EXAMEN DES ARTICLES
Article premier -
Enquêtes techniques
relatives aux accidents ou incidents aériens
Cet article insère un livre VII nouveau au sein de la partie législative du code de l'aviation civile, intitulé " Enquête technique relative aux accidents ou incidents ". Ce livre VII est composé de 18 articles.
TITRE
PREMIER -
Dispositions générales
CHAPITRE UNIQUE -
Article L.711-1 du code de l'aviation civile
-
Définition de l'enquête technique
Cet
article définit les objectifs des enquêtes techniques, les rend
obligatoires pour tout accident ou incident grave et précise les cas
où ces enquêtes relèvent de la compétence des
autorités françaises.
Le texte proposé pour l'article L.711-1 du code de l'aviation civile
comporte quatre paragraphes portant respectivement sur la définition de
l'enquête technique (I), la définition de l'accident et de
l'incident d'aviation civile (II), les règles de compétence
territoriale (III) et le principe d'obligation d'une enquête technique en
cas d'accident ou d'incident grave (IV).
Le paragraphe I définit l'enquête technique comme ayant
" pour seul objet "
de "
déterminer les
circonstances et les causes certaines ou possibles de cet accident ou incident
et, s'il y a lieu, d'établir des recommandations de
sécurité
". Ce texte reprend les termes de la
définition de l'enquête technique proposée par la directive
n° 94/56/CE.
La définition proposée tend ainsi à distinguer
l'enquête technique, qui a pour objet la prévention des accidents,
de l'enquête judiciaire qui porte, le cas échéant, sur les
responsabilités des parties concernées. Il est, dans cette
perspective, précisé que l'enquête technique est
menée
" sans préjudice le cas échéant de
l'enquête judiciaire "
. Cette précision reprend dans son
esprit la disposition de l'article 4 de la directive n° 94/56/CE
selon laquelle les enquêtes "
ne visent en aucun cas la
détermination des fautes ou des responsabilités
".
La définition de l'enquête technique proposée
consacre sa vocation préventive. Il est ainsi précisé
qu'elle est menée
" dans le but de prévenir de futurs
accidents ou incidents "
et que son objet est
" d'établir, s'il y a lieu, des recommandations de
sécurité "
. Les enquêtes techniques apportent un
retour d'expérience indispensable à l'évolution des
aéronefs et de leur équipement ainsi qu'à
l'amélioration de la formation du personnel navigant.
Si une enquête technique est obligatoire pour tous les incidents et
accidents graves, il a cependant été considéré que
les recommandations de sécurité ne devaient pas être
systématiques. En effet, dans la mesure où certains accidents
peuvent être évités par la seule application des
procédures en vigueur, il n'est pas apparu nécessaire de
préconiser l'émission systématique de recommandations.
Le paragraphe II du texte proposé définit l'accident et
l'incident d'aviation civile et ainsi le champ d'application du Livre VII.
L'accident ou incident d'aviation civile est défini comme
" un événement qui compromet ou pourrait compromettre la
sécurité de l'exploitation ".
Il convient de rappeler que l'article 3 de la directive n° 94/56/CE,
reprenant les définitions de l'annexe 13 de la Convention de Chicago
définit l'accident d'aviation civile comme "
un
événement lié à l'utilisation d'un aéronef,
(...) au cours duquel une personne est mortellement ou grièvement
blessée (...), un aéronef subit des dommages ou une rupture
structurelle (...) ou un aéronef a disparu ou est totalement
inaccessible "
et l'incident comme "
un
événement, autre qu'un accident, lié à
l'utilisation d'un aéronef qui compromet ou pourrait compromettre la
sécurité de l'exploitation
" et l'incident grave comme
"
un incident dont les circonstances indiquent qu'un accident a failli
se produire ".
Contrairement à l'article 3 de la directive, le texte
proposé par le projet de loi ne distingue donc pas l'incident de
l'accident. Il définit l'accident ou l'incident en reprenant la
définition que la directive donne de l'incident. Il a été
considéré qu'ainsi défini, le champ d'application du Livre
VII consacrait tous les incidents et donc a fortiori les accidents, qui par
définition compromettent également la sécurité de
l'exploitation de l'aéronef.
Ce choix prête à confusion, d'autant plus qu'à
l'alinéa suivant, le texte renvoie à la définition de
l'accident et de l'incident grave donnée par la directive. Aussi il est
apparu préférable à votre commission de faire, dès
le paragraphe II, explicitement référence aux définitions
de la directive.
Le paragraphe II prévoit, en outre, que les dispositions du
Livre VII s'appliquent à tout type d'aéronef à
l'exclusion toutefois de deux catégories :
- les aéronefs conçus exclusivement à usage militaire
ou exploités en circulation aérienne militaire. Pour ces
aéronefs, en cas d'accident, la procédure d'enquête
technique relève de la compétence du ministère de la
Défense ;
- les aéronefs d'Etat qui ne sont pas immatriculés au
registre prévu à l'article 17 de la Convention de Chicago.
Cette dernière ne s'applique, en effet, pas à ces appareils, tels
ceux exploités par la douane ou ceux utilisés pour les
déplacements de certains chefs d'Etat. Il est à noter que rien
n'interdit à un Etat d'immatriculer comme avions civils certains des
aéronefs qu'il possède. Ces appareils peuvent alors, le cas
échéant, faire l'objet d'une enquête technique dans les
mêmes conditions que tout autre aéronef civil.
Le paragraphe II bis du texte proposé pour l'article L.711-1
prévoit qu'une enquête technique sera obligatoire pour
" tout accident ou incident grave, au sens de la directive 94/56/CE,
survenu à un aéronef muni d'un certificat de navigabilité
délivré en conformité avec la convention relative à
l'aviation civile internationale ".
Cette disposition, qui reprend les termes de la directive 94/56/CE,
introduit dans la législation française le principe d'une
enquête obligatoire pour les accidents et incidents graves. Si la
pratique de l'enquête technique est actuellement
quasi-systématique, le dispositif actuel défini par
l'article R.425-2 du code de l'aviation civile ne prévoit pas
d'obligation. En outre, seuls les accidents internationaux, au sens de
l'Annexe 13 de la Convention de Chicago, donnent lieu à rapport, le
BEA se limitant pour les autres à l'établissement de formulaires
et à la transmission de l'information aux administrations et entreprises
concernées.
Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette obligation, car
l'amélioration de la sécurité des aéronefs passe
par le recours systématique aux enquêtes techniques et la
diffusion des enseignements qui en sont retirés.
L'obligation de mener une enquête technique ainsi définie ne
concerne en conséquence ni les incidents mineurs, ni les accidents ou
incidents graves survenus à un aéronef démuni d'un
certificat de navigabilité délivré en conformité
avec la convention relative à l'aviation civile internationale. Il
s'agit principalement des ultra légers motorisés, des deltaplanes
et des parapentes. Pour ces appareils, l'intervention de l'Etat est
réduite et la réglementation très peu contraignante.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur,
l'expérience montre que les enquêtes sur les
événements les concernant n'ont qu'une efficacité
marginale. Pour ne pas engorger l'organisme d'enquête, il est donc
proposé de maintenir la pratique actuelle, c'est-à-dire
l'exécution d'enquêtes à la discrétion du BEA.
Le paragraphe III du texte proposé définit les situations
où l'enquête technique relève de la compétence des
autorités françaises.
Ces dispositions tirent les conséquences en droit interne des
règles établies par l'article 26 de la Convention relative
à l'aviation civile internationale et transposent les recommandations de
l'annexe 13 de la Convention de Chicago. La formulation proposée
par le projet de loi prête toutefois à confusion. Ainsi, elle
assimile à tort à une caractéristique de l'accident le
fait que l'Etat d'immatriculation procède ou non à une
enquête technique. Votre commission vous propose en conséquence
une nouvelle rédaction.
Le paragraphe III prévoit enfin les cas où les autorités
françaises peuvent déléguer tout ou partie de
l'enquête à un Etat étranger, ou à l'inverse
accepter une délégation d'un Etat étranger pour la
réalisation d'une enquête technique.
L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux
amendements d'ordre rédactionnel.
Votre commission a adopté, compte tenu des observations qui
précèdent, trois amendements.
Les deux premiers prévoient une nouvelle rédaction des
dispositions des paragraphes II et II bis relatives à la
définition des accidents et incidents d'aviation civile.
Le troisième procède à une réécriture du
paragraphe III relatif aux règles de compétence territoriale.
Article L.711-2 du code de l'aviation civile
-
Statut de l'organisme chargé des enquêtes
techniques
Cet
article prévoit que l'organisme chargé des enquêtes
techniques est un organisme permanent assisté, le cas
échéant, par une commission d'enquête. Il précise
que cet organisme agit en toute indépendance.
Le texte proposé pour l'article L.711-2 du code de l'aviation
civile adopté par l'Assemblée nationale sans modification
comporte deux alinéas.
Le premier alinéa du texte proposé transpose les dispositions de
l'article 6 de la directive 94/56/CE aux termes desquelles
" chaque Etat membre s'assure que les enquêtes techniques sont
réalisées par un organisme ou une entité
aéronautique civile permanente ou sous le contrôle d'un tel
organisme "
. Il prévoit, à cet effet, que
l'enquête technique est effectuée par
" un organisme
permanent spécialisé, assisté le cas
échéant, pour un incident déterminé, par une
commission d'enquête "
.
Le caractère permanent et spécialisé de l'organisme
d'enquête a pour objet de garantir la qualité et
l'indépendance des enquêtes. La complexité de l'aviation
civile moderne impose, en effet, que les enquêtes soient confiées
à des spécialistes de l'aéronautique comme de
l'enquête technique. La professionnalisation des enquêtes supposait
l'existence d'un organisme spécialisé regroupant en permanence
des enquêteurs professionnels et garantissant la continuité et la
qualité des enquêtes menées. Le BEA crée par
arrêté ministériel, se voit ainsi doté d'un statut
législatif.
Le texte proposé prévoit, en outre, que, le cas
échéant, une commission d'enquête peut assister l'organisme
permanent.
L'intervention d'une commission d'enquête constitue un héritage du
dispositif en vigueur. L'article R.425-2 du code de l'aviation civile
prévoit, en effet, que le ministre chargé de l'aviation civile
peut instituer une commission d'enquête. Cette procédure a
été utilisée pour les accidents les plus importants comme
l'accident du Mont Saint-Odile. Le recours à une commission
d'enquête a pour objectif de mobiliser des moyens humains et techniques
sur un événement spécifique et d'assurer un dialogue entre
les diverses composantes de l'aviation civile intéressées.
Votre rapporteur a souhaité sur ce point préciser que la
décision d'instituer une commission d'enquête relève, comme
c'est le cas actuellement, du ministre chargé de l'aviation civile. Il
est, en effet, de la responsabilité du ministre de recourir à
cette procédure lorsqu'il estime que l'ampleur de l'accident l'exige.
Le projet de loi limite, par ailleurs, le rôle de la commission
d'enquête. Dans le dispositif en vigueur, l'enquête est, en effet,
conduite par la seule commission d'enquête, lorsque celle-ci est
créée. Aux termes de la directive, seul l'organisme permanent
peut mener l'enquête technique. C'est pourquoi il est proposé que
la commission d'enquête
assiste
l'organisme permanent.
Le deuxième alinéa du texte proposé par
l'article L.711-2 du code de l'aviation civile dispose que
" dans
le cadre de l'enquête, l'organisme permanent et la commission agissent en
toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent
d'instructions d'aucune autorité ".
Cette disposition tend à transposer en droit français les
dispositions de l'article 6 de la directive 94/56/CE qui
prévoit que l'organisme d'enquête est
" fonctionnellement
indépendant, notamment des autorités nationales responsables de
la navigabilité, de la certification, des opérations
aériennes, de l'entretien, de la délivrance des licences, du
contrôle de la navigation aérienne ou de l'exploitation des
aéroports et en général, de toute autre partie dont les
intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission "
qui lui a été confiée.
L'indépendance de l'organisme d'enquête vise à
éviter tout conflit d'intérêts et toute implication de ses
membres dans les événements qui font l'objet de l'enquête.
Cette indépendance a pour objectif de garantir l'objectivité
des enquêtes menées et, ce faisant, la légitimité de
l'organisme d'enquête.
Il reviendra au décret d'application relatif au statut de l'organisme
permanent et à celui des enquêteurs de définir les
modalités concrètes de cette indépendance. D'après
les informations dont dispose votre rapporteur, le statut actuel du BEA,
organisme extérieur à la Direction Générale de
l'Aviation civile, rattaché à l'inspection générale
de l'aviation civile serait maintenu. L'indépendance des membres de
l'organisme permanent devrait également être garantie par les
procédures d'agrément et de commissionnement prévues
à l'article suivant.
Comme il a été indiqué, le projet de loi prend le parti de
maintenir l'organisme permanent au sein du ministère en charge de
l'aviation civile. La solution proposée consiste donc à garantir
l'indépendance des membres de l'organisme permanent et, le cas
échéant, des commissions d'enquête
" qui ne peuvent
recevoir d'instructions "
tout en maintenant le BEA au sein du
ministère des transports.
Votre commission n'a pas souhaité revenir sur ce dispositif
qu'elle estime satisfaisant. Elle a néanmoins souhaité
préciser que, dans le cadre de l'enquête, l'organisme permanent et
les membres de la commission d'enquête ne reçoivent ni ne
sollicitent aucune instruction d'aucune autorité ni -comme le
précise la directive- d'aucun organisme dont les intérêts
pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée.
Cette précision n'a, en effet, pas été reprise dans le
projet de loi qui prévoit qu'ils ne reçoivent ni ne sollicitent
d'instruction d'aucune autorité. Or la seule référence aux
autorités ne permet pas de viser les organismes privés tels que
les compagnies aériennes et les constructeurs d'aéronefs.
Dès lors, rien n'interdirait qu'un expert d'une de ces entreprises soit,
par exemple, nommé au sein de la commission d'enquête. Il est,
à l'évidence, souhaitable qu'aucune personne soumise à
l'autorité hiérarchique d'une entreprise impliquée dans un
accident ne soit amenée à apprécier les causes de
l'accident. Il s'agit non seulement de garantir l'impartialité des
personnes chargées de l'enquête, mais également de
renforcer la légitimité de l'enquête technique.
Votre commission a adopté à cet article, compte tenu des
observations qui précèdent, deux amendements :
- le premier tend à préciser que les commissions
d'enquête sont instituées par le ministre chargé de
l'aviation civile ;
- le second tend à compléter la rédaction
proposée pour le deuxième alinéa de cet article en
précisant que l'organisme permanent et les membres des commissions
d'enquête ne reçoivent d'instructions d'aucun organisme dont les
intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est
confiée.
Article L.711-3 du code de l'aviation civile
-
Statut des agents habilités à procéder aux
enquêtes techniques
Cet
article définit les règles relatives à la nomination des
enquêteurs techniques, des enquêteurs de première
information et des membres des commissions d'enquête.
Le texte proposé pour l'article L.711-3 du code de l'aviation
civile, que l'Assemblée nationale a adopté sans modification,
comporte trois alinéas portant respectivement sur les enquêteurs
techniques, les enquêteurs de première information et sur les
modalités de recrutement de ces derniers et des membres des commissions
d'enquête.
Le premier alinéa de cet article dispose que seuls les agents de
l'organisme permanent désignés en qualité
d'enquêteurs techniques et commissionnés à cet effet
pourront bénéficier des prérogatives définies aux
articles L.721-1 à L.721-6.
D'après les informations transmises à votre rapporteur, il est
envisagé que les enquêteurs techniques soient commissionnés
par le ministre chargé de l'aviation civile sur proposition du
responsable de l'organisme permanent. La lecture combinée des premier et
troisième alinéas de cet article porte à confusion. Les
enquêteurs techniques seraient ainsi désignés,
commissionnés, recrutés et nommés, sans qu'il soit
possible de comprendre l'objectif de chacune de ces procédures et leur
articulation. Il apparaît souhaitable de simplifier la rédaction
de cet article et de préciser que le ministre commissionne les
enquêteurs techniques sur proposition du responsable de l'organisme
permanent. Cette procédure constitue, en effet, un élément
du statut des enquêteurs techniques qui doit garantir leur
indépendance comme le prévoit l'article 6 de la
directive 94/56/CE.
Le deuxième alinéa de l'article L.711-3 prévoit par
dérogation aux dispositions du précédent alinéa que
des agents appartenant aux corps techniques de l'aviation civile, peuvent
être agréés pour effectuer, en tant
qu'" enquêteurs de première information ", sous le
contrôle de l'organisme permanent, les premières opérations
d'enquête sur le lieu de l'accident et en particulier les
opérations de nature à permettre la préservation des
indices.
Le troisième et dernier alinéa prévoit que les conditions
de nomination, d'habilitation et le cas échéant, de recrutement
des enquêteurs techniques, des membres des commissions d'enquête et
des enquêteurs de première information, seront fixées par
décret en Conseil d'Etat.
Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a
adopté à cet article un amendement qui précise la
rédaction de cet article et prévoit, en particulier, que les
enquêteurs techniques seront commissionnés par le ministre
chargé de l'aviation civile sur proposition du responsable de
l'organisme permanent.
TITRE II
-
L'enquête technique
CHAPITRE PREMIER -
Pouvoirs des enquêteurs
Le texte proposé par le chapitre premier du titre II relatif à l'enquête technique comporte six articles portant sur les pouvoirs des enquêteurs. Ces articles organisent une coordination des opérations effectuées par les enquêteurs techniques et judiciaires.
Article L.721-1 du code de l'aviation civile
-
Accès au lieu de l'accident ou de l'incident
Cet
article définit les règles relatives à l'accès des
enquêteurs techniques au lieu de l'accident et organise une
procédure d'information de l'autorité judiciaire.
Le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.721-1
habilite les enquêteurs techniques et les enquêteurs de
première information à accéder immédiatement
à l'aéronef ou à son épave et à son contenu
pour procéder sur place à toute constatation utile. Il est, en
outre, prévu que "
l'autorité judiciaire devra être
préalablement informée de leur intervention
", en cas
d'accident.
Cette disposition qui transpose une des dispositions de l'article 5 de la
directive 94/56/CE a également pour objet de coordonner l'action
des enquêteurs techniques et celle des enquêteurs judiciaires.
En l'état actuel du droit, l'absence de disposition légale
autorisant explicitement les enquêteurs à accéder au lieu
de l'accident a pu être dans certains cas une source de
difficultés : l'absence de base légale à
l'intervention de l'enquêteur technique risquant d'entacher de
nullité la procédure judiciaire, certains juges ont pu interdire
ou retarder l'accès des enquêteurs à l'épave.
Le texte proposé clarifie la situation en autorisant les
enquêteurs à accéder au lieu de l'accident, tout en leur
imposant d'informer l'autorité judiciaire.
Le second alinéa autorise les enquêteurs techniques ou à
défaut les enquêteurs de première information à
prendre toutes les mesures de nature à permettre la préservation
des indices.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article L.721-2 du code de l'aviation civile
-
Accès au contenu des enregistreurs de bord
Cet
article tend à donner aux enquêteurs techniques l'accès aux
enregistrements de bord et à préciser les modalités de cet
accès selon qu'il y ait ou non ouverture d'une enquête ou d'une
information judiciaire.
Le texte proposé pour cet article transpose en droit interne les
dispositions contenues dans l'article 5 de la directive 94/56/CE qui
prévoit que
" conformément à la législation
en vigueur dans les Etats membres et, le cas échéant, en
coopération avec les autorités responsables de l'enquête
judiciaire, les enquêteurs sont autorisés à (...) avoir un
accès immédiat au contenu des enregistreurs de bord et de tout
autre enregistrement, ainsi qu'à l'exploitation de ces
éléments "
.
Le premier alinéa dispose ainsi que
" les enquêteurs ont
accès sans retard au contenu des enregistreurs de bord et à tout
autre enregistrement jugé pertinent ".
Les enregistreurs de bord ainsi visés sont les enregistreurs de
paramètres et les enregistreurs phoniques, couramment surnommés
" boîtes noires ". Les enregistreurs sont, dans la
majorité des pays, obligatoires sur les aéronefs de transport. En
France, un arrêté du 5 novembre 1987 impose pour tout
aéronef d'une masse certifiée de décollage de 5700 kg ou
autorisés à transporter 10 passagers, la présence
d'au moins un enregistreur. Les deux types d'enregistreurs sont requis pour les
aéronefs de plus de 14000 kg ou 36 passagers. L'analyse des
différents paramètres caractéristiques de l'état de
l'avion et des conditions du vol, des conversations, bruits et alarmes sonores
au sein de l'avion, ainsi enregistrés, est essentielle pour
déterminer avec précision les circonstances et les causes de
l'accident.
Les autres enregistrements sont, d'une part, ceux des autres instruments
d'enregistrement présents dans les avions et dont la raison d'être
n'est pas le recueil d'informations aux fins de l'enquête technique,
telles que les mémoires de certains équipements
électroniques et, d'autre part, les enregistrements
effectués au sol par les organismes en charge de la circulation
aérienne.
Les deux alinéas suivants comportent deux paragraphes qui
précisent les conditions d'accès des enquêteurs techniques
aux enregistrements, selon qu'il y a ou non ouverture d'une enquête ou
d'une information judiciaire.
Le I, vise les cas où une enquête ou une information
judiciaire est ouverte. Il précise que les enregistreurs et supports
d'enregistrement seront préalablement saisis par l'autorité
judiciaire, selon les modalités prévues aux articles 97 et 163 du
code de procédure pénale.
Contrairement à l'information judiciaire, l'enquête judiciaire
concerne les cas où il n'y a pas eu désignation d'un juge
d'instruction, mais où une enquête est cependant menée par
la police ou la gendarmerie sous la responsabilité du procureur de la
République.
Le deuxième alinéa de l'article 97 du code
précité prévoit notamment que
" tous les objets et
documents placés sous main de justice sont immédiatement
inventoriés et placés sous scellés ".
L'article 163 précise, quant à lui, que les scellés
sont énumérés dans un procès-verbal, les experts
devant en mentionner, dans leur rapport, toute ouverture ou réouverture.
Dans ces conditions, l'article dispose que les enregistreurs et supports
d'enregistrement sont mis, à leur demande, à la disposition des
enquêteurs techniques qui prennent copie sous contrôle d'un
officier de police judiciaire des enregistrements qu'ils renferment.
Le II prévoit que lorsqu'il n'y a pas ouverture d'une
enquête ou d'une information judiciaire, le procureur de la
République sollicite un officier de police judiciaire pour constater le
prélèvement des enregistrements et des supports d'enregistrement.
Ces dispositions confèrent aux enquêteurs un droit
d'accès aux enregistrements qu'aucun texte, jusqu'à
présent, ne leur garantissait
.
Elles protègent ainsi les enquêteurs techniques, qui en
procédant au prélèvement des supports d'enregistrement,
pouvaient, en l'absence d'habilitation législative, être
accusés de dissimulation de preuve et entrave à la justice. Ces
dispositions offrent également des garanties à l'autorité
judiciaire qui, dans tous les cas de figure, constate les
prélèvements effectués. Elles protègent ainsi la
procédure judiciaire contre les éventuels vices de forme
liés à l'intervention des enquêteurs techniques.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article L.721-3 du code de l'aviation civile
-
Prélèvements aux fins d'examen et d'analyse au
cours d'une enquête
ou d'une information judiciaire
Cet
article définit la procédure applicable aux
prélèvements aux fins d'examen et d'analyse lorsque les
interventions des enquêteurs techniques interfèrent avec une
procédure judiciaire.
Le texte proposé par cet article comporte trois alinéas.
Le premier alinéa dispose qu'en cas d'accident ou d'incident ayant
entraîné l'ouverture d'une enquête ou d'une information
judiciaire, les enquêteurs techniques peuvent procéder,
" avec l'accord selon le cas du procureur de la République ou du
juge d'instruction, au prélèvement, aux fins d'examen ou
d'analyse, de débris, fluides, pièces, organes, ensembles ou
mécanismes qu'ils estiment propres à contribuer à la
détermination des circonstances et des causes de l'accident ou de
l'incident
"
.
Cet alinéa transpose en droit interne les dispositions de
l'article 5 de la directive 94/56/CE qui prévoient qu'
" en
coopération avec les autorités responsables de l'enquête
judiciaire, les enquêteurs sont autorisés à
(...)
effectuer un relevé immédiat des indices et un
prélèvement contrôlé de débris ou
d'éléments aux fins d'examen ou d'analyse "
. Il
subordonne néanmoins le pouvoir de l'enquêteur technique à
l'accord de l'autorité judiciaire compétente.
Le deuxième alinéa prévoit qu'en l'absence d'accord, les
enquêteurs techniques ont
" le droit d'assister aux
opérations d'expertise diligentées par l'autorité
judiciaire compétente ".
Cette disposition permettra en cas de
refus de l'autorité judiciaire, que l'enquêteur technique puisse
exploiter les constatations faites dans le cadre des opérations
d'expertise judiciaire menées pour les besoins de l'enquête. Le
droit d'assistance aux opérations d'expertise suppose cependant, dans la
pratique, que les enquêteurs soient informés des expertises
judiciaires. C'est pourquoi, il apparaît souhaitable de préciser
ici que l'autorité judiciaire informe systématiquement les
enquêteurs techniques des expertises judiciaires.
Le troisième et dernier alinéa du texte proposé pour
l'article L.721-3 dispose que les enquêteurs techniques, lorsque les
autorités judiciaires ont autorisé des
prélèvements, ne peuvent soumettre les débris, fluides,
pièces, organes, ensembles et mécanismes à des examens ou
analyses susceptibles de les modifier, les altérer ou les
détruire qu'avec l'accord de l'autorité judiciaire.
Cette procédure permet, là encore, de s'assurer que
l'intervention des enquêteurs techniques ne puisse nuire à la
procédure judiciaire et en particulier à la préservation
de l'intégrité des éléments nécessaires aux
conclusions de l'enquête judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement
qui tend, compte tenu des observations qui précèdent, à
préciser que les enquêteurs sont informés des
opérations d'expertise diligentées par l'autorité
judiciaire compétente.
Article L.721-4 du code de l'aviation civile
-
Prélèvements aux fins d'examen et d'analyse
en dehors d'une procédure judiciaire
Cet
article définit, comme le précédent, la procédure
applicable aux prélèvements aux fins d'examen et d'analyse, mais
dans le cas où l'accident ou l'incident ne fait pas l'objet d'une
procédure judiciaire.
Le texte proposé par l'article L.721-4 comporte deux alinéas.
Le premier alinéa dispose qu'en cas d'accident ou d'incident n'ayant
pas entraîné l'ouverture d'une enquête ou d'une information
judiciaire,
" les enquêteurs techniques peuvent, en
présence d'un officier de police judiciaire dont le concours est
sollicité à cet effet auprès du procureur de la
République, prélever, aux fins d'examen ou d'analyse, les
débris, fluides, pièces, organes, ensembles et mécanismes
qu'ils estiment propres à contribuer à la détermination
des circonstances et des causes de l'accident ou de l'incident
".
Ainsi, en dehors d'une procédure judiciaire, l'accord de
l'autorité judiciaire n'est pas sollicité. La présence
d'un officier de police judiciaire est néanmoins requise pour
éviter toute contestation ultérieure sur l'authenticité
des éléments prélevés.
Le second alinéa dispose que les éléments
prélevés sont restitués par les enquêteurs
techniques lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire
à la détermination des circonstances et causes de
l'événement. Il prévoit, en outre, que la
rétention, la détérioration ou la destruction des
éléments prélevés, pour les besoins de
l'enquête, n'entraînent pas droit à indemnité.
Cette disposition constitue une extension aux enquêtes techniques, du
principe jurisprudentiel qui considère, sauf exceptions pour faute ou en
cas de préjudice anormal, que tout citoyen doit se soumettre aux actes
requis par une procédure judiciaire.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article L.721-5 du code de l'aviation civile
-
Droit à la communication des éléments
d'information nécessaires
à l'enquête technique
Cet
article attribue aux enquêteurs le pouvoir d'exiger la communication de
tout élément d'information nécessaire à
l'enquête technique, sous réserve des règles
spécifiques pour les informations à caractère
médical.
Le texte proposé par cet article comporte trois alinéas.
Le premier alinéa dispose que
" les enquêteurs techniques
peuvent exiger, sans que puisse leur être opposé le secret
professionnel, la communication des documents de toute nature relatifs aux
personnes, entreprises et matériels en relation avec
l'accident "
.
Compte tenu de la complexité des mécanismes en oeuvre lors
d'un incident ou d'un accident, il est indispensable que les enquêteurs
techniques puissent disposer de toutes les informations nécessaires
à la détermination des causes de l'accident. C'est pourquoi
l'article 5 de la directive n° 94/56/CE prévoit que les
enquêteurs sont autorisés à
" avoir librement
accès aux informations pertinentes détenues par le
propriétaire, l'exploitant ou le constructeur de l'aéronef et par
les autorités responsables de l'aviation civile ou de
l'aéroport "
.
Le texte proposé par l'article L.721-5 transpose cette disposition.
La possibilité d'exiger la levée du secret professionnel est, par
ailleurs, en droit français une attribution commune à un certain
nombre de corps d'inspection et d'enquête. La rédaction
proposée reprend ainsi celle utilisée pour définir, par
exemple, les pouvoirs des enquêteurs de la commission des
opérations en Bourse (COB).
En cas de refus de communication des documents exigés par les
enquêteurs techniques, les personnes concernées seront,
conformément au texte prévu pour l'article L.741-2 relatif
aux entraves à l'action de l'organisme permanent, passibles d'un an
d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende. Il convient
également d'observer que les enquêteurs techniques destinataires
des renseignements sont, comme le rappelle le texte proposé pour
l'article L.731-1, tenus au secret professionnel dans les conditions et
sous les peines prévues à l'article L.226-13 du code
pénal qui punit d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs
d'amende quiconque révèle une information à
caractère secret dont il est dépositaire.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour cet article
précise que lorsque les documents exigés sont placés sous
scellés par l'autorité judiciaire, il est établi une copie
pour les enquêteurs techniques.
Le troisième alinéa, dont la rédaction a
été précisée par l'Assemblée nationale,
définit la procédure relative aux dossiers médicaux. Afin
d'encadrer plus strictement la communication des documents couverts par le
secret médical, le texte prévoit, d'une part, que seuls les
dossiers médicaux d'aptitude relatifs aux personnes chargées de
la conduite, de l'information ou du contrôle des aéronefs
(c'est-à-dire en particulier les pilotes et les contrôleurs
aériens) peuvent être communiqués aux enquêteurs, et
d'autre part, que ces dossiers sont transmis aux seuls médecins
rattachés à l'organisme permanent.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article L.721-6 du code de l'aviation civile
-
Communication des résultats des examens médicaux
effectués
après l'accident ou l'incident
Cet
article définit la procédure applicable aux examens
pratiqués après l'accident ou l'incident sur les pilotes et
contrôleurs aériens.
Le texte proposé pour cet article dispose que les résultats des
examens médicaux effectués sur les personnes chargées de
la conduite, de l'information et du contrôle de l'aéronef
après l'accident ou l'incident, ainsi que les rapports d'expertise
médico-légale concernant les victimes sont communiqués aux
enquêteurs.
Dans la mesure où ces rapports d'expertise sont donnés dans le
cadre d'une procédure judiciaire, ils ne sont pas couverts par le secret
médical. Il convenait donc de distinguer ces informations des dossiers
médicaux visés à l'article précédent et de
prévoir en conséquence un dispositif plus souple.
L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement
précisant que ces examens ou prélèvements visent des
personnes en relation avec l'accident ou l'incident.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
CHAPITRE
II -
Préservation des éléments de
l'enquête
Article L.722-1 du code de l'aviation civile
-
Préservation de l'état des lieux et des documents
Cet
article tend à prévenir toute altération des
éléments de l'enquête.
Cet article comporte deux alinéas portant respectivement sur les lieux
de l'accident et sur les documents et enregistrements pouvant être utiles
à l'enquête.
Le premier alinéa interdit à toute personne d'altérer les
lieux où s'est produit l'accident, de manipuler ou de déplacer
l'aéronef ou son épave sauf dans deux cas : premièrement,
lorsque les opérations sont commandées par la
nécessité de porter secours aux victimes, deuxièmement,
lorsqu'elles ont été autorisées par l'autorité
judiciaire, après avis de l'enquêteur technique ou, à
défaut de l'enquêteur de première information.
Cette interdiction s'adresse aux personnes étrangères à
l'enquête technique ou judiciaire. Elle établit un compromis entre
la nécessité de préserver les éléments de
l'enquête et celle de déplacer et de manipuler l'épave si
le secours des victimes l'exige ou si des exigences de sécurité
liées, par exemple, au lieu où est survenu l'accident, qui peut
être une propriété habitée ou une voie publique,
l'imposent.
Le texte proposé reprend sur ce point des dispositions de
l'annexe 13 de la Convention de Chicago, ainsi que la rédaction de
l'article 55 du code de procédure pénale qui dispose que
" dans les lieux où un crime est commis, il est interdit,
à toute personne non habilitée, de modifier avant les
premières opérations de l'enquête judiciaire l'état
des lieux et d'y effectuer des prélèvements quelconques.
Toutefois, exception est faite lorsque ces modifications ou ces
prélèvements sont commandés par les exigences de la
sécurité ou de la salubrité publique, ou par les soins
à donner aux victimes. "
Le second alinéa complète ce dispositif en imposant aux
personnes en possession de documents, matériels et enregistrements
pouvant être utiles à l'enquête, de prendre toutes
dispositions de nature à les préserver.
Comme il a été indiqué, tous les avions de transport de
plus de 5,7 tonnes sont obligatoirement munis d'enregistreurs de vol. Ces
instruments enregistrent sur une bande magnétique ou sur des
mémoires statiques les divers paramètres caractéristiques
du vol pour les enregistreurs de type FDR (Flight Data Recorders), les bruits,
conversations et alarmes pour les enregistreurs de type CVR (Cockpit Voices
Recorders). La plupart de ces enregistreurs ont un fonctionnement en boucle
entraînant un effacement des premières données après
quelques heures. C'est pourquoi le texte proposé précise que des
mesures doivent être prises pour
" éviter l'effacement
après le vol, de l'enregistrement des conversations et alarmes
sonores. "
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article L.722-2 du code de l'aviation civile
-
Immunités disciplinaires et administratives
Cet
article accorde une immunité disciplinaire et administrative aux
personnes qui spontanément signalent un incident dans lequel ils sont
impliqués.
Si les autorités en charge de l'aviation civile ont
nécessairement connaissance d'un accident aérien, il n'en va pas
de même pour les incidents. Dans la plupart des cas, seules les personnes
impliquées dans un incident en ont connaissance. Dès lors, si ces
personnes ne le signalent pas, les incidents sont ignorés et ne peuvent
faire l'objet d'une enquête technique. Or les incidents permettent de
tirer des enseignements utiles pour l'amélioration de la
sécurité des aéronefs et de prévenir ainsi des
accidents. Alors que dans le cas d'un accident, il est parfois, compte tenu de
l'état de l'épave, très difficile de déterminer
l'enchaînement des causes qui ont conduit à l'accident, lors d'un
incident tous les éléments sont préservés et
permettent une analyse plus exhaustive.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d'inciter les
personnes impliquées dans un incident, qu'elles soient chargées
de la conduite, de l'information, du contrôle ou de l'entretien de
l'aéronef, à signaler les incidents. La peur d'une sanction
disciplinaire ou administrative constituait, à ce propos, un des
principaux obstacles aux signalements spontanés des incidents. C'est
donc pour rassurer les pilotes, les mécaniciens d'entretien, ou les
contrôleurs aériens et les encourager à signaler un
incident, que cet article L.722-2 propose que ces personnes ne puissent
faire l'objet d'une sanction disciplinaire ou administrative pour l'action
qu'elles ont commise, si elles ont informé spontanément et sans
délai de cet événement.
Afin de ne pas tomber dans le travers d'autres Etats, où cette
procédure, répétée à chaque incident,
conduit parfois à exonérer de toute sanction des personnes
irresponsables ou au comportement professionnel dangereux, le dispositif
proposé ne s'appliquera pas en cas de manquement
délibéré ou répété aux règles
de sécurité. En outre, cette exemption ne s'appliquera pas en
matière pénale et ne pourra donc notamment pas concerner les
personnes ayant mis en péril la vie d'autrui.
Votre rapporteur a approuvé dans son principe ce dispositif. Il a
cependant souhaité en modifier la rédaction afin, d'une part, de
viser toutes les personnes qui, de par leurs fonctions, sont impliquées
dans un incident, et non les seules personnes chargées de la conduite de
l'information, du contrôle ou de l'entretien et, d'autre part, de
prévoir que ces incidents seront signalés à l'organisme
permanent et aux entreprises concernées.
Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a
adopté à cet article un amendement proposant une nouvelle
rédaction de cet article.
CHAPITRE
III
Procès-verbaux de constat
Ce chapitre comprend un article consacré aux procès-verbaux.
Article L.723-1 du code de l'aviation civile -
Procès-verbaux
Cet
article impose aux enquêteurs techniques d'établir des
procès verbaux lors de leurs investigations.
Le premier alinéa du texte proposé par cet article
prévoit que les enquêteurs techniques
" établissent
des procès-verbaux à l'occasion des prélèvements
opérés et des vérifications effectuées dans
l'exercice de leur droit de communication ".
Le second alinéa définit les mentions qui doivent figurer au
procès-verbal.
Le troisième alinéa indique qu'une copie de ces
procès-verbaux est adressée à l'autorité judiciaire
lorsqu'une procédure judiciaire est ouverte. Le destinataire sera soit
le procureur de la République, soit le juge d'instruction, selon qu'il
s'agira d'une enquête ou d'une information judiciaire.
Ces dispositions introduisent dans les enquêtes techniques des
éléments de procédure proches de ceux en vigueur dans
l'enquête judiciaire, afin d'éviter toute contestation
ultérieure sur les investigations effectuées.
Il convient toutefois d'observer que la rédaction adoptée
comporte une ambiguïté relative au champ des opérations qui
doivent faire l'objet de procès-verbaux. D'une part, il est fait mention
des opérations effectuées en application du droit de
communication qui semble faire référence au droit des
enquêteurs à la communication des documents utiles à
l'enquête, prévu à l'article L.721-5. D'autre part,
l'article mentionne les prélèvements opérés, les
pièces retenues, ce qui renvoie à l'ensemble des
opérations d'investigation effectuées en application des articles
L.721-1 à L.721-6.
L'Assemblée nationale a adopté à ce chapitre un amendement
modifiant l'intitulé de ce chapitre.
Votre commission vous propose d'adopter, compte tenu des observations qui
précèdent, un amendement qui précise la rédaction
du premier alinéa du texte proposé pour cet article, en renvoyant
explicitement aux opérations effectuées en application de
l'article L.721-5.
TITRE
III
Diffusion des informations et des rapports
d'enquête
CHAPITRE UNIQUE
Article L.731-1 du code de l'aviation
civile
Diffusion d'informations relatives à
l'enquête et secret professionnel
Cet
article fixe les conditions dans lesquelles il peut être
dérogé au principe du secret professionnel, auquel sont tenus les
agents de l'organisme permanent, et les personnes rattachées à
l'enquête technique.
Le texte proposé pour cet article comporte deux paragraphes :
Le paragraphe I rappelle que : "
les personnels de l'organisme
permanent, les enquêteurs de première information, les membres des
commissions d'enquête et les experts auxquels ils font appel sont tenus
au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues
à l'article 226-13 du code pénal
". Cet article,
comme il a été indiqué, punit d'un an d'emprisonnement et
de 100.000 francs d'amende quiconque révèle une information
à caractère secret dont il est dépositaire, soit par
état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission
temporaire.
Le paragraphe II de cet article définit les conditions dans lesquelles
il peut être dérogé à ce principe.
Le premier alinéa du II de l'article permet au responsable de
l'organisme permanent de déroger à l'obligation de secret
professionnel pour transmettre des informations résultant de
l'enquête technique aux autorités administratives chargées
de la sécurité de l'aviation civile, aux dirigeants des
entreprises de construction ou d'entretien des aéronefs ainsi qu'aux
personnes chargées de l'exploitation des aéronefs ou de la
formation des personnels. Cette habilitation ne lui permet cependant
d'intervenir que s'il estime que l'information, relevant normalement d'une
donnée incluse dans le rapport d'enquête,
" est de nature
à prévenir un accident ou un incident grave ".
Le second alinéa prévoit que le responsable de l'organisme
permanent et, le cas échéant, les présidents de commission
d'enquête pourront dans le cadre de leur mission
" rendre
publiques des informations sur les constatations faites par les
enquêteurs techniques et éventuellement leurs conclusions
provisoires ".
Cette disposition a pour objet de permettre aux responsables de l'enquête
de démentir certaines hypothèses que l'état d'avancement
de l'enquête a déjà écartées. Dans certains
accidents très médiatisés, il peut être utile que le
responsable de l'organisme permanent ou les présidents de commission
puissent, pour poursuivre leur enquête dans la
sérénité, démentir certaines rumeurs. Il est
également nécessaire d'offrir aux responsables de l'enquête
la possibilité de communiquer aux proches d'éventuelles victimes
des informations sur les circonstances de l'accident.
Il convient d'observer que ces dispositions prévoient non seulement une
dérogation au secret professionnel mais également, lorsqu'il y a
instruction judiciaire, une dérogation au secret de l'instruction. Les
informations susceptibles d'être rendues publiques en application de cet
article peuvent être, en effet, dans certains cas également
couvertes par le secret de l'instruction. Cette dérogation est
justifiée soit pour des motifs de sécurité, soit pour
assurer la sérénité de l'enquête. Les responsables
de l'enquête technique devront veiller à ne pas sortir de ce cadre
et à ne pas interférer, pour des raisons étrangères
à ces motifs, dans le déroulement de la procédure
judiciaire.
L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement
supprimant la précision selon laquelle le responsable de l'organisme
permanent ou les présidents de commission peuvent rendre publiques les
informations précitées
" sous réserve de ne porter
atteinte ni à la vie privée des personnes, ni au secret
industriel, commercial ou médical, ni à la sûreté de
l'Etat et à la sécurité publique, ni au secret de la
défense nationale et de la politique extérieure ",
estimant que ce rappel était inutile.
Votre Commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article L.731-1-1 du code l'aviation
civile
Publication en cours d'enquête de recommandations de
sécurité
Cet
article autorise l'organisme permanent à émettre des
recommandations de sécurité en cours d'enquête.
Aux termes des articles L.711-1, L.711-2 et L.731-2, l'organisme permanent a
pour mission d'établir,
à l'issue de l'enquête
technique
, un rapport public contenant, le cas échéant, des
recommandations de sécurité. L'article L.731-1-1 prévoit
que
" s'il estime que leur mise en oeuvre dans des délais brefs
est de nature à prévenir un accident ou un incident
grave ",
l'organisme permanent peut,
avant la fin de
l'enquête
, émettre des recommandations de
sécurité.
Ce nouvel article est issu d'un amendement adopté par l'Assemblée
nationale tendant à insérer ici des dispositions contenues
initialement dans le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article L.731-2.
Votre Commission a adopté cet article sans modification.
Article L.731-2 du code de l'aviation
civile
Publication du rapport d'enquête technique
Cet
article prévoit que toute enquête technique fait l'objet d'un
rapport public.
Le texte proposé pour cet article dispose que
" l'organisme rend
public, au terme de l'enquête technique, un rapport sous une forme
appropriée au type et à la gravité de
l'événement ".
Cet article transpose les principales
dispositions des articles 7 et 8 de la directive 94/56/CE.
Actuellement, seuls les accidents internationaux et ceux pour lesquels il est
estimé qu'un rapport apportera une valeur ajoutée, font l'objet
d'un rapport. Celui-ci est transmis aux services et entreprises
concernées, mais n'est rendu public qu'avec l'autorisation du ministre
des transports.
Le projet de loi rend le rapport d'enquête
systématique pour tout accident ou incident grave et impose sa
publication.
Le texte proposé pour le premier alinéa ne reprend pas la
distinction opérée par la directive entre
" les rapports
d'incidents "
dont elle précise qu'ils
" préservent l'anonymat des personnes impliquées dans
l'accident "
et
" les rapports d'accidents "
. Il
prévoit que les rapports de l'organisme permanent
" n'indiquent
pas le nom des personnes ".
La directive s'applique, en effet, à des dispositifs nationaux où
enquêtes judiciaires et enquêtes techniques sont parfois
étroitement imbriquées. Le dispositif français
prévoit, quant à lui, une séparation stricte entre la
procédure judiciaire, qui tend éventuellement à
dégager les responsabilités individuelles, et les
procédures techniques qui visent à établir des
recommandations de sécurité. Il apparaît donc
justifié, dans ce cadre, de préserver l'anonymat pour l'ensemble
des rapports techniques qui, comme le prévoit l'article 4 de la
directive,
" ne visent en aucun cas la détermination des fautes
ou des responsabilités ".
Il convient cependant d'observer que dans la pratique la préservation de
l'anonymat concernant des accidents connus est en partie illusoire. Ce type
d'accidents, aux conséquences souvent tragiques, fait l'objet d'une
large publicité, de sorte qu'il est aisé d'identifier les
personnes impliquées dans l'accident.
Le deuxième alinéa précise qu'avant la remise du rapport,
l'organisme permanent peut recueillir les observations des autorités,
entreprises et personnels intéressés. Cette disposition organise
la nécessaire consultation des parties intéressées. Il est
précisé que celles-ci sont tenues au secret professionnel en ce
qui concerne les éléments de cette consultation.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
TITRE IV
Dispositions pénales
CHAPITRE
UNIQUE
Article L.741-1 du code de l'aviation civile -
Manquement
à l'obligation de signaler un accident ou un incident
Cet
article introduit dans le code de l'aviation civile des sanctions
pénales à l'encontre des personnes qui ne portent pas à la
connaissance des autorités administratives un incident ou un
accident.
Le texte proposé par cet article prévoit des sanctions d'un an
d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende pour les personnes qui, de par
leur fonction, sont appelées à connaître d'un accident ou
d'un incident au sens de l'article L.711-1 et ne le signalent pas.
Dans la pratique, les accidents aériens passent à
l'évidence rarement inaperçus des autorités
administratives. Ce n'est pas le cas des incidents, qui lorsqu'ils n'ont pas de
conséquences notables, ne sont connus que des personnes
impliquées dans l'incident.
Selon les informations dont dispose votre rapporteur, sont ainsi visées
par ces dispositions les personnes chargées de l'exploitation, de la
conduite, de l'information et du contrôle des aéronefs.
Cet article vient compléter les dispositions incitatives prévues
par l'article L.722-2 visant à encourager les personnes à
signaler les incidents dans lesquels elles sont impliquées.
Votre commission a adopté à cet article un amendement de
coordination avec les modifications proposées à l'article
L.711-1.
Article L.741-2 du code de l'aviation civile -
Entraves à l'enquête technique
Cet
article introduit dans le code de l'aviation civile des sanctions pour entrave
à l'action de l'organisme permanent.
Le texte proposé par cet article prévoit que les personnes qui
s'opposent à l'exercice des missions dont sont chargés les
enquêteurs techniques ou refusent de leur communiquer les
enregistrements, les matériels, les renseignements et les documents
utiles en les dissimulant, en les altérant ou en les faisant
disparaître, sont passibles d'un an d'emprisonnement et de
100.000 francs d'amende. Ce dispositif complète ainsi les
dispositions des chapitres du titre II relatifs aux pouvoirs des
enquêteurs et à la préservation des éléments
de l'enquête.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article L.741-3 du code de l'aviation civile
Sanctions pénales applicables aux personnes morales
Cet
article prévoit que les personnes morales peuvent également
être pénalement responsables des infractions définies au
présent titre.
Le texte proposé par cet article prévoit que les personnes
morales peuvent être déclarées pénalement
responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du
code pénal, des infractions de manquement à l'obligation de
signaler un accident ou un incident ou pour entrave à l'enquête
technique.
Les peines prévues pour les personnes morales pour le compte desquelles
ces infractions ont été commises sont l'amende prévue
à l'article 131-38 du code pénal et les peines
mentionnées à l'article 131-39 du même code.
L'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal, dont le
taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les
personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction,
s'élève à 500.000 francs.
L'article 131-39, prévoit différentes catégories de
peines qui peuvent être notamment la dissolution, l'interdiction
définitive ou temporaire d'exercer une ou plusieurs activités, le
placement pour cinq ans sous surveillance judiciaire, la fermeture,
définitive ou temporaire, d'un ou plusieurs établissements,
l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de faire appel
publiquement à l'épargne, l'affichage ou la diffusion par presse
écrite ou audiovisuelle de la décision prononcée.
Le dernier alinéa de l'article L.741-3 précise que la peine
d'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans au plus, d'exercer directement une ou plusieurs activités
professionnelles ou sociale porte sur l'activité dans l'exercice, ou
à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article 2 -
Décret en Conseil d'Etat et
application aux territoires d'outre-mer
Cet
article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les
modalités d'application de la présente loi. Il précise
également que la loi sera applicable dans les territoires d'outre-mer et
dans la collectivité territoriale de Mayotte. Ces territoires
étant soumis à un régime de spécialité, il
convenait, en effet, pour que la loi y soit applicable, d'insérer une
mention explicite.
Votre commission a adopté cet article
sans modification.
*
* *
Sous réserve des amendements proposés, votre commission demande au Sénat d'adopter le projet de loi.