rien ne dit qu'il
persistera au cours des prochaines années.
Pour terminer, j'ai reçu ce matin le programme de la prochaine
réunion scientifique mensuelle de la société
psychanalytique de Paris, c'est une conférence du
Docteur Perel Wilgowicz :
"Identification vampirique,
déni de la naissance et de la mortalité, infanticide et
matricide"
. Cette réunion est organisée par rapport à
tout ce qui a pu se passer lors de la dernière guerre mondiale.
L'identification vampirique est une identification à son semblable, mais
qui en même temps le pousse à la destruction. La question qui se
pose est de savoir si, dans le cas d'un système très proche du
clonage, où il y a deux parents et un enfant de même sexe, on ne
se retrouve pas devant cette même configuration vampirique ?
Nous n'avons pas le droit de dire que nous ne savons pas. Il y a là un
problème épistémologique majeur : chaque fois qu'on
propose une nouveauté, il faut montrer qu'elle présente un
avantage par rapport à ce qui existe déjà. Pendant la
guerre aussi, on disait qu'on ne savait pas, et on sait, en effet, quelles
lâchetés ont été ainsi couvertes. Je vous remercie.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
On a parlé
de Freud, on n'a pas parlé de Lacan. Y a-t-il une explication, chez
Freud ou chez Lacan, de l'homosexualité ?
M. Samuel Lepastier.-
Oui, je viens de vous la donner,
à savoir qu'il y a en effet une fixation à la mère, de
façon très schématique. De ce fait, le désir, qui
était primitivement porté vers d'autres femmes, se trouve
uniquement sur la mère, et à ce moment-là il n'y a que
d'autres hommes qui sont possibles. Etre homosexuel, c'est d'une certaine
façon rester fidèle à la mère. Ce qui
différencie Freud et Lacan -je crois que c'est important- c'est que
Freud s'intéresse beaucoup au corporel, à la pulsion, à ce
qui se passe à partir de la biologie, alors que Lacan s'est placé
dans une perspective beaucoup plus symbolique et structuraliste, ce qui fait
qu'il s'est placé très loin des questions du corps.
Lui-même étant une glose de Freud, on peut faire des gloses
à l'infini, et leur donner le sens qu'on veut.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Cela, c'est la
réponse pour l'homosexualité masculine. Et pour
l'homosexualité féminine ?
M. Samuel Lepastier.-
Je n'en ai pas parlé.
Classiquement, l'homosexualité féminine est
référée à deux étapes du
développement : soit une homosexualité de type primaire -à
savoir une petite fille qui reste fixée à sa mère-, soit
une homosexualité de type secondaire -à savoir qu'une petite
fille déçue par le père retourne vers la mère.
Vous me faites penser que j'ai oublié deux points. Pourquoi est-il si
difficile d'accepter un désir homosexuel ? C'est parce que l'homme
homosexuel cherche dans d'autres hommes un moyen de réassurance de sa
virilité. Mais, ce faisant, il risque d'être traité comme
une femme et, du coup, il se sent menacé. C'est pour cela que nous ne
sommes pas gênés d'être fétichistes, mais
l'idée d'être homosexuel est extrêmement gênante, et
ce conflit est difficile à porter.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Il y a une
question que nous n'avons pas abordée ce matin : y a-t-il vraiment
un désir de l'enfant chez l'homosexuel ?
M. Samuel Lepastier.-
Qu'appelez-vous "désir de
l'enfant" ?
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Avoir un enfant,
constituer une famille, à l'image de la famille
hétérosexuelle.
M. Samuel Lepastier.-
Certains homosexuels, en effet, ont
une certaine identification à leur mère et, de ce fait,
souhaitent élever des enfants comme une mère. Je trouve pour ma
part que c'est une démarche plutôt respectable. Je n'ai pas
vraiment d'objection à ce que des homosexuels, à titre
individuel, adoptent un enfant. Personnellement, je suis réservé
sur l'adoption par un célibataire, mais je crois qu'il n'y a pas lieu de
faire distinction entre un célibataire masculin ou féminin
homosexuel, et un célibataire hétérosexuel. Mais c'est un
autre problème.
M. Jacques Larché, président.-
Je crois,
Madame Delaisi, que vous souhaitez intervenir ?
Mme Geneviève Delaisi.-
Je voulais tout de
même réagir aux propos de mon distingué collègue. Je
suis d'accord avec toute la première partie de son exposé, qui
est une analyse de la métapsychologie freudienne, qui est
évidemment parfaite.
En revanche, par rapport à sa deuxième partie, permettez-moi de
vous faire remarquer que, peut-être, vous ne connaissez pas bien la
réalité clinique qui est, par exemple, décrite dans les
actes de ce colloque. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une situation
inédite, et qu'on demandait au législateur de
réfléchir à une situation inédite, à la
différence de ce qui s'est passé pour l'adoption ou pour
l'avortement, où il s'agissait de dépénaliser ou de
légaliser une situation de fait.
Non, il n'y a pas de situation inédite, ou pour de très rares
cas. Je voulais simplement rappeler qu'il y a quatre cas de familles homo
parentales existant déjà dans notre société, et qui
sont beaucoup plus banales qu'on ne le croit. La première (vous avez
parlé d'Eric Dubreuil, président de l'APGL), c'est un cas
tout à fait banal d'hommes ou de femmes qui ont été
mariés ou qui ont vécu en concubinage, qui ont des enfants et
qui, ensuite, ont une vie homosexuelle. Nombre de nos contemporains sont dans
ce cas-là. Je vous rappelle d'ailleurs quelque chose que personne n'a
jamais remarqué, à savoir que le fameux rapport Kinsey
montrait que beaucoup des Américains de l'époque, mais cela a
été repris récemment par le rapport Spiras, ont (je
suis désolée d'employer une expression aussi triviale) des
"tranches de vie" homosexuelles et des "tranches de vies"
hétérosexuelles. Il y a donc une situation très banale de
parents homosexuels qui ont eu des enfants dans le cadre d'une vie
hétérosexuelle.
Il y a d'autre part une situation aussi "banale", moins fréquente
statistiquement mais importante : c'est surtout le cas de femmes qui ont
adopté des enfants en tant que célibataires et qui,
stratégiquement, élèvent ces enfants comme couple
homosexuel ; pas comme la dame dont je lisais la réponse qui lui avait
été faite.
Il y a ensuite des femmes homosexuelles qui, la situation n'étant pas
possible en France, ont recours à l'insémination artificielle en
Belgique. Je connais bien l'une des équipes belges qui, depuis quinze
ans, pratiquent ces inséminations. C'est une équipe
extrêmement sérieuse qui publie en anglais, en français et
en néerlandais, depuis quinze ans, et qui suit les couples de femmes
homosexuelles. J'ai apporté ici des articles avec une énorme
bibliographie de ma collègue, Patricia Bétains, de la VUB
(Vrije Universiteit Brussels) (Université libre de Bruxelles dans sa
version flamande. Il y a donc des femmes homosexuelles qui font des IAD depuis
longtemps.
Enfin, et c'est le seul point qui soit très peu connu, il y a la
situation de co-parentalité où un couple homosexuel masculin a un
projet d'enfant avec un couple d'homosexuelles femmes. C'est une situation peu
connue, qu'on pourrait dire inédite. En revanche, les trois autres
situations sont connues ; certaines personnes sont suivies par des
thérapeutes. C'est cela que j'invite nos concitoyens législateurs
à étudier. Ils sont prêts à être
étudiés.
M. Samuel Lepastier.-
Ce n'est absolument pas ce que j'ai
dit. Je pense en effet que des homosexuels peuvent, à titre individuel,
adopter un enfant. J'ajouterai même que le fait, qu'à un moment ou
à un autre, ils vivent en couple, ne me paraît pas poser de
problème majeur. Ce contre quoi je m'élève, c'est cette
fiction -qui est d'ailleurs le sommet de la pyramide- qui consisterait à
vouloir faire en sorte qu'un enfant soit désigné comme le fils de
deux personnes de même sexe par la loi. Voilà ce que j'ai dit.
Ensuite, un second point me paraît important, qui montre bien les
dérives auxquelles nous sommes constamment soumis. Vous avez cité
le rapport Kinsey ; or le rapport Kinsey sur
l'homosexualité est inexact. L'échantillon qu'il a
interrogé n'est pas représentatif. Kinsey* avait admis le chiffre
de 10 % de population homosexuelle, ce qui paraissait pour les politiques
un enjeu important, alors que les dernières estimations tourneraient
autour de 2,40 ou 2,50 %. Il y a là une différence qui
demande à être travaillée.
Là où je ne suis pas d'accord avec vous, par contre, c'est que
tous les cas que vous rapportez sont des cas où il y a malgré
tout un repérage par rapport à un couple de parents de sexe
différent. Monsieur Dubreuil a cité un exemple dans son
livre : il a un enfant avec un couple de lesbiennes, il vit à
côté, ils se voient. Je ne vois pas en quoi cela est
fondamentalement différent de ce qui se passe pour certains couples
divorcés. On ne peut donc pas dire que cela soit un couple effectivement
homosexuel.
D'autre part, beaucoup de lesbiennes vivant en couple conservent, quand il
s'agit d'un divorce, des relations avec l'ex-mari, le père des enfants,
plus proches d'ailleurs que s'il s'agissait d'une rupture après un
divorce hétérosexuel, ce que l'on comprend parfaitement. S'il y a
un autre amant, le mari disparaît, alors que, dans la mesure où il
n'y a pas d'autre homme, le premier mari reste présent. Il est donc
très difficile, à ce moment-là, de dire qu'il s'agit
d'enfants élevés uniquement par des femmes. Je crois que
là on se trouve devant des configurations militantes où la
réalité est très différente quand, en effet, on
rencontre des gens qui parlent dans l'intimité.
Je ne crois pas non plus (sur ce point, je vous suivrai) qu'on puisse ramener
les difficultés à une orientation idéologique ou
politique, ou quelle qu'elle soit. La réalité est beaucoup plus
complexe. Mais il n'y a pas d'enfant qui, actuellement, sur terre, ne puisse
dire qu'il a un père et une mère. Même dans les cas
d'insémination artificielle avec donneur pour des couples de lesbiennes,
on s'aperçoit que la question du donneur reste toujours posée, et
que les enfants font des recherches pour savoir qui est leur père.
Le seul point sur lequel j'insiste, c'est l'incapacité à donner
une filiation homosexuelle. C'est là un déni de tout ce que nous
sommes en tant qu'hommes.
M. Patrice Gélard, rapporteur.-
Nous avons eu des
informations selon lesquelles des femmes homosexuelles
élèveraient des enfants ; il n'y aurait pratiquement pas
d'hommes homosexuels ayant la garde d'enfants, qui élèveraient
les enfants. Ils voient leurs enfants, ils se rencontrent, mais ils ne les
élèvent pas quotidiennement comme pourrait le faire la
mère. Est-ce exact ?
Mme Geneviève Delaisi.-
Je ne sais pas, je n'ai
pas de chiffres. Je crois que c'est certainement beaucoup plus rare que les
femmes, mais je n'ai pas de chiffres. Peut-être que des gens dans
l'assistance ont des chiffres ?
M. Samuel Lepastier.-
Toutes les études portent
effectivement sur des femmes homosexuelles. Par contre, il me semble que...
J'ai eu un exemple quand j'étais interne. C'est le premier cas que j'ai
vu, en 1974. C'était un enfant psychotique qu'on avait en psychodrame,
qui était en effet élevé par un couple d'hommes
homosexuels. C'est mon seul exemple.
Mme Geneviève Delaisi.-
Il faut se
référer à la clinique, et là je renvoie aux travaux
de cette équipe belge, dont je tiens d'ailleurs la bibliographie
à votre disposition.. Cette équipe accueille des demandes de
mères célibataires lesbiennes et de couples lesbiens
depuis 1981. Ils publient très régulièrement.
Leurs travaux les plus récents, parus dans
Thérapies
familiales
l'an dernier, montrent qu'ils ont plutôt
évolué dans leurs pratiques. Au départ, ils étaient
très neutres. Cette équipe de l'ULB est une équipe
laïque, plutôt d'appartenance franc-maçonne. Ils
accueillaient les deux types de demandes. Les années passant, ils se
sont rendu compte, avec le suivi des enfants nés, que les enfants
nés de mères célibataires lesbiennes n'allaient pas
très bien, et qu'en revanche les enfants nés dans un couple de
femmes homosexuelles stable ne présentaient pas de problèmes
particuliers. Au point que, depuis l'année dernière, ils
n'acceptent quasiment plus de demandes de mères célibataires. Par
contre, ils sont beaucoup plus ouverts sur la question des demandes de couples,
avec tout un
screaning
*. D'ailleurs, ils renvoient à des travaux
très connus : Patterson, Susan Golomboc qui est une anglaise,
Kirk Patrick 81, etc. Tous ces travaux montrent que les enfants de
deux mères homosexuelles n'ont pas plus de problèmes
émotionnels que les autres. La bibliographie est importante, et il est
intéressant de la consulter, surtout qu'elle est publiée aussi en
français.
M. Samuel Lepastier.-
Justement, c'est le type même
de la fausse information. Les travaux de Patterson* ne font que reprendre
constamment les mêmes articles, qui disent toujours la même chose.
C'est toujours la même méthodologie, qui peut être
critiquée.
Vous pourrez dire que c'est une querelle d'école, mais ce n'est pas
exact. Nous manquons de recul pour savoir ce que deviendront les enfants de
mères inséminées artificiellement. L'insémination
ne date pas de plus d'une vingtaine d'années. La schizophrénie,
par exemple, se déclare dans les vingt premières années de
la vie. On n'a pas le temps de savoir ce qu'ils deviendront. Bien entendu, on a
des critères consistant à dire qu'ils se développent bien.
Il est tout à fait remarquable que, dans toutes ces études, le
critère sur lequel on insiste est : les enfants ne souffrent-ils
pas d'être rejetés par les autres ?
Cela me paraît tout à fait secondaire ; après tout, on
n'a jamais dit que les Noirs ne devaient pas faire d'enfants.
L'autre point tout à fait étonnant est qu'on insiste constamment
sur le fait que, dans ces articles, il n'y a pas plus d'enfants homosexuels que
dans la population globale. De deux choses l'une : ou
l'homosexualité n'est pas un problème, et on ne voit pas pourquoi
il faudrait citer cette proportion. Normalement, si on élève bien
ses enfants, si on est à l'aise avec ce qu'on fait, on doit avoir des
enfants comme soi. Ou bien alors, effectivement... Il y a quelque chose
d'illogique, là.
En outre, au niveau de l'expérience la plus immédiate, on sait
bien qu'être un homme ou être une femme, ce n'est pas la même
chose, et que, justement, les homosexuels le savent puisqu'ils ne sont pas
capables, ou ils ne veulent pas, changer de sexe de partenaire. Pour un
homosexuel, aller vers quelqu'un d'un autre sexe que le sien n'a pas
forcément le même intérêt qu'aller avec un partenaire
du même sexe que lui.
Alors on ne voit pas pourquoi ce qui compte pour les adultes ne compterait pas
pour les enfants. Je répète que ce n'est pas simplement la
triangulation qui est en cause, mais bien la réalité anatomique.
La fonction paternelle et la fonction maternelle peuvent changer selon les
sociétés, selon les cultures, mais le corps de l'homme et celui
de la femme ne changent pas. On ne peut pas faire comme si on était un
homme, ou comme si on était une femme.
M. Jacques Larché, président.-
Madame,
puisque vous êtes une femme...
Mme Geneviève Delaisi.-
Merci de votre
discrimination en ma faveur. Je ne veux pas du tout allonger le
débat ; je voudrais juste faire un commentaire sur
l'insémination artificielle avec donneur. Je me permets de renvoyer
à ce que j'ai dit sur les familles atypiques : je n'ai pas dit que
les enfants de couples homosexuels n'avaient pas de risques de devenir des
enfants à risques psychiques. Je crois qu'ils en ont autant que ce
à quoi on a assisté à travers cette expérimentation
qui est pourtant avalisée par la loi, notamment la loi
bioéthique, qui consiste à mettre au monde des enfants sans
père, par insémination artificielle avec donneur anonyme. Le don
d'ovocytes pose problème, et le don d'embryons en pose encore plus.
Je pense donc qu'il faut repenser les choses à travers l'ensemble de
cette clinique, et non pas en stigmatisant les risques des enfants des couples
homosexuels. Ces risques existent, mais comme pour les autres. Et ne parlons
pas de l'accouchement sous X, qui pose tout à fait le même
genre de problèmes. Merci de m'avoir laissé conclure.
M. Jacques Larché, président.-
Mes chers
collègues, y a-t-il d'autres questions ?
(non)
Ces exposés ont été extrêmement intéressants.
Nous n'attendions pas une réponse juridique, mais un éclairage
psychologique profond.
Il est 12 heures 50. Nous reprendrons à 14 heures.
J'indique que nous recevrons cet après-midi l'association dont
M. Dubreuil est le président.
- La séance est levée à 12 heures 55.
La séance est ouverte à 14 h 05.
5) Audition de :
- M. Denis Quinqueton, secrétaire général - Collectif pour
le contrat d'Union sociale et le pacte civil de solidarité
- Mme Marguerite Delvolvé, présidente de l'association pour la
promotion de la famille - Collectif pour le mariage et contre le PACS
(génération anti PACS)
- M. Xavier Tracol, avocat - Collectif pour l'union libre
- Mme Renée Labbat, présidente - Union nationale des groupes
d'action des personnes qui vivent seules (UNAGRAPS)
M. Jacques Larché, président.-
Nous reprenons nos travaux.
Nous entendrons Monsieur Quinqueton, Secrétaire Général du
Collectif pour le Contrat d'Union sociale et le Pacte Civil de
Solidarité, Madame Delvolvé, Présidente de l'Association
pour la Promotion de la Famille, Maître Tracol, avocat, et enfin Madame
Labbat, Présidente de l'Union nationale des Groupes d'Action des
personnes qui vivent seules.
M. Denis Quinqueton.-
On reproche beaucoup de choses au PACS mais
essentiellement ce qu'il n'y a pas dans le texte. Je reviendrai donc sur ce
qu'il y a dedans.
La réflexion du PACS est née de l'observation des
évolutions de la Société qui nous entoure, à savoir
une diminution du nombre de mariages mais une augmentation du nombre de
personnes vivant en concubinage, une demande de reconnaissance de la part des
personnes vivant en couple homosexuel, et une nécessité de
prendre en compte aussi des duos de solidarité qui se forment ici ou
là, composés de façon variable, famille, fratrie, mais qui
comme d'autres groupes forment la société française.
La question posée était de savoir s'il était possible, en
respectant la diversité de ces situations et des symboliques qui les
accompagnent, de trouver un statut unifiant qui réponde sur le plan
juridique aux problèmes rencontrés par toutes ces personnes. La
réponse a été positive et a débouché sur le
Contrat d'Union sociale et qui s'appelle maintenant le PACS.
La symbolique du PACS est avant tout celle du lien social, c'est-à-dire
permettre d'organiser la vie à deux dans toutes les situations que
j'évoquais précédemment. Il est très vite apparu
que ce n'était pas possible à faire par des mesures
éparses, des modifications ici ou là de textes de loi et qu'il y
avait plutôt nécessité de s'acheminer vers un
véritable statut même si une des premières mesures a
été l'adoption fin 1992 par le parlement de la possibilité
d'être ayant-droit pour la Sécurité Sociale.
Par ailleurs, nous avons sollicité et obtenu de nombreux maires qu'ils
délivrent des certificats de vie commune quel que soit le sexe des
personnes qui se présentent, couvrant en cela une population de plus de
10 millions d'habitants.
A ce sujet, je voudrais faire une parenthèse et vous indiquer, pour
renforcer à mon sens la nécessité de
légiférer autour du PACS, que sur une commune de 25 000
habitants de la région parisienne, que je connais bien pour des raisons
professionnelles, pour 100 mariages célébrés en une
année, le maire signe 80 certificats de vie commune. Il est vrai
qu'il ne faut pas poser une compétition entre le mariage et d'autres
formes de vie, cela n'a que peu de sens, mais cela donne une proportion quant
à l'ampleur du problème à régler.
Lorsque l'on en arrive à ce niveau, on ne peut pas se contenter de dire
"les personnes n'ont qu'à se marier", il y a là à
l'évidence un vide à combler surtout que les 80 certificats de
vie commune ne correspondent pas à des droits précis, ils ont une
utilité bâtie sur la jurisprudence mais qui n'est pas
légale.
Un mot sur la démarche pour dire qu'elle est particulière puisque
c'est un projet qui est né de la Société. Lorsque dans
notre pays nous cherchons à réformer nous nous retrouvons face
à quatre types de public :
- ceux qui font la Loi,
- ceux qui sont élus par le peuple pour cela,
- divers spécialistes, en l'espèce les sociologues, les juristes,
- les personnes qui vont vivre avec tout cela.
On peut être juriste, parlementaire et citoyen mais il nous a
semblé qu'il était utile de rassembler toutes ces personnes et de
ne pas faire une loi de spécialistes, parce qu'il y aurait
peut-être manqué des éléments très concrets,
mais il ne faut pas jouer la base contre l'élite. Il n'y a pas de
démagogie dans mon propos, mais le but est d'arriver à faire
admettre qu'une Loi pouvait naître dans la société,
être portée par le monde politique et finalement trouver son
aboutissement à la suite d'un débat parlementaire le plus riche
possible.
En tout cas, c'est comme cela qu'est né le Contrat d'Union
Civile, qui s'est appelé Contrat d'Union sociale par la suite pour finir
par Pacte Civil de Solidarité. Pourquoi Pacte Civil de
Solidarité ? Je ferai un détour par la récente
proposition d'un Contrat d'Union Libre dont la grivoiserie nous a laissé
rêveurs si on s'en réfère aux initiales.
Du Pacte Civil de Solidarité nous avons retenu le pacte de la
proposition du professeur Jean Hauser qui parlait d'un Pacte
d'Intérêt Commun. Sur le fond nous avons
préféré retenir les valeurs de solidarité
plutôt que les valeurs d'intérêts communs car l'idée
de solidarité paraissait beaucoup plus positive et en tout cas
politiquement plus intéressante à mettre en avant que
l'idée d'intérêts communs si on s'en réfère
à l'ambiance générale de la Société.
On observera d'ailleurs que, par exemple à l'occasion du
début de campagne pour les élections européennes, le PACS
est déjà entré dans le langage courant puisqu'on parle de
PACS entre tel et tel leader politique pour faire une liste commune, ce qui
évidemment ne nous engage absolument pas.
La proposition du Ministère concernant les modalités
est de signer le PACS en mairie. Pourquoi en mairie ? La symbolique
était assez secondaire puisqu'on s'adressait à une série
de situations variées mais surtout la mairie est l'endroit le plus
proche de tout le monde, il y en a un peu plus de 36 000 en France, de
fréquentation courante. On y va pour inscrire ses enfants au centre de
loisirs, inscrire ses enfants à la cantine, demander un permis de
construire, faire une déclaration de travaux. C'est un endroit familier
de nos concitoyens, c'est aussi l'endroit où l'on se marie, dès
lors pourquoi pas l'endroit où l'on signe un PACS.
Il y a eu quelques réactions un peu vives sur cette question, passer
à la préfecture paraissait un autre endroit possible. Faut-il
avoir si peu confiance dans les Lois de la République pour redouter
qu'en Préfecture on établisse des fichiers des personnes qui
viendraient signer un PACS ? Ce peu de confiance dans l'avenir de la
République m'a fait un drôle d'effet puisqu'on a fait
référence à ce qui pouvait se passer par la suite. Ceci
dit, on termine sur le Greffe du Tribunal d'Instance qui paraît
être un endroit acceptable dans la mesure où il présente
les garanties d'indépendance qui entourent heureusement le monde
judiciaire.
Si le PACS est exclusif d'un autre PACS et d'un mariage, il ne me
paraît pas forcément intéressant d'en exclure d'autres
personnes que les ascendants et les descendants parce que sur la base de
l'expérience associative et personnelle des centaines de militants du
Collectif, nous avons eu de nombreux témoignage de fratries qui
étaient intéressées, qui pouvaient inscrire leur vie dans
le PACS sans pour autant se livrer à l'inceste.
Dans une discussion un peu plus récente, des associations
d'adultes handicapés nous faisaient aussi remarquer que ce statut les
intéressait vivement parce que la situation des adultes
handicapés, lorsque les parents décèdent, est
extrêmement difficile. Les institutions pouvant les accueillir sont
rarissimes en France, l'autonomie de vie est totale et évidemment
problématique suivant le niveau de handicap.
On se trouve dans une situation à laquelle on n'avait pas
forcément songé au début mais qui élargissait le
public visé par le PACS et qui ne nuisait en rien à la
cohérence de l'ensemble, la cohérence de l'ensemble étant
la solidarité, valeur utile à porter par les temps qui courent.
Pour ce qui est de la rupture, l'idée des rédacteurs du premier
projet du contrat d'union civile, qui se retrouve dans la version finale du
PACS, est de mettre fin à la répudiation telle qu'elle peut
être pratiquée actuellement puisque les couples non mariés
évoluent dans une zone de non-droit.
Tout cela était basé sur des témoignages et
peut-être avez-vous eu affaire dans vos permanences à des
personnes fort dépourvues parce que le concubin ou la concubine
était parti en emportant les biens et en laissant les dettes. C'est la
répudiation au sens où on peut l'entendre dans la
Société aujourd'hui.
Nous voulons donc mettre fin à cette situation d'où l'idée
de trouver un système qui concilie à la fois la liberté de
chacun et la protection du plus faible avec une possibilité de rupture
bilatérale ou unilatérale et un recours au juge s'il y a
désaccord entre les deux co-pacsants.
On peut noter au passage que les instances de médiation, pas
seulement pour le PACS, auraient intérêt à se
développer. Sur le contenu, le PACS s'appuie sur des droits et des
devoirs formant une espèce de couple indissoluble dans un pays
républicain. L'idée de donner des droits sans impliquer de
devoirs me paraît un peu dévalorisante pour la Fonction Publique
et pour les personnes à qui nous nous adressons.
Quels sont les devoirs ?
Ils sont l'aide mutuelle, l'aide matérielle et la
solidarité pour les dettes contractées pour les besoins de la vie
courante. Ceci paraît propre à régler beaucoup de
situations rencontrées hors PACS qui pouvaient devenir dramatiques.
Les droits concernant l'imposition commune : nous pouvons nous lancer
dans des calculs pour savoir si c'est avantageux ou non, combien cela va
coûter, cela dépend essentiellement de la situation des personnes
; suivant leur différence de salaire, leur niveau de revenus les choses
varient grandement.
L'autre élément concerne les droits de succession. Là
aussi, il est important de permettre à quelqu'un avec qui on a
passé une partie de sa vie, à quelque titre que ce soit, de
pouvoir laisser une partie de ses biens sans pour autant démunir les
héritiers, notamment les héritiers réservataires.
Par ailleurs, le PACS permet d'être ayant-droit pour la
Sécurité Sociale, permet le rapprochement des fonctionnaires,
permet l'ouverture aux droits aux congés spéciaux, permet
l'accès aux droits du conjoint de chef d'entreprise. Tout cela forme
à notre sens un ensemble cohérent et minimum.
Il ne semble pas que l'on ait cédé à ce que l'on appelle
"le syndrome du train électrique". Lorsque vous offrez un train
électrique à un enfant vous lui offrez les rails, les
locomotives, les wagons et l'année suivante vous lui offrez la vache
pour regarder le train, un passage à niveau, un aiguillage, une gare.
Nous avons essayé de nous borner à une sorte de corpus minimum,
mais suffisant et cohérent, qui permette de régler très
concrètement les situations que nous avons rencontrées au cours
des huit années d'existence du Collectif puisque ces huit années
ont constamment nourrit la réflexion commune.
Je dirai un mot sur l'intérêt des enfants parce que cela
a été l'un des sujets beaucoup abordé ces derniers temps.
J'aurais tendance à dire que le statut d'enfants ayant des parents qui
vivent dans le cadre d'un statut juridique clair et stable me paraît plus
équilibré pour eux que d'avoir des parents qui sont dans une
situation beaucoup plus précaire, ce qui est le cas actuellement et qui
peut amener des drames et des moments difficiles. En se plaçant du point
de vue de l'enfant, même si l'enfant n'est pas cité dans le PACS,
il me semble que le PACS est plutôt une chose positive.
Un dernier mot sur les délais.
En France, lorsqu'on fait une loi on a toujours une petite
inquiétude consistant se demander de quelle inventivité vont
faire preuve nos concitoyens pour arriver à détourner la Loi
à leur avantage. Ces délais sont là, ils ne sont pas du
tout décourageants, ils nous paraissent acceptables, d'autant plus que
notamment dans des situations particulières de grande détresse
comme celle des personnes atteintes de maladies graves dûment
repérées par le Code de la Sécurité Sociale, ces
délais sautent. Je dirais que l'essentiel est préservé.
Je voudrais également regretter l'extrême politisation
du débat. Le terme politique possède deux sens, c'est à la
fois l'organisation de la vie de la cité et ce sont les choses qui se
disent au Parlement et en dehors qui sont parfois très centrées
sur le fond du débat, parfois à la marge et un peu
polémiques.
Plusieurs parlementaires de l'actuelle opposition nous avaient
apporté leur soutien, je pense à Monsieur Gaudin qui avait fait
preuve d'assez peu d'ambiguïté et Monsieur Pasqua qui avait
été un peu plus réservé mais assez ouvert à
la question. Nous pouvons peut-être craindre une radicalisation, ce qui
est dommage pour un projet concernant la vie quotidienne de quelques millions
de nos concitoyens.
Si nous devons retenir quelque chose du PACS c'est qu'il ne donne pas
d'avantages mais qu'il retire des inconvénients. Il n'impose pas un
cadre à la place d'un autre, il en propose un à côté
de l'autre, et à côté de ceux qui ne voudront vivre ni dans
le mariage ni dans le PACS.
Je conclurai par une boutade en vous indiquant, sans provocation de
ma part, que les auditions vont se poursuivre d'une certaine façon, non
pas sur l'initiative du Sénat mais sur l'initiative du Collectif qui
réunit son congrès comme tous les ans et qui poursuivra le
débat de fond sur la question du PACS en écoutant notamment les
interventions d'un père jésuite, d'un mufti de Marseille et d'un
représentant du grand Orient de France...
M. Jacques Larché, président.-
Vous comprenez
que le Sénat n'est en rien hostile à la poursuite des
débats. Rien ne vous interdit de continuer.
La parole est à Mme Marguerite Delvolvé.
Mme Marguerite Delvolvé.-
Je vous remercie d'avoir
invité le Collectif pour le mariage et contre le PACS à
s'exprimer devant vous aujourd'hui. L'importance de l'opposition à cette
proposition de loi d'une exceptionnelle gravité a été
minimisée à tort.
Vous avez parlé des quelques maires qui donnent des
certificats de vie commune, pourtant 20 000 maires sur 36 000 se sont
déclarés opposés à leur implication "en tant
qu'officiers d'état civil, dans la célébration d'un
contrat de ce genre ". Ces élus ne représentaient pas
qu'eux-mêmes et la presse a essayé de minimiser cet impact. Ne pas
les écouter serait un mépris des institutions
républicaines et je pense qu'il est d'une très grande
gravité de prendre à la légère cette manifestation
de la volonté populaire. A la limite, la démocratie est en jeu
parce qu'il s'agit là de l'expression d'une volonté très
profonde.
Les députés de la majorité eux-mêmes ont
manifesté leur manque d'enthousiasme lors de la discussion à
l'Assemblée Nationale, le 9 octobre. Parce que le débat est de
plus en plus passionné et obscur, que l'on essaie de le réduire
à un clivage droite/gauche, les opposants au PACS ont constitué
un Collectif pour tirer la sonnette d'alarme.
Ce Collectif est très divers, ce sont des citoyens de tous
horizons, ils représentent la majorité silencieuse. Hommes et
femmes de tous bords, étudiants, actifs ou retraités, croyants ou
athés, ils se sont joints aux 20 000 maires de toutes couleurs
politiques qui ont signé en faveur du mariage républicain.
C'est un mouvement de réveil et d'expression de l'opinion. Ils
sont descendus dans la rue le 7 novembre, justement avec le sentiment de ne pas
être entendus et de ne pas être pris au sérieux et je vous
annonce qu'ils recommenceront le 31 janvier, cette fois-ci beaucoup plus
nombreux, avec le retrait du PACS comme objectif. Ils ont décidé
de barrer la route au PACS qui est un projet trompeur et destructeur.
Le PACS est un projet trompeur et ce qui révolte le plus les
citoyens est le fait d'avoir été trompés sur le
véritable objectif de cette revendication. Le PACS est
représenté comme un acte de solidarité, c'est doublement
faux par rapport aux " non pacsés " et pour les
" pacsés " eux-mêmes.
Pour les non-pacsés il organise des privilèges, notamment
fiscaux, pour les duos, aux dépens des 7 millions de célibataires
et au dépend des familles, au moment même où sont
limités les avantages fiscaux des familles au prétexte qu'elles
seraient trop favorisées.
S'il s'agit de permettre d'établir la solidarité entre
personnes ayant un projet commun de vie, pourquoi la limiter à des duos,
alors que des trios, des quatuors, des quintettes et groupes plus nombreux
peuvent avoir des intérêts communs parfaitement respectables et
qui méritent protection. Or, ils sont exclus des avantages ouverts par
le PACS.
C'est également un projet trompeur pour les pacsés
eux-mêmes. Pendant la durée du PACS, les partenaires sont
responsables des dettes contractées par l'autre, sans aucune
garantie ; les biens acquis en commun sont soumis au régime de
l'indivision qui est le plus mauvais régime qui soit. Ces risques seront
amplifiés à la fin du PACS.
Ce qui a beaucoup choqué c'est que la fin du PACS peut être
décidée par l'un des partenaires unilatéralement, sans
contrôle et sans contrepartie. Je ne vois pas comment vous pouvez
défendre la solidarité et la protection avec cette mesure qui,
pour nous les femmes en particulier, tombe comme un couperet. En droit romain
la répudiation était mise en parallèle avec le divorce,
JUVENAL en parlait dans sa satire, il disait des choses étonnantes, je
cite :
" Va-t-en, tu as le nez qui coule, j'en attends une
autre qui a le nez plus sec que toi. "
Ainsi pour un prétexte
futile il la chasse. C'est purement et simplement le système de la
répudiation, système archaïque et brutal, où
s'exprime la loi du plus fort. Où est la solidarité ?
Au-delà de chacune de ces tromperies, se cache l'essentiel : la
reconnaissance officielle du couple homosexuel par la formule de l'article
515-1 :
" un PACS peut être conclu par deux personnes
physiques de sexe différent ou de même sexe, pour organiser la vie
commune "
. C'est surtout cela que nous n'acceptons pas. C'est en cela,
par cette différenciation des couples hétérosexuels et des
couples homosexuels, qu'il est destructeur.
Le PACS est présenté comme une nouvelle organisation sociale. En
réalité, il est destructeur du lien social à deux
titres :
- il détruit le mariage républicain,
- il détruit la cellule familiale.
Le PACS est destructeur du mariage républicain car le mariage civil,
seul reconnu par la République, est facteur d'unité
au-delà de la diversité des croyances, des cultures, des modes de
vie, il est facteur d'unité nationale et d'intégration,
comme le soulignent les familles musulmanes qui nous ont rejoints. Je pense que
pour la femme musulmane c'est une chance d'avoir accès au mariage
républicain mais on ne peut nier non plus les valeurs essentielles de
l'islam qui vous ont été exprimées ce matin, cet
attachement viscérale au mariage. Ils reçoivent comme une claque
à leur propre culture cette proposition de mariage homosexuel.
Un autre danger a été soulevé ce matin, à savoir
que le PACS ouvre la voie à la multiplicité des statuts
conjugaux : chaque communauté réclamera son propre
système de mariage (selon le Droit canonique, le Droit rabbinique, le
Droit coranique, etc). Il ne sera pas possible de le refuser dès lors
qu'une "communauté " se présentant comme telle, aura obtenu
son propre statut de "vie commune ". A terme, nous passerons de
l'unité nationale à la juxtaposition de communautés (comme
dans certains pays).
Le PACS est également destructeur de la cellule familiale. L'adoption du
PACS contribuera à la perte des repères pour une jeunesse
déjà désorientée, à la disparition de
modèles auxquels se référer. Le spectacle que nous avons
actuellement de ces débordements de violence et de ces
difficultés de la jeunesse à se situer doit faire
réfléchir les Collectifs sur une mesure dont les
conséquences sont prévisibles et non pas imprévisibles car
nous en subissons déjà les conséquences. Ce n'est vraiment
pas le moment.
Le PACS met en cause la place de l'enfant dans la famille. Actuellement,
l'enfant est le grand absent du projet et du débat, alors qu'il est au
coeur de la cellule familiale. D'ailleurs peu à peu les langues se sont
déliées et personne ne cache plus son jeu. L'étape suivant
le PACS sera l'adoption d'enfants par les homosexuels. Monsieur Jean-Pierre
Michel l'a dit expressément :
" Le PACS évoluera
forcément un jour ou l'autre pour intégrer les aspects
d'adoption "
(La Croix, 12 septembre 1998). Monsieur Jack Lang l'a dit
aussi :
" Nous avons compris que si nous voulions faire de
profondes réformes, il nous fallait rechercher un compromis. Nous avons
décidé, avec le Gouvernement, de ne pas poser la question de
l'adoption, mais elle se posera fatalement ! "
(France Soir
18 septembre 1998).
C'est insupportable, nous ne pouvons pas partir sur une discussion en trompant
les citoyens sur la réelle question qui se pose à la
Société, qui se pose au législateur.
En conclusion, je dirai que le PACS viole les principes fondamentaux de
l'organisation sociale et, sur le plan juridique, les principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République - les juristes savent de quoi il
s'agit - en institutionnalisant l'homosexualité.
Le fait de l'homosexualité est une chose, les personnes homosexuelles
sont des citoyens ordinaires et ont les mêmes droits que nous tous, mais
l'institutionnalisation de l'homosexualité est une chose impossible.
Jusqu'à présent, le couple, que ce soit dans le mariage selon le
Code Civil, ou hors mariage pour certaines dispositions sociales, était
par essence hétérosexuel. En reconnaissant officiellement le
couple homosexuel, le législateur détruirait une composante
fondamentale de la structure sociale, et par-là même, de l'ordre
constitutionnel.
Quoi qu'on en dise notre Droit a toujours eu en vue de faire de la famille
dans le mariage la cellule de base de la Société à qui,
selon la Constitution, la Nation doit assurer les conditions nécessaires
à son développement. Reconnaître un autre contrat de
communauté de vie, même réduit à la plus simple
expression, c'est toucher à nos principes constitutionnels que ce soit
au sens juridique de ce terme ou au sens sociologique puisque c'est le socle de
la Société qui est en cause.
Le projet de réforme conduit ainsi à un choix fondamental qui ne
pourrait être fait que par la voie d'une révision préalable
de la Constitution.
La parole est à M. Xavier Tracol.
M. Xavier Tracol -
Nous avons récemment créé le
Collectif pour l'union libre afin de prendre en compte le concubinage en tant
que tel.
Je réagis aux propos qui viennent d'être tenus par l'intervenant
au nom du Collectif pour le PACS qui présente cette proposition comme
provenant de l'observation des évolutions sociales. Je dirais que dans
ce cas les évolutions sociales ont été mal
observées car depuis environ une trentaine d'années en France il
n'y a pas de volonté de fond de la Société de créer
un nouveau contrat qui se situerait comme il est présenté, de
manière erronée d'ailleurs, comme étant à mi-chemin
entre le mariage et le concubinage. Depuis une trentaine d'années, le
nombre de couples non mariés a en effet considérablement
augmenté. Plus de 4,2 millions de personnes sont aujourd'hui
concernées par ce mode de vie. Parallèlement, le nombre de
divorces s'est accru, et un tiers des enfants naît aujourd'hui hors
mariage.
Nous considérons que la fonction de régulation des rapports
sociaux dévolue au Droit l'amène à prendre en compte ces
évolutions sociologiques.
Or une évolution sociale et juridique amorcée depuis plusieurs
années tend à accorder des droits aux couples
hétérosexuels non mariés. Ces droits sont actuellement
limités au transfert de bail en cas de décès ou de
départ du partenaire seul titulaire du contrat, à l'assurance
maladie-maternité, au bénéfice du capital
décès de la Sécurité Sociale, à la
déduction des frais réels de transport en Droit fiscal, et enfin
aux avantages sociaux issus du Code du Travail et des conventions collectives.
Nous saluons les dispositions du décret du 28 décembre 1998, qui
entrera en vigueur le 1
er
mars prochain, modifiant le Code de
l'organisation judiciaire et le nouveau Code de procédure civile, qui
prévoient que le concubin peut assister ou représenter les
parties devant le Tribunal d'Instance et le juge de l'exécution au
même titre que le conjoint.
Le rapprochement entre le régime juridique appliqué aux
conjoints et aux concubins, et par conséquent entre les situations de
couples, indépendamment du sexe des partenaires, aurait pu être
poursuivi. Le choix de la proposition de Loi relative au Pacte Civil de
Solidarité a cependant instauré un cadre juridique
incohérent et un statut inadapté aux concubins. Celui-ci comporte
le risque non négligeable non seulement de mettre fin à cette
évolution, mais également de renier les droits déjà
accordés.
Le PACS est présenté de manière erronée, voire de
manière trompeuse, comme un mode de reconnaissance du concubinage
octroyant des droits pour les concubins. Nous proposons à la place du
PACS, une reconnaissance sociale et légale du concubinage aux lieux et
places de cette union de seconde zone qu'il vous est proposé d'instaurer
et de rattacher les droits conséquents par une proposition
généreuse directement à ces situations de couple qu'est
l'union libre.
Avec cette proposition de PACS, l'union libre est en fait renvoyée dans
le non Droit. La phrase prononcée il y a deux siècles par
Napoléon Bonaparte, qui a affirmé "les
concubins ignorent le
Droit, le Droit ignore les concubins "
risque malheureusement de
conserver toute son actualité.
Nous déplorons que le PACS hésite continuellement entre une
logique de contrat et une logique de simple constat.
D'une part, sa validité suppose l'échange des volontés
des partenaires. L'accord privé est ainsi formalisé par une
inscription officielle au Greffe du Tribunal d'Instance qui fournit une date
certaine à cette union.
D'autre part, le bénéfice des droits est subordonné
à des délais de carence, qui en font un pseudo-contrat avec mise
à l'épreuve de la stabilité du couple. Les délais
de carence sont concevables dans le cadre de droits découlant d'une
situation de fait, mais non dans le cadre d'un contrat qui implique le
bénéfice de droits dès son entrée en vigueur.
Le PACS nous introduit dans l'univers du surréalisme juridique du
"contrat", pour reprendre le terme employé par Irène Théry
dans la revue
Le banquet
d'octobre 1998. Les partenaires se trouvent
dans la situation étrange où leur engagement formel est
exigé, et où la valeur de cet engagement est niée !
Le Collectif pour l'union libre propose d'instituer légalement une
reconnaissance juridique véritable du concubinage, qui constitue un
enjeu majeur pour l'amélioration des conditions de vie de plusieurs
millions de citoyens. Une telle réforme, dictée par les
impératifs de l'évolution sociologique du pays et le souci d'un
égal accès de chacun à la protection de la Loi, sans
discrimination, ne saurait être qu'à l'honneur de la tradition
juridique française.
Par cette réforme, il ne s'agit pas de donner un cadre légal
contraignant au concubinage. Le concubinage est, par essence, une union de
fait, en opposition au mariage qui est une union de Droit.
C'est la raison pour laquelle, afin de respecter les valeurs
intrinsèques de ce mode de vie, nous avons pris position en faveur de
l'inscription de l'union libre dans le Code Civil. Nous demandons
également que le PACS, soit transformé en un mode de preuve parmi
d'autres du concubinage, et conçu comme un certificat légal de
concubinage.
Nous proposons de l'amender dans le sens d'un acte officiel de
publicité de la cohabitation et de l'union libre. Cette proposition
permettrait de constater la durée de vie commune en vue d'une
institutionnalisation du concubinage.
Nous demandons que le PACS entraîne le bénéfice de droits
substantiels au profit de l'ensemble des couples hétérosexuels et
homosexuels vivant en union libre depuis une certaine durée, du simple
fait de la communauté de vie et de la durée de vie commune,
reflet d'une solidarité de fait.
Nous suggérons que les quelques droits dont bénéficient
actuellement les concubins hétérosexuels soient étendus
aux concubins homosexuels, et que ces droits soient augmentés.
En premier lieu, nous proposons d'aligner la situation juridique des couples
de même sexe sur le régime actuellement appliqué aux
couples hétérosexuels non mariés. Cette extension
permettrait de contourner législativement la jurisprudence restrictive
de la Cour de Cassation, qui a estimé, à deux reprises (Chambre
sociale, 11 juillet 1989 ; 3
ème
chambre civile, 17
décembre 1997), qu'une relation entre deux personnes de même sexe
ne pouvait pas être créatrice de droits.
L'accès des concubins homosexuels aux mêmes droits que les
couples hétérosexuels non mariés implique que le
même traitement leur soit appliqué en termes de charges. Les
avantages sociaux et fiscaux, dont ils peuvent actuellement
bénéficier du fait de leur condition juridique de
célibataires, notamment l'allocation de parent isolé et
l'allocation de soutien familial, doivent par conséquent être
supprimés.
Ce préalable posé, des droits supplémentaires doivent
être accordés à l'ensemble des concubins, de manière
à remédier aux situations les plus délicates auxquelles
les confronte leur vie hors mariage. Ces droits nouveaux concernent tant les
rapports privés qu'ils ont entre eux que ceux qu'ils entretiennent avec
des tiers.
Quant aux rapports internes au couple, les concubins doivent, tout d'abord,
être libres d'organiser comme ils l'entendent les rapports
matériels qui les lient l'un à l'autre. Cette faculté leur
ouvrirait la possibilité soit de demeurer dans la situation actuelle
d'inorganisation juridique, soit d'opter pour un régime de biens
contractuel. Il serait également utile de prévoir une
présomption d'indivision, conçue comme une règle de preuve
sur l'ensemble des biens meubles acquis durant la vie commune.
Or, le PACS retient le principe de l'indivision en tant que règle de
fond, comme régime légal des biens meubles ou immeubles acquis
à titre onéreux par les partenaires après la conclusion du
PACS, sauf stipulation contraire dûment précisée dans
l'acte d'acquisition. Il s'agit en fait des biens acquis à titre
privatif et c'est l'un des torts de la proposition puisque mis à part
les nombreux problèmes pratiques qui risquent de découler du
principe d'indivision qui a été retenu, il y a un problème
de principe qui est posé et qui a notamment été
dénoncé par Monsieur Claude Goasguen à la Commission des
Lois de l'Assemblée Nationale. La proposition de loi institue par
conséquent une présomption de propriété pour
moitié.
Aucune possibilité d'alternative à ce régime n'est
possible. Le partenaire souhaitant acquérir un bien en pleine
propriété peut mentionner dans l'acte d'acquisition qu'il en est
l'unique propriétaire. Ce système est foncièrement
communautaire, en contradiction avec la logique de l'union libre, où la
règle applicable est la séparation de biens, faute de
possibilité de régime matrimonial.
Il constitue de plus une entrave à la liberté de disposer car en
Droit français, aucun indivisaire ne peut donner ou vendre un bien
commun sans l'accord de l'autre.
Dans le même état d'esprit, la logique du concubinage implique
par essence l'absence d'engagement et la totale liberté des individus,
ce qui s'oppose à faire du concubin un héritier légal.
Chaque partenaire doit cependant être libre d'instituer l'autre comme
héritier par testament. Cette faculté, qui existe
déjà en Droit civil français, est aujourd'hui
contrée par la ponction fiscale extrêmement lourde qui pèse
sur les couples non mariés (60 % d'imposition, pour un abattement
limité à 10 000 F).
Il est donc indispensable de réformer cette législation, de
manière à ce quelle tienne compte de la réalité
sociale et économique que constitue l'union libre. Dès lors, une
assimilation entre époux et concubins s'impose, tant pour les
abattements que pour l'imposition par tranches.
Dans le cadre du PACS, la peur de la fraude a entraîné l'adoption
d'un régime juridique incongru. Un délai de deux ans est ainsi
nécessaire pour bénéficier d'une imposition réduite
entre partenaires, sauf si le donateur ou le testateur est atteint d'une
affection de longue durée (cancer ou infection à V.I.H.). Cela
suppose la levée du secret médical vis-à-vis de
l'Administration fiscale, qui est en soi discutable.
Cette mesure engendre une discrimination en raison de l'état de
santé du disposant. En cas de décès accidentel, le
partenaire doit ainsi payer des droits de succession plein tarif. Or, les
conséquences matérielles du décès pour le survivant
sont les mêmes dans les deux cas. Au cas où le partenaire en bonne
santé décéderait en premier, le malade doit s'acquitter de
droits de succession exorbitants, et, ce, même si son compagnon subvenait
à ses besoins.
En conclusion sur ce point, la suppression pure et simple du délai de
carence nous semble être la seule solution pour les droits de mutation
à titre gratuit.
Par ailleurs, il est essentiel que l'entité sociale que constitue le
couple en union libre soit opposable aux tiers, privés comme publics.
Ainsi en Droit social, il faut étendre au concubin les droits reconnus
au conjoint dans les domaines des assurances invalidité, vieillesse,
veuvage, décès et accident du travail.
Vis-à-vis des instances médicales, le rôle du concubin
doit être reconnu, au même titre que celui du conjoint, pour tout
ce qui concerne l'information et les choix thérapeutiques, dès
lors que le partenaire malade n'est plus en état de s'exprimer ou de
prendre des décisions. De la même façon, quant à
l'organisation des funérailles, le pouvoir décisionnel du
concubin doit être officialisé dans les textes pour les cas
où le défunt n'a pas manifesté sa volonté.
Enfin, en ce qui concerne le partenaire de nationalité
étrangère, le concubinage doit donner droit, dans les mêmes
conditions que le mariage, à la délivrance d'un titre de
séjour et d'un permis de travail.
La prise en compte de ces propositions permettra ainsi d'éviter que
l'union libre soit le grand perdant du PACS.
M. Jacques Larché, président
-
La parole
est à Mme Renée Labbat.
Mme Renée Labbat -
Je vous remercie d'avoir donné la
parole aux personnes qui vivent seules.
A priori, l'on pourrait dire que le PACS ne concerne que les couples, et donc,
pas du tout les personnes qui vivent seules. Et plusieurs d'entre vous, ici,
ont sans doute envie de me dire : " De quoi vous
mêlez-vous ? " Pourtant, les personnes qui vivent en solo,
sont, au contraire, très concernées par ce projet de PACS.
Pourquoi ? Tout d'abord, à cause du constat qui est à
l'origine du PACS. Les inégalités dont seraient, paraît-il,
victimes les couples sans enfant qui vivent en union libre et les homosexuels.
On nous dit que 5 millions de personnes sont concernées. Quelles
seraient ces inégalités et à quoi sont-elles dues ?
Les concubins et les homosexuels sont, au regard de la législation, des
célibataires, tout comme les personnes qui vivent seules.
Ils ne peuvent donc pas rédiger de déclaration commune de
revenus, les déductions fiscales diverses sont réduites, ils
doivent payer 60 % de taxes à l'Etat sur les droits de succession, ils
ne peuvent pas prétendre au rapprochement des conjoints. Le constat est
net : le statut de célibataire est très pénalisant.
Il faut donc en changer et le PACS permet aux homosexuels et aux concubins de
s'en affranchir.
Après tout, pourquoi pas ? Mais l'on oublie une chose, c'est qu'on
laisse totalement de côté un autre phénomène de
Société, encore plus flagrant c'est-à-dire l'augmentation
du nombre de personnes qui vivent seules (7 millions en 1998, contre 3,8
en 1979). Or, ces 7 millions de personnes ont rigoureusement le même
statut juridique et fiscal ; seulement pour elles, on ne le prend pas en
compte, tout simplement.
Autrement dit, en prétendant oeuvrer dans le sens d'une plus grande
justice sociale pour 5 millions de français qui vivent en duo, le PACS
en réalité ferait un pas de plus dans le sens de
l'inégalité sociale en France.
Peut-on, en effet, envisager de plaider la cause des uns et continuer à
ignorer, voire à déposséder les autres, car c'est bien de
cela qu'il s'agit si l'on regarde la réalité ?
Allons-nous continuer à pénaliser ces personnes seules sur le
plan social, fiscal, successoral, alors même qu'elles ont
déjà, à revenus à peu près
équivalents, un niveau de vie inférieur de 30 % à ceux qui
vivent en couple ? C'est bien cela, en effet, la réalité.
L'INSEE a publié, en janvier 1998, une étude
particulièrement instructive à ce sujet. Il y a 50 ans, on
estimait qu'il fallait à un couple sans enfant 70 % de revenu
supplémentaire pour atteindre le même niveau de vie qu'un
célibataire. Ce n'est plus le cas, et pourtant, beaucoup d'élus
en sont encore là !
L'enquête montre, au contraire, qu'un couple sans enfant n'a besoin
aujourd'hui que de 50 % de revenus en plus pour atteindre le même niveau
de vie qu'une personne seule. A elle seule, cette étude de l'INSEE
prouve la contradiction sociale du PACS. Mais volontairement ou non cette
étude statistique et les discussions autour du Pacte Civil de
Solidarité n'ont jamais été confrontées.
Le message est pourtant clair : les avantages fiscaux du PACS
accordés aux couples sans enfant viendraient se superposer à un
niveau de vie déjà supérieur à celui des personnes
seules, creusant encore davantage le fossé des inégalités.
Alors, le PACS ne se trompe-t-il pas de justice sociale ? Ne va-t-il pas
à l'encontre de l'Article 13 de la Déclaration des Droits de
l'Homme :
" L'impôt doit être également
réparti de façon équitable entre tous les citoyens "
et ne va-t-il pas contre la Loi qui dit :
" L'impôt doit
être réparti de façon équitable entre les
contribuables selon leur faculté contributives "
?
Or, il est temps de se mettre cela dans la tête : à revenu
égal, les facultés contributives des couples sont
supérieures à celles des personnes seules. Il est normal d'aider
les couples à élever leurs enfants mais il ne faut pas
mélanger le couple et la famille. Madame Guigou l'a elle-même
déclaré et beaucoup de partisans du PACS avec elle. Le PACS, nous
dit-elle
"concerne le couple et lui seul "
. La famille, en effet,
est un couple plus des enfants. Combien de fois n'a-t-on entendu dire que l'on
aidait le couple parce qu'il était susceptible d'avoir des
enfants ? Ce n'est pas le cas des couples d'homosexuels me semble-t-il.
Alors plusieurs questions se posent :
Sur quel article de la Constitution se fonde un projet de loi visant à
permettre aux couples, en tant que tels, d'être avantagés ?
Au nom de quel principe constitutionnel se justifie la situation
discriminatoire faite, par voie de conséquence, au sujet
isolé ?
Au nom de quoi le smicard célibataire devrait-il être plus
imposé que le couple ?
Lorsque nous allons à Bercy demander que le smicard ne paie plus d'IRPP
(en 1998 : encore 1 176 F) on nous répond qu'il n'y a plus
d'argent. Soudainement, on trouve de 4 à 6 milliards pour diminuer
l'impôt des couples souvent plus nantis. Quel est le lien de
solidarité qui justifie cela ?
Au nom de quoi le smicard célibataire devrait-il payer la
Sécurité Sociale pour le partenaire qui ne travaille pas dans un
couple plus riche que lui ?
Au nom de quoi un couple obtiendrait-il sa mutation dans la Fonction Publique,
avant une célibataire qui veut revenir s'occuper de ses parents
âgés ?
Autant de questions sans réponse qui expliquent que les personnes
seules sont bien concernées par le PACS. Mais un autre constat les
concerne encore peut-être davantage. Le professeur Hauser nous dit :
" La Société a peut-être intérêt
à donner des droits à ceux qui ne vivent pas seuls, car la
solitude est un fléau, la vie à deux une valeur qui mérite
une reconnaissance. "
Madame Guigou nous dit :
" Je crois
aussi qu'il est de l'intérêt de la Société de
privilégier la vie à deux qui rompt la solitude trop
répandue dans notre société et qui encourage la
solidarité plutôt que l'individualisme. "
Ne s'agit-il pas là d'une position d'autorité qui pose tout de
même question, dans la mesure où le modèle social de "vie
à deux " apparaît la norme privilégiée ?
C'est en référence à la solitude que le modèle de
vie à deux est nettement favorisé. Irène Théry l'a
dit :
" Le paradoxe est de se prévaloir du combat contre la
solitude tout en rejetant la vraie solitude puisqu'on n'aide
financièrement que la vie à deux. "
La
considération est liée à la sexualité. Or, pourtant
la Société n'est pas fondée sur un modèle
fusionnel, mais d'altérité ! Pourquoi faudrait-il
forcément vivre à deux ?
En Société, telle que les partisans du PACS veulent la
construire, deux personnes ont plus de prix qu'une personne seule. Cela va
totalement à l'encontre des droits de la personne, deux personnes ne
valent pas mieux qu'une !
Non, la véritable solidarité n'est pas dans le PACS. Elle se
situe ailleurs. Ce qui justifie les droits, ce n'est pas le fait de vivre
à deux ! Toute la théorie du PACS est basée sur un
postulat qui est faux. La vie à deux deviendrait-elle "quasiment
obligatoire" ?
En effet, d'une part, financièrement, il ne sera plus possible de vivre
seul, déjà aujourd'hui, tout le monde a peur de se retrouver
seul, compte tenu du mode de vie qui change totalement et vivre seul devient un
luxe. Et, d'autre part, moralement, la personne seule sera de plus en plus
écartée, marginalisée.
Alors, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la vie à deux quelle
qu'elle soit, car c'est bien là le problème, est-ce là le
modèle social que vous voulez nous proposer, aux jeunes surtout, pour
l'an 2000 ?
Pour éviter cela, l'UNAGRAPS formule quelques propositions :
1°) Mettre à plat les différents choix de vie : mariage,
union libre, homosexualité, mais aussi célibat. Ce dernier
état découlant le plus souvent des "circonstances de la
vie ". Liberté de choix !
2°) Traiter ensuite les différentes questions de la vie
quotidienne en regardant tous ces choix de vie :
- fiscalité,
- succession,
- Sécurité Sociale,
- Logement, etc.
3°) Séparer nettement couples sans enfants et couples avec
enfants. Pour les couples sans enfants et qui sont en union libre,
régler devant notaire :
- la question du droit au bail,
- la question du droit au logement, après décès ou
départ d'un partenaire,
- la question du suivi lors d'une maladie, etc.
Toutes les autres questions peuvent être réglées par la
dépénalisation du statut de célibataire. En effet, que
l'on soit seul ou en couple, il faut :
- Pour la fiscalité
, une égalité de traitement,
c'est-à-dire :
* Une déclaration séparée, pour chaque personne physique,
pour toutes les catégories de ménages (personnes seules, couples
mariés sans enfant, couples concubins avec ou sans enfant, couples
homosexuels). Madame Théry et Monsieur Piketty considèrent cela
comme " une voie de justice aujourd'hui ". Une seule exception
cependant : une déclaration commune pour les couples mariés
avec enfants à charge.
* Des déductions fiscales identiques pour logement de personnes seules
ou en couple.
* Et maints autres avantages.
- Pour la Sécurité Sociale :
* une cotisation par adulte en âge de travailler.
- Pour les successions :
* Une révision du droit de succession favorable non seulement aux
cohabitants, mais également aux célibataires qui ne peuvent pas
léguer leurs biens à des familles modestes, seuls les riches
ayant les moyens d'hériter !
Les couples sans enfant doivent être solidaires des familles et des
personnes seules, pas l'inverse ! Ils sont actuellement 8,56 millions soit
1,353 millions de couples cohabitants et 7,211 millions de couples
mariés. Cela ferait une belle solidarité.
En conclusion, je poserai à tous quelques questions :
Le célibat doit-il encore être considéré comme un
délit ?
N'est-il pas indispensable d'agir pour que change le regard sur le
célibat ? Nous avons été choqués par les
propos de Madame Guigou lors du débat sur le PACS à la
2
ème
séance du 1
er
décembre 1998
à l'Assemblée Nationale. En effet, pour défendre les
célibataires qui vivent en duo, elle n'a pas hésité
à citer des définitions méprisantes du célibat
héritées du 19ème siècle. On peut alors vraiment
s'interroger sur une telle méconnaissance de la réalité de
la part d'une personne politique si haut placée, s'agissant des
revendications légitimes de millions de personnes, revendications
exprimées par l'UNAGRAPS.
Quant au Gouvernement, je rappellerai simplement ceci : lors du Bureau
National du 15 septembre 1998, les dirigeants du PS déclaraient :
" Le devoir de la gauche est de faire avancer la cause des Droits de
l'Homme. "
Je lui pose la question : à travers le PACS
où sont les droits de la personne ?
Avant de faire surgir ce PACS, n'est-il pas impératif de réaliser
l'équité à l'égard des 7 millions de personnes qui
ne sont pas concernées par ce modèle valorisé
aujourd'hui afin qu'elles n'aient pas à subir un renforcement de
l'inégalité à leur égard, qui les conduirait
à une exclusion plus manifeste encore ?
Comment concevoir que ce PACS l'emporte sur la reconnaissance du
caractère unique de tout être humain, dans ses droits individuels
et sociaux ?
Et je terminerai par une opinion personnelle. Quel dommage, oui, vraiment,
quelle occasion ratée que les problèmes rencontrés par les
homosexuels n'aient pas donné lieu à un grand débat
national sur la personne, en tant que telle. Ne pourrait-on rêver que le
Sénat, permette ce débat, donnant, du même coup, plus de
grandeur au regard des français sur la politique et leurs
élus ?
M. Jacques Larché, président.-
Nous avons entendu
différentes interventions pour lesquelles nous pouvons dire qu'il existe
quelques nuances.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
J'ai une multitude de questions
à poser et je vais essayer de simplifier compte tenu de la
diversité de ce que nous avons entendu.
En réalité, vous demandez l'un et l'autre la suppression du
mariage en tant qu'institution, je m'adresse aux deux derniers intervenants.
Je m'explique : l'Association pour l'union libre demande exactement les
mêmes droits que les gens mariés. Si je reprends vos demandes, je
ne vois pas de quels droits supplémentaires bénéficient
les gens mariés. Pour l'Association des personnes qui vivent seules, je
pose la question, en réalité le mariage n'aurait de raison
d'être que dans la mesure où il y a des enfants. Là, je
m'interroge parce que nous allons beaucoup plus loin étant donné
que le PACS reprend le modèle du mariage.
Madame Delvolvé, j'ai entendu ce que vous avez dit mais dans votre
discours il y a une exclusion totale, il n'est plus question de traiter les
problèmes matériels, sociaux ou autres des homosexuels. Comment
traite-t-on le cas des homosexuels d'après votre Collectif ?
Quant au collectif pour le PACS, vous nous avez dit une chose qui argumente
l'ensemble de votre exposé, en nous disant qu'il y a une
égalité de droits et de devoirs dans le PACS. Je trouve que dans
le PACS il n'y a que des droits et pas de devoirs, il n'y a pas
d'opposabilité du PACS aux tiers à moins qu'on ne le rende
public. La solidarité des dettes n'existe pas puisque le
créancier n'a pas connaissance du PACS.
Ensuite, vous dites que le PACS est intermédiaire entre l'union libre et
le mariage. Non, on peut y mettre fin à tout moment aussi, il n'y a pas
de sécurité dans le PACS. Comme "nul n'est tenu de rester dans
l'indivision. " et bien "personne n'est tenu de rester dans le
PACS. ". Je voudrais que vous me précisiez un peu votre
pensée là-dessus.
Par contre, j'ai bien entendu que, pour vous, le PACS concerne tout le monde.
Comment comprenez-vous l'interdiction du PACS faites aux alliés, aux
oncles et neveux, à la bru veuve et au beau-père, pourquoi toutes
ces interdictions faites en relation avec le mariage ?
Voilà un premier lot de questions brutales et je me réserve d'en
poser d'autres aux vues des réponses.
Mme Renée Labbat -
Il n'est pas question évidemment de
supprimer le mariage. Je trouve cela ridicule comme a priori.
M. Jacques Larché, président.-
Il y a suppression de droit
et suppression de fait, nous n'imaginons pas que vous proposiez une loi dans
laquelle il est dit, "article 1 : le mariage est supprimé".
Mme Renée Labbat -
Il est question des privilèges que l'on
donne à partir du moment où l'on vit à deux. Au nom de
quoi, de quel principe constitutionnel ? Qu'est-il dit dans la
Constitution pour privilégier les duos quels qu'ils soient ?
L'enquête de l'INSEE dont je vous ai parlé est
particulièrement instructive, il y a 50 ans on estimait qu'il fallait
à un couple 70 % de revenu supplémentaire pour atteindre le
même niveau de vie qu'un célibataire. Ce n'est plus du tout le cas
actuellement, et pourtant, même en décembre je recevais des
lettres de BERCY et je reçois encore tous les jours des lettres
d'élus, spécialement de députés, qui me
disent :
" Selon les facultés contributives vous devez
payer davantage car vous payez moins de loyer, etc".
Or, que je sache, il n'est pas nécessaire de faire des calculs
extraordinaires pour cela, tout le monde sait qu'actuellement en vivant seul
vous avez d'un côté toutes les charges de la même
manière qu'un couple, loyer avec ses charges, les assurances, etc, et de
l'autre côté vous n'avez qu'un salaire au lieu d'en avoir deux. Le
calcul est très vite fait.
M. Jacques Larché, président.-
Vous dites
" toutes les charges " et je vous réponds toutes les charges
sauf les enfants.
Mme Renée Labbat -
Les charges afférentes au loyer. Je
parle des couples sans enfant parce que j'ai bien dit que les couples avec
enfant étaient autre chose. La différence est que l'on veut
privilégier les couples ou toute personne qui vit à deux. Il est
déjà révélé qu'ils ont un niveau de vie
supérieur et on continue à leur donner les privilèges,
c'est pour cela que je trouve cela anormal.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Un couple qui ne
bénéficie d'aucun avantage fiscal parce qu'il est un couple de
fait, fera effectivement des économies de chauffage,
d'électricité, de gaz, d'eau, de téléphone et de
loyer s'ils vivent à deux et ce sera deux célibataires qui vivent
au même endroit.
Mme Renée Labbat -
Oui, ce sont deux célibataires, j'ai
bien dit que toutes les personnes que l'on veut taxer sont des
célibataires.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Pourquoi les personnes seules en
question ne se mettraient-elles pas à deux pour bénéficier
des mêmes avantages ?
Mme Renée Labbat -
Justement est-ce ce que vous souhaitez pour
l'an 2000 ? Est-ce que le fait que tout le monde se mette à deux
obligatoirement et peu importe de quelle manière est un
modèle social? Est-ce cela que vous voulez ?
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Le régime particulier
accordé au mariage est constitutionnel. Le préambule de la
Constitution de 1946 a fait de la famille une institution républicaine,
je réponds à l'obstacle constitutionnel que vous avez
soulevé.
Mme Renée Labbat -
De la famille d'accord, mais un couple seul
n'est pas une famille.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Dès le moment où on
est marié, on est une famille.
M. Xavier Tracol -
Vous nous indiquez que le Collectif pour l'union
libre réclame les mêmes droits que ceux dont
bénéficient les conjoints. Non, il y a des différences
notables. Concernant la présomption de paternité, vous aurez
remarqué que dans nos propositions nous ne parlons pas de filiation
naturelle car elle est déjà réglée par le Code
Civil, par une loi récente entrée en vigueur en 1993, et
également par une jurisprudence, donc nous n'avons pas besoin de nous
préoccuper du domaine de la filiation.
Par ailleurs, nous ne réclamons pas le droit à l'adoption
conjointe qui est réservée pour l'instant, ne serait-ce que de
facto, aux conjoints. Egalement, concernant le droit à la
nationalité, nous demandons simplement que le partenaire en union libre
puisse bénéficier au même titre que le conjoint d'un titre
de séjour et d'un permis de travail. Il y a évidemment des
contreparties en matière de devoirs aux droits que nous
réclamons, nous ne parlons pas également de devoir de
fidélité car il n'y en a pas si ce n'est dans la sphère
privée du couple en union libre.
Deuxième remarque sur votre question, c'est-à-dire sur la
concurrence de l'union libre, telle que nous la concevons, avec le mariage.
Nous pensons au contraire que le PACS fait concurrence au mariage et j'en veux
pour preuve l'incompatibilité qui est prévue dans le PACS pour
une même personne d'être à la fois engagée dans un
PACS et dans un mariage.
Vous disiez qu'il vous paraît évident qu'il y ait
exclusivité d'un PACS et qu'on ne puisse pas être engagé
à la fois dans un PACS et dans un mariage, cela ne me paraît pas
aussi évident que cela. Pour moi c'est bien la preuve qu'il y a
rivalité entre les deux et c'est en cela que le PACS risque de porter
atteinte au principe d'unicité du mariage républicain.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Vous estimez que les personnes
mariées peuvent vivre en union libre et en même temps
bénéficier des mêmes avantages ?
M. Xavier Tracol -
Cela existe. C'est une réalité sociale.
Des couples mariés se séparent sans pour autant divorcer et
vivent en union libre, certains ont même des enfants adultérins.
C'est une réalité sociale qui, même si elle reste
minoritaire, est en développement.
M. Jacques Larché, président.-
Votre démarche
juridique consiste à tenir compte de la réalité sociale ?
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Grâce à votre
système on peut généraliser la polygamie en France. Vous
pouvez vous marier en union libre deux ou trois fois. Evidemment je me fais ici
l'avocat du diable.
M. Xavier Tracol -
Non, puisque nous proposons de matérialiser
l'union libre par la délivrance d'un certificat légal du
concubinage et nous proposons de transformer le PACS en ce sens.
M. René-Georges Laurin -
Les certificats de concubinage existent.
J'en donne tous les huit jours en tant que Maire.
M. Xavier Tracol -
J'en prends bonne note mais il y a un pouvoir
discrétionnaire de l'Administration quant à la délivrance
des certificats de concubinage. Nous proposons d'y mettre fin par l'institution
d'un certificat légal de concubinage et l'Administration n'aurait plus
ce pouvoir discrétionnaire par rapport à leur délivrance.
Actuellement, l'Administration dans le cas d'un couple
hétérosexuel peut délivrer un certificat, pour un couple
homosexuel il peut choisir de ne pas en délivrer ou vice versa. Il n'y a
aucun recours par rapport à cela.
J'ajoute qu'aucun droit véritable n'est attaché aux certificats
de concubinage tels qu'ils sont conçus actuellement. Ces certificats
produisent les droits que les communes veulent bien leur attacher. Ce n'est pas
légalement entouré.
M. René-Georges Laurin -
C'est légal puisque les communes
le délivrent. Je dis simplement à notre orateur que toutes les
communes délivrent ces certificats de concubinage, encore faut-il que
les concubins le demandent. Ce certificat sert légalement, contrairement
à ce que vous venez de dire, dans toutes les nécessités de
la Loi.
M. Xavier Tracol -
Les droits actuellement attachés au certificat
légal de concubinage sont ceux que la commune veut bien y attacher.
M. René-Georges Laurin -
Mais non, elle les délivre pour
les Administrations d'Etat, la Sécurité Sociale, le fisc.
M. Xavier Tracol -
L'Administration communale n'est jamais tenue de
délivrer un certificat de concubinage, elle a le choix aussi bien en ce
qui concerne les couples hétérosexuels qu'homosexuels qui se
présentent à elle.
M. René-Georges Laurin -
Non, vous mélangez tout. La
notion actuelle de concubinage n'a jamais été rattachée
aux homosexuels. Je n'ai jamais délivré de certificat de
concubinage pour deux hommes qui vivent ensemble.
M. Xavier Tracol -
Concernant les informations que j'ai en ma
possession, nous avons peut-être aujourd'hui un scoop.
M. René-Georges Laurin -
Vous êtes mal renseigné.
M. Guy Allouche -
Il y a des municipalités qui le font mais la
réalité est que nous le faisons tous pour les
hétérosexuels et qu'il n'y a pas ici de contre-exemple. Mais
peut-être y a-t-il des exemples de maires qui ont fait des certificats de
concubinage à des couples homosexuels. Cela existe.
M. Jacques Larché, président.-
Si cela existe et que nous
avons du mal à les trouver c'est que ce n'est pas courant. Avez-vous
d'autres questions ?
Mme Marguerite Delvolvé.-
Monsieur Gélard m'a posé
une question, je souhaite y répondre.
Vous m'avez demandé comment nous pensions qu'il fallait traiter les
problèmes matériels des homosexuels. Nous pensons qu'il n'y a pas
de problèmes particuliers pour les homosexuels et qu'ils n'ont pas
à être discriminés à cause de leurs tendances
sexuelles. Nous pensons que la Loi fait déjà face à des
problèmes de précarité dus à la rupture autant du
côté du concubinage hétérosexuel que du concubinage
homosexuel.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Nous avons le problème de
la jurisprudence de la Cour de Cassation qui interdit, par exemple, le maintien
dans les lieux.
Mme Marguerite Delvolvé.-
Absolument, et je trouve qu'elle a
raison de s'arc-bouter car nous revenons à la question essentielle,
c'est-à-dire y a-t-il légitimité à
institutionnaliser dans une société l'homosexualité ?
C'est la question de base.
Pour le droit au bail, le bailleur va se trouver dans une situation difficile.
Etant donnée la fluidité du PACS, on peut le dissoudre, en
refaire un, je pense que le bailleur peut se retrouver avec des occupants des
lieux qui ne sont pas connus au départ et avec qui le bail n'a pas
été signé, en donnant le droit à un pascé
qui peut changer. La solution dans ce cas-là est de faire signer les
deux personnes qui veulent avoir un droit au bail.
On a surtout beaucoup gonflé les problèmes matériels car
dans la plupart des cas cela se passe ainsi : lorsque les individus veulent
vivre ensemble ils signent tous les deux, tous les trois, tous les quatre un
droit au bail. La plupart du temps il n'y a pas de problème.
M. René-Georges Laurin -
Cela se fait en permanence notamment
pour les achats.
Mme Marguerite Delvolvé.-
La législation fait
déjà face à beaucoup de situations.
M. Denis Quinqueton -
Je me garderai bien, car ce n'est ni ma fonction,
ni mon rôle, de prendre votre travail de législateur, je voudrais
simplement indiquer deux directions. Notamment, concernant votre
déclaration dans le journal
LA CROIX de
lundi, le PACS n'a pas
pour base le lien sexuel, il a pour base un lien de solidarité et il
s'applique à des personnes qui ont des liens sexuels que ce soient des
couples hétérosexuels ou homosexuels, à des personnes dont
le projet commun de vie n'est pas rattaché à une notion sexuelle.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Ils sont hors PACS.
M. Denis Quinqueton.- -
Oui, c'est vrai parce que la situation est
complexe mais je voulais attirer votre attention sur ce type de problème
que nous avons rencontré et c'était le devoir du Collectif que de
relayer cela auprès du Sénat qui en fera ce que bon lui semblera.
Quant à la solidarité pour dettes elle est inscrite dans les
textes, à vous de remédier à l'objection que vous m'avez
faite.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Le Ministère de la justice
nous a bien dit qu'en aucun cas le PACS ne pouvait être rendu public,
sauf pour les Administrations.
M. Denis Quinqueton.- -
De toute façon cette solidarité
jouera en cas de conflit puisque le juge sera saisi. La possibilité de
dissoudre un PACS existera de façon unilatérale ou
bilatérale, en plein accord ou en désaccord, mais si la
dissolution est unilatérale et que le co-pacsant n'est pas d'accord soit
avec la dissolution, soit avec les termes de cette dissolution, il aura recours
au juge. C'est à ce moment-là qu'apparaîtra la
solidarité.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Il aura recours au juge mais
uniquement pour demander des dommages et intérêts et il ne pourra
pas avoir recours au juge pour autre chose.
M. Denis Quinqueton.- -
Et régler par exemple la question de
dettes contractées en commun.
M. Jacques Larché, président.-
Je vous remercie, vous avez
compris que notre approche était essentiellement juridique et nous avons
à essayer de trouver les solutions aux problèmes de fait et de
droit qui sont posés.
M. Jacques Larché, président.-
Nous entendrons Madame
Blanchon, responsable de la Commission mariage et égalité des
droits de Act-Up, Monsieur Borillo, responsable du groupe juridique à la
Fédération Nationale AIDES, Madame Gross,
vice-présidente de l'Association des parents et futurs parents gay et
lesbiens et Monsieur Touillet représentant l'Association Lesbien et Gay
pride.
6) Audition de :
- Mme Dominique Blanchon, Responsable de la Commission Mariage et
Egalité des Droits - ACT-UP Paris
- M. Daniel Borrillo, Responsable du groupe juridique - AIDES
(Fédération nationale)
- Mme Martine Gross, vice-présidente - Association des parents et futurs
parents gays et lesbiens (APGL)
- M. Dominique Touillet - Lesbian and gay pride
Mme Dominique Blanchon -
Je voudrais d'abord rappeler la position d'ACTUP
Paris dans le débat autour du PACS. Dès 1997, ACT-UP Paris a
revendiqué l'égalité des droits entre concubins
hétérosexuels et homosexuels et également le droit au
mariage pour les couples homosexuels. Ce sont deux revendications qui à
notre sens garantissent la reconnaissance totale des couples homosexuels. C'est
dans ce cadre-là que nous avons pris position sur le texte du PACS.
Dès le printemps 1998, nous avons exprimé notre soutien aux
différents projets qu'ils s'appellent CUS, CUC ou PACS, puisque ce qui
nous intéressait dans ces projets était l'ouverture de droits
nouveaux à tous, autant aux couples homosexuels qu'aux couples
hétérosexuels, et ils étaient à ce titre des
contrats anti-discriminatoires.
C'est également pour cette raison que nous étions heureux de
l'adoption en première lecture de la proposition de loi relative au PACS
puisque dans ce cadre elle est une victoire face au déchaînement
homophobe que le texte a sollicité et auquel nous avons pu assister
à l'Assemblée.
Aujourd'hui, je vais parler de notre position sur le PACS. Nous portons
aujourd'hui un regard qui est celui des futurs usagers. Ce texte devait
améliorer les vies, mais tel qu'il est proposé actuellement il ne
fera pas. Nous sommes les futurs usagers du PACS, des malades du SIDA que
l'absence de Droit a souvent jeté dans des situations dramatiques qui
ont été à l'origine des exigences de droits nouveaux. Nous
sommes aussi des personnes liées à des personnes
étrangères en situation irrégulière, nous sommes
des couples homosexuels souhaitant adopter des enfants.
En effet, examiné depuis nos conditions de vie réelles, ce projet
ne nous satisfait pas. Il comporte nombre d'absurdités, des effets
pervers et des injustices que nous ne pouvons accepter.
Je vais détailler mon discours en trois points. Le premier concernera la
mise sous condition de délai, point auquel ACT-UP Paris est le plus
sensible, le second, les effets secondaires que le texte du PACS aura sur les
allocations de minima sociaux, le troisième parlera du sort qui est
réservé à nos amants et amantes étrangers.
Les délais
:
Deux articles du texte sur le PACS relatifs à l'imposition commune et
aux droits de succession sont soumis à un délai de mise en
application de deux ans après la signature du PACS. Pour nous, ce
délai est le témoin d'un soupçon inadmissible sur les
relations des personnes qui ne désirent ou ne peuvent se marier,
notamment les couples homosexuels. Les couples qui se marient aujourd'hui ne
sont pas soupçonnés de le faire par simple souci de
rentabilité fiscale ou successorale. Un jour seul suffit pour que ces
droits leur soit ouverts.
Les délais sont aussi symptomatiques d'une certaine morale. En effet, on
a entendu que le PACS voulait encourager la stabilité des couples car
les droits ne sont pas tous immédiats. Ici, nous sommes dans le domaine
de la morale et du mérite qui prend le pas sur les droits. Pourquoi
n'exige-t-on pas, dans cette logique, que les couples divorcés avant
deux ans restituent le montant des avantages dont ils ont
bénéficiés ?
Ces délais sont également symptomatiques du désir de faire
des économies. En effet, le premier texte du printemps 1998
prévoyait cinq ans pour les droits de succession et trois ans pour
l'imposition commune, alors que dans le dernier texte adopté et suite
à l'action des différentes associations, en particulier à
l'Assemblée Nationale, ces délais ont été
rapportés à deux ans. Ils restent toutefois inacceptables.
Aujourd'hui, tout se passe comme si l'injustice dont sont victimes les
homosexuels allait perdurer encore durant de nombreuses années.
Concernant les droits de succession, non seulement l'ouverture des droits est
soumise aux deux ans de mise à l'épreuve mais même
après ces deux ans lorsque les couples homosexuels auront prouvé
devant la Loi leur stabilité, ils ne seront toujours pas traités
à l'égal des couples mariés.
Les droits de succession restent moindres autant dans les abattements que dans
les pourcentages d'abattement, nous sommes donc devant une double
discrimination envers les couples homosexuels discriminés puisqu'ils
n'ont pas droit au mariage.
Concernant les couples homosexuels atteints du SIDA, on nous impose des
délais mais nous avons vu depuis de nombreuses années que la
maladie n'attend pas. La mise sous condition de délai atteste d'une
méconnaissance de la réalité du quotidien de ces couples
et témoigne d'un profond mépris à leur égard.
Garantir la survie matérielle de celui ou de celle qu'on aime et opposer
des principes de respect dans les conflits avec la belle-famille constituent
des droits fondamentaux desquels les couples homosexuels sont aujourd'hui
exclus.
D'ailleurs, lorsque nous avons souligné ce point lors des auditions
à l'Assemblée Nationale, on a intégré dans le
nouveau texte une clause prévoyant que dans le cas où le
partenaire serait atteint d'une affection longue durée l'accès
serait sans délai aux droits de succession.
Cependant, cette clause pose plusieurs problèmes. D'une part, elle
entraîne de facto la violation du secret médical à la mort
du partenaire. Nous savons que les assurances sauront faire bon usage de ce
genre d'information.
D'autre part, la discrimination qu'entraîne cette clause crée
l'inégalité des malades devant la Loi. Une personne mourant des
suites du SIDA avant deux ans bénéficiera d'avantages alors
qu'une personne mourant d'un accident de voiture n'en bénéficiera
pas, ceci constitue une injustice. Par ailleurs, rien ne nous assure que cette
clause sera validée par le Conseil Constitutionnel. Ainsi, pour ACT-UP,
seule la suppression totale des délais répond aux attentes des
futurs usagers.
De plus, lorsqu'on nous parle de délais on nous parle de
stabilité des couples. Nous savons qu'actuellement des couples vivent
ensemble depuis plusieurs années mais nulle part dans les textes et
jamais lors des différentes Commissions, nous n'avons entendu
parlé de rétroactivité. Pour nous, dans la même
logique des délais, le minimum serait que l'on prenne en compte les
personnes pouvant attester de deux ans de vie commune et qu'elles puissent
avoir accès aux droits sans délai.
-
les minima sociaux
:
La signature d'un PACS par la prise en compte des revenus du contractant va
entraîner l'amputation voire la suppression des minima sociaux qui sont
soumis à condition de revenus du partenaire, en particulier,
l'allocation d'adulte handicapé dont bénéficient de
nombreux malades du SIDA, le RMI et l'allocation de parent isolé et cela
sans délai. Dès qu'une personne sera pacsée avec quelqu'un
qui touche au maximum 6 400 F par mois, elle perdra automatiquement son AAH ou
son RMI sans cependant bénéficier des avantages fiscaux pendant
les deux premières années. Dans le cas d'une séparation
elle pourra se retrouver dans une situation plus difficile encore qu'avant le
PACS. Ainsi nous revendiquons le maintien des minima sociaux pour les personnes
pacsées et leur individualisation.
Les articles traitant des étrangers
:
Les différentes versions du texte ont peu à peu réduit
à une peau de chagrin les différents droits ouverts aux futurs
pacsés étrangers. Dans le dernier texte voté le 9 octobre
1998 un article a été totalement supprimé, celui qui
concernait l'accès à la nationalité française. On a
préféré faire du PACS l'une des multiples pièces
nécessaires à la constitution d'un dossier de
régularisation et non un titre suffisant pour l'obtention d'un titre de
séjour. Cela revient à soumettre les dossiers à
l'arbitraire des Préfectures. Nous revendiquons donc l'alignement des
droits sur ceux ouverts par le mariage, c'est-à-dire l'obtention
immédiate d'un titre de séjour à la signature du PACS.
Suite aux auditions à l'Assemblée Nationale, nous avions
déjà exposé ces revendications mais aucune d'entre elles
n'a été prise en compte dans les différentes propositions.
Nous espérons qu'aujourd'hui celles que je vous ai
présentées, seront entendues.
Je souhaite terminer en précisant que les revendications des
associations homosexuelles se rejoignent. En effet, au lendemain du vote de la
motion d'irrecevabilité du 9 octobre, l'observatoire du PACS a
été créé sur l'initiative de nombreuses
associations homosexuelles. (ACT-UP Paris, AC, AIDES Fédération
Nationale, Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, l'ARDHIS
(Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et
transsexuelles à l'émigration et au séjour), le centre gay
et lesbien de Paris et Prochose Paris.) L'ensemble de ces associations a
créé une charte commune de leurs revendications, elles sont au
nombre de cinq et sont les suivantes :
- la signature du PACS en Mairie et l'alignement sur le régime fiscal
et matrimonial pour une reconnaissance pleine et entière des couples
homosexuels exclus du mariage,
- un droit au séjour sans restriction pour nos amants et amantes sans
papier, un accès rapide à la naturalisation, la reconnaissance du
droit à la vie privée pour les couples binationaux mariés,
pacsés ou concubins,
- la suppression de tous les délais symptomatiques d'une suspicion
à l'égard de nos couples, en imposant le secret médical
pour les personnes atteintes de pathologies graves les exposant à tous
les dangers,
- l'individualisation des minima sociaux, l'ouverture et le maintien des
droits ne doivent plus dépendre des ressources du conjoint,
- l'accès à l'adoption, à la procréation
médicalement assistée et à la coparentalité pour
les futurs pacsés qu'ils soient homosexuels ou
hétérosexuels.
Ces cinq points sont des points de revendications communes à ces
associations. L'observatoire du PACS s'est donné pour objectif de
surveiller les débats puisqu'il a suivi les débats à
l'Assemblée Nationale, de dénoncer les incohérences du
texte et ensuite après les votes définitifs du texte il
recueillera les témoignages de toutes les personnes qui ont eu des
problèmes et tentera de faire évoluer le texte du PACS par
jurisprudence.
M. Jacques Larché, président. -
La parole est à M.
Daniel Borillo.
M. Daniel Borrillo -
Mesdames et Messieurs les sénateurs, je
vous remercie de l'invitation que vous avez faite à l'Association AIDES,
association de lutte contre le SIDA. Je vais essayer de vous exposer
brièvement les points de vue de notre association et le combat dans
lequel nous nous sommes engagés depuis de nombreuses années.
Il faut se rappeler que le SIDA montre clairement que les
précarités juridiques sont indissociables des situations
sanitaires. L'Association AIDES n'a jamais voulu rentrer dans une logique
purement sanitaire et toute la politique de l'Association a été
de montrer qu'il y avait une logique juridique dans laquelle la logique
sanitaire trouvait sa place.
En effet, toute forme de précarité apparaît
désormais comme une menace latente de recrudescence de la maladie SIDA.
La précarité juridique représente une forme
particulièrement grave de la vulnérabilité psychologique
et sociale, elle se manifeste aussi bien au plan individuel, qu'au niveau du
couple et de la famille. En ce sens, il ne suffit pas d'octroyer des droits
à l'être individuel sans prendre en considération
l'environnement affectif.
Nous trouvons là la problématique du couple et de la famille au
coeur des préoccupations d'une association comme AIDES et lorsque je
parle de couple et de famille j'en parle dans toute sa diversité. Les
situations spécifiques dans lesquelles ils peuvent se trouver sont
autant d'éléments qui doivent également être
considérés sous peine d'isoler les sujets de droit, et les
traiter exclusivement comme des individus en dehors de tout contexte.
Dans la lutte pour l'égalité juridique la prise en compte de
l'individu est certes une étape fondamentale mais cela ne peut pas se
limiter à cela. Le concubinage, le mariage apparaissent de nos jours
comme des formes dans lesquelles la Société, par le moyen du
Droit, reconnaît la vie de couple. Cette reconnaissance est la
première condition qui confère toute protection. Ces deux formes,
une institutionnelle, le mariage, l'autre factuelle, le concubinage, sont de
par leur nature susceptibles de modifications et par conséquent
d'évolution. AIDES ne peut pas admettre un point de vue essentialiste.
Nous croyons que le mariage et le concubinage sont des constructions sociales
auxquelles nous pouvons participer quant à leur évolution. Le
mariage et l'union libre doivent être élargis à l'ensemble
des personnes majeures et capables, ceci indépendamment de leur sexe et
de leur orientation sexuelle.
Bien que l'ensemble de la Société soit concerné, ce sont
les couples du même sexe qui se trouvent davantage confrontés aux
situations les plus discriminatoires car ils sont à la fois
écartés du mariage et du concubinage. Je tiens à marquer
ici la lâcheté de la Cour de Cassation qui en 1989 a nié la
notion de vie maritale, et répété cela en 1997 sur le
concubinage alors que la même Cour de Cassation n'a pas
hésité à reconnaître du point de vue du Droit social
le concubinage polygame.
Depuis plusieurs années AIDES se bat pour faire valoir
l'égalité et la non discrimination en ce qui concerne les couples
en général et les unions de même sexe en particulier par
l'assistance concrète aux personnes qui font valoir leurs droits en
justice afin de faire changer une jurisprudence restrictive, celle de la Cour
de Cassation de 1989 qui a été critiquée par les juristes
de l'époque, et celle de 1997.
En fait, nous trouvons très étrange que la Cour de Cassation
n'ait pas utilisé tout l'arsenal juridique, par exemple la
théorie de la représentation ou la société de fait
pour imaginer que le fait du couple homosexuel est réel et
constaté. Nous n'en serions pas aujourd'hui à revendiquer le
concubinage homosexuel, revendication qui nous semble un minimum.
D'abord, c'est par l'assistance concrète aux couples en
général et aux couples homosexuels en particulier car ce sont eux
qui sont les plus touchés par le VIH, mais ensuite également par
la négociation avec les instances publiques pour mettre fin aux
nombreuses situations conflictuelles comme le transfert du bail au survivant du
même sexe, l'allègement des charges fiscales dans les
transmissions des biens entre concubins, l'égalité dans les
délais de prise en charge par la Sécurité Sociale des
ayants-droit, les droits des partenaires étrangers, les droits extra
patrimoniaux notamment.
L'association se place en fait au-delà du débat
franco-français car il nous semble que la dimension européenne
doit être particulièrement considérée.
En effet, nous demandons que la France puisse adopter la recommandation du
Parlement européen du 8 février 1994 ainsi que celle du mois
d'octobre 1998 qui invite les Etats membres à reconnaître aux
homosexuels les mêmes droits que les couples mariés. Je
cite :
" Mettre fin à l'interdiction faite aux couples
homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions
juridiques équivalentes. "
Je dis bien équivalentes au
mariage. La recommandation devrait garantir, je cite :
" l'ensemble des droits et avantages du mariage et faire cesser toutes
restrictions aux droits des lesbiennes ou des homosexuels d'être parents
ou bien d'adopter ou élever des enfants. "
Je tiens à signaler que beaucoup de représentants des partis
socialistes au Parlement européen ont voté cette
résolution, ainsi que l'ensemble des partis de gauche, mais
également des démocrates chrétiens des pays du Nord de
l'Europe. Le clivage gauche/droite n'apparaît pas en ce qui concerne les
manifestations du Parlement européen.
Le concubinage et le mariage constituent aujourd'hui les seules formes
juridiques possibles de participation à la qualité du couple.
Nous pouvons discuter sur les faits de l'existence de cette
réalité si la France continue à garantir le couple, mais
toujours est-il que cela existe aujourd'hui en tant qu'entité juridique.
Le Droit prend en compte l'entité juridique couple par le concubinage ou
le mariage. Toute alternative de partenariat constitue également une
possibilité de réalisation des droits à condition que le
contenu juridique de celle-ci soit respecté en reconnaissant les
mêmes droits pour tous indépendamment du sexe et de l'orientation
sexuelle.
Au moment où un texte de loi sera débattu au Sénat, nous
rappelons qu'en vertu du principe d'égalité et de
non-discrimination, nous demandons le libre choix d'union pour tous les
citoyens indépendamment de leur orientation sexuelle tel qu'il est
proclamé par l'article 13 du traité de la Communauté
européenne, résultant du traité d'Amsterdam. Je me permets
de citer cet article 13 :
" Sans préjudice des autres dispositions du présent
traité et dans les limites des compétences que celui-ci
confère à la Communauté, le Conseil, statuant à
l'unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures
nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur
le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un
handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. "
Toutes discriminations fondées sur le sexe, la race, l'origine sociale,
la religion ou les convictions, en incluant l'âge ou l'orientation
sexuelle. Ce statut proposé par l'Assemblée Nationale à la
Commission du Sénat ne résout pas ces discriminations à
l'encontre du couple du même sexe qui souhaite rester en union libre ou
qui désire se marier.
Comme nous l'avons signalé dans notre rapport intitulé "vers la
reconnaissance du couple de même sexe " AIDES ne s'oppose pas au
PACS, malgré ses insuffisances mais s'oppose plutôt au fait que le
PACS soit ou apparaisse comme le seul et unique instrument de reconnaissance
des unions homosexuelles. Car une fois le PACS voté nous ne savons pas
pourquoi un couple hétérosexuel aura la possibilité de
participer au concubinage, au mariage ou à une forme
intermédiaire entre le fait et le Droit qui est le PACS, alors que les
couples homosexuels n'auront qu'une seule possibilité qui est celle du
PACS.
De plus, les arguments invoqués lors du débat à
l'Assemblée Nationale en première lecture n'ont pas suffi
à convaincre notre association de la pertinence de l'application du
principe d'égalité dans le couple. Certes, aussi bien le Conseil
d'Etat que le Conseil Constitutionnel nous disent qu'il n'y a pas atteinte au
principe d'égalité du moment où l'on prouve que l'on est
dans une situation différente. Je vous demande de m'expliquer en quoi
l'homosexualité est différente de
l'hétérosexualité, en tous cas en quoi cette
différence relève du Droit. Evidemment, je vois bien la
différence entre le noir et le blanc mais dans le Droit il n'y a pas de
couleur.
Sur la base de la proposition adoptée à l'Assemblée
Nationale le 9 décembre 1998 pour mettre fin aux
inégalités entre les couples hétérosexuels et les
couples homosexuels, il nous apparaît que cette proposition devrait
être modifiée dans le sens des dispositions suivantes :
- Concernant la forme, la déclaration conjointe devrait s'effectuer
devant l'officier d'état civil et non au Tribunal d'Instance (Article
1
er
, article 515-3 alinéa 2). De plus, nous avons vu
disparaître la disposition qui obligeait le Tribunal d'Instance à
envoyer au registre de l'état civil la situation des pacsés, ce
qui fait qu'aujourd'hui quelqu'un qui est pacsé sera toujours
considéré comme un célibataire puisqu'il n'y a pas de
changement d'état civil. C'est pour cela que nous considérons
qu'il est important de revendiquer la déclaration en mairie et non
seulement en mairie mais auprès du Maire en tant qu'officier de
l'état civil.
- Concernant le fond, il nous semble important de demander l'acquisition de
l'ensemble des Droits sociaux reconnus aux époux sans délai de
carence, à savoir, assurance-décès (Article 361-4 du Code
de la Sécurité Sociale), assurance accident du travail (Article L
434-8 et 9 du Code de la Sécurité Sociale), assurance
vieillesse et veuvage, pension de réversion, invalidité et droit
des conjoints prévu par les conventions collectives et par l'ensemble du
Code du Travail.
- Nous demandons l'acquisition des droits successoraux sans délai de
carence, la possibilité d'effectuer des libéralités entre
partenaires avec la même imposition que les époux.
- Nous demandons également l'acquisition des avantages fiscaux sans
délai de carence à savoir, imposition commune, abattement des
330.000 F comme entre époux et taux progressif de 5 à 40 % comme
pour les personnes mariées.
- Nous demandons l'acquisition des droits extra-patrimoniaux, la prise en
compte de l'avis du partenaire dans le cadre médical en cas de
décès l'organisation des funérailles, le droit de tutelle
et de représentation du partenaire et la possibilité d'être
receveur d'un organe donné par son conjoint tel qu'il est établi
par l'Article L 671-3 alinéa 2 du Code de la Santé Publique.
- Nous demandons l'acquisition des droits de la filiation adoptive
plénière pour le couple de même sexe ainsi que
l'accès à l'assistance médicale à la
procréation pour les femmes lesbiennes, l'attribution de
l'autorité parentale lesbienne.
- Nous demandons la possibilité de prétendre à la
nationalité française dans les mêmes délais et avec
les mêmes conditions que les autres couples. Il me semble que ce n'est
pas une demande radicale, mais la France y est simplement invitée par le
Parlement européen. Je rappelle que c'est la seule institution
européenne qui est issue de la volonté populaire
européenne. Je n'ai fait que demander l'application de deux
recommandations du Parlement européen et la France serait à
l'honneur d'être à l'heure européenne.
M. Jacques Larché.-
La parole est à Mme Martine Gross.
Mme Martine Gross -
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
les Sénateurs, je vous remercie de nous donner aujourd'hui la
possibilité d'apporter notre éclairage sur un des points les plus
sensibles du débat autour du Pacte Civil de Solidarité : les
parents de même sexe. Paradoxalement, ce point a été
constamment abordé dans les débats alors qu'il n'apparaît
pas dans la proposition de loi. Je commencerai par quelques repères sur
l'association que je représente et sur l'homoparentalité.
L'APGL, Association des parents et futurs parents gays et lesbiens a
été fondée en 1986. Elle comptait 75 membres il y a 3 ans
et en compte à ce jour plus de 700. C'est une association mixte avec 64
% de femmes et 36 % d'hommes. C'est au titre de la parité que
j'interviens aujourd'hui en tant que vice-présidente. Elle est nationale
et compte 6 antennes en province.
La proportion de personnes homosexuelles est généralement
estimée à 5 % au sein de la Société. Un
sondage de janvier 1997 réalisé en France par l'institut BSP
révèle que 7 % des gays et 11 % des lesbiennes sont parents, et
que 36 % des gays et 45 % des lesbiennes souhaitent le devenir. Cela signifie
que des centaines de milliers de personnes en France sont à la fois
homosexuelles et parents, et qu'en Europe, il s'agit de millions de personnes.
Ces chiffres illustrent le fait qu'un profond changement a eu lieu dans la
manière dont les personnes homosexuelles envisagent leur devenir. Ils ne
considèrent plus qu'être homosexuel les empêcherait
d'être parents et d'avoir une descendance. De plus, une majorité
de personnes pensent que l'homosexualité est une manière comme
une autre de vivre sa sexualité. Cette dernière a-t-elle une
incidence sur l'aptitude à élever des enfants ?
En France, le recul n'est pas suffisant pour avoir des données sur le
développement des enfants dans les familles homoparentales. Cependant,
ces études ont été réalisées ailleurs,
là où le recul est suffisant. Plus de 2000 recensées par
l'APGL dans son "petit guide bibliographique à l'usage des familles
homoparentales " concluent toutes que les enfants ne présentent ni
plus ni moins de troubles que lorsqu'ils sont élevés dans une
famille où sont présents les deux sexes au quotidien, qu'il
s'agisse du développement psychologique, de l'identité sexuelle,
de l'estime de soi, de la réussite professionnelle ou de l'orientation
sexuelle.
Le monde alentour apporte tous les jours des modèles bisexués
qui relativisent l'absence de l'autre sexe au sein de la cellule familiale. On
verra dans la suite de mon exposé qu'il n'y a pas d'exclusion
systématique de l'autre sexe dans les familles homoparentales.
Au regard de cette question de l'homoparentalité, le PACS nous
paraît être une première avancée pour une
réelle égalité de traitement des individus, vers laquelle
tout état républicain et démocratique doit tendre
puisqu'il légitime le couple de personnes de même sexe. Nos
enfants, les premiers, ont besoin de la reconnaissance de nos structures
familiales. La reconnaissance légale du couple de leurs parents ne peut
que leur apporter davantage de sécurité.
C'est pourquoi nous unissons nos efforts à ceux de toutes les
associations et de toutes les personnes qui souhaitent voir le PACS
adopté par le Parlement. Cependant nous critiquons, ainsi que les autres
associations homosexuelles, certaines des dispositions générales
du PACS, comme les délais, le lieu de l'enregistrement, les
différences de traitement concernant la nationalité et la
succession. Mais, nous n'en parlerons pas aujourd'hui.
En effet, on a beaucoup parlé pendant les débats à
l'Assemblée Nationale de la menace que représenterait le PACS
pour la famille. Or, si nous respectons et estimons le long travail qui a
conduit à l'examen de ces propositions de loi, nous déplorons
aujourd'hui que le projet PACS ne contienne justement aucune disposition
concernant les enfants et l'homoparentalité.
Puisqu'on a tant débattu de ce sujet brûlant sans jamais se
confronter aux points de vue des parents gays et lesbiens, nous espérons
qu'aujourd'hui nous pourrons vous apporter un éclairage sur la
réalité des familles homoparentales. Ceci dans le but de faire
cesser les fantasmes et les raisonnements fondés sur des a priori.
Que sont les familles homoparentales ?
Rappelons qu'aucun groupe humain ne détient l'exclusivité en
matière de famille. Etre parent n'est pas l'apanage des personnes
hétérosexuelles, c'est celui de tout être humain.
Il existe aujourd'hui une palette de formes familiales diverses où se
côtoient familles traditionnelles, familles monoparentales, familles
recomposées, familles ayant eu recours aux procréations
médicalement assistées, familles adoptives, etc. Les familles
homoparentales sont l'une des pièces du puzzle. Le terme de "familles
homoparentales " regroupe plusieurs situations très
différentes. Il n'y a pas une homoparentalité mais plusieurs, ce
sont les suivantes :
- Les enfants sont nés d'une union hétérosexuelle
antérieure. L'un des parents vit maintenant avec une personne du
même sexe. Le cas est semblable à celui des familles
recomposées après divorce ou séparation et soulève
la question du statut du beau-parent.
- Les enfants n'ont qu'un seul parent légal, soit parce qu'ils ont
été adoptés par une personne seule, soit parce qu'ils ont
été conçus grâce aux techniques de
procréation médicalement assistée à
l'étranger (puisque la Loi l'interdit en France), soit encore parce que
l'autre parent biologique n'a pas reconnu l'enfant. Si la personne vit en
couple, les enfants n'ont qu'un parent légal alors qu'ils sont
élevés de fait et souvent de façon voulue par deux parents.
- Les enfants naissent dans le cadre de projets dit de "coparentalité"
où est fortement souhaitée la présence conjointe de
figures paternelle et maternelle. Il y a de deux à quatre personnes
autour du berceau de l'enfant, c'est-à-dire un couple de parents
biologiques composé d'une mère lesbienne et d'un père gay,
et leurs éventuels partenaires respectifs. A la différence des
beaux-parents qui arrivent dans un second temps, les partenaires sont des
co-parents, car ils sont prêts à s'engager vis-à-vis de
l'enfant dès sa conception. Ils assurent le quotidien comme les parents
naturels et se sentent des parents à part entière même
s'ils n'en ont pas le statut.
Ces différentes homoparentalités ont des points communs avec de
nombreuses autres constellations familiales. Ces points communs sont les
suivants :
- Les enfants y naissent comme partout ailleurs d'un homme et d'une femme. Nous
sommes les premiers à le dire à nos enfants. Ils savent qu'ils
ont des parents qui, tout comme dans la situation de l'adoption, ne sont pas
nécessairement ceux qui les ont mis au monde.
- Etre parent, vivre en couple, procréer ne sont pas
nécessairement synonymes.
- Des parents sociaux, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas
conçu l'enfant mais qui se conduisent comme des parents, et des parents
naturels coexistent.
- Enfin, les compétences parentales ne se mesurent pas à l'aune
de la vie sexuelle.
Le débat actuel autour des parents homosexuels est posé en termes
de "droit à l'enfant " que nous serions supposés
revendiquer, comme si nous demandions à la Société de nous
donner des enfants. Il ne s'agit pourtant pas de cela, mais bien du droit des
enfants. Nous apportons notre contribution à l'édification de la
Société en élevant nos enfants et nous souhaitons qu'ils
aient les mêmes droits, bénéficient des mêmes
protections que les enfants élevés dans d'autres constellations
familiales. En particulier, que les liens qu'ils ont construits avec les
personnes qui les élèvent soient protégés par la
Loi. Ce que le PACS, tel qu'il est conçu actuellement, n'apportera
hélas pas.
Nous souhaitons :
- Faire cesser les discriminations dont sont victimes les parents homosexuels
séparés ou divorcés lorsqu'ils veulent exercer leurs
responsabilités vis-à-vis de leurs enfants. Il y a encore des
juges qui privent un enfant du droit de voir son père ou sa mère
ou qui restreignent ce droit à des rencontres limitées ou en
présence de tiers qui ne peuvent qu'entraîner une
déliquescence du lien, au seul motif de l'homosexualité du
parent.
- Si l'homosexualité n'est plus un délit, ni même une
pathologie, au nom de quoi permet-on un tel déni de paternité ou
de maternité ? Compétences parentales et sexualité
doivent être dissociées dans l'esprit des juges, au moment de
décider des conditions de résidence, de visite et
d'hébergement des enfants. Il ne s'agit pas là d'un nouveau droit
mais de l'application de la Loi sans a priori ni discrimination. Nous sommes
confiants, le PACS y contribuera.
- Faire cesser la discrimination exercée à l'encontre de
candidats qui offrent des conditions d'accueil satisfaisantes pour accueillir
un enfant et qui se voient refuser l'agrément pour adopter au motif de
leur sexualité " non conforme ".
La vie sexuelle des candidats fait-elle partie des conditions d'accueil ?
En quoi la sexualité est-elle un critère d'accueil
pertinent ? Il faut faire cesser cette discrimination administrative.
Là non plus, nous ne demandons pas un nouveau droit mais la simple
application des textes sans a priori. Le PACS y contribuera-t-il ? La
question reste posée.
- Les couples hétérosexuels qui ne veulent pas se marier et les
couples homosexuels qui ne peuvent pas se marier sont actuellement
obligés de présenter des projets en tant que personne seule pour
pouvoir adopter. La situation pour les enfants adoptés est identique,
seul un des deux parents est reconnu légalement. Cependant, les couples
de concubins homosexuels n'ont pas la possibilité offerte aux couples
hétérosexuels candidats, de se marier pour adopter à deux.
Nous déplorons que le projet de PACS ne prévoie pas qu'un couple
signataire puisse adopter conjointement un enfant. Nous souhaitons que cela
puisse se faire dans un avenir proche, comme c'est le cas dans certains autres
Etats. Le Parlement néerlandais vient de présenter une
proposition de loi élargissant les droits d'adoption et de
procréation médicalement assistée aux couples de
même sexe. En 1997, l'Etat du New-Jersey aux USA a autorisé les
couples gays et lesbiens à adopter conjointement. Le Quebec la Colombie
britannique autorisent l'adoption conjointe par un couple homosexuel, sans pour
autant autoriser le mariage des homosexuels. Il s'agit ici comme dans les
points suivants de voir naître de nouveaux droits fondés sur
l'engagement et la responsabilité.
- Les parents qui ont mis au monde l'enfant sont des acteurs essentiels, mais
ils ne sont pas seuls. Les beaux-parents et les co-parents jouent un rôle
essentiel dans le quotidien d'un enfant. Nous demandons un statut pour ces
tiers qui se conduisent comme des parents. Ce statut leur permettrait de
prendre à l'égard de l'enfant qu'ils élèvent des
décisions relevant de la gestion du quotidien sans remettre en cause le
rôle des parents légaux et avec leur accord bien
évidemment. Nous demandons une disposition légale leur permettant
de témoigner de leur engagement vis-à-vis de l'enfant : par
des donations, des legs ou une obligation en cas de disparition des parents
légaux.
- Au sein de couples de parents de même sexe, certains enfants ne
disposent que d'un seul lien de filiation. Cette situation nous
préoccupe car ces enfants n'ont qu'un parent légal et peuvent
être privés, en cas de décès ou de
séparation, des liens qu'ils ont tissés avec la personne qui
n'est pas leur parent légal. Cette personne se conduit pourtant comme
"un second parent " qu'il est de fait.
Nous souhaitons que le second parent, partenaire du parent légal ait un
réel statut de parent. Ce statut peut être obtenu par un
aménagement de l'adoption simple. L'adoption par le second parent
permettra aux enfants de voir les liens qu'ils ont tissés avec lui
protégés en cas de décès du parent légal ou
de séparation. Cet aménagement de l'adoption est une solution qui
existe dans d'autres pays. L'adoption par le second parent est possible dans
une quinzaine d'Etats, New jersey, New York, Vermont, Colorado, Massachusetts,
Illinois, Minnesota, Washington, Pennsylvanie, Californie, Alaska, Oregon,
district de Colombie, Colombie britannique (Canada), Vancouver (Canada) et plus
près de chez nous le Royaume-Uni dans un jugement datant de juin 1994
reconnaissant à deux mères le statut de parent et un autre
à Manchester en juin 1996 permettant à un couple de lesbiennes
d'adopter chacune l'enfant de l'autre.
Le Droit de l'enfant à être visité et
hébergé par le second parent ou ses co-parents doit être
protégé et cela même en cas de conflits et/ou
séparation. Au Royaume-Uni (Birmingham 1997, Londres 1996), au Canada
(Vancouver 1997) et en Islande, des droits et des devoirs ont été
attribués au second parent.
- Nous souhaitons l'égal accès aux procréations
médicalement assistées de tous les couples, qu'ils soient
mariés, concubins ou signataires d'un PACS.
En guise de conclusion voici notre conception de la famille. Aujourd'hui, les
définitions possibles de la famille reposent sur le mode de vie des
adultes. On parle ainsi de familles traditionnelles, familles monoparentales,
familles recomposées, familles adoptives, etc. Selon nous et comme
l'écrit Dominique Gillot dans son rapport, ce qui fait la famille n'est
ni le couple, ni les parents mais bien l'enfant et ceux qu'il entraîne
dans son sillage dans des prises d'engagement et de responsabilités. Les
mesures que nous demandons s'inscrivent dans cette perspective car toutes
permettent de protéger l'enfant, qu'il soit élevé au sein
d'une famille traditionnelle ou non.
En conclusion, malgré le fait que nos revendications nous
emmènent plus loin que le projet dont nous parlons aujourd'hui, nous
sommes cependant partisans du PACS. Sa prochaine adoption permettra une
évolution positive des mentalités et de la jurisprudence. Nous
vous demandons de tout faire pour que ce projet de loi aboutisse le plus vite
possible.
Je vous remercie de votre attention et vous invite à participer au
colloque "parentés et différence des sexes " organisé
par l'APGL qui aura lieu les 1
er
et 2 octobre 1999 et réunira
anthropologues, sociologues, cliniciens et juristes autour de ce thème.
M. Jacques Larché, président. -
La parole est à M.
Dominique Touillet.
M. Dominique Touillet -
Je remercie la Commission des Lois pour avoir
organisé cette audition et nous avoir invités puisque nous sommes
une des rares associations officiellement homosexuelles à avoir
été présente dans ce panel.
Il est important que les homosexuels soit consultés en tant que tels et
pas seulement par le biais de la maladie et en particulier du SIDA. Nous
espérons que ce début de reconnaissance de la
représentativité des associations homosexuelles continuera et
nous pouvons même espérer que plus tard vous serez
éventuellement amenés à participer à des
débats et à des forums plus larges et beaucoup plus
institutionnalisés comme certains Conseils Consultatifs sur la famille.
Ceci dit nous voudrions cadrer notre intervention en signalant que notre
association ne s'exprime pas seulement en son nom propre mais rassemble ici une
vingtaine de signataires sur ce texte et un grand nombre d'associations
homosexuelles et lesbiennes se regrouperaient également sur notre
intervention. Cette représentativité nous a amenés
à avoir une vision très large de notre intervention et nous ne
nous baserons donc pas sur des points précis sur lesquels nous voulons
insister, nous nous contenterons d'analyser le texte dans l'état actuel,
à savoir tel qu'il est après première lecture à
l'Assemblée Nationale.
Notre attachement au PACS ne date pas d'hier puisque nous avons fait partie
des premières associations qui ont été amenées
à discuter et à réfléchir autour du CUC, du CUS, et
d'un certain nombre de variantes qui ont précédé le PACS.
Le CUS a été le mot d'ordre d'une manifestation que nous
organisons tous les ans, la GAY PRIDE, qui rassemblait alors 150 000 personnes.
En 1997, la forte affluence de l'EURO-PRIDE a été une nouvelle
occasion pour les associations, les personnes homosexuelles, leurs familles et
leurs nombreux amis de montrer leur attachement au CUS. L'an passé en
juin 1998, malgré une certaine difficulté face à la Coupe
du Monde de football, nous avons quand même réussi à faire
descendre de 100 000 à 150 000 personnes dans la rue autour de ce
même mot d'ordre avec la volonté de faire bouger les choses.
Je pense que nous sommes représentatifs d'une volonté moyenne
des homosexuels et des lesbiennes pour que les choses avancent et nous
espérons que le PACS, à ce titre, sera rapidement adopté
et aura une déclinaison extrêmement libérale.
Le sens de notre intervention se veut aussi celui d'une approbation
générale du texte tel qu'il ressort du débat puisque nous
avons contribué à certaines modifications lors des
précédentes auditions à l'Assemblée Nationale. Nous
estimons que le texte est certainement intéressant même s'il a, de
notre point de vue, à la fois des manques, des incohérences et
des absences psychologiquement importantes pour que le PACS soit un réel
succès.
Sur l'esprit du PACS, nous voudrions signaler qu'il ne nous semble pas
seulement important qu'un texte soit adopté, nous avons trop longtemps
et trop souvent vu que des décrets d'application se faisaient longtemps
attendre. Notre association, comme beaucoup d'autres, restera mobilisée
sur le devenir de ce texte, en particulier sur le fait que les décrets
d'application soient pris dans des délais raisonnables et soient
d'inspiration libérale, étant entendu qu'actuellement le texte de
la Loi est très vague sur certains points.
Nous avons plusieurs remarques à faire sur l'esprit du PACS qui nous
semblent importantes. D'abord l'utilité sociale est enfin
détachée de la procréation. Cela me semble être une
des très grandes avancées que le texte permet, à savoir
qu'on reconnaît enfin au couple le droit d'exister en dehors des enfants,
et en dehors de la présupposition de la famille, alors qu'actuellement
on peut être un couple officiellement sans enfant même si on est
marié dans un cadre familial.
Cette opinion que nous portons n'est pas seulement portée par nous,
elle est également partagée par une grande partie de la
population française qui se rend compte que la vie en couple est une
fonction solidarisante de la Société, particulièrement ces
dernières années où nous avons vu une augmentation de la
paupérisation et de la difficulté de vivre avec un niveau de vie
comparable à celui des années précédentes.
Il nous semble donc très important que le PACS légitime d'une
certaine façon la réalité sociale du couple en dehors de
la procréation et que ce faisant, il légitime également le
couple homosexuel qui est une variante de ces couples.
Notre intérêt pour le texte vient de ce que nous
considérons que ce texte implique que le couple devienne le nouveau
référent social en dehors de cette parentalité. Or, c'est
important pour nous pour plusieurs raisons, c'est important d'abord parce qu'il
me semble que cela permettra, et je suis désolé parce que
beaucoup de personnes vont s'offusquer de ce que je vais dire, une
légitimation du couple homosexuel dans notre Société. Nous
y tenons particulièrement.
Je constate d'ailleurs, après avoir assisté à quelques
interventions, que si tous les opposants du PACS ne sont pas homophobes, les
homophobes sont toujours opposants au PACS. Ceci veut bien dire que le
problème fondamental pour ces personnes n'est pas de régler les
problèmes des personnes, mais qu'il faut à tout prix y compris en
maintenant les inégalités, y compris en maintenant les
dénis de justice, légitimer la négation de
l'homosexualité en tant que référence sociale.
Or, nous estimons en tant qu'association homosexuelle axée sur la
lisibilité que ceci va à l'encontre de toute une série de
données qu'elles soient européennes ou d'évolution
sociale. Nous sommes très contents que le PACS permette, fusse par le
biais d'une certaine indifférenciation au sein du statut qu'il
établit, cette reconnaissance du couple homosexuel.
Nous y sommes d'autant plus attachés qu'on ne peut en parler mais qu'il
y a un énorme problème pour tous les homosexuels et lesbiennes,
on ne naît pas homosexuel ou lesbienne, on le devient. Or, cette
découverte de son homosexualité se passe
généralement à l'adolescence lorsque l'on a
déjà énormément de problèmes pour beaucoup
d'autres raisons et particulièrement actuellement car les adolescents
vivent dans une insécurité sociale beaucoup plus forte qu'avant,
et ces adolescents homosexuels qui se découvrent ont besoin de
référents.
Nous considérons que la possibilité pour les couples homosexuels
d'être officiellement reconnus par l'Etat et la Nation permet
l'émergence de nouveaux modèles qui vont aider ces adolescents et
adolescentes à structurer leur personnalité de manière
beaucoup moins autodestructrice que ce n'est le cas actuellement. Je rappelle
qu'une proportion importante d'adolescents homosexuels commet des suicides ou
des tentatives de suicide. Ceci est une réalité sociologique
à laquelle le PACS pourra par un certain biais apporter une
amélioration.
Enfin, nous sommes également très satisfaits de ce texte car il
établit une égalité dans le droit à la
différence. Nous sommes conscients que le couple homosexuel n'est pas le
couple hétérosexuel, que les choses ne se passent pas de la
même manière, nous ne demandons pas une égalité
exacte avec les couples hétérosexuels et nous ne demandons pas
non plus une égalité exacte en termes de Droit familial. Par
contre, nous sommes très satisfaits du fait qu'au travers de ce statut
notre différence puisse effectivement être acceptée et
reconnue.
J'aborderai un dernier point sur un épisode qui a fait couler beaucoup
d'encre et qui concerne le projet d'inclure les fratries dans le texte du PACS.
Sur le principe il est bien clair que nous considérons que les fratries
ou les cellules solidarité à deux ou plus sont des
réalités et que de la même manière que le
législateur a voulu régler les problèmes des couples qui
ne peuvent pas s'inscrire dans le mariage ou le concubinage, il est normal que
le législateur s'occupe de l'organisation de cette solidarité.
Pour autant, nous estimons qu'introduire cette notion en catimini dans la Loi
du PACS a des effets plus nocifs que positifs. En particulier, on ne
règle pas spécifiquement ces problèmes de paires et de
fratries parce qu'on ne va pas au fond des choses, et aller au fond des choses
serait sans doute plus le lieu d'une réflexion initiée par le
Gouvernement et le Parlement qui aura lieu bientôt sur la famille.
En second lieu, parce qu'en se référant à ce que je
disais tout à l'heure il me semble que l'image de couple pacsé
serait également brouillée. Cela me semble dommage parce qu'il
nous semble extrêmement important que le PACS conserve cette approche
d'un couple lié par des liens affectifs particuliers qui sont des liens
de couple.
Enfin, nous avons bien noté qu'il faut assurer le suivi sociologique du
PACS, nous sommes très positifs sur cette demande. Nous estimons qu'il
est très important qu'un Comité ou une structure nationale
sociologiquement compétente soit chargé de suivre de
manière neutre les effets du PACS dans la Société et de
proposer dans quelques années des évolutions à partir des
constatations qui seront faites sur l'utilisation et la mise en place de ce
statut.
Nous avons une opinion très positive sur l'ensemble du texte, il n'en
reste pas moins que nous avons un certain nombre de remarques à exprimer
et en particulier sur la cohérence du texte.
Il est clair qu'il y a une incohérence fondamentale à demander
aux pacsés de partager immédiatement des responsabilités
et de les faire bénéficier des éventuelles
possibilités d'amélioration de leur vécu quotidien dans
des délais rédhibitoires. Nous sommes opposés à
cela parce que c'est une incohérence manifeste, nous avons des exemples
croustillants avec l'impôt de solidarité sur la fortune puisque
par exemple deux pacsés, dont l'un serait soumis à l'ISF,
verraient leur patrimoine commun immédiatement soumis à l'ISF,
payé sur leur revenu commun alors que lesdits patrimoines communs ne
seraient pris en compte sur une imposition commune que l'année du
troisième anniversaire de la signature. Ceci est une façon un peu
curieuse de concevoir le texte fiscalement parlant.
Mais plus gravement, le problème des minima sociaux est important
à traiter. Si nous comprenons bien, il faut actuellement qu'on ne puisse
pas faire de dérogation spécifique pour les pacsés par
rapport à la situation de deux personnes ayant des minima sociaux mais
qui se mettent en couple et qui subissent la Loi commune, la fusion des
revenus. Au moins dans le minimum des cas les avantages doivent être
immédiats. Nous demandons donc la suppression de tous les délais,
délais qui de plus nous semble vexatoires.
Nous rappelons un point peu souligné, on a beaucoup parlé
d'évasion fiscale, nous avons même eu des estimations, c'est un
argument important parce qu'utilisé par une certaine frange de nos
opposants pour dire : " vous voyez, on vole les familles pour donner
aux homosexuels !".
Nous sommes outrés par cet argument parce qu'il est complètement
faux. Des calculs fiscaux très simples montrent que pour que le PACS
soit fiscalement intéressant dans le cadre d'une imposition commune il
faut qu'une des personnes du couple gagne au moins deux fois ce que gagne
l'autre, sinon dans tous les autres cas c'est neutre ou négatif. A la
limite l'Etat aura des revenus supplémentaires avec les couples
pacsés, donc n'utilisons plus ces faux arguments qui sont
démagogiques et qui détruisent le débat.
Un autre point de fiscalité nous importe, c'est la fiscalité des
dons et legs. Nous avons fait des calculs et des simulations tout à fait
instructifs. Il apparaît que dans le cas d'un appartement valant 650 000
F, qui est le prix moyen d'un deux pièces à PARIS, appartenant
à l'un des pacsés désireux de le laisser à son
pacsé survivant, la fiscalité telle qu'elle est prévue
dans la Loi ferait que cette personne paierait 165 000 F d'impôt sur le
quart du bien. C'est confiscatoire et au lieu de permettre aux personnes de
rester dans l'appartement commun, le résultat sera de leur faire vendre
le bien commun pour payer les impôts. Je signale que dans le cas
où les personnes seraient mariées sans enfant, l'impôt
dû serait de 18 750 F soit 2,90 % de la valeur du bien.
D'autres simulations, que je mets à votre disposition, montrent que
lorsqu'on compare la fiscalité sur les biens immobiliers dans le cadre
d'un couple banal qui achète un appartement à deux, 50/50 et une
assurance chacun sur sa part, le taux d'impôt sur un appartement d'une
valeur d'1 MF est de 20 % et lorsque l'on a un appartement d'une valeur de 2
MF, ce qui n'est pas si rare à Paris, le taux d'imposition tourne autour
de 40 %. Ce qui fait que, là encore, on arrivera exactement à
l'inverse du résultat officiellement affiché, à savoir que
la personne sera obligée de vendre le bien pour partir.
Un autre point ne nous satisfait pas qui concerne le lieu de signature du
PACS. Il y a une incohérence dans le texte actuellement
présenté, on ne peut pas contracter mariage quand on est
pacsé, ce qui veut dire qu'on n'est plus célibataire, or le fait
d'être célibataire ou non est enregistré sur le registre de
l'état civil. Il faudra donc d'une manière ou d'une autre
organiser un échange d'informations entre les registres d'état
civil et les registres de PACS pour avoir un minimum de cohérence entre
ces deux systèmes qui vont être mis en place.
Il nous semble qu'il est démesuré de refuser la mairie comme
lieu de signature pour le simple profit d'aller contre la susceptibilité
de certains maires et de l'opinion publique. Cela nous semble incohérent
avec la pratique générale de l'état civil et la structure
même des conséquences que le PACS aura dans la vie sociale. Nous
demandons donc avec force que la mairie soit reproposée comme lieu de
signature parce que cela nous semble être normal.
La pétition des 20 000 maires est un argument fréquemment
invoqué. J'aimerais poser, à l'Assemblée et au
Sénat en particulier, la question de savoir si un législateur
estime acceptable de se voir influencer par un groupe de citoyens refusant
d'appliquer la Loi. Et qui plus est, il me semble que ce sont des pratiques,
d'après la haute opinion que les membres du Parlement ont
d'eux-mêmes, qui ne devraient pas avoir cours.
Enfin, il nous semble important de rappeler que le lieu de signature, quel
qu'il soit, devrait être fait de telle manière que le registre des
pacsés ne puisse pas être soumis à une exploitation
commerciale.
Un autre point important par son absence est celui de l'autorité
juridique des pacsés l'un par rapport à l'autre. Nous avons
évoqué le problème des maladies, il est clair qu'il faut
absolument que dans le cadre du PACS les co-contractants soient garantis
d'avoir un poids par rapport à la famille. Nous avons trop vu de cas
où la famille rejette l'ami lors des phases finales d'une maladie,
interdit les visites, et interdit même aux médecins de donner des
informations sur l'état de la personne avec laquelle ils ont
vécu. Le texte actuel ne peut absolument faire pièce à des
comportements de cet ordre-là. Il nous semble donc important que soit
assurée l'autorité juridique d'un pacsé par rapport
à son contractant.
Nous avons constaté concernant les couples binationaux la disparition
d'un article fort important, l'Article 19 de la proposition de loi, qui
disait :
" Est considéré comme justifiant de son
assimilation à la communauté française au sens de
l'Article 21-24 du Code Civil, l'étranger lié à un
français depuis au moins un an par un PACS tel que défini
etc "
.
Cet article est devenu par un effet de rétrécissement incroyable
l'article 6 qui dit simplement que :
" La conclusion d'un PACS est
l'un des éléments d'appréciation."
Cela nous semble
très dangereux parce que cela va donner à l'Administration des
pouvoirs exorbitants pour décider ou pas si la personne sera
méritoirement ou non en état d'accéder à la
nationalité française ou à un titre de séjour. Il
nous semble important que la rédaction soit revue afin qu'elle
précise et oblige l'Administration à considérer et
à accorder les titres de séjours aux pacsés depuis plus
d'un an.
Pour ceux qui menacent d'un détournement d'objet du PACS avec des PACS
blancs, des filières d'immigration, nous ferons remarquer que la
co-responsabilité financière incluse dans le PACS devrait
beaucoup refroidir, de la même manière que les filières de
mariage blanc actuellement, les personnes qui veulent s'amuser à ce
genre de choses. Nous pensons que c'est largement suffisant pour garantir que
ce PACS ne sera pas utilisé de manière frauduleuse comme on veut
bien nous le faire croire en brandissant des fantasmes.
Enfin, il y a un point qui n'a pas été relevé et qui tient
à l'Europe. Actuellement, en Europe un certain nombre de pays ont mis en
place des statuts non maritaux dans lesquels les homosexuels peuvent se
reconnaître. Nous estimons qu'il est important que la France se mette
également à l'heure européenne sur ce point et que le PACS
permette à tout couple de ressortissants liés par un lien non
marital dans ce pays de bénéficier lors de son
établissement en France de tous les avantages liés au PACS.
Le dernier point concerne les délais. Il nous semble important que dans
le cas où des délais seraient maintenus, il existe une
période transitoire pendant laquelle toutes les personnes qui ont fait
une demande volontaire, un acte de couple, qui ont signalé à
l'Administration le fait qu'elles constituent un couple, puissent
bénéficier lors de la conclusion d'un PACS de tous les avantages
sans aucune restriction de délai.
Il nous semble normal de favoriser le travail de consciencisation sociale
effectué il y a quelques années par les associations
homosexuelles et d'autres associations également pour faire
émerger un statut de concubin.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Je ne vais pas individualiser
les questions puisqu'elles s'adressent à tous.
Tout d'abord, la première question qui me vient à l'esprit
concerne les délais. En réalité, s'il y a des
délais c'est en raison de l'extrême facilité de
dénonciation du PACS. On ne dénonce pas un mariage facilement, on
ne se marie d'ailleurs pas facilement non plus parce qu'il y a les bans
à publier, etc. Alors est-ce que ces délais ne sont pas
liés justement au fait qu'il suffit d'une simple déclaration
conjointe pour se pacser et qu'on peut se dépacser quand on veut et
à n'importe quel moment sans préavis ?
Effectivement la crainte, dont Monsieur Touillet a parlé tout à
l'heure comme d'un fantasme, des PACS blancs peut parfaitement apparaître
dans cette optique soit pour permettre la régularisation d'un
étranger en situation irrégulière soit pour
bénéficier de tel ou tel avantage à tel ou tel moment. Je
m'interroge. L'extrême facilité de dénonciation de ce PACS
n'est elle pas liée à ce système de délai ?
La deuxième question est plutôt adressée à Madame
Gross et concerne le problème des enfants. Vous avez soulevé une
série de cas. A ma connaissance l'enfant d'homosexuel a exactement le
même statut qu'un autre enfant en Droit. Il n'y a pas de
différence entre un enfant d'homosexuels et un enfant
d'hétérosexuels. Je m'étonne que vous n'ayez pas
soulevé la possibilité qui existe dans la Loi qui permettrait
à un conjoint homosexuel qui a un enfant d'utiliser l'adoption simple.
Le Droit ne s'y oppose pas.
LE PACS ne sera pas réservé aux homosexuels, il y aura aussi des
hétérosexuels. Cela ne gommera-t-il pas le côté
reconnaissance des homosexuels ?
Ceci me permet d'enclencher sur ma dernière question. Pourquoi en
France les homosexuels n'ont-ils pas pris la voie de leurs homologues belges ou
autres, c'est-à-dire d'avoir une institution spécifique ? La
revendication que vous nous avez présentée est à terme le
mariage homosexuel, c'est-à-dire l'équivalent d'une institution
qui a son histoire et qui dans la plupart des pays est précisée
en stipulant que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.
Pourquoi n'avez-vous pas réfléchi à une institution qui
serait propre aux homosexuels et qui ne serait pas le mariage puisque le
mariage a une connotation et un héritage particulier, comme cela se fait
en Belgique, aux Pays-Bas ou ailleurs ? Je m'interroge sur ce besoin de
s'assimiler aux couples mariés hétérosexuels alors que les
homosexuels ne sont pas des hétérosexuels. Il y a un manque dans
tout ce que vous nous avez dit.
Je voudrais savoir le nombre de PACS que vous pensez voir se conclure dans
l'année suivant l'adoption de la Loi. Vous n'avez pas parlé du
concubinage homosexuel, il y en aura, tout le monde ne sera pas pacsé,
certains ne voudront pas entrer dans ce système de contrat. Nous allons
rester dans la situation actuelle du concubinage pour les homosexuels non
reconnu par la Cour de Cassation. Pourquoi n'avez vous pas dit un seul mot de
cela ? Je suis convaincu qu'une majorité d'homosexuels ne
souhaitent pas avoir de liens et préféreront rester en
concubinage tout en désirant que leur situation s'améliore.
Mme Martine Gross -
Je vais répondre à la question
concernant les enfants. Effectivement, l'adoption simple pourrait être
une possibilité qui nous conviendrait dans le cas où un enfant
n'aurait qu'un seul parent légal, si ce n'est qu'il faudrait encore un
aménagement de cette disposition de l'adoption simple puisque, à
l'heure actuelle, l'autorité parentale est conférée au
parent adoptant et retirée au parent biologique.
Dans le cas d'un enfant qui aurait un parent biologique il n'y aurait toujours
qu'un seul parent qui détiendrait l'autorité parentale à
savoir celui qui aurait adopté l'enfant. Un des deux parents devrait
céder son autorité parentale. Cela peut être une solution
quand les enfants sont majeurs et cela permettrait au second parent de pouvoir
témoigner de son engagement vis-à-vis de l'enfant mais cela ne
résout pas les soucis que nous avons par rapport aux jeunes enfants qui
peuvent devenir orphelins du simple fait que le parent non légal n'a
aucune reconnaissance.
M. Daniel Borrillo -
Concernant le mariage, je refuse l'idée de
pouvoir parler des homosexuels comme étant une catégorie
constituant un sujet politique ou juridique. Dans la Loi de la
République il n'y a pas un corps homosexuel, il n'y a pas
d'homosexualité, il n'y a pas de représentants homosexuels ou si
vous voulez qu'il y en ait, il faut une loi votée par les homosexuels et
il faut qu'il y ait un corps d'homosexuels pour parler des homosexuels.
Ne parlons plus d'homosexuels, cela n'existe pas, en tous cas cela ne semble
pas exister dans la logique de la République. C'est pour cela que je
crois qu'il ne faut pas établir une loi d'exception au nom des
homosexuels et pour les homosexuels. Au même titre que depuis 1833 on
n'accepte pas en France la possibilité d'un mariage exclusif pour les
noirs, ce qui était légal aux USA où, en 1967, on a
considéré que la Loi interdisant les unions mixtes était
anticonstitutionnelle.
De même que je trouve que l'union inter-raciale est
considérée comme une union possible, il ne faut pas créer
une union spécifique pour les noirs, une union spécifique pour
les membres d'une même classe sociale, une union spécifique pour
d'autres catégories de la population. Il me semble qu'il ne faut pas
parler d'union des homosexuels en donnant la possibilité d'une union
exceptionnelle.
Pourquoi le mariage parce qu'il me semble que le mariage résout la
question du concubinage. Je suis d'accord avec la Cour de Cassation qui dit que
le concubinage est calqué sur le mariage. Si on donne le mariage aux
homosexuels, qu'ils ne se marient pas et vivent comme les personnes en
situation similaire aux mariés ils vont être
considérés automatiquement comme des concubins.
La logique de la Cassation est implacable, s'il n'y a pas concubinage
homosexuel et s'il n'y a pas de mariage homosexuel c'est parce qu'on continue
à attacher au mariage une fonction reproductrice. Mais cela a
été dit en 1967, du moment où on accepte la contraception
dans le couple, le mariage n'a pas une finalité reproductrice. Si nous
voulons que les homosexuels se reproduisent, il faut modifier la Loi et
introduire une notion de reproduction dans le mariage. Là effectivement
il y aura une différence entre homosexuels et
hétérosexuels.
M. Robert Badinter -
J'ai beaucoup apprécié la
précision, la qualité des raisonnements. Si aucune forme de
discrimination n'était prise en compte à l'égard du
concubinage, nous aurions, puisque le concubinage est le fait que deux
personnes décident de vivre ensemble, un statut du concubinage sans
aucune distinction, et dans ce cas qu'apporte de plus le mariage ? Je
laisse de côté les multiples problèmes juridiques et
fiscaux, ils sont très faciles à régler, se modifient
d'année en année. On ne modifie pas le Code Civil si
aisément. Tout le monde n'était pas d'accord avec la Cour de
Cassation, à commencer par le premier avocat général.
La question du mariage des homosexuels est autre chose mais je prends
volontairement la question au niveau du concubinage. Quelle est
l'utilité du PACS ?
M. Daniel Borrillo -
Du point de vue politique, s'il y avait en France
un mariage homosexuel le PACS n'aurait pas de sens parce que le concubinage
serait une possibilité faite par rapport au Droit du mariage et comme le
mariage n'existe pas il est important qu'il y ait un acte juridique pour
pouvoir reconnaître de façon formelle l'existence du couple
homosexuel. Il me semble qu'aujourd'hui tout le monde est d'accord pour
tolérer l'homosexualité, pour la renvoyer à la
domesticité.
Alors que nous avons tous les instruments juridiques pour résoudre les
questions techniques, si deux personnes signent un bail elles n'auront pas de
problème au moment du décès, c'est évident. Mais en
fait il suffit que cela ne se passe pas et quand il y a un conflit parce que
les personnes ne pensent pas à régler ces problèmes, nous
voyons par le biais du Droit quelle est la place que la Société
fait d'une forme de sexualité.
Pourquoi une forme de sexualité prend-t-elle la place de la
légitimité reconnue dans l'espace social comme c'est le cas de la
sexualité héterosexuelle ?
La sexualité homosexuelle est renvoyée à la
domesticité, à l'espace intime, à une sphère qu'il
s'agit d'exercer en liberté, mais d'aucune manière le Droit ne
reconnaît cet engagement comme étant un engagement ayant une place
dans un contrat social. De ce point de vue, le PACS est un pas en avant par
rapport au concubinage puisque nous passons à une logique de l'acte
juridique et politique, puisqu'on dit que les couples homosexuels ont
également une place, un combat social et ne sont pas renvoyés
à la domesticité, à la liberté.
M. Robert Badinter -
Cela veut dire que c'est une forme de
reconnaissance qui s'inscrit dans le statut social, ce n'est pas simplement
l'exercice de deux libertés qui décident de choisir de vivre
ensemble.
Il n'a pas été répondu à la question posée
par Monsieur GELARD s'agissant du statut des concubins restant hors PACS et qui
seront nombreux puisque le PACS est interdit aux mariés. S'il n'y a
aucune modification, les discriminations existantes à l'encontre des
homosexuels survivront ou survivraient au regard de cette frange importante de
concubins.
Il faudrait de toute manière, s'agissant du concubinage, retirer la
conception inscrite dans notre Droit puisqu'elle est purement
hétérosexuelle. Sinon nous observons à nouveau une
discrimination fort importante.
M. Daniel Borrillo -
Le PACS ne résout pas ce problème,
la question du concubinage, la discrimination à l'intérieur du
concubinage. De plus, je pense que la Cour de Cassation peut dire que du moment
que les homosexuels n'ont pas pacsé ils peuvent être
considérés comme des concubins. On définit le concubinage
par rapport au mariage mais je ne pense pas qu'on puisse imaginer que cela
résout la question du concubinage pour les homosexuels et les
hétérosexuels. Nous savons qu'il faut apporter la preuve du
concubinage, les certificats de mairie sont des témoignages. Il y a la
liberté de preuve concernant le concubinage.
Est-ce qu'un PACS permettra d'en finir avec cet énorme instrument de
preuve concernant le concubinage ? En tous cas, je pense que cela ne
résout pas nécessairement la question du concubinage.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Il y aura donc toujours cette
discrimination à l'intérieur des concubins.
Mme Dominique Blanchon -
Concernant le cas que vous avez soulevé
de deux personnes qui se mettraient d'accord pour contracter un PACS afin de
bénéficier d'avantages fiscaux, pourquoi ne soupçonne-t-on
pas deux personnes de se marier pour avoir les mêmes
avantages fiscaux ?
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Parce que divorcer coûte
cher !
Mme Dominique Blanchon -
Si on est d'accord cela ne coûte pas
très cher.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Divorcer nécessitera au
moins un an tandis que, là, vous pourrez vous dépacser en
quelques jours.
Mme Dominique Blanchon -
Vous soulevez le problème par rapport
aux mariages blanc avec les étrangers. Il n'y a pas plus de divorces
entre mariages mixtes qu'entre mariages non mixtes. C'est de l'ordre du
fantasme.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Non, ce n'est pas la même
chose.
Mme Dominique Blanchon -
Vous avez quand même soulevé le
problème du PACS blanc pour les étrangers.
M. Jacques Larché, président.-
Les PACS blancs
n'impliquent pas la régularité du mariage, nous n'avons pas dit
cela, nous avons dit qu'il y avait peut-être des mariages blancs.
Mme Dominique Blanchon -
Il n'y aura pas plus de PACS blancs que de
mariages blancs.
M. Jacques Larché, président.-
Qu'il y en ait autant vous
satisfait ?
Mme Dominique Blanchon -
Cela ne me satisfait pas mais je ne vois pas
pourquoi on a plus peur de fraude avec le PACS.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Il est plus facile de contracter
un PACS que de se marier.
M. Jacques Larché, président.-
Un mariage blanc n'est pas
très aisé à défaire alors qu'un PACS blanc est
terminé en 5 minutes.
Mme Dominique Blanchon -
Si les deux personnes sont d'accord ce n'est
pas très difficile de défaire un mariage.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Il faut au minimum 1 an.
Mme Dominique Blanchon -
J'ai du mal à croire que seule la
sortie d'un PACS ait motivé les délais, en particulier concernant
les droits de succession. Il n'y a pas de problème de sortie de PACS
puisque les droits de succession existent lorsque les personnes meurent.
Pourquoi avoir mis des délais alors que si une personne est malade elle
peut tout de même se marier avant sa mort, et son conjoint
bénéficiera des droits de succession ?
C'est pareil pour le mariage, on ne soupçonne pas des personnes de
s'être mariées quelques mois avant le décès pour
bénéficier des droits de succession. Dans ce cas il n'y a pas de
problème de sortie de PACS puisqu'elle se fait toute seule.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Vous avez raison concernant les
droits de succession puisqu'ils sont liés à testament et
là les questions de délais n'ont pas à jouer.
Mme Dominique Blanchon
- J'ai soulevé aussi le fait que non
seulement on nous imposait des délais mais qu'ensuite, même si
nous avons prouvé que nous étions aussi gentils que des personnes
mariées, nous ne sommes toujours pas égaux, c'est-à-dire
qu'il y a toujours une différence même au bout de deux ans. Je
n'ai toujours pas eu de réponse à ce sujet, pourquoi n'avons nous
pas l'égalité des droits après avoir prouvé notre
stabilité au bout de deux ans ?
Dernier point, pourquoi n'a-t-on jamais parlé de la
rétroactivité ? Toutes les personnes qui vivent ensemble
depuis de nombreuses années, peut-être 5 ou 10 ans, ne sont pas
prises en compte et subissent toujours le problème des délais.
M. Guy Allouche -
M. le Président, je vous sais gré, vous
et le rapporteur, d'avoir permis aux quatre invités de venir s'exprimer
devant nous, leur position est utile et nécessaire. Il est bon que leur
voix soit perçue par chacun de nous et que nous prenions connaissance de
leurs souhaits, de leurs revendications, de leurs doléances. C'est l'un
des points positifs de nos travaux.
M. Jacques Larché, président.-
Je crois qu'il n'y a pas
lieu de s'étonner de cette attitude, elle nous est commune et
habituelle. Ce qui permet de dire que l'on constate une fois de plus la
qualité réelle des travaux du Sénat quelle que soit la
manière dont les médias en rendent compte de façon
systématiquement désagréable.
M. Guy Allouche -
Je souhaiterais en m'adressant à Madame
BLANCHON qu'elle satisfasse l'une de mes curiosités. Je vous ai
écouté attentivement et vous avez dit que l'Assemblée
Nationale n'avait absolument pas pris en considération la moindre de vos
demandes. Comment analysez-vous cela et pourquoi, selon vous, une
majorité favorable à l'établissement d'un PACS n'a pas
pris en considération tout ou partie de vos demandes ?
Mme Dominique Blanchon -
J'aurais déjà aimé qu'on
me dise pourquoi toutes ces revendications n'ont pas été prises
en compte, en particulier sur la rétroactivité et les
délais de succession. Nous n'avons jamais eu de réponse donc je
ne sais pas pourquoi on a pris ces mesures là. Je pense que ce sont des
mesures d'économie qui font que l'injustice que subissent les
homosexuels depuis toujours perdure encore. De plus d'ici deux ans, un certain
nombre de personnes qui auraient pu bénéficier des droits de
succession réduits seront mortes, c'est une mesure d'économie.
M. Guy Allouche -
Vous pensez que l'Assemblée mise sur la mort
des personnes ?
Mme Dominique Blanchon -
Non, mais je pense que d'ici deux ans une
économie sera faite parce qu'un certain nombre de personnes seront
décédées.
M. Dominique Touillet -
Je ne pense pas que ce soit à ce niveau
que les choses se passent. Je pense qu'il y a sans doute eu de la part du
législateur un peu d'angoisse à donner l'impression
d'accéder aux demandes des associations homosexuelles parce qu'il y
avait une très forte mobilisation de forces politiques plutôt
à droite et que celles-ci ont violemment fait connaître leur
opposition à un certain nombre d'aménagements qui avaient
été prévus au début dans le texte.
Je ne pense pas qu'on puisse imaginer que l'on se soit basé sur des
fantasmes d'économie par rapport à des décès, je ne
pense pas que ce soit cela le fond du problème. Le fond du
problème, aussi grave d'ailleurs, est certainement que les
législateurs ont eu un peu peur de la vox populi et qu'ils ont
décidé de faire le gros dos en attendant que cela se passe et en
en donnant le moins possible. Ce n'est peut-être pas beaucoup plus
reluisant mais c'est moins grave que ce genre de position.
M. Jacques Larché, président.-
Je vous remercie de vos
interventions et je voudrais poser une question. Les uns et les autres vous
avez marqué des réserves, ou une certaine hostilité au
système du PACS tout en le prenant pour ce qu'il est compte tenu de ses
insuffisances. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Emettons une hypothèse, après deux lectures le PACS est
voté et admettons qu'il soit voté dans les termes qui sont ceux
dans lesquels il nous vient de l'Assemblée Nationale. Dans ce cas, vous
les associations, les groupes de pression, et le terme n'est pas
péjoratif, lorsque vous avez une idée, un intérêt
à défendre, je considère tout à fait
légitime que vous interveniez auprès des autorités que
nous sommes pour essayer de faire connaître vos points de vue, je le
considère d'autant plus que j'ai souhaité que vous soyez entendus
pour nous dire ce que vous aviez à nous dire, envisagez-vous une action
au-delà du PACS une fois qu'il sera voté ? Votre raisonnement
est-il : "nous avons le PACS, ce n'est pas bon mais compte tenu de ce qu'il est
et compte tenu de ce que nous voulons, il y a une telle différence que
nous continuons à agir parce que nous voulons aller au-delà du
PACS" ?
M. Dominique Touillet -
L'opinion de toutes les personnes est de dire
qu'une fois que nous aurons le PACS nous l'utiliserons et nous utiliserons les
failles du PACS pour le faire évoluer. Nous sommes là aussi pour
faire évoluer les choses.
Mme Dominique Blanchon -
J'ai annoncé tout à l'heure
qu'à la suite du vote du 9 octobre un certain nombre d'associations ici
présentes avaient créé l'observatoire du PACS qui a
justement pour but de dépasser le PACS.
M. Daniel Borrillo -
J'aimerais pouvoir sortir de la logique de la
revendication du Droit subjectif pour les homosexuels. A mon avis nous sommes
dans un débat majeur de Société et il me semble qu'on ne
le réduit pas simplement au lobby homosexuel. Nous allons continuer
à nous battre jusqu'à avoir l'égalité de droits.
Il y a la possession précaire, la propriété ou
l'usufruit, on nous propose l'usufruit, nous n'avons même pas la
possession précaire, nous allons donc continuer à nous battre
jusqu'à la propriété.
Mme Martine Gross -
Nous allons essayer de faire en sorte que la
famille parentale soit reconnue à part entière.
M. Jacques Larché, président.-
Je vous remercie
d'être venus nous exposer vos points de vue.
La séance, suspendue à 17 h 05, est reprise
à 17 h 20.
M. Jacques Larché, président.-
Nous
reprenons nos travaux et procédons aux dernières auditions. Nous
entendrons Madame Chantal Lebatard, Administrateur de l'Union Nationale des
Associations Familiales, Madame Dominique Marcilhacy de Familles de France,
Monsieur Jean-Marie Andrès de la Confédération Nationale
des Familles Catholiques, Madame Claudine Rémy, vice-présidente
des Familles Rurales et Monsieur Bernard Teper, chargé de la
communication à l'Union des Familles Laïques.
7)
Audition de :
- Mme Chantal Lebatard, administrateur - Union Nationale des
Associations Familiales (UNAF)
- Mme Dominique Marcilhacy - Familles de France
- M. Jean-Marie Andrès - Confédération nationale
des associations familiales catholiques
- Mme Claudine Rémy, vice-présidente - Familles rurales
- M. Bernard Teper, chargé de la communication - Union des
familles laïques
Mme Chantal Lebatard -
Je voudrais en préalable excuser
Monsieur BRIN, Président de l'Union nationale des associations
familiales, un rendez-vous ministériel prévu de longue date avec
le Ministre du Logement l'a contraint à me déléguer cette
présentation. J'exprime aussi un regret sur la façon dont ces
auditions ont été organisées sur une journée
donnant encore l'impression de précipitation et de confusion alors que,
par exemple, nous savons déjà qu'au Ministère de la
Justice un groupe de travail travaille sur les problèmes de
l'évolution du Droit de la famille. Nous aurions pu espérer un
délai plus raisonnable et attendre les conclusions de ce groupe pour
terminer ce travail de réflexion.
M. Jacques Larché, président.-
Nous
devons travailler dans un laps de temps qui nous est octroyé par le
Gouvernement. L'affaire du PACS est venue devant l'Assemblée Nationale
sans tenir le moindre compte des préoccupations de la Chancellerie et de
ce groupe de travail qui existe sur le Droit de la famille. Le Gouvernement
fixe l'ordre du jour, le Gouvernement nous indique les impératifs et il
semble que la Loi sur le PACS figure au nombre de ces impératifs. Je
n'ai aucun pouvoir de m'y opposer, vos regrets sont donc à adresser au
Gouvernement.
Mme Chantal Lebatard -
Nous profitons de l'occasion
pour les adresser de toute façon. Je voudrais simplement rappeler, avant
que ne s'expriment mes collègues des différentes associations
familiales, la position particulière qui est celle de l'UNAF. Notre
institution a mission légale de s'exprimer au nom de l'ensemble des
familles françaises et étrangères vivant en France. Nous
n'exprimons pas simplement le point de vue des associations ou des mouvements
qui composent l'UNAF mais nous avons cette mission beaucoup plus large de dire
ce qui est le bien des familles, pour toutes les familles.
C'est pourquoi nous avons une réflexion qui est
beaucoup plus diversifiée et qui essaie de tenir compte de toutes les
tendances. Vous avez légitimement souhaité en entendre des
expressions variées de " Familles de France " à
" Familles Rurales ", de la Confédération nationale des
Associations familiales catholiques à l'Union des familles laïques,
vous entendrez donc la diversité de nos compositions.
Toutefois, je voudrais préciser que la position de
l'UNAF telle qu'elle figure dans le recueil qui vous a été remis
est une position qui a été établie, par un débat
démocratique solennel en Assemblée Générale, suivi
d'un vote sur deux propositions de textes, donc deux expressions possibles de
la pensée des familles. Un texte minoritaire a recueilli à peu
près 3 % des suffrages et un texte majoritaire dans lequel l'ensemble
des familles se reconnaissaient a recueilli près de 90 % des suffrages,
et donc est devenu la position de l'Institution.
On pourrait en résumer ainsi la teneur : si le
législateur considère que des droits nouveaux doivent être
ouverts pour des situations non familiales, l'UNAF ne saurait admettre que
ceux-ci puissent être confondus avec les dispositions relatives à
la famille et rejette toute proposition qui remettrait en cause les fondements
de la famille et l'intérêt supérieur de l'enfant.
Ces textes vous ont été communiqués, ils avaient
été évidemment communiqués aux rapporteurs des
différentes propositions de loi à l'Assemblée Nationale,
nous avons été auditionnés par eux, nous nous sommes
exprimés devant eux, nous avons suivi leurs travaux. Aujourd'hui vous
nous demandez de nous exprimer en réaction au texte qui a
été voté par l'Assemblée Nationale
dernièrement lors de ces débats et qui vous est soumis.
La position de l'UNAF est assez claire. L'UNAF maintient sur ce texte des
réserves extrêmes car le texte, en l'état, confirme ou
ajoute à la confusion qui apparaissait déjà et qui a
été manifestée à travers les différentes
expressions, les débats et les commentaires qui ont eu lieu.
Confusion entre les publics bénéficiaires, puisqu'il veut
répondre à la fois au besoin de reconnaissance des couples
homosexuels, au besoin de sécurité des couples concubins
hétérosexuels avec enfants et au besoin de meilleures conditions
de vie commune et de fin de vie pour des groupes, que Monsieur Touillet
appelait tout à l'heure " cellules de solidarité ",
pour exprimer le besoin de solidarité des personnes qui souhaitent
échapper à la solitude.
Confusion aussi des dispositions proposées avec celles régissant
le mariage qui institue la famille dans et pour la Société.
Confusion sur un plan juridique entre les couples homosexuels et les couples
hétérosexuels, au risque de brouiller encore les repères
fondamentaux de la parentalité qui repose sur l'altérité,
la différence des sexes et des générations. Confusion
entretenue par le texte lui-même comme par les commentaires qu'il
suscite, les débats nombreux qu'il a suscités et les
déclarations des parlementaires qui l'ont appuyé.
De plus, l'UNAF s'interroge fortement sur l'intérêt ou la
portée réelle d'un nouveau statut du couple intermédiaire
entre le mariage et l'union de fait ou union libre, sans s'être
assuré au préalable qu'il corresponde aux raisons qui conduisent
les concubins à différer ou refuser le mariage. Madame THERY a
évoqué longuement ces réalités ce matin et je crois
que les débats qui ont précédé ont montré
que les réponses n'étaient pas forcément trouvées
dans ce texte.
L'UNAF redoute enfin la nature très réversible du PACS
proposé qui n'apporte guère de réponse au besoin de
sécurité et de protection du plus faible des contractants, mais
semble instituer la répudiation.
Quant à son élargissement aux fratries, ne paraît-il pas
au-delà de la confusion ajoutée, plus générateur
d'inégalités, inégalités de Droit en particulier
entre membres d'une même fratrie dès lors que celle-ci
comporterait plus de deux personnes ?
Les dispositions fiscales prévoyant déclaration conjointe et
imposition commune, outre le fait qu'elles réduisent encore le poids de
la fiscalité directe dans la structure de la recette publique suscitent
également notre interrogation. Elles ne concernent d'abord que ceux qui
paient l'impôt, qu'en sera-t-il pour les autres ? Quelle
solidarité ? Quelle cohérence trouver dans cette
disposition, avec les discours sur la solidarité et les besoins
réels des plus défavorisés de nos concitoyens ?
L'UNAF en la personne de son Président avait lancé le
29 octobre dernier un appel solennel au Gouvernement par une lettre au
Premier Ministre dont le texte vous a été transmis et figure dans
le dossier. Cet appel, aujourd'hui nous le reprenons pour vous, Messieurs et
Mesdames les Sénateurs. Un sujet aussi essentiel pour notre
Société ne saurait se traiter dans la précipitation, il
exige un vrai débat dans toutes les composantes de notre
Société et une vraie concertation associant toutes les forces
vives de notre Nation et tous les courants de pensée. Vous pourriez en
être les promoteurs et les médiateurs si vous acceptiez de laisser
le temps du discernement et de la réflexion prendre le pas sur des
considérations plus politiques.
Notre législation actuelle offre encore bien des ressources
inexploitées pour régler les problèmes matériels
difficiles qu'impliquent certaines situations, et je crois que nous n'avons pas
exploré suffisamment toutes les pistes qui pouvaient s'offrir.
Alors seulement pourront s'élaborer des textes qui dans le respect de
l'équité, des choix privés de chacun et de
l'intérêt de tous et de la Société, assurent
à tous, notamment aux plus faibles, notamment à chaque enfant,
protection et garantie de ces droits fondamentaux et défense des
intérêts supérieurs.
Pour finir, au moment même où partout on débat du sens de
la Loi, des repères pour les jeunes, il est indispensable de
s'interroger sur la fonction même de la Loi. La Loi dans son
fonctionnement de structuration des personnes ne doit pas permettre la
confusion des genres ; tel est le rôle du législateur de le
garantir.
M. Jacques Larché, président.-
La parole est à Mme
Dominique Marcilhacy.
Mme Dominique Marcilhacy -
Je vais commencer ce propos par une phrase
de Woody Allen qui semble résumer assez bien la problématique du
PACS :
" Le loup et l'agneau dormiront ensemble mais l'agneau ne
dormira pas longtemps. "
Au fond, contrairement à ce qu'on
raconte, si le PACS est une nouvelle liberté, c'est celle du loup dans
la bergerie. Les agneaux sont les femmes et les enfants.
Je crois que cela n'a échappé à personne, le PACS est en
réalité une sorte de mariage, un quasi mariage, sinon il n'y
aurait aucune raison d'y reproduire les interdits fondamentaux du mariage que
sont l'interdiction de l'inceste et l'interdiction de la bigamie. Toute la
question est de savoir si c'est un progrès pour les personnes
homosexuelles et pour les concubins.
En avant-propos, il n'est pas question, lorsque l'on dit que l'on est contre le
PACS, de dire que l'on est pour autant contre les homosexuels. J'ai
été frappée au travers de tous les débats relatifs
au PACS du respect que tout le monde a manifesté à l'égard
des homosexuels et je voudrais au nom de Familles de France leur exprimer ce
même témoignage de respect et d'amitié.
Pour autant, Familles de France n'est pas favorable au PACS parce que loin
d'assurer une protection, un progrès, à l'égard à
la fois des homosexuels et des concubins, le PACS est une véritable
régression c'est-à-dire la liberté du loup dans la
bergerie.
Je vais diviser mes propos en deux parties, la première pour montrer en
quoi le PACS est dangereux et la deuxième pour montrer en quoi l'Etat a
le devoir de favoriser le mariage.
Le PACS est dangereux pour les pacsés eux-mêmes à qui l'on
fait croire qu'ils vont avoir un statut plus avantageux. Nous sommes en fait en
face d'une sorte de vase communiquant où d'un côté vous
avez des personnes qui aujourd'hui bénéficient en se mariant d'un
certain nombre de droits et d'avantages et auxquels on va proposer, demain, des
droits qu'ils croiront analogues mais qui, en réalité, seront
moins protecteurs.
Contrairement à ce que l'on dit, les français ne savent pas de
quoi est composé le PACS. Familles de France a fait une enquête
auprès d'un millier de personnes pour leur demander non pas ce qu'elles
pensaient du PACS mais ce qu'ils en savaient et nous sommes arrivés
à 60 % de réponses inexactes par rapport aux questions que nous
avons posées. Les Français ne savent pas de quoi il s'agit et
beaucoup, en particulier les concubins, pensent que cela va leur apporter des
avantages qu'ils voudraient avoir et qu'ils n'ont pas actuellement.
Prenons un exemple très simple, quel est aujourd'hui le grand droit
social dont sont privés les concubins ?
C'est le droit à la pension de réversion en matière de
retraite. Personnellement, je trouve qu'il est illégitime de priver des
personnes qui vivent ensemble depuis 30 ans de la pension de réversion,
je trouve cela injuste. Pourquoi le PACS ne propose-t-il pas la pension de
réversion ? C'est dire que, sur ce seul exemple, le PACS n'assure
pas une véritable protection, là où les concubins peuvent
se trouver en situation de fragilité.
L'autre protection dont ont besoin les concubins est la protection contre la
rupture. A tout moment le concubin peut s'en aller, or le PACS ne
prévoit rien, il prévoit trois mois de délai entre le
moment où vous recevez votre répudiation et le moment où
vous êtes répudié, c'est donc d'une grande fragilité
alors que les concubins ont besoin d'une protection contre le risque de la
rupture que ce soit par le décès ou par l'abandon.
Le PACS est également dangereux pour les enfants. La revendication de
toutes les personnes qui militent pour le PACS et en particulier les
homosexuels est d'obtenir l'adoption des enfants.
Je ne parlerai plus en tant que Familles de France mais en tant que
mère de famille pour vous dire qu'il est évident que l'on ne peut
pas imaginer qu'un homosexuel aime moins son enfant qu'un
hétérosexuel. Ce n'est pas une question de quantité
d'amour ou de tendresse, c'est simplement que cet enfant a besoin d'un
père et d'une mère, pas une référence masculine et
une référence féminine. La première question
fondamentale que se posent les tout petits lorsqu'ils ont trois ou quatre ans
c'est : " moi, que vais-je devenir, est-ce que je serai un papa comme
papa ou une maman comme maman ? " et il se passe un moment pour qu'on
puisse leur faire comprendre qu'ils sont définitivement d'un sexe et pas
d'un autre.
A l'adolescence le problème est différent, les jeunes sont
souvent un peu angoissés de l'autre sexe et par conséquent la
tendance spontanée peut être de s'intéresser à son
propre sexe par peur de l'autre sexe. Dès lors, que
l'homosexualité est présentée comme une norme - il ne
s'agit pas de dire que l'homosexualité est une maladie - pour ces
adolescents qui sont hésitants il est clair qu'ils risquent de se
tourner vers l'homosexualité, laquelle, fondamentalement, ne les rendra
pas heureux. Lorsqu'on est homosexuel, il faut vivre avec mais lorsqu'on est
hésitant on est plus heureux quand on a choisi la situation
d'hétérosexuel.
L'accès à la parentalité des homosexuels serait
fondamentalement dangereux pour les enfants et serait générateur
de psychoses d'une gravité telle que je crois que nous n'avons
aucunement le droit de faire des expériences sur les enfants actuels.
Le PACS est également dangereux pour la Société en
général et les personnes mariées en particulier parce que
le PACS deviendra une pépinière de fraudes. Demain toute sorte de
personnes feront des PACS blancs pour bénéficier en particulier
de l'assurance maladie gratuite. Si vous voulez faire 12 000 F
d'économies et que vous n'êtes pas assuré social, vous
passez un PACS et vous êtes débarrassé d'avoir à
payer l'assurance personnelle.
Les exemples de fraudes fourmillent et finiront par peser sur les personnes
"ordinaires " qui se verront supprimer les avantages qu'elles ont obtenus
parce que le Droit est trop fraudé et BERCY sera satisfait face à
ces fraudes de supprimer le Droit pour tout le monde.
Le PACS est dangereux et il est indispensable que l'Etat favorise le mariage,
c'est sa mission. Beaucoup de personnes vivent ensemble sans être
mariées et on a tendance à se dire : mais au fond pourquoi y
aurait-il des droits et des prérogatives réservés à
certains et pas à d'autres ?
Je crois que l'Etat ne doit pas être neutre, il doit favoriser le
mariage parce que le mariage rempli deux institutions fondamentales dont la
première est d'assurer la pérennité de notre
Société.
Selon le mot d'Ernest Renan
"aucune civilisation n'a été
bâtie par des personnes seules nées de parents inconnus et morts
célibataires sans enfants."
Les homosexuels par leur nature n'ont
pas vocation à avoir le nombre d'enfants dont notre
Société a besoin. Le mariage n'est pas une institution
destinée à favoriser l'amour. Très concrètement, la
Société a mis en place le mariage parce qu'elle désirait
que des enfants naissent en quantité suffisante. Pour cela, il convient
que le mariage soit réservé aux hétérosexuels.
Mais dès lors que les personnes sont hétérosexuelles
pourquoi l'Etat doit-il favoriser le mariage par rapport au concubinage ?
La réponse est non moins prosaïque parce qu'il faut flécher
le sens qui va permettre à la Société de tirer le maximum
de profit de l'union de l'homme et de la femme.
Que recherche-t-on dans le mariage ? On recherche qu'une union soit
stable et qu'il naisse des enfants. Les 2000 ans de conquête du mariage
n'ont pas consisté à autre chose qu'à essayer d'obtenir
que les hommes soient moins volages et que les enfants soient
élevés par leurs deux parents le plus longtemps possible. Les
institutions fondamentales du mariage sont l'interdiction de la
répudiation et la présomption de paternité. L'enfant qui
naît dans un foyer marié a automatiquement une maman et un papa
qui sont ceux que la noce désigne.
Le mariage a cet objectif extrêmement anthropologique et qu'il vous
appartient de défendre. A cet égard, je voudrais vous demander
quelque chose Mesdames et Messieurs les Sénateurs : ne soyez pas
des parents qui battent. Le mariage est un des enfants de la République
et la législation abonde d'exemples dans lesquels le mariage est
brimé par rapport au concubinage. C'est curieux de voir que le mariage
est aujourd'hui l'enfant battu de la République. Cet enfant, vous devez
l'aimer et le protéger comme le vôtre, cela ne veut pas dire qu'il
faille haïr les personnes qui ne peuvent pas y accéder mais il faut
que vous réserviez au mariage les avantages que certains voudraient voir
étendre au concubinage, d'autres aux homosexuels mais qui n'ont pas lieu
de leur être réservés. Protégez le mariage !
M. Jacques Larché, président. -
La parole est
à M. Jean-Marie Andrès.
M. Jean-Marie Andrès -
Je voudrais changer la structure de mon
exposé sans doute pour insister sur une première chose qui est
notre grande communauté de pensée avec ce que viennent de dire
Mesdames Marcilhacy et Lebatard.
L'UNAF, extraordinairement unanime sur ce thème, a été
fondée précisément auprès des instances politiques
pour construire une pensée et s'en faire le témoin. J'ai vu que
d'aucuns s'émouvaient que ce thème soit traité un peu
hâtivement, je crois que ce thème demande qu'on lui octroie la
place des grands thèmes de Société et qu'on
considère dès lors qu'une instance représentative comme
celle de l'UNAF est une émanation crédible de cette
société.
Pourquoi l'UNAF est-elle représentative sur ce thème ? Parce que
je veux rappeler et insister sur le fait que la famille n'est pas une
catégorie sociale et je vous prends tous à témoins car
nous sommes tous membres d'une famille, de notre famille. Nous aurions donc
tort d'imaginer qu'il faut d'un côté écouter telle ou telle
association et de l'autre côté les associations familiales comme
si c'était des choses de même nature. Les associations familiales,
et il suffit d'examiner les nombreux travaux de l'UNAF, sont des associations
qui sont fondées à s'occuper de tous les problèmes de
Société et à ce titre représentent les citoyens.
Je me permets d'être un peu redondant sans doute, pour vous dire que les
positions prises à une très forte majorité par l'UNAF sont
les positions qui représentent très fortement les
français, lorsqu'ils sont informés. Ce très grand
débat de Société souffre singulièrement d'une
absence d'information et de dialogue. Nous avons cherché et nous
cherchons encore à établir un contact sur le terrain, et les
nombreuses signatures de pétitions que nous avons initiées
avaient cet objectif fondamental d'en parler aux citoyens. Je ne crois pas
qu'il serait bon que des thèmes aussi importants passent à la
va-vite pour des contraintes de nature, ce que nous autres français de
la base appelons, politiciennes.
Au-delà de ces propos qui cherchent à replacer ce débat
à son niveau, je voudrais insister sur le problème de fond de
cette proposition de loi. Premièrement, on nous dit que c'est une
proposition de loi, ce qui voudrait dire que c'est sur l'initiative du peuple,
ce que je dénie totalement. Je pense que ce n'est pas une initiative
populaire, loin s'en faut, et que les députés sont allés
bien au-delà de ce qu'ils pensent être la volonté du peuple
sur la nécessité de légiférer là-dessus.
Deuxièmement, les débats que j'ai trouvé difficiles et
longs à l'Assemblée montrent assez bien qu'on a beau peaufiner ce
texte on ne réussira jamais à lever les ambiguïtés de
fond, à savoir qu'on ne sait pas si on cherche à traiter des
concubins ou du mariage homosexuel, on ne sait pas en définitive si on
cherche à proposer un substitut au mariage ou au contraire si on cherche
à traiter des problèmes de solidarité qui se posent
parfois.
J'insiste par ailleurs sur les perversions fondamentales qu'apporte ce texte
comme la fragilité : dans un monde qui se veut solidaire, on
institutionnalise la précarité ; dans un monde qui se veut
préoccupé par les repères, le thème de l'enfant est
évité alors qu'on sait fort bien que ce thème suit
logiquement.
Je crois que l'on aura beaucoup de mal à clarifier ces choses autrement
que par le retrait pur et simple de ce texte. Car à quoi sert-il ?
Nous voulons un message clair pour l'ensemble de nos concitoyens et ce message
clair aujourd'hui existe puisque l'homosexualité est un thème
connu, Dieu merci il n'y a plus de chasse aux sorcières de ce
côté-là. Qu'on le veuille ou non le concubinage est un fait
accompli et là non plus je ne pense pas que ce soit un thème
honteux et, qu'on le veuille ou non, les couples continuent à se marier,
je lisais même récemment qu'il y aurait une petite recrudescence
de ce côté.
Alors de quoi avons-nous besoin de plus ? D'un autre statut du
mariage ? A quand le troisième, le quatrième statut du
mariage ? Ou alors on supprime franchement le mariage et les choses sont
claires. Je ne vois pas comment des travaux approfondis aboutiraient à
lever ces ambiguïtés que je qualifierais de congénitales.
C'est pour cette clarté que nous nous sommes associés à
vos travaux depuis le début mais c'est aussi pour cela que nous nous
associons à tous les travaux de terrain qui se manifestent par des
signatures de pétitions. Ces dialogues sont nécessaires avec
l'ensemble des citoyens, avec l'ensemble des sensibilités politiques,
parce que c'est un thème qui ne doit surtout pas être
politisé, ce n'est pas un débat gauche/droite, ce serait une
erreur fondamentale.
C'est ainsi que nous sommes parmi les co-organisateurs de la manifestation de
dimanche prochain, le 31, par laquelle nous cherchons simplement à
essayer d'interpeller par de la bonne humeur et par le nombre, l'ensemble des
citoyens, les sénateurs sur ce thème fondamental et sur la
nécessité qu'il y a à le traiter au fond et sans doute par
le retrait de ce texte.
M. Jacques Larché, président.-
La parole est à Mme
Claudine Rémy.
Mme Claudine Rémy -
Monsieur le Président, Madame et
Messieurs les Sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Madame
PETIT, notre Présidente, qui est absente et qui m'a chargée de
vous transmettre cette intervention.
Le Mouvement Familles Rurales est défavorable au projet de loi sur le
PACS pour de multiples raisons :
Les choix de vie en couple sont indifférenciés. Il est une chose
de respecter le choix de vie de chacun, notamment en matière de
préférence sexuelle, il est tout autre chose de reconnaître
sur le même plan tous les types de relation. La différence des
sexes est fondamentale pour notre Société. Les enfants et les
adolescents ont besoin de ce repère pour trouver leur place et se
construire en tant qu'homme ou femme, maillon de la chaîne des
générations sans laquelle il n'est pas d'avenir.
C'est un contrat sans garantie. La rupture pourra intervenir à n'importe
quel moment sur simple demande. Le plus faible n'est pas protégé.
Or, la Loi a justement vocation à préserver le droit du plus
exposé. Le PACS ne le permettra pas.
La porte est ouverte aux abus. Aux vues des avantages qu'il peut procurer
(déclaration fiscale commune, protection sociale, priorité pour
l'affectation professionnelle, carte de séjour et naturalisation pour un
étranger), le caractère peu contraignant du PACS provoquera des
dérives.
Le couple est amputé de sa fonction parentale. Il faut distinguer les
unions qui visent la vie solidaire, la mise en commun de biens, de celles qui
constituent les cellules de base de la Société. Les avantages
procurés au couple hétérosexuel ne sont pas liés au
couple lui-même mais à la présence d'enfants ou au projet
d'en avoir.
Les droits de l'enfant sont complètement ignorés. L'enfant a
droit à un père et une mère pour la construction de son
identité. Or, le PACS écarte toute considération de
l'enfant. Il se borne aux droits des personnes dans le couple comme si le
couple était une fin en soi que la Société devait
reconnaître en tant que tel.
La vie privée n'est pas un sujet de Droit. L'union libre est bien le
choix d'hommes et de femmes qui ne souhaitent pas qu'un cadre juridique soit
instauré dans leur relation affective.
L'acte civil du mariage est indirectement mis en cause. Alors que tout le monde
reconnaît la nécessité de renforcer la citoyenneté
et de mieux sensibiliser les familles à leur responsabilité
d'éducation dans la Société, il est surprenant que l'Etat
se soucie aussi peu de valoriser les actes d'état civil dont il est
garant. Aujourd'hui beaucoup de couples ne mesurent pas les conséquences
de leur union en dehors du Droit établi par l'acte civil. Il est urgent
de mieux informer les jeunes des formes d'unions possibles et de leurs
conséquences sur le Droit des personnes.
L'accès à ces droits est sans contrepartie. A la
différence de l'acte civil du mariage qui prévoit des devoirs
entre les contractants, le PACS ouvre des avantages sans attendre quoi que ce
soit de l'union des personnes. Cette idée que la collectivité
aurait à consentir des avantages sans rien n'attendre en retour n'est
pas justifiée. Pourquoi un célibataire qui s'investit dans la vie
associative ou sous toute autre forme dans la Société ne
pourrait-il pas bénéficier des mêmes égards ?
Le PACS dépasse l'objectif qu'il s'était fixé de
combler un vide juridique. Ses enjeux sont d'une autre nature remettant en
question les fondements même de la Société.
C'est pourquoi Familles Rurales est favorable à l'aménagement du
Droit français lorsque dans certaines situations de séparation ou
de décès, le plus faible n'est pas protégé. Il
convient d'aménager les quelques textes concernés, de faire en
sorte que tout citoyen en prenne connaissance. Légiférer sur de
nouvelles formes d'unions ne nous paraît pas utile.
M. Jacques Larché, président.-
La parole est à M.
Bernard Teper.
M. Bernard Teper
- Madame le Sénateur, Messieurs les
Sénateurs, au nom de l'Union des Familles Laïques je vous remercie
d'avoir réalisé une audition pluraliste car en
réalité la seule instance qui représente les citoyens de
notre pays est la représentation nationale et donc le
législateur. Il est donc normal que le législateur écoute
l'ensemble des positions qui s'expriment dans la Société,
d'autant plus que, particulièrement sur ce sujet, nous voyons bien qu'il
n'y a pas deux positions, les pour et les contre et que c'est un
problème compliqué comme tous les problèmes de
Société. Il est donc normal que l'ensemble des familles de
pensée puisse s'exprimer.
Lorsque nous regardons à l'extérieur des enceintes
parlementaires nous remarquons que nous sommes sur le PACS dans une
atmosphère de guerre civile verbale. Nous pensons que la Loi doit
assurer la paix civile tout en permettant à la Société
d'être ouverte sur l'avenir. Force est de constater que le projet de PACS
a plutôt renforcé les hostilités et les outrances.
Sans doute parce que les pouvoirs publics et les promoteurs du sujet n'ont pas
su débattre et dialoguer avec tous les partenaires et que les auditions
officielles ont commencé trop tard. Sans doute parce que le projet
était plus souvent modifié suite à des actions de lobbying
plutôt qu'après un débat raisonné lors d'auditions
officielles.
Le résultat est navrant, alors que les concubins vivent en paix civile
avec les mariés, le spectacle politico-médiatique est plus proche
des guerres picrocholines que de la sérénité
nécessaire.
D'autant plus navrant que ce texte tel qu'il existe aujourd'hui n'a plus
d'intérêt pour les quelques 5 millions de concubins
hétérosexuels alors que ses promoteurs voulaient en faire un
texte à caractère universel.
D'autant plus navrant que ce texte, qui a valeur de contrat, ouvre des
délais de carence incompréhensibles, instaure le droit de
répudiation, refuse la protection du plus faible dans le couple. Par
exemple, pourquoi dans la nuit du 8 au 9 septembre a-t-on supprimé la
référence aux Articles du Code Civil 765, 766 et 767, articles
qui proposaient justement la protection du plus faible ?
Nous disons que s'il y a contrat il faut la protection du plus faible ou alors
il faut prendre une autre voie. De plus, la question que nous pouvons nous
poser est : quel sera l'avenir des concubins après ce texte ? Quel sera
l'avenir des concubins non pacsés ?
Puisse le Sénat, où doit régner la
sérénité, oeuvrer dans le bon sens.
Alors que faut-il faire ? Nous proposons cinq points :
- ne pas se contenter du statu quo. Le statu quo est injuste pour un certain
nombre de groupes, de couples, de familles,
- il faut sérier les problèmes et ne pas mettre tout dans une
même loi,
- il faut supprimer l'injustice que le peuple français ne supporte plus,
- il faut faire rentrer le Droit familial et le Droit des couples dans le
progrès et la modernité,
- et enfin, promouvoir la grande réforme de la fiscalité
toujours repoussée par les gouvernements depuis plus de vingt ans.
Je vais donc aborder ces cinq points.
1 -
Ne pas se contenter du statu quo
:
Je vais bien sûr résumer ce qui a peut-être
déjà été dit par certaines personnes au cours de
cette audition.
La Société n'est plus la même qu'il y a 25 ou 30 ans.
Divers bouleversements ont eu lieu qui appellent à une création
de droits nouveaux. Modification de situation, nécessité de
créer du droit nouveau, nous appelons donc le législateur a
travailler à la création de ces droits : en zone rurale,
suite à la demande des fratries et des personnes seules, en zone urbaine
suite au développement massif de l'union libre et également des
personnes seules.
L'ensemble de ces problèmes demande des droits nouveaux, le
problème des fratries demande des droits nouveaux, 7 millions de
personnes seules demandent des droits nouveaux et le fait que près de 5
millions de personnes vivent en concubinage demande des droits nouveaux.
Bien sûr, il faut prendre en compte cet état de fait et engager
le compromis nécessaire entre zones rurales et urbaines pour prendre en
compte toutes ces nouvelles demandes. Il ne faut pas en prendre certaines et
pas d'autres, il faut les prendre toutes. Voilà pourquoi, le statu quo
n'est plus possible. Il revient au législateur d'engager le débat
entre des propositions et non uniquement pour ou contre une seule proposition.
Il y a donc plusieurs propositions et il est souhaitable que le
législateur puisse choisir.
En ce qui nous concerne, sur le plan de la philosophie du Droit nous pensons
que la paix civile consiste à s'appuyer sur le principe laïque
suivant : il faut séparer la sphère publique de la sphère
privée. L'Etat n'a pas à flécher la vie privée des
personnes mais au contraire à faire respecter le libre choix des
citoyens à l'intérieur de la sphère privée.
2 -
Il faut sérier les problèmes :
Nous sommes pour une grande loi sur les fratries séparée des
lois portant sur le Droit des couples. Cela permettrait de ne pas limiter de
façon grotesque le Droit des fratries à deux. Pourquoi ne pas
élargir le Droit des fratries à trois, quatre ou plus ?
Voilà qui permettrait de résoudre des problèmes sociaux
notamment en zone rurale.
Par ailleurs, nous sommes également pour une plus grande reconnaissance
légale de l'union libre et pour l'amélioration de ses droits.
Voilà qui permettrait de résoudre des problèmes sociaux
notamment en zone urbaine. Faire deux lois différentes, une sur les
fratries, une sur les droits des couples, pour un vrai compromis rural-urbain,
pour un vrai compromis "rurbain".
3 -
Supprimer l'injustice de l'homophobie
:
Comme l'a proposé Monsieur le Sénateur Badinter dans un texte
paru dans le
Nouvel observateur
, il faut supprimer l'homophobie dans
l'ensemble du Droit français et effectuer un toilettage de ce Droit pour
donner l'égalité en droits de tous les concubins qu'ils soient
hétérosexuels ou homosexuels (assurance-maladie, transfert de
bail, etc.)
C'est effectivement une exigence de justice qui est demandée, nous
semble-t-il, par le peuple français et c'est pour nous un
impératif catégorique.
4 -
Faire rentrer le Droit des couples et le Droit familial dans le
progrès et la modernité
.
Lorsque nous regardons l'histoire du Droit familial et du Droit des couples
dans les pays développés de la planète, nous constatons
que l'évolution va vers l'égalité en droits des couples,
qu'ils soient mariés ou non, hétérosexuels ou non.
Il suffit de regarder différentes provinces canadiennes, il suffit de
regarder ce qui se passe en Europe du nord, puisque nous sommes en train de
construire l'Europe. Il y a des réalités qui seraient
intéressantes à étudier. Alors vous me direz
l'évolution du Droit du couple et l'évolution du Droit familial
en France depuis une vingtaine d'années va à un train de
Sénateur, si je peux me permettre l'expression. Mais lorsque nous
regardons sur une longue période nous nous apercevons que, malgré
tout cela, à chaque période le législateur doit
définir la hauteur de la marche qu'il entend promouvoir pour aller dans
le sens du progrès de la modernité.
Il conviendrait d'abord de définir les différents modes de preuve
qui permettraient de stipuler le concubinage. Aujourd'hui il serait possible
d'améliorer les droits des concubins qu'ils soient
hétérosexuels ou non, dans les différents domaines
(fiscalité de l'impôt sur le revenu, des successions, des
donations, etc). Par exemple, instaurer, comme l'a dit tout à l'heure
Madame Lebatard, les pensions de réversion mais également la
référence aux articles 765 à 767 du Code Civil
présente dans le PACS du mois d'août et supprimée dans
celui de septembre. Je me réfère pour cela à ce qui se
passe dans plusieurs provinces canadiennes et en Europe du nord.
Pourquoi dans certains domaines ne pas donner des droits identiques à
ceux du mariage ? Je ne dis pas dans tous les domaines mais au moins dans
certains.
Dans notre projet, il y aurait donc deux possibilités : le mariage et
le concubinage. L'avantage serait qu'il y aurait un vrai choix selon le mode
d'engagement souhaité et que l'on n'aurait plus le sentiment que le
législateur souhaite punir fiscalement ceux qui n'ont pas fait "le bon
choix".
5 -
Il faut promouvoir la grande réforme de la fiscalité
:
L'évolution de la Société produit une grande
diversification des modes de vie : croissance forte de l'union libre et du
nombre de personnes seules, besoin grandissant des fratries, maintien de
l'attrait pour le mariage même s'il y a une augmentation du nombre des
divorces. Toutes les prévisions montrent que la différenciation
et le pluralisme des modes de vie vont encore s'accroître et
s'intensifier.
Cette évolution nous amène à proposer une grande
réforme de la fiscalité basée sur les individus et non sur
le ménage comme cela se passe dans de nombreux pays
développés. Cela permettrait plus facilement d'effectuer et
d'admettre la solidarité horizontale (pour tenir compte des
dépenses liées aux enfants) et plus encore la solidarité
verticale (en fonction des revenus). Mais cela est une autre histoire que
certains pourront juger hors sujet. Pourtant, le débat qui nous
intéresse est philosophique, sociologique, économique mais aussi
fiscal.
La France qui entend marcher sur ses deux jambes attend donc du
législateur deux choses :
- Qu'il adopte pour la France des lois permettant à celle-ci de tenir
son rang en tant qu'inspiratrice des lumières, du progrès et de
la modernité.
- Qu'il stoppe cette atmosphère de guerre picrocholine et instaure la
paix civile sur ce chantier qui satisfasse tous les citoyens de notre pays.
Pour cela, l'UFAL est à votre disposition. Je vous remercie.
M. Jacques Larché, président.
- J'ai noté avec
plaisir que certains d'entre vous avaient bien voulu reconnaître la
qualité du débat que nous avons effectué.
M. Patrice Gélard, rapporteur
- Je vais tout d'abord m'adresser
à Monsieur Andrès concernant l'adoption du texte par
l'Assemblée Nationale. Si nous ne discutons pas de ce texte, si nous en
demandons le retrait, l'Assemblée Nationale décidera seule et en
fonction du texte qu'elle aura adopté en première lecture. Cela
signifie que le PACS tel qu'il a été voté par
l'Assemblée Nationale a de très fortes chances d'être
à nouveau adopté. Je voulais faire cette remarque pour rappeler
que les pouvoirs que nous avons ne sont pas dans ce débat
législatif aussi étendus qu'on veut bien le croire.
Ma deuxième remarque s'adresse aux quatre premières associations
qui ont parlé et qui nous ont manifesté leur attitude à
l'égard du PACS tel qu'il a été adopté par
l'Assemblée Nationale. Comment voient-elles la solution des
problèmes réels soulevés par l'existence de couples
homosexuels ? Comment d'après vous peut-on régler le
problème ?
Je vais jouer les provocateurs. Le code civil ne prévoit pas, si ce
n'est incidemment, que le mariage concerne un homme et une femme. Dans d'autres
termes, la solution la plus simple serait d'admettre le mariage des
homosexuels, il n'y aurait rien ou presque à changer dans le code civil.
Que pensez-vous de cette solution ? En voyez-vous une autre ? L'assimilation
des homosexuels aux concubins vous paraît-elle acceptable ou non ?
Deuxième question qui s'adresse à vous cinq, il y a des personnes
qui vivent ensemble indépendamment de tout problème de vie
sexuelle, et qui ont des problèmes juridiques. Admettriez-vous qu'il y
ait dans la partie patrimoniale du code civil la possibilité offerte aux
concubins de signer un contrat qui réglerait les problèmes de
leur vie commune, c'est-à-dire un contrat qui déciderait qui paie
le loyer, qui paie le téléphone, etc, et qui délimiterait
en cas de dissolution de leur union temporaire la façon dont les biens
seraient répartis ?
M. Jacques Larché, président
- J'ajouterais notre
volonté ferme de ne pas demander le retrait de ce texte, parce que nous
avons l'intention de l'examiner, nous sommes là pour faire un travail
d'analyse juridique et politique. Certes, le PACS est un monstre juridique dans
l'état actuel et il n'est pas possible de laisser passer quelque chose
comme cela. Nous n'aurons pas la même attitude que celle de
l'Assemblée Nationale, je l'ai déjà affirmé mais
nous aurons une attitude très claire et volontaire d'analyse profonde.
En effet, ce problème de répudiation est un problème et
une importante innovation dans notre Droit. Il bouleverse le Droit
traditionnel, le Droit du conjoint. Il est peut-être difficile de
l'accepter et c'est un des problèmes dont nous aurons à
débattre.
Je partage le sentiment de notre futur rapporteur qui ne rapportera pas dans le
sens d'une demande de retrait du texte.
Mme Dominique Marcilhacy
- Il est faux de dire que les concubins, les
célibataires ou les homosexuels n'ont pas de statut. Ils ont un statut,
tous les célibataires français ont un statut, c'est-à-dire
des droits en matière de protection sociale et de protection des biens,
nous ne sommes donc pas dans une situation de vide juridique.
Il y a bien entendu des améliorations relativement modestes à
apporter, la moins modeste de ces améliorations concerne les droits de
succession lorsque les personnes ne sont pas parents. Les taux sont
confiscatoires et il nous paraîtrait normal que l'ensemble des droits de
succession soit baissé comme c'est le cas en Europe. Vous aurez alors
réglé dans un esprit d'égalité parfaite le cas des
couples homosexuels, des célibataires et de tout le monde. Il est aussi
possible d'améliorer les clauses de tontine de sorte que les personnes
qui vivent ensemble puissent se passer le logement sans trop de
difficulté.
M. Patrice Gélard, rapporteur
- Le mécanisme de la tontine
est un mécanisme compliqué.
Mme Dominique Marcilhacy
- Oui, mais il n'est pas interdit de
l'améliorer.
M. Jacques Larché, président -
La difficulté de la
tontine est son montant limité.
Mme Dominique Marcilhacy
- Il suffit de la remonter par exemple à
2,5 MF.
M. Jacques Larché, président
- Elle est limitée
à 500 000 F, c'est la Loi de la tontine. Une tontine à 2 MF, ce
serait différent.
Mme Dominique Marcilhacy
- Nous pouvons aussi prévoir que lorsque
l'une des personnes du couple est gravement malade, elle accède à
des droits en cas de décès. Il ne faut pas toucher aux
dispositions fondamentales qui encouragent le mariage, en particulier
l'imposition qui doit encourager les couples à se marier.
Vous m'avez demandé s'il faudrait prévoir qu'on puisse passer une
sorte de contrat qui permettrait de régler les problèmes de la
vie commune, mais la Loi le prévoit déjà. Toute personne
voulant régler des problèmes de ce type peut passer devant son
notaire et signer un acte sous-seing privé qui réglera la
question de leur vie commune, de leur séparation et dont
l'éventuelle dispute pourra être réglée devant les
tribunaux. Cela existe déjà.
M. Jean-Marie Andrès
- Je constate qu'on voit bien que l'une des
difficultés de cette loi est que volontairement elle ne précise
pas ce qu'elle poursuit. Elle en arrive à accumuler des choses qui sont
très exogènes et difficiles à faire cohabiter.
Je comprends qu'il soit indispensable de poursuivre l'étude de ce texte.
Je crois qu'il faut amener clairement chacune des personnes à traiter un
certain nombre de problèmes de solidarité et à juger quel
est le meilleur registre du Droit. Le thème du mariage des homosexuels
doit être exposé clairement. Comme on ne veut pas le dire
franchement, cela nuit au travail du législateur.
M. Guy Allouche
- J'ai cru comprendre que vous attachiez une importance
capitale au mariage, à la famille. Quoi de plus normal, de plus naturel,
il est vrai que notre Société, notre civilisation est
fondée sur le mariage, mais il y a une évolution dont nous devons
tenir compte. Qui dit mariage ne dit pas forcément enfant. Deux
êtres peuvent se marier sans pour autant vouloir procréer et je ne
parle pas des personnes qui se marient à 70 ans. La condition de
procréation n'est pas consubstantielle au mariage.
Tout à l'heure, Madame MARCILHACY disait que le mariage était
l'enfant battu de la République. Non ! Le mariage est ancestral, c'est
le divorce qui est l'enfant de la République. Ce n'est pas la
République qui a fait le mariage. Il y a des pays qui ne sont pas
républicains où l'on se marie.
Vous donnez le sentiment de vouloir interdire aux autres de faire quelque
chose. La famille c'est important, j'en ai fondé une, mais il y a aussi
des familles qui ne sont pas si heureuses que cela. Je constate qu'à
travers un couple homosexuel ou un couple de concubins, l'amour préside
à cette union, ce sont des êtres qui s'aiment, qui vivent en paix,
en sérénité, ils sont pacifiques, ils ne nuisent à
personne et ils ont fait un choix. C'est leur amour qu'ils veulent consacrer
à leur façon comme on consacre religieusement ou civilement une
autre forme d'amour. Je crains que vous ne donniez, à travers la juste
défense de la famille et de ce qu'il y a autour, le sentiment de vouloir
empêcher les autres d'opérer leur choix d'amour.
M. Jean-Marie Andrès
- Vos propos m'inspirent la question
suivante : vous avez dit des choses très justes, il y a des familles
mariées qui ne sont pas heureuses et je ne comprends pas comment vous
avez pu comprendre dans mes propos que j'ai pensé un seul instant que le
mariage était une garantie de bonheur. Bien entendu les enfants ne sont
plus non plus une obligation issue du mariage.
En revanche, le mariage est à mon avis une des choses les plus en
harmonie avec ce que notre Société découvre aujourd'hui de
la plus belle façon qui est appelé la solidarité. Vous
l'avez dit vous-mêmes, cette solidarité demande à
s'exprimer, elle s'exprime soit de façon privée, et c'est le
choix que font les concubins, soit de façon publique et c'est
l'originalité du mariage, on ne se promet pas seulement cette
solidarité mutuelle mais on s'y engage vis-à-vis de la
Société. La Société le reconnaît donc au
travers de l'apport que cette solidarité lui apporte et pas comme si
l'Etat était une religion de plus.
A mon sens, c'est sur ce seul registre qu'il faut rester. Est-ce que le mariage
apporte quelque chose à la Société ? Est-ce qu'il apporte
quelque chose de plus que le concubinage ? Fondamentalement, je dis oui,
puisqu'en fait c'est un engagement de solidité qui est régit par
le mariage et le mode de divorce. Cette différence d'apport sous-entend
qu'il y ait une différence de traitement de la part de la
Société.
Il n'y a donc pas en soi de valorisation au sens péjoratif du mot moral,
il y a bien un travail de législateur d'organisation de la
Société avec un modèle lisible et gradué qui d'une
part, identifie le mariage, ses engagements et donc la reconnaissance
d'engagement par la Société et d'autre part, le choix de
maintenir cet engagement à un niveau privé, ce qui est
parfaitement licite, mais avec des droits différents.
M. Bernard Teper
- Je voulais répondre à Monsieur GELARD
qui m'a posé une question sur la façon de régler la vie
commune entre deux personnes, indépendamment de toute vie sexuelle. Je
réponds pour l'Union des Familles laïques et je dis que nous y
sommes très favorables. Nous y sommes favorables mais dans une loi qui
est différente de celle sur les couples et les familles. Il ne faut pas
mélanger les fratries comportant plusieurs personnes qui veulent
régler des problèmes patrimoniaux mais qui n'ont pas de relations
affectives et sexuelles. Il ne faut pas mélanger cela avec le Droit qui
est réalisé pour ceux qui ont ce type de relations affectives.
M. Jacques Larché, président
- Où situez-vous le
couple homosexuel ?
M. Bernard Teper
- Pour moi le couple homosexuel est un couple qui a des
relations affectives et sexuelles. Nous souhaitons qu'il y ait d'un
côté une législation sur les unions affectives, quelles
soient homosexuelles ou hétérosexuelles, et de l'autre
côté une loi entre des personnes qui n'ont pas ce type de
relation, comme les fratries ou deux personnes qui vivent ensemble.
En zone rurale par exemple, il y a des cas de plus en plus fréquents de
deux personnes d'une même famille qui ont des problèmes de
patrimoine qu'ils souhaiteraient régler, pourquoi le législateur
ne réglerait pas un certain nombre de choses à ce sujet ? Nous
critiquons dans ce texte le fait de mettre les fratries, et qui plus est, les
fratries à deux. Qui va régler le problème des fratries
à trois ou plus ? Pourquoi les ramener à deux ?
La deuxième chose qui paraît importante c'est qu'il faut à
un moment donné - ce serait de la responsabilité du
législateur et ce serait une date historique - supprimer l'homophobie
dans le Droit français, c'est-à-dire faire que les relations
entre les personnes relèvent de la sphère privée.
M. Patrice Gélard, rapporteur
- Où trouvez-vous dans le
Droit français des traces d'homophobie à l'heure actuelle ?
M. Bernard Teper
- Par exemple, les concubins
hétérosexuels ont des droits, même s'ils n'en ont pas assez
ils en ont toutefois quelques-uns, notamment concernant l'assurance maladie, le
droit au bail, etc. Il n'y a aucune raison que ces dispositions ne soient pas
appliquées à des couples homosexuels.
M. Jacques Larché, président
- L'homophobie existait dans
le Code Pénal où la relation sexuelle avec un mineur était
jugée plus gravement que la relation hétérosexuelle
lorsqu'il s'agissait d'une relation homosexuelle.
M. Bernard Teper
- Nous estimons que les homosexuels ont le droit
à une vie affective et qu'ils constituent un couple. A partir de ce
moment, ils ont le pouvoir d'avoir un certain nombre de droits liés
à cela. Le principe qui nous permet de dire cela est le principe
laïque de séparation de la sphère privée et de la
sphère publique. Si on n'est pas d'accord avec ce principe, il est
évident qu'on n'est pas d'accord avec la proposition que je fais.
La position que je défends ici précise que ce qui est du domaine
privé, les relations affectives et sexuelles, ne relève que du
choix des individus eux-mêmes. Si nous voulons rester dans un cadre
laïque et républicain le législateur n'a pas à
flécher pour signaler que cela est mieux que cela. Le
législateur, me semble-t-il, doit voir la situation et, en fait,
permettre le choix dans la sphère privée.
Aujourd'hui, il y a près de 5 millions de concubins dont la plus grande
partie, plus de 4,5 millions, sont des concubins hétérosexuels,
eux aussi demandent l'augmentation de leurs droits. Ce n'est plus une petite
minorité. Si l'on oublie ces 5 millions de personnes la pression va
être de plus en plus forte. Lorsque 5 millions de personnes ont
décidé de vivre d'une certaine façon je ne pense pas que
l'on puisse leur dire : "vous vivez mal ainsi, il faut vivre autrement". S'ils
avaient décidé de vivre autrement ils l'auraient
déjà fait.
Je suis marié, c'est un choix que j'ai fait à un moment
donné de ma vie mais je trouve que d'autres personnes ont le droit de
faire un autre choix, et n'ont pas à être puni fiscalement. Il
faut penser à l'augmentation des droits de l'ensemble des concubins.
Pour régler ces problèmes nous ne pouvons pas revenir en
arrière, il faut regarder en avant et régler les problèmes
qui se posent.
M. Jacques Larché, président -
Il y a une énorme
différence en termes de traduction économique. Les couples
mariés sont considérés comme un stock, les couples
concubins comme un flux, c'est-à-dire que le passage par le concubinage
peut ne pas être définitif. Il est intéressant d'analyser
ces flux comme il est intéressant d'analyser cette affirmation qui
consiste à dire que 40 % des enfants naissent hors mariage.
Lesquels ? Souvent des premiers enfants, beaucoup moins souvent des seconds et
pratiquement jamais un troisième. Les couples concubins à trois
enfants sont statistiquement rares.
M. Guy Allouche -
Des concubins se marient et des mariages se
défont.
M. Patrice Gélard, rapporteur -
Il n'y a pas qu'une sorte de
concubins, il y a des concubins qui ne se marient pas parce que le
régime du concubinage est beaucoup plus intéressant que le
régime du mariage, notamment les concubins âgés. Ils
risquent de perdre leur retraite de réversion et sont beaucoup plus
nombreux qu'on ne le croit.
Il y a ensuite une deuxième sorte de concubins, les concubins
anarchistes qui sont contre l'institution du mariage par définition.
Et puis, il y a les concubins qui n'ont pas encore trouvé le temps de se
marier, qui sont des fiancés prolongés, ils peuvent avoir un ou
deux enfants mais n'ont pas exclu l'idée de se marier. Je ne crois pas
qu'on puisse définir une catégorie unique de concubins.
M. Guy Allouche
- En matière de fiscalité en France nous
avons un problème parce que les impôts sont progressifs. Lorsqu'il
n'y a pas d'impôts progressifs, peu importe que les couples soient
mariés, non mariés, homosexuels ou hétérosexuels.
Nous devons définir quel est le sujet de Droit, appelons-nous foyer
fiscal l'individu ou le couple ?
Si j'ai bien compris les propositions de Monsieur TEPER nous allons
résoudre le problème en revenant à l'individu et en
supprimant cette spécificité du couple. Il s'agit de
définir quels sont les couples que nous allons reconnaître comme
foyer fiscal.
Est-ce que ce sera uniquement le couple marié ?
Faudra-t-il y ajouter les couples concubins, les couples homosexuels ?
C'est là toute la difficulté que nous avons à
résoudre. Tantôt cela joue en faveur du couple foyer fiscal et
tantôt cela joue en sa défaveur. Le droit de la décote
coûterait 18 ou 19 MdF si nous la supprimions, c'est-à-dire plus
que ce que coûterait le PACS et cela pénaliserait les couples
mariés à l'entrée dans la vie active. Il faut
considérer ces deux aspects.
Si nous considérons uniquement la façon de définir le
couple, nous voyons très bien que l'élément essentiel
retenu était le couple marié qui avait l'avantage essentiel
d'être imposé sur la moitié de ses revenus et non pas
individuellement sur la totalité.
Pensez-vous, avec ces différents statuts possibles, qu'il faut revenir
sur l'institution du foyer fiscal, c'est-à-dire, sur une imposition
identiques aux autres pays ? Je rappelle que seuls la France et le
Luxembourg possèdent le quotient conjugal. Pensez-vous qu'il faille
frapper les individus qu'ils soient mariés concubins ou homosexuels, ou
bien alors voulez-vous généraliser la notion de foyer ?
Lorsqu'on se lance dans la généralisation on voit qu'on ne sait
pas où s'arrêter. On ne sait pas s'il faut s'arrêter aux
fratries à deux ou trois ou quatre. Je pense qu'il y a un important
problème de preuve dans ce cas.
M. Bernard Teper -
Monsieur le Président vous avez parlé
des flux et des stocks mais il ne faut pas oublier que le nombre de personnes
mariées qui divorcent et qui ensuite vivent en concubinage est en
augmentation. C'est un autre flux. Je suis d'accord avec vous Monsieur le
Président, à ceci près, qu'il y a maintenant une plus
grande partie des personnes mariées qui entrent dans la catégorie
des flux.
M. Jacques Larché, président
-
Et qui en sortent
aussi !
M. Bernard Teper -
Mais qui en sortent aussi, c'est pour cela qu'il y a
une complexité des modes de vie.
Pour répondre à M. Guy Allouche, lorsque nous disons que sur le
plan fiscal, il faut revenir à l'imposition de l'individu-citoyen, c'est
bien évidemment une réforme fiscale de grande ampleur que nous
préconisons. Nous sommes effectivement partisans de travailler sur la
base de l'individu-citoyen et non du ménage. Bien évidemment,
lorsqu'on part d'une imposition sur l'individu-citoyen cela devient plus facile
de travailler sur la solidarité horizontale (solidarité
liée aux dépenses occasionnées par les enfants avec notre
projet de Revenu Social à l'Enfant et au Jeune jusqu'au premier emploi
stable au lieu et place des allocations familiales) et sur la solidarité
verticale (solidarité redistributive en fonction des revenus) que
lorsqu'on part d'une imposition avec le quotient conjugal.
Cela éviterait tout simplement les remarques justifiées qui
indiquent qu'on a quelquefois intérêt à choisir son mode de
vie en fonction des réalités fiscales. Pour éviter cela je
ne vois pas d'autres opérations que de faire le choix qu'ont fait la
plupart des pays développés.
M. Jacques Larché, président.-
Nous allons clore nos
débats. Je remercie l'assistance de sa constance, nous avons
apprécié sa présence. Je pense que vous avez ainsi
constaté ce que peut être la qualité réelle des
travaux du Sénat.
La séance est levée à 18 h 45.
ANNEXE
III
COMPTE RENDU DES AUDITIONS AUXQUELLES
LA COMMISSION DES LOIS A
PROCÉDÉ MARDI 9 MARS 1999
-
Mme
Elisabeth Guigou
, garde des sceaux, ministre de la justice
-
M. Christian Sautter
, secrétaire d'Etat au budget
-
M. Bernard Kouchner
, secrétaire d'Etat à la santé
-
Me Hélène Poivey Leclerck
, avocat, conseil de l'ordre de
Paris, et
Me Marie-Elisabeth Breton
, avocat, membre du bureau de la
conférence des bâtonniers
-
Mme Claudette Boccara
, vice-présidente du tribunal de grande
instance de Paris
-
Me Jacques Combret
, rapporteur du 95
ème
congrès des Notaires " Demain la famille "
La commission a procédé à des
auditions
sur
la
proposition de loi n° 108
(1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative au
pacte civil de
solidarité
.
Elle a tout d'abord entendu
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre
de la justice
.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a tout
d'abord rappelé que ce texte constituait le point d'aboutissement de
plusieurs propositions de loi déposées par des parlementaires de
la majorité plurielle.
Elle a précisé que le Gouvernement avait approuvé
l'adoption d'une proposition de loi sur ce sujet car elle répondait
à un véritable besoin social.
Le ministre a constaté que plus de deux millions de couples vivaient
aujourd'hui ensemble sans être mariés, soit un couple sur six, que
la cohabitation hors mariage devenait aujourd'hui un mode de vie autonome qui
se répandait dans tous les milieux et à tous les âges et
que par ailleurs de nouvelles formes de solidarité et d'entraide
apparaissaient entre des personnes âgées isolées.
Elle a souligné que ces couples non mariés se heurtaient souvent
à des difficultés graves qui avaient été notamment
illustrées par certains drames vécus par des couples homosexuels
frappés par le Sida et que l'ensemble des couples non mariés
exprimaient aujourd'hui un besoin de sécurité juridique.
Après avoir rappelé que la Cour de cassation avait maintenu sa
définition traditionnelle du concubinage, restreinte à une union
stable et continue entre un homme et une femme ayant l'apparence d'un mariage,
elle a constaté que les concubins, même s'ils ne se devaient aucun
soutien, s'étaient vu reconnaître un certain nombre de droits par
la jurisprudence ou par la loi.
Considérant cependant que cette situation ne permettait pas de
régler l'ensemble des problèmes juridiques rencontrés par
les concubins,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice,
a jugé nécessaire de
légiférer sur ce sujet, en précisant que le Gouvernement
avait choisi un seul texte dans un souci de rapidité et de clarté
et afin d'éviter toute hypocrisie grâce à un débat
d'ensemble.
Défendant ensuite le choix du pacte civil de solidarité (PACS),
elle a indiqué que d'autres solutions auraient également
été envisageables, à savoir l'aménagement d'un
régime de la seule gestion des biens comme l'avait proposé le
professeur Jean Hauser, ou la reconnaissance législative de la situation
de fait constituée par le concubinage -quel que soit le sexe des
concubins- ainsi que l'avait recommandé Mme Irène
Théry, mais qu'aucune de ces deux solutions n'était satisfaisante.
Elle a en effet souligné qu'à la différence du pacte
d'intérêt commun proposé par M. Hauser, le PACS
organisait la vie commune de deux personnes au-delà des
intérêts purement matériels et valorisait la vie à
deux reposant sur la solidarité en lui offrant un minimum d'encadrement
juridique.
Elle a estimé que le PACS constituerait ainsi un moyen de lutter contre
l'isolement et qu'il était préférable à la solution
proposée par Mme Irène Théry car il reposait sur
un engagement de solidarité nécessaire pour produire des effets
de droit, et non sur une simple situation de fait.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
déclaré que le Gouvernement avait ainsi entendu traiter des
problèmes du seul couple, en se réservant la possibilité
de traiter ultérieurement des problèmes des enfants dans d'autres
textes.
Présentant alors le contenu du PACS, elle a considéré
qu'il apportait une réponse pragmatique à ceux qui voulaient
assumer un engagement de vie commune en dehors du mariage et qu'il constituait
du fait de cet engagement un contrat engendrant autant de droits que
d'obligations. Elle a précisé que le PACS s'adressait à
des personnes présumées avoir une " communauté de
toit et une communauté de lit ", d'où l'interdiction du PACS
aux membres proches de la famille et aux personnes mariées.
Après avoir énuméré les différentes facettes
de la communauté de vie pour lesquelles le PACS ouvrirait des droits,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
souligné qu'il s'agissait d'un contrat reposant sur la volonté de
ses signataires, ce que traduisaient sa conclusion donnant lieu à un
simple enregistrement devant le tribunal d'instance, ses effets
déterminés librement par les parties sur une base minimum
d'engagement légal et sa rupture résultant de la volonté
unilatérale de l'un de ses membres, sous réserve de la
possibilité de saisine du juge en cas de désaccord sur les
conséquences de la rupture.
Elle a marqué les différences entre le PACS et l'union libre, qui
constituait une union au jour le jour sans engagement et entre le PACS et le
mariage, qui offrait davantage de sécurité juridique et de
stabilité et qui représentait une institution
caractérisée par un acte solennel, et non un simple contrat.
Elle a à cet égard rappelé que le Gouvernement
s'était montré attaché à ce que l'officier de
l'état civil n'ait aucun rôle à jouer et que le PACS ne
soit pas signé en mairie.
Elle a en outre précisé qu'à ses yeux il n'était
pas question que deux personnes de même sexe puissent se marier.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a par
ailleurs noté qu'à la différence du mariage, le PACS ne
comportait pas de dimension extra-patrimoniale comparable au devoir de
fidélité et ne consacrait aucun statut familial.
Constatant que la famille avait une dimension procréatrice et parentale
que n'avait pas le PACS, elle a souligné que celui-ci ne permettrait ni
l'adoption d'enfants, ni la procréation médicalement
assistée et n'aurait aucune incidence sur la filiation,
l'autorité parentale ou les droits de l'enfant.
Elle a en effet réaffirmé que le Gouvernement auquel elle
appartenait ne proposerait jamais d'étendre l'adoption ou le recours
à la procréation médicalement assistée aux couples
homosexuels.
S'agissant des problèmes des droits des enfants, le ministre a
indiqué que la commission d'étude qu'elle avait mise en place sur
le droit de la famille devrait rendre ses conclusions au cours de
l'été prochain.
Elle a estimé que la famille resterait irremplaçable en tant que
lieu symbolique de lien entre les générations et que l'enfant
devait avoir droit à une identité et une filiation stables, avec
un père et une mère, quelle que soit l'évolution de la
situation de couple de ses parents.
Elle a estimé que le PACS était neutre vis-à-vis de la
famille.
En conséquence, elle a considéré que le problème
posé par la vie commune de certaines fratries devrait être
traité dans un cadre différent de celui du PACS, notamment pour
régler ses aspects fiscaux.
En conclusion,
Mme Elisabeth Guigou
,
garde des sceaux,
ministre de la justice
, a estimé que cette proposition de loi
constituait une avancée sociale et morale encourageant la
stabilité et la solidarité, et ne menaçant ni le mariage,
ni la famille.
A l'issue de cet exposé,
M. Patrice Gélard,
rapporteur
, s'est interrogé sur l'opportunité d'adopter un
texte instaurant le PACS avant la conclusion des travaux de réflexion
sur la réforme de la famille.
Il s'est demandé si le Gouvernement attendait du Sénat qu'il
accomplisse sur ce texte le travail juridique normalement dévolu au
Conseil d'Etat pour les projets de loi.
Le rapporteur a souhaité savoir si le ministre avait fait
procéder à une étude d'impact sur les conséquences
des dispositions prévues concernant les greffes des tribunaux d'instance.
Il s'est par ailleurs interrogé sur les conditions de publicité
et de date certaine d'effet du PACS à l'égard des tiers, sur le
choix de ne pas faire figurer le PACS dans la partie du code civil
réservée aux contrats, sur la possibilité de signature
d'un PACS par un incapable, sur l'obligation de résidence commune
imposée ou non aux signataires du PACS et sur le choix du régime
de l'indivision pour les biens.
Après avoir relevé l'inconstitutionnalité tenant à
l'absence de consultation des assemblées territoriales d'outre-mer,
M. Patrice Gélard, rapporteur,
a enfin
déclaré qu'il n'avait pas été convaincu par les
propos tenus par le ministre, selon lesquels une reconnaissance du concubinage
homosexuel n'aurait pas permis de régler les problèmes
posés à l'occasion de ce débat.
M. Daniel Hoeffel
a constaté que si le PACS ne touchait
pas à la famille, il faudrait bien ultérieurement aborder les
problèmes des enfants. En conséquence, il s'est demandé
s'il ne s'agissait pas là du début d'une évolution qui
pourrait contribuer à banaliser le mariage.
M. Pierre Fauchon
a souhaité disposer de statistiques
relatives aux couples non mariés par tranches d'âge. Il s'est par
ailleurs interrogé sur le choix du greffe du tribunal d'instance pour
l'enregistrement du PACS, l'intervention d'un tribunal étant
traditionnellement liée à l'existence d'un contentieux. Il a
enfin demandé au ministre quelle serait la portée des droits des
tiers à l'égard du PACS.
Mme Dinah Derycke
a approuvé les propos tenus par
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
remerciant celle-ci d'avoir expliqué que le PACS ne touchait pas
à la famille et n'était pas un " mariage bis ".
Elle a souligné que le PACS correspondait à un engagement de
solidarité qui créait non seulement des droits, mais aussi des
devoirs, à la différence d'une simple reconnaissance du
concubinage, qui n'aurait entraîné que des droits et pas de
devoirs, et qu'il permettait en outre une reconnaissance officielle des couples
homosexuels qui avaient beaucoup souffert de discriminations.
Elle a cependant admis que le texte demeurait perfectible sur le plan
juridique, par exemple en ce qui concernait la publicité à
l'égard des tiers ou le régime de l'indivision.
Elle a considéré, comme Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice, que la question des fratries n'avait pas lieu de
figurer dans ce texte.
Elle a enfin regretté que celui-ci ne revête pas une dimension
relative aux droits extra-patrimoniaux, exprimant le souhait que le membre d'un
PACS puisse par exemple avoir son mot à dire pour l'organisation des
funérailles de son partenaire.
M. Lucien Lanier
a pour sa part souligné la
facilité avec laquelle on pourrait mettre fin au PACS, qui lui est
apparue comme une incitation à l'égoïsme et au refus des
obligations plus étendues liées au mariage.
M. Robert Bret
s'est déclaré favorable à
une reconnaissance juridique et sociale des couples non mariés, qu'ils
soient ou non homosexuels. Le PACS lui a semblé favoriser la
cohésion sociale.
Il a néanmoins estimé que le texte comportait un certain nombre
d'insuffisances, concernant notamment la confusion introduite par les
dispositions relatives aux fratries, l'absence de rétroactivité
pour le décompte des délais d'ouverture des droits et le lieu
retenu pour la signature. Sur ce dernier point, il a précisé que
l'impossibilité de conclure un PACS à la mairie pourrait
être considérée comme complexe et discriminatoire et il
s'est interrogé sur la possibilité de recourir aux services des
ambassades ou consulats pour les Français résidant à
l'étranger.
M. Robert Badinter
a indiqué avoir beaucoup
lutté contre la discrimination à l'égard des homosexuels,
évoquant notamment la suppression du délit en 1982 et la
pénalisation de la discrimination en 1985.
Après avoir regretté que la Cour de cassation se soit
" cramponnée " à sa jurisprudence ne reconnaissant le
concubinage que là où il pouvait y avoir mariage, il a
souhaité que l'on mette fin, par un amendement, à cette
discrimination à l'égard des homosexuels, qui persisterait si
l'on n'apportait aucune modification à la situation actuelle en
matière d'union libre.
Il s'est en revanche déclaré défavorable au mariage des
homosexuels qui, selon lui, ne pouvait être admis par la
communauté nationale en l'état actuel des mentalités.
M. Jacques Larché, président
, a alors
rappelé que les représentants de la communauté
homosexuelle entendus par la commission avaient revendiqué le droit au
mariage.
Il a par ailleurs considéré que les conditions prévues
pour la rupture du PACS aboutiraient à un rétablissement de la
répudiation. Il a souligné que, selon la jurisprudence de la Cour
de cassation, un concubin estimant une rupture préjudiciable à
ses intérêts pouvait obtenir le versement de dommages et
intérêts, ce qui ne serait, en revanche, pas possible en cas de
rupture unilatérale du contrat constitué par le PACS.
Répondant ensuite à l'ensemble des intervenants,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
a apporté les précisions suivantes.
Elle a tout d'abord considéré qu'il n'y avait pas lieu de
différer l'adoption d'un texte sur le PACS compte tenu du travail
parlementaire effectué sur ce sujet au cours des dix dernières
années, la réflexion menée sur la famille exigeant quant
à elle un travail plus approfondi portant sur de nombreuses questions,
comme par exemple les successions ou le divorce.
Elle a relevé que le Sénat faisait toujours un travail juridique
extrêmement précis, y compris sur les textes déjà
examinés par le Conseil d'Etat.
A propos du lieu de conclusion du PACS, elle a rappelé que le texte
initial avait prévu un enregistrement à la préfecture.
Elle a souligné que le Gouvernement tenait surtout à ce que le
PACS ne soit pas conclu à la mairie et a précisé que les
services de la Chancellerie avaient déjà commencé à
prendre en compte le choix du greffe du tribunal d'instance comme lieu
d'enregistrement du PACS pour prévoir les affectations
nécessaires de personnels des greffes l'année prochaine.
Elle a justifié le choix retenu pour l'emplacement du PACS dans le code
civil en faisant observer que ce contrat, organisant la vie commune de deux
personnes sur la base d'un engagement de solidarité, ne concernait pas
uniquement les biens.
Le ministre a précisé qu'à l'égard des tiers, le
PACS aurait, après son enregistrement, des effets juridiques relatifs,
comme tout contrat.
Après avoir noté que le PACS ne pouvait être conclu
qu'entre personnes majeures, elle a indiqué que pour les incapables
majeurs, les dispositions du droit commun s'appliqueraient.
Elle a par ailleurs précisé que les consultations des
assemblées territoriales d'outre-mer étaient en cours.
A propos du régime de l'indivision, elle a rappelé qu'il ne
s'appliquerait qu'en l'absence de clauses contraires et qu'il permettrait de
prendre en compte la dimension solidaire du PACS et de garantir les droits des
créanciers. Elle a toutefois admis que des améliorations
pourraient être apportées concernant le régime des biens
mobiliers.
Au sujet de la publicité, elle a indiqué que les conditions de
conservation de l'enregistrement des PACS, ainsi que d'accès des tiers,
seraient précisées dans le décret d'application.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
considéré qu'une reconnaissance du concubinage ne permettrait pas
de régler l'ensemble des problèmes posés par la situation
actuelle, y compris pour les couples hétérosexuels.
Elle a précisé que l'exigence d'une résidence commune
n'interdisait pas la possibilité d'avoir des domiciles distincts, comme
pour les époux. Elle s'est déclarée défavorable
à la conclusion du PACS devant un notaire pour des raisons de coût
pour les intéressés et de préférence pour le choix
d'un service public.
Elle a réfuté l'idée selon laquelle le PACS fragiliserait
le mariage, ce dernier continuant à représenter un idéal.
Tout en admettant que le texte était encore perfectible, elle a
considéré qu'il permettrait d'apporter une reconnaissance aux
couples souhaitant s'engager en dehors du mariage.
S'agissant des conditions de la rupture,
Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice,
a reconnu que le PACS n'offrait pas les
garanties du mariage, mais a souligné que ses signataires ne devraient
en aucun cas être désavantagés par rapport aux concubins en
cas de désaccord relatif à la rupture. Elle a à cet
égard précisé que le juge apprécierait les
circonstances fautives de la rupture pour allouer, le cas
échéant, des dommages et intérêts.
Il lui est apparu important que l'on ne puisse accéder à certains
droits fiscaux qu'après un délai de vie commune. Revenant sur le
lieu de souscription du PACS, elle a indiqué qu'à
l'étranger le PACS pourrait être conclu dans un consulat et a de
nouveau affirmé son opposition au choix de la mairie qui serait,
à ses yeux, risque de confusion.
Après avoir reconnu que l'adoption du PACS n'apporterait aucune
modification au régime actuel du concubinage,
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice,
s'est enfin interrogée sur
l'opportunité d'une disposition tendant à infléchir la
jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. A cet égard, elle a
déclaré que la manifestation d'un engagement constituait, selon
le Gouvernement, la contrepartie de l'ouverture de nouveaux droits et qu'elle
ne souhaitait pas que l'on courre le risque de devoir accorder exactement les
mêmes droits aux concubins homosexuels qu'aux concubins
hétérosexuels, notamment en matière d'adoption.
En conclusion,
M. Pierre Fauchon, vice-président,
s'est
interrogé sur la portée des dispositions prévues par le
texte en matière d'obligation d'aide mutuelle et matérielle et
sur les risques de contentieux en cas de rupture.
Puis la commission a procédé à l'audition de
M.Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a indiqué
que les aspects fiscaux du PACS étaient réunis sous l'article 2
relatif à l'impôt sur le revenu, l'article 3 sur les
mutations à titre gratuit, l'article 4 concernant l'impôt de
solidarité sur la fortune et l'article 10 appliquant le PACS aux
fratries.
M. Patrice Gélard, rapporteur
, a souhaité savoir
comment l'administration des finances appréhendait actuellement les
concubins, s'il existait des contrôles et quelles étaient les
instructions données aux fonctionnaires concernant le contrôle de
la vie privée des contribuables.
Il a souhaité connaître l'évaluation des mesures
proposées, en particulier l'origine du chiffre de 6 à
8 milliards de francs avancé par l'Assemblée nationale.
Il s'est interrogé sur la suppression des délais pour les seules
personnes décédées d'une maladie grave.
Concernant la mutation à titre gratuit, il s'est interrogé sur la
mesure d'abattement de 375.000 francs applicable dès
l'an 2000, entre vifs dans la mesure où les enfants issus d'un
mariage ne bénéficiaient que d'un abattement de
300.000 francs.
Enfin,
M. Patrice Gélard, rapporteur,
a demandé
l'avis du Gouvernement sur les solutions alternatives proposées
conjointement par la commission des lois et la commission des finances.
Il a suggéré que l'imposition commune soit remplacée par
un système équivalent à l'abattement fiscal dont dispose
un couple marié pour un enfant à charge majeur.
Soulignant qu'actuellement les collatéraux ne
bénéficiaient pas de l'obligation alimentaire, il a
proposé la création d'une déduction fiscale,
plafonnée à 20.370 francs, applicable aux aides entre
collatéraux.
En matière de succession, il a suggéré la
possibilité pour chacun de désigner une seule personne de son
choix pour recueillir un legs bénéficiant d'un abattement fiscal
de 300.000 francs.
Il a évoqué le relèvement du seuil de la tontine de
500.000 francs à un million de francs.
En conclusion, il a rappelé que l'objectif poursuivi par la commission
des lois était de ne pas créer d'inégalités
nouvelles avec le PACS.
M. Jacques Larché, président,
a proposé
que le bénéfice fiscal de la tontine conclue par deux personnes
pour leur résidence principale, porté à un million de
francs, puisse s'imputer à un montant supérieur, selon le
système de la franchise fiscale.
M. Alain Lambert, président de la commission des
finances
, a fait part de son inquiétude concernant le chiffrage des
mesures fiscales adoptées par l'Assemblée nationale. Il s'est
interrogé sur la nécessité d'un support juridique
spécifique, estimant que les mesures fiscales envisagées par les
rapporteurs pouvaient se suffire à elles-mêmes.
En matière de délai, il a suggéré une distinction
entre les donations, dont la date peut être fixée par les parties,
et les successions ouvertes par le décès, par définition
imprévisible.
Il a souhaité que les solutions retenues encouragent une
présentation loyale des actes de transmission.
Enfin, il a souligné l'injustice créée entre les
contribuables parisiens et ceux de province concernant le plafond de la
tontine. Il a souhaité que le montant indiqué s'applique comme
une franchise fiscale. Au surplus, constatant que cet avantage fiscal
était limité à la résidence principale, il s'est
interrogé sur la nécessité du plafond.
M. Yves Fréville
a estimé que les dispositions
relatives à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de
solidarité sur la fortune risquaient de développer des
comportements d'optimisation fiscale, puisque l'imposition commune était
avantageuse en matière de quotient familial lorsqu'existait une forte
inégalité de revenus entre les deux membres du couple, mais
qu'elle constituait un inconvénient si toutes les réductions et
exonérations fiscales n'étaient pas accessibles au couple. Il a
souligné le coût financier du PACS si les personnes ne le
concluaient qu'en fonction des avantages attendus de l'imposition commune.
Concernant l'appréhension du concubinage par les services fiscaux,
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a
rappelé qu'actuellement l'impôt de solidarité sur la
fortune constituait la seule imposition commune des concubins, ce qui ne
concernait qu'environ 500 foyers. De façon plus
générale, il a souligné qu'il était très
difficile pour l'administration fiscale de bien appréhender la situation
personnelle et financière de deux concubins, en l'absence d'un acte
juridique certain.
Il a affirmé que l'évaluation des mesures proposées par
l'Assemblée nationale était particulièrement difficile,
puisqu'il fallait connaître non seulement le nombre de personnes
susceptibles de conclure un PACS, mais aussi leur situation financière,
en particulier la dispersion des revenus entre les deux membres du couple.
M. Jacques Larché, président
, s'est
étonné de l'absence d'évaluation du coût du PACS de
la part du ministère des finances. Il a rappelé que
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, avait estimé à
10.000 le nombre de personnes susceptibles de signer un PACS.
Estimant que le PACS apportait la sécurité juridique
demandée par les concubins,
M. Christian Sautter, secrétaire
d'Etat au budget
, a jugé que sur les deux millions de couples
non mariés existant actuellement, le nombre de personnes susceptibles de
conclure un PACS pourrait être supérieur à 10.000.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission
des finances
, a rappelé les termes du quatrième alinéa
de l'article premier de l'ordonnance portant loi organique du
2 janvier 1959 selon lequel aucun projet de loi entraînant des
charges nouvelles ne peut être définitivement voté tant que
les charges n'ont pas été prévues, évaluées
et autorisées dans les conditions fixées par cette ordonnance. En
l'absence d'évaluation des charges, il a estimé que la
procédure d'adoption du présent texte pourrait se
révéler inconstitutionnelle.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget,
a
répondu que les dispositions fiscales ne faisaient l'objet d'une
évaluation systématique que dans le cadre des lois de finances.
Il a estimé que, de façon générale, deux personnes
ayant de faibles revenus et concluant un PACS risquaient d'être
désavantagées en matière d'impôt sur le revenu.
Il a proposé aux commissaires de fournir des hypothèses sur le
nombre des personnes susceptibles de conclure un PACS et le niveau relatif de
leurs revenus, afin que l'administration fiscale calcule le coût du PACS
sur la base de ces hypothèses.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances,
a
constaté que le Gouvernement serait tenu d'estimer le nombre de
contribuables et d'indiquer un ordre de grandeur pour lui comparer le
coût des propositions du Sénat. Il a rappelé que les
amendements parlementaires au projet de loi de finances étaient
évalués à partir du nombre maximum de personnes
concernées, et que, si un régime fiscal nouveau était plus
favorable, l'évaluation financière se fondait sur
l'hypothèse maximale selon laquelle l'ensemble des personnes
concernées adoptaient la mesure nouvelle.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a
indiqué que le Conseil constitutionnel considérait que des
mesures fiscales pouvaient trouver leur place dans une loi ordinaire sans que
les dispositions de l'ordonnance organique citées par M. Marini y
fassent obstacle, à condition que leur évaluation et leur
incidence sur l'équilibre du budget soient retracées en loi de
finances.
Il a rappelé qu'un délai d'attente de deux ou trois ans
était prévu entre la signature du PACS et l'entrée en
vigueur de ses effets fiscaux, en particulier en matière successorale,
mais qu'une exception avait été prévue en cas de
décès dû à une maladie grave.
En matière de droits de succession, il a confirmé que
l'abattement de 375.000 francs au 1
er
janvier 2000
était supérieur à l'abattement dont
bénéficiaient actuellement les enfants issus d'un couple
marié. Il a rappelé que lors du débat à
l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait souhaité que cet
abattement soit limité à 250.000 francs, afin qu'il soit
supérieur à celui dont bénéficient les concubins
mais inférieur à ceux prévus pour les enfants d'un couple
marié ou pour le conjoint survivant.
Abordant ensuite les propositions de M. Patrice Gélard,
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a
jugé que la proposition sur le PACS, de nature politique, visait
à donner à des couples un statut civil et une
sécurité juridique.
Il s'est déclaré réservé sur l'extension de
l'abattement fiscal pour personnes à charge, estimant que la notion de
personne à charge n'était pas suffisamment claire.
Concernant l'aide aux collatéraux, il a rappelé que le
Gouvernement ne souhaitait pas l'extension des dispositions fiscales du PACS
aux fratries, dans la mesure où elle risquait de susciter des
comportements de fraude fiscale. A titre de comparaison, il a remarqué
que le concubinage n'était pas un statut fiscal, sauf dans le cas
très limité de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il a estimé à plusieurs milliards de francs le coût de la
proposition de M. Patrice Gélard d'autoriser un legs avec une
franchise d'impôt de 300.000 francs.
Il a indiqué que la proposition d'augmenter le montant de la tontine
serait examinée par le Gouvernement mais qu'elle présentait sans
doute des risques d'évasion fiscale.
En réponse à
M. Alain Lambert, président de
la commission des finances
, il a souligné la nécessité
de subordonner le bénéfice de tout avantage à un cadre
juridique certain et opposable à l'administration fiscale compte tenu
de la difficulté d'exercer un contrôle fiscal sur une situation de
fait comme la vie commune.
En réponse à
M. Yves Fréville
, qui
s'interrogeait sur la capacité de l'administration des finances à
distinguer les PACS " de complaisance ", il a répondu que le
délai de deux à trois ans avant que le PACS n'ait des
conséquences fiscales éviterait les comportements
d'opportunité.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission
des finances
, a relevé que le coût de ce dispositif
était sa préoccupation principale, que la loi organique du
2 janvier 1959 s'appliquait à l'ensemble des textes
votés par le Parlement et non aux seules lois de finances et qu'en
conséquence les mesures fiscales proposées par le Parlement
devaient faire l'objet d'une évaluation par les services du
ministère des finances.
Il a indiqué que, conformément à l'article 40 de la
Constitution, le Sénat ne gagerait que le surcoût par rapport au
texte de l'Assemblée nationale, et non par rapport au droit existant.
Il a considéré que l'estimation du coût du PACS ainsi que
l'élaboration des hypothèses de travail étaient une des
missions de l'administration fiscale. Il a souhaité que le service de
législation fiscale valide les calculs réalisés par la
commission des finances.
Il a indiqué que la question des abattements fiscaux pour les personnes
à charge était au coeur du débat et que la
définition proposée par le code de la sécurité
sociale pouvait constituer une bonne référence, sous
réserve des adaptations nécessaires.
Il a enfin souhaité un bilan annuel du PACS.
M. Nicolas About
s'est inquiété de la
distinction opérée entre le décès dû à
une maladie grave et une autre cause de décès brutal et
imprévu, et de la rupture d'égalité qui en
résultait.
En réponse à M. Philippe Marini,
M. Christian
Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a indiqué que le
Sénat devrait gager ses propositions par rapport au droit existant et
non par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale.
Concernant la référence au droit de la sécurité
sociale, il a souhaité que le droit fiscal continue à se fonder
plutôt sur le droit civil.
S'agissant du délai d'attente avant que le PACS ne produise ses effets
fiscaux, il a jugé que l'exception pour les personnes atteintes d'une
maladie grave était justifiée par la situation
particulière des malades du Sida.
En conclusion,
M. Jacques Larché, président
, a
craint que qualifier le texte de politique n'entraîne une limitation des
termes du débat, alors que de très nombreux problèmes
techniques étaient posés. Il a enfin déploré que
l'administration fiscale soit incapable de chiffrer le coût du PACS.
Puis la commission a procédé à l'audition de
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé,
a tout d'abord observé que la proposition de loi relative au pacte
civil de solidarité n'avait que peu de conséquences sociales. Il
a souligné que le participant à un PACS deviendrait l'ayant droit
de son partenaire en ce qui concerne l'assurance maladie, mais que
l'intérêt de cette évolution serait limité, compte
tenu du souhait du Gouvernement de mettre en place une couverture maladie
universelle. Il a indiqué que la conclusion d'un PACS serait l'un des
éléments pris en compte pour la délivrance d'un titre de
séjour ou l'attribution de la nationalité française et
qu'en matière de droit du travail, le régime des couples
mariés s'appliquerait aux personnes ayant conclu un PACS. Il a enfin
souligné que la proposition de loi n'avait aucune conséquence en
matière d'adoption et d'autorité parentale.
M. Patrice Gélard
,
rapporteur,
a fait valoir que
les auditions conduites par la commission avaient permis de mettre en
lumière quelques difficultés qu'il serait opportun de
résoudre dans le cadre de la discussion de la proposition de loi. Il a
souligné qu'actuellement l'allocation-décès était
en général versée aux membres de la famille et non
à la personne vivant avec le défunt. Evoquant la pension de
réversion, il a observé que certaines personnes
renonçaient à se remarier et cachaient leur situation de
concubinage afin de ne pas perdre le bénéfice de la pension. Il a
remarqué que si une personne ayant conclu un PACS après avoir
divorcé venait à décéder, la pension de
réversion serait versée au conjoint divorcé, ce qui
pouvait être problématique.
Le rapporteur a enfin évoqué le droit d'accès à
l'hôpital du concubin, observant que certaines familles tentaient parfois
d'empêcher le partenaire de rendre visite à un malade, notamment
dans le cas de couples homosexuels.
M. Nicolas About
s'est interrogé sur la disposition
permettant aux personnes concluant un PACS de bénéficier sans
délai de l'abattement sur les droits de succession lorsque l'une d'elles
est atteinte d'une affection de longue durée. Il a estimé qu'un
décès accidentel n'avait pas de conséquences moins
douloureuses pour le partenaire survivant qu'un décès
consécutif à une affection de longue durée. Il a
estimé que, si la disposition devait être maintenue, il
conviendrait à tout le moins de préciser que le
bénéfice de l'abattement ne serait anticipé qu'en cas de
décès résultant de l'affection de longue durée.
En réponse à une question de
M. Jacques Larché, président
,
M. Bernard
Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé
, a
indiqué que le PACS ouvrirait un droit au rapprochement familial pour
les fonctionnaires. A propos de la pension de réversion, il a
souligné que celle-ci était versée aux personnes
mariées à condition que le mariage ait été
célébré depuis deux ans ou que le couple ait eu un enfant.
Il a fait valoir que le bénéfice de la pension de
réversion n'était pas accordé aux concubins et ne le
serait pas non plus aux personnes concluant un PACS.
Evoquant l'abattement sur les droits de succession, le ministre a
observé que l'absence de délai pour en bénéficier
en cas d'affection de longue durée avait été prévue
pour tenir compte de la situation des malades du Sida. Il a rappelé que
la proposition de loi avait notamment pour origine la situation dramatique
d'homosexuels expulsés de leur logement à la suite du
décès de leur partenaire. Il a estimé que la disposition
relative à l'abattement sur les droits de succession avait
été conçue dans le but de protéger des personnes
qui, parfois tout en ayant connaissance de la maladie de l'un d'entre eux,
choisissent de nouer des liens et de se venir mutuellement en aide. Il a
reconnu qu'il paraissait souhaitable de préciser que l'absence de
délai pour bénéficier de l'abattement ne devrait
s'appliquer qu'aux décès résultant d'une affection de
longue durée.
M. Bernard Kouchner
,
secrétaire d'Etat à la
santé,
a évoqué la question de l'accès à
l'hôpital pour observer que les autorités hospitalières ne
pouvaient refuser l'accès à l'hôpital des concubins. Il a
estimé que l'action des associations avait permis de limiter les cas
dans lesquels les familles faisaient obstacle à ce droit de visite du
partenaire homosexuel d'un malade. Il a cependant reconnu que des
problèmes se posaient encore et que, par le passé, des
médecins avaient parfois choisi de prévenir la famille d'un
malade plutôt que son partenaire, suscitant une légitime amertume
de celui-ci.
M. Jacques Larché, président
, a alors
indiqué que la commission examinerait la proposition de loi avec la plus
grande attention, en ayant soin d'aborder l'ensemble des questions juridiques
posées sans porter aucun jugement sur des comportements relevant de la
vie privée.
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la
présidence de M. Jacques Larché,
la commission des
lois a poursuivi ses auditions relatives au
pacte civil de
solidarité
.
Elle a entendu
Me Marie-Elisabeth Breton, avocat membre du bureau de la
conférence des bâtonniers
,
et
Me
Hélène Poivey Leclerck, avocat au conseil de l'Ordre de Paris
.
Me Marie-Elisabeth Breton
s'est interrogée sur
l'opportunité de prévoir expressément dans un texte les
effets des différentes formes de vie en couple, dès lors que le
code civil contenait suffisamment de dispositions permettant de répondre
aux différentes situations.
Elle a déploré que la mission de la commission de
réflexion sur le droit de la famille, dont elle est membre, n'ait pas
été étendue au statut du concubinage.
Me Marie-Elisabeth Breton
a considéré que la
proposition de loi créerait un " petit mariage ", statut
intermédiaire qui se situerait entre le mariage et le concubinage et
remettrait inévitablement en cause la définition actuelle de la
famille.
Elle a estimé que ce texte ne serait satisfaisant ni pour les
homosexuels qui n'y trouveraient pas la reconnaissance qu'ils souhaitent, ni
pour ceux qui auraient choisi l'union libre, le PACS apparaissant alors comme
une démarche réductrice de leur choix.
Me Marie-Elisabeth Breton
a jugé que le PACS ne pourrait pas
plus satisfaire les personnes mariées, seules à supporter des
obligations, ou encore les juristes puisque le texte n'était qu'une
coquille vide.
Analysant ensuite les dispositions proposées, elle a fait valoir, en ce
qui concerne les empêchements à la conclusion d'un PACS pour lien
de parenté, que le texte n'indiquait pas si la sanction d'une violation
de ceux-ci en serait une nullité relative ou une nullité absolue.
Elle a constaté que le texte prévoyait une déclaration
organisant la vie commune des partenaires d'un PACS, sans indiquer si cette vie
commune signifiait une résidence ou un domicile commun, une
communauté de vie ou de toit.
Me Marie-Elisabeth Breton
a regretté que la proposition de
loi ne définisse pas clairement les clauses licites ou illicites du
contrat. Elle a craint que, dans ces conditions, les contractants choisissent
de reprendre des dispositions du code civil accordant des droits, mais sans
retenir celles contenant des obligations.
En ce qui concerne la solidarité des dettes contractées pour les
besoins de la vie courante, elle a fait valoir que celle-ci n'apporterait pas
de garanties suffisantes aux créanciers, la proposition de loi
n'organisant pas une information des tiers.
Me Marie-Elisabeth Breton
a considéré que le
régime de l'indivision ne serait pas juridiquement établi de
manière satisfaisante, le texte n'indiquant pas s'il pourrait s'agir
d'une indivision conventionnelle, si les tiers seraient recevables à
agir par la voie de l'action paulienne ou si l'action oblique serait ouverte.
Elle a considéré que la rupture du PACS par volonté
unilatérale s'apparenterait à une répudiation et s'est
interrogée sur les conséquences matérielles de cette
rupture unilatérale en cas de désaccord entre les cocontractants,
relevant en particulier l'absence de précision sur le juge
compétent, le défaut de critère pour le partage des biens
et la possibilité, ou non, pour les tiers créanciers, de former
une tierce opposition.
Me Marie-Elisabeth Breton
s'est également interrogée
sur la faculté, pour la personne n'ayant pas pris l'initiative de la
rupture, de se voir accorder des dommages et intérêts ou une
prestation compensatoire.
En conclusion, elle a constaté que le texte proposé comportait
des interprétations multiples, susceptibles de provoquer une
insécurité juridique source de nombreux conflits et
a
estimé qu'il aurait été préférable de
redéfinir juridiquement le concubinage.
Puis, la commission a procédé à l'audition de
Me Hélène Poivey Leclerck, avocat au conseil de
l'Ordre de Paris
.
Me Hélène Poivey Leclerck
a indiqué qu'elle
présenterait une analyse technique de la proposition de loi, le barreau
de Paris ayant décidé de ne pas prendre position sur ce texte.
Elle a estimé que la liberté accordée aux cocontractants
en ce qui concerne le contenu de la déclaration de vie commune pouvait
laisser imaginer que certains d'entre eux n'adopteraient des clauses voisines
de celles d'un régime matrimonial.
Me Hélène Poivey Leclerck
s'est demandé si les
personnes ayant contracté un PACS seraient autorisées à
avoir une résidence séparée.
Elle a déploré qu'aucune information des tiers ne soit
prévue par les textes, aussi bien sur la conclusion d'un PACS que sur
son contenu. Elle
a suggéré, par analogie avec le
répertoire civil sur lequel était mentionné tout
changement de régime matrimonial, que soit créé un
registre similaire pour les personnes ayant contracté un PACS, afin de
permettre aux tiers d'être informés, et de faire valoir leurs
droits.
Elle a estimé que la déclaration de PACS devrait être
remise conjointement par les cocontractants afin de vérifier leur
consentement effectif et d'éviter les risques de fraude et de
contentieux.
Me Hélène Poivey Leclerck
a considéré qu'il
aurait été préférable de prévoir
l'enregistrement de la déclaration de PACS au greffe du tribunal de la
commune de naissance de l'un d'entre eux plutôt qu'à celle de la
résidence des partenaires, compte tenu des risques de confusion entre
les notions de domicile et de résidence.
Elle a déploré l'imprécision des formules du texte
proposé concernant, d'une part, " l'aide mutuelle et
matérielle " que se devraient les cocontractants et, d'autre part,
la solidarité entre eux pour les dettes contractées pour les
besoins du ménage.
Me Hélène Poivey Leclerck
a observé que dans le
cadre du mariage, la solidarité des dettes entre époux
était strictement définie par les moyens matériels dont
ceux-ci disposaient et par l'utilité des dépenses,
M. Robert Badinter
estimant que la jurisprudence sur le PACS
s'inspirerait très probablement de celle sur les dettes
contractées pendant le mariage.
Elle a fait observer que la présomption d'application du régime
de l'indivision aux biens des partenaires acquis à titre onéreux
pendant la durée du contrat pourrait s'effacer devant la décision
des cocontractants.
Me Hélène Poivey Leclerck
a estimé cette
présomption acceptable en ce qui concerne les biens meubles, mais
dangereuse pour les biens immeubles, considérant que dans un tel cas, il
aurait été préférable de prévoir une
manifestation expresse de volonté devant le notaire lors de
l'acquisition du bien.
Elle a considéré que la rupture d'un PACS provoquerait un
contentieux plus important que celui actuellement constaté pour la
dissolution du mariage.
Evoquant ensuite les dispositions concernant l'attribution
préférentielle de droits en cas de rupture du PACS,
Me
Hélène Poivey Leclerck
a fait observer
que les droits
en la matière, acceptables dans leur principe, étaient
actuellement plus difficiles à faire valoir par les personnes
divorcées.
Pour ce qui concerne les conséquences de la rupture, devant être
déterminées à l'avance par les parties ou à
défaut d'accord par le juge, elle a observé que le tribunal ne
pourrait pas constater de rupture abusive, et donc de faute d'un contractant,
puisque le texte autorisait la rupture unilatérale, susceptible d'ouvrir
un domaine important de contentieux.
M. Patrice Gélard, rapporteur
, s'est demandé si
le fait pour une personne mariée d'avoir caché à son
conjoint l'existence d'un PACS antérieur, pourrait être une cause
de divorce.
Me Hélène Poivey Leclerck
s'est interrogée sur le
délai prévu par le texte avant que les cocontractants ne puissent
effectuer en commun leur déclaration fiscale.
M. Jacques Larché, président
, a souligné
que les personnes concluant un PACS pourraient s'accorder sur des dispositions
similaires à celles de la communauté universelle.
M. Luc Dejoie
a relevé, qu'en fonction des cas de
figure susceptibles de se présenter, les signataires d'un PACS
pourraient être amenés à changer plus facilement de contrat
que les personnes mariées, dont le changement de régime
matrimonial est assujetti à des conditions légales rigoureuses.
Puis la commission a procédé à l'audition de
Mme
Claudette Boccara, vice-présidente du tribunal de grande instance de
Paris.
Mme Claudette Boccara
a indiqué que ses observations s'appuieraient
sur l'expérience qu'elle avait acquise depuis deux ans comme
président de la première chambre du tribunal de grande instance
de Paris, compétente essentiellement pour l'état des personnes.
Elle a exposé que le contentieux sur le concubinage était
très limité, une seule affaire ayant été
traitée à ce propos par la juridiction qu'elle préside
depuis sa nomination.
Mme Claudette Boccara
a indiqué que hormis les cas où la
loi confère des droits aux concubins, essentiellement en matière
sociale, les conflits nés du concubinage étaient résolus
par application des règles du droit commun, évoquant en
particulier celui de la responsabilité civile, de l'action en
répétition de l'indu ou de la liquidation de la
société de fait.
Elle a rappelé que des droits avaient été progressivement
reconnus aux concubins, citant l'exemple du versement d'un capital
décès, l'attribution du droit au bail, de prestations sociales,
d'avantages fiscaux ou découlant du droit du travail.
Mme Claudette Boccara
a souligné que son expérience
démontrait que les difficultés résultant de la
séparation de couples non mariés portaient essentiellement sur la
situation des enfants.
Elle a rappelé que si la loi du 8 janvier 1993 conférait
l'exercice en commun de l'autorité parentale aux couples mariés,
avant et après le divorce, elle reconnaissait aussi l'exercice en commun
de cette autorité parentale aux concubins avant et après leur
séparation, mais à la double condition qu'ils aient reconnu
l'enfant durant sa première année et pendant leur vie commune.
Mme Claudette Boccara
a souligné que cette législation
pouvait entraîner des difficultés pratiques notables pour le
père naturel, notamment dans ses relations avec l'établissement
scolaire fréquenté par l'enfant.
Elle a déploré que, dans une période de recherche de
repères stables pour les mineurs, le père ne puisse pas toujours
exercer pleinement l'autorité parentale, et doive surmonter des
obstacles importants pour exercer son rôle.
Mme Claudette Boccara
a préconisé, d'une part, la
suppression de ces conditions restrictives à l'exercice de
l'autorité parentale commune par les parents et, d'autre part, que la
reconnaissance d'un enfant naturel, à l'occasion de laquelle le parent
devrait être informé de ses obligations morales et
matérielles, revête un caractère solennel et
irrévocable, assurant ainsi à l'enfant l'indispensable
stabilité de sa filiation.
Mme Claudette Boccara
a estimé que l'attribution du logement
à l'une ou l'autre des personnes ayant vécu en commun devrait
être décidée par le juge aux affaires matrimoniales, dans
le cas où il y aurait aussi à statuer sur la situation des
enfants, comme en matière de divorce, alors qu'elle relevait à
l'heure actuelle d'un autre juge.
Elle a noté, en matière d'adoption plénière, que
les couples mariés ou les célibataires pouvaient la solliciter,
et non un concubin pour les enfants de la personne avec laquelle il vit.
Enfin, elle a regretté que lorsque l'un des concubins était
placé sous une mesure de protection, son compagnon ou sa compagne ne
soit pas considéré comme un proche susceptible d'être
investi de plein droit des fonctions d'administrateur légal.
En conclusion, elle a estimé qu'il serait suffisant d'améliorer
ou de compléter certains textes concernant les droits des concubins,
essentiellement pour supprimer certaines discriminations dont souffrent leurs
enfants.
M. Robert Badinter
a souligné que la rupture d'un PACS
devait entraîner un règlement concernant, d'une part, la situation
des enfants et, d'autre part, les biens acquis pendant la durée du
contrat, déterminé par les parties elles-mêmes ou, à
défaut d'accord, par le juge, s'interrogeant à cet égard
sur l'éventualité que deux juges différents puissent
être compétents pour traiter l'une et l'autre conséquences
de la rupture.
Il
a évoqué la complexité des règlements de
conflits de lois, soulignant que cette question importante n'était pas
prise en considération par le texte.
M. Jacques Larché, président
, a estimé,
en conclusion, que cette question illustrait l'intérêt qu'il y
aurait eu à ce que le Conseil d'Etat fût consulté avant le
dépôt du texte.
Enfin, la commission a procédé à l'audition de
Me
Jacques Combret, notaire, rapporteur du 95
e
congrès des
notaires " Demain la famille ".
Me Jacques Combret
a tout d'abord déclaré que si ce texte
était adopté, les notaires l'appliqueraient sans s'interroger sur
son bien-fondé.
Il a rappelé que ceux-ci avaient déjà travaillé sur
les problèmes posés en matière de concubinage, notamment
à l'occasion de leur Congrès de 1988.
S'interrogeant ensuite, au niveau technique, sur la place du projet de PACS
dans l'ordre juridique et sur les conditions dans lesquelles il pourrait
assurer la sécurité des cocontractants et des tiers, il a
considéré que le texte devrait être retravaillé.
Abordant le problème de la capacité des parties, il a
constaté qu'aucun contrôle du consentement des partenaires du PACS
n'était prévu, alors même que ce contrat allait les engager
fortement. Il s'est demandé si les mineurs émancipés
pourraient conclure un PACS.
Il a fait observer que le droit des incapacités comportait des
dispositions spécifiques relatives au mariage mais qu'en revanche le
texte tendant à instaurer le PACS ne prévoyait aucune disposition
relative à la situation du contractant d'un PACS qui deviendrait
incapable ou à celle d'un majeur en tutelle ou en curatelle qui
souhaiterait conclure un PACS.
S'agissant du contenu du PACS, il s'est interrogé sur la notion
d' " organisation de la vie commune " qui ne lui est pas apparue
clairement définie, ainsi que sur la portée de l'obligation
d'" aide mutuelle et matérielle " et de la solidarité
concernant les dettes contractées pour " les besoins de la vie
courante ".
Soulignant que le contrat serait appelé à fixer les
modalités de l'aide mutuelle et matérielle, il a constaté
qu'aucune disposition n'était prévue pour offrir une garantie de
base qui permettrait de protéger le plus faible. Il a estimé que
cette absence de garantie pourrait être source de difficultés,
évoquant les conditions " épouvantables " dans
lesquelles avaient lieu certaines ruptures de concubinage.
En ce qui concerne le régime de l'indivision,
Me Jacques Combret
a relevé que le texte proposé pour l'article 515-5 du code
civil n'envisageait que le cas des acquisitions à titre onéreux
et non par exemple le régime d'une constitution de
société, l'achat de parts de SARL ou les autres mutations
à titre onéreux.
Il a en outre fait observer que du fait de l'absence fréquente d'un acte
écrit d'acquisition, beaucoup de biens acquis à titre
onéreux risquaient de tomber automatiquement dans l'indivision.
A propos de l'achat d'un fonds de commerce, il a noté que le
défaut d'immatriculation de l'un des partenaires au registre du commerce
et des sociétés entraînerait une perte du droit au
renouvellement du bail commercial.
Il a par ailleurs estimé que l'application de la disposition soumettant
au régime de l'indivision les biens dont la date d'acquisition ne
pourrait être établie risquerait de favoriser la fraude en
permettant une transmission de patrimoine sans droits fiscaux, ou encore
d'entraîner un enrichissement abusif de l'un des partenaires en cas de
rupture.
Il a en outre suggéré de limiter la possibilité de demande
d'attribution préférentielle au seul logement, soulignant que
paradoxalement, le texte instaurant le PACS tendait à conférer
plus de droits aux futurs partenaires qu'aux personnes mariées sur ce
point.
Me Jacques Combret
a ensuite évoqué les nombreux
problèmes susceptibles de se poser en cas de rupture, faisant observer
qu'en matière de divorce, il existait des procédures très
précises de liquidation des droits patrimoniaux.
Puis il a déploré l'absence de formalisme du PACS. Rappelant les
dispositions de l'article 1328 du code civil, il s'est interrogé
sur la date d'opposabilité du PACS aux tiers et sur sa prise d'effet
à l'égard des parties : date de signature, date de
dépôt au greffe ou date de l'inscription sur le registre. Il a
notamment relevé l'absence de toute précision relative au
délai imposé aux greffes pour l'enregistrement, ainsi que de
dispositions susceptibles d'assurer une publicité efficace.
M. Patrice Gélard, rapporteur,
a alors fait observer
que le PACS ne serait valable qu'une fois enregistré par le greffier.
M. Jacques Larché, président,
a constaté
que les propos des représentants des professions judiciaires et
juridiques entendus au cours de l'après-midi avaient montré que
le texte adopté par l'Assemblée nationale serait inapplicable.
Il a fait part de ses préoccupations sur ce point et a vivement
regretté que le Conseil d'Etat n'ait pas pu faire son travail juridique
sur ce texte.
M. Patrice Gélard, rapporteur,
s'est associé aux
propos tenus par le président Jacques Larché, ajoutant que les
représentants des huissiers et des greffiers qu'il avait entendus
avaient également estimé que l'application du texte poserait des
problèmes.
M. Luc Dejoie
a considéré que ce texte
n'était pas nécessaire car la pratique juridique et
professionnelle permettait déjà de régler les
problèmes posés, sous réserve de l'adoption de
dispositions fiscales relatives aux successions dans une loi de finances.
M. Robert Badinter
a souhaité savoir si les gains d'un
portefeuille de valeurs mobilières détenu par l'un des
partenaires du PACS tombaient dans l'indivision.
Me Jacques Combret
a alors précisé que les nouveaux titres
feraient partie de l'indivision et que les plus-values profiteraient aux deux
partenaires.
ANNEXE
IV
Auditions du rapporteur
(22 décembre 1998, 20 et 27 janvier et 2, 3 et 4 février 1999)
Associations
Centre gay et lesbien
Contacts, parents, familles et amis de gays et lesbiennes
Observatoire du PACS
Avocats
Confédération nationale des avocats
Conférence des bâtonniers
Ordre des avocats du barreau de Paris
Greffiers
Syndicat national des greffiers de France
Union des syndicats autonomes de la justice
Huissiers
Chambre nationale des huissiers de justice
Magistrats
Association professionnelle des magistrats
Syndicat de la magistrature
Union syndicale des magistrats
Notaires
Conseil supérieur du notariat
Professeurs de droit
M. Bernard Beignier
M. Pierre Catala
M. François Gaudu
M. Laurent Leveneur
M. Philippe Malaurie
Administrations et cabinets ministériels
Chancellerie
Ministère de l'Intérieur
Direction de la législation fiscale
Autres
Sébastien, auteur de " Ne deviens pas gay, tu finiras triste "
M. Schmuel Trigano, maître de conférence en sociologie
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
Code civil
Art. 832. --
Dans la formation et
la
composition des lots, on doit éviter de morceler les héritages et
de diviser les exploitations.
Dans la mesure où le morcellement des héritages et la division
des exploitations peuvent être évités, chaque lot doit,
autant que possible, être composé, soit en totalité, soit
en partie, de meubles ou d'immeubles, de droits ou de créances de valeur
équivalente.
Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut
demander l'attribution préférentielle par voie de partage,
à charge de soulte s'il y a lieu, de toute exploitation agricole, ou
partie d'exploitation agricole, constituant une unité économique,
ou quote-part indivise d'exploitation agricole, même formée pour
une part de biens dont il était déjà propriétaire
ou copropriétaire avant le décès, à la mise en
valeur de laquelle il participe ou a participé effectivement ; dans
le cas de l'héritier, la condition de participation peut avoir
été remplie par son conjoint. S'il y a lieu, la demande
d'attribution préférentielle peut porter sur des parts sociales,
sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des
clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le
conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.
Les mêmes règles sont applicables en ce qui concerne toute
entreprise commerciale, industrielle ou artisanale, dont l'importance n'exclut
pas un caractère familial.
Au cas où ni le conjoint survivant, ni aucun héritier
copropriétaire ne demande l'application des dispositions prévues
au troisième alinéa ci-dessus ou celles des articles 832-1
ou 832-2, l'attribution préférentielle peut être
accordée à tout copartageant sous la condition qu'il s'oblige
à donner à bail dans un délai de six mois le bien
considéré dans les conditions fixées au chapitre VII
du titre I
er
du livre VI du code rural à un ou plusieurs des
cohéritiers remplissant les conditions personnelles prévues au
troisième alinéa ci-dessus ou à un ou plusieurs
descendants de ces cohéritiers remplissant ces mêmes conditions.
Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut
également demander l'attribution préférentielle :
De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert
effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à
l'époque du décès ;
De la propriété ou du droit au bail du local à usage
professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des
objets mobiliers à usage professionnel garnissant ce local ;
De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à
l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à
titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du
demandeur, ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier ;
L'attribution préférentielle peut être demandée
conjointement par plusieurs successibles.
A défaut d'accord amiable, la demande d'attribution
préférentielle est portée devant le tribunal, qui se
prononce en fonction des intérêts en présence. En cas de
pluralité de demandes concernant une exploitation ou une entreprise, le
tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à
gérer cette exploitation ou cette entreprise et à s'y maintenir
et en particulier de la durée de leur participation personnelle à
l'activité de l'exploitation ou de l'entreprise.
Les biens faisant l'objet de l'attribution sont estimés à leur
valeur au jour du partage.
Sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte éventuellement
due est payable comptant.
Art. 832-1. --
Par dérogation aux
dispositions des alinéas onzième et treizième de
l'article 832 et à moins que le maintien de l'indivision ne soit
demandé en application des articles 815 (deuxième
alinéa) et 815-1, l'attribution préférentielle
visée au troisième alinéa de l'article 832 est de
droit pour toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de
superficies fixées par décret en Conseil d'Etat. En cas de
pluralité de demandes, le tribunal désigne l'attributaire ou les
attributaires conjoints en fonction des intérêts en
présence et de l'aptitude des différents postulants à
gérer l'exploitation et à s'y maintenir.
Dans l'hypothèse prévue à l'alinéa
précédent, même si l'attribution
préférentielle a été accordée
judiciairement, l'attributaire peut exiger de ses copartageants pour le
paiement d'une fraction de la soulte, égale au plus à la
moitié, des délais ne pouvant excéder dix ans. Sauf
convention contraire, les sommes restant dues portent intérêt au
taux légal.
En cas de vente de la totalité du bien attribué, la fraction de
soulte restant due devient immédiatement exigible, en cas de ventes
partielles, le produit de ces ventes est versé aux copartageants et
imputé sur la fraction de soulte encore due.
Art. 832-2. --
Si le maintien dans l'indivision n'a
pas été ordonné en application des articles 815,
deuxième alinéa, et 815-1, et à défaut
d'attribution préférentielle en propriété,
prévue aux articles 832, troisième alinéa, ou 832-1,
le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut
demander l'attribution préférentielle de tout ou partie des biens
et droits immobiliers à destination agricole dépendant de la
succession en vue de constituer, avec un ou plusieurs cohéritiers et, le
cas échéant, un ou plusieurs tiers, un groupement foncier
agricole.
Cette attribution est de droit si le conjoint survivant ou un ou plusieurs des
cohéritiers remplissant les conditions personnelles prévues
à l'article 832, troisième alinéa, exigent que leur
soit donné à bail, dans les conditions fixées au chapitre
VII du titre I
er
du livre VI du code rural
,
tout ou partie
des biens du groupement.
En cas de pluralité de demandes, les biens du groupement peuvent, si
leur consistance le permet, faire l'objet de plusieurs baux
bénéficiant à des cohéritiers
différents ; dans le cas contraire, et à défaut
d'accord amiable, le tribunal désigne le preneur en tenant compte de
l'aptitude des différents postulants à gérer les biens
concernés et à s'y maintenir. Si les clauses et conditions de ce
bail ou de ces baux n'ont pas fait l'objet d'un accord, elles sont
fixées par le tribunal.
Les biens et droits immobiliers que les demandeurs n'envisagent pas d'apporter
au groupement foncier agricole, ainsi que les autres biens de la succession,
sont attribués par priorité, dans les limites de leurs droits
successoraux respectifs, aux indivisaires qui n'ont pas consenti à la
formation du groupement. Si ces indivisaires ne sont pas remplis de leurs
droits par l'attribution ainsi faite, une soulte doit leur être
versée. Sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte
éventuellement due est payable dans l'année suivant le partage.
Elle peut faire l'objet d'une dation en paiement sous la forme de parts du
groupement foncier agricole, à moins que les intéressés,
dans le mois suivant la proposition qui leur en est faite, n'aient fait
connaître leur opposition à ce mode de règlement.
Le partage n'est parfait qu'après la signature de l'acte constitutif du
groupement foncier agricole et, s'il y a lieu, du ou des baux à long
terme.
Art. 832-3. -
Si une exploitation agricole
constituant une unité économique et non exploitée sous
forme sociale n'est pas maintenue dans l'indivision en application des
articles 815, 2
e
alinéa et 815-1, et n'a pas fait
l'objet d'une attribution préférentielle dans les conditions
prévues aux articles 832, 832-1 ou 832-2, le conjoint survivant ou
tout héritier copropriétaire qui désire poursuivre
l'exploitation à laquelle il participe ou a participé
effectivement peut exiger, nonobstant toute demande de licitation, que le
partage soit conclu sous la condition que ces copartageants lui consentent un
bail à long terme dans les conditions fixées au chapitre VII du
titre I
er
du livre VI du code rural sur les terres de l'exploitation
qui leur échoient. Sauf accord amiable entre les parties, celui qui
demande à bénéficier de ces dispositions reçoit par
priorité dans sa part les bâtiments d'exploitation et d'habitation.
Les dispositions qui précèdent sont applicables à une
partie de l'exploitation agricole pouvant constituer une unité
économique.
Il est tenu compte, s'il y a lieu, de la dépréciation due
à l'existence du bail dans l'évaluation des terres incluses dans
les différents lots.
Les articles 807 et 808 du code rural déterminent les règles
spécifiques au bail visé au premier alinéa du
présent article.
S'il y a pluralité de demandes, le tribunal de grande instance
désigne le ou les bénéficiaires en fonction des
intérêts en présence et de l'aptitude des différents
postulants à gérer tout ou partie de l'exploitation ou à
s'y maintenir.
Si, en raison de l'inaptitude manifeste du ou des demandeurs à
gérer tout ou partie de l'exploitation, les intérêts des
cohéritiers risquent d'être compromis, le tribunal peut
décider qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les trois premiers
alinéas du présent article.
L'unité économique prévue au premier alinéa peut
être formée, pour une part, de biens dont le conjoint survivant ou
l'héritier était déjà propriétaire ou
copropriétaire avant le décès. Dans le cas de
l'héritier, la condition de participation peut avoir été
remplie par son conjoint.
Art. 832-4. --
Les dispositions des
articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3 profitent au conjoint ou à tout
héritier, qu'il soit copropriétaire en pleine
propriété ou en nue-propriété.
Les dispositions des articles 832, 832-2 et 832-3 profitent aussi au
gratifié ayant vocation universelle ou à titre universel à
la succession en vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle.
Code général des impôts
Art. 575 - Les tabacs manufacturés vendus dans les départements de la France continentale sont soumis à un droit de consommation.
Le
droit de consommation sur les cigarettes comporte une part spécifique
par unité de produit et une part proportionnelle au prix de
détail. Toutefois, pour les cigarettes de la classe de prix la plus
demandée, le montant du droit de consommation est
déterminé globalement en appliquant le taux normal de ce droit,
prévu à l'article 575 A, à leur prix de vente au
détail.
La part spécifique est égale à 5 % de la charge
fiscale totale afférente aux cigarettes de la classe de prix la plus
demandée et comprenant le droit de consommation, la taxe sur la valeur
ajoutée et la taxe sur les tabacs manufacturés.
Pour les cigarettes de la classe de prix la plus demandée, la part
proportionnelle est réputée égale à la
différence entre le montant total du droit de consommation et la part
spécifique définie ci-dessus. Le rapport entre cette part
proportionnelle et le prix de vente au détail de ces cigarettes
constitue le taux de base.
Pour les autres cigarettes, la part proportionnelle est
déterminée en appliquant le taux de base à leur prix de
vente au détail.
Le montant du droit de consommation ne peut être inférieur
à un minimum de perception fixé par 1000 unités.
Les tabacs manufacturés autres que les cigarettes sont soumis
à un taux normal applicable à leur prix de vente au
détail, sous réserve d'un minimum de perception fixé par
mille unités ou par mille grammes.
Pour l'année 1998, le montant du droit de consommation, applicable
à un produit, ne peut être inférieur au montant du droit de
consommation calculé sur la base du prix de vente au détail
résultant de la première homologation postérieure au 1er
décembre 1997.
Art. 575 A.
- Pour les différents groupes de produits
définis à l'article 575, le taux normal est fixé
conformément au tableau ci-après :
Groupe de produits : Cigarettes
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 58,30
Groupe de produits : Cigares
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 28,86
Groupe de produits : Tabacs fine coupe destinés à rouler les
cigarettes
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 51
Groupe de produits : Autres tabacs à fumer
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 46,74
Groupe de produits : Tabacs à priser
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 40,20
Groupe de produits : Tabacs à mâcher
Taux normal à compter du 1er août 1995 : 27,47
Le minimum de perception mentionné à l'article 575 est
fixé à 515 F pour les cigarettes. Toutefois, pour les cigarettes
brunes, ce minimum de perception est fixé à 435 F.
Il est fixé à 240 F pour les tabacs fine coupe
destinés à rouler les cigarettes.
Sont considérées comme cigarettes brunes les cigarettes dont
la composition en tabac naturel comprend un minimum de 60 % de tabacs relevant
des codes NC 24011041, 24011070, 24012041 ou 24012070 du tarif des
douanes.
1
Voir en annexe le compte-rendu
intégral des auditions publiques du 27 janvier et le compte-rendu des
auditions du 9 mars, ainsi que la liste des auditions complémentaires du
rapporteur.
2
Se reporter au tableau placé à la fin de
l'exposé général comparant les différents types
d'unions
3
Se reporter au tableau récapitulatif figurant en annexe
présentant le concubinage à travers diverses législations
4
Se reporter au tableau récapitulatif figurant en annexe
présentant le concubinage à travers diverses législations
ainsi qu'au tableau placé à la fin de l'exposé
général comparant les diverses formes d'unions (mariage,
concubinage, pacs).
5
Se reporter au document de travail du Sénat, série
législation comparée, n° LC 48, Le pacte civil de
solidarité.
6
Revue population - mars 1992 - Conclusion juridique pour un
colloque de démographie sur la nuptialité.
7
Cf. annexe au présent rapport.
8
Note de la fondation Saint-Simon - octobre 1997 - Le contrat
d'union sociale en question.
9
Droit de la famille.- Ne pas se tromper de réforme, rapport
n° 481 1997-1998
10
Se reporter au tableau comparant les différents types
d'union, placé à la fin de l'exposé
général.