EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 15
Apurement du compte 427-9 " Ecart
d'intégration des dépôts CCP de l'ex-budget annexe des
PTT "
En
première lecture, le Sénat avait adopté, sans
modification, les dispositions du projet de loi portant règlement
définitif du budget de 1995, à l'exception de l'article 15
tendant à apurer une distorsion "comptable" apparue lors de la
clôture du budget annexe des PTT par l'article 65 de la loi de finances
pour 1991.
Notre Haute Assemblée avait en effet adopté un amendement,
présenté par notre collègue Yves Fréville, visant
à diminuer, à compter du 1
er
janvier 1996, le montant
des avoirs des comptes chèques postaux rémunérés
par l'Etat de 18,16 milliards de francs.
En effet, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en vue
du règlement du budget de l'exercice 1994, la Cour des comptes avait
relevé
" une importante anomalie "
au compte
427-Comptes au Trésor de la Poste, qui retrace la situation des avoirs
des comptes chèques postaux (CCP) que cette dernière est tenue de
déposer au Trésor. Un sous-compte 427-9 " Ecart
d'intégration des dépôts CCP, ex-budget annexe des
PTT " avait été ouvert en 1992 et débité, par
opérations successives, de 18,16 milliards de francs.
Concrètement, il est apparu un écart de 18,16 milliards de
francs entre le montant crédité dans les écritures du
Trésor au titre des dépôts des CCP, d'une part, et les
écritures de la Poste, d'autre part.
La Cour a estimé que cet écart de 18,16 milliards de francs
avait
" pour origine les pertes cumulées de la Poste sous le
régime du budget annexe : en l'absence d'une gestion distincte des
flux de trésorerie, des prélèvements sur les avoirs des
CCP ont été opérés, pour ce montant, pour couvrir
les besoins de financement courants de l'exploitation ".
Certes, sous le régime du budget annexe, la branche postale était
en déficit structurel, mais, comme le rappelait votre rapporteur
général lors de l'examen du présent article en
première lecture :
" Il n'est pas suffisant de
constater que la Poste était déficitaire : il faut savoir
dans quelles conditions il a été possible d'effectuer des
prélèvements sur les avoirs des comptes chèques postaux
sans porter atteinte aux garanties dont devraient bénéficier les
déposants ".
M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des
finances de l'Assemblée nationale, a estimé, lors de l'examen du
texte en deuxième lecture, le 3 décembre dernier, que
" le sujet soulevé par le Sénat ne pose pas
réellement problème ".
Votre rapporteur général ne partage pas ce jugement, car il
estime que les prélèvements effectués sur les avoirs des
comptes chèques postaux contreviennent à toutes les bonnes
règles comptables et budgétaires, en violation des garanties
légitimes dont devraient bénéficier les déposants.
Considérer l'écart d'intégration de 18,16 milliards de
francs comme une
" importante anomalie "
est donc par trop
réducteur.
Expliquant, à juste titre, que, en raison de l'écart de 18,16
milliards de francs analysé ci-dessus, l'" assiette " de la
rémunération par l'Etat du dépôt au Trésor
des fonds des CCP n'apparaissait pas dans son intégralité dans
les écritures du Trésor, M. Didier Migaud
conclut :
" Il semble que cette situation peu claire soit
à l'origine de l'amendement adopté par le
Sénat ".
La Haute Assemblée a, en effet, souhaité sanctionner le manque
de sincérité des comptes et de transparence budgétaire mis
en exergue par cette question.
Certains députés ont affirmé que le vote du Sénat
aurait de lourdes conséquences financières pour la Poste. Votre
commission est tout à fait consciente de la situation fragile de la
Poste et rappelle son attachement aux missions de service public qu'elle
remplit. Elle prend acte du choix opéré en 1991 de ne pas faire
supporter à la Poste, nouvel exploitant public autonome, le poids de
cette charge, qui aurait grevé son développement. Il n'est donc
pas exact d'affirmer que
" l'amendement revient sur un arbitrage
désormais ancien relatif au patrimoine d'origine de la Poste ".
Elle regrette toutefois que le Parlement soit appelé à se
prononcer sur cet arbitrage dans une loi de règlement, intervenant
plusieurs années après les faits, et sans que soit mis à
sa disposition tous les éléments permettant d'analyser ce qui
constituera, en réalité, une charge définitive de 18
milliards de francs pour l'Etat.
En effet, la démarche de la Haute Assemblée ne tend pas à
remettre en cause la solution comptable proposée par le présent
article, solution nécessaire et adéquate. La Poste n'est pas
responsable de la méthode utilisée pour apurer ses pertes :
l'Etat aurait dû faire son devoir d'actionnaire et les combler, tout en
réformant la gestion pour que de telles pertes ne se reproduisent pas.
En conséquence, le niveau des CCP n'aurait pas dû être
modifié.
En revanche, votre commission souhaite obtenir des explications aux
agissements constatés et qui, après plusieurs décennies,
ont abouti à l'apparition d'une perte de 18,16 milliards de francs.
Elle regrette que les débats, à l'Assemblée nationale,
soient restés très techniques et n'aient pas porté sur les
conditions dans lesquelles ont été opérés, sans
véritable contrôle et sans engagement de responsabilité,
les prélèvements sur les avoirs des CCP destinés à
financer le fonctionnement de la Poste.
Votre commission a souhaité attirer l'attention sur l'absence de
conclusion, autre que comptable, tirée de ces dysfonctionnements de
l'Etat. Remplissant ses prérogatives en matière de contrôle
de l'emploi des deniers publics, elle souhaite que de telles pratiques ne se
reproduisent pas.
A cet égard, elle observe que l'article 15 avait été
adopté sans débat à l'Assemblée nationale en
première lecture. Les propos de M. Didier Migaud lors de l'examen
de cet article en seconde lecture justifient a posteriori la position de
principe adoptée par le Sénat :
" Un tel
approfondissement de l'examen de ce type de projet peut être l'occasion
d'un meilleur contrôle parlementaire sur les finances publiques, qui
n'est certes pas à regretter ".
Les débats parlementaires ont fait apparaître que l'Etat ne
rémunère que les avoirs effectivement déposés
depuis 1992, c'est-à-dire peu de temps après que la Poste eut
l'obligation de déposer ses avoirs de comptes chèques postaux au
Trésor. Il convient, dès lors, de donner acte à la
solution comptable proposée par le présent article.
Décision de la commission : sous le bénéfice de
ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article dans sa
rédaction issue de l'Assemblée nationale.