B. UN CONTRAT À L'AVENIR INCERTAIN ENTRE L'AGRICULTURE ET LA SOCIÉTÉ
Votre
rapporteur est conscient que ce projet de loi a pour objectif de
réconcilier la société avec le monde agricole, trop
souvent accusé des pires maux. Malheureusement, certaines dispositions
fragilisent à terme cette " réconciliation ". Votre
rapporteur peut ainsi citer deux exemples symboliques :
- le trop grand flou des dispositions relatives aux CTE et à son
financement. Si le CTE constitue une idée intéressante, sa mise
en oeuvre peut s'avérer problématique. En effet, rien n'est dit
sur la pérennité du dispositif, la valeur du CTE... La question
de son financement présuppose, d'une part, l'instauration progressive
d'un cofinancement des aides communautaires et laisse planer le doute, d'autre
part, sur une éventuelle participation à terme des
collectivités locales. Outre le risque de faire imploser la PAC, votre
rapporteur est sûr que l'échec du CTE serait catastrophique non
seulement en termes économiques et financiers pour l'agriculture
française mais aussi en terme d'image pour le monde agricole ;
- le renforcement excessif du contrôle des structures peut
s'avérer contre-productif. Certes, l'occupation de notre territoire
nécessite un encouragement à l'installation qui passe notamment
par une surveillance des concentrations. Néanmoins, l'agriculture, qui a
déjà la réputation d'un secteur très
administré, ne doit pas renforcer cette image dans l'esprit du
public.
C. UNE DIMENSION STRATÉGIQUE QUI FAIT DÉFAUT
Ce texte
présente le défaut de ne pas prendre assez en compte la dimension
internationale et communautaire de la politique agricole.
L'une des ambitions majeures de ce texte d'orientation serait de
préparer le cadre nécessaire à l'ensemble du secteur
agricole pour les prochaines années afin de mieux anticiper sur les
évolutions de notre environnement.
Votre commission se félicite d'une meilleure prise en compte de
l'évolution de notre société. Néanmoins, le texte
qui nous est présenté oublie un objectif essentiel : relever
avec succès les défis à venir et notamment affirmer le
renforcement de la capacité exportatrice de notre agriculture.
Votre rapporteur considère, comme l'a indiqué le ministre de
l'agriculture, que le fait de fabriquer et exporter des produits agricoles
à haute valeur ajoutée est essentiel mais s'arrêter
là est une grave erreur tant sur le plan politique
qu'économique :
- en premier lieu, il n'est pas sain d'opposer les exportations de
produits bruts à celles des produits de haute valeur ajoutée.
Toute exportation de produit est à encourager et à valoriser.
Nier cette évidence, c'est faire fi de la réalité des
marchés agricoles : en effet, lors de chaque déplacement aux
Etats-Unis, nos partenaires commencent les discussions par évoquer
l'exportation de produits agricoles bruts. Souhaitons-nous nous retirer de ces
marchés ?
- en second lieu, face au développement dans de nombreux pays
d'industries agro-alimentaires, l'exportation de produits bruts peut
s'avérer déterminante dans les années à venir.
Cette absence de prise en compte de la dimension exportatrice de notre
agriculture s'accompagne d'un paradoxe inquiétant : en effet, alors
que les propositions du paquet Santer encouragent la
compétitivité de l'agriculture européenne,
prévoient une baisse généralisée des prix et font
la promotion de la conquête de marchés extérieurs, le
projet de loi vise à orienter l'agriculture vers des modes de production
plus soucieux de l'environnement et de la qualité des produits, et moins
axés sur la recherche de la productivité à tout prix et
organise une suradministration de l'agriculture française. Ainsi, le
renforcement du contrôle des structures et la mise en place à
terme de plusieurs milliers de contrats entre les agriculteurs et les pouvoirs
publics en constituent deux exemples.
Ces réserves conduisent votre rapporteur à proposer un certain
nombre de modifications.